La presse révèle que derrière le tag « l’amour court les rues » se cacheraient de sombres histoires…
Impossible de se balader dans les rues de Paris sans traverser un passage piéton tagué par « l’amour court les rues ». Cette phrase, aussi creuse que niaise, médiatisée en slogan néolibertaire et pacifique à la suite des attentats de Charlie Hebdo, résonne aujourd’hui différemment. Son auteur, un photographe et artiste de rue parisien, a encore frappé. Mais ce n’est plus d’un graff dont il s’agit. Par voie de presse, l’individu est accusé d’agression sexuelle, de harcèlement et de viol.
Le cupidon des rues
Le 22 juin, le site Néon.fr publie une enquête qui dévoile la face cachée du célèbre tag, en révélant que celui qui était surnommé le « cupidon des rues » serait en réalité… un violeur qui courait les rues. De nombreux témoignages de jeunes femmes (seize au total), toutes apprenties mannequins en quête de notoriété, expliquent à ce journal que l’artiste de rue ne dégainerait pas uniquement ses marqueurs…. Elles disent qu’il passait de son statut de tagueur à celui de violeur aussi rapidement qu’il inscrit son sempiternel graff sur nos trottoirs, nos murs et les encombrants de la rive droite de la capitale. Les faits remontent à 2009 et seraient survenus en plein cœur du Paris d’Amélie Poulain et des touristes : Montmartre.
À lire les récits traumatiques des jeunes victimes, le photographe, qui s’est également fait connaître à la fin des années 80 en réalisant la pochette de l’album Autentik de NTM, procédait toujours de la même façon : il repérait ses jeunes et naïves proies dans les rues qu’il inonde de ses gribouillages infantiles, ou en s’aidant d’Instagram, le réseau social créé pour starifier n’importe qui. Une fois abordées, il aurait joué de son statut pour proposer aux victimes de faire un shooting de mode chez lui. Aveuglées par leur désir narcissique, les victimes auraient vu la séance photo se transformer en scènes d’abus sexuel.
Un art de sauvages
En 2016, le street artiste se produisait à Deauville pour honorer de son graffiti les planches de la station balnéaire la plus huppée de la côte normande. À l’époque, on expliquait que son art urbain n’avait pas de limite et que « n’importe quoi pouvait prendre un coup d’amour indélébile ». L’écriture du tag ineffaçable ne symbolise-t-elle pas aussi la trace du crime qui marquera à tout jamais la vie de ces jeunes femmes ? À l’aune des faits révélés, tout ceci paraît tragique. Cette sordide affaire rappelle aussi la nature sauvage et rebelle de cet art, qui a toujours entretenu un rapport à l’illégalité à travers ses actes de vandalisme de rue.
Le monde du street art vient de connaître son affaire Weinstein.
Étonnamment, pas un seul #balancetonporc n’a enflammé Twitter avec le nom du prédateur présumé jeté en pâture. Pas une seule tribune enflammée de Caroline de Haas n’est venue dénoncer dans la presse de gauche l’emprise de la violence machiste sur le monde de l’art urbain. Pas un seul appel du collectif Nous Toutes n’a demandé de décaper au karcher tous les trottoirs souillés par le tag « l’amour court les rues » ! Le street art est-il devenu un art officiel?
Martelée par les associations féministes et l’Etat, l’idée selon laquelle la promiscuité a fait exploser les violences familiales ne repose sur aucun chiffre solide. Quoi qu’en dise Marlène Schiappa, le gouvernement le sait depuis le début.
On l’avait annoncé et c’est maintenant une certitude : pendant le confinement, les violences conjugales ont explosé. Dès la fin mars, Marlène Schiappa le disait sur Europe 1 : « En une semaine, il y a plus 32 % de signalements de violences conjugalesen zone gendarmerie et plus 36 % dans la zone de la préfecture de police de Paris. » Le 19 avril, en visioconférence sur BFM TV, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes donne des chiffres encore plus effrayants : « Les signalements augmentent, les plaintes augmentent. Sur la plate-forme arretonslesviolences.gouv.fr, qui est disponible 24 heures sur 24, les signalements ont été multipliés par cinq. » Sur l’écran, pendant qu’elle parle, on voit défiler ce titre choc : « Violences conjugales, l’enfer du confinement ».
Le problème est qu’à cette date, Marlène Schiappa ne dit pas la vérité, et qu’elle le sait. Chaque semaine depuis mi-mars, le ministère de l’Intérieur publie sa note « Interstats conjoncture ». Les violences conjugales n’existant pas comme catégorie statistique, à partir de la mi-avril, dans un louable souci de transparence, la note détaille les violences intrafamiliales (sur conjoints, concubins et parents, y compris les enfants de plus de 15 ans), ordinairement traitées pêle-mêle avec les autres violences aux personnes.
Or, c’est le point crucial, d’après Interstats conjoncture, les violences intrafamiliales n’ont pas augmenté pendant le confinement. La première semaine, elles ont franchement baissé. Elles se sont ensuite situées à un niveau certes trop élevé (plus de 2 000 affaires par semaine), mais tout à fait comparable à celui de la même période en 2019. Ce qui se cache derrière la « multiplication par cinq » des signalements est très simple : la plate-forme « Arrêtons les violences » et le numéro dédié 3919 étaient très peu connus. Le gouvernement a choisi de communiquer massivement autour d’eux, déclenchant une vague d’appels. Pendant la semaine du Grenelle des violences conjugales, déjà, en septembre 2019, le 3919 avait reçu trois fois plus d’appels qu’à l’ordinaire (5 766 contre 1 500 à 2 000 habituellement).
Les faits dûment constatés sont déjà un indicateur fragile, mais quel service de sécurité sérieux prendrait les « signalements » comme un thermomètre fiable ? Un accident de la route signalé par dix automobilistes ayant vu une voiture dans le ravin est-il égal à dix accidents et dix voitures dans le ravin ? Rappelons qu’en 2019, après huit ans de cavale, Xavier Dupont de Ligonnès était « signalé » à Glasgow…
Contactée par Causeur, la Préfecture de police de Paris se refuse à toute déclaration officielle. Un fonctionnaire affirme qu’il « ne commente pas la communication du gouvernement », mais confirme en off que les violences intrafamiliales ont baissé à Paris pendant le confinement ! « Il y a eu une hausse des signalements. Les appartements parisiens sont souvent mal insonorisés. Les gens étaient cloîtrés. Ils entendaient des disputes chez les voisins. Ils appelaient la police. » Les policiers se rendaient sur place et tombaient sur de banales querelles de ménage. Loyal, le fonctionnaire souligne que Marlène Schiappa a seulement parlé d’une hausse des « signalements » à Paris la première semaine. C’est exact pour sa première intervention sur le sujet fin mars, mais la secrétaire d’État a ensuite parlé d’une hausse des plaintes, voire d’une explosion, tout comme son collègue de l’Intérieur, Christophe Castaner.
Il faut saluer l’intégrité des statisticiens de la note Interstats conjoncture. Il y avait manifestement des points de carrière à marquer en torturant les chiffres, jusqu’à leur faire avouer la hausse des violences intrafamiliales annoncée.
Le préfet du Morbihan, Patrice Faure, a mieux senti le vent. Le 17 avril, il a interdit les ventes de spiritueux dans son département, invoquant une hausse des violences intrafamiliales sur fond d’alcoolisation… Onze jours plus tard, il abrogeait l’arrêté, affirmant avoir obtenu des résultats spectaculaires. Mais encore ? La préfecture du Morbihan, que nous avons contactée, ne fournit pas ses chiffres. Tout porte à croire qu’ils ne montrent ni une augmentation initiale des violences, ni une décrue nette suite à la prohibition (si c’était le cas, du reste, pourquoi autoriser à nouveau les alcools forts ?). L’arrêté a été pris simplement pour flatter les certitudes ministérielles.
Une idée s’est imposée, permettant de dépasser la contradiction. Les victimes, coincées par leurs bourreaux, n’osent pas se manifester
En réalité, il s’agit d’aller dans le sens du courant dans lequel sont emportés Christophe Castaner et Marlène Schiappa. Le gouvernement a été encouragé, aiguillonné et relayé par les associations de défense des femmes et par nombre d’élus locaux. Le 18 mai, Hélène Bidard, adjointe communiste à la Mairie de Paris chargée de l’égalité femmes-hommes, annonce sur Twitter une hausse de 32 % des subventions aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes (le montant global atteignant 500 000 euros en 2020), « dans un contexte de violences exacerbées avec le confinement » !
En avril, on voit fleurir sur Twitter un nouveau hashtag, #coronaviril. La pandémie aurait réveillé les pires instincts phallocrates. Il est relayé par la députée LFI Clémentine Autain, Manon Aubry, Aurore Lalucq, députée européenne Place publique, Claire Monod, coordinatrice nationale de Générations, etc.
Médias perplexes
Les médias, quant à eux, ont abondamment diffusé la thèse gouvernementale et associative de l’explosion des violences conjugales, entrecoupée de reportages de terrain qui la démentaient ! Fin mars, interrogés par France Inter, les parquets de Paris, Bobigny, Pontoise, Nanterre, Créteil, du Gard et de l’Oise ne constatent aucune augmentation des dossiers de violences conjugales depuis le début du confinement. Dans le Doubs, écrit L’Est républicain du 2 avril, « la police a enregistré trois fois moins de plaintes liées aux violences intrafamiliales qu’en mars dernier. Le constat est identique en zone gendarmerie ». Quant aux gendarmes du Nord, raconte France Bleu le 7 avril 2020, ils « n’ont pas constaté, pour le moment, de hausse des signalements de faits de violences conjugales ». Dans le Finistère, indique Ouest-France, elles sont en baisse en mars, en zones police et gendarmerie. Rien à signaler non plus à Dieppe, selon Paris-Normandie. Sur Bordeaux Métropole et Arcachon, lit-on sur Rue89 Bordeaux, les interventions de la police pour violences familiales sont en hausse de 25 % la première semaine du confinement par rapport aux semaines précédentes, mais les chiffres sont modestes : 55 interventions contre 44 en moyenne. Il faut chercher longtemps pour trouver une vraie explosion : plus 83 % de violences intrafamiliales dans la zone gendarmerie de Haute-Garonne sur la période allant du 17 mars au 5 avril, par rapport à la même période de 2019. Une hausse considérable, mais avec un bémol. II est question de moins d’une trentaine d’affaires.
Des victimes muettes ?
Une explosion des violences et une baisse des indicateurs… Une idée s’est imposée, permettant de dépasser la contradiction. Les victimes, coincées par leurs bourreaux, n’osent pas se manifester. Telle est la théorie avancée par Nice-Matin le 30 mars, sous le titre « Face à une baisse troublante des signalements pour violences conjugales, l’inquiétude grandit chez des professionnels ». Dans les Alpes-Maritimes, les appels mensuels pour violences intrafamiliales sont alors en recul de 20 % en zone gendarmerie et de 40 % en zone police par rapport à mars 2019.
Cette thèse de la parole muselée va resurgir à maintes reprises. Elle semble pleine de bon sens, mais le bon sens est parfois trompeur. L’impact du confinement ne doit pas être exagéré. Entre mi-mars et mi-mai, 25 % des actifs français sont allés au travail comme d’habitude. Pour une autre partie de la population, retraités vivant à la campagne, personnes travaillant toute l’année en couple ou à domicile, les mesures de distanciation sociale n’ont pas beaucoup changé la donne conjugale. Même chez les confinés purs et durs, le choc de la promiscuité est à relativiser. Chacun pouvait sortir une heure par jour, voire deux, entre les courses et la promenade, ce qui est largement suffisant pour passer un coup de fil ou se rendre au commissariat.
Le 15 mai encore, pourtant, l’enquête de la cellule investigation de France Inter évoque l’impossibilité de porter plainte pour expliquer l’information qui ne cadre pas avec le discours ambiant : pendant le confinement, une baisse de 20 % des plaintes pour violences intrafamiliales dans le Val-d’Oise par rapport à la même période 2019…
Quand ça monte, ça monte, et quand ça baisse, ça monte
Tout cela fleure franchement la statistique Shadock. Une hausse des indicateurs signifie une recrudescence des violences, une baisse aussi. Au motif qu’une association d’aide aux femmes du Havre, Avre 76, reçoit moins d’appels qu’à l’accoutumée, le gouvernement met en place des points d’accueil pour femmes battues dans certains supermarchés ! Elles ne peuvent pas sortir de chez elles, elles ne peuvent pas se rendre à la police ni passer un coup de fil, mais elles parleront dans des recoins de galeries marchandes. Sans surprise, ces points d’accueil semblent avoir connu un succès très mitigé.
Il est encore trop tôt pour dresser le bilan définitif de leur action, comme il est encore trop tôt pour savoir combien de femmes auraient dû porter plainte pendant le confinement et ne l’ont pas fait, pour diverses raisons. Il y en a sans doute eu, mais rien ne permet d’affirmer qu’elles ont été plus nombreuses que d’habitude.
Deux semaines après le retour partiel à la normale, une chose est sûre : l’« explosion » des violences faites aux femmes n’a pas eu lieu. On devrait se réjouir, mais c’est comme à regret que, le 20 mai, Marlène Schiappa elle-même a admis que, de mi-mars à mi-mai, le nombre de meurtres de femmes pourrait avoir baissé par rapport à la même période en 2019. Ou comment un gouvernement en vient à donner du bout des lèvres les nouvelles rassurantes. Rassurantes, du moins, quant à l’état réel des relations familiales dans notre pays. En ce qui concerne la capacité d’analyse et de recul des associations, en revanche, le constat est préoccupant. Quel est leur degré exact de compréhension du phénomène qui est leur raison d’être ? Depuis le Grenelle de septembre 2019, les forces de l’ordre ont été fortement incitées à se pencher sur les violences conjugales. Il y a eu des visites-mystères (une sorte de « testing ») pour jauger la qualité de l’accueil en commissariat. La gendarmerie a créé plusieurs brigades spécialisées début 2020. Bref, les conditions techniques d’une augmentation statistique étaient réunies, comme c’est toujours le cas quand on améliore les indicateurs.
Voici que des données fiables suggèrent que le confinement s’est traduit au contraire par une stabilité, voire une baisse, que personne n’a cherché à comprendre. Et si la violence du monde du travail, atténuée pendant quelques semaines, rejaillissait parfois sur la vie de famille ? Simple spéculation, mais l’idée d’une violence masculine atavique, massivement répandue, est-elle plus solide ? La sphère associative y croit. Elle donne le ton au politique. Ce dernier s’aperçoit-il seulement qu’il a enclenché la marche arrière conceptuelle ? Il y a un siècle et demi, socialistes et radicaux en lutte contre la misère humaine s’agaçaient du paternalisme condescendant des philanthropes qui cherchaient la racine du mal exclusivement dans la nature humaine et le remède dans les sermons. Pour les féministes d’aujourd’hui, tout le mal vient de la nature masculine et le remède est toujours dans les sermons. Marlène Schiappa veut-elle vraiment finir en dame patronnesse ? Causeur aurait aimé lui poser la question, mais, malgré plusieurs sollicitations, elle n’a pas trouvé le temps de répondre.
Les médias français ne vous les montrent pas, mais il faut bien les lire aussi…
L’annexion prévue par le gouvernement israélien des colonies juives en Cisjordanie prépare le monde à une énième vague des tensions au Proche-Orient, et partout ailleurs. Les déclarations politiques se multiplient, les juifs de la diaspora redoutent une nouvelle montée de l’antisémitisme, et la population arabo-musulmane déplore une nouvelle trahison de la part de la communauté internationale. Le risque d’une escalade militaire dans la région demeure important.
Pourtant, les cartes postales qui parviennent de cette partie du monde amènent aussi une autre vérité. La négliger serait aussi malhonnête qu’irresponsable. Et si pour une fois, nous changions le prisme médiatique qui voit les évènements israélo-arabes uniquement à travers les tirs des roquettes et les ripostes militaires de Tsahal?
Un autre regard
Parmi ces cartes postales, il y a celle d’Usayed, le bébé syrien opéré du cœur à l’hôpital de Tel-Aviv la semaine dernière. Venu avec son père en provenance du Chypre, où ils sont réfugiés depuis quelques années, Usayed fait partie des cinq mille enfants palestiniens, syriens ou irakiens, déjà soignés en Israël. Grâce au travail de l’organisation « Save a child’s heart », des diplomates des pays associés et des médecins israéliens. Si la planète a souvent vu les images des enfants morts dans cette partie du monde sous les balles aveugles des soldats et les couteaux des terroristes, celles des enfants arabes soignés dans les hôpitaux israéliens, elle ne les voit que beaucoup plus rarement.
Au mois de mai, le monde a également vu un avion de la compagnie nationale des Émirats Arabes Unis atterrir à l’aéroport Ben Gourion. Une première ! Cet évènement a marqué une nouvelle étape dans le rapprochement de deux pays, observé déjà depuis un certain temps, malgré les désaccords géopolitiques, y compris sur la question des colonies.
Des ouvertures
On pourrait rapprocher l’image de l’avion émirati sur le sol israélien à celle de la ministre de la Culture de l’État hébreu Miri Regev à la Grande mosquée d’Abou Dabi, il y a deux ans. Voir l’ancienne porte-parole de Tsahal et général de brigade, un foulard lui couvrant la tête, être reçue chaleureusement par les hauts responsables du pays du Golfe laissait déjà espérer que, même si la route est longue, la volonté de paix des pays jadis hostiles “par défaut” vis-a-vis d’Israël est bien réelle.
Le phénomène de la série télé saoudienne « Makhraj 7 » est également intéressant. Le programme a battu les records d’audience en Arabie Saoudite en plein ramadan et pendant le confinement. Il montrait les deux héros arabes, vêtus de costumes traditionnels, en train de discuter de l’intérêt de faire des affaires avec les Israéliens ! L’opinion publique n’a pas encore été convertie à l’amitié avec « l’envahisseur de la Palestine » et il y a eu beaucoup de réactions qui en attestent sur les réseaux sociaux, bien sûr. Mais le prince héritier Mohammed Ben Salmane, nouvel homme fort du royaume, imprime peu à peu sa vision géopolitique. Dans laquelle la place de l’ennemi est attribuée à l’Iran, et les alliés capables de tenir tête au régime chiite précieux.
Soixante-dix ans après la création de l’État juif, la normalisation des relations entre Israël et les pays qui l’entourent parait essentielle pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Son contexte exceptionnel nécessitera sans doute des décisions exceptionnelles. Les deux cotés le savent. Le temps des réactions à chaud et des vengeances stériles est peut-être révolu. En attendant la prochaine carte postale…
Les trois mousquetaires de l’humour en France avaient ceci en commun, en plus de disparaître dans la force de l’âge à quelques mois d’écart, d’être des mélomanes avertis pratiquant volontiers l’art difficile de l’humour vache en chantant.
Passionné d’opérette, Thierry Le Luron vocalisait même sur trois octaves. Sa voix de Stentor a longtemps crevé l’écran et éraflé les oreilles de nombreux hommes politiques. Capable de mystifier son auditoire avec ses seules qualités de chanteur, l’humoriste a beaucoup usé de l’art lyrique pour mieux ridiculiser ses cibles, le plus souvent avec férocité derrière ses allures d’enfant de chœur. D’ailleurs, il jouait de ce contraste saisissant avec une jubilation non feinte, n’hésitant pas à moquer le physique des vedettes du show-biz et des politiques dans des numéros de transformiste mémorables, même si Dalida – entre autres – a souffert de sa caricature leluronienne.
La guerre du joyeux Luron
Mais lorsque le jeune homme sortait les crocs en poussant la chansonnette, à heure de grande écoute, les ors de la République tremblaient. Ainsi, passé le court état de grâce socialiste de 1981-1982 avec l’abolition de la peine de mort et le lancement du minitel rose, il y eut le mémorable « L’emmerdant c’est la rose », parodie cinglante de « L’important c’est la rose » de Bécaud, entonnée en direct chez Drucker (avec en prime dans la vidéo ci-dessous une imitation succulente de Michel Polnareff) :
Puis, quelques mois plus tard, l’irrévérence chansonnière caractéristique de son style le conduisit à défroquer devant les caméras le Premier ministre en place, Laurent Fabius, toujours en prime time à la télé. Sous le règne de Mitterrand, Le Luron menait sa guerre des roses à lui :
Nos « humoristes » mélomanes d’aujourd’hui – parfois drôles, certes, dans leurs grands moments de tristitude oldelafienne – aiment aussi s’attaquer au pouvoir, surtout lorsqu’il se trouve à plus de 1 000 kilomètres du périphérique parisien, respectant ainsi scrupuleusement les consignes de distanciation sociale :
« Merci d’appuyer si bien là où ça fait mal », se gargarise l’animatrice Charline Vanhoenacker à la fin de cette séquence sans doute à l’origine du tremblement de terre de magnitude de 4,7 survenu en Italie en 2018. Tant d’irrévérence courageuse sur les ondes du service public prouve, s’il en était encore besoin, que la France est désormais bien plus Charline que Charlie. « Rigolez pas, c’est avec votre pognon », nous rappelait Coluche.
Desproges : ne pas céder au chant des sirènes
Pierre Desproges saluait déjà en son temps le courage de ces « artistes engagés qui osent critiquer Pinochet à moins de 10 000 kilomètres de Santiago. »
Comme Patrick Dewaere, Monsieur Cyclopède était un inconditionnel de Brassens : « Pour moi, c’est un modèle d’humanité. Il est arrivé très haut et très bien sans jamais se compromettre. Ni devant un public, ni devant les professionnels de ce métier. Il n’a jamais payé à bouffer à un mec pour avoir du succès. Beaucoup de gens de ce métier sont sales, se compromettent. » Tonton Georges lui avait-il insufflé la flamme de la chanson ? Car oui, Desproges s’est lui aussi essayé à l’exercice de l’art mineur selon Gainsbourg. Étonnant non ?, de la part d’un ardent contempteur du rock et de la variété : « J’aime pas les chanteurs, c’est simple, je comprends même pas qu’on chante », assurait-il en introduction de son sketch « Haute coiffure ». Pourtant, le poète humoriste aimait pousser la chansonnette – principalement dans le cadre familial -, poussant la contradiction maso jusqu’à enregistrer deux singles ultra collectors aujourd’hui : la comptine pour enfants « A bobo bébé » en 1977 et surtout « Ça, ça fait mal à l’ouvrier » en 1983, caustique en diable. Il est intéressant de constater que ce second 45 Tours est sorti l’année du tournant de la rigueur opéré par la gauche au pouvoir. Tout un symbole, « Ça, ça fait mal à l’ouvrier » sonne donc rétroactivement comme l’hymne en or massif du libéralisme triomphant et, par la même occasion, celui de la trahison historique du parti socialiste contre le peuple. Dommage que le Top 50 n’existait pas encore en 1983, on lui aurait bien fait une petite place dans le classement :
On imagine aisément, à l’écoute de ces vidéos de Le Luron et Desproges, que l’union sacrée préconisée par leurs homologues actuels au nom du « faire nation » contre le coronavirus, sous prétexte que ce n’était pas le moment de critiquer le gouvernement (ce n’est d’ailleurs jamais le moment), n’aurait reçu que peu d’écho chez nos deux artistes insoumis.
Pas plus chez Coluche sans doute.
Coluche : l’humour qui ne prend pas de gants
Le clown à la salopette rayée connaissait la musique, lui aussi. Ce fan de rock’n’roll (et de Georges Brassens) a d’ailleurs tenté sa chance dans plusieurs groupes, comme chanteur et guitariste, avant de brûler les planches du rire. Mais sa voix de précurseur punk n’a pas mené loin le futur blouson noir à la fin des années 60, même si le comique ne s’est jamais départi ensuite de sa gouaille chansonnière pour parer ses satires politico-sociales de ses plus beaux atours. Et au final, la partition que le restaurateur du cœur préférait jouer, c’était celle de l’andouille qui fait l’imbécile, à l’air libre, sous le soleil de Satan qui l’aveugla fatalement le 19 juin 1986. Au détour d’une route de campagne de l’arrière-pays cannois…
Ce soleil immonde, rancunier, Michel Colucci l’avait égratigné en toile de fond d’une chanson écrite pour son pote Renaud.
Aujourd’hui, Michel Polnareff vit encore aux USA. Et il est toujours inconnu là-bas.
L’hydroxychloriquine est notre nouveau schmilblick, tout aussi imprononçable.
Laurent Fabius est toujours rose.
Et les mêmes causes produisent les mêmes effets depuis au moins quarante ans. Ça, ça n’a pas finit de faire mal à l’ouvrier, d’autant que le roi soleil immonde continue de rayonner de tous ses feux incendiaires.
Le problème, c’est que Coluche, Desproges et Le Luron ne sont plus là pour nous déconfiner de nous-mêmes, notamment avec leurs chansons pour de rire, bien plus essentielles qu’elles n’y paraissent. Et probablement bien moins clownesques que certaines études publiées dans des revues scientifiques dites sérieuses.
A trois mois d’élections capitales, la Côte d’Ivoire est toujours suspendue au sort qui sera fait à Guillaume Soro. Les prochaines élections présidentielles qui se tiendront en octobre 2020 sentent déjà le souffre, tant le pays tout entier se demande si le pouvoir maintiendra ou invalidera la candidature de l’ancien premier Ministre et ancien président de l’Assemblée nationale. De cela, dépend l’avenir de la démocratie dans un pays qui était parvenu à se stabiliser jusque-là.
En poste entre 2007 et 2012 à la fonction de chef du gouvernement, puis de 2012 à 2019 à celle de la présidence de l’Assemblée, le candidat Soro prépare soigneusement sa campagne pour espérer devenir le successeur d’Alassane Ouatara afin de diriger la treizième puissance du continent africain. Seulement, depuis quelques mois, et une décision de justice de décembre 2019, son parcours a été semé d’embûches, pour certains organisé de toutes pièces, et pas des moindres : accusé de torture, d’assassinat et de crimes de guerre mais également de détournement de fonds et de blanchiment, l’ancien proche de Ouattara semble agacer depuis plusieurs mois dans l’entourage de l’actuel président qui tente de préparer soigneusement sa succession. Non sans rappeler les années Gbagbo, encore en prise lui-même avec la justice, cette actualité qui dépasse largement Soro, met en péril l’exercice démocratique à venir en Côte d’Ivoire. Elle questionne sur les actuelles manœuvres du pouvoir pour placer un proche du clan Ouattara afin de ne pas perdre totalement la main sur les richesses du pays, 91ème puissance mondiale.
Une justice suspecte
Condamné avant même d’être jugé et ce sans avocat, Guillaume Soro a été condamné à 20 ans de prison et 5 ans d’inéligibilité, ce qui compromet sacrément ses chances de remporter le prochain scrutin, alors qu’il fait partie des favoris pour prendre en main le destin de ce pays déjà largement traumatisé par des années de crise et de guerre. Personne au pays n’aspire à revivre de tels évènements dramatiques. Depuis cette condamnation par la justice ivoirienne, et afin de se donner encore toutes les chances de faire évoluer la situation et de revenir au pays par la voie royale, Guillaume Soro s’est réfugié en France afin de préparer sa riposte. Personne n’est certes au-dessus de la loi, mais le procès intenté contre Soro semble bien destiné à l’évincer définitivement de la course à la présidentielle.
C’est justement car Soro doutait fort de l’objectivité de la justice ivoirienne à l’heure actuelle, et le fait qu’il n’ait pu se défendre selon les règles d’usage d’un citoyen normal pouvant disposer d’un avocat, qu’il s’est retourné directement auprès de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples afin de contester cette décision. Et le 22 avril dernier, elle lui donna raison, en demandant à la justice de son pays de surseoir au mandat d’arrêt international contre Soro, afin de lui permettre de rentrer à Yamoussoukro en toute sécurité et pouvoir également assurer sa défense et poursuivre sa campagne. Mais elle demandait aussi la libération de ses 19 proches incarcérés en Côte d’Ivoire.
Le pays ne peut définitivement pas se permettre une nouvelle montée en puissance des tensions, avec un Guillaume Soro plus populaire que jamais, et dont le rejet de la candidature par le pouvoir, à quelques semaines seulement du scrutin, pourrait réveiller dans la population un profond sentiment d’injustice et de révolte. Plus le temps passe, et plus les Ivoiriens seront convaincus d’un complot ourdi contre lui. Après le coup d’État de 1999 et la guerre civile de 2002 qui dura huit longues années, le pays qui s’était à peu près jusque-là essayé au jeu de la démocratie pourrait renouer par la marginalisation de Soro avec la spirale de l’autoritarisme voire de la guerre. A ce jour, et ce malgré la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme, le candidat Soro n’est toujours pas rentré au pays, tant les gages donnés par le pouvoir ne semblent pas suffisants pour être certain qu’il puisse mener à bien sa défense et sa campagne jusqu’au bout. On a tendance à dire que si un seul pays ne respecte pas le droit international, le droit international n’existe plus, mais la Côte d’Ivoire doit pouvoir montrer l’exemple dans un continent ravagé par les crises, les dictatures, les appétits des puissances étrangères, et le déni de démocratie. C’était l’une de ses grandes fiertés jusque récemment.
La conquête de la mairie de Perpignan par Louis Aliot marque une rupture historique dans la géopolitique locale, dont la portée symbolique n’échappe à personne
La victoire de Louis Aliot scelle la fin de l’« alduysme » implanté depuis 1959 quand Paul Alduy – diplomate issu d’une vieille famille catalane – conquiert la paisible préfecture (75 000 hab.) des Pyrénées orientales (PO), active place commerciale du Roussillon, mais aujourd’hui sinistrée. En 60 ans, entre ces deux élections se déroule le drame d’une cité frappée, comme la France, par le déclassement économique, la perte d’identité et de stériles rivalités politiques.
Perpignan: le fief de la famille Alduy
Quand Alduy accueille en 1962 près de 17 000 rapatriés d’Algérie dans la cité, installés en partie dans le quartier flambant neuf du Moulin-à-Vent, conçu comme «leur seconde patrie», il attend en retour, et obtient, un «vote de gratitude» aux cantonales suivantes. Ainsi s’installe une gouvernance de la cité par un clientélisme électoral typiquement méditerranéen, étendu aux Gitans qui ont perdu leurs petits métiers et sombrent dans la pauvreté. Longtemps radical-socialiste, la ville penche peu à peu à droite, offrant plus de 12% de ses voix à Tixier Vignancourt aux Présidentielles de 1965 (5,2% en France). La population locale a absorbé maintes vagues migratoires – réfugiés espagnols de 1939 et travailleurs des années 1960, Algériens puis Marocains, tous vivant en assez bonne intelligence avec les Gitans, sédentarisés dans le quartier Saint-Jacques depuis 1940, et avec les natifs catalans : au marché Cassanyes, à la frontière des territoires maghrébin et gitan, ouvert à Noël, mais fermé pour l’Aïd et la saint Jordi, on parlait français, arabe, catalan, calo et espagnol dans la même phrase, et on se comprenait !
Le « système alduyste » repose sur l’octroi d’avantages (logements sociaux, «recommandations», emplois municipaux…) en échange d’une fidélité électorale, sous l’œil des tios [tooltips content= »tios : patriarches des grandes familles gitanes (pouvant compter 200 membres) »](1)[/tooltips] ; il profite en effet surtout aux Gitans – dont le vote peut faire basculer le canton-, et pour certains postes, aux gens du cru. La famille Alduy [tooltips content= »Paul Alduy (1914-2006) le père ; Jacqueline Alduy (1924-2016) son épouse, sénatrice-maire d’Amélie-les-Bains ; Jean-Paul Alduy, leur fils. »](2)[/tooltips] assoit ainsi son pouvoir, cumulant 229 années de mandats électoraux locaux et nationaux [tooltips content= »Mesure l’accaparement du pouvoir par élu, résultant du cumul de ses mandats : un député-maire « détient » ainsi 5+6=11 années de pouvoir. Autres exemples locaux : Jules Pams (1852-1930), radical-socialiste : 74 ans ; L-J. Grégory (1909-1982), SFIO-PS : 135 ans ! »](3)[/tooltips]. Dans le Midi, la politique est affaire de famille, sinon de clan, toujours de réseaux : peu étonnant dans les Pyrénées-Orientales, terre maçonnique depuis 1744. Pas en reste, la gauche édifie son contre-système clientéliste, installant après 1993 des permanences électorales dans le quartier Saint-Jacques, mais côté maghrébin ; une lutte mortifère pour la conquête des électorats minoritaires s’engage entre les deux pouvoirs, municipal et départemental.
L’adhésion de l’Espagne à la CEE (1986) accélère les crises viticole et fruitière ; les emplois dans l’agriculture sont divisés par deux ; les friches nées des primes d’arrachage sont livrées à la spéculation immobilière, qui capte les investissements au détriment du secteur productif, malgré l’existence de quelques ETI dynamiques. Cette économie de rente (tourisme, immobilier, BTP, transferts sociaux) aux antipodes de l’économie de connaissance alors émergente (mais la municipalité ignore son université) crée peu de richesses, tandis que ferme la principale usine (poupées Bella, 1 200 salariés) ; le chômage et la pauvreté s’installent : 32% de la population sous le seuil de pauvreté, 69% de foyers fiscaux non imposables, chômage explosif[tooltips content= »taux pour la commune, en 2016 : 25,4% (définition INSEE : actif 15-64 ans en recherche d’emploi inscrit ou non à Pôle emploi) ; pour la zone d’emploi (86 communes du Roussillon) : 13,4%, et pour le département : 13,3% (T4 2019). »](4)[/tooltips], 4e ville la plus inégalitaire, devant Béziers. Dans le même temps, le narcotrafic transfrontalier étend ses vénéneuses ramifications dans les cités HLM et chez les Gitans, sapant l’autorité des tios. La délinquance s’étend à toute la ville : incivilités, squats, rodéos et fusillades agrémentent le quotidien, jusqu’à nos jours.
Dans le vieux centre qui se délabre…
>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<
Ces derniers temps, l’organisation « Génération identitaire » fait beaucoup parler d’elle, entre l’affaire judiciaire de la mosquée de Poitiers et son action récente contre le racisme anti-blanc lors de la manifestation en soutien à Adama Traoré, le 13 juin. À 21 ans, Thaïs, l’une de ses militantes, confie à REACnROLL les motivations qui l’ont poussée à s’y investir. Elle indique également vouloir porter plainte contre Jean-Luc Mélenchon qui l’accuse d’avoir fait un salut nazi…
REACnROLL. «Génération identitaire», c’est quoi ? Thaïs. «Génération identitaire» est un mouvement de jeunesse qui compte plus de 4000 adhérents à ce jour. Nous sommes présents dans toutes les régions de France et dans d’autres pays d’Europe. C’est un mouvement qui souhaite défendre l’identité française et européenne contre l’immigration massive et l’islamisation.
Thaïs de #GénérationIdentitaire revient sur la banderole « Justice pour les victimes du racisme anti-blanc » qu’elle a déployée avec ses camarades lors de la manifestations du Comité #Adama le 13 juin à Paris.
La vidéo intégrale:
👉 https://bit.ly/2NFl3qK
Pourquoi cette action « coup de poing » ? Cela faisait des jours et des semaines qu’il y avait un matraquage médiatique autour de la famille Traoré, autour des violences policières, autour du mouvement « Black Lives Matter ». Cette soumission des politiques à cette famille de délinquants ou encore la culpabilisation constante du Français, de l’Européen, ou du Blanc était tout bonnement insupportable. Nous avons donc décidé, mes camarades et moi, de réclamer justice pour les victimes du racisme anti-blanc à la manifestation organisée par les Traoré pour pirater l’attention médiatique.
Pourquoi militez-vous à «Génération identitaire» ? Quand j’ai commencé mes études à Toulouse, j’ai pu observer des constats alarmants.
Quand je me rendais à l’université, je passais dans des quartiers où les personnes ne parlaient même pas français. Je me sentais en insécurité, je pressais le pas, je baissais la tête. Je savais que j’avais le risque de potentiellement me faire agresser parce que j’étais d’origine européenne. Un matin, alors que je me rendais à la faculté, j’étais l’une des seules d’origine européenne dans le métro. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Je me suis sentie étrangère dans mon propre pays, ce n’est pas normal.
>>> Voir l’intégralité du témoignage sur RNR.tv <<<
Les élections se suivent et se ressemblent, entre explosion de l’abstention et banc d’essai de partis, sitôt adoubés, sitôt rejetés. Ainsi, après que l’envol du parti du président ait provoqué l’admiration de tous, nous assistons aujourd’hui à la déculottée de LREM et à l’épiphanie d’EELV. Une analyse de Céline Pina.
Avec un taux de participation de 41,6%, le premier enseignement à tirer de ces municipales, c’est que notre démocratie n’est plus en danger: elle a commencé son déclin.
Certes, ce scrutin se tenait dans des conditions particulières, mais les tendances à la baisse de la participation s’observent quelle que soit l’élection et s’accentuent avec le temps. Les municipales ne sont plus le dernier rempart d’une démocratie vivante, trouvant dans la proximité une forme de régénération. Au vu du peu de voix qu’il faut aujourd’hui pour gagner cette élection et s’installer dans le fauteuil de maire, nombre de nouveaux élus peinent à rassembler et à représenter ne serait-ce qu’une minorité significative de leur ville. Ce fait est particulièrement marquant dans les villes populaires. À Stains par exemple, il suffit de 2 749 voix pour diriger une ville de 36 365 habitants, comptant 16 996 inscrits sur la liste électorale. À Cergy, il suffit de 4 156 voix pour devenir maire d’une ville de 61 708 habitants comptant 31 781 inscrits. À Goussainville, 31 212 habitants pour 16 433 inscrits, il a suffi de 2 869 voix pour remporter la mairie. À ce niveau de participation, aucun maire, bon ou mauvais, n’est vraiment légitime. Quand presque 60% des électeurs ne se déplacent pas, on ne peut sans doute pas expliquer ce qu’ils auraient voté, mais on est sûr que l’offre politique ne leur convient pas. Quand élection après élection, une majorité de personnes ne peuvent voter faute d’avoir un seul candidat susceptible de les représenter, alors on n’est plus vraiment en démocratie.
Désordres
Pour autant, soirées électorales après soirées électorales, entendre les politiques déplorer cet état de fait fait sourire. Pour avoir passé plus de 25 ans dans ce milieu, la vérité est que cela simplifie terriblement la conquête du pouvoir et que cela arrange beaucoup trop d’élus.
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite
Les batailles se font entre deux camps de convaincus ou d’afficionados, ne reste plus que le clientélisme pour amener les voix supplémentaires qui feront basculer l’élection. Et il n’en faut pas beaucoup pour faire la différence quand la participation est aussi faible. Cela aboutit à concentrer ses efforts sur la satisfaction de sa clientèle, au détriment de l’intérêt général, sans que cela ne soit sanctionné puisque la majorité est déjà hors du jeu politique…
Comme le fait que vous soyez bien ou mal élu n’a aucune conséquence pratique en termes d’exercice du pouvoir, vous jouirez quand même de toutes les prérogatives de l’élection. Votre légitimité est douteuse mais votre pouvoir n’en est pas amoindri.
Les actes des collectivités locales sont très peu et très mal contrôlés. Le contrôle de légalité a été dégarni dans les préfectures et depuis que le contrôle est passé de a priori à a posteriori, les budgets peuvent susciter bien des convoitises. Alors que tout le monde surveille comme du lait sur le feu des députés dont les possibilités de détournement d’argent sont limitées, la manne financière qui passe entre les mains d’élus des collectivités locales est très peu contrôlée. Et ce alors que des projets de constructions et d’aménagements urbains se chiffrent en millions d’euros voire en dizaines de millions. Bref mettre une ville sous coupe réglée est possible en France et le niveau de corruption peut atteindre des sommets avant que quiconque ne songe à regarder de plus près. Heureusement que la plupart de nos élus sont honnêtes, mais pour ceux qui ne le sont pas, la tentation peut être forte et l’espoir d’échapper à toute sanction, réel.
Prendre le pouvoir dans une collectivité locale peut donc se révéler une manne. Ces réalités ne datent pas d’hier et ont abîmé notre rapport à la politique et aux politiques. Le fait d’accepter que des personnes extrêmement mal élues exercent le pouvoir ne semble pas avoir trop d’effet au début ; jusqu’au moment où la faiblesse de légitimité empêche tout exercice d’autorité et justifie tous les désordres. Nous avons atteint ce stade au niveau national où un président mal élu et contesté, finit par porter préjudice aux institutions censées incarner la stabilité, au point que sa propre police dépose symboliquement les menottes.
Parler aux 60% d’abstentionnistes devient un enjeu
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite. En ajoutant une condition incontournable : l’obligation de changer les candidats puisque les premiers étaient tellement peu représentatifs qu’aucune majorité n’a souhaité les départager.
Quant à la vague verte, elle raconte surtout la paresse intellectuelle de nombre de nos représentants quand il s’agit de comprendre notre pays. Il fallait voir la plupart des politiques invités à débattre des résultats sur les plateaux télé se repeindre à l’écologie, alors que tout cela n’est que poudre aux yeux. Qu’il y ait nécessité de prendre conscience que la survie de l’homme passe par le respect de la planète qu’il habite n’est pas contestable. Que cela conduise à plébisciter un mouvement passablement sectaire, très dogmatique et qui n’a aucun bilan alors qu’il a fait partie de nombre de gouvernements, est plus étonnant.
La principale motivation du vote EELV est qu’il est gratifiant et ne représente aucun risque social, là où voter pour la plupart des partis vous vaut des accusations de traîtrise ou de naïveté. La plupart des électeurs votent écologistes car c’est un vote sans risque ni engagement, dont ils n’ont pas à rendre compte. Ils votent petits oiseaux et jolies fleurs, cela les met d’emblée dans le camp du bien. Personne ne demande de justifier ce type de vote. L’écologie a effacé la réalité d’un parti dogmatique qui s’est toujours abîmé dans les querelles de personnes et les polémiques stériles, qui a toujours voulu des postes, mais n’en a pas fait grand-chose. Le problème est que ce type de succès est bâti sur du sable. Dès que le vent souffle et que la pratique du pouvoir montre la réalité des hommes, les soutiens disparaissent plus vite qu’ils ne sont venus et les votes se détournent durablement.
Un vote passablement cucul
Le vote vert est matériellement très surestimé également : si sur les villes de plus de 100 000 habitants, 7 villes sont entre les mains d’EELV, 16 sont tombées dans l’escarcelle de la gauche, 15 à droite, 2 majorité présidentielle et 1 a basculé RN. Quand on passe aux villes de 20 000 habitants, sur 454, 261 sont à droite, 149 à gauche, 21 majorité présidentielle, 12 à EELV et 6 au RN. Le vote vert est et demeure un vote urbain, de bobo où le rapport à la nature est fantasmé et passablement cucul, il ne passe dans la France rurale et périphérique, chez ceux qui vivent et connaissent la nature. Cela devrait calmer les ardeurs de ceux qui veulent déjà se convertir à la logorrhée EELV. Ce discours anxiogène et punitif, ayant de l’humanité une vision négative au point d’alimenter des discours sur la collapsologie n’est sans doute pas le plus approprié pour reconstruire une société politique.
Voilà pourquoi le vote écologiste ne sauvera pas la gauche. Elle devra faire le travail de clarification idéologique qu’elle refuse. En attendant les écolos sont moins une chance pour la planète que pour toute la clique d’extrême-gauche, islamistes, indigénistes, décoloniaux, racistes qui se revendiquent antiracistes… Le vert d’EELV ayant souvent servi de cheval de Troie à un vert bien plus religieux. Pour avoir eu l’occasion de fréquenter leurs leaders au Conseil régional d’Ile-de-France, à de rares exceptions, nombre d’élus cumulent dogmatisme et incompétence. À Grenoble, la gestion désastreuse d’Eric Piolle en est un parfait exemple. Grenoble explose sous le poids de la dette et de l’insécurité et a fait parler d’elle quand pour imposer le burkini à la piscine, des membres de la nébuleuse islamiste ont organisé des opérations d’agitprop sans que le maire n’y trouve rien à redire. Il faut dire qu’il a souvent soutenu les initiatives du CCIF, autre organisation proche des islamistes.
Les alliances entre les Verts et ces milieux s’illustrent également à Strasbourg où les
électeurs ont porté Jeanne Barseghian, tête de liste « Strasbourg écologiste et citoyenne » à la victoire avec 41,7% des voix. Mais ils ont donné leur bulletin de vote, et leur caution, aux femmes voilées de la liste EELV. À Rennes, la liste EELV de Mathieu Theurier et Priscilia Zamord du premier tour n’a jamais caché sa sympathie pour des thèses comme le « privilège blanc ». Comme le rappelle la candidate LREM Carole Gandon avant le second tour, « Priscillia Zamord parle d’écologie décoloniale et motive sa candidature par le désir que les “femmes non blanches” ou des “personnes racisées” exercent des responsabilités. » Et EELV, comme de nombreux partis de gauche, ont défilé à la « marche contre l’islamophobie » en novembre 2019. Ils répondaient ainsi à l’appel du CCIF et ont pu défiler aux côtés de militants scandant « Allah Akbar ». Cet affichage ne lui a pas fait gagner beaucoup de voix dans les quartiers populaires. Qu’importe, c’est aussi ça EELV !
La vague verte n’est ni un espoir pour l’avenir, ni pour la France. Après LREM, c’est un nouveau leurre pour l’électeur de gauche.
Le tandem Macron-Merkel promet des sommes faramineuses pour relancer l’économie européenne. Mais de la mutualisation des dettes à la relocalisation des industries clés, trop de questions restent dangereusement en suspens.
Le couple franco-allemand n’est pas mort, il bouge encore.
L’annonce conjointe d’un plan de « relance » de 500 milliards d’euros par Emmanuel Macron et Angela Merkel, déjà qualifié d’accord du siècle par quelques journalistes en mal de sensationnalisme, a redonné corps à l’idée du tandem franco-allemand, qui avait été un thème central de la campagne de Jupiter en 2017. Depuis, les demandes réitérées de l’Élysée pour avancer plus loin et plus profondément dans l’intégration européenne se sont heurtées aux « nein » sereins de la Chancellerie de Berlin.
Mais voici que l’Allemagne vient à résipiscence, alors même que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vient, dans son arrêt du 5 mai, de réaffirmer son credo politique, la souveraineté allemande, et son credo économique, l’interdit qui frappe le financement monétaire des dettes publiques. Et quelques jours à peine après le refus opposé par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et l’Autriche, autrement dit par l’Europe du Nord, aux appels au secours de l’Europe du Sud, soutenus par la France. L’Europe du Nord ne voulait pas des « coronabonds » émis dans le cadre d’un plan de soutien avec le bénéfice d’une mutualisation des dettes qui sous-entend que les pays solvables se portent garants des pays insolvables.
Macron et Merkel font à nouveau rouler les dés sur la table. Ils ont ainsi marqué leur préoccupation grandissante sur le sort de l’euro et de la « construction » européenne. Les chiffres disent que les économies s’effondrent et les perspectives d’un rétablissement sont reportées aux calendes grecques. Et ce, malgré les centaines de milliards de dettes nouvelles consenties par les États pour parer à l’urgence sanitaire, économique et sociale. Ils proposent une relance dotée de 500 milliards d’euros. Cependant, la mutualisation des dettes émises par les États pour constituer ce fond reste en débat.
Mon propos n’est pas de spéculer sur les motifs politiques qui ont conduit l’Allemagne à accepter le principe de ce plan. Qu’il s’agisse d’effacer l’affront fait aux pays du Sud, qui a traumatisé nos voisins, ou de voler au secours d’un président français affaibli par sa gestion de la crise sanitaire, qu’importe ! Que faut-il penser de ce plan ? Et d’abord, que faut-il penser des efforts coûteux consentis depuis l’entrée en scène du coronavirus ?
Une dette à l’état pur
Dans l’ensemble de l’espace européen, les États ont paré au plus pressé. Il s’agissait, ni plus ni moins, de faire face aux déficits supplémentaires creusés dans les comptes publics par la chute de la production, des revenus et des recettes fiscales et sociales, ainsi qu’aux dépenses sanitaires liées à la pandémie. Rien de « keynésien » dans cette politique entièrement contrainte par les circonstances. Une politique keynésienne passerait par des investissements dans les infrastructures, des incitations à l’investissement privé ou des allègements fiscaux ciblés sur les classes moyennes.
La mesure essentielle a consisté à financer l’indemnisation d’un chômage partiel de masse : il a concerné 12 millions de personnes, pour un coût estimé à 25 milliards d’euros par Bercy, mais à 58 milliards par la commission des finances de l’Assemblée. Cette mesure, inévitable, a eu deux effets : premièrement, elle a soutenu la consommation des chômeurs indemnisés et de leurs familles ; deuxièmement, elle a préservé d’innombrables unités de production qui auraient, sans elle, basculé dans le néant. On voit a contrario l’intérêt du chômage partiel tel qu’il est pratiqué en Europe quand on compare la situation américaine où les entrées au chômage définitif ont explosé.
Le plan franco-allemand se présente sous d’autres atours. Il prétend explicitement favoriser une « relance » économique par des investissements publics à caractère sanitaire et écologique tout en venant au secours des grandes entreprises et des secteurs en difficulté ou en détresse comme l’automobile, l’aéronautique et le transport aérien, voire l’hôtellerie-restauration, l’édition ou la librairie.
Il n’est plus question que de « souveraineté » économique, formule qui écorchait la langue il y a quatre mois encore et que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de responsables qui voulaient privatiser Aéroport de Paris
Pourquoi pas ? Mais il faudra attendre les précisions qui seront sûrement apportées après l’adoption définitive de la proposition – nous partons du principe qu’elle le sera. Car autant elle séduit par son volontarisme, autant elle conduit à s’interroger sur sa faisabilité au regard des règles européennes de la concurrence loyale et non faussée qui figurent dans le livre saint de Bruxelles.
Deux points doivent être examinés. Le premier est celui de la nature de l’aide : prêt ou subvention ? Le prêt serait admissible, sous réserve du bon emploi des sommes. Mais quid des subventions ou des dotations au capital habituellement proscrites par Bruxelles ? Le second est celui du bénéficiaire. Car le soutien revient à privilégier un acteur, donc un ou plusieurs États, donc à « fausser » la concurrence.
Pour illustrer notre propos, un soutien européen à Airbus ne rencontrerait pas d’obstacle majeur dès lors que ses concurrents sont américains. Il n’en irait pas de même pour Air France et Renault qui sont dans une passe ô combien difficile. Car il ne faut pas rêver à un rétablissement des liaisons aériennes ni à un redémarrage puissant du secteur automobile, dont tous les grands marchés se sont effondrés, y compris le chinois.
Et quid de la relocalisation et de l’emploi ?
Les tartuffes battent à nouveau la campagne. Il n’est plus question que de « souveraineté » économique, formule qui écorchait la langue il y a quatre mois encore et que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de responsables qui voulaient privatiser Aéroport de Paris et céder Alstom Transports à Siemens après avoir bradé Technip et Alstom Énergie.
En ce cas, de quoi parlent Macron et Merkel ? Sans doute de souveraineté sanitaire. Les médicaments et les équipements hospitaliers seront à nouveau réalisés en Europe, mais plutôt, n’est-ce pas, dans les pays à bas coût de l’Union. On imagine mal en revanche que l’automobile, la mécanique et plus encore les aciéries soient rapatriées sur le Vieux Continent. D’ailleurs, notre ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, l’a dit : « Pour l’industrie, c’est fini. » Ce qui signifie dans son esprit que c’en est fini pour l’industrie française ! Raffarin est un servant du libre-échange mondial et un militant de cette Europe « fantôme » dénoncée par Régis Debray. Il l’a montré durant son passage à Matignon et, depuis, il ne cesse de plaider dans ce sens, nonobstant les crises alarmantes de 2008 et 2010.
Ce qui est en jeu, dans ce vaste jeu d’ombres, c’est le pouvoir stratégique des managers. Ils ont œuvré au libre-échange mondial sous la tutelle explicite des grands actionnaires de la bourse. Une relocalisation de grande ampleur suppose, premièrement, que la tutelle financière se relâche et, deuxièmement, que les managers acceptent le retour de l’activité dans les pays à coût élevé, tout le contraire de ce qui s’est fait depuis trente ans. Peuvent-ils se renier après avoir défendu et illustré la création de valeur pour l’actionnaire appuyée sur une délocalisation pratiquée sans états d’âme ?
Enfin, quels seront les effets du plan européen sur l’emploi ? Renault, un bénéficiaire potentiel du soutien, prépare d’ores et déjà un allègement d’effectifs sur ses sites français, peut-être nécessaire du point de vue de la gestion, mais qui se heurte frontalement au principe d’un soutien public. Et bien d’autres groupes fourbissent leurs propres plans sociaux. Ce qui nous promet un climat social encore plus délétère. La rentrée sociale sera chaude bouillante !
Ultime observation. Gardons à l’esprit, par-dessus tout, que la « relance » massive se fera au prix d’un endettement nouveau qui pourrait passer un seuil critique. Dès lors, la question est de savoir quel sera le retour sur investissement des dépenses nouvelles. Pour que les 500 milliards de dettes rapportent plus que ce montant, il faudrait qu’ils soient assortis d’une relocalisation de grande ampleur. Autant dire que ce n’est pas gagné.
Un peu partout en France, on déboulonne les statues. Comment se fait-il que, dans la ville de Dijon, la statue de Jean-Philippe Rameau soit toujours debout ? Rameau, le raciste, avec ses Indes Galantes ? Lors de l’affrontement de bandes, tchétchène et ottomane, j’écoutais l’air de La danse dite des Sauvages, longtemps l’indicatif d’une émission de Radio Classique. Je relisais, dans la République des Lettres, le chapitre que Marc Fumaroli consacre à Dijon et au président de Brosses, quand on annonça la mort de l’Académicien. En écrivant cet article, j’entends rendre un hommage modeste à Marc Fumaroli, à travers quelques figures marquantes de cette ville de Dijon qui fut, à tous égards, représentative de la République des Lettres que l’Académicien habita toute sa vie.
À moins d’être un Barbare, Jean-Philippe Rameau, natif de Dijon, est impossible à déboulonner. Persuadé de la convergence entre les sciences et les arts, il fonde sa musique sur les règles rigoureuses de l’harmonie. Le résultat ? Des œuvres – pas seulement les Indes Galantes – surprenantes de jeunesse et d’humour qui respirent le bonheur. Le Président de Brosses, lui, est un juriste, un historien et un mélomane éminents. Fils d’une grande famille parlementaire de Bourgogne, ses amis sont le président Bouhier, Diderot et Voltaire, et surtout Buffon, l’ami intime. Avant leur brouille, Voltaire, « le philosophe papillon », qui mettra des bâtons dans les roues à l’entrée, à l’Académie, de Charles de Brosses, disait de son ami qu’il était « fils de cette ville de Dijon où le mérite de l’esprit semble être un des caractères des citoyens. » C’est de Brosses, en effet, qui rédigera l’article Gamme dans l’Encyclopédie. C’est de Brosses qui, lors de son voyage en Italie, en achetant, de ses deniers, la première édition de la Serva Padrona de Pergolèse, introduira, en France, la musique italienne. C’est également à de Brosses que l’on doit la paternité des noms Polynésie et Australasie. Quant à François Rude, l’auteur du haut-relief, la Marseillaise, placé sous l’Arc de Triomphe, est représenté, dans un jardin de sa ville natale, tenant une petite Marianne dans la main. Espérons qu’il ne lui arrive rien. Dijon, c’est enfin la moutarde qui nous monte au nez en ce moment. Si la moutarde remonte au XVIème siècle et qu’elle n’est pas certifiée d’origine protégée, c’est bien une famille dijonnaise du XVIIIème siècle, les Naigeon, qui lui donna ses lettres de noblesse. On me dit de ne pas oublier le kir dont Dijon s’enorgueillit, du nom du chanoine Kir.
Né à Marseille, Marc Fumaroli, consacre, dans La République des Lettres, un chapitre au président de Brosses, au joyau que sont « Les Lettres familières d’Italie » écrites en 1739, « au style abondant et vivace. » Les modernes Descartes et Fontenelle auraient-ils fait, dans l’esprit de Brosses, le voyage en Italie ? « Leur esprit d’analyse n’avait cure de la mémoire, de la culture littéraire et gratuite. » De Brosses, lui, scientifique et juriste, humaniste et érudit, unit à un savoir immense un charme badin. Fumaroli compare le « je » de ses lettres à celui de Montaigne, « ouvert à l’enthousiasme comme à l’ironie… pour qui la littérature, c’est d’abord cette ruche d’abeilles lettrées où il peut être lui-même heureux, avant de convier son lecteur à partager avec lui son gâteau de miel ». Qui le connaît, à présent, ce grand magistrat et ce polygraphe qui alla, sur les pas de Salluste et enquêta, in situ, sur une ville, enfouie sous les cendres du Vésuve ? Ces lettres italiennes que Marc Fumaroli préfaça, aux éditions André Versaille éditeur, on y apprend mille choses, sous une plume curieuse, vive, ironique : elles ont un charme inégalé que n’ont pas les voyages convenus des contemporains. À notre époque, la scission est consommée entre sciences et littérature : les « sciences humaines » règnent en maître.
La République des Lettres a-t-elle disparu ?
Avec l’Encyclopédie, dit Marc Fumaroli, une ère nouvelle s’ouvrait où « la liberté de ton du président de Brosses et l’esprit d’indépendance n’auraient pas été admises. C’est le temps où tout le monde s’oppose à tout le monde : le roi aux parlements, la cour aux philosophes. De cette République, Voltaire lui-même fait « un parti d’opposition et de combat ». On dirait à présent que tout est politisé. Belle leçon de modernité !
« Et in Arcadia ego. » Marc Fumaroli aura une place à son nom, comme Jacqueline de Romilly en a une, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, devant le café, enfin réouvert : « La Méthode ». Mais les commémorations ne consolent pas. A-t-elle disparu, cette société de savants lettrés dont Marc Fumaroli a fait partie ? Non pas « ce petit échiquier parisien », avec ses centaines de romans ou d’essais annuels, mais cette République des Lettres, européenne, cultivée, érudite sans pédanterie, éprise et jalouse de liberté ?
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La presse révèle que derrière le tag « l’amour court les rues » se cacheraient de sombres histoires…
Impossible de se balader dans les rues de Paris sans traverser un passage piéton tagué par « l’amour court les rues ». Cette phrase, aussi creuse que niaise, médiatisée en slogan néolibertaire et pacifique à la suite des attentats de Charlie Hebdo, résonne aujourd’hui différemment. Son auteur, un photographe et artiste de rue parisien, a encore frappé. Mais ce n’est plus d’un graff dont il s’agit. Par voie de presse, l’individu est accusé d’agression sexuelle, de harcèlement et de viol.
Le cupidon des rues
Le 22 juin, le site Néon.fr publie une enquête qui dévoile la face cachée du célèbre tag, en révélant que celui qui était surnommé le « cupidon des rues » serait en réalité… un violeur qui courait les rues. De nombreux témoignages de jeunes femmes (seize au total), toutes apprenties mannequins en quête de notoriété, expliquent à ce journal que l’artiste de rue ne dégainerait pas uniquement ses marqueurs…. Elles disent qu’il passait de son statut de tagueur à celui de violeur aussi rapidement qu’il inscrit son sempiternel graff sur nos trottoirs, nos murs et les encombrants de la rive droite de la capitale. Les faits remontent à 2009 et seraient survenus en plein cœur du Paris d’Amélie Poulain et des touristes : Montmartre.
À lire les récits traumatiques des jeunes victimes, le photographe, qui s’est également fait connaître à la fin des années 80 en réalisant la pochette de l’album Autentik de NTM, procédait toujours de la même façon : il repérait ses jeunes et naïves proies dans les rues qu’il inonde de ses gribouillages infantiles, ou en s’aidant d’Instagram, le réseau social créé pour starifier n’importe qui. Une fois abordées, il aurait joué de son statut pour proposer aux victimes de faire un shooting de mode chez lui. Aveuglées par leur désir narcissique, les victimes auraient vu la séance photo se transformer en scènes d’abus sexuel.
Un art de sauvages
En 2016, le street artiste se produisait à Deauville pour honorer de son graffiti les planches de la station balnéaire la plus huppée de la côte normande. À l’époque, on expliquait que son art urbain n’avait pas de limite et que « n’importe quoi pouvait prendre un coup d’amour indélébile ». L’écriture du tag ineffaçable ne symbolise-t-elle pas aussi la trace du crime qui marquera à tout jamais la vie de ces jeunes femmes ? À l’aune des faits révélés, tout ceci paraît tragique. Cette sordide affaire rappelle aussi la nature sauvage et rebelle de cet art, qui a toujours entretenu un rapport à l’illégalité à travers ses actes de vandalisme de rue.
Le monde du street art vient de connaître son affaire Weinstein.
Étonnamment, pas un seul #balancetonporc n’a enflammé Twitter avec le nom du prédateur présumé jeté en pâture. Pas une seule tribune enflammée de Caroline de Haas n’est venue dénoncer dans la presse de gauche l’emprise de la violence machiste sur le monde de l’art urbain. Pas un seul appel du collectif Nous Toutes n’a demandé de décaper au karcher tous les trottoirs souillés par le tag « l’amour court les rues » ! Le street art est-il devenu un art officiel?
Martelée par les associations féministes et l’Etat, l’idée selon laquelle la promiscuité a fait exploser les violences familiales ne repose sur aucun chiffre solide. Quoi qu’en dise Marlène Schiappa, le gouvernement le sait depuis le début.
On l’avait annoncé et c’est maintenant une certitude : pendant le confinement, les violences conjugales ont explosé. Dès la fin mars, Marlène Schiappa le disait sur Europe 1 : « En une semaine, il y a plus 32 % de signalements de violences conjugalesen zone gendarmerie et plus 36 % dans la zone de la préfecture de police de Paris. » Le 19 avril, en visioconférence sur BFM TV, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes donne des chiffres encore plus effrayants : « Les signalements augmentent, les plaintes augmentent. Sur la plate-forme arretonslesviolences.gouv.fr, qui est disponible 24 heures sur 24, les signalements ont été multipliés par cinq. » Sur l’écran, pendant qu’elle parle, on voit défiler ce titre choc : « Violences conjugales, l’enfer du confinement ».
Le problème est qu’à cette date, Marlène Schiappa ne dit pas la vérité, et qu’elle le sait. Chaque semaine depuis mi-mars, le ministère de l’Intérieur publie sa note « Interstats conjoncture ». Les violences conjugales n’existant pas comme catégorie statistique, à partir de la mi-avril, dans un louable souci de transparence, la note détaille les violences intrafamiliales (sur conjoints, concubins et parents, y compris les enfants de plus de 15 ans), ordinairement traitées pêle-mêle avec les autres violences aux personnes.
Or, c’est le point crucial, d’après Interstats conjoncture, les violences intrafamiliales n’ont pas augmenté pendant le confinement. La première semaine, elles ont franchement baissé. Elles se sont ensuite situées à un niveau certes trop élevé (plus de 2 000 affaires par semaine), mais tout à fait comparable à celui de la même période en 2019. Ce qui se cache derrière la « multiplication par cinq » des signalements est très simple : la plate-forme « Arrêtons les violences » et le numéro dédié 3919 étaient très peu connus. Le gouvernement a choisi de communiquer massivement autour d’eux, déclenchant une vague d’appels. Pendant la semaine du Grenelle des violences conjugales, déjà, en septembre 2019, le 3919 avait reçu trois fois plus d’appels qu’à l’ordinaire (5 766 contre 1 500 à 2 000 habituellement).
Les faits dûment constatés sont déjà un indicateur fragile, mais quel service de sécurité sérieux prendrait les « signalements » comme un thermomètre fiable ? Un accident de la route signalé par dix automobilistes ayant vu une voiture dans le ravin est-il égal à dix accidents et dix voitures dans le ravin ? Rappelons qu’en 2019, après huit ans de cavale, Xavier Dupont de Ligonnès était « signalé » à Glasgow…
Contactée par Causeur, la Préfecture de police de Paris se refuse à toute déclaration officielle. Un fonctionnaire affirme qu’il « ne commente pas la communication du gouvernement », mais confirme en off que les violences intrafamiliales ont baissé à Paris pendant le confinement ! « Il y a eu une hausse des signalements. Les appartements parisiens sont souvent mal insonorisés. Les gens étaient cloîtrés. Ils entendaient des disputes chez les voisins. Ils appelaient la police. » Les policiers se rendaient sur place et tombaient sur de banales querelles de ménage. Loyal, le fonctionnaire souligne que Marlène Schiappa a seulement parlé d’une hausse des « signalements » à Paris la première semaine. C’est exact pour sa première intervention sur le sujet fin mars, mais la secrétaire d’État a ensuite parlé d’une hausse des plaintes, voire d’une explosion, tout comme son collègue de l’Intérieur, Christophe Castaner.
Il faut saluer l’intégrité des statisticiens de la note Interstats conjoncture. Il y avait manifestement des points de carrière à marquer en torturant les chiffres, jusqu’à leur faire avouer la hausse des violences intrafamiliales annoncée.
Le préfet du Morbihan, Patrice Faure, a mieux senti le vent. Le 17 avril, il a interdit les ventes de spiritueux dans son département, invoquant une hausse des violences intrafamiliales sur fond d’alcoolisation… Onze jours plus tard, il abrogeait l’arrêté, affirmant avoir obtenu des résultats spectaculaires. Mais encore ? La préfecture du Morbihan, que nous avons contactée, ne fournit pas ses chiffres. Tout porte à croire qu’ils ne montrent ni une augmentation initiale des violences, ni une décrue nette suite à la prohibition (si c’était le cas, du reste, pourquoi autoriser à nouveau les alcools forts ?). L’arrêté a été pris simplement pour flatter les certitudes ministérielles.
Une idée s’est imposée, permettant de dépasser la contradiction. Les victimes, coincées par leurs bourreaux, n’osent pas se manifester
En réalité, il s’agit d’aller dans le sens du courant dans lequel sont emportés Christophe Castaner et Marlène Schiappa. Le gouvernement a été encouragé, aiguillonné et relayé par les associations de défense des femmes et par nombre d’élus locaux. Le 18 mai, Hélène Bidard, adjointe communiste à la Mairie de Paris chargée de l’égalité femmes-hommes, annonce sur Twitter une hausse de 32 % des subventions aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes (le montant global atteignant 500 000 euros en 2020), « dans un contexte de violences exacerbées avec le confinement » !
En avril, on voit fleurir sur Twitter un nouveau hashtag, #coronaviril. La pandémie aurait réveillé les pires instincts phallocrates. Il est relayé par la députée LFI Clémentine Autain, Manon Aubry, Aurore Lalucq, députée européenne Place publique, Claire Monod, coordinatrice nationale de Générations, etc.
Médias perplexes
Les médias, quant à eux, ont abondamment diffusé la thèse gouvernementale et associative de l’explosion des violences conjugales, entrecoupée de reportages de terrain qui la démentaient ! Fin mars, interrogés par France Inter, les parquets de Paris, Bobigny, Pontoise, Nanterre, Créteil, du Gard et de l’Oise ne constatent aucune augmentation des dossiers de violences conjugales depuis le début du confinement. Dans le Doubs, écrit L’Est républicain du 2 avril, « la police a enregistré trois fois moins de plaintes liées aux violences intrafamiliales qu’en mars dernier. Le constat est identique en zone gendarmerie ». Quant aux gendarmes du Nord, raconte France Bleu le 7 avril 2020, ils « n’ont pas constaté, pour le moment, de hausse des signalements de faits de violences conjugales ». Dans le Finistère, indique Ouest-France, elles sont en baisse en mars, en zones police et gendarmerie. Rien à signaler non plus à Dieppe, selon Paris-Normandie. Sur Bordeaux Métropole et Arcachon, lit-on sur Rue89 Bordeaux, les interventions de la police pour violences familiales sont en hausse de 25 % la première semaine du confinement par rapport aux semaines précédentes, mais les chiffres sont modestes : 55 interventions contre 44 en moyenne. Il faut chercher longtemps pour trouver une vraie explosion : plus 83 % de violences intrafamiliales dans la zone gendarmerie de Haute-Garonne sur la période allant du 17 mars au 5 avril, par rapport à la même période de 2019. Une hausse considérable, mais avec un bémol. II est question de moins d’une trentaine d’affaires.
Des victimes muettes ?
Une explosion des violences et une baisse des indicateurs… Une idée s’est imposée, permettant de dépasser la contradiction. Les victimes, coincées par leurs bourreaux, n’osent pas se manifester. Telle est la théorie avancée par Nice-Matin le 30 mars, sous le titre « Face à une baisse troublante des signalements pour violences conjugales, l’inquiétude grandit chez des professionnels ». Dans les Alpes-Maritimes, les appels mensuels pour violences intrafamiliales sont alors en recul de 20 % en zone gendarmerie et de 40 % en zone police par rapport à mars 2019.
Cette thèse de la parole muselée va resurgir à maintes reprises. Elle semble pleine de bon sens, mais le bon sens est parfois trompeur. L’impact du confinement ne doit pas être exagéré. Entre mi-mars et mi-mai, 25 % des actifs français sont allés au travail comme d’habitude. Pour une autre partie de la population, retraités vivant à la campagne, personnes travaillant toute l’année en couple ou à domicile, les mesures de distanciation sociale n’ont pas beaucoup changé la donne conjugale. Même chez les confinés purs et durs, le choc de la promiscuité est à relativiser. Chacun pouvait sortir une heure par jour, voire deux, entre les courses et la promenade, ce qui est largement suffisant pour passer un coup de fil ou se rendre au commissariat.
Le 15 mai encore, pourtant, l’enquête de la cellule investigation de France Inter évoque l’impossibilité de porter plainte pour expliquer l’information qui ne cadre pas avec le discours ambiant : pendant le confinement, une baisse de 20 % des plaintes pour violences intrafamiliales dans le Val-d’Oise par rapport à la même période 2019…
Quand ça monte, ça monte, et quand ça baisse, ça monte
Tout cela fleure franchement la statistique Shadock. Une hausse des indicateurs signifie une recrudescence des violences, une baisse aussi. Au motif qu’une association d’aide aux femmes du Havre, Avre 76, reçoit moins d’appels qu’à l’accoutumée, le gouvernement met en place des points d’accueil pour femmes battues dans certains supermarchés ! Elles ne peuvent pas sortir de chez elles, elles ne peuvent pas se rendre à la police ni passer un coup de fil, mais elles parleront dans des recoins de galeries marchandes. Sans surprise, ces points d’accueil semblent avoir connu un succès très mitigé.
Il est encore trop tôt pour dresser le bilan définitif de leur action, comme il est encore trop tôt pour savoir combien de femmes auraient dû porter plainte pendant le confinement et ne l’ont pas fait, pour diverses raisons. Il y en a sans doute eu, mais rien ne permet d’affirmer qu’elles ont été plus nombreuses que d’habitude.
Deux semaines après le retour partiel à la normale, une chose est sûre : l’« explosion » des violences faites aux femmes n’a pas eu lieu. On devrait se réjouir, mais c’est comme à regret que, le 20 mai, Marlène Schiappa elle-même a admis que, de mi-mars à mi-mai, le nombre de meurtres de femmes pourrait avoir baissé par rapport à la même période en 2019. Ou comment un gouvernement en vient à donner du bout des lèvres les nouvelles rassurantes. Rassurantes, du moins, quant à l’état réel des relations familiales dans notre pays. En ce qui concerne la capacité d’analyse et de recul des associations, en revanche, le constat est préoccupant. Quel est leur degré exact de compréhension du phénomène qui est leur raison d’être ? Depuis le Grenelle de septembre 2019, les forces de l’ordre ont été fortement incitées à se pencher sur les violences conjugales. Il y a eu des visites-mystères (une sorte de « testing ») pour jauger la qualité de l’accueil en commissariat. La gendarmerie a créé plusieurs brigades spécialisées début 2020. Bref, les conditions techniques d’une augmentation statistique étaient réunies, comme c’est toujours le cas quand on améliore les indicateurs.
Voici que des données fiables suggèrent que le confinement s’est traduit au contraire par une stabilité, voire une baisse, que personne n’a cherché à comprendre. Et si la violence du monde du travail, atténuée pendant quelques semaines, rejaillissait parfois sur la vie de famille ? Simple spéculation, mais l’idée d’une violence masculine atavique, massivement répandue, est-elle plus solide ? La sphère associative y croit. Elle donne le ton au politique. Ce dernier s’aperçoit-il seulement qu’il a enclenché la marche arrière conceptuelle ? Il y a un siècle et demi, socialistes et radicaux en lutte contre la misère humaine s’agaçaient du paternalisme condescendant des philanthropes qui cherchaient la racine du mal exclusivement dans la nature humaine et le remède dans les sermons. Pour les féministes d’aujourd’hui, tout le mal vient de la nature masculine et le remède est toujours dans les sermons. Marlène Schiappa veut-elle vraiment finir en dame patronnesse ? Causeur aurait aimé lui poser la question, mais, malgré plusieurs sollicitations, elle n’a pas trouvé le temps de répondre.
Les médias français ne vous les montrent pas, mais il faut bien les lire aussi…
L’annexion prévue par le gouvernement israélien des colonies juives en Cisjordanie prépare le monde à une énième vague des tensions au Proche-Orient, et partout ailleurs. Les déclarations politiques se multiplient, les juifs de la diaspora redoutent une nouvelle montée de l’antisémitisme, et la population arabo-musulmane déplore une nouvelle trahison de la part de la communauté internationale. Le risque d’une escalade militaire dans la région demeure important.
Pourtant, les cartes postales qui parviennent de cette partie du monde amènent aussi une autre vérité. La négliger serait aussi malhonnête qu’irresponsable. Et si pour une fois, nous changions le prisme médiatique qui voit les évènements israélo-arabes uniquement à travers les tirs des roquettes et les ripostes militaires de Tsahal?
Un autre regard
Parmi ces cartes postales, il y a celle d’Usayed, le bébé syrien opéré du cœur à l’hôpital de Tel-Aviv la semaine dernière. Venu avec son père en provenance du Chypre, où ils sont réfugiés depuis quelques années, Usayed fait partie des cinq mille enfants palestiniens, syriens ou irakiens, déjà soignés en Israël. Grâce au travail de l’organisation « Save a child’s heart », des diplomates des pays associés et des médecins israéliens. Si la planète a souvent vu les images des enfants morts dans cette partie du monde sous les balles aveugles des soldats et les couteaux des terroristes, celles des enfants arabes soignés dans les hôpitaux israéliens, elle ne les voit que beaucoup plus rarement.
Au mois de mai, le monde a également vu un avion de la compagnie nationale des Émirats Arabes Unis atterrir à l’aéroport Ben Gourion. Une première ! Cet évènement a marqué une nouvelle étape dans le rapprochement de deux pays, observé déjà depuis un certain temps, malgré les désaccords géopolitiques, y compris sur la question des colonies.
Des ouvertures
On pourrait rapprocher l’image de l’avion émirati sur le sol israélien à celle de la ministre de la Culture de l’État hébreu Miri Regev à la Grande mosquée d’Abou Dabi, il y a deux ans. Voir l’ancienne porte-parole de Tsahal et général de brigade, un foulard lui couvrant la tête, être reçue chaleureusement par les hauts responsables du pays du Golfe laissait déjà espérer que, même si la route est longue, la volonté de paix des pays jadis hostiles “par défaut” vis-a-vis d’Israël est bien réelle.
Le phénomène de la série télé saoudienne « Makhraj 7 » est également intéressant. Le programme a battu les records d’audience en Arabie Saoudite en plein ramadan et pendant le confinement. Il montrait les deux héros arabes, vêtus de costumes traditionnels, en train de discuter de l’intérêt de faire des affaires avec les Israéliens ! L’opinion publique n’a pas encore été convertie à l’amitié avec « l’envahisseur de la Palestine » et il y a eu beaucoup de réactions qui en attestent sur les réseaux sociaux, bien sûr. Mais le prince héritier Mohammed Ben Salmane, nouvel homme fort du royaume, imprime peu à peu sa vision géopolitique. Dans laquelle la place de l’ennemi est attribuée à l’Iran, et les alliés capables de tenir tête au régime chiite précieux.
Soixante-dix ans après la création de l’État juif, la normalisation des relations entre Israël et les pays qui l’entourent parait essentielle pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Son contexte exceptionnel nécessitera sans doute des décisions exceptionnelles. Les deux cotés le savent. Le temps des réactions à chaud et des vengeances stériles est peut-être révolu. En attendant la prochaine carte postale…
Les trois mousquetaires de l’humour en France avaient ceci en commun, en plus de disparaître dans la force de l’âge à quelques mois d’écart, d’être des mélomanes avertis pratiquant volontiers l’art difficile de l’humour vache en chantant.
Passionné d’opérette, Thierry Le Luron vocalisait même sur trois octaves. Sa voix de Stentor a longtemps crevé l’écran et éraflé les oreilles de nombreux hommes politiques. Capable de mystifier son auditoire avec ses seules qualités de chanteur, l’humoriste a beaucoup usé de l’art lyrique pour mieux ridiculiser ses cibles, le plus souvent avec férocité derrière ses allures d’enfant de chœur. D’ailleurs, il jouait de ce contraste saisissant avec une jubilation non feinte, n’hésitant pas à moquer le physique des vedettes du show-biz et des politiques dans des numéros de transformiste mémorables, même si Dalida – entre autres – a souffert de sa caricature leluronienne.
La guerre du joyeux Luron
Mais lorsque le jeune homme sortait les crocs en poussant la chansonnette, à heure de grande écoute, les ors de la République tremblaient. Ainsi, passé le court état de grâce socialiste de 1981-1982 avec l’abolition de la peine de mort et le lancement du minitel rose, il y eut le mémorable « L’emmerdant c’est la rose », parodie cinglante de « L’important c’est la rose » de Bécaud, entonnée en direct chez Drucker (avec en prime dans la vidéo ci-dessous une imitation succulente de Michel Polnareff) :
Puis, quelques mois plus tard, l’irrévérence chansonnière caractéristique de son style le conduisit à défroquer devant les caméras le Premier ministre en place, Laurent Fabius, toujours en prime time à la télé. Sous le règne de Mitterrand, Le Luron menait sa guerre des roses à lui :
Nos « humoristes » mélomanes d’aujourd’hui – parfois drôles, certes, dans leurs grands moments de tristitude oldelafienne – aiment aussi s’attaquer au pouvoir, surtout lorsqu’il se trouve à plus de 1 000 kilomètres du périphérique parisien, respectant ainsi scrupuleusement les consignes de distanciation sociale :
« Merci d’appuyer si bien là où ça fait mal », se gargarise l’animatrice Charline Vanhoenacker à la fin de cette séquence sans doute à l’origine du tremblement de terre de magnitude de 4,7 survenu en Italie en 2018. Tant d’irrévérence courageuse sur les ondes du service public prouve, s’il en était encore besoin, que la France est désormais bien plus Charline que Charlie. « Rigolez pas, c’est avec votre pognon », nous rappelait Coluche.
Desproges : ne pas céder au chant des sirènes
Pierre Desproges saluait déjà en son temps le courage de ces « artistes engagés qui osent critiquer Pinochet à moins de 10 000 kilomètres de Santiago. »
Comme Patrick Dewaere, Monsieur Cyclopède était un inconditionnel de Brassens : « Pour moi, c’est un modèle d’humanité. Il est arrivé très haut et très bien sans jamais se compromettre. Ni devant un public, ni devant les professionnels de ce métier. Il n’a jamais payé à bouffer à un mec pour avoir du succès. Beaucoup de gens de ce métier sont sales, se compromettent. » Tonton Georges lui avait-il insufflé la flamme de la chanson ? Car oui, Desproges s’est lui aussi essayé à l’exercice de l’art mineur selon Gainsbourg. Étonnant non ?, de la part d’un ardent contempteur du rock et de la variété : « J’aime pas les chanteurs, c’est simple, je comprends même pas qu’on chante », assurait-il en introduction de son sketch « Haute coiffure ». Pourtant, le poète humoriste aimait pousser la chansonnette – principalement dans le cadre familial -, poussant la contradiction maso jusqu’à enregistrer deux singles ultra collectors aujourd’hui : la comptine pour enfants « A bobo bébé » en 1977 et surtout « Ça, ça fait mal à l’ouvrier » en 1983, caustique en diable. Il est intéressant de constater que ce second 45 Tours est sorti l’année du tournant de la rigueur opéré par la gauche au pouvoir. Tout un symbole, « Ça, ça fait mal à l’ouvrier » sonne donc rétroactivement comme l’hymne en or massif du libéralisme triomphant et, par la même occasion, celui de la trahison historique du parti socialiste contre le peuple. Dommage que le Top 50 n’existait pas encore en 1983, on lui aurait bien fait une petite place dans le classement :
On imagine aisément, à l’écoute de ces vidéos de Le Luron et Desproges, que l’union sacrée préconisée par leurs homologues actuels au nom du « faire nation » contre le coronavirus, sous prétexte que ce n’était pas le moment de critiquer le gouvernement (ce n’est d’ailleurs jamais le moment), n’aurait reçu que peu d’écho chez nos deux artistes insoumis.
Pas plus chez Coluche sans doute.
Coluche : l’humour qui ne prend pas de gants
Le clown à la salopette rayée connaissait la musique, lui aussi. Ce fan de rock’n’roll (et de Georges Brassens) a d’ailleurs tenté sa chance dans plusieurs groupes, comme chanteur et guitariste, avant de brûler les planches du rire. Mais sa voix de précurseur punk n’a pas mené loin le futur blouson noir à la fin des années 60, même si le comique ne s’est jamais départi ensuite de sa gouaille chansonnière pour parer ses satires politico-sociales de ses plus beaux atours. Et au final, la partition que le restaurateur du cœur préférait jouer, c’était celle de l’andouille qui fait l’imbécile, à l’air libre, sous le soleil de Satan qui l’aveugla fatalement le 19 juin 1986. Au détour d’une route de campagne de l’arrière-pays cannois…
Ce soleil immonde, rancunier, Michel Colucci l’avait égratigné en toile de fond d’une chanson écrite pour son pote Renaud.
Aujourd’hui, Michel Polnareff vit encore aux USA. Et il est toujours inconnu là-bas.
L’hydroxychloriquine est notre nouveau schmilblick, tout aussi imprononçable.
Laurent Fabius est toujours rose.
Et les mêmes causes produisent les mêmes effets depuis au moins quarante ans. Ça, ça n’a pas finit de faire mal à l’ouvrier, d’autant que le roi soleil immonde continue de rayonner de tous ses feux incendiaires.
Le problème, c’est que Coluche, Desproges et Le Luron ne sont plus là pour nous déconfiner de nous-mêmes, notamment avec leurs chansons pour de rire, bien plus essentielles qu’elles n’y paraissent. Et probablement bien moins clownesques que certaines études publiées dans des revues scientifiques dites sérieuses.
A trois mois d’élections capitales, la Côte d’Ivoire est toujours suspendue au sort qui sera fait à Guillaume Soro. Les prochaines élections présidentielles qui se tiendront en octobre 2020 sentent déjà le souffre, tant le pays tout entier se demande si le pouvoir maintiendra ou invalidera la candidature de l’ancien premier Ministre et ancien président de l’Assemblée nationale. De cela, dépend l’avenir de la démocratie dans un pays qui était parvenu à se stabiliser jusque-là.
En poste entre 2007 et 2012 à la fonction de chef du gouvernement, puis de 2012 à 2019 à celle de la présidence de l’Assemblée, le candidat Soro prépare soigneusement sa campagne pour espérer devenir le successeur d’Alassane Ouatara afin de diriger la treizième puissance du continent africain. Seulement, depuis quelques mois, et une décision de justice de décembre 2019, son parcours a été semé d’embûches, pour certains organisé de toutes pièces, et pas des moindres : accusé de torture, d’assassinat et de crimes de guerre mais également de détournement de fonds et de blanchiment, l’ancien proche de Ouattara semble agacer depuis plusieurs mois dans l’entourage de l’actuel président qui tente de préparer soigneusement sa succession. Non sans rappeler les années Gbagbo, encore en prise lui-même avec la justice, cette actualité qui dépasse largement Soro, met en péril l’exercice démocratique à venir en Côte d’Ivoire. Elle questionne sur les actuelles manœuvres du pouvoir pour placer un proche du clan Ouattara afin de ne pas perdre totalement la main sur les richesses du pays, 91ème puissance mondiale.
Une justice suspecte
Condamné avant même d’être jugé et ce sans avocat, Guillaume Soro a été condamné à 20 ans de prison et 5 ans d’inéligibilité, ce qui compromet sacrément ses chances de remporter le prochain scrutin, alors qu’il fait partie des favoris pour prendre en main le destin de ce pays déjà largement traumatisé par des années de crise et de guerre. Personne au pays n’aspire à revivre de tels évènements dramatiques. Depuis cette condamnation par la justice ivoirienne, et afin de se donner encore toutes les chances de faire évoluer la situation et de revenir au pays par la voie royale, Guillaume Soro s’est réfugié en France afin de préparer sa riposte. Personne n’est certes au-dessus de la loi, mais le procès intenté contre Soro semble bien destiné à l’évincer définitivement de la course à la présidentielle.
C’est justement car Soro doutait fort de l’objectivité de la justice ivoirienne à l’heure actuelle, et le fait qu’il n’ait pu se défendre selon les règles d’usage d’un citoyen normal pouvant disposer d’un avocat, qu’il s’est retourné directement auprès de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples afin de contester cette décision. Et le 22 avril dernier, elle lui donna raison, en demandant à la justice de son pays de surseoir au mandat d’arrêt international contre Soro, afin de lui permettre de rentrer à Yamoussoukro en toute sécurité et pouvoir également assurer sa défense et poursuivre sa campagne. Mais elle demandait aussi la libération de ses 19 proches incarcérés en Côte d’Ivoire.
Le pays ne peut définitivement pas se permettre une nouvelle montée en puissance des tensions, avec un Guillaume Soro plus populaire que jamais, et dont le rejet de la candidature par le pouvoir, à quelques semaines seulement du scrutin, pourrait réveiller dans la population un profond sentiment d’injustice et de révolte. Plus le temps passe, et plus les Ivoiriens seront convaincus d’un complot ourdi contre lui. Après le coup d’État de 1999 et la guerre civile de 2002 qui dura huit longues années, le pays qui s’était à peu près jusque-là essayé au jeu de la démocratie pourrait renouer par la marginalisation de Soro avec la spirale de l’autoritarisme voire de la guerre. A ce jour, et ce malgré la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme, le candidat Soro n’est toujours pas rentré au pays, tant les gages donnés par le pouvoir ne semblent pas suffisants pour être certain qu’il puisse mener à bien sa défense et sa campagne jusqu’au bout. On a tendance à dire que si un seul pays ne respecte pas le droit international, le droit international n’existe plus, mais la Côte d’Ivoire doit pouvoir montrer l’exemple dans un continent ravagé par les crises, les dictatures, les appétits des puissances étrangères, et le déni de démocratie. C’était l’une de ses grandes fiertés jusque récemment.
La conquête de la mairie de Perpignan par Louis Aliot marque une rupture historique dans la géopolitique locale, dont la portée symbolique n’échappe à personne
La victoire de Louis Aliot scelle la fin de l’« alduysme » implanté depuis 1959 quand Paul Alduy – diplomate issu d’une vieille famille catalane – conquiert la paisible préfecture (75 000 hab.) des Pyrénées orientales (PO), active place commerciale du Roussillon, mais aujourd’hui sinistrée. En 60 ans, entre ces deux élections se déroule le drame d’une cité frappée, comme la France, par le déclassement économique, la perte d’identité et de stériles rivalités politiques.
Perpignan: le fief de la famille Alduy
Quand Alduy accueille en 1962 près de 17 000 rapatriés d’Algérie dans la cité, installés en partie dans le quartier flambant neuf du Moulin-à-Vent, conçu comme «leur seconde patrie», il attend en retour, et obtient, un «vote de gratitude» aux cantonales suivantes. Ainsi s’installe une gouvernance de la cité par un clientélisme électoral typiquement méditerranéen, étendu aux Gitans qui ont perdu leurs petits métiers et sombrent dans la pauvreté. Longtemps radical-socialiste, la ville penche peu à peu à droite, offrant plus de 12% de ses voix à Tixier Vignancourt aux Présidentielles de 1965 (5,2% en France). La population locale a absorbé maintes vagues migratoires – réfugiés espagnols de 1939 et travailleurs des années 1960, Algériens puis Marocains, tous vivant en assez bonne intelligence avec les Gitans, sédentarisés dans le quartier Saint-Jacques depuis 1940, et avec les natifs catalans : au marché Cassanyes, à la frontière des territoires maghrébin et gitan, ouvert à Noël, mais fermé pour l’Aïd et la saint Jordi, on parlait français, arabe, catalan, calo et espagnol dans la même phrase, et on se comprenait !
Le « système alduyste » repose sur l’octroi d’avantages (logements sociaux, «recommandations», emplois municipaux…) en échange d’une fidélité électorale, sous l’œil des tios [tooltips content= »tios : patriarches des grandes familles gitanes (pouvant compter 200 membres) »](1)[/tooltips] ; il profite en effet surtout aux Gitans – dont le vote peut faire basculer le canton-, et pour certains postes, aux gens du cru. La famille Alduy [tooltips content= »Paul Alduy (1914-2006) le père ; Jacqueline Alduy (1924-2016) son épouse, sénatrice-maire d’Amélie-les-Bains ; Jean-Paul Alduy, leur fils. »](2)[/tooltips] assoit ainsi son pouvoir, cumulant 229 années de mandats électoraux locaux et nationaux [tooltips content= »Mesure l’accaparement du pouvoir par élu, résultant du cumul de ses mandats : un député-maire « détient » ainsi 5+6=11 années de pouvoir. Autres exemples locaux : Jules Pams (1852-1930), radical-socialiste : 74 ans ; L-J. Grégory (1909-1982), SFIO-PS : 135 ans ! »](3)[/tooltips]. Dans le Midi, la politique est affaire de famille, sinon de clan, toujours de réseaux : peu étonnant dans les Pyrénées-Orientales, terre maçonnique depuis 1744. Pas en reste, la gauche édifie son contre-système clientéliste, installant après 1993 des permanences électorales dans le quartier Saint-Jacques, mais côté maghrébin ; une lutte mortifère pour la conquête des électorats minoritaires s’engage entre les deux pouvoirs, municipal et départemental.
L’adhésion de l’Espagne à la CEE (1986) accélère les crises viticole et fruitière ; les emplois dans l’agriculture sont divisés par deux ; les friches nées des primes d’arrachage sont livrées à la spéculation immobilière, qui capte les investissements au détriment du secteur productif, malgré l’existence de quelques ETI dynamiques. Cette économie de rente (tourisme, immobilier, BTP, transferts sociaux) aux antipodes de l’économie de connaissance alors émergente (mais la municipalité ignore son université) crée peu de richesses, tandis que ferme la principale usine (poupées Bella, 1 200 salariés) ; le chômage et la pauvreté s’installent : 32% de la population sous le seuil de pauvreté, 69% de foyers fiscaux non imposables, chômage explosif[tooltips content= »taux pour la commune, en 2016 : 25,4% (définition INSEE : actif 15-64 ans en recherche d’emploi inscrit ou non à Pôle emploi) ; pour la zone d’emploi (86 communes du Roussillon) : 13,4%, et pour le département : 13,3% (T4 2019). »](4)[/tooltips], 4e ville la plus inégalitaire, devant Béziers. Dans le même temps, le narcotrafic transfrontalier étend ses vénéneuses ramifications dans les cités HLM et chez les Gitans, sapant l’autorité des tios. La délinquance s’étend à toute la ville : incivilités, squats, rodéos et fusillades agrémentent le quotidien, jusqu’à nos jours.
Dans le vieux centre qui se délabre…
>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue Conflits <<<
Ces derniers temps, l’organisation « Génération identitaire » fait beaucoup parler d’elle, entre l’affaire judiciaire de la mosquée de Poitiers et son action récente contre le racisme anti-blanc lors de la manifestation en soutien à Adama Traoré, le 13 juin. À 21 ans, Thaïs, l’une de ses militantes, confie à REACnROLL les motivations qui l’ont poussée à s’y investir. Elle indique également vouloir porter plainte contre Jean-Luc Mélenchon qui l’accuse d’avoir fait un salut nazi…
REACnROLL. «Génération identitaire», c’est quoi ? Thaïs. «Génération identitaire» est un mouvement de jeunesse qui compte plus de 4000 adhérents à ce jour. Nous sommes présents dans toutes les régions de France et dans d’autres pays d’Europe. C’est un mouvement qui souhaite défendre l’identité française et européenne contre l’immigration massive et l’islamisation.
Thaïs de #GénérationIdentitaire revient sur la banderole « Justice pour les victimes du racisme anti-blanc » qu’elle a déployée avec ses camarades lors de la manifestations du Comité #Adama le 13 juin à Paris.
La vidéo intégrale:
👉 https://bit.ly/2NFl3qK
Pourquoi cette action « coup de poing » ? Cela faisait des jours et des semaines qu’il y avait un matraquage médiatique autour de la famille Traoré, autour des violences policières, autour du mouvement « Black Lives Matter ». Cette soumission des politiques à cette famille de délinquants ou encore la culpabilisation constante du Français, de l’Européen, ou du Blanc était tout bonnement insupportable. Nous avons donc décidé, mes camarades et moi, de réclamer justice pour les victimes du racisme anti-blanc à la manifestation organisée par les Traoré pour pirater l’attention médiatique.
Pourquoi militez-vous à «Génération identitaire» ? Quand j’ai commencé mes études à Toulouse, j’ai pu observer des constats alarmants.
Quand je me rendais à l’université, je passais dans des quartiers où les personnes ne parlaient même pas français. Je me sentais en insécurité, je pressais le pas, je baissais la tête. Je savais que j’avais le risque de potentiellement me faire agresser parce que j’étais d’origine européenne. Un matin, alors que je me rendais à la faculté, j’étais l’une des seules d’origine européenne dans le métro. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Je me suis sentie étrangère dans mon propre pays, ce n’est pas normal.
>>> Voir l’intégralité du témoignage sur RNR.tv <<<
Les élections se suivent et se ressemblent, entre explosion de l’abstention et banc d’essai de partis, sitôt adoubés, sitôt rejetés. Ainsi, après que l’envol du parti du président ait provoqué l’admiration de tous, nous assistons aujourd’hui à la déculottée de LREM et à l’épiphanie d’EELV. Une analyse de Céline Pina.
Avec un taux de participation de 41,6%, le premier enseignement à tirer de ces municipales, c’est que notre démocratie n’est plus en danger: elle a commencé son déclin.
Certes, ce scrutin se tenait dans des conditions particulières, mais les tendances à la baisse de la participation s’observent quelle que soit l’élection et s’accentuent avec le temps. Les municipales ne sont plus le dernier rempart d’une démocratie vivante, trouvant dans la proximité une forme de régénération. Au vu du peu de voix qu’il faut aujourd’hui pour gagner cette élection et s’installer dans le fauteuil de maire, nombre de nouveaux élus peinent à rassembler et à représenter ne serait-ce qu’une minorité significative de leur ville. Ce fait est particulièrement marquant dans les villes populaires. À Stains par exemple, il suffit de 2 749 voix pour diriger une ville de 36 365 habitants, comptant 16 996 inscrits sur la liste électorale. À Cergy, il suffit de 4 156 voix pour devenir maire d’une ville de 61 708 habitants comptant 31 781 inscrits. À Goussainville, 31 212 habitants pour 16 433 inscrits, il a suffi de 2 869 voix pour remporter la mairie. À ce niveau de participation, aucun maire, bon ou mauvais, n’est vraiment légitime. Quand presque 60% des électeurs ne se déplacent pas, on ne peut sans doute pas expliquer ce qu’ils auraient voté, mais on est sûr que l’offre politique ne leur convient pas. Quand élection après élection, une majorité de personnes ne peuvent voter faute d’avoir un seul candidat susceptible de les représenter, alors on n’est plus vraiment en démocratie.
Désordres
Pour autant, soirées électorales après soirées électorales, entendre les politiques déplorer cet état de fait fait sourire. Pour avoir passé plus de 25 ans dans ce milieu, la vérité est que cela simplifie terriblement la conquête du pouvoir et que cela arrange beaucoup trop d’élus.
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite
Les batailles se font entre deux camps de convaincus ou d’afficionados, ne reste plus que le clientélisme pour amener les voix supplémentaires qui feront basculer l’élection. Et il n’en faut pas beaucoup pour faire la différence quand la participation est aussi faible. Cela aboutit à concentrer ses efforts sur la satisfaction de sa clientèle, au détriment de l’intérêt général, sans que cela ne soit sanctionné puisque la majorité est déjà hors du jeu politique…
Comme le fait que vous soyez bien ou mal élu n’a aucune conséquence pratique en termes d’exercice du pouvoir, vous jouirez quand même de toutes les prérogatives de l’élection. Votre légitimité est douteuse mais votre pouvoir n’en est pas amoindri.
Les actes des collectivités locales sont très peu et très mal contrôlés. Le contrôle de légalité a été dégarni dans les préfectures et depuis que le contrôle est passé de a priori à a posteriori, les budgets peuvent susciter bien des convoitises. Alors que tout le monde surveille comme du lait sur le feu des députés dont les possibilités de détournement d’argent sont limitées, la manne financière qui passe entre les mains d’élus des collectivités locales est très peu contrôlée. Et ce alors que des projets de constructions et d’aménagements urbains se chiffrent en millions d’euros voire en dizaines de millions. Bref mettre une ville sous coupe réglée est possible en France et le niveau de corruption peut atteindre des sommets avant que quiconque ne songe à regarder de plus près. Heureusement que la plupart de nos élus sont honnêtes, mais pour ceux qui ne le sont pas, la tentation peut être forte et l’espoir d’échapper à toute sanction, réel.
Prendre le pouvoir dans une collectivité locale peut donc se révéler une manne. Ces réalités ne datent pas d’hier et ont abîmé notre rapport à la politique et aux politiques. Le fait d’accepter que des personnes extrêmement mal élues exercent le pouvoir ne semble pas avoir trop d’effet au début ; jusqu’au moment où la faiblesse de légitimité empêche tout exercice d’autorité et justifie tous les désordres. Nous avons atteint ce stade au niveau national où un président mal élu et contesté, finit par porter préjudice aux institutions censées incarner la stabilité, au point que sa propre police dépose symboliquement les menottes.
Parler aux 60% d’abstentionnistes devient un enjeu
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite. En ajoutant une condition incontournable : l’obligation de changer les candidats puisque les premiers étaient tellement peu représentatifs qu’aucune majorité n’a souhaité les départager.
Quant à la vague verte, elle raconte surtout la paresse intellectuelle de nombre de nos représentants quand il s’agit de comprendre notre pays. Il fallait voir la plupart des politiques invités à débattre des résultats sur les plateaux télé se repeindre à l’écologie, alors que tout cela n’est que poudre aux yeux. Qu’il y ait nécessité de prendre conscience que la survie de l’homme passe par le respect de la planète qu’il habite n’est pas contestable. Que cela conduise à plébisciter un mouvement passablement sectaire, très dogmatique et qui n’a aucun bilan alors qu’il a fait partie de nombre de gouvernements, est plus étonnant.
La principale motivation du vote EELV est qu’il est gratifiant et ne représente aucun risque social, là où voter pour la plupart des partis vous vaut des accusations de traîtrise ou de naïveté. La plupart des électeurs votent écologistes car c’est un vote sans risque ni engagement, dont ils n’ont pas à rendre compte. Ils votent petits oiseaux et jolies fleurs, cela les met d’emblée dans le camp du bien. Personne ne demande de justifier ce type de vote. L’écologie a effacé la réalité d’un parti dogmatique qui s’est toujours abîmé dans les querelles de personnes et les polémiques stériles, qui a toujours voulu des postes, mais n’en a pas fait grand-chose. Le problème est que ce type de succès est bâti sur du sable. Dès que le vent souffle et que la pratique du pouvoir montre la réalité des hommes, les soutiens disparaissent plus vite qu’ils ne sont venus et les votes se détournent durablement.
Un vote passablement cucul
Le vote vert est matériellement très surestimé également : si sur les villes de plus de 100 000 habitants, 7 villes sont entre les mains d’EELV, 16 sont tombées dans l’escarcelle de la gauche, 15 à droite, 2 majorité présidentielle et 1 a basculé RN. Quand on passe aux villes de 20 000 habitants, sur 454, 261 sont à droite, 149 à gauche, 21 majorité présidentielle, 12 à EELV et 6 au RN. Le vote vert est et demeure un vote urbain, de bobo où le rapport à la nature est fantasmé et passablement cucul, il ne passe dans la France rurale et périphérique, chez ceux qui vivent et connaissent la nature. Cela devrait calmer les ardeurs de ceux qui veulent déjà se convertir à la logorrhée EELV. Ce discours anxiogène et punitif, ayant de l’humanité une vision négative au point d’alimenter des discours sur la collapsologie n’est sans doute pas le plus approprié pour reconstruire une société politique.
Voilà pourquoi le vote écologiste ne sauvera pas la gauche. Elle devra faire le travail de clarification idéologique qu’elle refuse. En attendant les écolos sont moins une chance pour la planète que pour toute la clique d’extrême-gauche, islamistes, indigénistes, décoloniaux, racistes qui se revendiquent antiracistes… Le vert d’EELV ayant souvent servi de cheval de Troie à un vert bien plus religieux. Pour avoir eu l’occasion de fréquenter leurs leaders au Conseil régional d’Ile-de-France, à de rares exceptions, nombre d’élus cumulent dogmatisme et incompétence. À Grenoble, la gestion désastreuse d’Eric Piolle en est un parfait exemple. Grenoble explose sous le poids de la dette et de l’insécurité et a fait parler d’elle quand pour imposer le burkini à la piscine, des membres de la nébuleuse islamiste ont organisé des opérations d’agitprop sans que le maire n’y trouve rien à redire. Il faut dire qu’il a souvent soutenu les initiatives du CCIF, autre organisation proche des islamistes.
Les alliances entre les Verts et ces milieux s’illustrent également à Strasbourg où les
électeurs ont porté Jeanne Barseghian, tête de liste « Strasbourg écologiste et citoyenne » à la victoire avec 41,7% des voix. Mais ils ont donné leur bulletin de vote, et leur caution, aux femmes voilées de la liste EELV. À Rennes, la liste EELV de Mathieu Theurier et Priscilia Zamord du premier tour n’a jamais caché sa sympathie pour des thèses comme le « privilège blanc ». Comme le rappelle la candidate LREM Carole Gandon avant le second tour, « Priscillia Zamord parle d’écologie décoloniale et motive sa candidature par le désir que les “femmes non blanches” ou des “personnes racisées” exercent des responsabilités. » Et EELV, comme de nombreux partis de gauche, ont défilé à la « marche contre l’islamophobie » en novembre 2019. Ils répondaient ainsi à l’appel du CCIF et ont pu défiler aux côtés de militants scandant « Allah Akbar ». Cet affichage ne lui a pas fait gagner beaucoup de voix dans les quartiers populaires. Qu’importe, c’est aussi ça EELV !
La vague verte n’est ni un espoir pour l’avenir, ni pour la France. Après LREM, c’est un nouveau leurre pour l’électeur de gauche.
Le tandem Macron-Merkel promet des sommes faramineuses pour relancer l’économie européenne. Mais de la mutualisation des dettes à la relocalisation des industries clés, trop de questions restent dangereusement en suspens.
Le couple franco-allemand n’est pas mort, il bouge encore.
L’annonce conjointe d’un plan de « relance » de 500 milliards d’euros par Emmanuel Macron et Angela Merkel, déjà qualifié d’accord du siècle par quelques journalistes en mal de sensationnalisme, a redonné corps à l’idée du tandem franco-allemand, qui avait été un thème central de la campagne de Jupiter en 2017. Depuis, les demandes réitérées de l’Élysée pour avancer plus loin et plus profondément dans l’intégration européenne se sont heurtées aux « nein » sereins de la Chancellerie de Berlin.
Mais voici que l’Allemagne vient à résipiscence, alors même que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vient, dans son arrêt du 5 mai, de réaffirmer son credo politique, la souveraineté allemande, et son credo économique, l’interdit qui frappe le financement monétaire des dettes publiques. Et quelques jours à peine après le refus opposé par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et l’Autriche, autrement dit par l’Europe du Nord, aux appels au secours de l’Europe du Sud, soutenus par la France. L’Europe du Nord ne voulait pas des « coronabonds » émis dans le cadre d’un plan de soutien avec le bénéfice d’une mutualisation des dettes qui sous-entend que les pays solvables se portent garants des pays insolvables.
Macron et Merkel font à nouveau rouler les dés sur la table. Ils ont ainsi marqué leur préoccupation grandissante sur le sort de l’euro et de la « construction » européenne. Les chiffres disent que les économies s’effondrent et les perspectives d’un rétablissement sont reportées aux calendes grecques. Et ce, malgré les centaines de milliards de dettes nouvelles consenties par les États pour parer à l’urgence sanitaire, économique et sociale. Ils proposent une relance dotée de 500 milliards d’euros. Cependant, la mutualisation des dettes émises par les États pour constituer ce fond reste en débat.
Mon propos n’est pas de spéculer sur les motifs politiques qui ont conduit l’Allemagne à accepter le principe de ce plan. Qu’il s’agisse d’effacer l’affront fait aux pays du Sud, qui a traumatisé nos voisins, ou de voler au secours d’un président français affaibli par sa gestion de la crise sanitaire, qu’importe ! Que faut-il penser de ce plan ? Et d’abord, que faut-il penser des efforts coûteux consentis depuis l’entrée en scène du coronavirus ?
Une dette à l’état pur
Dans l’ensemble de l’espace européen, les États ont paré au plus pressé. Il s’agissait, ni plus ni moins, de faire face aux déficits supplémentaires creusés dans les comptes publics par la chute de la production, des revenus et des recettes fiscales et sociales, ainsi qu’aux dépenses sanitaires liées à la pandémie. Rien de « keynésien » dans cette politique entièrement contrainte par les circonstances. Une politique keynésienne passerait par des investissements dans les infrastructures, des incitations à l’investissement privé ou des allègements fiscaux ciblés sur les classes moyennes.
La mesure essentielle a consisté à financer l’indemnisation d’un chômage partiel de masse : il a concerné 12 millions de personnes, pour un coût estimé à 25 milliards d’euros par Bercy, mais à 58 milliards par la commission des finances de l’Assemblée. Cette mesure, inévitable, a eu deux effets : premièrement, elle a soutenu la consommation des chômeurs indemnisés et de leurs familles ; deuxièmement, elle a préservé d’innombrables unités de production qui auraient, sans elle, basculé dans le néant. On voit a contrario l’intérêt du chômage partiel tel qu’il est pratiqué en Europe quand on compare la situation américaine où les entrées au chômage définitif ont explosé.
Le plan franco-allemand se présente sous d’autres atours. Il prétend explicitement favoriser une « relance » économique par des investissements publics à caractère sanitaire et écologique tout en venant au secours des grandes entreprises et des secteurs en difficulté ou en détresse comme l’automobile, l’aéronautique et le transport aérien, voire l’hôtellerie-restauration, l’édition ou la librairie.
Il n’est plus question que de « souveraineté » économique, formule qui écorchait la langue il y a quatre mois encore et que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de responsables qui voulaient privatiser Aéroport de Paris
Pourquoi pas ? Mais il faudra attendre les précisions qui seront sûrement apportées après l’adoption définitive de la proposition – nous partons du principe qu’elle le sera. Car autant elle séduit par son volontarisme, autant elle conduit à s’interroger sur sa faisabilité au regard des règles européennes de la concurrence loyale et non faussée qui figurent dans le livre saint de Bruxelles.
Deux points doivent être examinés. Le premier est celui de la nature de l’aide : prêt ou subvention ? Le prêt serait admissible, sous réserve du bon emploi des sommes. Mais quid des subventions ou des dotations au capital habituellement proscrites par Bruxelles ? Le second est celui du bénéficiaire. Car le soutien revient à privilégier un acteur, donc un ou plusieurs États, donc à « fausser » la concurrence.
Pour illustrer notre propos, un soutien européen à Airbus ne rencontrerait pas d’obstacle majeur dès lors que ses concurrents sont américains. Il n’en irait pas de même pour Air France et Renault qui sont dans une passe ô combien difficile. Car il ne faut pas rêver à un rétablissement des liaisons aériennes ni à un redémarrage puissant du secteur automobile, dont tous les grands marchés se sont effondrés, y compris le chinois.
Et quid de la relocalisation et de l’emploi ?
Les tartuffes battent à nouveau la campagne. Il n’est plus question que de « souveraineté » économique, formule qui écorchait la langue il y a quatre mois encore et que l’on entend aujourd’hui dans la bouche de responsables qui voulaient privatiser Aéroport de Paris et céder Alstom Transports à Siemens après avoir bradé Technip et Alstom Énergie.
En ce cas, de quoi parlent Macron et Merkel ? Sans doute de souveraineté sanitaire. Les médicaments et les équipements hospitaliers seront à nouveau réalisés en Europe, mais plutôt, n’est-ce pas, dans les pays à bas coût de l’Union. On imagine mal en revanche que l’automobile, la mécanique et plus encore les aciéries soient rapatriées sur le Vieux Continent. D’ailleurs, notre ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, l’a dit : « Pour l’industrie, c’est fini. » Ce qui signifie dans son esprit que c’en est fini pour l’industrie française ! Raffarin est un servant du libre-échange mondial et un militant de cette Europe « fantôme » dénoncée par Régis Debray. Il l’a montré durant son passage à Matignon et, depuis, il ne cesse de plaider dans ce sens, nonobstant les crises alarmantes de 2008 et 2010.
Ce qui est en jeu, dans ce vaste jeu d’ombres, c’est le pouvoir stratégique des managers. Ils ont œuvré au libre-échange mondial sous la tutelle explicite des grands actionnaires de la bourse. Une relocalisation de grande ampleur suppose, premièrement, que la tutelle financière se relâche et, deuxièmement, que les managers acceptent le retour de l’activité dans les pays à coût élevé, tout le contraire de ce qui s’est fait depuis trente ans. Peuvent-ils se renier après avoir défendu et illustré la création de valeur pour l’actionnaire appuyée sur une délocalisation pratiquée sans états d’âme ?
Enfin, quels seront les effets du plan européen sur l’emploi ? Renault, un bénéficiaire potentiel du soutien, prépare d’ores et déjà un allègement d’effectifs sur ses sites français, peut-être nécessaire du point de vue de la gestion, mais qui se heurte frontalement au principe d’un soutien public. Et bien d’autres groupes fourbissent leurs propres plans sociaux. Ce qui nous promet un climat social encore plus délétère. La rentrée sociale sera chaude bouillante !
Ultime observation. Gardons à l’esprit, par-dessus tout, que la « relance » massive se fera au prix d’un endettement nouveau qui pourrait passer un seuil critique. Dès lors, la question est de savoir quel sera le retour sur investissement des dépenses nouvelles. Pour que les 500 milliards de dettes rapportent plus que ce montant, il faudrait qu’ils soient assortis d’une relocalisation de grande ampleur. Autant dire que ce n’est pas gagné.
Un peu partout en France, on déboulonne les statues. Comment se fait-il que, dans la ville de Dijon, la statue de Jean-Philippe Rameau soit toujours debout ? Rameau, le raciste, avec ses Indes Galantes ? Lors de l’affrontement de bandes, tchétchène et ottomane, j’écoutais l’air de La danse dite des Sauvages, longtemps l’indicatif d’une émission de Radio Classique. Je relisais, dans la République des Lettres, le chapitre que Marc Fumaroli consacre à Dijon et au président de Brosses, quand on annonça la mort de l’Académicien. En écrivant cet article, j’entends rendre un hommage modeste à Marc Fumaroli, à travers quelques figures marquantes de cette ville de Dijon qui fut, à tous égards, représentative de la République des Lettres que l’Académicien habita toute sa vie.
À moins d’être un Barbare, Jean-Philippe Rameau, natif de Dijon, est impossible à déboulonner. Persuadé de la convergence entre les sciences et les arts, il fonde sa musique sur les règles rigoureuses de l’harmonie. Le résultat ? Des œuvres – pas seulement les Indes Galantes – surprenantes de jeunesse et d’humour qui respirent le bonheur. Le Président de Brosses, lui, est un juriste, un historien et un mélomane éminents. Fils d’une grande famille parlementaire de Bourgogne, ses amis sont le président Bouhier, Diderot et Voltaire, et surtout Buffon, l’ami intime. Avant leur brouille, Voltaire, « le philosophe papillon », qui mettra des bâtons dans les roues à l’entrée, à l’Académie, de Charles de Brosses, disait de son ami qu’il était « fils de cette ville de Dijon où le mérite de l’esprit semble être un des caractères des citoyens. » C’est de Brosses, en effet, qui rédigera l’article Gamme dans l’Encyclopédie. C’est de Brosses qui, lors de son voyage en Italie, en achetant, de ses deniers, la première édition de la Serva Padrona de Pergolèse, introduira, en France, la musique italienne. C’est également à de Brosses que l’on doit la paternité des noms Polynésie et Australasie. Quant à François Rude, l’auteur du haut-relief, la Marseillaise, placé sous l’Arc de Triomphe, est représenté, dans un jardin de sa ville natale, tenant une petite Marianne dans la main. Espérons qu’il ne lui arrive rien. Dijon, c’est enfin la moutarde qui nous monte au nez en ce moment. Si la moutarde remonte au XVIème siècle et qu’elle n’est pas certifiée d’origine protégée, c’est bien une famille dijonnaise du XVIIIème siècle, les Naigeon, qui lui donna ses lettres de noblesse. On me dit de ne pas oublier le kir dont Dijon s’enorgueillit, du nom du chanoine Kir.
Né à Marseille, Marc Fumaroli, consacre, dans La République des Lettres, un chapitre au président de Brosses, au joyau que sont « Les Lettres familières d’Italie » écrites en 1739, « au style abondant et vivace. » Les modernes Descartes et Fontenelle auraient-ils fait, dans l’esprit de Brosses, le voyage en Italie ? « Leur esprit d’analyse n’avait cure de la mémoire, de la culture littéraire et gratuite. » De Brosses, lui, scientifique et juriste, humaniste et érudit, unit à un savoir immense un charme badin. Fumaroli compare le « je » de ses lettres à celui de Montaigne, « ouvert à l’enthousiasme comme à l’ironie… pour qui la littérature, c’est d’abord cette ruche d’abeilles lettrées où il peut être lui-même heureux, avant de convier son lecteur à partager avec lui son gâteau de miel ». Qui le connaît, à présent, ce grand magistrat et ce polygraphe qui alla, sur les pas de Salluste et enquêta, in situ, sur une ville, enfouie sous les cendres du Vésuve ? Ces lettres italiennes que Marc Fumaroli préfaça, aux éditions André Versaille éditeur, on y apprend mille choses, sous une plume curieuse, vive, ironique : elles ont un charme inégalé que n’ont pas les voyages convenus des contemporains. À notre époque, la scission est consommée entre sciences et littérature : les « sciences humaines » règnent en maître.
La République des Lettres a-t-elle disparu ?
Avec l’Encyclopédie, dit Marc Fumaroli, une ère nouvelle s’ouvrait où « la liberté de ton du président de Brosses et l’esprit d’indépendance n’auraient pas été admises. C’est le temps où tout le monde s’oppose à tout le monde : le roi aux parlements, la cour aux philosophes. De cette République, Voltaire lui-même fait « un parti d’opposition et de combat ». On dirait à présent que tout est politisé. Belle leçon de modernité !
« Et in Arcadia ego. » Marc Fumaroli aura une place à son nom, comme Jacqueline de Romilly en a une, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, devant le café, enfin réouvert : « La Méthode ». Mais les commémorations ne consolent pas. A-t-elle disparu, cette société de savants lettrés dont Marc Fumaroli a fait partie ? Non pas « ce petit échiquier parisien », avec ses centaines de romans ou d’essais annuels, mais cette République des Lettres, européenne, cultivée, érudite sans pédanterie, éprise et jalouse de liberté ?