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Le déni présidentiel face à l’ensauvagement

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L’ensauvagement ? Quel ensauvagement ? Cinq ans après avoir raillé un prétendu « Kamasutra de l’ensauvagement », Emmanuel Macron persiste. Dans le sud, il a de nouveau balayé d’un revers de main la problématique, la reléguant au rang de formules creuses bonnes pour la presse à scandales. Au sommet de l’État, une âme sèche préside au déclin de la France, selon notre chroniqueur.


Dans le monde parallèle d’Emmanuel Macron, les violences et les meurtres que sèment les loups dans les villes restent des péripéties méprisables. Se joignant aux alarmistes climatiques, il a déclaré samedi à Monaco : « Certains préfèrent, pendant ce temps-là, brainwasher (laver le cerveau) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ». Cette incapacité du chef de l’Etat à ressentir la moindre empathie, y compris pour les proies des barbares qui tuent comme ils respirent, confirme son désintérêt pour les viles questions sécuritaires et pour le désespoir des endeuillés.

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Une âme sèche et futile préside au déclin de la France. Narcisse se contre-fiche de l’enfer que fait subir aux plaintifs sa société ouverte aux quatre vents de l’immigration. Les intifadas qui ont ponctué la victoire du PSG, les agressions antisémites qui se succèdent, les crimes racistes qui apparaissent ici et là ne sont il est vrai pas démontrables par la science, appelée par le président pour justifier ses priorités sur le réchauffement et son dédain pour la plèbe. Derrière les propos révoltants du chef de l’État, c’est un univers glacial, élitiste et aride, qui se révèle agresseur des faibles laissés sans protection. Samedi, le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, a, dans la même veine, dénoncé sur Mediapart un « populisme anti-judiciaire », au prétexte que l’opinion s’indigne de ces juges qui n’osent sanctionner sévèrement les voyous des cités mais n’hésitent pas à accabler les policiers qui leur résistent ou les politiques qui dénoncent les prétentions de certains magistrats à imposer leur loi. Ces violences institutionnelles attisent l’exaspération contre un système injuste, inhumain.

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Dès à présent, les parents meurtris par des rapaces venus de la « diversité » ne se taisent plus. Ils se révoltent contre l’abandon de l’Etat. Vendredi, le père de Benoit, 17 ans, mortellement poignardé à plusieurs reprises à Dax, dans la fanzone de la Ligue des champions, a laissé éclater sa colère : « On accueille des réfugiés et après ils tuent nos enfants (…) Il a fallu qu’une racaille de merde vienne lui enlever la vie (…) J’ai la haine (…) On n’est plus en sécurité nulle part ». L’autre jour, c’était la mère d’Elias, 14 ans, tué à Paris par deux jeunes récidivistes, qui interpellait dans une lettre ouverte ceux « qui se sont moqués de nous » : les juges des enfants qui ont laissé les deux adolescents se rencontrer en dépit d’une interdiction judiciaire, leurs parents démissionnaires, le maire du 14ème « qui n’a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade », les médias « qui n’ont pas eu l’honnêteté d’écrire les mots machette et hachette, préférant minimiser l’acte en parlant de couteau », « les différents ministres de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Justice, de l’Intérieur qui n’ont pas pris la mesure depuis des années de la dérive d’une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l’impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence ». « La France a tué mon mari ! », avait accusé Harmonie Comyn, veuve d’un gendarme tué par un voyou en aout 2024. Les familles de Lola, Philippine, Thomas et bien d’autres encore sont les autres victimes d’une caste prétentieuse qui, chef de l’État en tête, ne tient plus que par le déni, l’insulte, la morgue, la méchanceté. Les jours de ce petit monde imbuvable sont comptés.

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Thierry Breton, alias M. Ripolin: «Karsenty m’a tuer»


Vendredi soir 18h30, BFM TV.
Au menu, le clash Trump – Musk.
Présentateur : l’excellent François Gapihan.
Sur le plateau : le très international Ulysse Gosset, Patricia Allémonière… et moi.
À ma grande surprise, au bout de quelques minutes, la chaîne fait intervenir Thierry Breton à distance.
L’ancien commissaire européen part dans une diatribe pour expliquer qu’Elon Musk a eu tort de faire de la politique après avoir été un homme d’affaires.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais : c’est exactement ce qu’a fait Thierry Breton… mais avec des succès contestés ; les actionnaires des entreprises qu’il a gérées ayant perdu beaucoup d’argent, voire tout leur argent.
Voici un extrait de cet échange qui a été vu plusieurs millions de fois sur les différents réseaux sociaux, cliquez là.
Après l’avoir sagement écouté, j’ai donc pris la parole : « Je ne voudrais pas être méchant avec Thierry Breton mais, quand même, vouloir donner des leçons d’économie à Elon Musk qui est aujourd’hui l’homme le plus puissant du monde en termes économiques. Quand on regarde – je suis désolé de vous le dire M. Breton – mais Atos qui est quasiment en faillite, Orange que vous avez mis aussi au tapis… Votre gestion des entreprises ne vous permet pas de donner de leçons à l’homme qui a réussi Tesla et SpaceX… »

A lire aussi, Didier Desrimais: En attendant Bégaudeau…

Ce à quoi Thierry Breton a répondu : « Non mais pardon, je ne sais pas qui est ce Monsieur, je ne le connais pas mais euh… »
Je l’ai alors interrompu : « Non mais moi je vous connais Monsieur, je suis un ancien financier, je vous ai bien connu sur les marchés… ».

Je faisais référence au surnom qui lui était donné sur les marchés financiers : « Monsieur Ripolin » car il était connu pour repeindre les façades des entreprises qu’il dirigeait sans jamais régler aucun des problèmes auxquelles elles étaient confrontées.

S’en est suivi une autojustification de Thierry Breton dans laquelle il a chargé chacun de ses successeurs pour justifier ses échecs.

J’aurais pu être plus sévère avec Thierry Breton et rappeler toutes les entreprises qu’il a dirigées… et plantées : sur BFM TV, j’ai cité Atos et France Telecom (devenue Orange), mais j’aurais pu ajouter Bull, Thomson mais aussi sa piètre performance en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sous Chirac entre 2005 et 2007 ou son mandat catastrophique de commissaire européen sous la présidence d’Ursula von der Leyen.

Je me suis amusé à aller voir sa fiche Wikipédia.
Voici ce qu’on y trouve : 

« Gestion des entreprises : Breton a dirigé plusieurs grandes entreprises, notamment Thomson, France Télécom et Atos. Ses détracteurs affirment qu’il a laissé ces entreprises en difficulté après son départ, bien qu’il ait continué à progresser dans sa carrière. »

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Musk versus Trump: testostérone et idéologie

Enfin, j’aurais pu lui demander pour quelle raison a-t-il pris la nationalité sénégalaise en 2015 ?

Dernière minute : on me souffle dans l’oreillette que Thierry Breton enchaîne les séances de média-training dans le but de… se présenter à la présidentielle en 2027.

Peut-être que Thierry Breton devrait lire les commentaires le concernant sur les différents réseaux sociaux ?

Cela lui évitera certainement de nouvelles déconvenues.

https://twitter.com/jon_delorraine/status/1931076342487142471

Géostratégie: pas une science exacte!

Si tu veux la paix… Comment soumettre son adversaire à sa volonté ? Les bonnes leçons d’Edward N. Luttwak.


D’abord, les mots. Le titre original de ce livre dont la première mouture remonte à 1987 est : Stratégie. La logique de la guerre et de la paix. L’étymologie nous apprend trois choses :

  • que le stratège, grec, n’est autre que le chef d’armée,
  • la stratégie, une notion spéciale de l’art militaire,
  • et l’auteur de ce livre, un « stratégiste », celui qui, depuis une acception entérinée en 1831, connaît la stratégie.

Laquelle est ainsi un art qui use et s’exerce au moyen d’instruments meurtriers, à valeur parfois principiellement dissuasive (cas de l’arme atomique), mais aussi de bonnes paroles, de ce que nous nommons la géo-psychologique et de géopolitique, – la diplomatie, tant sur le cours que le long terme, devant s’insérer dans la panoplie des instruments dont use le stratège digne de ce nom. Si, en France, le chef de l’Etat est le chef des armées, l’on en déduira qu’outre grands et moyens officiers, le président de la République et autres membres composants les organes, consultatifs ou décisionnels en la matière, doivent, à la lettre, se percevoir comme des artistes pratiquant un art dont seul notre orgueil pourrait nous croire qu’il peut devenir science. C’est ce qui, pour l’essentiel, ressort de ces 400 pages, et ce qu’avait bien compris Churchill, ainsi que nous le relate Luttwak.


En septembre 1941, le général en chef du British Bomber Command, Charles Portal, présenta au Premier ministre un plan prévoyant la mobilisation de 250 escadrons durant six mois de campagne, soit 4000 bombardiers et dont l’issue « devait être rien de moins que la victoire totale » sur l’Allemagne. Malgré la logique imparable de ce plan qui déployait ses étapes avec, en bout de course, la garantie d’une victoire d’autant plus évidente que ce plan paraissait avoir pensé à tout, malgré, donc, des apparences qui ne paraissaient nullement trompeuses (et le contexte proprement militaire de l’époque qui rendait cette préconisation comme étant la seule rationnellement envisageable), Churchill « choisit pourtant de se fier à son instinct [c’est nous qui soulignons] stratégique et, malgré le pouvoir de conviction de l’argumentation technique exposée par le plan, il présenta [ses] objections au général Portal. » On les résumera ainsi :

  • on ne peut en la matière se fier à la logique arithmétique ;
  • il est impossible d’intégrer dans le raisonnement toutes les variables (dont l’une, considérable, est ce que sera la riposte effective de l’ennemi, laquelle, elle-même, ne dépend pas uniquement de sa seule capacité technique et de sa volonté) ;
  • il n’y a pas de méthode sûre [c’est nous qui soulignons encore] ;
  • pas plus que l’économie, la stratégie n’est une science.

Ici ajouterons-nous que Luttwak est certes un « stratégiste » mais, surtout un polémologue, lequel pratique une science très, trop humaine comme dirait Nietzsche puisqu’elle est humainement incapable de maîtriser toute la chaîne de commandement – c’est-à-dire, au sens technique du terme, l’engrenage implacable des causes de toutes natures qui permettent de s’assurer de l’efficacité d’une action militaire donnée.

A lire aussi, Charles Rojzman: Le crépuscule des nations: Israël, la France et l’effacement des identités

Luttwak explique dans la foulée que « l’impact insignifiant » des opérations aériennes effectuées en 1943 par la 8ème Air Force américaine sur la machine de guerre allemande, conçues avec le même genre de pure logique comptable, arithmétique et matérielle que celle proposée par le BC britannique en 1941, a permis de vérifier in concreto le bien-fondé de la position de Churchill.

La stratégie est en effet l’art de la maîtrise du paradoxe. Mais, le problème c’est que nous ne sommes pas en présence de deux seuls discours parallèles qu’il suffirait de comparer, confronter pour ensuite les associer en une saine et victorieuse synergie. Des doxa, des discours, des logiques et des faits, il y en a des masses, et non seulement il y en a des masses, mais elles-mêmes évoluent en permanence en interagissant les unes sur les autres en un incessant jeux de miroirs. Dans sa réponse à Portal, à l’automne 1941, Winston Churchill expliquait qu’il « paraît probable que la défense au sol allemande et les chasseurs équipés pour le vol de nuit viendront à bout de nos attaques aériennes » et que « toutes les choses étant toujours simultanément en mouvement [principe même du paradoxe dynamique], il est tout à fait possible que la dispersion des ressources militaires atteigne, en 1943, une telle ampleur que leur survie sera dans une large mesure indépendante des installations situées sur le sol allemand. » C’est une grande banalité d’écrire qu’à l’exemple d’un joueur d’échecs ou de go, le stratège, par la définition même de son art, prétend pouvoir prévoir ; mais il ne le prétend que parce que, d’abord et avant toute autre considération, il sait raisonnablement pouvoir repérer d’un seul coup d’œil l’emplacement de ses propres pièces sur l’échiquier et celles de son adversaire ; il voit et, à partir de là, il espère à bon escient entrevoir, présager des multiples possibilités de mouvements, pour, ensuite (ou, plutôt, d’un point de vue neurocognitif : simultanément) voir et sélectionner le déplacement victorieux. Mais, le champ de bataille(s) de deux (ou n)belligérants – et notons au passage que deux pays en paix, ou même seulement indifférents l’un à l’autre, ne sont que deux (futurs) belligérants qui s’[l’] ignorent – est bien plus vaste que la surface de l’échiquier, et le nombre de coups possiblement infini. Si bien que, dans l’absolu, l’ambition et la fonction de l’art de la stratégie, en dernière analyse et en bon (vocabulaire) marxiste, se résumeraient à la compréhension de l’aléatoire quantique.

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Aussi notre auteur-stratégiste excelle-t-il à commenter le… passé (tenir Verdun en 1916 pour les Français, s’acharner à ravitailler en vain Paulus à Stalingrad pour les Allemands, maintenir indéfiniment dans le temps l’action de l’UNWRA – jusqu’à créer des abcès de fixation [topique et psychique, c’est nous qui ajoutons] – et des organisations humanitaires en général, ont-ce été là des actions de bonne stratégie, c’est-à-dire en définitive, de bonne politique ?), quitte à pousser le paradoxe un peu loin en nous expliquant que, si les camps à statut de réfugiés à vie avaient existé dès l’aube de l’ère judéo-chrétienne, le continent européen serait aujourd’hui « couvert de camps abritant les dizaines de millions de Gallo-Romains déracinés, de Vandales abandonnés, de Burgonde vaincus et de Wisigoths déplacés (…) ». Cette image est en vérité un sophisme, car l’utilité de ces « camps » (avec la notion juridico-politique de ‘‘réfugiés’’ qui l’accompagne) ne pouvait en ces temps se ressentir, d’une part, parce que la politique de l’empire romain était plutôt assimilationniste, d’autre part, parce que ces peuples barbares, d’origine indoeuropéenne, étaient d’abord nomades (et, que ce n’était qu’à l’issue de leurs périples, poussés par le vent d’est, et parvenus à l’extrémité de la péninsule euroasiatique qu’ils pouvaient se fixer). Ils n’avaient ainsi pas le temps de développer ni le ‘‘loisir’’ d’entretenir le sentiment de la nostalgie de leurs terres d’antan, et, de la sorte, n’étaient guère enclins à revendiquer un quelconque « droit au retour »… Alors, le processus de fusion-absorption de peuple à peuple semblait fonctionner. Ce qui laisserait à envisager qu’il s’agit de la plus efficace des stratégies de… paix.

Il est vrai que nous n’avons pas précisé dans quel sens, en chaque occurrence, devait s’établir ledit processus. Il est vrai aussi que, de ce très remarquable ouvrage, il est possible de (re)tirer non seulement quelques cartouches, mais aussi quelques enseignements… dirons-nous plus prosaïques, tangibles, d’utilité immédiate… que des stratèges civils et militaires de tous camps, humbles d’esprit et de compétences inter (ou multi-) disciplinaires, se feront autant un plaisir qu’un devoir de découvrir.  

Edward N. Luttwak, Le Grand livre de la stratégie, Odile Jacob, 400 pages.

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Montagnac ou le refus de partager

Quand, à Montagnac, on vous répond “Salam aleykoum” au lieu de “Bonjour, monsieur”, ce n’est pas une maladresse — c’est le symptôme criant d’un séparatisme islamique qui, désormais, joue à visage découvert. Analyse.


« Ici, on dit Salam aleykoum, pas Bonjour, monsieur ! » — c’est la réponse qu’a reçue un inspecteur du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, lors d’un contrôle à Montagnac (Hérault). À cet épisode navrant et révélateur se sont ajoutés des faits de violence et des insultes anti-Français répétées. Résultat : l’Union sportive de cette commune de 5 000 habitants, située entre Sète et Béziers, a été privée de toute subvention publique.

« On est des bénévoles, des éducateurs, pas des criminels », se défend l’un des membres du club dans Midi Libre1. Mais du côté de la préfecture, le constat est tout autre. « Il y a des clubs de sport où l’on ne pratique pas que le sport, et les familles qui confient leurs enfants à ces associations doivent le savoir », déclare le préfet de l’Hérault dans une enquête du Figaro2.

Le même article relaie aussi l’inquiétude d’un éducateur : « Quand on explique à nos gamines qu’elles ne peuvent pas jouer avec un voile et que, le week-end suivant, dans le département voisin, on affronte une équipe où ça ne pose aucun problème, notre argumentaire devient difficile à tenir. » Un témoignage qui souligne, au-delà du cas de Montagnac, l’urgence de clarifier la législation sur les pratiques religieuses ou le port du voile dans le sport amateur.


Parfois, il suffit d’un terrain de football, d’un match banal dans un village du sud de la France, pour que tout ce que l’on croyait enfoui remonte à la surface. En mai 2025, le club amateur de Montagnac, dans l’Hérault, a été suspendu par la Fédération française de football. Cette décision, suivie de la suppression des subventions publiques, fait suite à une série d’incidents survenus au fil des mois : invectives violentes, insultes communautaires, refus de parler français sur le terrain.

Des faits graves

Les faits ont d’abord été rapportés par les médias locaux — Midi Libre, France Bleu Hérault, Métropolitain Montpellier. Le ton était mesuré, presque embarrassé. Les articles mentionnaient des « tensions croissantes », des « propos déplacés », des « incidents répétés » sans toujours nommer ce qui, en creux, apparaissait clairement : le rejet de la règle commune, et avec elle, celui du pays lui-même. Le souci d’apaisement était palpable, mais la gêne aussi. Les journalistes semblaient marcher sur des œufs, comme s’ils redoutaient d’ouvrir un débat trop chargé pour la tranquillité locale. Pourtant, la gravité transparaissait, ligne après ligne.

Puis les médias nationaux ont repris l’affaire. CNews, dans sa ligne habituelle, y a vu une illustration de la fragmentation communautaire, et a donné la parole à des élus et à des éducateurs sportifs désemparés. Sur les réseaux sociaux, l’affaire a été reprise et commentée largement, souvent avec excès. Certains y ont vu une simple anecdote gonflée par les médias conservateurs. D’autres, un fait révélateur de tensions profondes. Des sites comme Jeanmarcmorandini .com ou Valeurs Actuelles ont relayé les propos tenus sur le terrain — « sales Français », « sales Blancs » — tandis que d’autres, à gauche, ont appelé à « contextualiser », à « comprendre les causes sociales » plutôt que de pointer les faits bruts.

Puisqu’on vous répète que le climat se réchauffe !

Cette dissonance médiatique n’est pas nouvelle, mais elle dit quelque chose : on ne sait plus très bien comment parler de ce genre d’événements. Faut-il les taire, de peur d’alimenter un climat ? Faut-il les nommer, au risque d’être taxé d’arrière-pensées idéologiques ? Une chose est certaine : ce silence embarrassé, ou ce bruit de surface, ne change rien à la réalité perçue sur le terrain. Les éducateurs locaux, les arbitres, les bénévoles, eux, n’ont pas lu ces polémiques dans la presse. Ils ont vu le mépris dans les regards, entendu les insultes, et constaté le refus explicite de s’inscrire dans un cadre commun. Ils ne parlent pas en termes idéologiques. Ils parlent d’une fatigue. D’un abandon.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

Mais au-delà de cette agitation, quelque chose d’essentiel s’est joué. Ce n’est pas une simple incivilité. Ce n’est pas seulement un débordement. C’est un signe. Le signe d’un refus, non pas ponctuel, mais structuré : celui de partager un espace commun. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas la diversité. C’est la capacité à faire société dans un cadre reconnu, avec des règles partagées.

Car un terrain de football, dans un village, devrait être un lieu de lien. Un lieu où l’on apprend à obéir à une règle, à parler la même langue, à reconnaître l’arbitre, même lorsqu’il se trompe. Un lieu modeste, mais significatif, où l’on accepte de cohabiter dans un même cadre, sans l’imposer aux autres, sans le contourner. À Montagnac, c’est cela qui a été brisé.

Je vis dans ce pays depuis longtemps. J’en connais la complexité. Je ne suis pas naïf. Je sais ce qu’il en coûte de quitter son monde d’origine pour en épouser un autre. Mais je sais aussi que cela reste possible. Je connais des hommes, des femmes, venus d’ailleurs, qui ont fait ce choix. Non pas en reniant ce qu’ils étaient, mais en acceptant de devenir autre chose : des Français. Par les mots, les usages, l’histoire, le respect d’un cadre commun.

Ceux-là n’élèvent pas la voix. Ils ne réclament pas de place : ils la prennent, par leur discrétion, leur travail, leur fidélité. Ils savent que la France n’est pas un service, mais une promesse. Et que cette promesse demande un effort, un engagement, parfois un renoncement. Ils n’ont rien d’héroïque, mais ils tiennent. Et par eux, quelque chose tient encore.

À l’inverse, il y a ceux qui refusent. Non pas parce qu’ils ne peuvent pas. Mais parce qu’ils ne veulent pas. Ceux-là transforment la France en décor. Ils la traversent sans l’habiter. Ils s’en plaignent sans la connaître. Ils la rejettent tout en profitant d’elle. Et ce rejet, aujourd’hui, ne se cache plus. Il s’affirme, parfois brutalement, jusque sur un terrain de foot.

Le sport ciblé par les islamistes

Montagnac n’est pas un cas isolé. Mais il a le mérite de montrer, simplement, sans théorie ni slogan, ce qui est en jeu. Il ne s’agit pas de peur, ni d’hostilité. Il s’agit de transmission. De la langue, des règles, de ce qui permet encore à des personnes différentes de coexister sans s’affronter. Rien de glorieux, rien de grandiose. Mais sans cela, tout se délite.

Je ne crois pas que tout soit perdu. Mais je crois que le lien est fragile. Et que ce lien ne tiendra pas sans une exigence retrouvée. Pas une exigence brutale. Une exigence simple : celle de reconnaître ce pays pour ce qu’il est. Non pas parfait. Mais accueillant, à condition d’être reconnu en retour. Cela ne demande pas de tout aimer. Mais de vouloir y habiter. Réellement. Avec d’autres, dans une langue, une patience, une mémoire.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

La France n’est pas un guichet. Ce n’est pas non plus une abstraction. C’est un lieu concret, une langue, des habitudes, une mémoire. Cela n’impose pas d’oublier d’où l’on vient, ni d’aimer tout ce qu’on y trouve. Mais cela suppose de vouloir y vivre avec les autres, de faire un pas vers eux, de reconnaître les règles du jeu commun. Tant que ce désir existe, tant que ce geste simple se transmet — celui de rester, d’écouter, de parler — alors il reste quelque chose à tenir.

Et il faut bien le dire : sans politesse — au sens le plus ancien, le plus exigeant — il n’est pas de société. S’asseoir à la table commune, ce n’est pas seulement y prendre place, c’est aussi y observer un silence, apprendre les gestes, respecter les usages. Ce n’est pas exiger que l’on change la vaisselle, qu’on bouleverse les plats, qu’on réécrive le menu : c’est, d’abord, remercier. C’est dans cette mesure discrète, dans cette retenue, que réside ce qui fait encore tenir un pays debout.

  1. Montagnac perd son agrément, Yanick Philipponnat, Midi Libre, 23 mai 2025 ↩︎
  2. «Ici, on dit “Salam aleykoum”, pas “Bonjour, monsieur”»: dans l’Hérault, le football amateur en proie au communautarisme islamiste, Guillaume Mollaret, Le Figaro, 6 juin 2025 ↩︎

Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

Le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Des marches de Cannes aux plateaux du service public, c’est un festival d’«engagements» lâches et bien-pensants


Thierry Ardisson a cru bien dire : « Gaza, c’est Auschwitz, voilà, c’est tout ce qu’il y a à dire. » (10 mai, France 2) L’homme de télévision, baromètre de l’air du temps, réagissait au témoignage d’un médecin humanitaire comparant le sort des enfants gazaouis à ceux des camps de la mort. Sur le plateau de Léa Salamé, l’outrance n’a pas été relevée. La séquence, préenregistrée, n’a pas été coupée. Pour la pensée mondaine, qui tient salon sur la chaîne publique, rien n’est plus banal que de nazifier la démocratie israélienne : la gauche antisioniste le martèle, l’Élysée l’euphémise. Il n’est venu à l’idée de personne de rappeler les liens entre le Hamas et le nazislamisme du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, qui rejoignit Hitler pour créer en 1943 la division SS Handschar, composée de musulmans bosniaques. Conscient par la suite de la bêtise de son cliché, Ardisson a présenté ses excuses à ses « amis juifs ». Il a été le seul.

L’anecdote dit les effets débilitants du conformisme médiatique, ce prêt-à-penser à l’usage des arrivistes et des paresseux. Il a porté la réflexion sous son étiage. Marcel Aymé moqua, dans Le Confort intellectuel (1949), l’attrait du bourgeois progressiste pour les idéologies les plus démentes, les arts abstraits les plus fumeux, les postures hermétiques les plus verbeuses. Ce que le chercheur Bob Henderson nomme aujourd’hui les « croyances de luxe[1] » désigne ce même désir, de la part d’« élites » déculturées, d’exhiber leur supériorité en récitant des dogmes manichéens, signes clinquants d’une reconnaissance sociale. Le wokisme est le dernier avatar totalitaire promu par ce beau monde aux pensées floues qui a perdu le sens des mots et des faits.

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La caste snobinarde n’a d’obsession que de marquer sa distance avec ces ploucs qui pestent contre l’insécurité, l’immigration, l’islam radical. Le choix de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et nouveau président des LR, d’éventer le 21 mai un rapport sur l’emprise des Frères musulmans, a brisé le silence d’État sur l’invasion islamiste vue comme un fantasme complotiste. Dans les dîners germanopratins, abrités de sas et de digicodes, il est séant de critiquer CNews plutôt que Jean-Luc Mélenchon, de hausser les yeux à l’évocation de Marine Le Pen ou Donald Trump. Plutôt que de défendre un écrivain ciblé par les islamistes, Libération a dénoncé chez Kamel Daoud sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire ». Boualem Sansal, qui avait parlé à des journalistes conservateurs avant son arrestation en Algérie, n’a pas été cité par Emmanuel Macron, le 13 mai, dans ses plus de trois heures de paroles sur TF1. Le président a parlé de « honte », mais il visait Israël.

En mai, le Festival de Cannes a mis en scène la platitude satisfaite des privilégiés. La présidente du jury, Juliette Binoche, a inauguré le raout la tête à moitié couverte d’un voile Dior, en déplorant le réchauffement climatique. Mathieu Kassovitz a dit : « Il n’y a plus de Français de souche et j’espère qu’on pourra continuer à se mélanger. » Ainsi parle l’intelligence artificielle du show-biz, de la presse vertueuse, des philosophes de coquetels. Cette gauche prétentieuse est vide. Alain Finkielkraut en a fait l’aveu (15 mai, Figaro TV) : « C’était glorieux d’être de gauche ; cela devient presque insultant. […] Je veux bien me dire de droite, cela ne me dérange pas. » Le vent tourne, vous dis-je.


[1] Cité par Samuel Fitoussi dans Pourquoi les intellectuels se trompent, L’Observatoire, 2025.

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Thierry Marignac en immersion dans la Russie en guerre

L’écrivain publie Vu de Russie. Chroniques de guerre dans le camp ennemi (Manufacture des livres, 2025)


Thierry Marignac est traducteur et écrivain, mais aussi journaliste de terrain dans le Moscou périlleux des années 90, le Kiev survolté de la révolution orange (2004) et celui d’après le Maïdan de 2014, bref, l’exact contraire du pseudo-expert de plateau ânonnant les éléments de langage d’officines gouvernementales.

Pas russophobe

Il l’a prouvé naguère dans La Guerre avant la guerre. Chronique ukrainienne, un essai truffé d’informations exclusives, en décrivant, le premier, l’importance des clans mafieux qui se moquent des frontières, ukrainiennes ou russes, et mettent l’Ukraine, ce scandale géologique, au pillage. Il montrait bien que cette guerre a commencé dès 2004, et sans doute bien plus tôt, dans le cadre non seulement de luttes entre mafias mais aussi d’une volonté stratégique des thalassocraties anglo-saxonnes d’affaiblir à tout prix la Russie (thèse de Zbigniew Brzeziński sur l’indispensable rupture entre Moscou et Kiev, déjà pensée à Vienne avant 1914, puis à Berlin jusqu’en 1945).

A lire aussi: Edouard Limonov, ou la vie comme rhapsodie

Exaspéré par les propagandes, il a décidé de passer quelques mois dans la Russie en guerre, et d’utiliser son vaste réseau, notamment littéraire (il est connu en Russie pour sa longue amitié avec Limonov) pour voir de près comment ce pays vit depuis les débuts de « l’Opération spéciale ». Ce russophone, qui n’est pas russophobe, a ainsi rencontré, dans le désordre, des opposants, des vétérans, des cinéastes, des reporters de guerre (liés ou non aux Organes), des toubibs et même des politiciens locaux, et ce à Moscou, à Saint-Pétersbourg, mais aussi à Kronstadt ou dans des villes reculées de l’Oural. L’image kaléidoscopique qu’il donne, par le biais de courts chapitres tous axés sur une rencontre (et donc bien vivants), ne correspond en rien à celle véhiculée dans la presse mainstream.

Les langues se délient

Parmi ses observations, toujours originales et sans rien de convenu, d’une société « déconcertante », il faut pointer le caractère lointain de cette guerre, la mondialisation progressive de l’espace slave, qui connaît des fléaux tels que la drogue, omniprésente comme à l’Ouest : «Le diable russe souffre des mêmes maux que la vertueuse Euro-Amérique ». Supermarchés bourrés de denrées occidentales acheminées par des trafiquants de Turquie ou d’Asie centrale, boutiques de sport, centres commerciaux, le même « système de cupidité » s’impose pas à pas. Concernant la guerre elle-même, les langues se délient : nulle terreur de type stalinien, mais une séculaire prudence (une loi récente punit la critique de l’armée de lourdes amendes), et pas mal de franc-parler : «La guerre est soutenue en dehors du régime, voire contre lui, par un véritable sentiment populaire ». L’union ancienne de l’Ukraine et de la Russie, les innombrables familles mixtes, font que certains vétérans disent « se battre contre leur miroir », même si la solidarité avec les russophones d’Ukraine prend encore le dessus. Le tableau : une guerre fratricide attisée par des apprentis sorciers au nom d’intérêts sordides et qu’absout notre jacassante bonne conscience – ce que Marignac surnomme l’esprit ONG.

Thierry Marignac, Vu de Russie. Chroniques de guerre dans le camp ennemi, La Manufacture des livres, 250 pages

Vu de Russie: Chroniques de guerre du camp ennemi

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Bienvenue chez les Routiers!

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Dans son tour de France photographique des « Restos routiers » paru aux éditions Hoëbeke, Guillaume Blot capte les lumières de la route et l’humanité de ces forçats du transport. Un voyage au pays de Johnny et des desserts en farandole…


Sont-ils une espèce en voie de disparition ? Les chiffres annoncés par l’auteur sont alarmants. La France comptait 4 500 restaurants routiers en 1970, ils sont 700 aujourd’hui.

Lieux de réconfort

Guillaume Blot qui a initié ce projet photographique en 2018 a parcouru les routes secondaires de notre pays à la recherche de ces lieux de repos et de réconfort où les chauffeurs s’arrêtent pour se restaurer, pour se laver, pour se raser, pour échanger entre collègues ou pour s’extraire, une heure ou une nuit, de l’enfer de la circulation. Ces endroits-là sont des phares et des refuges. Ils clignotent tels des relais de poste criards et alléchants de l’ancien régime.

Ils sont des appels à lever le pied, à se garer sur un parking poussiéreux et à se confronter à d’autres Hommes autour d’une table ou le coude au zinc. Après des heures à conduire, le regard dans le vague ou l’envie de parler à un copain, ces restaurants accueillent la face cachée de notre société. Dans un monde où les échanges deviennent essentiellement virtuels, où la solitude gangrène les esprits, cette confraternité-là, bruyante parfois, hâbleuse par défoulement, le plus souvent silencieuse par fatigue, fait partie de notre art de vivre. Il y a soixante-dix ans, le cinéma les mettait à l’affiche et louait leur solidarité. Gabin dans « Gas-oil » de Gilles Grangier sorti en 1955 avait tout du camionneur fidèle, sensible et courageux.

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La France qui travaille

Ces Hommes-là, vous ne les verrez pas en ouverture des journaux télévisés, seulement lorsqu’ils bloquent ; alors là, on se souvient enfin d’eux pour les critiquer. Ces travailleurs essentiels, de l’ombre, n’ont pas droit au micro-trottoir et aux éditos emperlousés. Sans eux, l’économie tournerait pourtant au ralenti. Ils savent qu’ils ne sont pas les étendards de la « Start-up Nation ». On ne les montre pas en exemple de réussite dans les écoles. Leurs enfants n’ont pas honte d’eux, ils savent leurs efforts pour ramener un salaire décent à la maison et apporter la dignité à un foyer. On préfère taire leur mission parce qu’on ne connaît rien d’eux. La logistique n’intéresse pas beaucoup nos dirigeants. Et parce qu’ils ne sont pas assez chics et présentables, on les ignore. On les imagine au volant de bahuts antédiluviens, alors que les poids lourds sont à la pointe de la technologie, en avance sur les voitures particulières. Ils représentent tout ce que la société déteste : le travail manuel, la cuisine copieuse, trop de masculin bien que la profession se féminise, un fumet graisseux et les voies abandonnées, en dehors des autoroutes. Ces conducteurs qui traversent l’hexagone, voire l’Europe, ces gros pigeons voyageurs de nos provinces sont souvent éloignés de leur famille durant plusieurs jours. De livraisons en livraisons, d’aventures en aventures, ils quadrillent une France secondaire. Guillaume Blot a visité 120 établissements et flashé cette population si particulière, avec ses codes et ses rites. Et le résultat est joyeusement coloré. Éminemment populaire et sensible. Sans une pointe de misérabilisme.

Poétique

Son travail dessine une carte du tendre, de l’étrange, du kitsch, de l’humanité arrachée au labeur, d’une forme de poésie de l’anodin. Du quotidien qui vire au sympa. De la bonne humeur et des verres de l’amitié. Sans le verre de l’amitié, une nation court à sa perte. Qu’est-ce qu’on voit exactement sur ces clichés brillants, lustrés comme une cagole, un samedi soir ? Des accents, des nationalités différentes qui ne se haïssent pas, une attirance certaine pour les sauces et les desserts « hautement » sucrés. Des gaillards en bermuda et claquettes ; ici, on porte le marcel avec assurance. Des demis de bière et des assiettes de frites à ras bord. Des buffets à volonté. Les portions sont généreuses comme leurs paluches. On y voit un Johnny plus vrai que nature, lunettes d’aviateur et coupe de cheveux à la Patrick Sébastien. Il est fan de western et de John Wayne. On fait la rencontre d’Odile, la cheffe du relais Les Ombrelles dans la Loire qui prépare « sa fameuse tête de veau ». On apprend que Catherine, la cheffe de La Cabane Bambou dans la Somme flambe ses plats au cognac. On se met tout simplement à les regarder vraiment.

Restos routiers de Guillaume Blot – Préfaces de Nora Bouazzouni et Mohamed El Khatib – Hoëbeke – Gallimard 184 pages

Tendre est la province

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Des vacances comme à la télé


La touristification du monde ne connaît pas la crise : le groupe hôtelier de luxe Four Seasons, en partenariat avec la chaîne de télévision HBO, a annoncé l’organisation d’un tour du monde en jet privé à destination des lieux phares de la série The White Lotus1.

The White Lotus Saison 3, disponible en France sur la plateforme Max (c) HBO

Vingt jours d’escapade premium, durant lesquels 48 globe-trotters fortunés (180 000 euros par tête de pipe) pourront rejouer les vacances des ultra-riches dépeints dans la fiction à succès de Mike White. Le World of Wellness Journey, « une expérience immersive centrée sur le bien-être physique et mental », s’inscrit dans une tendance qui fait florès, celle du set-jetting : choisir sa destination de voyage sous l’influence d’un film ou d’une série. « Chaque étape est pensée pour offrir une expérience unique et sur mesure », précise avec gourmandise Marc Speichert, directeur commercial de Four Seasons.

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Les happy few pourront ainsi barboter dans les eaux turquoise de Maui (Hawaï, saison 1), s’enivrer de capiteux cépages siciliens à Taormina (Italie, saison 2) avant de s’adonner au yoga sur un ponton de Ko Samui (Thaïlande, saison 3). Le hic ? Ce prospectus de papier glacé est l’exact opposé de la critique sociale – quasi marxiste – exposée par le créateur de The White Lotus à Télérama : « Ces gens aisés sont sur la défensive. Cette classe sociale se sent menacée dans sa culture, dans son existence même. La série examine tous les arguments qu’ils utilisent pour justifier leur façon de vivre, et leur volonté de ne surtout pas en changer. »

De fait, la satire mordante des nantismondialisés (leurs petites névroses et leurs grandes hypocrisies, leur vacuité existentielle et leur culpabilité postcoloniale) contraste pour le moins avec le projet réel de fastueuse robinsonnade en Airbus A321 privatisé. Si on ne s’étonne pas que la morale fictionnelle capitule face au principe de réalité économique, on est néanmoins en droit de s’en amuser. « L’Occident meurt en bermuda », écrivait en son temps Philippe Muray. Son revers devra être cousu d’or pour se payer le luxe de trépasser de l’autre côté du petit écran.


  1. https://www.max.com/fr/en/shows/white-lotus/14f9834d-bc23-41a8-ab61-5c8abdbea505 ↩︎

De la Vesle à la Nièvre ou le temps qui fuit

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Ma Sauvageonne voulait me faire une surprise. Elle m’invita à bord de sa voiture. « Où m’emmènes-tu ? », osai-je. « Tu verras bien ; je ne te le dirai pas. Un lieu merveilleux, magique ! » répondit-elle, enjouée. Je n’insistai pas, me contentant, tel un train, de regarder, au travers des vitres de l’automobile, les vaches paître dans les grasses prairies de l’ouest d’Amiens. Comme à son habitude, elle conduisait avec vivacité, un peu comme la bonne sœur dans un des films de la série Le Gendarmes de Saint-Tropez, avec Louis de Funès. Je la contemplais : élégante, un style année soixante-dix, robe légère, des yeux verts, verts comme les eaux de la plus belle rivière de France : la Vesle. Elle fixait le ruban d’asphalte caressé par la lumière poudrée de cette fin d’après-midi de printemps. Au bout d’une vingtaine de minutes, elle s’arrêta net. Je m’abstins de la remercier d’un « merci monsieur l’abbé », comme le fait de Funès, désappointé, apeuré plutôt par la conduite moniale ; elle eût pu mal le prendre et je n’avais nullement l’intention de repartir à pied à Amiens ; la Sauvageonne ébouriffée, non dénuée de personnalité, possède aussi son caractère.

Le prieuré de Moreaucourt, c’était donc là. Quelle bonne idée ! J’étais déjà passé devant mais jamais je n’avais eu l’occasion de le visiter. Tout en joie, l’idée de lui sauter dessus pour la couvrir de baisers m’effleura ; je me retins. Nos ébats eussent pu nous mettre en retard ; l’heure était déjà avancée. Je craignais de trouver porte close. Heureusement, elle ne l’était pas.

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Nous nous avançâmes le long d’une allée ; au loin, nous aperçûmes un guide de la connaissance. Il devisait en compagnie de visiteurs. Nous décidâmes de procéder, seuls, à la découverte des lieux. Nous ne le regrettâmes point. Vieilles pierres, jardins de buis, végétation luxuriante et fraîche comme une Pelforth dans le bidon de Jacques Anquetil dans l’ascension du Mont Ventoux le 13 juillet 1958 (Je m’en souviens comme si c’était hier ; j’avais deux ans). Le prieuré de Moreaucourt, situé sur le territoire de la commune de L’Etoile, dans la Somme, a été fondé en 1146 par Aléaume d’Amiens, seigneur de Flixecourt, avant son départ pour la croisade avec le roi Louis VII ; il a accueilli pendant quelque 500 ans une communauté de religieuses de l’ordre de Fontevraud. Il fut détruit à plusieurs reprises (en 1455, 1475, 1492, 1522, 1595) mais à chaque fois, il fut reconstruit. En 1636, pour fuir les invasions espagnoles, les religieuses quittèrent les lieux pour se fixer définitivement à Amiens ; elles utilisèrent des matériaux de Moreaucourt pour faire bâtir leur nouveau monastère situé à l’emplacement de l’actuelle bibliothèque Louis-Aragon. Le pauvre prieuré tomba alors dans l’oubli. En 1926, les ruines furent protégées au titre des monuments historiques. Quarante-et-un an plus tard, elles furent redécouvertes par Gérard Cahon, un professeur de l’école de La Salle, à Amiens ; des fouilles archéologiques furent menée jusqu’en 1991. Le lieu, peu à peu, reprit vie. La vie, nous la sentions bouillonner sous nos pieds, alors que nous cheminions, la Sauvageonne et moi. Lieu d’histoire(s) et de fraîcheur qu’elle connaissait déjà ; elle n’hésita pas à me conter quelques souvenirs personnels qui me mirent en joie. Pensif, je m’attardai sur les rives de la Nièvre dont les eaux sauvages (onnes) me faisaient penser à celles de la Vesle juste après la petite écluse située dans le parc du château de Sept-Saulx, dans la Marne, où je passais mes vacances d’enfant et d’adolescent (Mon grand-père maternel y était jardinier.) Plutôt que de me jeter dans l’onde folle, je me jetais dans le regard de ma belle ébouriffée afin de ne plus songer au temps, impitoyable, qui fuit.

Mourir légalement assisté? Plutôt crever!

Rien n’arrête le progressisme. La mort souffrait d’un vide juridique, la loi euthanasie l’a comblé. Le monde flou du privé, de l’intime et du discret a vécu, le droit et la transparence s’imposent. On mourra désormais dans le cadre prévu pour, assisté et couvert légalement.


En ce moment, quand j’entends le mot, la chanson des Olivensteins me revient.

Vite vite vite y’a encore une fuite
Que le médecin colmate…
Euthanasie papy euthanasie mamy
Votre calvaire est fini.

Je ne les écoutais pas en 1979. J’aurais pu, j’avais 15 ans. À l’époque, c’est par les grands frères de mes copines que je me suis branché, et les grands frères de mes copines n’écoutaient que des trucs de hippies. J’ai envie de dire que je leur dois tout. C’est mon côté modeste. En fait non, il a quand même fallu que j’aille y jeter un coup d’œil à leurs disques, que je trouve l’audace de leur demander de m’en prêter, que j’écoute, que j’insiste avec ce qui ne me plaisait pas tout de suite. Le goût pour la nouveauté, pour l’étrangeté, la curiosité, tout ça, on ne l’avait pas tous. Pour la plupart des mecs, c’était « Allez les Verts ! ». Il y avait beaucoup de « Pascal Praud » dans les classes. Des fans de Platini, de Rocheteau et des autres. Y avait-il un Noir dans l’équipe ? Je ne sais plus. Aujourd’hui, on se demande s’il y aura un Blanc dans la prochaine sélection. Enfin moi je me demande. Mais passons, aujourd’hui, je ne parlerai pas de tiers-mondisation, je parlerai d’euthanasie.

Un accessoire de la panoplie progressiste

Je ne peux pas dire que le sujet me passionne, je dirais même qu’il ne m’intéresse pas. Voilà c’est très simple. Absence d’intérêt. C’est le genre de thème qui m’éloigne aussi sûrement de mes contemporains qu’une finale de Coupe du monde. Ces soirs-là, je regarde un western, comme un juif dans un film de Desplechin qui le soir de Noël mange des pâtes.

Je suis juste effaré que tant de gens s’activent jusqu’au militantisme pour ça. Des gens veulent mourir quand ils veulent et comme ils veulent. Grand bien leur fasse, mais qui les en empêche ? Personne, mais ce n’est pas dans la loi. Alors voilà, on réclame un cadre légal pour mourir. Le droit qui s’est emparé de tout sur terre convoite le monde des ténèbres. Il ne suffisait pas qu’il régente la vie, le voici appelé à contrôler la mort. Chez La Fontaine, les grenouilles réclament un roi. Chez nous, les citoyens braillent : Une loi, une loi !

Je vois bien qu’il y a deux camps et toutes les nuances qu’il faut entre les deux, mais déjà que le thème m’ennuie, alors les nuances… Le seul truc un peu drôle, c’est l’affrontement. Un peu Don Camillo. L’autre soir, à un dîner, une fille à qui je disais que je m’en foutais me répond donc tu es contre et me demande si je suis aussi pour la peine de mort parce qu’en général, ça va ensemble. Je n’ai pas eu le réflexe de lui demander puisqu’elle était pour l’euthanasie, si elle était aussi pour la légalisation du cannabis, le mariage gay et la régularisation des « sans-papiers » parce qu’en général, ça va ensemble. Ça ne m’est pas venu, c’est comme ça chez les introvertis, ça arrive avec deux métros de retard alors je vous le sers dans le journal. Rien ne se perd.

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Elle a raison la patronne, le droit de mourir « dans la dignité » comme ils disent est un accessoire de la panoplie progressiste. Et puisque c’est un accessoire qui contrarie le catho réac, à gauche on ne s’en prive pas. Même ceux qui n’y ont pas réfléchi savent qu’il faut pencher de ce côté-là puisqu’il suffit d’être contre la droite pour être dans le bon sens.

Un Dieu jaloux

Et qu’avons-nous en face ? Les cathos. Eux sont farouchement contre pour des raisons aussi peu originales et personnelles que les autres. Ils n’ont simplement pas le droit. C’est Dieu qui leur a dit. Tu ne te feras pas sauter le caisson, même assisté, je suis le seul à pouvoir le faire, à te rappeler quand ça me chante, n’oublie pas que je suis un Dieu jaloux.

Voilà, c’est dans la Bible, pas comme ça, mais vous avez compris. Et c’est pour ça qu’ils sont contre. Que disent-ils à leur grand-mère qui les a assez vus, qui se tord de douleur et qui se chie dessus ? Allez mémé, un peu de courage, il ne vous a pas rappelée, et priez au lieu de gémir. Évidemment, ils ne la ramènent pas avec leur bondieuserie à la télé, ils invoquent la protection des plus faibles, les dérives, les abus, le basculement civilisationnel, et la toute vieille qu’en finit pas d’vibrer et qu’on attend qu’elle crève vu qu’c’est elle qu’a l’oseille, de la chanson de Brel.

Là, ils marquent un point. L’insistance malsaine et intéressée d’une famille impatiente pour qu’on cesse de « s’acharner », pour « qu’on en finisse », c’est un argument. Mais que faire ? Je crois que dans cette situation, je déshériterais les petits vautours pour échapper aux pressions. Enfin je ne m’inquiète pas, je n’aurai rien à léguer qui mérite qu’on se conduise mal.

Liberté encadrée, très peu pour moi…

Pour le reste, le changement de civilisation, je ne vois pas trop. Le médecin qui a juré de sauver la vie et qui donnerait la mort, une rupture anthropologique ? Il faudrait qu’on m’explique mieux. Il me semble qu’on peut être multicarte. L’alcool, ça sert à désinfecter ou à se bourrer la gueule ? Les deux. On trahirait le serment d’Hippocrate en accordant une dernière volonté au condamné ? J’ai des doutes.

D’ailleurs, on en débat mais tout ça existe déjà. Les soignants le disent, l’euthanasie ou le suicide assisté se pratiquent couramment à la demande d’un patient et dans la discrétion d’une famille et d’une équipe médicale. Et c’est peut-être ça qui dérange : la discrétion. Il s’agit donc sans tarder d’aller jusqu’au seuil de la mort poser un cadre légal et imposer plus de transparence. Olivier Falorni le dit très bien, la loi permettra « d’accéder à une nouvelle liberté, mais une liberté strictement encadrée sur la base de critères rigoureusement établis ».

Une liberté strictement encadrée, ce n’est pas le genre que je préfère. Des critères rigoureusement établis pour mourir. Plutôt crever ! Mais de grâce, sans être encadré ni assisté, seul et par mes propres moyens. Dans la dignité, comme ils disent, enfin dans l’idée que je m’en fais. Et là il y en a toujours un qui me répond : Et si tu ne peux pas, mon vieux ? Pas de bras, pas de trépas. J’y ai pensé. Je cherche depuis à me faire un ami sûr ou un ennemi solide pour me faire passer de l’autre côté en cas de besoin. Et si à l’agonie, je n’ai trouvé personne, j’en conclurai que j’ai raté ma vie. Alors, je pourrai bien rater ma mort.

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Le déni présidentiel face à l’ensauvagement

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"Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre..." Monaco, 8 juin 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

L’ensauvagement ? Quel ensauvagement ? Cinq ans après avoir raillé un prétendu « Kamasutra de l’ensauvagement », Emmanuel Macron persiste. Dans le sud, il a de nouveau balayé d’un revers de main la problématique, la reléguant au rang de formules creuses bonnes pour la presse à scandales. Au sommet de l’État, une âme sèche préside au déclin de la France, selon notre chroniqueur.


Dans le monde parallèle d’Emmanuel Macron, les violences et les meurtres que sèment les loups dans les villes restent des péripéties méprisables. Se joignant aux alarmistes climatiques, il a déclaré samedi à Monaco : « Certains préfèrent, pendant ce temps-là, brainwasher (laver le cerveau) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ». Cette incapacité du chef de l’Etat à ressentir la moindre empathie, y compris pour les proies des barbares qui tuent comme ils respirent, confirme son désintérêt pour les viles questions sécuritaires et pour le désespoir des endeuillés.

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Une âme sèche et futile préside au déclin de la France. Narcisse se contre-fiche de l’enfer que fait subir aux plaintifs sa société ouverte aux quatre vents de l’immigration. Les intifadas qui ont ponctué la victoire du PSG, les agressions antisémites qui se succèdent, les crimes racistes qui apparaissent ici et là ne sont il est vrai pas démontrables par la science, appelée par le président pour justifier ses priorités sur le réchauffement et son dédain pour la plèbe. Derrière les propos révoltants du chef de l’État, c’est un univers glacial, élitiste et aride, qui se révèle agresseur des faibles laissés sans protection. Samedi, le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, a, dans la même veine, dénoncé sur Mediapart un « populisme anti-judiciaire », au prétexte que l’opinion s’indigne de ces juges qui n’osent sanctionner sévèrement les voyous des cités mais n’hésitent pas à accabler les policiers qui leur résistent ou les politiques qui dénoncent les prétentions de certains magistrats à imposer leur loi. Ces violences institutionnelles attisent l’exaspération contre un système injuste, inhumain.

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Dès à présent, les parents meurtris par des rapaces venus de la « diversité » ne se taisent plus. Ils se révoltent contre l’abandon de l’Etat. Vendredi, le père de Benoit, 17 ans, mortellement poignardé à plusieurs reprises à Dax, dans la fanzone de la Ligue des champions, a laissé éclater sa colère : « On accueille des réfugiés et après ils tuent nos enfants (…) Il a fallu qu’une racaille de merde vienne lui enlever la vie (…) J’ai la haine (…) On n’est plus en sécurité nulle part ». L’autre jour, c’était la mère d’Elias, 14 ans, tué à Paris par deux jeunes récidivistes, qui interpellait dans une lettre ouverte ceux « qui se sont moqués de nous » : les juges des enfants qui ont laissé les deux adolescents se rencontrer en dépit d’une interdiction judiciaire, leurs parents démissionnaires, le maire du 14ème « qui n’a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade », les médias « qui n’ont pas eu l’honnêteté d’écrire les mots machette et hachette, préférant minimiser l’acte en parlant de couteau », « les différents ministres de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Justice, de l’Intérieur qui n’ont pas pris la mesure depuis des années de la dérive d’une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l’impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence ». « La France a tué mon mari ! », avait accusé Harmonie Comyn, veuve d’un gendarme tué par un voyou en aout 2024. Les familles de Lola, Philippine, Thomas et bien d’autres encore sont les autres victimes d’une caste prétentieuse qui, chef de l’État en tête, ne tient plus que par le déni, l’insulte, la morgue, la méchanceté. Les jours de ce petit monde imbuvable sont comptés.

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Thierry Breton, alias M. Ripolin: «Karsenty m’a tuer»

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Capture BFMTV.

Vendredi soir 18h30, BFM TV.
Au menu, le clash Trump – Musk.
Présentateur : l’excellent François Gapihan.
Sur le plateau : le très international Ulysse Gosset, Patricia Allémonière… et moi.
À ma grande surprise, au bout de quelques minutes, la chaîne fait intervenir Thierry Breton à distance.
L’ancien commissaire européen part dans une diatribe pour expliquer qu’Elon Musk a eu tort de faire de la politique après avoir été un homme d’affaires.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais : c’est exactement ce qu’a fait Thierry Breton… mais avec des succès contestés ; les actionnaires des entreprises qu’il a gérées ayant perdu beaucoup d’argent, voire tout leur argent.
Voici un extrait de cet échange qui a été vu plusieurs millions de fois sur les différents réseaux sociaux, cliquez là.
Après l’avoir sagement écouté, j’ai donc pris la parole : « Je ne voudrais pas être méchant avec Thierry Breton mais, quand même, vouloir donner des leçons d’économie à Elon Musk qui est aujourd’hui l’homme le plus puissant du monde en termes économiques. Quand on regarde – je suis désolé de vous le dire M. Breton – mais Atos qui est quasiment en faillite, Orange que vous avez mis aussi au tapis… Votre gestion des entreprises ne vous permet pas de donner de leçons à l’homme qui a réussi Tesla et SpaceX… »

A lire aussi, Didier Desrimais: En attendant Bégaudeau…

Ce à quoi Thierry Breton a répondu : « Non mais pardon, je ne sais pas qui est ce Monsieur, je ne le connais pas mais euh… »
Je l’ai alors interrompu : « Non mais moi je vous connais Monsieur, je suis un ancien financier, je vous ai bien connu sur les marchés… ».

Je faisais référence au surnom qui lui était donné sur les marchés financiers : « Monsieur Ripolin » car il était connu pour repeindre les façades des entreprises qu’il dirigeait sans jamais régler aucun des problèmes auxquelles elles étaient confrontées.

S’en est suivi une autojustification de Thierry Breton dans laquelle il a chargé chacun de ses successeurs pour justifier ses échecs.

J’aurais pu être plus sévère avec Thierry Breton et rappeler toutes les entreprises qu’il a dirigées… et plantées : sur BFM TV, j’ai cité Atos et France Telecom (devenue Orange), mais j’aurais pu ajouter Bull, Thomson mais aussi sa piètre performance en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sous Chirac entre 2005 et 2007 ou son mandat catastrophique de commissaire européen sous la présidence d’Ursula von der Leyen.

Je me suis amusé à aller voir sa fiche Wikipédia.
Voici ce qu’on y trouve : 

« Gestion des entreprises : Breton a dirigé plusieurs grandes entreprises, notamment Thomson, France Télécom et Atos. Ses détracteurs affirment qu’il a laissé ces entreprises en difficulté après son départ, bien qu’il ait continué à progresser dans sa carrière. »

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Enfin, j’aurais pu lui demander pour quelle raison a-t-il pris la nationalité sénégalaise en 2015 ?

Dernière minute : on me souffle dans l’oreillette que Thierry Breton enchaîne les séances de média-training dans le but de… se présenter à la présidentielle en 2027.

Peut-être que Thierry Breton devrait lire les commentaires le concernant sur les différents réseaux sociaux ?

Cela lui évitera certainement de nouvelles déconvenues.

https://twitter.com/jon_delorraine/status/1931076342487142471

Géostratégie: pas une science exacte!

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Le maréchal de l'Armée de l'Air britannique Charles Portal (1893-1971) se tenant à côté d'une voiture de service à Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale. DR.

Si tu veux la paix… Comment soumettre son adversaire à sa volonté ? Les bonnes leçons d’Edward N. Luttwak.


D’abord, les mots. Le titre original de ce livre dont la première mouture remonte à 1987 est : Stratégie. La logique de la guerre et de la paix. L’étymologie nous apprend trois choses :

  • que le stratège, grec, n’est autre que le chef d’armée,
  • la stratégie, une notion spéciale de l’art militaire,
  • et l’auteur de ce livre, un « stratégiste », celui qui, depuis une acception entérinée en 1831, connaît la stratégie.

Laquelle est ainsi un art qui use et s’exerce au moyen d’instruments meurtriers, à valeur parfois principiellement dissuasive (cas de l’arme atomique), mais aussi de bonnes paroles, de ce que nous nommons la géo-psychologique et de géopolitique, – la diplomatie, tant sur le cours que le long terme, devant s’insérer dans la panoplie des instruments dont use le stratège digne de ce nom. Si, en France, le chef de l’Etat est le chef des armées, l’on en déduira qu’outre grands et moyens officiers, le président de la République et autres membres composants les organes, consultatifs ou décisionnels en la matière, doivent, à la lettre, se percevoir comme des artistes pratiquant un art dont seul notre orgueil pourrait nous croire qu’il peut devenir science. C’est ce qui, pour l’essentiel, ressort de ces 400 pages, et ce qu’avait bien compris Churchill, ainsi que nous le relate Luttwak.


En septembre 1941, le général en chef du British Bomber Command, Charles Portal, présenta au Premier ministre un plan prévoyant la mobilisation de 250 escadrons durant six mois de campagne, soit 4000 bombardiers et dont l’issue « devait être rien de moins que la victoire totale » sur l’Allemagne. Malgré la logique imparable de ce plan qui déployait ses étapes avec, en bout de course, la garantie d’une victoire d’autant plus évidente que ce plan paraissait avoir pensé à tout, malgré, donc, des apparences qui ne paraissaient nullement trompeuses (et le contexte proprement militaire de l’époque qui rendait cette préconisation comme étant la seule rationnellement envisageable), Churchill « choisit pourtant de se fier à son instinct [c’est nous qui soulignons] stratégique et, malgré le pouvoir de conviction de l’argumentation technique exposée par le plan, il présenta [ses] objections au général Portal. » On les résumera ainsi :

  • on ne peut en la matière se fier à la logique arithmétique ;
  • il est impossible d’intégrer dans le raisonnement toutes les variables (dont l’une, considérable, est ce que sera la riposte effective de l’ennemi, laquelle, elle-même, ne dépend pas uniquement de sa seule capacité technique et de sa volonté) ;
  • il n’y a pas de méthode sûre [c’est nous qui soulignons encore] ;
  • pas plus que l’économie, la stratégie n’est une science.

Ici ajouterons-nous que Luttwak est certes un « stratégiste » mais, surtout un polémologue, lequel pratique une science très, trop humaine comme dirait Nietzsche puisqu’elle est humainement incapable de maîtriser toute la chaîne de commandement – c’est-à-dire, au sens technique du terme, l’engrenage implacable des causes de toutes natures qui permettent de s’assurer de l’efficacité d’une action militaire donnée.

A lire aussi, Charles Rojzman: Le crépuscule des nations: Israël, la France et l’effacement des identités

Luttwak explique dans la foulée que « l’impact insignifiant » des opérations aériennes effectuées en 1943 par la 8ème Air Force américaine sur la machine de guerre allemande, conçues avec le même genre de pure logique comptable, arithmétique et matérielle que celle proposée par le BC britannique en 1941, a permis de vérifier in concreto le bien-fondé de la position de Churchill.

La stratégie est en effet l’art de la maîtrise du paradoxe. Mais, le problème c’est que nous ne sommes pas en présence de deux seuls discours parallèles qu’il suffirait de comparer, confronter pour ensuite les associer en une saine et victorieuse synergie. Des doxa, des discours, des logiques et des faits, il y en a des masses, et non seulement il y en a des masses, mais elles-mêmes évoluent en permanence en interagissant les unes sur les autres en un incessant jeux de miroirs. Dans sa réponse à Portal, à l’automne 1941, Winston Churchill expliquait qu’il « paraît probable que la défense au sol allemande et les chasseurs équipés pour le vol de nuit viendront à bout de nos attaques aériennes » et que « toutes les choses étant toujours simultanément en mouvement [principe même du paradoxe dynamique], il est tout à fait possible que la dispersion des ressources militaires atteigne, en 1943, une telle ampleur que leur survie sera dans une large mesure indépendante des installations situées sur le sol allemand. » C’est une grande banalité d’écrire qu’à l’exemple d’un joueur d’échecs ou de go, le stratège, par la définition même de son art, prétend pouvoir prévoir ; mais il ne le prétend que parce que, d’abord et avant toute autre considération, il sait raisonnablement pouvoir repérer d’un seul coup d’œil l’emplacement de ses propres pièces sur l’échiquier et celles de son adversaire ; il voit et, à partir de là, il espère à bon escient entrevoir, présager des multiples possibilités de mouvements, pour, ensuite (ou, plutôt, d’un point de vue neurocognitif : simultanément) voir et sélectionner le déplacement victorieux. Mais, le champ de bataille(s) de deux (ou n)belligérants – et notons au passage que deux pays en paix, ou même seulement indifférents l’un à l’autre, ne sont que deux (futurs) belligérants qui s’[l’] ignorent – est bien plus vaste que la surface de l’échiquier, et le nombre de coups possiblement infini. Si bien que, dans l’absolu, l’ambition et la fonction de l’art de la stratégie, en dernière analyse et en bon (vocabulaire) marxiste, se résumeraient à la compréhension de l’aléatoire quantique.

A lire aussi, Sylvain Quennehen: Des échecs et du go

Aussi notre auteur-stratégiste excelle-t-il à commenter le… passé (tenir Verdun en 1916 pour les Français, s’acharner à ravitailler en vain Paulus à Stalingrad pour les Allemands, maintenir indéfiniment dans le temps l’action de l’UNWRA – jusqu’à créer des abcès de fixation [topique et psychique, c’est nous qui ajoutons] – et des organisations humanitaires en général, ont-ce été là des actions de bonne stratégie, c’est-à-dire en définitive, de bonne politique ?), quitte à pousser le paradoxe un peu loin en nous expliquant que, si les camps à statut de réfugiés à vie avaient existé dès l’aube de l’ère judéo-chrétienne, le continent européen serait aujourd’hui « couvert de camps abritant les dizaines de millions de Gallo-Romains déracinés, de Vandales abandonnés, de Burgonde vaincus et de Wisigoths déplacés (…) ». Cette image est en vérité un sophisme, car l’utilité de ces « camps » (avec la notion juridico-politique de ‘‘réfugiés’’ qui l’accompagne) ne pouvait en ces temps se ressentir, d’une part, parce que la politique de l’empire romain était plutôt assimilationniste, d’autre part, parce que ces peuples barbares, d’origine indoeuropéenne, étaient d’abord nomades (et, que ce n’était qu’à l’issue de leurs périples, poussés par le vent d’est, et parvenus à l’extrémité de la péninsule euroasiatique qu’ils pouvaient se fixer). Ils n’avaient ainsi pas le temps de développer ni le ‘‘loisir’’ d’entretenir le sentiment de la nostalgie de leurs terres d’antan, et, de la sorte, n’étaient guère enclins à revendiquer un quelconque « droit au retour »… Alors, le processus de fusion-absorption de peuple à peuple semblait fonctionner. Ce qui laisserait à envisager qu’il s’agit de la plus efficace des stratégies de… paix.

Il est vrai que nous n’avons pas précisé dans quel sens, en chaque occurrence, devait s’établir ledit processus. Il est vrai aussi que, de ce très remarquable ouvrage, il est possible de (re)tirer non seulement quelques cartouches, mais aussi quelques enseignements… dirons-nous plus prosaïques, tangibles, d’utilité immédiate… que des stratèges civils et militaires de tous camps, humbles d’esprit et de compétences inter (ou multi-) disciplinaires, se feront autant un plaisir qu’un devoir de découvrir.  

Edward N. Luttwak, Le Grand livre de la stratégie, Odile Jacob, 400 pages.

Le Grand Livre de la stratégie -NE: De la paix et de la guerre

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Montagnac ou le refus de partager

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Image d'illustration Unsplash.

Quand, à Montagnac, on vous répond “Salam aleykoum” au lieu de “Bonjour, monsieur”, ce n’est pas une maladresse — c’est le symptôme criant d’un séparatisme islamique qui, désormais, joue à visage découvert. Analyse.


« Ici, on dit Salam aleykoum, pas Bonjour, monsieur ! » — c’est la réponse qu’a reçue un inspecteur du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, lors d’un contrôle à Montagnac (Hérault). À cet épisode navrant et révélateur se sont ajoutés des faits de violence et des insultes anti-Français répétées. Résultat : l’Union sportive de cette commune de 5 000 habitants, située entre Sète et Béziers, a été privée de toute subvention publique.

« On est des bénévoles, des éducateurs, pas des criminels », se défend l’un des membres du club dans Midi Libre1. Mais du côté de la préfecture, le constat est tout autre. « Il y a des clubs de sport où l’on ne pratique pas que le sport, et les familles qui confient leurs enfants à ces associations doivent le savoir », déclare le préfet de l’Hérault dans une enquête du Figaro2.

Le même article relaie aussi l’inquiétude d’un éducateur : « Quand on explique à nos gamines qu’elles ne peuvent pas jouer avec un voile et que, le week-end suivant, dans le département voisin, on affronte une équipe où ça ne pose aucun problème, notre argumentaire devient difficile à tenir. » Un témoignage qui souligne, au-delà du cas de Montagnac, l’urgence de clarifier la législation sur les pratiques religieuses ou le port du voile dans le sport amateur.


Parfois, il suffit d’un terrain de football, d’un match banal dans un village du sud de la France, pour que tout ce que l’on croyait enfoui remonte à la surface. En mai 2025, le club amateur de Montagnac, dans l’Hérault, a été suspendu par la Fédération française de football. Cette décision, suivie de la suppression des subventions publiques, fait suite à une série d’incidents survenus au fil des mois : invectives violentes, insultes communautaires, refus de parler français sur le terrain.

Des faits graves

Les faits ont d’abord été rapportés par les médias locaux — Midi Libre, France Bleu Hérault, Métropolitain Montpellier. Le ton était mesuré, presque embarrassé. Les articles mentionnaient des « tensions croissantes », des « propos déplacés », des « incidents répétés » sans toujours nommer ce qui, en creux, apparaissait clairement : le rejet de la règle commune, et avec elle, celui du pays lui-même. Le souci d’apaisement était palpable, mais la gêne aussi. Les journalistes semblaient marcher sur des œufs, comme s’ils redoutaient d’ouvrir un débat trop chargé pour la tranquillité locale. Pourtant, la gravité transparaissait, ligne après ligne.

Puis les médias nationaux ont repris l’affaire. CNews, dans sa ligne habituelle, y a vu une illustration de la fragmentation communautaire, et a donné la parole à des élus et à des éducateurs sportifs désemparés. Sur les réseaux sociaux, l’affaire a été reprise et commentée largement, souvent avec excès. Certains y ont vu une simple anecdote gonflée par les médias conservateurs. D’autres, un fait révélateur de tensions profondes. Des sites comme Jeanmarcmorandini .com ou Valeurs Actuelles ont relayé les propos tenus sur le terrain — « sales Français », « sales Blancs » — tandis que d’autres, à gauche, ont appelé à « contextualiser », à « comprendre les causes sociales » plutôt que de pointer les faits bruts.

Puisqu’on vous répète que le climat se réchauffe !

Cette dissonance médiatique n’est pas nouvelle, mais elle dit quelque chose : on ne sait plus très bien comment parler de ce genre d’événements. Faut-il les taire, de peur d’alimenter un climat ? Faut-il les nommer, au risque d’être taxé d’arrière-pensées idéologiques ? Une chose est certaine : ce silence embarrassé, ou ce bruit de surface, ne change rien à la réalité perçue sur le terrain. Les éducateurs locaux, les arbitres, les bénévoles, eux, n’ont pas lu ces polémiques dans la presse. Ils ont vu le mépris dans les regards, entendu les insultes, et constaté le refus explicite de s’inscrire dans un cadre commun. Ils ne parlent pas en termes idéologiques. Ils parlent d’une fatigue. D’un abandon.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

Mais au-delà de cette agitation, quelque chose d’essentiel s’est joué. Ce n’est pas une simple incivilité. Ce n’est pas seulement un débordement. C’est un signe. Le signe d’un refus, non pas ponctuel, mais structuré : celui de partager un espace commun. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas la diversité. C’est la capacité à faire société dans un cadre reconnu, avec des règles partagées.

Car un terrain de football, dans un village, devrait être un lieu de lien. Un lieu où l’on apprend à obéir à une règle, à parler la même langue, à reconnaître l’arbitre, même lorsqu’il se trompe. Un lieu modeste, mais significatif, où l’on accepte de cohabiter dans un même cadre, sans l’imposer aux autres, sans le contourner. À Montagnac, c’est cela qui a été brisé.

Je vis dans ce pays depuis longtemps. J’en connais la complexité. Je ne suis pas naïf. Je sais ce qu’il en coûte de quitter son monde d’origine pour en épouser un autre. Mais je sais aussi que cela reste possible. Je connais des hommes, des femmes, venus d’ailleurs, qui ont fait ce choix. Non pas en reniant ce qu’ils étaient, mais en acceptant de devenir autre chose : des Français. Par les mots, les usages, l’histoire, le respect d’un cadre commun.

Ceux-là n’élèvent pas la voix. Ils ne réclament pas de place : ils la prennent, par leur discrétion, leur travail, leur fidélité. Ils savent que la France n’est pas un service, mais une promesse. Et que cette promesse demande un effort, un engagement, parfois un renoncement. Ils n’ont rien d’héroïque, mais ils tiennent. Et par eux, quelque chose tient encore.

À l’inverse, il y a ceux qui refusent. Non pas parce qu’ils ne peuvent pas. Mais parce qu’ils ne veulent pas. Ceux-là transforment la France en décor. Ils la traversent sans l’habiter. Ils s’en plaignent sans la connaître. Ils la rejettent tout en profitant d’elle. Et ce rejet, aujourd’hui, ne se cache plus. Il s’affirme, parfois brutalement, jusque sur un terrain de foot.

Le sport ciblé par les islamistes

Montagnac n’est pas un cas isolé. Mais il a le mérite de montrer, simplement, sans théorie ni slogan, ce qui est en jeu. Il ne s’agit pas de peur, ni d’hostilité. Il s’agit de transmission. De la langue, des règles, de ce qui permet encore à des personnes différentes de coexister sans s’affronter. Rien de glorieux, rien de grandiose. Mais sans cela, tout se délite.

Je ne crois pas que tout soit perdu. Mais je crois que le lien est fragile. Et que ce lien ne tiendra pas sans une exigence retrouvée. Pas une exigence brutale. Une exigence simple : celle de reconnaître ce pays pour ce qu’il est. Non pas parfait. Mais accueillant, à condition d’être reconnu en retour. Cela ne demande pas de tout aimer. Mais de vouloir y habiter. Réellement. Avec d’autres, dans une langue, une patience, une mémoire.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

La France n’est pas un guichet. Ce n’est pas non plus une abstraction. C’est un lieu concret, une langue, des habitudes, une mémoire. Cela n’impose pas d’oublier d’où l’on vient, ni d’aimer tout ce qu’on y trouve. Mais cela suppose de vouloir y vivre avec les autres, de faire un pas vers eux, de reconnaître les règles du jeu commun. Tant que ce désir existe, tant que ce geste simple se transmet — celui de rester, d’écouter, de parler — alors il reste quelque chose à tenir.

Et il faut bien le dire : sans politesse — au sens le plus ancien, le plus exigeant — il n’est pas de société. S’asseoir à la table commune, ce n’est pas seulement y prendre place, c’est aussi y observer un silence, apprendre les gestes, respecter les usages. Ce n’est pas exiger que l’on change la vaisselle, qu’on bouleverse les plats, qu’on réécrive le menu : c’est, d’abord, remercier. C’est dans cette mesure discrète, dans cette retenue, que réside ce qui fait encore tenir un pays debout.

  1. Montagnac perd son agrément, Yanick Philipponnat, Midi Libre, 23 mai 2025 ↩︎
  2. «Ici, on dit “Salam aleykoum”, pas “Bonjour, monsieur”»: dans l’Hérault, le football amateur en proie au communautarisme islamiste, Guillaume Mollaret, Le Figaro, 6 juin 2025 ↩︎

Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

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Thierry Ardisson sur France 2 © D.R.

Le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Des marches de Cannes aux plateaux du service public, c’est un festival d’«engagements» lâches et bien-pensants


Thierry Ardisson a cru bien dire : « Gaza, c’est Auschwitz, voilà, c’est tout ce qu’il y a à dire. » (10 mai, France 2) L’homme de télévision, baromètre de l’air du temps, réagissait au témoignage d’un médecin humanitaire comparant le sort des enfants gazaouis à ceux des camps de la mort. Sur le plateau de Léa Salamé, l’outrance n’a pas été relevée. La séquence, préenregistrée, n’a pas été coupée. Pour la pensée mondaine, qui tient salon sur la chaîne publique, rien n’est plus banal que de nazifier la démocratie israélienne : la gauche antisioniste le martèle, l’Élysée l’euphémise. Il n’est venu à l’idée de personne de rappeler les liens entre le Hamas et le nazislamisme du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, qui rejoignit Hitler pour créer en 1943 la division SS Handschar, composée de musulmans bosniaques. Conscient par la suite de la bêtise de son cliché, Ardisson a présenté ses excuses à ses « amis juifs ». Il a été le seul.

L’anecdote dit les effets débilitants du conformisme médiatique, ce prêt-à-penser à l’usage des arrivistes et des paresseux. Il a porté la réflexion sous son étiage. Marcel Aymé moqua, dans Le Confort intellectuel (1949), l’attrait du bourgeois progressiste pour les idéologies les plus démentes, les arts abstraits les plus fumeux, les postures hermétiques les plus verbeuses. Ce que le chercheur Bob Henderson nomme aujourd’hui les « croyances de luxe[1] » désigne ce même désir, de la part d’« élites » déculturées, d’exhiber leur supériorité en récitant des dogmes manichéens, signes clinquants d’une reconnaissance sociale. Le wokisme est le dernier avatar totalitaire promu par ce beau monde aux pensées floues qui a perdu le sens des mots et des faits.

À lire aussi, Richard Prasquier : Des mensonges avec de bonnes intentions

La caste snobinarde n’a d’obsession que de marquer sa distance avec ces ploucs qui pestent contre l’insécurité, l’immigration, l’islam radical. Le choix de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et nouveau président des LR, d’éventer le 21 mai un rapport sur l’emprise des Frères musulmans, a brisé le silence d’État sur l’invasion islamiste vue comme un fantasme complotiste. Dans les dîners germanopratins, abrités de sas et de digicodes, il est séant de critiquer CNews plutôt que Jean-Luc Mélenchon, de hausser les yeux à l’évocation de Marine Le Pen ou Donald Trump. Plutôt que de défendre un écrivain ciblé par les islamistes, Libération a dénoncé chez Kamel Daoud sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire ». Boualem Sansal, qui avait parlé à des journalistes conservateurs avant son arrestation en Algérie, n’a pas été cité par Emmanuel Macron, le 13 mai, dans ses plus de trois heures de paroles sur TF1. Le président a parlé de « honte », mais il visait Israël.

En mai, le Festival de Cannes a mis en scène la platitude satisfaite des privilégiés. La présidente du jury, Juliette Binoche, a inauguré le raout la tête à moitié couverte d’un voile Dior, en déplorant le réchauffement climatique. Mathieu Kassovitz a dit : « Il n’y a plus de Français de souche et j’espère qu’on pourra continuer à se mélanger. » Ainsi parle l’intelligence artificielle du show-biz, de la presse vertueuse, des philosophes de coquetels. Cette gauche prétentieuse est vide. Alain Finkielkraut en a fait l’aveu (15 mai, Figaro TV) : « C’était glorieux d’être de gauche ; cela devient presque insultant. […] Je veux bien me dire de droite, cela ne me dérange pas. » Le vent tourne, vous dis-je.


[1] Cité par Samuel Fitoussi dans Pourquoi les intellectuels se trompent, L’Observatoire, 2025.

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Thierry Marignac en immersion dans la Russie en guerre

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Thierry Marignac © Hannah Assouline.

L’écrivain publie Vu de Russie. Chroniques de guerre dans le camp ennemi (Manufacture des livres, 2025)


Thierry Marignac est traducteur et écrivain, mais aussi journaliste de terrain dans le Moscou périlleux des années 90, le Kiev survolté de la révolution orange (2004) et celui d’après le Maïdan de 2014, bref, l’exact contraire du pseudo-expert de plateau ânonnant les éléments de langage d’officines gouvernementales.

Pas russophobe

Il l’a prouvé naguère dans La Guerre avant la guerre. Chronique ukrainienne, un essai truffé d’informations exclusives, en décrivant, le premier, l’importance des clans mafieux qui se moquent des frontières, ukrainiennes ou russes, et mettent l’Ukraine, ce scandale géologique, au pillage. Il montrait bien que cette guerre a commencé dès 2004, et sans doute bien plus tôt, dans le cadre non seulement de luttes entre mafias mais aussi d’une volonté stratégique des thalassocraties anglo-saxonnes d’affaiblir à tout prix la Russie (thèse de Zbigniew Brzeziński sur l’indispensable rupture entre Moscou et Kiev, déjà pensée à Vienne avant 1914, puis à Berlin jusqu’en 1945).

A lire aussi: Edouard Limonov, ou la vie comme rhapsodie

Exaspéré par les propagandes, il a décidé de passer quelques mois dans la Russie en guerre, et d’utiliser son vaste réseau, notamment littéraire (il est connu en Russie pour sa longue amitié avec Limonov) pour voir de près comment ce pays vit depuis les débuts de « l’Opération spéciale ». Ce russophone, qui n’est pas russophobe, a ainsi rencontré, dans le désordre, des opposants, des vétérans, des cinéastes, des reporters de guerre (liés ou non aux Organes), des toubibs et même des politiciens locaux, et ce à Moscou, à Saint-Pétersbourg, mais aussi à Kronstadt ou dans des villes reculées de l’Oural. L’image kaléidoscopique qu’il donne, par le biais de courts chapitres tous axés sur une rencontre (et donc bien vivants), ne correspond en rien à celle véhiculée dans la presse mainstream.

Les langues se délient

Parmi ses observations, toujours originales et sans rien de convenu, d’une société « déconcertante », il faut pointer le caractère lointain de cette guerre, la mondialisation progressive de l’espace slave, qui connaît des fléaux tels que la drogue, omniprésente comme à l’Ouest : «Le diable russe souffre des mêmes maux que la vertueuse Euro-Amérique ». Supermarchés bourrés de denrées occidentales acheminées par des trafiquants de Turquie ou d’Asie centrale, boutiques de sport, centres commerciaux, le même « système de cupidité » s’impose pas à pas. Concernant la guerre elle-même, les langues se délient : nulle terreur de type stalinien, mais une séculaire prudence (une loi récente punit la critique de l’armée de lourdes amendes), et pas mal de franc-parler : «La guerre est soutenue en dehors du régime, voire contre lui, par un véritable sentiment populaire ». L’union ancienne de l’Ukraine et de la Russie, les innombrables familles mixtes, font que certains vétérans disent « se battre contre leur miroir », même si la solidarité avec les russophones d’Ukraine prend encore le dessus. Le tableau : une guerre fratricide attisée par des apprentis sorciers au nom d’intérêts sordides et qu’absout notre jacassante bonne conscience – ce que Marignac surnomme l’esprit ONG.

Thierry Marignac, Vu de Russie. Chroniques de guerre dans le camp ennemi, La Manufacture des livres, 250 pages

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Bienvenue chez les Routiers!

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Photo: Guillaume Blot

Dans son tour de France photographique des « Restos routiers » paru aux éditions Hoëbeke, Guillaume Blot capte les lumières de la route et l’humanité de ces forçats du transport. Un voyage au pays de Johnny et des desserts en farandole…


Sont-ils une espèce en voie de disparition ? Les chiffres annoncés par l’auteur sont alarmants. La France comptait 4 500 restaurants routiers en 1970, ils sont 700 aujourd’hui.

Lieux de réconfort

Guillaume Blot qui a initié ce projet photographique en 2018 a parcouru les routes secondaires de notre pays à la recherche de ces lieux de repos et de réconfort où les chauffeurs s’arrêtent pour se restaurer, pour se laver, pour se raser, pour échanger entre collègues ou pour s’extraire, une heure ou une nuit, de l’enfer de la circulation. Ces endroits-là sont des phares et des refuges. Ils clignotent tels des relais de poste criards et alléchants de l’ancien régime.

Ils sont des appels à lever le pied, à se garer sur un parking poussiéreux et à se confronter à d’autres Hommes autour d’une table ou le coude au zinc. Après des heures à conduire, le regard dans le vague ou l’envie de parler à un copain, ces restaurants accueillent la face cachée de notre société. Dans un monde où les échanges deviennent essentiellement virtuels, où la solitude gangrène les esprits, cette confraternité-là, bruyante parfois, hâbleuse par défoulement, le plus souvent silencieuse par fatigue, fait partie de notre art de vivre. Il y a soixante-dix ans, le cinéma les mettait à l’affiche et louait leur solidarité. Gabin dans « Gas-oil » de Gilles Grangier sorti en 1955 avait tout du camionneur fidèle, sensible et courageux.

A lire aussi, Pierre Lamalattie: Christian Krohg, l’émotion du nord

La France qui travaille

Ces Hommes-là, vous ne les verrez pas en ouverture des journaux télévisés, seulement lorsqu’ils bloquent ; alors là, on se souvient enfin d’eux pour les critiquer. Ces travailleurs essentiels, de l’ombre, n’ont pas droit au micro-trottoir et aux éditos emperlousés. Sans eux, l’économie tournerait pourtant au ralenti. Ils savent qu’ils ne sont pas les étendards de la « Start-up Nation ». On ne les montre pas en exemple de réussite dans les écoles. Leurs enfants n’ont pas honte d’eux, ils savent leurs efforts pour ramener un salaire décent à la maison et apporter la dignité à un foyer. On préfère taire leur mission parce qu’on ne connaît rien d’eux. La logistique n’intéresse pas beaucoup nos dirigeants. Et parce qu’ils ne sont pas assez chics et présentables, on les ignore. On les imagine au volant de bahuts antédiluviens, alors que les poids lourds sont à la pointe de la technologie, en avance sur les voitures particulières. Ils représentent tout ce que la société déteste : le travail manuel, la cuisine copieuse, trop de masculin bien que la profession se féminise, un fumet graisseux et les voies abandonnées, en dehors des autoroutes. Ces conducteurs qui traversent l’hexagone, voire l’Europe, ces gros pigeons voyageurs de nos provinces sont souvent éloignés de leur famille durant plusieurs jours. De livraisons en livraisons, d’aventures en aventures, ils quadrillent une France secondaire. Guillaume Blot a visité 120 établissements et flashé cette population si particulière, avec ses codes et ses rites. Et le résultat est joyeusement coloré. Éminemment populaire et sensible. Sans une pointe de misérabilisme.

Poétique

Son travail dessine une carte du tendre, de l’étrange, du kitsch, de l’humanité arrachée au labeur, d’une forme de poésie de l’anodin. Du quotidien qui vire au sympa. De la bonne humeur et des verres de l’amitié. Sans le verre de l’amitié, une nation court à sa perte. Qu’est-ce qu’on voit exactement sur ces clichés brillants, lustrés comme une cagole, un samedi soir ? Des accents, des nationalités différentes qui ne se haïssent pas, une attirance certaine pour les sauces et les desserts « hautement » sucrés. Des gaillards en bermuda et claquettes ; ici, on porte le marcel avec assurance. Des demis de bière et des assiettes de frites à ras bord. Des buffets à volonté. Les portions sont généreuses comme leurs paluches. On y voit un Johnny plus vrai que nature, lunettes d’aviateur et coupe de cheveux à la Patrick Sébastien. Il est fan de western et de John Wayne. On fait la rencontre d’Odile, la cheffe du relais Les Ombrelles dans la Loire qui prépare « sa fameuse tête de veau ». On apprend que Catherine, la cheffe de La Cabane Bambou dans la Somme flambe ses plats au cognac. On se met tout simplement à les regarder vraiment.

Restos routiers de Guillaume Blot – Préfaces de Nora Bouazzouni et Mohamed El Khatib – Hoëbeke – Gallimard 184 pages

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Tendre est la province

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Des vacances comme à la télé

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© HBO

La touristification du monde ne connaît pas la crise : le groupe hôtelier de luxe Four Seasons, en partenariat avec la chaîne de télévision HBO, a annoncé l’organisation d’un tour du monde en jet privé à destination des lieux phares de la série The White Lotus1.

The White Lotus Saison 3, disponible en France sur la plateforme Max (c) HBO

Vingt jours d’escapade premium, durant lesquels 48 globe-trotters fortunés (180 000 euros par tête de pipe) pourront rejouer les vacances des ultra-riches dépeints dans la fiction à succès de Mike White. Le World of Wellness Journey, « une expérience immersive centrée sur le bien-être physique et mental », s’inscrit dans une tendance qui fait florès, celle du set-jetting : choisir sa destination de voyage sous l’influence d’un film ou d’une série. « Chaque étape est pensée pour offrir une expérience unique et sur mesure », précise avec gourmandise Marc Speichert, directeur commercial de Four Seasons.

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Les happy few pourront ainsi barboter dans les eaux turquoise de Maui (Hawaï, saison 1), s’enivrer de capiteux cépages siciliens à Taormina (Italie, saison 2) avant de s’adonner au yoga sur un ponton de Ko Samui (Thaïlande, saison 3). Le hic ? Ce prospectus de papier glacé est l’exact opposé de la critique sociale – quasi marxiste – exposée par le créateur de The White Lotus à Télérama : « Ces gens aisés sont sur la défensive. Cette classe sociale se sent menacée dans sa culture, dans son existence même. La série examine tous les arguments qu’ils utilisent pour justifier leur façon de vivre, et leur volonté de ne surtout pas en changer. »

De fait, la satire mordante des nantismondialisés (leurs petites névroses et leurs grandes hypocrisies, leur vacuité existentielle et leur culpabilité postcoloniale) contraste pour le moins avec le projet réel de fastueuse robinsonnade en Airbus A321 privatisé. Si on ne s’étonne pas que la morale fictionnelle capitule face au principe de réalité économique, on est néanmoins en droit de s’en amuser. « L’Occident meurt en bermuda », écrivait en son temps Philippe Muray. Son revers devra être cousu d’or pour se payer le luxe de trépasser de l’autre côté du petit écran.


  1. https://www.max.com/fr/en/shows/white-lotus/14f9834d-bc23-41a8-ab61-5c8abdbea505 ↩︎

De la Vesle à la Nièvre ou le temps qui fuit

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© Pascale Pigny

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Ma Sauvageonne voulait me faire une surprise. Elle m’invita à bord de sa voiture. « Où m’emmènes-tu ? », osai-je. « Tu verras bien ; je ne te le dirai pas. Un lieu merveilleux, magique ! » répondit-elle, enjouée. Je n’insistai pas, me contentant, tel un train, de regarder, au travers des vitres de l’automobile, les vaches paître dans les grasses prairies de l’ouest d’Amiens. Comme à son habitude, elle conduisait avec vivacité, un peu comme la bonne sœur dans un des films de la série Le Gendarmes de Saint-Tropez, avec Louis de Funès. Je la contemplais : élégante, un style année soixante-dix, robe légère, des yeux verts, verts comme les eaux de la plus belle rivière de France : la Vesle. Elle fixait le ruban d’asphalte caressé par la lumière poudrée de cette fin d’après-midi de printemps. Au bout d’une vingtaine de minutes, elle s’arrêta net. Je m’abstins de la remercier d’un « merci monsieur l’abbé », comme le fait de Funès, désappointé, apeuré plutôt par la conduite moniale ; elle eût pu mal le prendre et je n’avais nullement l’intention de repartir à pied à Amiens ; la Sauvageonne ébouriffée, non dénuée de personnalité, possède aussi son caractère.

Le prieuré de Moreaucourt, c’était donc là. Quelle bonne idée ! J’étais déjà passé devant mais jamais je n’avais eu l’occasion de le visiter. Tout en joie, l’idée de lui sauter dessus pour la couvrir de baisers m’effleura ; je me retins. Nos ébats eussent pu nous mettre en retard ; l’heure était déjà avancée. Je craignais de trouver porte close. Heureusement, elle ne l’était pas.

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Nous nous avançâmes le long d’une allée ; au loin, nous aperçûmes un guide de la connaissance. Il devisait en compagnie de visiteurs. Nous décidâmes de procéder, seuls, à la découverte des lieux. Nous ne le regrettâmes point. Vieilles pierres, jardins de buis, végétation luxuriante et fraîche comme une Pelforth dans le bidon de Jacques Anquetil dans l’ascension du Mont Ventoux le 13 juillet 1958 (Je m’en souviens comme si c’était hier ; j’avais deux ans). Le prieuré de Moreaucourt, situé sur le territoire de la commune de L’Etoile, dans la Somme, a été fondé en 1146 par Aléaume d’Amiens, seigneur de Flixecourt, avant son départ pour la croisade avec le roi Louis VII ; il a accueilli pendant quelque 500 ans une communauté de religieuses de l’ordre de Fontevraud. Il fut détruit à plusieurs reprises (en 1455, 1475, 1492, 1522, 1595) mais à chaque fois, il fut reconstruit. En 1636, pour fuir les invasions espagnoles, les religieuses quittèrent les lieux pour se fixer définitivement à Amiens ; elles utilisèrent des matériaux de Moreaucourt pour faire bâtir leur nouveau monastère situé à l’emplacement de l’actuelle bibliothèque Louis-Aragon. Le pauvre prieuré tomba alors dans l’oubli. En 1926, les ruines furent protégées au titre des monuments historiques. Quarante-et-un an plus tard, elles furent redécouvertes par Gérard Cahon, un professeur de l’école de La Salle, à Amiens ; des fouilles archéologiques furent menée jusqu’en 1991. Le lieu, peu à peu, reprit vie. La vie, nous la sentions bouillonner sous nos pieds, alors que nous cheminions, la Sauvageonne et moi. Lieu d’histoire(s) et de fraîcheur qu’elle connaissait déjà ; elle n’hésita pas à me conter quelques souvenirs personnels qui me mirent en joie. Pensif, je m’attardai sur les rives de la Nièvre dont les eaux sauvages (onnes) me faisaient penser à celles de la Vesle juste après la petite écluse située dans le parc du château de Sept-Saulx, dans la Marne, où je passais mes vacances d’enfant et d’adolescent (Mon grand-père maternel y était jardinier.) Plutôt que de me jeter dans l’onde folle, je me jetais dans le regard de ma belle ébouriffée afin de ne plus songer au temps, impitoyable, qui fuit.

Mourir légalement assisté? Plutôt crever!

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Marche annuelle contre l’avortement et l’euthanasie, à l’approche du débat parlementaire sur la fin de vie, Lyon, 6 avril 2025 © KONRAD K./SIPA

Rien n’arrête le progressisme. La mort souffrait d’un vide juridique, la loi euthanasie l’a comblé. Le monde flou du privé, de l’intime et du discret a vécu, le droit et la transparence s’imposent. On mourra désormais dans le cadre prévu pour, assisté et couvert légalement.


En ce moment, quand j’entends le mot, la chanson des Olivensteins me revient.

Vite vite vite y’a encore une fuite
Que le médecin colmate…
Euthanasie papy euthanasie mamy
Votre calvaire est fini.

Je ne les écoutais pas en 1979. J’aurais pu, j’avais 15 ans. À l’époque, c’est par les grands frères de mes copines que je me suis branché, et les grands frères de mes copines n’écoutaient que des trucs de hippies. J’ai envie de dire que je leur dois tout. C’est mon côté modeste. En fait non, il a quand même fallu que j’aille y jeter un coup d’œil à leurs disques, que je trouve l’audace de leur demander de m’en prêter, que j’écoute, que j’insiste avec ce qui ne me plaisait pas tout de suite. Le goût pour la nouveauté, pour l’étrangeté, la curiosité, tout ça, on ne l’avait pas tous. Pour la plupart des mecs, c’était « Allez les Verts ! ». Il y avait beaucoup de « Pascal Praud » dans les classes. Des fans de Platini, de Rocheteau et des autres. Y avait-il un Noir dans l’équipe ? Je ne sais plus. Aujourd’hui, on se demande s’il y aura un Blanc dans la prochaine sélection. Enfin moi je me demande. Mais passons, aujourd’hui, je ne parlerai pas de tiers-mondisation, je parlerai d’euthanasie.

Un accessoire de la panoplie progressiste

Je ne peux pas dire que le sujet me passionne, je dirais même qu’il ne m’intéresse pas. Voilà c’est très simple. Absence d’intérêt. C’est le genre de thème qui m’éloigne aussi sûrement de mes contemporains qu’une finale de Coupe du monde. Ces soirs-là, je regarde un western, comme un juif dans un film de Desplechin qui le soir de Noël mange des pâtes.

Je suis juste effaré que tant de gens s’activent jusqu’au militantisme pour ça. Des gens veulent mourir quand ils veulent et comme ils veulent. Grand bien leur fasse, mais qui les en empêche ? Personne, mais ce n’est pas dans la loi. Alors voilà, on réclame un cadre légal pour mourir. Le droit qui s’est emparé de tout sur terre convoite le monde des ténèbres. Il ne suffisait pas qu’il régente la vie, le voici appelé à contrôler la mort. Chez La Fontaine, les grenouilles réclament un roi. Chez nous, les citoyens braillent : Une loi, une loi !

Je vois bien qu’il y a deux camps et toutes les nuances qu’il faut entre les deux, mais déjà que le thème m’ennuie, alors les nuances… Le seul truc un peu drôle, c’est l’affrontement. Un peu Don Camillo. L’autre soir, à un dîner, une fille à qui je disais que je m’en foutais me répond donc tu es contre et me demande si je suis aussi pour la peine de mort parce qu’en général, ça va ensemble. Je n’ai pas eu le réflexe de lui demander puisqu’elle était pour l’euthanasie, si elle était aussi pour la légalisation du cannabis, le mariage gay et la régularisation des « sans-papiers » parce qu’en général, ça va ensemble. Ça ne m’est pas venu, c’est comme ça chez les introvertis, ça arrive avec deux métros de retard alors je vous le sers dans le journal. Rien ne se perd.

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Elle a raison la patronne, le droit de mourir « dans la dignité » comme ils disent est un accessoire de la panoplie progressiste. Et puisque c’est un accessoire qui contrarie le catho réac, à gauche on ne s’en prive pas. Même ceux qui n’y ont pas réfléchi savent qu’il faut pencher de ce côté-là puisqu’il suffit d’être contre la droite pour être dans le bon sens.

Un Dieu jaloux

Et qu’avons-nous en face ? Les cathos. Eux sont farouchement contre pour des raisons aussi peu originales et personnelles que les autres. Ils n’ont simplement pas le droit. C’est Dieu qui leur a dit. Tu ne te feras pas sauter le caisson, même assisté, je suis le seul à pouvoir le faire, à te rappeler quand ça me chante, n’oublie pas que je suis un Dieu jaloux.

Voilà, c’est dans la Bible, pas comme ça, mais vous avez compris. Et c’est pour ça qu’ils sont contre. Que disent-ils à leur grand-mère qui les a assez vus, qui se tord de douleur et qui se chie dessus ? Allez mémé, un peu de courage, il ne vous a pas rappelée, et priez au lieu de gémir. Évidemment, ils ne la ramènent pas avec leur bondieuserie à la télé, ils invoquent la protection des plus faibles, les dérives, les abus, le basculement civilisationnel, et la toute vieille qu’en finit pas d’vibrer et qu’on attend qu’elle crève vu qu’c’est elle qu’a l’oseille, de la chanson de Brel.

Là, ils marquent un point. L’insistance malsaine et intéressée d’une famille impatiente pour qu’on cesse de « s’acharner », pour « qu’on en finisse », c’est un argument. Mais que faire ? Je crois que dans cette situation, je déshériterais les petits vautours pour échapper aux pressions. Enfin je ne m’inquiète pas, je n’aurai rien à léguer qui mérite qu’on se conduise mal.

Liberté encadrée, très peu pour moi…

Pour le reste, le changement de civilisation, je ne vois pas trop. Le médecin qui a juré de sauver la vie et qui donnerait la mort, une rupture anthropologique ? Il faudrait qu’on m’explique mieux. Il me semble qu’on peut être multicarte. L’alcool, ça sert à désinfecter ou à se bourrer la gueule ? Les deux. On trahirait le serment d’Hippocrate en accordant une dernière volonté au condamné ? J’ai des doutes.

D’ailleurs, on en débat mais tout ça existe déjà. Les soignants le disent, l’euthanasie ou le suicide assisté se pratiquent couramment à la demande d’un patient et dans la discrétion d’une famille et d’une équipe médicale. Et c’est peut-être ça qui dérange : la discrétion. Il s’agit donc sans tarder d’aller jusqu’au seuil de la mort poser un cadre légal et imposer plus de transparence. Olivier Falorni le dit très bien, la loi permettra « d’accéder à une nouvelle liberté, mais une liberté strictement encadrée sur la base de critères rigoureusement établis ».

Une liberté strictement encadrée, ce n’est pas le genre que je préfère. Des critères rigoureusement établis pour mourir. Plutôt crever ! Mais de grâce, sans être encadré ni assisté, seul et par mes propres moyens. Dans la dignité, comme ils disent, enfin dans l’idée que je m’en fais. Et là il y en a toujours un qui me répond : Et si tu ne peux pas, mon vieux ? Pas de bras, pas de trépas. J’y ai pensé. Je cherche depuis à me faire un ami sûr ou un ennemi solide pour me faire passer de l’autre côté en cas de besoin. Et si à l’agonie, je n’ai trouvé personne, j’en conclurai que j’ai raté ma vie. Alors, je pourrai bien rater ma mort.

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