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Covid : le péril vieux


Dans un monde parallèle, l’inconscience des personnes âgées nous conduirait à une catastrophe sanitaire. Une nouvelle (au second degré) de Jérôme Leroy. Toute coïncidence avec l’actualité…


Depuis qu’il est devenu clair, pour autant qu’on puisse se fier aux dernières études des scientifiques, que le virus de la Covid 23 s’attaquait sous des formes graves en priorité aux moins de cinquante ans et que plus on avançait en âge, plus on avait une proportion importante d’asymptomatiques, nous assistons dans ce pays à une véritable cascade d’incivilités de la part de nos séniors. Et encore, incivilité fait-il partie de ce glossaire de la bien-pensance pour décrire ce qui est un véritable ensauvagement.

Salauds de vieux !

Les baby-boomers, non-contents d’avoir profité outrageusement des Trente Glorieuses, d’avoir vu leur pouvoir d’achat augmenter tout au long de leur carrière professionnelle, d’avoir pris leur retraite à taux plein à 55 ou 60 ans, de ne pas avoir connu l’angoisse du chômage, d’avoir accédé aisément à la propriété, d’avoir bénéficié des meilleures mutuelles, d’avoir trusté les places dans la presse, le cinéma, la politique, les conseils d’administrations pour ne surtout pas lâcher l’affaire et laisser la place à des jeunots de 45 ans;  non­-contents  d’avoir connu la révolution sexuelle sans le Sida, les côtes de bœufs maturées sans le regard noir des véganes, l’art sans la police intersectionnelle, les baby-boomers, donc, refusent de porter le masque ou alors en rechignant.

Qui n’a pas vu, dans le train, des vieillards ricanant retirer leur masque une fois le contrôleur passé ? Qui n’a pas subi avec angoisse ces joggers aux cheveux blancs, le regard méprisant, forçant la jeune mère de famille avec poussette à changer de trottoir en catastrophe ? Qui n’a pas vu, dans les parcs ces adolescents masqués obligés de ranger promptement leurs iPhone et de décamper alors que venaient s’installer volontairement près d’eux, un groupe de septuagénaires fumant ostensiblement des joints et  expirant la fumée vers eux en écoutant Sympathy for The Devil sur un ghetto blaster ?

C’est pourtant le seul effort qu’on leur demande, outre la CSG sur leurs retraites somptuaires : protéger les jeunes en évitant de leur postillonner au visage à tout bout de champ. Les amendes de 135 euros ne semblent rien y faire. C’est vrai qu’ils ont les moyens.

Un psychanalyste explique : « C’est un âge où l’on n’a pas la vie devant soi. La perception d’une mort prochaine désire faire de chaque instant un moment de bonheur. »

Finir en réa

Nous avons juste ici colligé quelques faits divers au milieu d’une multitude inquiétante. Le Dauphiné Libéré indique que Madame B de Grenoble, 76 ans, a mis gravement en danger ses deux petites filles, Prune et Térébenthine, 7 et 9 ans, qui lui avaient été confiés par les parents. Malgré les recommandations du père : « Tu ne retires surtout pas ton masque, maman », d’après les témoignages de Prune et Térébenthine, Madame B l’a retiré  en disant « Je supporte pas ce truc-là, mes chéries. Vous ne direz rien à vos parents, hein. De toute façon, si vous avez peur, montez jouer dans votre chambre et tant pis pour les crêpes. En plus, pour tout vous dire, j’attends trois copines pour un bridge et si vous croyez qu’on va jouer avec un masque, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Je vais pas me laisser emmerder par des petites pisseuses. » Et alors que Prune, l’aînée, tentait d’expliquer à sa grand-mère qu’il y avait des cas graves même chez les personnes de son âge, Madame B a ri en disant : « Ouais, 3% maximum, tandis que pour vous deux, c’est deux chances sur trois de finir en réa. »

Madame B n’est hélas pas un cas isolé, une Tatie Danielle particulièrement gratinée. On signale ainsi, dans une dizaine d’Ehpads à travers la France, des cas de personnes âgées retirant leur masque lors de la visite de leurs proches et leur crachant au visage, comme l’a fait Monsieur F. d’Orléans, 93 ans qui aurait dit  à ses enfants : « Vous venez me voir deux fois par an, alors je vais vous laisser un souvenir. »

Que fait la police ?

Le syndicat Alliance s’avoue débordé. Un de ses représentants, sous couvert de l’anonymat, reconnaît que ses collègues se refusent à aller dans certains marchés bios pour contrôler le port du masque chez les anciens qui déambulent dans les allées avec un grand sourire aux milieux de jeunes urbains en quête d’une nourriture responsable. L’un de ces délinquants aux cheveux d’argent aurait déclaré au policier : « Tu veux que je les sente comment, les pêches ? Allez, bouge ! »

Le même représentant d’Alliance à également confié : « Les excès de vitesse sont en nette recrudescence et 95% d’ente eux sont dû à des plus de 65 ans dont certains se livrent à de véritables rodéos. »

Les appels au civisme, y compris du plus haut niveau de l’Etat, restent lettre morte. Au point qu’un virologue a proposé de laisser se contaminer les vieux entre eux. Mais ses collègues lui ont objecté que même dans ce cas, l’immunité collective ne serait pas atteinte et qu’on ne pouvait pas prendre le risque de voir les hôpitaux submergés par des centaines de milliers de personnes représentant les forces vives de l’économie.

« Le Nihilisme vieux » titrait récemment un éditorial du Figaro.  On ne saurait mieux dire.

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La France est devenue un coupe-gorge


Depuis quelques semaines, les crimes, agressions et tabassages en règle s’accumulent en France. L’été 2020 n’a décidément pas besoin du Coronavirus pour endeuiller la nation. 


Depuis le début de l’été, il n’y pratiquement plus un jour qui n’ait été marqué par des faits divers plus horribles les uns que les autres un peu partout en France. On pense à Thomas Carbonell, 23 ans, poignardé huit fois à Sarcelles le 9 mai et mort dans la nuit du 10 au 11 juin. A Mélanie Lemée, gendarme de 25 ans fauchée délibérément lors d’un contrôle routier à Port-Sainte-Marie dans le Lot-et-Garonne le 4 juillet et décédée quelques minutes après. On pense à Philippe Monguillot, 59 ans, chauffeur de bus de Bayonne, massacré le lendemain pour avoir voulu faire payer leur ticket et faire porter le masque à deux voyous. On pense à Axelle Dorier, 23 ans, fauchée et traînée par une voiture sur 800 mètres à Lyon après que son chien s’est fait écraser.

Enfin, pour conclure ce tour de France macabre qui n’a malheureusement rien d’exhaustif, on pense à la petite Sofia, qui aurait eu 6 ans en octobre, heurtée le 20 juillet à Aubervilliers par un chauffard roulant à grande vitesse qui a projeté la fillette à treize mètres avant de prendre la fuite pour se rendre au milieu de la semaine suivante, Sofia n’ayant pas survécu.

On a encore frôlé le drame le week-end dernier à Soisy-sous-Montmorency. Un homme qui lavait son linge en compagnie de ses enfants a eu l’outrecuidance de demander à une personne de porter le masque, c’est-à-dire de respecter la loi, s’est fait tabasser par des voyous de la pire espèce venus armées de bâtons et de battes de base-ball. S’il s’en tire miraculeusement avec six jours d’ITT mais ses enfants restent traumatisés. La vidéo des caméras de surveillance est virale sur les réseaux sociaux tandis que les commentaires deviennent de plus en plus virulents, ce qui est facilement compréhensible.

Mort au tournant

Que s’est-il passé pour que notre pays, où il faisait si bon vivre il y a quarante ans, soit devenu un véritable coupe-gorge où on peut désormais mourir à n’importe quel moment pour un regard, une parole ou pour avoir simplement demandé le respect de la loi ? Les réponses sont toutes trouvées : lâcheté, abandon, laxisme, idéologie, politiquement correct. La réaction du président de la République, qui a osé parler « d’incivilités » pour qualifier des meurtres abjects, a synthétisé en une phrase la politique menée ces quarante dernières années. Pour le Larousse, une incivilité est un « manque de civilité, de politesse » ou une « Attitude, un propos qui manque de courtoisie, de politesse », bref rien à voir avec les actes qui se succèdent à la vitesse des crimes dans le film Orange mécanique.

Alors évidemment, le ministre de l’Intérieur va twitter pour crier son indignation (ce qui ne mange pas de pain) tandis que le Garde des Sceaux, qui semble de plus en plus être l’enfant caché de Robert Badinter et Christiane Taubira, versera des larmes de crocodile pour compatit au sort de ces « gamins déchirés par la vie » avant de remettre une pièce de 50 centimes dans le baby-foot. Et la « justice », les guillemets s’imposent, se posera la question de remettre en liberté l’assassin d’un gamin de 26 ans venu fêter son anniversaire en boite de nuit pour favoriser sa réinsertion alors qu’il n’a même pas encore été jugé… Si après ça, les forces de l’ordre et les honnêtes citoyens ne se sentaient pas abandonnés, ce serait à désespérer…

Malheur à la France qui se lève tôt

La France a peur. La France des pompiers sur qui on tire dessus à Etampes. Celle des honnêtes gens qui vont se baigner, à Etampes ou dans l’Aube. Celle attaquée à la machette ou au couteau à Bordeaux. Celle de Corbeil-Essonnes qui demande moins de bruit à 4h30 du matin. Celle qui risque sa vie en sortant un soir, en allant bosser, en allant laver son linge ou qui veut simplement dormir. Vivement que se termine cet été meurtrier.

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Covid-19: avec le masque, j’étouffe!


L’OMS serait-elle devenue le nouveau Vatican ?


Ainsi donc, il faudrait se résigner à porter un masque en tout lieu et en toutes circonstances, quitte à avoir des migraines le soir et la sensation d’étouffer le jour. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Les Allemands, pourtant peu enclins à la rébellion, manifestent en signe de protestation : ils étaient plus de vingt-mille à Berlin, ce premier août pour célébrer une Fête de la Liberté. Et les Serbes ont réussi à faire plier Belgrade qui voulait imposer un nouveau confinement.

La France, elle, vue de Suisse, semble acquiescer à toutes les mesures de sécurité contre le Covid-19 et même se réjouir d’être un élève aussi discipliné face à cette pandémie. Il est vrai que dans les médias la propagande tourne à plein régime sans qu’aucune voix discordante ne trouble cette belle unanimité dans les vertus du masque et de la servitude volontaire. L’OMS serait-elle devenue le nouveau Vatican ?

Totalitarisme hygiéniste

Cela semble très étrange pour un Suisse, me fait remarquer Jacques Pilet, journaliste d’une neutralité bienveillante exceptionnelle. Comme je peux le constater quotidiennement à Lausanne, il n’y souffle pas un vent de panique : les mesures de précaution ressemblent plus à une mise en scène faite pour rassurer le badaud qu’au totalitarisme hygiéniste que mettent en place les préfets français. Et surtout, spécialement en Suisse alémanique, le débat autour du Covid-19 surprendrait maints « spécialistes » particulièrement anxiogènes sur les chaînes d’information en continu qui rivalisent dans la surenchère catastrophiste.

Ainsi, l’épidémiologiste, professeur et médecin-chef de l’hôpital de Saint-Gall, Pietro Vernazza, dans une interview retentissante a dit en substance :

Depuis des années, des coronavirus se propagent chez les humains. Le dernier en date, aussi particulier soit-il, ne disparaîtra pas ;

A lire aussi, Jonas Follonier: Panique en Helvétie

Le port des masques, la distance, le traçage ne résoudront pas le problème ;

Les infections se multiplient, mais les défenses immunitaires se renforcent dans la population. À preuve, le nombre d’hospitalisations et de décès diminue ;

Les jeunes qui portent le virus le maîtrisent bien, souvent sans s’en rendre compte ;

Amis Français, où est votre goût du débat ?

Certes, certains patients n’y survivent pas, comme c’est également le cas dans la grippe. Les personnes âgées doivent se protéger, tout en sachant qu’il est naturel que beaucoup décèdent en raison d’un virus ou d’un autre. Comme, je ne me lasse pas de le répéter : la mort n’est pas a priori le pire dans la vie ;

Des tests à grande échelle et des quarantaines ont un coût considérable et ne sont pas une réponse à long terme ;

Si l’on considère que 90% des porteurs ignorent qu’ils le sont, on peut dire que la létalité est dans l’ordre de grandeur d’une grippe saisonnière. Le virus est moins dangereux qu’on tente de nous le faire croire.

Jacques Pilet me confirme que de très nombreux médecins suisses et allemands ont approuvé le professeur Vernazza. Ils ont même créé en Allemagne « une commission d’enquête extraparlementaire sur le Corona » pour contester des décisions déjà prises ou à venir. Rien de tel en France. Ouvrir un vrai débat serait-il plus risqué pour le gouvernement que d’égratigner les libertés au point de ne plus pouvoir jamais cicatriser les plaies ?

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Expulsion des Serbes de la Krajina : ce miroir que l’Europe préfère briser

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Chaque 4 août depuis vingt-cinq ans, la Croatie célèbre l’expulsion des Serbes de la Krajina. L’occasion de refourbir un bric-à-brac nazi qui serait interdit et confisqué dans n’importe quel pays à l’ouest de Vienne. 


Il y a un quart de siècle, le 4 août 1995, commençait la plus vaste opération de nettoyage ethnique en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. L’opération Tempête, menée par l’armée croate avec l’aide de l’OTAN, a vidé une province de toute sa population en quatre jours seulement. Les conquérants aimaient ricaner en disant qu’ils avaient trouvé la soupe sur le feu dans les villages et les hameaux. Selon le compte officiel, sans doute sous-estimé, 220’000 civils ont quitté leurs foyers, 1867 ont été tués. Officieusement, des milliers de disparus sans sépulture hantent encore les mémoires.

L’opération ne fut pas seulement brutale et foudroyante: elle est restée entièrement impunie. Si parfaitement impunie que l’Etat croate a fièrement invité ses amis pour célébrer le jubilé de ce qui fut une épuration de son propre patrimoine historique, culturel et humain. Le président Tujdman, qui ordonna l’opération, par ailleurs historien révisionniste notoire, est mort tranquille dans son lit. Les deux chefs opérationnels, les généraux Gotovina et Markač, étaient trop en cheville avec leurs protecteurs occidentaux pour que leur convocation au tribunal de La Haye fût plus qu’une tracasserie administrative.

Jamais personne, Serbie comprise, n’a apporté de soutien concret aux centaines de milliers de déportés.

Les mémoires formatées

Dans la «communauté internationale», l’opération Tempête a été totalement effacée des mémoires. Le 10 août 1995, au moment où le flot des réfugiés commençait d’engorger toutes les routes de la Bosnie occidentale jusqu’à Belgrade et qu’il devenait visible de l’espace, la secrétaire d’Etat U. S. Madeleine Albright convoquait soudain une conférence de presse pour parler… de la prise de Srebrenica par l’armée bosno-serbe, le 11 juillet, sur quoi elle n’avait rien eu à dire pendant un mois. A partir de cet instant, et jusqu’à ce jour, toute l’attention du monde a été focalisée sur le sort des hommes musulmans d’une commune de l’est de la Bosnie, tandis que l’éradication, 200 kilomètres plus à l’ouest, d’une population entière, de son héritage et de ses foyers tombait à jamais dans les oubliettes.

Si la tragédie de la Krajina avait réussi à toucher les consciences, et plus encore les cœurs, de la «communauté internationale», la représentation de la guerre civile yougoslave, mais également, par ricochet, de la cohabitation entre monde chrétien et islam, entre catholicisme et orthodoxie, entre Germano-Latins et Slaves, eût sans doute été profondément changée. Mais il n’en fut rien. L’Occident demeura parfaitement hermétique à ce drame-là. Aucun de ceux qui essayèrent de le réveiller n’avait la puissance et la voix de Victor Hugo lorsqu’il s’écria (au sujet des mêmes): «On assassine un peuple!»

De mauvais esprits ont suggéré que si l’Europe s’était autant passionnée pour Srebrenica, c’était entre autres pour ne pas se regarder dans le miroir cassé et fumant que lui tendait la Krajina. Parce que sans sa complicité, cette tragédie n’aurait jamais eu lieu. Srebrenica non plus d’ailleurs. Mais on ne peut pas étouffer deux abcès à la fois.

A l’est de Vienne, d’autres codes…

Un quart de siècle plus tard, tant de villages de la Krajina sont encore aéroports à corneilles et hôtels à serpents. Quelques vieillards y étaient restés, quelques autres y sont revenus. Les forces vives ont été énergiquement invitées à ne pas y songer. La haine est plus forte, même, que la raison économique. Sans qu’elle en soit consciente, ce gouffre de dévastation incrusté dans l’immédiat arrière-pays de sa mince riviera balnéaire est la malédiction de la Croatie. Cette malédiction, à l’exception de quelques rares esprits lucides ou simplement humains, l’élite politique et culturelle croate s’est mise sur son trente-et-un pour la célébrer. D’aucuns s’en révoltent, j’ai plutôt tendance à sourire.

Chaque 4 août depuis vingt-cinq ans, on ne célèbre pas la victoire sur une armée redoutable, mais l’expulsion (sans coup férir) d’un peuple lâché par ses protecteurs belgradois autour de la table de négociation. En Croatie, chaque 4 août depuis vingt-cinq ans est l’occasion de refourbir un bric-à-brac nazi qui serait interdit et confisqué dans n’importe quel pays à l’ouest de Vienne. Mais justement, nous ne sommes pas ici à l’ouest de Vienne. Nous sommes à l’Est. Ce qui est très néfaste pour les Français ou les Allemands, est jugé assez bon pour des Yougos ou des Ukrainiens.

Sans la banalisation du nazisme croate, du dictateur Pavelić et de ses racistes frénétiques, aurait-on eu les néonazis au parlement de l’Ukraine après l’Euro-Maïdan? Verrait-on aujourd’hui les parades en réhabilitation de la SS entre Baltique et mer Noire?

Je suis issu par les deux branches et les deux confessions de ma famille de cette Krajina dont on n’a même pas pris la peine de traduire le nom pour comprendre ce qu’elle signifiait à l’échelle du continent. La Krajina, comme l’Ukraine, ce sont les confins, les marches. Immenses espaces déserts parcourus des siècles durant par des escouades indomptables de cosaques ou de Serbes (dits «Grecs» en haut lieu car leur nom même était malséant) qui versaient leur sang à flot continu pour contenir l’avancée de l’Ottoman. Ces hommes préféraient leur liberté à la vie même. Éliminez-les, dans les Balkans ou en Tauride, et vous aurez le Turc à vos portes. (Tiens, justement, il y est…)

Ces francs-tireurs-là, les empereurs savaient leur importance. C’est pourquoi, outre leur liberté de confession, ils avaient sauvegardé jusqu’au XIXe siècle, comme les Helvètes de la Suisse primitive, une charte d’immédiateté, une relation d’obéissance directe à l’empereur d’Autriche. Ils composaient le noyau des troupes du régiment «Royal Croate», dont le cache-col finirait par engendrer le contraire exact du signe de l’homme libre, la cravate. Leur régime d’exception était un pied-de-nez à la petite noblesse locale, qui s’en vengerait à la première occasion. Car la modernité a fait le ménage de ces anomalies de l’histoire, là comme ailleurs.

La lumière de Suzana

Bref, c’est toute une histoire, glorieuse et atroce, qui s’en est allée on ne sait où avec ces paysans juchés sur leurs tracteurs, le 4 août 1995. Parmi eux, il y avait une gamine aveugle d’une dizaine d’années. Elle s’appelait Suzana. C’était, avec sa famille, la seule personne dont le sort me préoccupait personnellement ce jour-là. Deux ans plus tôt, Suzana avait été exfiltrée des zones de combat par la Croix-Rouge. Elle était venue avec sa mère en Suisse où les médecins de Lausanne avaient essayé de sauver sa rétine abîmée. Ils ne lui ont pas rendu sa vue mais nous ont offert, à elles et à nous, une amitié pour la vie. Suzana et Milena étaient logées par notre ami Yvon. J’ai commencé par leur servir d’interprète, et nous ne nous sommes plus quittés jusqu’à la fin de leur séjour. De Lausanne, elles ont rejoint leur bourgade aléatoirement arrosée d’obus.

Après son expulsion de Krajina, la famille s’est retrouvée sans toit dans la banlieue de Belgrade. Avec l’aide de quelques amis et grâce à un travail acharné, ces gens d’une intégrité sans failles ont reconstitué un foyer, un jardin, une petite forteresse. La Serbie s’était contentée de les laisser entrer, c’était tout. L’Occident, lui, considérait leur sort comme une «juste rétribution» d’un nationalisme serbe fantasmé. Il n’aurait pas hésité un instant à leur refuser l’asile. D’ailleurs ils n’y ont même pas pensé. Il n’y a pas un seul réfugié serbe en Occident. Quoi qu’il ait pu leur arriver, les Serbes ne remplissent pas les conditions de la miséricorde européenne. Heureusement!

Coriace, la vie

Après cette crise, les nouvelles se sont espacées, mais pas trop. Un été, Suzana avait appris à conduire un vélo (s’orientant aux ombres et au son). L’année suivante, on lui avait trouvé une école adaptée. Puis il a fallu lui procurer des livres, en braille. Nous lui avons rapporté de Suisse une montre digitale, celle qu’on lit avec ses doigts. Puis Suzana était entrée au lycée. Puis il y a eu l’ordinateur, l’e-mail, les applications parlantes. Suzana à l’université. Suzana traductrice diplômée, du russe. Et cette année, Suzana s’occupant du marketing d’une boîte et lisant toute la littérature qu’elle peut attraper…

Lorsque j’ai recueilli la parabole biblique qui servirait de base à mon premier roman Le Miel, je me suis demandé quel écrin donner à une histoire aussi précieuse. Je n’avais jamais écrit de littérature, mais je sentais qu’il ne fallait pas barber le public avec des témoignages geignards ou des essais historiques, toujours révocables par plus historien que moi. Une «histoire de Serbes» partait d’emblée avec un handicap maximum. J’ai fini par transformer en roman ce road movie entre un père apiculteur et un fils venu dans sa province déserte le sauver malgré lui. Je l’ai dédié tout naturellement à Suzana, née sur cette terre qu’elle n’a jamais vue. Sa destinée, comme celle de mon apiculteur, démontre l’invincibilité du désir de vivre. Dans les hameaux brûlés jusqu’aux fondements, le bourdonnement des abeilles signale que la vie se poursuit malgré tout, malgré la bêtise destructrice des hommes.

« Il ne perçut que le bourdonnement des abeilles, bien étouffé, et eut l’impression qu’on avait monté un transformateur électrique derrière la cabane.

Il s’habilla, sortit. Les frondaisons se découpaient sur le fond du ciel devenu gris. Il s’approcha des ruches, d’où aucun insecte ne faisait mine de sortir. En rentrant dans la cabane pour se faire un café, il perçut comme une vibration dans le sol, suivie d’une autre, plus nette. Puis il y eut comme des bruits de tonnerre, mais sans éclairs ni nuages.

Nikola comprit à la prochaine volée. C’était bien un orage qui s’annonçait, mais un orage de fer. La Krajina vivait depuis des mois dans l’appréhension d’une attaque. La voilà qui arrivait enfin, annoncée comme il se devait par une lourde préparation d’artillerie. » (Le Miel)

Je n’aurais pas pu écrire une seule page de ce livre avec le goût amer de la soif de revanche dans la bouche. Penser à Suzana, à ses écoles et ses lectures, à son nouveau foyer, était un souverain remède contre cette amertume. Ceux qui avaient poussé hors de sa maison un être d’une telle qualité ne savaient pas de quoi ils se privaient. Comme le disait Milos Tsernianski, les migrations existent, la mort n’existe pas.

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« La dernière chose dont le Liban a besoin, c’est d’un affrontement avec Israël »

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Benyamin Netanyahou est dans une mauvaise passe. Il doit faire face à l’épidémie de coronavirus, tout en composant avec son procès et le projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie.  Pendant ce temps, au nord, le Liban s’embrase et s’enfonce dans la faillite. Le professeur de relations internationales à l’université de Tel Aviv Emmanuel Navon livre son éclairage sur la situation régionale. Entretien.


 

Daoud Boughezala. Globalement, comment jugez-vous la gestion de l’épidémie de Covid par le gouvernement Netanyahou ?

Emmanuel Navon. Il y a eu deux phases. Au début de la crise, au mois de mars, il s’agissait encore du gouvernement sortant. Netanyahou était aux commandes, après avoir beaucoup centralisé le pouvoir, en écartant les ministres et en centralisant le processus décisionnaire autour des directeurs de cabinets, de son cabinet personnel et du conseiller à la sécurité nationale. Cette méthode s’est révélée efficace.

À lire aussi : Israël vaincra… le coronavirus

Puis le gouvernement de coalition a été formé au mois de mai. A ce moment-là, Netanyahou a dû distribuer de nouveaux ministères et donner aux nouveaux ministres un véritable pouvoir. Cela a beaucoup décentralisé le processus décisionnaire et Netanyahou a cessé de se focaliser à 100% sur la crise du Corona au profit d’autres sujets : l’annexion des blocs d’implantations de Judée-Samarie et la gestion de son procès. La conjonction de ces facteurs fait que la deuxième vague de l’épidémie a été mal gérée.

Qu’auriez-vous souhaitez de différent dans la gestion de la deuxième vague ?

Le déconfinement fin mai a été beaucoup trop rapide et pas suffisamment mesuré. Au mois de juin, une fois le nouveau gouvernement nommé, des décisions contradictoires ont été prises de façon incohérente. Cela dénote un manque de centralisation et de coordination entre les différents décideurs.

Si on en croit le gouvernement israélien, l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, initialement prévue le 1er juillet dernier, a été reportée à cause de la crise sanitaire. Y croyez-vous ?

Si vous voulez croire les hommes politiques, c’est à vos risques et périls. Lorsque Netanyahou a soulevé la question de l’annexion au mois de juin, c’est parce que l’accord de coalition avec Bleu & Blanc prévoyait le déclenchement du processus d’annexion à partir du 1er juillet. Il ne s’est évidemment rien passé depuis.

Devant l’opposition d’une partie de ses alliés internationaux, Netanyahou aurait-il renoncé à cette annexion ?

Ce ne sont pas les pression internationales qui l’ont fait reculer. L’annexion était un slogan électoral, et aujourd’hui l’administration Trump a autre chose à penser. Netanyahou est un homme politique talentueux qui parle plus qu’il n’agit. Il ne compte pas avancer sur le dossier de l’annexion. Du moins pas avant les élections au mois de novembre aux Etats-Unis, pour savoir ce qui l’attend à Washington.

Le Premier ministre israélien scrute peut-être aussi la réaction de ses partenaires arabes. Ces dernières années, sa diplomatie semble avoir porté ses fruits, notamment en direction de plusieurs pays arabes du Golfe coalisés contre l’Iran. Annexer des blocs de colonies, ne serait-ce pas empêcher de facto la création d’un Etat palestiniens et s’aliéner ces fragiles alliés ?

Non, car le plan Trump, rédigé par Jared Kushner, prévoit un Etat palestinien démilitarisé sur à peu près 70% de la Cisjordanie, moyennant des échanges territoriaux avec Israël. Le plan Kushner est un plan détaillé de plusieurs dizaines de pages prévoyant un Etat palestinien démilitarisé qui cesserait de payer les familles de terroristes.

À lire aussi : Plan Kushner-Trump pour la Palestine: la méthodologie du dealing

Ce règlement entrerait dans le cadre d’un package deal avec les Etats arabes sunnites du Golfe menés par l’Arabie Saoudite. C’est pourquoi Jared Kushner ne voulait pas qu’il y ait d’annexion avant des négociations régionales avec les pays arabes du Golfe.

Un autre voisin d’Israël se trouve aujourd’hui en grande difficulté : le Liban. La situation de faillite du pays risque-t-elle d’exacerber les tensions avec Israël ?

Non. Ce n’est pas la préoccupation actuelle du Liban. C’est un pays qui a aujourd’hui de très grandes difficultés économiques, mais c’est surtout un pays virtuel avec un Etat dans l’Etat. Ce n’est pas nouveau, mais de plus en plus ces dernières années avec le renforcement de l’axe Iran-Assad-Hezbollah, le gouvernement libanais ne contrôle que très partiellement la situation. Le Hezbollah contrôle plus ou moins le pays avec ses quelque 150 000 missiles dirigés vers Israël. S’ajoute une crise économique qui ne cesse de s’approfondir. Bref, la dernière chose dont le Liban a besoin, c’est d’un nouvel affrontement avec Israël.

Y-a-t-il un risque que le Liban, étant soumis à des sanctions notamment à cause du Hezbollah, ouvre un nouveau front pour récupérer des ressources économiques, notamment du gaz ?

Non, car les ressources gazières d’Israël se situent essentiellement à la frontière sud du pays, en coopération avec Chypre et la Grèce. Il y a certes un petit différend sur des ressources à la frontière maritime entre le Liban et Israël, mais c’est marginal. Pour le Liban, le prix économique d’une guerre avec Israël serait bien pire que quelques mètres cube de gaz récupérés.

 

Black Pound Day: l’antiracisme est un business juteux


La nouvelle trouvaille de l’antiracisme ? Outre-Manche,  le Black Pound Day a pour objectif de soutenir l’économie « noire » afin de lutter contre les discriminations raciales. Business is business…


 

Samedi dernier, le Royaume-Uni accueillait la deuxième édition du « Black Pound Day », autrement dit en français « la Journée de la Livre Noire ». A ne pas confondre avec le Black Friday, qui célèbre l’hyperconsommation du capitalisme marchand. Lancé dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, le Black Pound Day a pour objectif de soutenir l’économie noire afin de lutter contre les discriminations raciales. Les consommateurs sont encouragés à dépenser leurs livres dans les commerces appartenant aux Noirs. Autrement dit, le militantisme communautaire antiraciste fait du « black business » son nouveau cheval de bataille.

Sur le site de l’événement, les commerces tenus par des noirs sont localisables et répertoriés par secteurs d’activité : restaurants, coiffeurs, librairies, clubs de sports, agences de voyages… Chaque enseigne a une page web  comprenant toutes les informations nécessaires soit pour acheter en ligne ou en magasin, soit pour prendre rendez-vous. Le projet voit loin. Un calendrier a été publié avec la programmation des prochaines Black Pound Day qui se dérouleront tous les premiers samedis de chaque mois jusqu’à la fin de l’année 2020.

L’étrange rappeur Swiss

Sur le site, le Black Pound Day se présente comme une « réponse directe et pacifique au racisme systémique ». Cette définition, mettant en avant la dimension-non violente, est un brin cocasse au regard du profil de l’initiateur du projet.

Il s’agit d’un rappeur, connu sous le nom de Swiss, issu du groupe de rap britannique So Solid Crew, célèbre dans les années 2000 pour avoir prôné la culture des armes, de la drogue et de la violence des gangs et pas uniquement dans leurs tubes. Ainsi, certains membres du groupe, connus pour leur violence, ont été condamnés à des peines de prison pour possession d’armes de poing et trafic de drogue. Aujourd’hui, Swiss peut compter sur l’antiracisme comme planche de salut pour faire oublier le passé criminel de son groupe de rap. Rien de tel que l’antiracisme militant pour se racheter une bonne conscience.

Consommer « noir »

Le Black Pound Day incite donc à consommer noir comme on incite à consommer made in France. Cet appel au made in Black, à l’achat communautaire, est bien une énième preuve que l’antiracisme fait de la race une revendication identitaire, réduisant les individus à leur couleur de peau. Sous couvert de combattre les discriminations raciales, on pratique, au lieu de la mixité et du vivre-ensemble des beaux discours, un véritable séparatisme racial.

Sur le compte Instagram du défi lancé pour faire vivre l’événement,  une centaine d’influenceurs de la communauté noire affichent leur produit acheté et leur engagement pro black business, résumé sous les hashtag de #blackbusinessmatter #blackpoundday #blackpoundchallenge… Et parmi toutes ces publications, pas une seule fashionista blanche affichant fièrement son soutien et son acte d’achat militant. Doit-on en conclure qu’il est plus facile pour les Blancs de mettre un genou à terre que de sortir leur carte bancaire pour soutenir l’économie noire ? Pourtant, selon le prisme de l’idéologie de la repentance, ce soutien serait une formidable opération de déculpabilisation, consommer noir permettant a priori d’effacer le racisme perçu comme inhérent à la blanchité.

En tout cas, les organisateurs du Black Pound Day jouent à fond la carte du séparatisme communautaire tout en faisant de l’antiracisme militant un business comme un autre. Le capitalisme marchand n’est donc plus le système économique des Blancs où sévit le racisme systémique envers les noirs, et il n’a plus ni odeur ni couleur lorsqu’il s’agit de faire du fric.

Flics Lives Matter


La nouvelle offensive antiraciste revendique sa haine pour tout ce qui représente la nation française, son passé et ses institutions. Dans ce grand récit victimaire, les « violences policières » prétendument exercées contre les Noirs et les Arabes tiennent une place de choix. Cet amalgame injuste ignore l’ensauvagement d’une société dans laquelle les forces de l’ordre sont devenues des cibles.


Le scandale Adama Traoré n’est pas celui qu’on croit. Il ne réside pas dans la mort du jeune homme : aussi bête et triste soit celle-ci, elle ne cache aucun mystère, aucun secret inavoué. Sinon que s’il avait obtempéré, il serait sans doute en vie.

Un énorme bobard

Depuis quatre ans, l’instruction confiée à trois juges, preuve de l’importance que la Chancellerie accorde à cette affaire sensible, a retracé, minute par minute, les circonstances qui ont abouti à sa mort (voir le récit d’Erwan Seznec pages 38-41). Les magistrats n’ont pas relevé la moindre trace de brutalité disproportionnée ou de racisme. Les trois gendarmes concernés, longuement auditionnés, n’ont pas été mis en examen et n’ont subi aucune sanction. À ceci près qu’eux et leurs proches entendent quotidiennement parler d’eux comme de meurtriers. Et que leur vie a été dévastée.

Le scandale, c’est qu’un mensonge répété mille fois soit devenu une vérité – et, en prime, l’étendard d’une offensive idéologique contre l’idée même de nation française soumise à un impitoyable et interminable réquisitoire rétrospectif. Une phalange d’activistes de talent a réussi à vendre un énorme bobard à des médias qui ont fait preuve d’une complaisance inouïe et accrédité la thèse d’une « bavure » que rien ne vient étayer, tombant dans tous les panneaux agités devant eux, comme la fameuse « contre-expertise », signée par un unique expert choisi par la famille et opportunément tombée le 2 juin. Ce jour-là, surfant sur la vague George Floyd et le succès planétaire de #BlackLivesMatter, le comité Adama parvient, pour la première fois, à mobiliser au-delà de ses maigres troupes habituelles : 20 000 personnes sont rassemblées devant le palais de justice de Paris. Un policier noir est traité de « vendu » ! Le Monde publie un compte-rendu énamouré, les deux journalistes reprenant à leur compte sans la moindre distance le grossier amalgame entre George Floyd et Adama Traoré. Quant à Assa Traoré, elle y est présentée comme une « figure de proue de la lutte contre les violences policières ». Une icône est née. Quelques semaines plus tard, Christophe Castaner, interrogé sur les éventuelles poursuites intentées contre les organisateurs de cette manifestation illégale, lâchera son magistral aveu : « L’émotion doit prévaloir sur le droit. »

Ni justice ni paix ?

En quelques semaines la « sœur Courage » devient « la combattante », titre d’un long portrait presque intégralement hagiographique que lui consacre Le Parisien le 28 juin. On l’interroge sur ses intentions politiques. Ivre de sa notoriété, la nouvelle Angela Davis ne demande pas, elle exige. « Nous parlerons avec le gouvernement quand les gendarmes seront mis en examen. » Quand elle scande, « Pas de Justice, pas de paix », on entend « Ni Justice ni paix ».

Le comité Adama connaît son heure de gloire, au centre d’une agitation qui permet à l’islamo-gauche insoumise de se recycler dans la dénonciation du privilège blanc.

A lire également, Marcel Gauchet sur RnR : Affaire Traoré: La plupart des médias s’alignent sur cette ignorance militante satisfaite d’elle-même

S’agissant de la nouvelle offensive antiraciste et de sa haine proclamée pour tout ce qui représente notre passé, qu’on me permette de renvoyer aux excellents textes de Bérénice Levet, Jeremy Stubbs, Sami Biasoni, David Duquesne. Et d’adresser mes remerciements à Rokhaya Diallo, qui a accepté de venir défendre son point de vue dans nos colonnes (pages 54-56). Que nos désaccords abyssaux ne nous transforment pas en ennemies est un des rares signes d’espoir dans une période où ce qui semblait hier être une lubie d’Houria Bouteldja (la fondatrice du Parti des indigènes de la République), ou une invention foutraque de Muray, est devenu la norme. Hier, on comptait les femmes, et il n’y en avait jamais assez ; aujourd’hui on compte les Noirs.

Une pandémie idéologique

Tout est allé très vite. Citons deux faits qui ressemblent à des poissons d’avril.

Fin juin, L’Oréal annonçait la suppression des mots blanc/blanchissant, clair/éclaircissant, sur fond de campagne contre les produits éclaircissants, qui témoignent, paraît-il, de l’assignation des femmes de couleur aux stéréotypes « blancs » – nous voilà condamnés à utiliser un lexique qui nous brûle les lèvres. Mais quid des produits bronzants, ne devraient-ils pas être dénoncés comme vecteurs d’appropriation culturelle ?

Le 1er juillet, le New York Times déclare qu’il écrira désormais « Black » avec une majuscule et « white » en minuscule. Bien sûr, c’est l’Amérique. Mais si les vols transatlantiques sont interrompus, les idées voyagent de plus en plus vite. Chez nous, ça commence soft. Toutes les rédactions cherchent à recruter des journalistes noirs – pour le moment où on comptera. Le président défend Colbert, mais propose de débaptiser quelques rues pour leur donner des noms de combattants africains.

A lire aussi, Jeremy Stubbs : Dorénavant, le « New York Times » écrira « Black » avec une majuscule

Tout Blanc est un raciste, comme tout homme est un violeur et tout flic une brute. Aussi le policier a-t-il le douteux privilège d’être trois fois mauvais. Le comité Adama opère la jonction entre les deux fronts, celui du racisme et celui des « violences policières », qui seraient également systémiques. Et martèle quelques contre-vérités simples : les policiers contrôlent au faciès, les Arabes et les Noirs ont peur de la police. Il faut en finir avec cette affaire de contrôle au faciès. Les policiers contrôlent les populations qui se trouvent là où ils interviennent. Au lieu de brailler au racisme, on ferait mieux de s’interroger sur la surreprésentation des descendants d’immigrés parmi les délinquants condamnés. Les magistrats jugent-ils au faciès ?

Le paradoxe de la violence

Depuis une dizaine d’années au moins, pas une manifestation ou presque ne se finit sans violence. Les images de la place de la République ou de l’esplanade des Invalides, saturées par les gaz lacrymos et dévastées par de véritables batailles rangées entre « black blocks » et forces de l’ordre, nous sont désormais familières. « La société est plus violente, mais supporte de moins en moins la violence, souligne Jean-Michel Schlosser, ancien policier reconverti dans la sociologie. En 68, prendre un coup faisait partie du jeu, aujourd’hui, c’est tout de suite la plainte à l’IGPN, et tout le tremblement. »

Scènes d'émeutes à Sarcelles, en marge d'une manifestation contre l'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, 20 juillet 2014. © Crédit
Scènes d’émeutes à Sarcelles, en marge d’une manifestation contre l’intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, 20 juillet 2014.
© Crédit

Parallèlement, on a enregistré une progression constante et une montée en puissance des violences antipolicières : « Entre les planches de 68 et l’acide de 2020, il y a une sacrée différence », résume Jean-Michel Schlosser. Caillassages, guet-apens, véhicules incendiés – sans oublier les insultes à jets continus –, des centaines de gendarmes et de policiers sont blessés dans des missions de sécurité publique et de maintien de l’ordre. Soumis à rude épreuve par les attentats de 2015 et par la lutte antiterroriste, ils n’étaient pas préparés à affronter la haine antiflics qui, de loi travail en réforme des retraites, s’est déployée au grand jour, jusque sur des affiches de la CGT.

La longue crise des Gilets jaunes a transformé le malaise en plaie vive. Beaucoup de policiers ont une âme de Gilet jaune, devoir les réprimer a été un crève-cœur. Chargés, samedi après samedi, de maintenir l’ordre dans des conditions chaotiques, ils ont dû obéir à des instructions souvent illisibles. Le nombre anormalement élevé de blessés graves parmi les manifestants traduit au minimum des erreurs techniques. Le flic de base, qui n’en peut mais, en a gros sur la patate. Quand ses chefs se plantent, c’est lui qui passe pour une brute. Et qui doit demander à ses enfants de ne pas parler de son métier.

La guerre des images 

Ils ont dû, de surcroît, travailler sous la surveillance constante des caméras et téléphones portables. Des vidéos ne montrant souvent qu’une partie de l’action étaient diffusées, accréditant l’idée de violences gratuites. Faute d’avoir été menée, la guerre des images a été perdue. Jusqu’à l’arrestation de l’infirmière-martyre qui crie « Je veux ma Ventoline » lors de la manifestation des soignants du 16 juin. Dans une nouvelle version diffusée quelques heures après la première, on découvre que, quelques secondes avant d’être arrêtée, elle insulte les policiers, leur fait des doigts d’honneur et leur envoie à la tête ce qui ressemble à un pavé (mais il paraît que ce sont des cailloux). La victime est l’agresseur.

Cependant, il serait absurde de le nier. S’il n’y a évidemment pas de violences policières, comme système destiné à asseoir une domination, il y a bel et bien des violences illégitimes commises par des policiers. La plupart relèvent de l’erreur, d’autres sans doute du sadisme ou du pétage de plomb. Sont-elles toutes sanctionnées ? Tous les responsables le jurent, la main sur le cœur. « Nous sommes l’administration la plus sanctionnée et la plus contrôlée du pays », affirme la syndicaliste policière Linda Kebbab (pages 46-49). On peut compter sur les victimes, très au fait de leurs droits, pour saisir les instances compétentes.

A lire également, Jean-Pascal Caravano : Le doux murmure de Castaner à l’oreille des “jeunes gens” des banlieues

Dans les commissariats, la grande majorité des policiers, qui font leur boulot dans des conditions éprouvantes, se sentent victimes d’un amalgame injuste. Alors, le 8 juin quand, au lieu de défendre ses flics, Christophe Castaner prend le parti de leurs accusateurs, la révolte gronde : « En cas de soupçon avéré de racisme, la suspension sera envisagée systématiquement. », lâche le ministre.  Un soupçon avéré, le bel oxymore que voilà. Les policiers comprennent qu’en cas de pépin, on les jettera aux chiens. Comme toujours. Ce commissaire parisien a gardé la foi. Et il rappelle que des milliers de gardes à vue se passent sans aucun problème. Mais il ne cache pas son inquiétude. « Zyed et Bouna sont morts électrocutés parce que des policiers couraient après des jeunes qu’on leur avait signalés. Ils faisaient leur travail. Pendant dix ans, on a raconté que la police était responsable. Et quand la Justice a tranché et a innocenté les policiers, on nous a dit : déni de justice. Alors que peut-on faire ? » Contre l’émotion érigée en pensée politique, pas grand-chose. Jeter ses menottes à terre. Et serrer les dents.

Et si la police lâchait ?

Les policiers supporteraient sans doute l’hostilité d’une partie de l’opinion, s’ils n’avaient pas le sentiment que le rapport de forces qui les oppose aux délinquants et aux criminels leur est de plus en plus défavorable. L’usage de la force, même dans des conditions parfaitement réglementaires, a beau être légal, il est toujours vaguement perçu comme illégitime. « Si vous voulez des policiers irréprochables, il faut des policiers protégés, suggère un responsable de la PJ. Un type de 50 ans qui se fait insulter durant des heures par des minots qui ont l’âge de ses enfants peut le supporter, s’il sait que son insulteur sera puni. Mais ce n’est jamais le cas. » C’est la question de la fameuse réponse pénale sur laquelle les policiers, tous services confondus, sont intarissables. À quoi bon se fatiguer à arrêter des délinquants que la Justice ne sanctionne pas ou si peu. C’est la principale raison de la souffrance policière.

Signe des temps, les policiers manifestent eux aussi. Ils jettent leurs menottes à terre, menacent de faire la grève des « interpell ». On se donne des frissons en se demandant ce qui se passerait si la police lâchait. Mais on n’y croit pas.

À Dijon, quatre nuits durant, des Tchétchènes venus de toute la France ont affronté des « Dijonnais », comme l’a drôlement écrit Le Monde – il s’agissait de Franco-Maghrébins. Une histoire d’adolescent tabassé, de vengeance et d’honneur. Les forces de police ne sont quasiment pas intervenues, peut-être parce qu’elles ne sont pas équipées pour jouer les Casques bleus entre deux bandes armées. Et la querelle s’est achevée par un pacte conclu à la mosquée du coin. Nous savons désormais à quoi ressemblerait un monde sans police.

A lire aussi, Isabelle Marchandier : Dijon brûle mais nous regardons ailleurs

Statistiques ethniques: l’Insee traîne les pieds


Quoi qu’en dise l’Insee, la catégorie « immigrés » a mis des années à être officiellement reconnue par ses enquêtes.


« La lucidité rétrospective et le courage rétroactif sont l’une des formes de la connaissance inutile. »

« La vie est un cimetière de lucidités rétrospectives. »

Jean-François Revel, La connaissance inutile, Grasset, 1988.

 

En janvier 2020, l’Insee a créé un blog censé « étendre, par un canal de diffusion nouveau, la capacité de l’institut à exercer sa mission, qui est d’éclairer le débat économique et social, de faire valoir les enseignements qu’on peut tirer de l’exploitation des statistiques et ses limites, de faire connaître les travaux de l’institut au-delà de ses utilisateurs usuels et de lutter contre la propagation d’informations fausses ou détournées ». L’Insee compte ainsi contribuer au débat public par des contenus pédagogiques à destination d’un public moins averti que les lecteurs de ses publications « avec les soucis d’indépendance et de rigueur qui sont la marque de l’Insee ».

Pourquoi pas ? Mais ce blog ressemble, en l’état, à un monologue puisqu’aucune place n’est laissée aux commentaires et questions des lecteurs potentiels.

Le dernier texte (31 juillet 2020) mis en ligne est signé par Sylvie Le Minez de la Direction des statistiques démographiques et sociales et porte sur les statistiques ethniques avec l’ambition de faire connaître ce que fait la statistique publique sous l’intitulé suivant : Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques. Panorama d’une pratique ancienne, encadrée et évolutive. Sylvie Le Minez, visiblement mal informée, nous raconte une légende douce aux oreilles des apparatchiks de l’Insee. Si je résume, l’Insee produit des statistiques ethniques depuis longtemps et se serait particulièrement bien adapté aux évolutions de la société en répondant présent lorsque des innovations méthodologiques étaient nécessaires. C’est pourquoi la France se trouverait si bien dotée aujourd’hui pour produire « des données et des études d’une grande richesse […] sur les immigrés et leurs descendants couvrant des domaines variés de la vie sociale ».

Des statistiques très anciennes…

Pour justifier cette précocité formidable de l’Insee, l’astuce consiste à rapatrier dans la catégorie « statistiques ethniques », des informations basiques figurant dans les recensements depuis plus de cent ans sur la nationalité (de naissance ou par acquisition, selon des formules qui ont varié dans le temps) et le pays de naissance. « Ces informations, écrit Sylvie Le Minez, permettent de dénombrer les personnes selon leur origine depuis longtemps. On peut ainsi étudier la population des immigrés selon la définition, particulière à la France[tooltips content= »Non, cette définition n’est pas particulière à la France puisqu’elle la partage avec les Etats-Unis. »]1[/tooltips], adoptée en 1991 par le Haut Conseil à l’intégration (i.e. les personnes nées étrangères à l’étranger et résidant en France). » On remarquera que l’Insee est incapable de justifier méthodologiquement la catégorie « immigrés » et a besoin de se référer au HCI pour sanctifier son usage. La recommandation du HCI fait suite à mon intervention dans le cadre du groupe statistique présidé par Anicet Le Pors sur un argumentaire méthodologique et non pour répondre à l’esprit du temps (qui n’était pas encore à se préoccuper de statistiques ethniques, loin de là !). Si l’Insee se réfère au rapport du HCI de 1991, c’est bien qu’avant cette date il ne connaissait pas la catégorie « immigrés », ce qui dément l’intérêt si ancien de l’Insee pour l’étude des origines. D’ailleurs cette mise en œuvre de la catégorie « immigrés » a été laborieuse, malgré mes efforts, puisque le document produit par l’Insee sur les résultats du recensement de 1990 s’intitulait : «  Recensement de la population de 1990, Nationalités, Résultats du sondage au quart ». La catégorie « immigrés » n’y figurait nulle part, même si elle pouvait être reconstituée à partir de différents tableaux. C’est encore, au début des années 1990, la nationalité qui est privilégiée. Il faudra attendre 1996 pour que l’Insee publie rétrospectivement l’évolution de la population immigrée depuis 1911 et la publication du recensement de 1999 pour que  l’usage de la catégorie « immigrés » se banalise. L’avantage, pour l’Insee, était que cette évolution ne l’obligeait pas à modifier le bulletin individuel de recensement, mais seulement à l’exploiter autrement. On ne parlait pas alors de statistiques ethniques ou de diversité à propos de cette nouvelle manière d’exploiter des renseignements collectés dans le recensement depuis si longtemps.

La génération née en France

Mais l’Insee a encore plus traîné les pieds quand il s’est agi d’étendre l’observation à la génération des enfants d’immigrés, car il fallait alors introduire des questions supplémentaires sur les parents qui lui faisaient peur. En témoignent les réticences, obstructions et manœuvres dilatoires de l’Insee pour la mise en oeuvre de l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale (MGIS) de l’Ined, enquête pour laquelle il avait pourtant consenti à prêter son concours (réseau d’enquêteurs) et qui a quand même été réalisée en 1992. L’Insee avait d’abord refusé d’introduire une question sur le pays de naissance des parents dans son enquête Famille de 1990 qui aurait pu servir de base de sondage. Il faudra attendre celle de 1999 pour qu’il saute le pas[tooltips content= »Mais contrairement à ce qu’écrit Sylvie le Minez, seul le pays de naissance des parents avait été introduit et non la nationalité de naissance. »]2[/tooltips]

J’ai raconté dans le détail les péripéties de cette enquête dans mon livre sur les statistiques ethniques. Qu’il suffise ici de rappeler que, lors de la réunion des directeurs régionaux, le 26 juin 1992 à l’Ined, pour une enquête qui devait être lancée deux mois plus tard, certains d’entre eux nous apprirent qu’ils avaient reçu un coup de téléphone de la Direction générale leur expliquant que cette enquête n’aurait pas lieu. C’est donc bien injustement que l’Insee s’attribue une clairvoyance qu’il est loin d’avoir eue sur la nécessité de produire des données sur les origines qui aillent au-delà de celles des immigrés. S’il est vrai qu’il a commencé à introduire les questions utiles sur les parents dans les années 2000, notamment avec l’enquête Formation, Qualification professionnelle de 2003, puis l’enquête Emploi de 2005 et l’enquête Logement de 2006, c’est aussi parce qu’il disposait alors d’un argumentaire moralement convenable : celui des discriminations. L’Insee a considéré que le risque pour sa réputation était suffisamment faible pour qu’il se lance. D’ailleurs, Sylvie le Minez explique comment ces nouvelles préoccupations ont donné à l’Insee la justification morale qui lui manquait jusque-là: « Ce qui sous-tend cette demande de statistiques ethniques est souvent lsouhait de mesurer les discriminations et d’aider à la définition des politiques publiques. Mais l’objectif peut être plus large : connaître la diversité des situations individuelles et mesurer les inégalités. Une autre motivation peut être d’évaluer l’apport des migrations à la population française. On n’imagine évidemment pas qu’une telle demande puisse être alimentée par des présupposés racistes. » Convaincu d’agir pour la bonne cause, l’Insee accepte que, dans l’enquête Trajectoires et origines 2 de l’Ined et de l’Insee actuellement sur le terrain, soient aussi posées des questions sur le pays et la nationalité de naissance des grands-parents.

Une comparaison douloureuse

Quant à la grande diversité des statistiques ethniques qui seraient désormais accessibles grâce à la statistique publique, elle fait pâle figure, notamment en matière de séries temporelles, face à ce que produisent nos voisins d’Europe du Nord qui ont la chance, il est vrai, de disposer de registres de population. Sans parler de l’accessibilité des données qui n’est pas une préoccupation majeure de l’Insee, tout visiteur du site de l’Insee a pu s’en rendre compte.

Les données actuellement diffusées sur la génération née en France d’au moins un parent immigré résulte d’un bricolage à partir des données de l’enquête Emploi pour les 15 ans+ et de celles des enquêtes annuelles de recensement pour les moins de 15 ans et ne permettent pas de descendre à des échelons infranationaux, pourtant d’un intérêt majeur. Ces données seraient grandement améliorées si elles pouvaient être tirées des enquêtes annuelles de recensement. Ce qui suppose d’introduire des questions sur le pays et la nationalité de naissance des parents, ce que l’Insee refuse alors que la Cnil y est pourtant favorable. C’est pourquoi Sylvie Le Minez est muette sur le sujet.

Retrouvez cet article sur le blog de Michèle Tribalat.

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Israël et les Etats arabes souhaitent la réélection de Trump


Les Arabes pouvant compter sur Donald Trump pour obtenir des armes sans limitation, ils souhaitent aussi ardemment sa réélection que le gouvernement israélien. Dans un Moyen-Orient polarisé autour de l’ennemi iranien, qu’adviendra-t-il en cas de victoire de Joe Biden ?


 

Benyamin Netanyahou n’est pas seul à souhaiter la réélection de Donald Trump en novembre 2020. Les États arabes, en particulier ceux du Golfe, sont préoccupés par les sondages qui prévoient l’échec du président actuel par 41% contre 50%. En cas de victoire, le candidat démocrate Joe Biden pourrait se glorifier d’avoir imposé un mandat unique à Donald Trump dans un cas de figure rare, celui de la non-réélection d’un président sortant. Alors qu’au début de l’année, l’élection était une formalité pour le candidat républicain, le coronavirus a rendu le résultat imprévisible. La crise économique et sanitaire a certes été une des raisons de la désaffection de l’électorat républicain, mais le coup de grâce a été donné après le meurtre de George Floyd qui a réveillé les stéréotypes racistes, oubliés depuis longtemps.

De vieux candidats

Les observateurs politiques s’étonnent qu’aux États-Unis les candidats de valeur soient rares, préférant les affaires à la politique. Les Américains sont donc contraints de se rabattre sur les vieux politiques peu disposés à envisager la retraite. Alors l’élection se fera par défaut ; les citoyens voteront contre un candidat plutôt que pour celui de leur choix car la roue a tourné et ils pénalisent celui qui aura détourné l’économie de la situation de beau fixe dans laquelle elle était plongée. Quelques États décideront en fait du vainqueur. Joe Biden est en tête dans six États symboliques à savoir le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Floride, l’Arizona et la Caroline du nord où Trump avait gagné de justesse en 2016. En raison des difficultés économiques, le président sortant a perdu la confiance de ceux qui approuvaient  sa politique populiste mais qui le condamnent à présent à cause de la résurgence du chômage.

Les Démocrates ont de fortes chances de prendre le Sénat aux Républicains et le contrôle des trois branches de la gouvernance. Mais Trump ne paie pas uniquement pour la crise du coronavirus, il paie pour son arrogance et son narcissisme et même pour son racisme. Ses adversaires ne seront pas déçus car ils caressent ce rêve depuis le début de son mandat, espérant chaque jour le voir détrôné.

25 milliards de vente d’armes

Une grande déception saisit aujourd’hui les États arabes, et ceux du Golfe en particulier, qui avaient apprécié l’«accord du siècle» de Trump parce qu’il grignotait une partie des ambitions israéliennes. Ils savaient qu’ils pouvaient aussi compter sur Israël pour les soutenir ouvertement contre l’Iran dont la capacité de nuisance était loin de s’estomper malgré les sanctions américaines. Les Américains s’étant désengagés, d’une certaine manière Israël s’était substitué à eux en tant qu’ogre chargé de faire peur.

Les Arabes pouvaient compter sur Trump pour obtenir des armes sans limitation. D’ailleurs les ventes ont plus que doublé en valeur durant ces derniers mois. Des accords de 25 milliards de dollars ont été signés avec neuf pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord  alors que le montant en 2018 n’était que de 11. D’ailleurs à l’échelle mondiale, avec Trump au pouvoir, les ventes d’armes américaines ont augmenté de 42% cette année, pour atteindre un total de près de 70 milliards de dollars, le niveau le plus élevé depuis 2010, avec plus d’un tiers du total mondial pour le seul Moyen-Orient. En Afrique du nord, le Maroc a été le plus gros client avec des ventes qui se sont élevés à 10 milliards de dollars, pour des F-16 et 36 hélicoptères d’attaque AH-64E Apache. Les autres pays du Golfe, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar, l’Arabie saoudite et le Koweït, ne sont pas en reste avec 14 milliards de dollars d’accords. C’est pourquoi tous ces clients sont inquiets de l’avenir de leur approvisionnement militaire.

L’inconnue Biden

Qu’en serait-il demain avec Joe Biden qui pourrait s’aligner sur les gouvernements européens qui ont bloqué les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis sous prétexte qu’ils combattent au Yémen ? Au Royaume-Uni, une décision de justice a entraîné la suspension des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, bien que le gouvernement de Londres ait à plusieurs reprises enfreint ses propres engagements à cet égard. En fait, les Occidentaux donnent l’impression de vouloir vendre des armes uniquement pour les défilés, en ayant pris le soin de jauger au préalable les ennemis de leurs clients.

Trump a accepté ces ventes d’armes malgré l’opposition du Congrès américain qui avait émis des réserves en raison de la guerre civile qui fait rage au Yémen, et pour des sanctions après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018. Mais le président américain ne voulait pas transiger, estimant que la sécurité de ses alliés était en jeu. Par ailleurs en termes d’affaires, il n’avait pas à tenir compte des questions de Droits de l’homme ou de démocratie.

Rien ne dit que Joe Biden, élu, ne poursuivra pas cette politique de soutien aux pays arabes car il s’agit d’une stratégie pour promouvoir les intérêts américains avant d’être une adhésion aux régimes autocrates. Les Démocrates et les Républicains ont toujours eu une conception voisine des relations avec l’étranger, avec Israël en particulier. Au cas où la victoire démocrate serait concrétisée, l’administration américaine cherchera certainement à encourager un meilleur respect des droits de l’homme dans les pays arabes, mais sans jamais mettre en danger les questions sécuritaires.

Israël : l’annexion compromise ?

En revanche, Joe Biden n’est pas certain d’approuver une quelconque annexion de la Cisjordanie par Israël. Sentant le vent tourner, Netanyahou veut anticiper le débat et préparer son aile radicale à une révision de sa politique en Cisjordanie. Il anticipe l’échec programmé de Trump en précisant que la souveraineté sur les implantations de Cisjordanie  nécessite le soutien total des États-Unis. Une manière de reporter sur son allié la décision de décaler aux calendes grecques cette annexion. Mais la victoire de Joe Biden serait moins pire que celle de Bernie Sanders, le dirigeant le plus haï en Israël et dans les pays arabes pour son indulgence vis-à-vis des agissements des Iraniens.

Le paysage économique a changé au Moyen-Orient. Les besoins mondiaux en pétrole diminuent en raison de la crise certes mais par suite du développement de technologies énergétiques alternatives et de la découverte de nouveaux gisements pétrolifères en Amérique du Nord. Les États du Golfe n’ont plus la même importance que naguère. L’effondrement des prix du pétrole après la pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance. Cela a surtout fragilisé les pays du Golfe qui, dans les périodes fastes, n’ont jamais songé à se diversifier et à s’industrialiser pour devenir moins dépendants d’un soutien extérieur.

Le Golfe mise sur Israël

Le désengagement américain n’a pas arrangé les choses alors qu’aucun autre pays, la Russie ou la Chine par exemple, n’est en mesure de remplacer les États-Unis pour garantir la sécurité des pays arabes. Ils sont trop engagés avec l’Iran. C’est d’ailleurs pour cela que les États du Golfe ont ouvertement misé sur Israël pour leur développement économique et pour leur sécurité. Yossi Cohen, le patron du Mossad, ambassadeur-bis israélien, habitué des palais arabes, facilite les joint-ventures entre industries israéliennes et arabes, dans le secret des alcôves dans un premier temps. Mais les potentats arabes sont réfractaires au changement et surtout au modernisme qui risquent de leur faire perdre le contrôle sur leurs citoyens. Or Israël est le seul État qui pourrait garantir de manière fiable le statu quo.

Mais, malgré des tentatives de plus en plus médiatiques, la normalisation des relations d’Israël avec les pays arabes comporte des risques substantiels pour les États du Golfe, sur le plan des relations interarabes et du conflit israélo-palestinien. Le projet israélien d’annexion de la Cisjordanie complique la situation. Une certitude cependant, les États du Golfe et Israël, qui ont tout misé sur Trump, risquent d’être de grands perdants en cas de défaite des Républicains.  Ils craignent que l’Iran en profite pour étendre sa politique de nuisance dans la région avec un président américain trop pacifique.

80 kms/heure: une imposture pseudo-scientifique

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Le rapport public faisant le bilan de «l’expérimentation» de la baisse de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale sur les routes secondaires est un cas d’école du dévoiement d’études à des fins de justifications politiques. Le rapport de 122 pages ne démontre à aucun moment que la mesure a sauvé des vies ou même réduit la pollution et les nuisances. Ce sont des possibilités. Rien ne permet de l’affirmer ou d’affirmer le contraire d’ailleurs…


En préambule et pour que la problématique soit bien posée, la vitesse est un facteur aggravant de tous les accidents automobiles. C’est tout simplement de la physique. Plus la vitesse est élevée, plus l’énergie dégagée lors du choc est forte et plus les dégâts sont importants. Cela dit, la vitesse n’est pas pour autant à l’origine des accidents et il faut prouver qu’en la limitant le nombre d’accidents a bien baissé.

Dans ce domaine, les pouvoirs publics font la démonstration de ce que peut être de la propagande habillée de statistiques pseudo scientifiques. Cela est aussi malheureusement souvent le cas en matière d’énergie de la part d’organismes publics voire de cabinets ministériels. L’objectif n’est pas de tirer des conclusions rigoureuses d’une expérience mais de justifier à tout prix des décisions et des à-priori.

Amalgames et conclusions arbitraires

Revenons à la décision prise d’imposer à l’été 2018, le 1er juillet, la vitesse maximum à 80 kilomètres heure pour les voitures et les motos au lieu de 90 kilomètres heure sur les routes secondaires. L’argument avancé alors était que cela permettrait de sauver des centaines de vies par an, de «350 à 400 par an» selon le Premier ministre Edouard Philippe. Depuis, pour justifier une mesure impopulaire et qui a été en partie à l’origine du mouvement des gilets jaunes, on assiste tous les quelques mois à des publications officielles de statistiques et d’argumentaires censés démontrer l’efficacité et la justesse d’une mesure incontestable puisqu’elle permet de «sauver des vies». Sauf que les argumentaires en question ne prouvent rien.

À lire aussi : Transition énergétique: le trublion Moore s’attaque à l’escroquerie du siècle

Le dernier en date fait le bilan après deux ans «d’expérimentation». Il a été fait par le Cerema, (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Ce dernier a été missionné par Edouard Philippe pour établir un bilan et respecter ainsi une clause de revoyure au 1er juillet 2020. Ces conclusions sont évidemment favorables et aujourd’hui, la mesure a donc été entérinée sauf par les départements, nombreux, qui ont décidé de l’annuler en dépit des pressions parisiennes et des préfets.

Selon Marie Gautier-Melleray, fraîchement nommée déléguée interministérielle à la sécurité en remplacement d’Emmanuel Barbe, les études du Cerema prouvent que 349 vies ont été sauvées entre le 1er juillet 2018 et le 29 février 2020. La période a été choisie en raison du confinement mis en place le 17 mars mais elle ne tient pas compte du mouvement des gilets jaunes. Le problème est que le Cerema ne démontre rien… Par définition, l’accidentalité est multi-factorielle. Il aurait donc fallu déterminer l’importance respective des différentes causes d’accidents selon les périodes comparées. Un travail difficile qui n’a pas été fait. Alors comment le Cerema peut tirer des conclusions mettant en avant un seul facteur arbitrairement choisi comme cause d’accident à savoir la vitesse et sa diminution moyenne de 3,3 km/h! Parmi les autres causes d’accident possibles, on peut citer pêle-mêle: l’alcool, les stupéfiants, l’erreur humaine, l’inattention et la somnolence, l’usage du téléphone portable, la défaillance mécanique, le mauvais état de la chaussée ou du véhicule, les conditions météorologiques…

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Covid : le péril vieux

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Film "Les vieux fourneaux".

Dans un monde parallèle, l’inconscience des personnes âgées nous conduirait à une catastrophe sanitaire. Une nouvelle (au second degré) de Jérôme Leroy. Toute coïncidence avec l’actualité…


Depuis qu’il est devenu clair, pour autant qu’on puisse se fier aux dernières études des scientifiques, que le virus de la Covid 23 s’attaquait sous des formes graves en priorité aux moins de cinquante ans et que plus on avançait en âge, plus on avait une proportion importante d’asymptomatiques, nous assistons dans ce pays à une véritable cascade d’incivilités de la part de nos séniors. Et encore, incivilité fait-il partie de ce glossaire de la bien-pensance pour décrire ce qui est un véritable ensauvagement.

Salauds de vieux !

Les baby-boomers, non-contents d’avoir profité outrageusement des Trente Glorieuses, d’avoir vu leur pouvoir d’achat augmenter tout au long de leur carrière professionnelle, d’avoir pris leur retraite à taux plein à 55 ou 60 ans, de ne pas avoir connu l’angoisse du chômage, d’avoir accédé aisément à la propriété, d’avoir bénéficié des meilleures mutuelles, d’avoir trusté les places dans la presse, le cinéma, la politique, les conseils d’administrations pour ne surtout pas lâcher l’affaire et laisser la place à des jeunots de 45 ans;  non­-contents  d’avoir connu la révolution sexuelle sans le Sida, les côtes de bœufs maturées sans le regard noir des véganes, l’art sans la police intersectionnelle, les baby-boomers, donc, refusent de porter le masque ou alors en rechignant.

Qui n’a pas vu, dans le train, des vieillards ricanant retirer leur masque une fois le contrôleur passé ? Qui n’a pas subi avec angoisse ces joggers aux cheveux blancs, le regard méprisant, forçant la jeune mère de famille avec poussette à changer de trottoir en catastrophe ? Qui n’a pas vu, dans les parcs ces adolescents masqués obligés de ranger promptement leurs iPhone et de décamper alors que venaient s’installer volontairement près d’eux, un groupe de septuagénaires fumant ostensiblement des joints et  expirant la fumée vers eux en écoutant Sympathy for The Devil sur un ghetto blaster ?

C’est pourtant le seul effort qu’on leur demande, outre la CSG sur leurs retraites somptuaires : protéger les jeunes en évitant de leur postillonner au visage à tout bout de champ. Les amendes de 135 euros ne semblent rien y faire. C’est vrai qu’ils ont les moyens.

Un psychanalyste explique : « C’est un âge où l’on n’a pas la vie devant soi. La perception d’une mort prochaine désire faire de chaque instant un moment de bonheur. »

Finir en réa

Nous avons juste ici colligé quelques faits divers au milieu d’une multitude inquiétante. Le Dauphiné Libéré indique que Madame B de Grenoble, 76 ans, a mis gravement en danger ses deux petites filles, Prune et Térébenthine, 7 et 9 ans, qui lui avaient été confiés par les parents. Malgré les recommandations du père : « Tu ne retires surtout pas ton masque, maman », d’après les témoignages de Prune et Térébenthine, Madame B l’a retiré  en disant « Je supporte pas ce truc-là, mes chéries. Vous ne direz rien à vos parents, hein. De toute façon, si vous avez peur, montez jouer dans votre chambre et tant pis pour les crêpes. En plus, pour tout vous dire, j’attends trois copines pour un bridge et si vous croyez qu’on va jouer avec un masque, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Je vais pas me laisser emmerder par des petites pisseuses. » Et alors que Prune, l’aînée, tentait d’expliquer à sa grand-mère qu’il y avait des cas graves même chez les personnes de son âge, Madame B a ri en disant : « Ouais, 3% maximum, tandis que pour vous deux, c’est deux chances sur trois de finir en réa. »

Madame B n’est hélas pas un cas isolé, une Tatie Danielle particulièrement gratinée. On signale ainsi, dans une dizaine d’Ehpads à travers la France, des cas de personnes âgées retirant leur masque lors de la visite de leurs proches et leur crachant au visage, comme l’a fait Monsieur F. d’Orléans, 93 ans qui aurait dit  à ses enfants : « Vous venez me voir deux fois par an, alors je vais vous laisser un souvenir. »

Que fait la police ?

Le syndicat Alliance s’avoue débordé. Un de ses représentants, sous couvert de l’anonymat, reconnaît que ses collègues se refusent à aller dans certains marchés bios pour contrôler le port du masque chez les anciens qui déambulent dans les allées avec un grand sourire aux milieux de jeunes urbains en quête d’une nourriture responsable. L’un de ces délinquants aux cheveux d’argent aurait déclaré au policier : « Tu veux que je les sente comment, les pêches ? Allez, bouge ! »

Le même représentant d’Alliance à également confié : « Les excès de vitesse sont en nette recrudescence et 95% d’ente eux sont dû à des plus de 65 ans dont certains se livrent à de véritables rodéos. »

Les appels au civisme, y compris du plus haut niveau de l’Etat, restent lettre morte. Au point qu’un virologue a proposé de laisser se contaminer les vieux entre eux. Mais ses collègues lui ont objecté que même dans ce cas, l’immunité collective ne serait pas atteinte et qu’on ne pouvait pas prendre le risque de voir les hôpitaux submergés par des centaines de milliers de personnes représentant les forces vives de l’économie.

« Le Nihilisme vieux » titrait récemment un éditorial du Figaro.  On ne saurait mieux dire.

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La France est devenue un coupe-gorge

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Marche blanche à Bayonne en l'honneur de Philippe Monguillot, juillet 2020. Auteurs : Bob Edme/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP22471502_000001

Depuis quelques semaines, les crimes, agressions et tabassages en règle s’accumulent en France. L’été 2020 n’a décidément pas besoin du Coronavirus pour endeuiller la nation. 


Depuis le début de l’été, il n’y pratiquement plus un jour qui n’ait été marqué par des faits divers plus horribles les uns que les autres un peu partout en France. On pense à Thomas Carbonell, 23 ans, poignardé huit fois à Sarcelles le 9 mai et mort dans la nuit du 10 au 11 juin. A Mélanie Lemée, gendarme de 25 ans fauchée délibérément lors d’un contrôle routier à Port-Sainte-Marie dans le Lot-et-Garonne le 4 juillet et décédée quelques minutes après. On pense à Philippe Monguillot, 59 ans, chauffeur de bus de Bayonne, massacré le lendemain pour avoir voulu faire payer leur ticket et faire porter le masque à deux voyous. On pense à Axelle Dorier, 23 ans, fauchée et traînée par une voiture sur 800 mètres à Lyon après que son chien s’est fait écraser.

Enfin, pour conclure ce tour de France macabre qui n’a malheureusement rien d’exhaustif, on pense à la petite Sofia, qui aurait eu 6 ans en octobre, heurtée le 20 juillet à Aubervilliers par un chauffard roulant à grande vitesse qui a projeté la fillette à treize mètres avant de prendre la fuite pour se rendre au milieu de la semaine suivante, Sofia n’ayant pas survécu.

On a encore frôlé le drame le week-end dernier à Soisy-sous-Montmorency. Un homme qui lavait son linge en compagnie de ses enfants a eu l’outrecuidance de demander à une personne de porter le masque, c’est-à-dire de respecter la loi, s’est fait tabasser par des voyous de la pire espèce venus armées de bâtons et de battes de base-ball. S’il s’en tire miraculeusement avec six jours d’ITT mais ses enfants restent traumatisés. La vidéo des caméras de surveillance est virale sur les réseaux sociaux tandis que les commentaires deviennent de plus en plus virulents, ce qui est facilement compréhensible.

Mort au tournant

Que s’est-il passé pour que notre pays, où il faisait si bon vivre il y a quarante ans, soit devenu un véritable coupe-gorge où on peut désormais mourir à n’importe quel moment pour un regard, une parole ou pour avoir simplement demandé le respect de la loi ? Les réponses sont toutes trouvées : lâcheté, abandon, laxisme, idéologie, politiquement correct. La réaction du président de la République, qui a osé parler « d’incivilités » pour qualifier des meurtres abjects, a synthétisé en une phrase la politique menée ces quarante dernières années. Pour le Larousse, une incivilité est un « manque de civilité, de politesse » ou une « Attitude, un propos qui manque de courtoisie, de politesse », bref rien à voir avec les actes qui se succèdent à la vitesse des crimes dans le film Orange mécanique.

Alors évidemment, le ministre de l’Intérieur va twitter pour crier son indignation (ce qui ne mange pas de pain) tandis que le Garde des Sceaux, qui semble de plus en plus être l’enfant caché de Robert Badinter et Christiane Taubira, versera des larmes de crocodile pour compatit au sort de ces « gamins déchirés par la vie » avant de remettre une pièce de 50 centimes dans le baby-foot. Et la « justice », les guillemets s’imposent, se posera la question de remettre en liberté l’assassin d’un gamin de 26 ans venu fêter son anniversaire en boite de nuit pour favoriser sa réinsertion alors qu’il n’a même pas encore été jugé… Si après ça, les forces de l’ordre et les honnêtes citoyens ne se sentaient pas abandonnés, ce serait à désespérer…

Malheur à la France qui se lève tôt

La France a peur. La France des pompiers sur qui on tire dessus à Etampes. Celle des honnêtes gens qui vont se baigner, à Etampes ou dans l’Aube. Celle attaquée à la machette ou au couteau à Bordeaux. Celle de Corbeil-Essonnes qui demande moins de bruit à 4h30 du matin. Celle qui risque sa vie en sortant un soir, en allant bosser, en allant laver son linge ou qui veut simplement dormir. Vivement que se termine cet été meurtrier.

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Covid-19: avec le masque, j’étouffe!

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Image d'illustration! Willfried Wende / Pixabay

L’OMS serait-elle devenue le nouveau Vatican ?


Ainsi donc, il faudrait se résigner à porter un masque en tout lieu et en toutes circonstances, quitte à avoir des migraines le soir et la sensation d’étouffer le jour. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Les Allemands, pourtant peu enclins à la rébellion, manifestent en signe de protestation : ils étaient plus de vingt-mille à Berlin, ce premier août pour célébrer une Fête de la Liberté. Et les Serbes ont réussi à faire plier Belgrade qui voulait imposer un nouveau confinement.

La France, elle, vue de Suisse, semble acquiescer à toutes les mesures de sécurité contre le Covid-19 et même se réjouir d’être un élève aussi discipliné face à cette pandémie. Il est vrai que dans les médias la propagande tourne à plein régime sans qu’aucune voix discordante ne trouble cette belle unanimité dans les vertus du masque et de la servitude volontaire. L’OMS serait-elle devenue le nouveau Vatican ?

Totalitarisme hygiéniste

Cela semble très étrange pour un Suisse, me fait remarquer Jacques Pilet, journaliste d’une neutralité bienveillante exceptionnelle. Comme je peux le constater quotidiennement à Lausanne, il n’y souffle pas un vent de panique : les mesures de précaution ressemblent plus à une mise en scène faite pour rassurer le badaud qu’au totalitarisme hygiéniste que mettent en place les préfets français. Et surtout, spécialement en Suisse alémanique, le débat autour du Covid-19 surprendrait maints « spécialistes » particulièrement anxiogènes sur les chaînes d’information en continu qui rivalisent dans la surenchère catastrophiste.

Ainsi, l’épidémiologiste, professeur et médecin-chef de l’hôpital de Saint-Gall, Pietro Vernazza, dans une interview retentissante a dit en substance :

Depuis des années, des coronavirus se propagent chez les humains. Le dernier en date, aussi particulier soit-il, ne disparaîtra pas ;

A lire aussi, Jonas Follonier: Panique en Helvétie

Le port des masques, la distance, le traçage ne résoudront pas le problème ;

Les infections se multiplient, mais les défenses immunitaires se renforcent dans la population. À preuve, le nombre d’hospitalisations et de décès diminue ;

Les jeunes qui portent le virus le maîtrisent bien, souvent sans s’en rendre compte ;

Amis Français, où est votre goût du débat ?

Certes, certains patients n’y survivent pas, comme c’est également le cas dans la grippe. Les personnes âgées doivent se protéger, tout en sachant qu’il est naturel que beaucoup décèdent en raison d’un virus ou d’un autre. Comme, je ne me lasse pas de le répéter : la mort n’est pas a priori le pire dans la vie ;

Des tests à grande échelle et des quarantaines ont un coût considérable et ne sont pas une réponse à long terme ;

Si l’on considère que 90% des porteurs ignorent qu’ils le sont, on peut dire que la létalité est dans l’ordre de grandeur d’une grippe saisonnière. Le virus est moins dangereux qu’on tente de nous le faire croire.

Jacques Pilet me confirme que de très nombreux médecins suisses et allemands ont approuvé le professeur Vernazza. Ils ont même créé en Allemagne « une commission d’enquête extraparlementaire sur le Corona » pour contester des décisions déjà prises ou à venir. Rien de tel en France. Ouvrir un vrai débat serait-il plus risqué pour le gouvernement que d’égratigner les libertés au point de ne plus pouvoir jamais cicatriser les plaies ?

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Expulsion des Serbes de la Krajina : ce miroir que l’Europe préfère briser

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Réfugiés serbes fuyant la Krajina. vers la Bosnie, août 1995. Sipa. Auteurs : SHONE NESIC V./SIPA. Numéro de reportage : 00266214_000005 "SHONE NESIC V. PHOTOGRAPHE" "BOSNIE HERZEGOVINE" REFUGIE KRAJINA "SERBIE A PROPOS" "IMAGE NUMERISEE" GUERRE

Chaque 4 août depuis vingt-cinq ans, la Croatie célèbre l’expulsion des Serbes de la Krajina. L’occasion de refourbir un bric-à-brac nazi qui serait interdit et confisqué dans n’importe quel pays à l’ouest de Vienne. 


Il y a un quart de siècle, le 4 août 1995, commençait la plus vaste opération de nettoyage ethnique en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. L’opération Tempête, menée par l’armée croate avec l’aide de l’OTAN, a vidé une province de toute sa population en quatre jours seulement. Les conquérants aimaient ricaner en disant qu’ils avaient trouvé la soupe sur le feu dans les villages et les hameaux. Selon le compte officiel, sans doute sous-estimé, 220’000 civils ont quitté leurs foyers, 1867 ont été tués. Officieusement, des milliers de disparus sans sépulture hantent encore les mémoires.

L’opération ne fut pas seulement brutale et foudroyante: elle est restée entièrement impunie. Si parfaitement impunie que l’Etat croate a fièrement invité ses amis pour célébrer le jubilé de ce qui fut une épuration de son propre patrimoine historique, culturel et humain. Le président Tujdman, qui ordonna l’opération, par ailleurs historien révisionniste notoire, est mort tranquille dans son lit. Les deux chefs opérationnels, les généraux Gotovina et Markač, étaient trop en cheville avec leurs protecteurs occidentaux pour que leur convocation au tribunal de La Haye fût plus qu’une tracasserie administrative.

Jamais personne, Serbie comprise, n’a apporté de soutien concret aux centaines de milliers de déportés.

Les mémoires formatées

Dans la «communauté internationale», l’opération Tempête a été totalement effacée des mémoires. Le 10 août 1995, au moment où le flot des réfugiés commençait d’engorger toutes les routes de la Bosnie occidentale jusqu’à Belgrade et qu’il devenait visible de l’espace, la secrétaire d’Etat U. S. Madeleine Albright convoquait soudain une conférence de presse pour parler… de la prise de Srebrenica par l’armée bosno-serbe, le 11 juillet, sur quoi elle n’avait rien eu à dire pendant un mois. A partir de cet instant, et jusqu’à ce jour, toute l’attention du monde a été focalisée sur le sort des hommes musulmans d’une commune de l’est de la Bosnie, tandis que l’éradication, 200 kilomètres plus à l’ouest, d’une population entière, de son héritage et de ses foyers tombait à jamais dans les oubliettes.

Si la tragédie de la Krajina avait réussi à toucher les consciences, et plus encore les cœurs, de la «communauté internationale», la représentation de la guerre civile yougoslave, mais également, par ricochet, de la cohabitation entre monde chrétien et islam, entre catholicisme et orthodoxie, entre Germano-Latins et Slaves, eût sans doute été profondément changée. Mais il n’en fut rien. L’Occident demeura parfaitement hermétique à ce drame-là. Aucun de ceux qui essayèrent de le réveiller n’avait la puissance et la voix de Victor Hugo lorsqu’il s’écria (au sujet des mêmes): «On assassine un peuple!»

De mauvais esprits ont suggéré que si l’Europe s’était autant passionnée pour Srebrenica, c’était entre autres pour ne pas se regarder dans le miroir cassé et fumant que lui tendait la Krajina. Parce que sans sa complicité, cette tragédie n’aurait jamais eu lieu. Srebrenica non plus d’ailleurs. Mais on ne peut pas étouffer deux abcès à la fois.

A l’est de Vienne, d’autres codes…

Un quart de siècle plus tard, tant de villages de la Krajina sont encore aéroports à corneilles et hôtels à serpents. Quelques vieillards y étaient restés, quelques autres y sont revenus. Les forces vives ont été énergiquement invitées à ne pas y songer. La haine est plus forte, même, que la raison économique. Sans qu’elle en soit consciente, ce gouffre de dévastation incrusté dans l’immédiat arrière-pays de sa mince riviera balnéaire est la malédiction de la Croatie. Cette malédiction, à l’exception de quelques rares esprits lucides ou simplement humains, l’élite politique et culturelle croate s’est mise sur son trente-et-un pour la célébrer. D’aucuns s’en révoltent, j’ai plutôt tendance à sourire.

Chaque 4 août depuis vingt-cinq ans, on ne célèbre pas la victoire sur une armée redoutable, mais l’expulsion (sans coup férir) d’un peuple lâché par ses protecteurs belgradois autour de la table de négociation. En Croatie, chaque 4 août depuis vingt-cinq ans est l’occasion de refourbir un bric-à-brac nazi qui serait interdit et confisqué dans n’importe quel pays à l’ouest de Vienne. Mais justement, nous ne sommes pas ici à l’ouest de Vienne. Nous sommes à l’Est. Ce qui est très néfaste pour les Français ou les Allemands, est jugé assez bon pour des Yougos ou des Ukrainiens.

Sans la banalisation du nazisme croate, du dictateur Pavelić et de ses racistes frénétiques, aurait-on eu les néonazis au parlement de l’Ukraine après l’Euro-Maïdan? Verrait-on aujourd’hui les parades en réhabilitation de la SS entre Baltique et mer Noire?

Je suis issu par les deux branches et les deux confessions de ma famille de cette Krajina dont on n’a même pas pris la peine de traduire le nom pour comprendre ce qu’elle signifiait à l’échelle du continent. La Krajina, comme l’Ukraine, ce sont les confins, les marches. Immenses espaces déserts parcourus des siècles durant par des escouades indomptables de cosaques ou de Serbes (dits «Grecs» en haut lieu car leur nom même était malséant) qui versaient leur sang à flot continu pour contenir l’avancée de l’Ottoman. Ces hommes préféraient leur liberté à la vie même. Éliminez-les, dans les Balkans ou en Tauride, et vous aurez le Turc à vos portes. (Tiens, justement, il y est…)

Ces francs-tireurs-là, les empereurs savaient leur importance. C’est pourquoi, outre leur liberté de confession, ils avaient sauvegardé jusqu’au XIXe siècle, comme les Helvètes de la Suisse primitive, une charte d’immédiateté, une relation d’obéissance directe à l’empereur d’Autriche. Ils composaient le noyau des troupes du régiment «Royal Croate», dont le cache-col finirait par engendrer le contraire exact du signe de l’homme libre, la cravate. Leur régime d’exception était un pied-de-nez à la petite noblesse locale, qui s’en vengerait à la première occasion. Car la modernité a fait le ménage de ces anomalies de l’histoire, là comme ailleurs.

La lumière de Suzana

Bref, c’est toute une histoire, glorieuse et atroce, qui s’en est allée on ne sait où avec ces paysans juchés sur leurs tracteurs, le 4 août 1995. Parmi eux, il y avait une gamine aveugle d’une dizaine d’années. Elle s’appelait Suzana. C’était, avec sa famille, la seule personne dont le sort me préoccupait personnellement ce jour-là. Deux ans plus tôt, Suzana avait été exfiltrée des zones de combat par la Croix-Rouge. Elle était venue avec sa mère en Suisse où les médecins de Lausanne avaient essayé de sauver sa rétine abîmée. Ils ne lui ont pas rendu sa vue mais nous ont offert, à elles et à nous, une amitié pour la vie. Suzana et Milena étaient logées par notre ami Yvon. J’ai commencé par leur servir d’interprète, et nous ne nous sommes plus quittés jusqu’à la fin de leur séjour. De Lausanne, elles ont rejoint leur bourgade aléatoirement arrosée d’obus.

Après son expulsion de Krajina, la famille s’est retrouvée sans toit dans la banlieue de Belgrade. Avec l’aide de quelques amis et grâce à un travail acharné, ces gens d’une intégrité sans failles ont reconstitué un foyer, un jardin, une petite forteresse. La Serbie s’était contentée de les laisser entrer, c’était tout. L’Occident, lui, considérait leur sort comme une «juste rétribution» d’un nationalisme serbe fantasmé. Il n’aurait pas hésité un instant à leur refuser l’asile. D’ailleurs ils n’y ont même pas pensé. Il n’y a pas un seul réfugié serbe en Occident. Quoi qu’il ait pu leur arriver, les Serbes ne remplissent pas les conditions de la miséricorde européenne. Heureusement!

Coriace, la vie

Après cette crise, les nouvelles se sont espacées, mais pas trop. Un été, Suzana avait appris à conduire un vélo (s’orientant aux ombres et au son). L’année suivante, on lui avait trouvé une école adaptée. Puis il a fallu lui procurer des livres, en braille. Nous lui avons rapporté de Suisse une montre digitale, celle qu’on lit avec ses doigts. Puis Suzana était entrée au lycée. Puis il y a eu l’ordinateur, l’e-mail, les applications parlantes. Suzana à l’université. Suzana traductrice diplômée, du russe. Et cette année, Suzana s’occupant du marketing d’une boîte et lisant toute la littérature qu’elle peut attraper…

Lorsque j’ai recueilli la parabole biblique qui servirait de base à mon premier roman Le Miel, je me suis demandé quel écrin donner à une histoire aussi précieuse. Je n’avais jamais écrit de littérature, mais je sentais qu’il ne fallait pas barber le public avec des témoignages geignards ou des essais historiques, toujours révocables par plus historien que moi. Une «histoire de Serbes» partait d’emblée avec un handicap maximum. J’ai fini par transformer en roman ce road movie entre un père apiculteur et un fils venu dans sa province déserte le sauver malgré lui. Je l’ai dédié tout naturellement à Suzana, née sur cette terre qu’elle n’a jamais vue. Sa destinée, comme celle de mon apiculteur, démontre l’invincibilité du désir de vivre. Dans les hameaux brûlés jusqu’aux fondements, le bourdonnement des abeilles signale que la vie se poursuit malgré tout, malgré la bêtise destructrice des hommes.

« Il ne perçut que le bourdonnement des abeilles, bien étouffé, et eut l’impression qu’on avait monté un transformateur électrique derrière la cabane.

Il s’habilla, sortit. Les frondaisons se découpaient sur le fond du ciel devenu gris. Il s’approcha des ruches, d’où aucun insecte ne faisait mine de sortir. En rentrant dans la cabane pour se faire un café, il perçut comme une vibration dans le sol, suivie d’une autre, plus nette. Puis il y eut comme des bruits de tonnerre, mais sans éclairs ni nuages.

Nikola comprit à la prochaine volée. C’était bien un orage qui s’annonçait, mais un orage de fer. La Krajina vivait depuis des mois dans l’appréhension d’une attaque. La voilà qui arrivait enfin, annoncée comme il se devait par une lourde préparation d’artillerie. » (Le Miel)

Je n’aurais pas pu écrire une seule page de ce livre avec le goût amer de la soif de revanche dans la bouche. Penser à Suzana, à ses écoles et ses lectures, à son nouveau foyer, était un souverain remède contre cette amertume. Ceux qui avaient poussé hors de sa maison un être d’une telle qualité ne savaient pas de quoi ils se privaient. Comme le disait Milos Tsernianski, les migrations existent, la mort n’existe pas.

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« La dernière chose dont le Liban a besoin, c’est d’un affrontement avec Israël »

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Beyrouth dévastée par l'explosion du 4 août 2020; Auteurs : Hussein Malla/AP/SIPA; Numéro de reportage : AP22479898_000042

Benyamin Netanyahou est dans une mauvaise passe. Il doit faire face à l’épidémie de coronavirus, tout en composant avec son procès et le projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie.  Pendant ce temps, au nord, le Liban s’embrase et s’enfonce dans la faillite. Le professeur de relations internationales à l’université de Tel Aviv Emmanuel Navon livre son éclairage sur la situation régionale. Entretien.


 

Daoud Boughezala. Globalement, comment jugez-vous la gestion de l’épidémie de Covid par le gouvernement Netanyahou ?

Emmanuel Navon. Il y a eu deux phases. Au début de la crise, au mois de mars, il s’agissait encore du gouvernement sortant. Netanyahou était aux commandes, après avoir beaucoup centralisé le pouvoir, en écartant les ministres et en centralisant le processus décisionnaire autour des directeurs de cabinets, de son cabinet personnel et du conseiller à la sécurité nationale. Cette méthode s’est révélée efficace.

À lire aussi : Israël vaincra… le coronavirus

Puis le gouvernement de coalition a été formé au mois de mai. A ce moment-là, Netanyahou a dû distribuer de nouveaux ministères et donner aux nouveaux ministres un véritable pouvoir. Cela a beaucoup décentralisé le processus décisionnaire et Netanyahou a cessé de se focaliser à 100% sur la crise du Corona au profit d’autres sujets : l’annexion des blocs d’implantations de Judée-Samarie et la gestion de son procès. La conjonction de ces facteurs fait que la deuxième vague de l’épidémie a été mal gérée.

Qu’auriez-vous souhaitez de différent dans la gestion de la deuxième vague ?

Le déconfinement fin mai a été beaucoup trop rapide et pas suffisamment mesuré. Au mois de juin, une fois le nouveau gouvernement nommé, des décisions contradictoires ont été prises de façon incohérente. Cela dénote un manque de centralisation et de coordination entre les différents décideurs.

Si on en croit le gouvernement israélien, l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, initialement prévue le 1er juillet dernier, a été reportée à cause de la crise sanitaire. Y croyez-vous ?

Si vous voulez croire les hommes politiques, c’est à vos risques et périls. Lorsque Netanyahou a soulevé la question de l’annexion au mois de juin, c’est parce que l’accord de coalition avec Bleu & Blanc prévoyait le déclenchement du processus d’annexion à partir du 1er juillet. Il ne s’est évidemment rien passé depuis.

Devant l’opposition d’une partie de ses alliés internationaux, Netanyahou aurait-il renoncé à cette annexion ?

Ce ne sont pas les pression internationales qui l’ont fait reculer. L’annexion était un slogan électoral, et aujourd’hui l’administration Trump a autre chose à penser. Netanyahou est un homme politique talentueux qui parle plus qu’il n’agit. Il ne compte pas avancer sur le dossier de l’annexion. Du moins pas avant les élections au mois de novembre aux Etats-Unis, pour savoir ce qui l’attend à Washington.

Le Premier ministre israélien scrute peut-être aussi la réaction de ses partenaires arabes. Ces dernières années, sa diplomatie semble avoir porté ses fruits, notamment en direction de plusieurs pays arabes du Golfe coalisés contre l’Iran. Annexer des blocs de colonies, ne serait-ce pas empêcher de facto la création d’un Etat palestiniens et s’aliéner ces fragiles alliés ?

Non, car le plan Trump, rédigé par Jared Kushner, prévoit un Etat palestinien démilitarisé sur à peu près 70% de la Cisjordanie, moyennant des échanges territoriaux avec Israël. Le plan Kushner est un plan détaillé de plusieurs dizaines de pages prévoyant un Etat palestinien démilitarisé qui cesserait de payer les familles de terroristes.

À lire aussi : Plan Kushner-Trump pour la Palestine: la méthodologie du dealing

Ce règlement entrerait dans le cadre d’un package deal avec les Etats arabes sunnites du Golfe menés par l’Arabie Saoudite. C’est pourquoi Jared Kushner ne voulait pas qu’il y ait d’annexion avant des négociations régionales avec les pays arabes du Golfe.

Un autre voisin d’Israël se trouve aujourd’hui en grande difficulté : le Liban. La situation de faillite du pays risque-t-elle d’exacerber les tensions avec Israël ?

Non. Ce n’est pas la préoccupation actuelle du Liban. C’est un pays qui a aujourd’hui de très grandes difficultés économiques, mais c’est surtout un pays virtuel avec un Etat dans l’Etat. Ce n’est pas nouveau, mais de plus en plus ces dernières années avec le renforcement de l’axe Iran-Assad-Hezbollah, le gouvernement libanais ne contrôle que très partiellement la situation. Le Hezbollah contrôle plus ou moins le pays avec ses quelque 150 000 missiles dirigés vers Israël. S’ajoute une crise économique qui ne cesse de s’approfondir. Bref, la dernière chose dont le Liban a besoin, c’est d’un nouvel affrontement avec Israël.

Y-a-t-il un risque que le Liban, étant soumis à des sanctions notamment à cause du Hezbollah, ouvre un nouveau front pour récupérer des ressources économiques, notamment du gaz ?

Non, car les ressources gazières d’Israël se situent essentiellement à la frontière sud du pays, en coopération avec Chypre et la Grèce. Il y a certes un petit différend sur des ressources à la frontière maritime entre le Liban et Israël, mais c’est marginal. Pour le Liban, le prix économique d’une guerre avec Israël serait bien pire que quelques mètres cube de gaz récupérés.

 

Black Pound Day: l’antiracisme est un business juteux

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Soho, Londres, 2020. Auteurs : Guy Bell/Shutterstock/SIPA. Numéro de reportage : Shutterstock40775638_000010

La nouvelle trouvaille de l’antiracisme ? Outre-Manche,  le Black Pound Day a pour objectif de soutenir l’économie « noire » afin de lutter contre les discriminations raciales. Business is business…


 

Samedi dernier, le Royaume-Uni accueillait la deuxième édition du « Black Pound Day », autrement dit en français « la Journée de la Livre Noire ». A ne pas confondre avec le Black Friday, qui célèbre l’hyperconsommation du capitalisme marchand. Lancé dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, le Black Pound Day a pour objectif de soutenir l’économie noire afin de lutter contre les discriminations raciales. Les consommateurs sont encouragés à dépenser leurs livres dans les commerces appartenant aux Noirs. Autrement dit, le militantisme communautaire antiraciste fait du « black business » son nouveau cheval de bataille.

Sur le site de l’événement, les commerces tenus par des noirs sont localisables et répertoriés par secteurs d’activité : restaurants, coiffeurs, librairies, clubs de sports, agences de voyages… Chaque enseigne a une page web  comprenant toutes les informations nécessaires soit pour acheter en ligne ou en magasin, soit pour prendre rendez-vous. Le projet voit loin. Un calendrier a été publié avec la programmation des prochaines Black Pound Day qui se dérouleront tous les premiers samedis de chaque mois jusqu’à la fin de l’année 2020.

L’étrange rappeur Swiss

Sur le site, le Black Pound Day se présente comme une « réponse directe et pacifique au racisme systémique ». Cette définition, mettant en avant la dimension-non violente, est un brin cocasse au regard du profil de l’initiateur du projet.

Il s’agit d’un rappeur, connu sous le nom de Swiss, issu du groupe de rap britannique So Solid Crew, célèbre dans les années 2000 pour avoir prôné la culture des armes, de la drogue et de la violence des gangs et pas uniquement dans leurs tubes. Ainsi, certains membres du groupe, connus pour leur violence, ont été condamnés à des peines de prison pour possession d’armes de poing et trafic de drogue. Aujourd’hui, Swiss peut compter sur l’antiracisme comme planche de salut pour faire oublier le passé criminel de son groupe de rap. Rien de tel que l’antiracisme militant pour se racheter une bonne conscience.

Consommer « noir »

Le Black Pound Day incite donc à consommer noir comme on incite à consommer made in France. Cet appel au made in Black, à l’achat communautaire, est bien une énième preuve que l’antiracisme fait de la race une revendication identitaire, réduisant les individus à leur couleur de peau. Sous couvert de combattre les discriminations raciales, on pratique, au lieu de la mixité et du vivre-ensemble des beaux discours, un véritable séparatisme racial.

Sur le compte Instagram du défi lancé pour faire vivre l’événement,  une centaine d’influenceurs de la communauté noire affichent leur produit acheté et leur engagement pro black business, résumé sous les hashtag de #blackbusinessmatter #blackpoundday #blackpoundchallenge… Et parmi toutes ces publications, pas une seule fashionista blanche affichant fièrement son soutien et son acte d’achat militant. Doit-on en conclure qu’il est plus facile pour les Blancs de mettre un genou à terre que de sortir leur carte bancaire pour soutenir l’économie noire ? Pourtant, selon le prisme de l’idéologie de la repentance, ce soutien serait une formidable opération de déculpabilisation, consommer noir permettant a priori d’effacer le racisme perçu comme inhérent à la blanchité.

En tout cas, les organisateurs du Black Pound Day jouent à fond la carte du séparatisme communautaire tout en faisant de l’antiracisme militant un business comme un autre. Le capitalisme marchand n’est donc plus le système économique des Blancs où sévit le racisme systémique envers les noirs, et il n’a plus ni odeur ni couleur lorsqu’il s’agit de faire du fric.

Flics Lives Matter

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Une voiture de police incendiée, lors d'une manifestation de policiers pour dénoncer la "haine antiflics", 18 mai 2016. © Crédit

La nouvelle offensive antiraciste revendique sa haine pour tout ce qui représente la nation française, son passé et ses institutions. Dans ce grand récit victimaire, les « violences policières » prétendument exercées contre les Noirs et les Arabes tiennent une place de choix. Cet amalgame injuste ignore l’ensauvagement d’une société dans laquelle les forces de l’ordre sont devenues des cibles.


Le scandale Adama Traoré n’est pas celui qu’on croit. Il ne réside pas dans la mort du jeune homme : aussi bête et triste soit celle-ci, elle ne cache aucun mystère, aucun secret inavoué. Sinon que s’il avait obtempéré, il serait sans doute en vie.

Un énorme bobard

Depuis quatre ans, l’instruction confiée à trois juges, preuve de l’importance que la Chancellerie accorde à cette affaire sensible, a retracé, minute par minute, les circonstances qui ont abouti à sa mort (voir le récit d’Erwan Seznec pages 38-41). Les magistrats n’ont pas relevé la moindre trace de brutalité disproportionnée ou de racisme. Les trois gendarmes concernés, longuement auditionnés, n’ont pas été mis en examen et n’ont subi aucune sanction. À ceci près qu’eux et leurs proches entendent quotidiennement parler d’eux comme de meurtriers. Et que leur vie a été dévastée.

Le scandale, c’est qu’un mensonge répété mille fois soit devenu une vérité – et, en prime, l’étendard d’une offensive idéologique contre l’idée même de nation française soumise à un impitoyable et interminable réquisitoire rétrospectif. Une phalange d’activistes de talent a réussi à vendre un énorme bobard à des médias qui ont fait preuve d’une complaisance inouïe et accrédité la thèse d’une « bavure » que rien ne vient étayer, tombant dans tous les panneaux agités devant eux, comme la fameuse « contre-expertise », signée par un unique expert choisi par la famille et opportunément tombée le 2 juin. Ce jour-là, surfant sur la vague George Floyd et le succès planétaire de #BlackLivesMatter, le comité Adama parvient, pour la première fois, à mobiliser au-delà de ses maigres troupes habituelles : 20 000 personnes sont rassemblées devant le palais de justice de Paris. Un policier noir est traité de « vendu » ! Le Monde publie un compte-rendu énamouré, les deux journalistes reprenant à leur compte sans la moindre distance le grossier amalgame entre George Floyd et Adama Traoré. Quant à Assa Traoré, elle y est présentée comme une « figure de proue de la lutte contre les violences policières ». Une icône est née. Quelques semaines plus tard, Christophe Castaner, interrogé sur les éventuelles poursuites intentées contre les organisateurs de cette manifestation illégale, lâchera son magistral aveu : « L’émotion doit prévaloir sur le droit. »

Ni justice ni paix ?

En quelques semaines la « sœur Courage » devient « la combattante », titre d’un long portrait presque intégralement hagiographique que lui consacre Le Parisien le 28 juin. On l’interroge sur ses intentions politiques. Ivre de sa notoriété, la nouvelle Angela Davis ne demande pas, elle exige. « Nous parlerons avec le gouvernement quand les gendarmes seront mis en examen. » Quand elle scande, « Pas de Justice, pas de paix », on entend « Ni Justice ni paix ».

Le comité Adama connaît son heure de gloire, au centre d’une agitation qui permet à l’islamo-gauche insoumise de se recycler dans la dénonciation du privilège blanc.

A lire également, Marcel Gauchet sur RnR : Affaire Traoré: La plupart des médias s’alignent sur cette ignorance militante satisfaite d’elle-même

S’agissant de la nouvelle offensive antiraciste et de sa haine proclamée pour tout ce qui représente notre passé, qu’on me permette de renvoyer aux excellents textes de Bérénice Levet, Jeremy Stubbs, Sami Biasoni, David Duquesne. Et d’adresser mes remerciements à Rokhaya Diallo, qui a accepté de venir défendre son point de vue dans nos colonnes (pages 54-56). Que nos désaccords abyssaux ne nous transforment pas en ennemies est un des rares signes d’espoir dans une période où ce qui semblait hier être une lubie d’Houria Bouteldja (la fondatrice du Parti des indigènes de la République), ou une invention foutraque de Muray, est devenu la norme. Hier, on comptait les femmes, et il n’y en avait jamais assez ; aujourd’hui on compte les Noirs.

Une pandémie idéologique

Tout est allé très vite. Citons deux faits qui ressemblent à des poissons d’avril.

Fin juin, L’Oréal annonçait la suppression des mots blanc/blanchissant, clair/éclaircissant, sur fond de campagne contre les produits éclaircissants, qui témoignent, paraît-il, de l’assignation des femmes de couleur aux stéréotypes « blancs » – nous voilà condamnés à utiliser un lexique qui nous brûle les lèvres. Mais quid des produits bronzants, ne devraient-ils pas être dénoncés comme vecteurs d’appropriation culturelle ?

Le 1er juillet, le New York Times déclare qu’il écrira désormais « Black » avec une majuscule et « white » en minuscule. Bien sûr, c’est l’Amérique. Mais si les vols transatlantiques sont interrompus, les idées voyagent de plus en plus vite. Chez nous, ça commence soft. Toutes les rédactions cherchent à recruter des journalistes noirs – pour le moment où on comptera. Le président défend Colbert, mais propose de débaptiser quelques rues pour leur donner des noms de combattants africains.

A lire aussi, Jeremy Stubbs : Dorénavant, le « New York Times » écrira « Black » avec une majuscule

Tout Blanc est un raciste, comme tout homme est un violeur et tout flic une brute. Aussi le policier a-t-il le douteux privilège d’être trois fois mauvais. Le comité Adama opère la jonction entre les deux fronts, celui du racisme et celui des « violences policières », qui seraient également systémiques. Et martèle quelques contre-vérités simples : les policiers contrôlent au faciès, les Arabes et les Noirs ont peur de la police. Il faut en finir avec cette affaire de contrôle au faciès. Les policiers contrôlent les populations qui se trouvent là où ils interviennent. Au lieu de brailler au racisme, on ferait mieux de s’interroger sur la surreprésentation des descendants d’immigrés parmi les délinquants condamnés. Les magistrats jugent-ils au faciès ?

Le paradoxe de la violence

Depuis une dizaine d’années au moins, pas une manifestation ou presque ne se finit sans violence. Les images de la place de la République ou de l’esplanade des Invalides, saturées par les gaz lacrymos et dévastées par de véritables batailles rangées entre « black blocks » et forces de l’ordre, nous sont désormais familières. « La société est plus violente, mais supporte de moins en moins la violence, souligne Jean-Michel Schlosser, ancien policier reconverti dans la sociologie. En 68, prendre un coup faisait partie du jeu, aujourd’hui, c’est tout de suite la plainte à l’IGPN, et tout le tremblement. »

Scènes d'émeutes à Sarcelles, en marge d'une manifestation contre l'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, 20 juillet 2014. © Crédit
Scènes d’émeutes à Sarcelles, en marge d’une manifestation contre l’intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, 20 juillet 2014.
© Crédit

Parallèlement, on a enregistré une progression constante et une montée en puissance des violences antipolicières : « Entre les planches de 68 et l’acide de 2020, il y a une sacrée différence », résume Jean-Michel Schlosser. Caillassages, guet-apens, véhicules incendiés – sans oublier les insultes à jets continus –, des centaines de gendarmes et de policiers sont blessés dans des missions de sécurité publique et de maintien de l’ordre. Soumis à rude épreuve par les attentats de 2015 et par la lutte antiterroriste, ils n’étaient pas préparés à affronter la haine antiflics qui, de loi travail en réforme des retraites, s’est déployée au grand jour, jusque sur des affiches de la CGT.

La longue crise des Gilets jaunes a transformé le malaise en plaie vive. Beaucoup de policiers ont une âme de Gilet jaune, devoir les réprimer a été un crève-cœur. Chargés, samedi après samedi, de maintenir l’ordre dans des conditions chaotiques, ils ont dû obéir à des instructions souvent illisibles. Le nombre anormalement élevé de blessés graves parmi les manifestants traduit au minimum des erreurs techniques. Le flic de base, qui n’en peut mais, en a gros sur la patate. Quand ses chefs se plantent, c’est lui qui passe pour une brute. Et qui doit demander à ses enfants de ne pas parler de son métier.

La guerre des images 

Ils ont dû, de surcroît, travailler sous la surveillance constante des caméras et téléphones portables. Des vidéos ne montrant souvent qu’une partie de l’action étaient diffusées, accréditant l’idée de violences gratuites. Faute d’avoir été menée, la guerre des images a été perdue. Jusqu’à l’arrestation de l’infirmière-martyre qui crie « Je veux ma Ventoline » lors de la manifestation des soignants du 16 juin. Dans une nouvelle version diffusée quelques heures après la première, on découvre que, quelques secondes avant d’être arrêtée, elle insulte les policiers, leur fait des doigts d’honneur et leur envoie à la tête ce qui ressemble à un pavé (mais il paraît que ce sont des cailloux). La victime est l’agresseur.

Cependant, il serait absurde de le nier. S’il n’y a évidemment pas de violences policières, comme système destiné à asseoir une domination, il y a bel et bien des violences illégitimes commises par des policiers. La plupart relèvent de l’erreur, d’autres sans doute du sadisme ou du pétage de plomb. Sont-elles toutes sanctionnées ? Tous les responsables le jurent, la main sur le cœur. « Nous sommes l’administration la plus sanctionnée et la plus contrôlée du pays », affirme la syndicaliste policière Linda Kebbab (pages 46-49). On peut compter sur les victimes, très au fait de leurs droits, pour saisir les instances compétentes.

A lire également, Jean-Pascal Caravano : Le doux murmure de Castaner à l’oreille des “jeunes gens” des banlieues

Dans les commissariats, la grande majorité des policiers, qui font leur boulot dans des conditions éprouvantes, se sentent victimes d’un amalgame injuste. Alors, le 8 juin quand, au lieu de défendre ses flics, Christophe Castaner prend le parti de leurs accusateurs, la révolte gronde : « En cas de soupçon avéré de racisme, la suspension sera envisagée systématiquement. », lâche le ministre.  Un soupçon avéré, le bel oxymore que voilà. Les policiers comprennent qu’en cas de pépin, on les jettera aux chiens. Comme toujours. Ce commissaire parisien a gardé la foi. Et il rappelle que des milliers de gardes à vue se passent sans aucun problème. Mais il ne cache pas son inquiétude. « Zyed et Bouna sont morts électrocutés parce que des policiers couraient après des jeunes qu’on leur avait signalés. Ils faisaient leur travail. Pendant dix ans, on a raconté que la police était responsable. Et quand la Justice a tranché et a innocenté les policiers, on nous a dit : déni de justice. Alors que peut-on faire ? » Contre l’émotion érigée en pensée politique, pas grand-chose. Jeter ses menottes à terre. Et serrer les dents.

Et si la police lâchait ?

Les policiers supporteraient sans doute l’hostilité d’une partie de l’opinion, s’ils n’avaient pas le sentiment que le rapport de forces qui les oppose aux délinquants et aux criminels leur est de plus en plus défavorable. L’usage de la force, même dans des conditions parfaitement réglementaires, a beau être légal, il est toujours vaguement perçu comme illégitime. « Si vous voulez des policiers irréprochables, il faut des policiers protégés, suggère un responsable de la PJ. Un type de 50 ans qui se fait insulter durant des heures par des minots qui ont l’âge de ses enfants peut le supporter, s’il sait que son insulteur sera puni. Mais ce n’est jamais le cas. » C’est la question de la fameuse réponse pénale sur laquelle les policiers, tous services confondus, sont intarissables. À quoi bon se fatiguer à arrêter des délinquants que la Justice ne sanctionne pas ou si peu. C’est la principale raison de la souffrance policière.

Signe des temps, les policiers manifestent eux aussi. Ils jettent leurs menottes à terre, menacent de faire la grève des « interpell ». On se donne des frissons en se demandant ce qui se passerait si la police lâchait. Mais on n’y croit pas.

À Dijon, quatre nuits durant, des Tchétchènes venus de toute la France ont affronté des « Dijonnais », comme l’a drôlement écrit Le Monde – il s’agissait de Franco-Maghrébins. Une histoire d’adolescent tabassé, de vengeance et d’honneur. Les forces de police ne sont quasiment pas intervenues, peut-être parce qu’elles ne sont pas équipées pour jouer les Casques bleus entre deux bandes armées. Et la querelle s’est achevée par un pacte conclu à la mosquée du coin. Nous savons désormais à quoi ressemblerait un monde sans police.

A lire aussi, Isabelle Marchandier : Dijon brûle mais nous regardons ailleurs

Statistiques ethniques: l’Insee traîne les pieds

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insee immigration statistiques ethniques
Paris, Belleville. Mai 2020. Auteurs : Raphael Lucas/SIPA. Numéro de reportage : 00960151_000003.


Quoi qu’en dise l’Insee, la catégorie « immigrés » a mis des années à être officiellement reconnue par ses enquêtes.


« La lucidité rétrospective et le courage rétroactif sont l’une des formes de la connaissance inutile. »

« La vie est un cimetière de lucidités rétrospectives. »

Jean-François Revel, La connaissance inutile, Grasset, 1988.

 

En janvier 2020, l’Insee a créé un blog censé « étendre, par un canal de diffusion nouveau, la capacité de l’institut à exercer sa mission, qui est d’éclairer le débat économique et social, de faire valoir les enseignements qu’on peut tirer de l’exploitation des statistiques et ses limites, de faire connaître les travaux de l’institut au-delà de ses utilisateurs usuels et de lutter contre la propagation d’informations fausses ou détournées ». L’Insee compte ainsi contribuer au débat public par des contenus pédagogiques à destination d’un public moins averti que les lecteurs de ses publications « avec les soucis d’indépendance et de rigueur qui sont la marque de l’Insee ».

Pourquoi pas ? Mais ce blog ressemble, en l’état, à un monologue puisqu’aucune place n’est laissée aux commentaires et questions des lecteurs potentiels.

Le dernier texte (31 juillet 2020) mis en ligne est signé par Sylvie Le Minez de la Direction des statistiques démographiques et sociales et porte sur les statistiques ethniques avec l’ambition de faire connaître ce que fait la statistique publique sous l’intitulé suivant : Oui, la statistique publique produit des statistiques ethniques. Panorama d’une pratique ancienne, encadrée et évolutive. Sylvie Le Minez, visiblement mal informée, nous raconte une légende douce aux oreilles des apparatchiks de l’Insee. Si je résume, l’Insee produit des statistiques ethniques depuis longtemps et se serait particulièrement bien adapté aux évolutions de la société en répondant présent lorsque des innovations méthodologiques étaient nécessaires. C’est pourquoi la France se trouverait si bien dotée aujourd’hui pour produire « des données et des études d’une grande richesse […] sur les immigrés et leurs descendants couvrant des domaines variés de la vie sociale ».

Des statistiques très anciennes…

Pour justifier cette précocité formidable de l’Insee, l’astuce consiste à rapatrier dans la catégorie « statistiques ethniques », des informations basiques figurant dans les recensements depuis plus de cent ans sur la nationalité (de naissance ou par acquisition, selon des formules qui ont varié dans le temps) et le pays de naissance. « Ces informations, écrit Sylvie Le Minez, permettent de dénombrer les personnes selon leur origine depuis longtemps. On peut ainsi étudier la population des immigrés selon la définition, particulière à la France[tooltips content= »Non, cette définition n’est pas particulière à la France puisqu’elle la partage avec les Etats-Unis. »]1[/tooltips], adoptée en 1991 par le Haut Conseil à l’intégration (i.e. les personnes nées étrangères à l’étranger et résidant en France). » On remarquera que l’Insee est incapable de justifier méthodologiquement la catégorie « immigrés » et a besoin de se référer au HCI pour sanctifier son usage. La recommandation du HCI fait suite à mon intervention dans le cadre du groupe statistique présidé par Anicet Le Pors sur un argumentaire méthodologique et non pour répondre à l’esprit du temps (qui n’était pas encore à se préoccuper de statistiques ethniques, loin de là !). Si l’Insee se réfère au rapport du HCI de 1991, c’est bien qu’avant cette date il ne connaissait pas la catégorie « immigrés », ce qui dément l’intérêt si ancien de l’Insee pour l’étude des origines. D’ailleurs cette mise en œuvre de la catégorie « immigrés » a été laborieuse, malgré mes efforts, puisque le document produit par l’Insee sur les résultats du recensement de 1990 s’intitulait : «  Recensement de la population de 1990, Nationalités, Résultats du sondage au quart ». La catégorie « immigrés » n’y figurait nulle part, même si elle pouvait être reconstituée à partir de différents tableaux. C’est encore, au début des années 1990, la nationalité qui est privilégiée. Il faudra attendre 1996 pour que l’Insee publie rétrospectivement l’évolution de la population immigrée depuis 1911 et la publication du recensement de 1999 pour que  l’usage de la catégorie « immigrés » se banalise. L’avantage, pour l’Insee, était que cette évolution ne l’obligeait pas à modifier le bulletin individuel de recensement, mais seulement à l’exploiter autrement. On ne parlait pas alors de statistiques ethniques ou de diversité à propos de cette nouvelle manière d’exploiter des renseignements collectés dans le recensement depuis si longtemps.

La génération née en France

Mais l’Insee a encore plus traîné les pieds quand il s’est agi d’étendre l’observation à la génération des enfants d’immigrés, car il fallait alors introduire des questions supplémentaires sur les parents qui lui faisaient peur. En témoignent les réticences, obstructions et manœuvres dilatoires de l’Insee pour la mise en oeuvre de l’enquête Mobilité géographique et insertion sociale (MGIS) de l’Ined, enquête pour laquelle il avait pourtant consenti à prêter son concours (réseau d’enquêteurs) et qui a quand même été réalisée en 1992. L’Insee avait d’abord refusé d’introduire une question sur le pays de naissance des parents dans son enquête Famille de 1990 qui aurait pu servir de base de sondage. Il faudra attendre celle de 1999 pour qu’il saute le pas[tooltips content= »Mais contrairement à ce qu’écrit Sylvie le Minez, seul le pays de naissance des parents avait été introduit et non la nationalité de naissance. »]2[/tooltips]

J’ai raconté dans le détail les péripéties de cette enquête dans mon livre sur les statistiques ethniques. Qu’il suffise ici de rappeler que, lors de la réunion des directeurs régionaux, le 26 juin 1992 à l’Ined, pour une enquête qui devait être lancée deux mois plus tard, certains d’entre eux nous apprirent qu’ils avaient reçu un coup de téléphone de la Direction générale leur expliquant que cette enquête n’aurait pas lieu. C’est donc bien injustement que l’Insee s’attribue une clairvoyance qu’il est loin d’avoir eue sur la nécessité de produire des données sur les origines qui aillent au-delà de celles des immigrés. S’il est vrai qu’il a commencé à introduire les questions utiles sur les parents dans les années 2000, notamment avec l’enquête Formation, Qualification professionnelle de 2003, puis l’enquête Emploi de 2005 et l’enquête Logement de 2006, c’est aussi parce qu’il disposait alors d’un argumentaire moralement convenable : celui des discriminations. L’Insee a considéré que le risque pour sa réputation était suffisamment faible pour qu’il se lance. D’ailleurs, Sylvie le Minez explique comment ces nouvelles préoccupations ont donné à l’Insee la justification morale qui lui manquait jusque-là: « Ce qui sous-tend cette demande de statistiques ethniques est souvent lsouhait de mesurer les discriminations et d’aider à la définition des politiques publiques. Mais l’objectif peut être plus large : connaître la diversité des situations individuelles et mesurer les inégalités. Une autre motivation peut être d’évaluer l’apport des migrations à la population française. On n’imagine évidemment pas qu’une telle demande puisse être alimentée par des présupposés racistes. » Convaincu d’agir pour la bonne cause, l’Insee accepte que, dans l’enquête Trajectoires et origines 2 de l’Ined et de l’Insee actuellement sur le terrain, soient aussi posées des questions sur le pays et la nationalité de naissance des grands-parents.

Une comparaison douloureuse

Quant à la grande diversité des statistiques ethniques qui seraient désormais accessibles grâce à la statistique publique, elle fait pâle figure, notamment en matière de séries temporelles, face à ce que produisent nos voisins d’Europe du Nord qui ont la chance, il est vrai, de disposer de registres de population. Sans parler de l’accessibilité des données qui n’est pas une préoccupation majeure de l’Insee, tout visiteur du site de l’Insee a pu s’en rendre compte.

Les données actuellement diffusées sur la génération née en France d’au moins un parent immigré résulte d’un bricolage à partir des données de l’enquête Emploi pour les 15 ans+ et de celles des enquêtes annuelles de recensement pour les moins de 15 ans et ne permettent pas de descendre à des échelons infranationaux, pourtant d’un intérêt majeur. Ces données seraient grandement améliorées si elles pouvaient être tirées des enquêtes annuelles de recensement. Ce qui suppose d’introduire des questions sur le pays et la nationalité de naissance des parents, ce que l’Insee refuse alors que la Cnil y est pourtant favorable. C’est pourquoi Sylvie Le Minez est muette sur le sujet.

Retrouvez cet article sur le blog de Michèle Tribalat.

Statistiques ethniques, une querelle bien française

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Israël et les Etats arabes souhaitent la réélection de Trump

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trump donald biden usa israel
Le prince saudien Mohamed Ben Salman reçoit le président américain Donald Trump, mars 2018. Auteurs : Kevin Dietsch/NEWSCOM/SIPA. Numéro de reportage : SIPAUSA31455793_000026

Les Arabes pouvant compter sur Donald Trump pour obtenir des armes sans limitation, ils souhaitent aussi ardemment sa réélection que le gouvernement israélien. Dans un Moyen-Orient polarisé autour de l’ennemi iranien, qu’adviendra-t-il en cas de victoire de Joe Biden ?


 

Benyamin Netanyahou n’est pas seul à souhaiter la réélection de Donald Trump en novembre 2020. Les États arabes, en particulier ceux du Golfe, sont préoccupés par les sondages qui prévoient l’échec du président actuel par 41% contre 50%. En cas de victoire, le candidat démocrate Joe Biden pourrait se glorifier d’avoir imposé un mandat unique à Donald Trump dans un cas de figure rare, celui de la non-réélection d’un président sortant. Alors qu’au début de l’année, l’élection était une formalité pour le candidat républicain, le coronavirus a rendu le résultat imprévisible. La crise économique et sanitaire a certes été une des raisons de la désaffection de l’électorat républicain, mais le coup de grâce a été donné après le meurtre de George Floyd qui a réveillé les stéréotypes racistes, oubliés depuis longtemps.

De vieux candidats

Les observateurs politiques s’étonnent qu’aux États-Unis les candidats de valeur soient rares, préférant les affaires à la politique. Les Américains sont donc contraints de se rabattre sur les vieux politiques peu disposés à envisager la retraite. Alors l’élection se fera par défaut ; les citoyens voteront contre un candidat plutôt que pour celui de leur choix car la roue a tourné et ils pénalisent celui qui aura détourné l’économie de la situation de beau fixe dans laquelle elle était plongée. Quelques États décideront en fait du vainqueur. Joe Biden est en tête dans six États symboliques à savoir le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Floride, l’Arizona et la Caroline du nord où Trump avait gagné de justesse en 2016. En raison des difficultés économiques, le président sortant a perdu la confiance de ceux qui approuvaient  sa politique populiste mais qui le condamnent à présent à cause de la résurgence du chômage.

Les Démocrates ont de fortes chances de prendre le Sénat aux Républicains et le contrôle des trois branches de la gouvernance. Mais Trump ne paie pas uniquement pour la crise du coronavirus, il paie pour son arrogance et son narcissisme et même pour son racisme. Ses adversaires ne seront pas déçus car ils caressent ce rêve depuis le début de son mandat, espérant chaque jour le voir détrôné.

25 milliards de vente d’armes

Une grande déception saisit aujourd’hui les États arabes, et ceux du Golfe en particulier, qui avaient apprécié l’«accord du siècle» de Trump parce qu’il grignotait une partie des ambitions israéliennes. Ils savaient qu’ils pouvaient aussi compter sur Israël pour les soutenir ouvertement contre l’Iran dont la capacité de nuisance était loin de s’estomper malgré les sanctions américaines. Les Américains s’étant désengagés, d’une certaine manière Israël s’était substitué à eux en tant qu’ogre chargé de faire peur.

Les Arabes pouvaient compter sur Trump pour obtenir des armes sans limitation. D’ailleurs les ventes ont plus que doublé en valeur durant ces derniers mois. Des accords de 25 milliards de dollars ont été signés avec neuf pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord  alors que le montant en 2018 n’était que de 11. D’ailleurs à l’échelle mondiale, avec Trump au pouvoir, les ventes d’armes américaines ont augmenté de 42% cette année, pour atteindre un total de près de 70 milliards de dollars, le niveau le plus élevé depuis 2010, avec plus d’un tiers du total mondial pour le seul Moyen-Orient. En Afrique du nord, le Maroc a été le plus gros client avec des ventes qui se sont élevés à 10 milliards de dollars, pour des F-16 et 36 hélicoptères d’attaque AH-64E Apache. Les autres pays du Golfe, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar, l’Arabie saoudite et le Koweït, ne sont pas en reste avec 14 milliards de dollars d’accords. C’est pourquoi tous ces clients sont inquiets de l’avenir de leur approvisionnement militaire.

L’inconnue Biden

Qu’en serait-il demain avec Joe Biden qui pourrait s’aligner sur les gouvernements européens qui ont bloqué les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis sous prétexte qu’ils combattent au Yémen ? Au Royaume-Uni, une décision de justice a entraîné la suspension des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, bien que le gouvernement de Londres ait à plusieurs reprises enfreint ses propres engagements à cet égard. En fait, les Occidentaux donnent l’impression de vouloir vendre des armes uniquement pour les défilés, en ayant pris le soin de jauger au préalable les ennemis de leurs clients.

Trump a accepté ces ventes d’armes malgré l’opposition du Congrès américain qui avait émis des réserves en raison de la guerre civile qui fait rage au Yémen, et pour des sanctions après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018. Mais le président américain ne voulait pas transiger, estimant que la sécurité de ses alliés était en jeu. Par ailleurs en termes d’affaires, il n’avait pas à tenir compte des questions de Droits de l’homme ou de démocratie.

Rien ne dit que Joe Biden, élu, ne poursuivra pas cette politique de soutien aux pays arabes car il s’agit d’une stratégie pour promouvoir les intérêts américains avant d’être une adhésion aux régimes autocrates. Les Démocrates et les Républicains ont toujours eu une conception voisine des relations avec l’étranger, avec Israël en particulier. Au cas où la victoire démocrate serait concrétisée, l’administration américaine cherchera certainement à encourager un meilleur respect des droits de l’homme dans les pays arabes, mais sans jamais mettre en danger les questions sécuritaires.

Israël : l’annexion compromise ?

En revanche, Joe Biden n’est pas certain d’approuver une quelconque annexion de la Cisjordanie par Israël. Sentant le vent tourner, Netanyahou veut anticiper le débat et préparer son aile radicale à une révision de sa politique en Cisjordanie. Il anticipe l’échec programmé de Trump en précisant que la souveraineté sur les implantations de Cisjordanie  nécessite le soutien total des États-Unis. Une manière de reporter sur son allié la décision de décaler aux calendes grecques cette annexion. Mais la victoire de Joe Biden serait moins pire que celle de Bernie Sanders, le dirigeant le plus haï en Israël et dans les pays arabes pour son indulgence vis-à-vis des agissements des Iraniens.

Le paysage économique a changé au Moyen-Orient. Les besoins mondiaux en pétrole diminuent en raison de la crise certes mais par suite du développement de technologies énergétiques alternatives et de la découverte de nouveaux gisements pétrolifères en Amérique du Nord. Les États du Golfe n’ont plus la même importance que naguère. L’effondrement des prix du pétrole après la pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance. Cela a surtout fragilisé les pays du Golfe qui, dans les périodes fastes, n’ont jamais songé à se diversifier et à s’industrialiser pour devenir moins dépendants d’un soutien extérieur.

Le Golfe mise sur Israël

Le désengagement américain n’a pas arrangé les choses alors qu’aucun autre pays, la Russie ou la Chine par exemple, n’est en mesure de remplacer les États-Unis pour garantir la sécurité des pays arabes. Ils sont trop engagés avec l’Iran. C’est d’ailleurs pour cela que les États du Golfe ont ouvertement misé sur Israël pour leur développement économique et pour leur sécurité. Yossi Cohen, le patron du Mossad, ambassadeur-bis israélien, habitué des palais arabes, facilite les joint-ventures entre industries israéliennes et arabes, dans le secret des alcôves dans un premier temps. Mais les potentats arabes sont réfractaires au changement et surtout au modernisme qui risquent de leur faire perdre le contrôle sur leurs citoyens. Or Israël est le seul État qui pourrait garantir de manière fiable le statu quo.

Mais, malgré des tentatives de plus en plus médiatiques, la normalisation des relations d’Israël avec les pays arabes comporte des risques substantiels pour les États du Golfe, sur le plan des relations interarabes et du conflit israélo-palestinien. Le projet israélien d’annexion de la Cisjordanie complique la situation. Une certitude cependant, les États du Golfe et Israël, qui ont tout misé sur Trump, risquent d’être de grands perdants en cas de défaite des Républicains.  Ils craignent que l’Iran en profite pour étendre sa politique de nuisance dans la région avec un président américain trop pacifique.

80 kms/heure: une imposture pseudo-scientifique

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Le rapport public faisant le bilan de «l’expérimentation» de la baisse de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale sur les routes secondaires est un cas d’école du dévoiement d’études à des fins de justifications politiques. Le rapport de 122 pages ne démontre à aucun moment que la mesure a sauvé des vies ou même réduit la pollution et les nuisances. Ce sont des possibilités. Rien ne permet de l’affirmer ou d’affirmer le contraire d’ailleurs…


En préambule et pour que la problématique soit bien posée, la vitesse est un facteur aggravant de tous les accidents automobiles. C’est tout simplement de la physique. Plus la vitesse est élevée, plus l’énergie dégagée lors du choc est forte et plus les dégâts sont importants. Cela dit, la vitesse n’est pas pour autant à l’origine des accidents et il faut prouver qu’en la limitant le nombre d’accidents a bien baissé.

Dans ce domaine, les pouvoirs publics font la démonstration de ce que peut être de la propagande habillée de statistiques pseudo scientifiques. Cela est aussi malheureusement souvent le cas en matière d’énergie de la part d’organismes publics voire de cabinets ministériels. L’objectif n’est pas de tirer des conclusions rigoureuses d’une expérience mais de justifier à tout prix des décisions et des à-priori.

Amalgames et conclusions arbitraires

Revenons à la décision prise d’imposer à l’été 2018, le 1er juillet, la vitesse maximum à 80 kilomètres heure pour les voitures et les motos au lieu de 90 kilomètres heure sur les routes secondaires. L’argument avancé alors était que cela permettrait de sauver des centaines de vies par an, de «350 à 400 par an» selon le Premier ministre Edouard Philippe. Depuis, pour justifier une mesure impopulaire et qui a été en partie à l’origine du mouvement des gilets jaunes, on assiste tous les quelques mois à des publications officielles de statistiques et d’argumentaires censés démontrer l’efficacité et la justesse d’une mesure incontestable puisqu’elle permet de «sauver des vies». Sauf que les argumentaires en question ne prouvent rien.

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Le dernier en date fait le bilan après deux ans «d’expérimentation». Il a été fait par le Cerema, (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). Ce dernier a été missionné par Edouard Philippe pour établir un bilan et respecter ainsi une clause de revoyure au 1er juillet 2020. Ces conclusions sont évidemment favorables et aujourd’hui, la mesure a donc été entérinée sauf par les départements, nombreux, qui ont décidé de l’annuler en dépit des pressions parisiennes et des préfets.

Selon Marie Gautier-Melleray, fraîchement nommée déléguée interministérielle à la sécurité en remplacement d’Emmanuel Barbe, les études du Cerema prouvent que 349 vies ont été sauvées entre le 1er juillet 2018 et le 29 février 2020. La période a été choisie en raison du confinement mis en place le 17 mars mais elle ne tient pas compte du mouvement des gilets jaunes. Le problème est que le Cerema ne démontre rien… Par définition, l’accidentalité est multi-factorielle. Il aurait donc fallu déterminer l’importance respective des différentes causes d’accidents selon les périodes comparées. Un travail difficile qui n’a pas été fait. Alors comment le Cerema peut tirer des conclusions mettant en avant un seul facteur arbitrairement choisi comme cause d’accident à savoir la vitesse et sa diminution moyenne de 3,3 km/h! Parmi les autres causes d’accident possibles, on peut citer pêle-mêle: l’alcool, les stupéfiants, l’erreur humaine, l’inattention et la somnolence, l’usage du téléphone portable, la défaillance mécanique, le mauvais état de la chaussée ou du véhicule, les conditions météorologiques…

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