La politique de l’hélicoptère monétaire déverse des flots d’argent dans l’économie. Ce procédé aujourd’hui appliqué par la Banque centrale européenne devrait prioritairement viser les entreprises afin d’endiguer l’explosion du chômage.
Lorsqu’en 1969 Milton Friedman imagine la distribution massive de dollars aux foules américaines, il s’agit dans son esprit de pouvoir relancer l’inflation au cas où celle-ci viendrait à faire défaut – ce qui n’était pas le cas alors. Jamais mise en œuvre, cette politique monétaire atypique fut pourtant tour à tour évoquée en 2002 par Ben Bernanke – futur directeur de la Fed de 2006 à 2014 –, puis par Mario Draghi, alors président de la BCE, en 2016. Le premier y gagna d’ailleurs le surnom moqueur d’« Helicopter Ben ». Les deux banquiers centraux avaient jugé l’idée intéressante, dans le cadre cette fois d’une relance de la consommation intérieure.
L’inéluctable crise économique
À l’occasion de la (monstrueuse) crise du Covid-19, l’hélicoptère ressort du hangar avec une tout autre mission : sauver ce qui peut l’être du tissu économique étranglé par une conjonction mortelle. Crise de l’offre – confiné, on produit moins – autant que crise de la demande – assigné à résidence, angoissé, futur chômeur, on consomme moins –, ce cocktail mortel n’a pas d’antidote répertorié dans la pharmacopée des banques centrales. Pendant que tout le monde scrute les morts quotidiens du virus, l’économie vient d’être discrètement admise en soins intensifs. L’hélicoptère monétaire figure son dernier espoir, un traitement expérimental que les spécialistes déclinent en plusieurs variantes.
La participation du système bancaire, plutôt que son contournement, présenterait par ailleurs quelques avantages
Dans sa version originale, le pilotage de l’aéronef revient aux banques centrales – la BCE en zone euro – qui déversent sur les particuliers des flots d’argent sans passer par l’intermédiaire des banques. D’autres modalités peuvent toutefois être envisagées. Le pilotage pourrait ainsi échoir aux États, qui ne réserveraient pas la distribution aux seuls ménages, mais arroseraient copieusement les entreprises, voire se concentreraient sur elles. La participation du système bancaire, plutôt que son contournement, présenterait par ailleurs quelques avantages.


Comme on va le voir, ces débats techniques sont loin d’être neutres, mais retenons à ce stade l’essentiel : l’hélicoptère a décollé partout, aux États-Unis où le Trésor a fait un chèque signé Trump à destination des plus modestes, comme en Europe où la BCE prête de l’argent aux États pour qu’ils indemnisent un chômage qu’on qualifie abusivement de « partiel » – 10,2 millions de chômeurs « partiels » en France fin avril, la moitié des salariés du privé, une paille !
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Cette stratégie, à laquelle on souscrit volontiers spontanément – on se sent même disposé à donner un RIB –, recèle pourtant des risques. Ainsi, un accroît d’argent pourrait bien nourrir l’épargne plutôt que la consommation. Une catastrophe. Ou alors, autre scénario pessimiste, la baisse de la production coïncidant avec une augmentation de la masse monétaire se traduirait par une hyperinflation… la baguette à 30 euros ? De toute façon, la BCE a déjà ouvert les vannes, donc rendez-vous à l’héliport.
Une réponse européenne non sans risques
Des détails diaboliques se cachent toutefois dans les différents caparaçons de l’hélico. Le statut des 500, puis 750 et enfin 1 100 milliards (au 22 avril) qui seront ainsi distribués sous des formes variées par la BCE ravive déjà les tensi