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John Bolton persiste et signe (4/5)

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John Bolton publie un livre explosif qui dévoile les coulisses de l’administration Trump. Nidra Poller poursuit sa lecture du livre de l’ancien conseiller à la sécurité nationale 


Les trois premières parties sont à retrouver ici.

Rappel: A deux mois des présidentielles, on offre ici la 4e partie d’un résumé en filigrane du texte rédigé par l’ancien conseiller en sécurité nationale, ambassadeur John Bolton, qui raconte pas à pas la méthode Trump de gestion des relations internationales.

La Chine gronde

Bolton : « La configuration des affaires internationales du 21e siècle sera dessinée par les rapports économiques et géopolitiques entre les Etats-Unis et la Chine. » Pas convaincu de l’idée reçue — que la Chine sera naturellement entraînée par un développement économique galopant vers une libération politique — j’avais observé une augmentation des moyens militaires. Aujourd’hui on a compris que la Chine ne joue pas selon nos règles. Mais il n’est pas trop tard pour agir. Trump en est conscient et croit qu’il faudrait réduire l’enrichissement, à nos dépens, de la Chine. Je voulais intégrer ce principe dans une stratégie globale, mais Trump, à sa façon, se la jouait solo, préoccupé par le soutien de la Chine à sa réélection. Se fiant à son intuition et son « amitié extraordinaire » avec Xi Jinping, qui savait l’adoucir avec des flatteries grossières, le président ramenait tout, même le dossier Huawei, à une question d’échanges commerciaux.

John Bolton présentant son livre (c) Jasper Colt-USA TODAY/Sipa USA /30105171/usa/2006221511
John Bolton présentant son livre (c) Jasper Colt-USA TODAY/Sipa USA /30105171/usa/2006221511

De temps à autre, alors que les négociations piétinent et bifurquent, Trump annonçe qu’il est sur le point de réussir un deal extraordinairement spectaculaire. Comme un gamin, il cafte à Xi que les Democrats sont anti-chinois et il presse le leader de cette immense puissance économique d’augmenter ses achats de produits agricoles pour lui assurer le vote des agriculteurs. Quand Xi accepte de reprendre les négociations, bloquées au mois de mai, Trump le félicite : « Tu es le meilleur leader chinois depuis 300 ans ». Trump adore le tête-à-tête avec Xi, confiant que les deux big-shots, ayant écarté les Européens, sauront régler l’affaire.

Trump se vante d’être le meilleur, sait ce qu’il faut faire en Irak, en Syrie, dit qu’il fallait prendre le pétrole en Irak, au Venezuela et que les Chinois sont des sacré tricheurs… Dunford [le Chef d’Etat-major] tente de le remettre sur les rails, Trump bifurque sur la persécution des agriculteurs blancs en Afrique du Sud. Qui plus est, il veut se retirer d’Irak. «On a éliminé ISIS en Syrie,  je m’en fous s’il revient en Irak» …

Le président juge au doigt mouillé, disant à qui veut le croire qu’il va boucler le plus grand deal de l’histoire. Capricieux et inconséquent, il exigerait un jour des sanctions très fortes contre la Chine, pour reculer aussitôt parce que le [Treasury Secretary] Mnuchin s’y oppose. Il échange des lettres avec Xi comme un ado avec son pen-pal. Les réunions avec les conseillers partent dans tous les sens et ne mènent à rien. Sourd aux renseignements des services secrets, le président revient sur des décisions prises lors de consultations avec divers départements, annule l’amende imposée à ZTE, pourtant coupable d’activité criminelle, refuse de reconnaître la menace sécuritaire et industrielle du système 5G de Huawei. Trump entre sans préparation dans des pourparlers avec son homologue, improvise, dit tout et son contraire et parle surtout de ce que la Chine peut faire pour aider à sa réélection, en rassurant Xi qu’il n’a pas l’intention de se mêler aux questions sino-chinoises — Hong Kong, les camps de rééducation des Ouighours, Taiwan ….

La gestion de la pandémie pèsera forcément sur les présidentielles. Cherchant, comme d’habitude, à s’en sortir par le bagout, Trump n’est pas à la hauteur de la crise de santé publique. Au début, il pensait protéger le deal avec la Chine en cachant des informations sur la pandémie. Le NSC [Conseil de sécurité nationale] avait transmis au gouvernement début janvier des informations sur la sévérité de la pandémie et sur la nécessité d’un éventuel confinement, mais Trump n’était pas au gouvernail. A l’avenir,  le NSC devra être encore plus vigilant sur le plan de la biosécurité.

Du Hanoi Hilton à Panmunjom

Pas moyen de l’éviter : Trump raffole des sommets avec Kim Jong Un. Faisant les pieds et les mains pour l’empêcher de faire des concessions insensées, les conseillers avaient préparé un film montrant des présidents américains déclarant, l’un après l’autre, être sur le point de conclure un accord avec la Corée de Nord. A Hanoi, Trump est préoccupé par le témoignage en cours à Washington de son ancien conseil personnel, Michael Cohen.

La réunion avec Kim est très amicale, les deux chefs d’Etat échangent des plaisanteries, Kim se propose de fermer le site de Yongbyon en échange de la levée totale des sanctions. Seul avec la délégation américaine pendant une pause, le président demande à Bolton comment on peut imposer des sanctions sur un pays distant de 7 000 miles. « Parce qu’ils fabriquent des armes qui peuvent tuer des Américains ». « Ah, bon », répond Trump, comme si l’idée ne lui était jamais venue à l’esprit.

Bolton et Pompeo sont soulagés. La rencontre, écourtée, est suivie d’une déclaration du genre « on a fait des progrès et il en reste à faire ». Les collaborateurs du dictateur nord-coréen, emprisonnés ou exécutés — paient  cher l’échec.

Encore un zigzag annoncé par tweet : Trump, se disant sensible aux souffrances endurées par son très cher ami Kim Jong Un, lèvera des sanctions. Par ailleurs, le président presse ses ministres d’obtenir une augmentation de la contribution aux frais par les pays qui abritent des bases américaines. Incapable de comprendre la notion de sécurité nationale, Il pense qu’on défend ces pays « pour rien ».

Trump, fier de croire que tout le monde souhaite faire des deals avec lui, s’enfonce dans des fantasmes ;  le dictateur nord-coréen avance dans les provocations. Il lance des missiles dans la mer du Japon ; Trump hausse les épaules et prépare une rencontre dans la zone dimilitarisée (DMZ). Il poursuit ; Trump tweet son entière confiance en « Chairman Kim qui a une grande et belle vision pour sa nation, que seuls, les Etats-Unis avec moi comme président pourraient l’aider à réaliser ». Kim saurait faire ce qui est bien, parce qu’il m’aime trop.

Trump se régale de la photo-op au DMZ. Il garde Jared et Ivanka tout près de lui : il les aurait voulus à ses côtés au moment où il traversait la ligne de démarcation.

Trump perd son chemin, puis son courage

Des assauts, attentats et agressions iraniennes contre les Etats-Unis commencent avec la révolution islamiste en 1979 et continuent à ce jour… Aujourd’hui Khamenei précise : « Mort à l’Amérique veut dire mort à Trump, Bolton et Pompeo ».

A chaque pas, la bureaucratie met des bâtons dans les roues d’une politique ferme envers l’Iran. Pour être efficace, dit Bolton, les sanctions doivent tomber comme un couperet, pas au compte-gouttes avec avancées, reculades, et échappatoires. Or, Trump permet à Mnuchin d’affaiblir les sanctions contre l’Iran.

La France, l’Allemagne et l’Angleterre veulent sauver le JCPOA, Pompeo vacille, Zarif [le premier ministre iranien] accuse Bolton, Netanyahou et MBS d’empêcher le président Trump de faire la paix. Le président conçoit l’affaire iranienne comme un deal immobilier new-yorkais où on fait jouer des connections et de l’entregent. Il encourage Shinzo Abe et Emmanuel Macron (« qui vit pour l’Iran deal ») à l’aider à ouvrir des négociations, sans comprendre que cela affaiblit la position américaine. « Je suis [beau] parleur, j’aime parler », dit-il. Et Bolton de conclure : « Voici la stratégie iranienne magistrale de l’administration Trump ».

Pendant quatre mois, l’Iran est convaincu d’être en position de force. Les Européens rejettent l’ultimatum posé par Rohani sans se rendre compte de son importance. Trump minimise la gravité des attaques perpétrées contre un pétrolier dans le détroit d’Ormuz et contre des stations de pompage sur le pipeline saoudien. S’il faut réagir, dit-il, ce sera aux Etats du Golfe de régler la note.

La Défense cherche à élaborer une stratégie à long terme ; Trump se lance dans un riff, se vante d’être le meilleur, sait ce qu’il faut faire en Irak, en Syrie, dit qu’il fallait prendre le pétrole en Irak, au Venezuela et que les Chinois sont des sacré tricheurs… Dunford [le Chef d’Etat-major] tente de le remettre sur les rails, Trump bifurque sur la persécution des agriculteurs blancs en Afrique du Sud. Qui plus est, il veut se retirer d’Irak. « On a éliminé ISIS en Syrie,  je m’en fous s’il revient en Irak ».  Trump tweet à l’intention de l’Iran : « Il ne faut plus jamais nous menacer ». Le 19 mai une roquette tombe à un kilomètre de l’ambassade US en Irak.

Le président s’endort pendant un entretien avec Moon, pousse Abe à aller en Iran. MBS n’est pas content. Le 6 juin, lors de la commémoration du débarquement, Macron et Trump s’entretiennent au sujet de l’Iran. Bolton pense que Macron voudrait s’accrocher à l’initiative d’Abe. Trump accuse John Kerry de se mêler de l’affaire, l’empêchant de négocier la paix avec l’Iran. Mnuchin dit qu’on peut faire de l’off & on avec les sanctions. La conversation est un désastre intégral. Sur le vol de retour, Bolton est informé qu’un drone Reaper a été abattu au Yémen. Paul Selva, adjoint au chef d’État-major, estime qu’il ne faut pas réagir parce qu’on ne sait pas qui est l’auteur.

Le Japon est schizophrène sur la Corée et l’Iran. Pompeo dit à Bolton que ses homologues, ayant conclu, par la mission d’Abe, que la stratégie de pression maximale est finie, lui demandent comment aider avec la médiation. Israël, seul, n’hésite pas à se défendre.

Le 13 juin, frappe contre deux pétroliers, dont un japonais, dans le Golfe d’Oman. Trump dit à Bolton, « N’en fais pas un plat». C’est sa façon de faire disparaitre des réalités gênantes. Le président raille Abe, « Il ne faut pas avoir honte d’avoir totalement échoué avec Khamenei et Rohani », puis passe au sujet qui l’intéresse pour de vrai : le Japon devrait augmenter ses achats de produits agricoles. Trump n’a pas de patience pour les briefings, les fonctionnaires hésitent à frapper fort, Bolton pense le contraire. Interviewé par Time Magazine, Trump dit que les attaques n’étaient pas graves. Bolton se demande à quoi ça sert d’aller tous les jours au West Wing.

Aussitôt nommé Secretary of Defense, Esper est informé des frappes contre un site saoudien de désalinisation. On décide enfin d’une opération militaire. Bolton est satisfait du choix des cibles. Soudain, Trump décide de tout annuler.

Bolton : au cours de ma longue expérience gouvernementale, je n’ai jamais rien vu de si irrationnel. Pompeo est choqué : Eisenberg donne au président un chiffre tiré du chapeau—150 morts côté iranien —et il renverse une décision soigneusement prise en coordination avec son équipe. Pence est abasourdi. Pompeo me dit qu’il ne peut pas faire ce que le président  demande. C’est indigne. Il met nos gars en danger et augmente le risque d’un Iran doté d’armes nucléaires. Pompeo et Bolton se promettent de se tenir informés avant de démissionner.

Dans un barrage de tweets, Trump explique l’absence de riposte aux méfaits iraniens et déclare que l’Iran n’aurait JAMAIS l’arme nucléaire. Dunford est vexé : un jour Trump lui dit qu’il est nul, n’a pas fourni suffisamment de cibles, le lendemain il annule tout. Trump leur dit que ses tweets sont parfaits et que les Iraniens sont avides de négocier… Apprenant que le président a choisi le sénateur Ron Paul comme émissaire auprès des Iraniens, Pompeo est sans voix. Et pour Bolton, déjà à plusieurs reprises sur le point de démissionner, c’est le point de bascule.

Ce n’est pas encore fini : il y a Zarif à Biarritz, les Talibans à la Maison Blanche, l’Ukraine et la démission… à suivre dans la 5e et dernière partie.

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Transgenres: nième récidive pour JK Rowling

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Avec son tout nouveau roman, l’auteur britannique s’attire de nouveau les foudres de la twittosphère LGBTQI+ qui l’accuse de transphobie pour avoir mis en scène un serial killer apparemment transgenre. Mais sans avoir lu préalablement le texte. Tandis que les médias français n’arrivent pas toujours à distinguer vrais et faux militants ultra-progressistes.


Décidément, quoiqu’elle fasse, JK Rowling ne peut qu’ameuter les progressistes LGBTQI+, tous empressés, au nom de la tolérance, de l’ensevelir sous un torrent de menaces de torture et de meurtre. Premier acte de cette comédie : en décembre 2019, Rowling affirme publiquement qu’il y a une différence significative entre une femme biologique et une trans femme et que l’on ne peut pas accorder exactement le même statut social à cette dernière catégorie de personnes qu’à la première. Deuxième acte : en juin dernier, elle attire les foudres des activistes en protestant sur Twitter contre leur tendance à remplacer le mot de « femme » par la périphrase « personnes qui ont des règles », comme s’il n’y avait pas de relation entre la condition sociale des femmes et la physiologie féminine. Troisième acte : fin août, suite à une intervention de la directrice de la fondation Robert F Kennedy Human Rights accusant Rowling d’avoir « porté atteinte à l’identité » des personnes transgenres et non-binaires, elle annonce qu’elle rend à cette institution un prix que celle-ci lui avait conféré l’année dernière. Le motif de ce retour ? L’injustice inhérente à une accusation qui suppose que Rowling est foncièrement transphobe, tandis qu’elle maintient seulement qu’il existe un conflit entre, d’un côté, les exigences les plus extrêmes du lobby transgenre et, de l’autre, les droits des femmes biologiques ou « cis-genrées ».

"Troubled Blood", le nouveau roman de Robert Galbraith, alias JK Rowling, est sorti hier dans les librairies.
« Troubled Blood », le nouveau roman de Robert Galbraith, alias JK Rowling, est sorti hier dans les librairies.

Ci-gît JK Rowling

Cette semaine, le rideau s’est levé sur le quatrième acte. L’occasion en est la sortie en anglais de son nouveau roman, Troubled Blood, le cinquième dans la série policière qu’elle publie sous le pseudonyme de Robert Galbraith. Si le livre n’est en vente que depuis hier, le 15 septembre, c’est un compte-rendu négatif paru deux jours auparavant dans le quotidien anglais The Daily Telegraph qui provoque la nouvelle polémique.

A lire aussi: La « cancel culture », cette effrayante intolérance progressiste

Un des personnages du roman serait un tueur en série qui se déguise avec une perruque et un manteau de femme pour rassurer ses victimes féminines, avant de les attirer dans sa camionnette. Fait surprenant pour un journal aussi conservateur, l’auteur du Telegraph, Jake Kerridge, en conclut que la morale de l’histoire semble être la suivante : « il ne faut jamais faire confiance à un homme qui porte une robe ». Ce jugement est relayé par le très populaire site d’informations Pink News. Et immédiatement, la communauté LGBTQI+ se met en branle sur son média favori, Twitter, dénonçant Rowling pour sa « transmisogynie » et exprimant le désir, entre autres choses, de lui déchiqueter le corps. Le hashtag du moment est #RIPJKRowing, en français : « Ci-gît JK Rowling. » A notre époque, pour condamner à mort, pas besoin de juger sur pièces.

Fait curieux, le livre de Rowling est défendu le jour de sa parution par le très gauchisant journal anglais, The Guardian, dans un compte-rendu par Alison Flood qui, elle, a visiblement pris la peine de lire le texte. Tout en condamnant les prises de position antérieures de la romancière, Flood souligne le fait que le tueur qui s’habille en femme n’est pas un personnage central du roman et n’est nullement présenté comme transgenre. Pour elle, la morale de l’histoire est qu’il est hâtif de juger un livre d’après un seul compte-rendu.

Bévue dans la version française du Huff Post

Cependant, tandis que le ciel s’assombrit devant la tempête déchainée par Rowling, un petit rayon de lumière point à l’horizon, un petit vent d’hilarité commence à souffler. Car les médias bien-pensants, mettant en avant l’inévitabilité des critiques que la créatrice d’Harry Potter s’attire, voire le fait qu’elle les mérite, passent sous silence la violence misogyne – digne du Marquis de Sade – avec laquelle ces critiques sont souvent formulées. Quand cette fâcheuse tendance s’ajoute à la difficulté qu’ont parfois les journalistes français à suivre toutes les évolutions dans le monde anglo-saxon, le résultat n’est pas dépourvu d’humour.

A lire aussi: Twitter est le vrai rédacteur en chef des journaux progressistes

Lorsque le Huff Post français publie un article à 18h21 le 15 septembre pour raconter certaines des péripéties entourant la parution de Troubled Blood, l’auteure, Elisa Samourcachian, reproduit le tweet d’une détractrice apparente de Rowling, tweet qu’elle traduit avec une exactitude tout à fait louable : « Je n’arrive pas à croire que JK Rowling a écrit un roman qui implique que les personnes trans peuvent être des méchants. Nous, membres de la communauté LGBTQIA+, sommes TOUJOURS compatissants et aimants et engagés pour la justice, la paix et la décence humaine fondamentale. » La journaliste ajoute que la personne en question, Titania McGrath, est une « activiste et autrice. » Or, il s’avère que « Titania McGrath » est un personnage inventé de toutes pièces par le brillant comique irlando-britannique, Andrew Doyle, précisément afin de lui permettre de parodier l’hypocrisie des bobos progressistes blancs à travers une série tweets qui lui ont attiré à ce jour plus d’un demi-million de suiveurs. Sous ce pseudonyme, il a publié un faux manuel de justice sociale en mars 2019, Woke. A Guide to Social Justice, et, pas plus tard que le 3 de ce mois, un autre best-seller, un faux livre de propagande progressiste pour enfants, My First Little Book of Intersectional Activism (Mon premier petit livre d’activisme intersectionnel). Il y a des gens qui croient que Sherlock Holmes habite toujours au 221 bis Baker Street à Londres.

Le tweet de McGrath/Doyle cité par l’infortuné Huff Post est non moins satirique que tous les autres de ce comique qui, quoique de gauche, trouve insupportable la bigoterie ultra-progressiste ou woke. Son affirmation selon laquelle les membres de la communauté LGBTQIA+ sont « TOUJOURS compatissants et aimants… » est illustrée par des captures d’écran de messages postés par ces mêmes membres qui, par rapport à JRowling, expriment leur désir de « gifler cette salope », cette « vieille pute », sans parler de leurs ratiocinations au sujet de ses organes reproductifs… Comble de l’ironie, McGrath/Doyle accompagne son tweet d’un des hashtags préférés des progressistes, #BeKind – « Sois gentil. » Il s’agit évidemment d’une gentillesseà sens unique. Pour ne pas nous montrer hypocrites à notre tour, n’ironisons pas trop sur le Huff Post. Faisons preuve d’indulgence à l’égard de ce rayon de soleil. #BeKind !

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Tricoteuses 2.0


Lorsque la star britannique du tricot Karen Templer, à la suite d’un voyage en Inde, a fait part sur son blog de son désir de s’inspirer des couleurs vives de Bollywood pour sa prochaine collection, mal lui en a pris


Une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Loin de la petite mamie tricotant dans son rocking-chair, l’art de l’aiguille est redevenu hype depuis quelques années. Et les influenceuses mode envahissent Instagram de leurs créations qui revisitent la maille.

A lire ensuite: Parlez-vous woke?

Quoi de plus inoffensif ? C’était sans compter sur les antiracistes qui se sont empressés de détricoter cet artisanat ancestral. Lorsque la star britannique du tricot Karen Templer, à la suite d’un voyage en Inde, a fait part sur son blog de son désir de s’inspirer des couleurs vives de Bollywood pour sa prochaine collection, mal lui en a pris. Karen étant blanche, les séparatistes du tricot, dont Rose Mahon, une métisse indo-britannique, ont tôt fait de l’accuser de colonialisme. « En tant que moitié indienne, son post, bien que bienveillant, m’a rappelé les conversations que j’ai toujours eues avec les Blancs qui me faisaient part de leur fascination pour le pays de mon père, “c’est si coloré, complexe et inspirant” ce qui n’est pas faux en soi, mais terriblement réducteur. »

A lire aussi: La semaine progressiste de Jeremy Stubbs

Comble du syndrome de Stockholm, Karen a non seulement dû s’excuser, mais a de surcroît remercié les vigies antiracistes de l’avoir rappelée à l’ordre. Ingrate, la Toile n’a pas passé l’éponge. Pire, les thuriféraires du politiquement correct anglo-saxon (« woke ») accusent par-dessus le marché le tricot d’être élitiste et réservé aux seuls Occidentaux. Morceau choisi : « Des centaines de personnes de couleur ont partagé leurs expériences. Elles disent être ignorées dans les magasins consacrés au tricot. Les tricoteuses blanches les qualifient de pauvres et d’ignorantes ou affirment ne pas savoir que les Noirs et les Asiatiques puissent aussi tricoter. »

Il faut dire que le prénom de Karen Templer parle pour elle. En anglais bien-pensant, une « Karen » désigne en effet une femme blanche d’un certain âge totalement ignorante des questions de race et de genre. En un mot, une coupable.

La manifestation désolante des Femen à Orsay

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Sous couvert de nudité, de quoi les Femen sont-elles le nom ?


Lecteur assumé de Sade et de Bataille depuis mon adolescence, voltairien convaincu vomissant interdictions, censures et autres puritanismes religieux ou laïcs, partisan résolu de Charlie et de tout ce qui peut offenser le sacré à partir du moment où celui-ci décide de régenter mon mode de vie, intime et esthétique, iconodule dans l’âme et obsédé sexuel à mes heures (c’est-à-dire tout le temps), tout me portait à applaudir aux performances des Femen en lesquelles je me persuadais jusqu’à présent de voir de solides et charmantes résistantes à l’iconoclasme ambiant, à la burkinisation de notre société, à la haine pure et simple de la différence sexuelle, si typique de notre post-modernité. « Persuadais » car sans pouvoir me l’expliquer, quelque chose me gênait dans ces manifestations de nudité agressive et finalement pas si érogène que ça. Ce qui s’est passé dimanche dernier au Musée d’Orsay m’a permis de l’identifier.

A lire aussi,Jean-paul Brighelli: L’origine du monde d’après

Mais reprenons.

Soit, donc, Jeanne, une jeune femme, assurément sexy et apparemment délurée, qui se voit exhortée, avant de rentrer dans le musée, à remettre sa veste afin de cacher un décolleté plongeant sur une poitrine généreuse – ce qui était peut-être une erreur d’appréciation de la part de collègues un peu trop regardants (on sait que je suis moi-même agent de salle dans cet établissement depuis près de vingt ans) mais qui en soi n’avait rien de scandaleux, le règlement du musée stipulant qu’on ne peut y entrer n’importe comment (il n’est, par exemple, par permis de s’y promener pieds nus ou de se coucher sur les banquettes pour faire sa sieste et encore moins de pique-niquer devant Le Déjeuner sur l’herbe de Manet – ce n’est pas parce que des personnages picolent dans un tableau qu’on a le droit de picoler dans les salles). L’intéressée obtempéra sans faire d’histoire et celle-ci aurait pu s’arrêter là, ou plutôt ne pas commencer.

Ce n’est plus « couvrez ce sein que je ne saurais voir » mais « découvrons ce sein que vous ne sauriez voir », quoique la suite de la célèbre réplique de Tartuffe corresponde tout à fait au credo de nos cruches…

Sauf que rentrée chez elle et mue par une conscience hélas moins délurée que victimaire et plus pleurnicharde que souveraine, la bombasse ne trouva rien de mieux qu’envoyer une lettre publique à Orsay en laquelle elle expliquait comment on l’avait maltraitée, humiliée, mortifiée et pire que tout « sexualisée » – un terme trop idéologique pour être honnête et que notre amie Sophie Bachat analysa parfaitement dans son article de ce qui n’était que le premier épisode de cette ténébreuse affaire.


Car quelques jours après, voici que les Femen s’en mêlaient, envahissant la nef du musée et, comme à leur habitude, arborant leurs poitrines mitraillettes peinturlurées de slogans soi-disant « émancipateurs » dont le désormais fameux « ceci n’est pas obscène » qui me fit d’abord penser au célèbre tableau de Magritte : « ceci n’est pas une pipe. » Non pas, grands dieux, que les seins, organes maternels et érotiques les plus divins que la nature ait offert aux femmes (et même si on peut leur préférer les fesses, et, pour certains connaisseurs, les pieds, là-dessus, le débat reste ouvert) soient « obscènes » mais pourquoi, foutre ciel, croire et vouloir faire croire que celles et ceux qui les remarquent et souvent les chérissent le soient – « obscènes » ? Pourquoi exhiber avec autant de fureur ce que l’on va ensuite blâmer de regarder ? Cette candeur perverse qui consiste à pousser les hauts cris parce que l’on a remarqué ce que vous affichiez avec fierté et bonheur m’a toujours prodigieusement fasciné. « L’obscénité est dans vos yeux !», vociférèrent ainsi les vierges de fer entre les statues effondrées de tant d’arrogance et sans doute contrites qu’on interdise de les regarder d’un œil gaillard. Car c’était en effet bien de ce cela qu’il s’agissait : suspecter le regard (cet horrible « male gaze », coupable parmi les coupables), jeter l’opprobre sur le désir, faire d’un attrait naturel pour les formes féminines (et que tous les artistes de l’humanité célèbrent depuis la Vénus de Willendorf) une « obscénité ». Serait-ce là la secrète mission de ces femelles peu aimables, non pas libérer le désir mais au contraire le discréditer, l’interdire, le punir ?

« NOTRE DÉCOLLETÉ ON VOUS LE MET BIEN PROFOND,  @MuseeOrsay ! Nos seins ne sont pas obscènes, c’est ton regard qui l’est ! Baisse les yeux ! », comme le tweeta un peu plus tard, et  avec une délicatesse exquise, une certaine Sofia OIO. Baisse les yeux, tiens, tiens, tiens… Nos combattantes de la liberté seraient-elles des saintes nitouches d’un genre particulier ? Des adeptes du bandeau noir ou du carré blanc ? Des néo-victoriennes pornographes dont les tétons ne sont brandis que pour énucléer le regard des hommes (et d’ailleurs celui des autres femmes, celles qui sont fières de plaire aux hommes et savent que le décolleté attise le vouloir-vivre) ? N’étant pas hélas en service ce jour-là, je ne sais si j’aurais baissé les yeux devant la schlague de ces passionarias de l’anti-Eros mais ce qui est sûr, c’est que leur performance me les aura ouverts. En vérité, les Femen ne sont pas du tout celles que l’on croit. Ni émancipatrices, ni libératrices, ni d’ailleurs très libres (on dirait un commando stalinien), leur numéro relève plus de l’expédition punitive que de la danse du ventre. Si elles se dénudent en gueulant, ce n’est pas pour affirmer leur féminité mais pour la nier. Si elles exhibent leurs seins, c’est pour les désérotiser immédiatement – et malheur à celui qui y sera sensible ! Rien de moins draguable qu’une Femen. Rappelez-vous ce qui est arrivé à Philippe Caubère, trainé en justice par une ex-d’entre elles, Solveig Halloin, avec qui il eut le malheur d’avoir une liaison et qui, dix ans plus tard, l’accusait de « viol » – plainte qui n’aura pas de suite et se retournera contre la plaignante, bientôt jugée pour diffamation.

A lire aussi: Philippe Caubère, Œdipe roi (des planches)

Loin d’être les affranchies qu’on imagine, les Femen ne sont que de méchantes censeures qui ne dévoilent leur corps que pour mieux voiler les sens, qui ne se foutent à poil que pour signifier au malheureux qui y céderait qu’il n’est qu’un délinquant discriminant. Ce n’est plus « couvrez ce sein que je ne saurais voir » mais « découvrons ce sein que vous ne sauriez voir », quoique la suite de la célèbre réplique de Tartuffe corresponde tout à fait au credo de nos cruches (au sens propre et figuré) : « Par de pareils objets les âmes sont blessées ; Et cela fait venir de coupables [ou d’obscènes] pensées ». Le désir coupable, obscène, criminel – le voilà l’Ave Maria de nos viragos. Car ce sont elles les vraies prudes de cette affaire et non les agents d’accueil qui ont cru bien faire. Ce sont elles les Anastasie qui en veulent à mort à la différence sexuelle et à l’attirance biblique (c’est-à-dire biologique) qu’exerce chaque sexe sur l’autre. Ce sont elles les ennemies de l’humanité désirante, véritables exciseuses qui n’ont cesse de vouloir réduire la femme à l’état de pucelle (comme Jeanne la bien nommée).

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D’ailleurs, il faut reparler de cette Jeanne, voir quel genre d’« enfant du siècle », comme elle se surnomme sur son profil Twitter, elle est exactement – et se rendre compte tout de suite que si elle défend les décolletés (à condition qu’on ne les remarque pas), elle défend aussi le voile islamique, refuse du reste que sa mésaventure ne serve la cause des « islamophobes » et se retient bien d’apporter son soutien à la journaliste Judith Waintraub menacée de mort après avoir ironisé sur le voile islamique d’Imane Boune, que Jeanne en revanche, célèbre de toute sa belle âme de bigote intersectionnelle. La boucle est bouclée : les Femen sont venues défendre à Orsay une jeune femme au décolleté audacieux qui, elle, défend une étudiante entièrement recouverte dans son sac à patates et qui, entre deux recettes salafistes, milite pour le séparatisme et « les huit conditions du voile » dont celle de « ne point ressembler aux vêtements des mécréants » (comme un décolleté voyant par exemple ?)

C’est là tout le paradoxe de cette histoire insensée, quoique typique de notre monde schizo, où la libertaire anti-libertine rejoint la talibane aux fourneaux, où le sexe n’a droit de cité que s’il est désexualisé, déconstruit, déshumanisé de fond en comble, où, sous couvert de nudité, il s’agit bien d’abolir le désir, de brûler les images, de coudre les paupières et de stériliser l’origine du monde. Car il ne faut pas s’y tromper. Le « ceci n’est pas obscène » des Femen qui a fait applaudir quelques visiteurs inconscients était bien un « ceci n’est pas un objet de désir » et bientôt, je l’ai déjà dit ailleurs, ce credo s’appliquera aux œuvres du musée elles-mêmes – car quoi de plus désirable, de plus sexuel, de plus sexué, de plus « obscène », donc, pour cette engeance, que les Baigneuses de Renoir, les Tahitiennes de Gauguin et les femmes de Ramsès dans son harem de Jean Lecomte du Noüy ? Lieu du désir et de la divine obscénité, l’art devient peu à peu le véritable ennemi.

En France, on peut choisir de croire (ou pas)

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Alors pourrait-on avoir le droit de critiquer les musulmans, plutôt que de les infantiliser ?


Alors que se déroule le procès des complices des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, alors que nous commémorons les attentats du 11 septembre 2001, alors que le Pakistan annonce la condamnation à mort d’un chrétien qui aurait blasphémé par SMS (!), Mila a été une fois de plus menacée de viol et de mort. Et tous ces crimes, au nom de l’islam.

Mila menacée de nouveau

Seuls les hypocrites se diront surpris. Ce que je dois relever, c’est l’attitude dangereuse de ceux qui croient défendre Mila en disant « elle a critiqué une religion, pas des croyants, elle a critiqué l’islam, pas les musulmans. » De même qu’on entend maintenant, au sujet d’une jeune femme voilée faisant du prosélytisme sous couvert de conseils culinaires : « on peut critiquer le voile, mais pas celles qui le portent. » D’où viennent ces absurdités ? D’où vient cette condescendance ? Les musulmans ne seraient-ils pas responsables du choix de leur religion, et les femmes voilées de leur choix de porter le voile ? Ne seraient-ils tous que des enfants, incapables de prendre des décisions qui les engagent et de les assumer ?

Les survivants de Charlie nous le disent, le véritable meurtrier court toujours, c’est l’islamisme – je préfère parler d’islam théocratique, qui n’est évidemment pas la totalité de l’islam, mais qui est un poison imprégnant l’islam depuis ses origines. L’indispensable procès, c’est celui de ce totalitarisme. Il ne s’agit pas d’un procès judiciaire, mais d’une nécessaire condamnation politique, philosophique, éthique et théologique d’un culte rendu à un dieu-tyran avide de piétiner la liberté et la conscience de l’Homme.

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Mais peut-on condamner cette idéologie sans critiquer la religion qui l’abrite en son sein, et peut-on sérieusement critiquer celle-ci sans critiquer aussi ceux qui choisissent d’y adhérer ?

Bien évidemment, le respect dû aux personnes et le simple bon sens interdisent de réduire un être à l’une ou l’autre de ses convictions ou croyances. Seuls les fanatiques le font, et c’est d’ailleurs souvent ce qui les définit. Mais justement. Le fait même de distinguer les personnes des croyances permet de comprendre que la critique du choix de croire ne saurait être considérée comme une atteinte à la dignité de la personne. Le christianisme aurait-il réussi à tourner le dos aux immolations des hérétiques s’il n’avait condamné que les bûchers mais s’était interdit de critiquer ceux qui les allument ? Imaginerait-on combattre le nazisme tout en prétendant qu’il est interdit de critiquer les nazis ? Ou que l’on peut condamner les goulags, mais qu’il est interdit de demander aux communistes pourquoi ils se revendiquent de l’idéologie qui a permis les goulags ?

Un terrible mépris

Il y a dans cette volonté de déresponsabilisation des musulmans un terrible mépris. Comme s’ils étaient ontologiquement incapables d’exercer leur liberté de conscience, incapables de choisir une religion, seulement bons à se plier passivement à celle qu’ils ont héritée de leurs parents. Et il y a aussi dans cette attitude un profond dédain envers l’islam, l’idée implicite qu’il est impossible de choisir cette religion, que l’on ne peut qu’en hériter et non décider d’y adhérer.

Ces présupposés sont faux : il y a de plus en plus de musulmans qui décident de quitter l’islam, que ce soit pour se convertir à une autre religion, pour l’agnosticisme ou pour l’athéisme. Et il y a des gens qui ne naissent pas musulmans, mais choisissent de le devenir.

Nous avons la chance de vivre dans un pays dont les lois nous le garantissent : la religion est un choix. Nous ne devons jamais l’oublier, car l’oublier c’est commencer à y renoncer. Prétendre que la critique d’une religion ou de ses fidèles serait du racisme, notamment, c’est faire de la religion un caractère hérité à l’égal d’une couleur de peau, réduire la religion à un marqueur tribal, nier la sincérité d’une conviction et la possibilité même de la foi.

Ici, aujourd’hui, la liberté de conscience est inscrite dans la Constitution, et le pluralisme religieux est une évidence culturelle et sociale. Je sais bien que dans certains milieux cette liberté de choix n’est pas enseignée comme l’évidence qu’elle devrait être, consubstantielle à la dignité humaine, mais même là il faudrait vivre en ermite pour ignorer qu’il y a en France plusieurs religions, et que les conversions et l’apostasie existent.

#ToujoursMila

Par ailleurs, nul ne peut prétendre faire abstraction de tristes réalités : l’islam est la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort – et avec la bénédiction de nombreux théologiens. La seule religion, aussi, au nom de laquelle dans notre pays on tue, la seule au nom de laquelle une adolescente française reçoive des dizaines de menaces de viol et de mort.

Mila dans l'émission Quotidien sur TMC. Image: capture d'écran twitter
Mila dans l’émission Quotidien sur TMC. Image: capture d’écran twitter

Être musulman, choisir d’être musulman, c’est donc choisir consciemment d’adhérer à la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort. Être musulman en France, c’est choisir en toute connaissance de cause d’adhérer à la seule religion au nom de laquelle une de nos concitoyennes est soumise à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort. Interroger ce choix, critiquer ce choix et critiquer ceux qui le font ne doivent pas être des tabous.

Bien sûr les raisons de choisir une religion plutôt qu’une autre sont multiples. En voici deux à titre d’exemples, qui me viennent de personnes que je connais, que j’apprécie, et qui bien que musulmanes sont au moins aussi sévères envers l’islam que je peux l’être. Ainsi, la volonté d’être fidèle à la religion de ses parents, de ses grands-parents, mais pour en tirer le meilleur et en arracher la pourriture qui la ronge. Volonté de réparer la maison dont on a hérité plutôt que de déménager en la laissant s’effondrer : comment le leur reprocher ? Ainsi, le sentiment que l’on ferait semblant, que l’on tricherait si l’on exprimait sa foi autrement que dans le langage symbolique et rituel qui a le premier éveillé notre piété. Et de cette intimité de la relation entre soi et le divin, qui pourrait se permettre de juger ?

Discernement exigeant contre adhésion aveugle

Tout ceci est évidemment légitime, à condition toutefois de ne pas nier la réalité, de ne pas nier les problèmes de l’islam ni les problèmes que l’islam pose au monde, et de faire usage d’un discernement exigeant plutôt que d’une adhésion aveugle. C’est d’ailleurs ce à quoi appellent, avec lucidité et courage, des personnes comme Abdennour Bidar, Yadh Ben Achour, Mohammed Louizi, Mohammed Sifaoui, Ghaleb Bencheikh ou Razika Adnani.

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Pour que la liberté ne devienne pas une caricature…

Faire aujourd’hui le choix de l’islam oblige au minimum à lutter, comme ils le font, contre tout ce qui dans cette religion en fait un danger pour le reste du monde : poison de la tentation théocratique et totalitaire, mais aussi poison plus insidieux de cette autre tentation que sont la fuite et le déni. Le « cépaçalislam » qui, mêlé à une forme de solidarité clanique, permet si facilement aux fanatiques de s’abriter au sein de l’Oumma. Dans la situation actuelle, le silence de la majorité silencieuse est un silence complice, et ce n’est plus acceptable.

D’ailleurs, à moins de penser qu’Allah soit véritablement le tyran abject que dépeint l’islam théocratique, comme pourrait-on prétendre croire en lui sans lutter contre ceux qui font de son culte l’adoration d’un monstre auquel ils donnent son nom ?

Bien sûr, il serait absurde de dire que l’on ne pourrait légitimement adhérer qu’à une religion parfaite. Tout comme les modélisations scientifiques ou les idéologies politiques, les religions sont nécessairement imparfaites – et n’en déplaise à certains dévots, prétendre que sa religion serait parfaite revient à idolâtrer une doctrine au lieu de vénérer le divin. Mais enfin, entre accepter l’imperfection et se résigner à la corruption, il y a un monde !

Et ne nous leurrons pas. Trop souvent, le choix de l’islam n’est pas le choix de combattre de l’intérieur ce qui gangrène cette religion. C’est le choix de nier cette gangrène – par esprit tribal, par arrogance, par paresse, par peur – ou, plus lucide mais plus ouvertement malveillant, le choix d’adhérer à cette gangrène même, le choix conscient de servir ce qu’il y a de pire dans l’islam. La critique d’un choix est toujours libre, y compris d’ailleurs lorsque ce choix est bon, mais dans ces deux cas, critiquer ce choix et critiquer les personnes qui le font est plus qu’un droit : c’est un devoir. Un devoir citoyen, un devoir moral et, pour ceux qui ont la foi, un devoir spirituel.

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Cannabis: prohibition, piège à cons


La pénalisation française du cannabis n’empêche pas son trafic d’exploser. Au nom d’une posture morale, la classe politique, notamment à droite, se drape dans un aveuglement aussi absurde qu’inefficace. Comble de la tartufferie, la nouvelle amende forfaitaire infligée aux consommateurs remplit les caisses de l’État.


Lorsqu’on s’affiche « Causeur Friendly », on éprouve souvent un sentiment d’irréalité face au traitement médiatique de l’immigration, au décalage asphyxiant entre les discours progressistes et la dure réalité d’une France multicul par-dessus tête. La prohibition du cannabis, conte pour enfants comparable à celui de la maîtrise de nos frontières, devrait susciter en nous un vertige équivalent au regard de l’ampleur du foutage de gueule – l’un des plus grands de ce pays, pourtant peu avare en politiques publiques cataclysmiques.

Des rires préenregistrés mériteraient d’accompagner toutes les déclarations martiales des ministres annonçant un renforcement de la lutte contre l’« économie souterraine » des cités. La guerre contre la drogue (aussi victorieuse que Napoléon à Waterloo) possède désormais tous les attributs de la farce tragique jouée par des comédiens au bout du rouleau.

Des milliers de personnes vivent directement du trafic

Des réseaux parfaitement organisés fournissent du haschisch aux Français, du CM2 jusqu’à leur entrée dans la vie active et bien au-delà. Un maillage territorial, digne de celui de McDo, permet de structurer autour de « fours » une distribution efficace. Ces points de vente s’apparentent au drive-in tant du point de vue du service que du chiffre d’affaires (on évoque 20 000 euros nets par jour par four). Côté action, la police se lance sans conviction dans des descentes aux résultats insignifiants, quand elle ne reçoit pas tout simplement l’ordre de garer ses voitures dos aux points de deal – vivre-ensemble oblige. L’action, la vraie, relève à présent quasi exclusivement des trafiquants et de leurs règlements de comptes en scooter, option Uzi. Les habitants des cités n’ont depuis belle lurette d’autre choix que celui de subir ou de jouer les nourrices en stockant le shit, ce qui est parfois le cas d’immeubles entiers. Résultat tangible de la prohibition, plusieurs dizaines (centaines ?) de milliers de personnes vivent directement du trafic du cannabis dans des territoires généralement réputés perdus, mais qui ne le sont pas pour tout le monde. Face à ce qu’un observateur débarqué de Mars qualifierait de fiasco complet, les autorités françaises viennent de réagir fermement : au lieu d’une année de prison totalement virtuelle, la fumette sera désormais soumise à une amende forfaitaire de 200 euros. Panique chez les dealers et les consommateurs (rires enregistrés).

Imaginons les dealers plutôt en autoentrepreneurs du joint ou en franchisés d’un futur Nicolas de la ganja

Quartier des Grésilles à Dijon, 15 juin 2020 : opération de police, après quatre journées de violences intercommunautaires sur fond de trafic de drogue. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
Quartier des Grésilles à Dijon, 15 juin 2020 : opération de police, après quatre
journées de violences intercommunautaires sur fond de trafic de drogue. © PHILIPPE DESMAZES / AFP

Même lorsque le voile de la farce se déchire à Dijon – où le trafic de drogue constituait bien sûr la toile de fond de l’affrontement entre Tchétchènes et Maghrébins –, ni les Français ni leurs gouvernants ne paraissent pourtant vouloir remettre en cause la fable de la prohibition du cannabis. Ce statu quo délétère paraît satisfaire tant la gauche libertaire – ce que l’on peut comprendre – que la droite sécuritaire – ce qui est plus mystérieux.

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La gauche libertaire a en effet gagné depuis longtemps le combat hédoniste du droit individuel à la fumette. La prohibition d’opérette la contente pleinement : la demande, notamment celle des beaux quartiers, se voit comblée et dépénalisée de facto. Quant aux réseaux, ils permettent un ruissellement de la manne du trafic vers la population locale, offrant aux banlieues un informel RSA (canna)bis aux vertus pacificatrices. Qu’au passage, cette délégation publique aux mafias du monopole de la distribution ait accompagné l’émergence d’une contre-société hostile à la France ne lui déplaît pas fondamentalement, c’est plus fort qu’elle.

À droite, on se répartit les rôles entre deux camps. Il y a les défenseurs de la morale et de la santé publique – « la drogue, c’est mal », dans un registre comparable au discours de la gauche morale « la prostitution, c’est très vilain » (rires enregistrés). Cette grande rectitude les pousse à ignorer l’irrépressible demande de joints (comme de sexe), à diaboliser tout débat sur la prohibition, donc toute réflexion sur la mainmise des mafias sur les parties les plus denses du territoire, et donc à renoncer à toute action concrète pour y mettre fin. Cette ligue de vertu ne veut pas comprendre que c’est l’abus du cannabis et non le simple usage qui pose problème, exactement comme pour l’alcool. Toutefois, à la différence de ce qui se passe avec la vodka-Red Bull, la science a constaté l’impossibilité de mourir d’une overdose de tétrahydrocannabinol, un fait sans valeur aux yeux des pères la pudeur qui « défendent la jeunesse ». Les comas éthyliques, oui ; mais non, cent fois non au rire niais du pétard. Inutile de préciser que les barons de la drogue du 9-3 applaudissent à chaque sortie de Boutin ou Retailleau, ces alliés objectifs de leur florissant business.

Farouche volonté de ne rien voir

Il existe bien sûr la frange dure de cette droite, jadis incarnée par Sarkozy (rires enregistrés), mais dont certains électeurs sont, eux, sincèrement prêts à envoyer l’armée rétablir l’ordre dans les cités. Rappelons à ces citoyens motivés que notre État bedonnant s’est révélé incapable de virer 200 crasseux en sarouels à Notre-Dame-des-Landes. Pierre Brochand, ex-patron de la DGSE, ne semble lui-même pas du tout convaincu que la France dispose de la capacité militaire à reprendre le contrôle des territoires maîtrisés par les dealers. Ce Diên Biên Phu potentiel, à cinq kilomètres de la tour Eiffel, devrait faire réfléchir les plus excités. Néanmoins, le jeu de rôles permet aux représentants de cette partie du spectre politique de multiples variations autour du thème du Kärcher, ce qui échauffe les esprits de leurs électeurs, sans refroidir les fours.

L’incapacité de notre pays à évaluer ses politiques publiques révèle l’autisme profond de « décideurs » bien déterminés à ne prendre aucune décision. Leur ligne de conduite : nous mener au désastre certes, mais de façon consensuelle en respectant tous les statu quo. Comme l’a déjà souligné Marcel Gauchet, l’impossibilité d’un diagnostic partagé, dans ce domaine comme dans tous les autres (chômage, éducation, justice, santé…), conduit à la schizophrénie actuelle. Prétendre reconquérir les banlieues (rires) et les libérer d’une économie souterraine (rires) sans remettre en cause la prohibition fictive qui en constitue pourtant le principe fondateur (rires hystériques, applaudissements). Situation révoltante qui relève d’une pensée obtuse et plus encore du cynisme.

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La bêtise conduit à ignorer Jean-François Revel et à juger cette politique prohibitionniste sur ses intentions louables plutôt que sur ses calamiteux résultats – rigoureusement inverses aux objectifs. Les nobles ambitions de la prohibition boxent dans la catégorie du communisme, celle des fiascos diaboliques. Si seulement les moralistes acceptaient de comparer la situation française à celles des États qui ont légalisé le cannabis (Uruguay, Canada, Californie, Colorado, etc.) ou dont la législation se montre en théorie plus laxiste que la nôtre (rires) – Portugal, Espagne, Pays-Bas, Thaïlande (!)… Ces dangereux pays de perdition comptent pourtant moins de fumeurs de pétards que la France… Si elle ne parvient même pas à réduire la consommation, la prohibition ne sert donc décidément qu’à fracturer le territoire. À l’instar du dossier migratoire, celui du cannabis révèle une farouche volonté de ne rien voir, rien faire, tout en se drapant dans la posture morale de l’interdit vertueux.

Prohibition en carton-pâte

Le cynisme, quant à lui, règne en maître. La veulerie des gouvernants qui redoutent moins les conséquences du trafic que celles de son arrêt. L’hypocrisie des élus qui savent que, toutes couleurs politiques confondues, certains maires de banlieue doivent composer avec la puissance locale des trafiquants. La tartufferie des politiciens qui n’ignorent rien de la porosité qui existe entre les réseaux mafieux et le maillage salafiste. Ces deux ennemis mortels de la République ne partagent pas seulement des territoires ; ils partagent aussi la caisse, désormais avec la complicité passive de nos élites. Mais ça ne semble révolter personne.

C’est au demeurant sous cet angle sécuritaire que la droite doit légitimer un débat sur la légalisation, seule alternative crédible à la prohibition en carton-pâte. Quelle autre mesure permettrait en effet de réallouer à la lutte antiterroriste les effectifs de la police judiciaire ou de la justice qui consacrent une énergie précieuse à cette pantalonnade ? Et sans rien coûter au contribuable, qui dit mieux ? Tous ces pauvres fonctionnaires condamnés aujourd’hui à vider l’océan du trafic du cannabis avec une cuillère trouée pourraient traquer les barbus. Dans un pays qui n’hésite pas à comptabiliser ce trafic à hauteur d’un milliard d’euros dans son très officiel PIB (rires enregistrés), offrir à nos Eliot Ness la fin de la prohibition constituerait, en réalité, une marque de respect.

Cette modeste intégration de l’argent de la drogue aux comptes de la nation n’a cependant suscité aucune protestation des pères la pudeur. Elle permet d’emprunter sur les marchés 3 % de ce montant en respectant feu les critères de Maastricht – 30 millions d’euros – soit le prix de quelques crèches. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi encaisser des charges sociales et de la TVA sur une distribution légalisée s’apparenterait, cette fois, à un pacte avec le Malin. Percevoir sur le shit des taxes comparables à celles que rapporte le Ricard ne choque que les imbéciles qui nous doivent une ultime explication. On s’interroge en effet sur la façon d’intégrer les gamins de 14 ans qui gagnent autant en une journée de vigilance autour des fours qu’un apprenti plombier ayant sué pendant un mois – et la solution tarde à venir après trente ans de patience. Imaginer les dealers plutôt en autoentrepreneurs du joint ou en franchisés d’un futur Nicolas de la ganja ne correspond sans doute pas à un idéal exaltant, mais apporte un début de réponse à toutes les impasses d’une prohibition fictive. Ce que les partisans de cette dernière s’abstiennent résolument de faire.

Pendant l’épidémie, le Brexit se poursuit

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La pandémie et l’élection présidentielle américaine sont partout, le Brexit se voit à peine. La structure bruxelloise chevauche la pandémie avec joie, car elle permet un éloignement de la question britannique ; de la réalité qu’un pays membre de l’Union européenne a choisi de la quitter. Malgré les discours apaisants des deux côtés de la Manche, pour l’instant un accord reste inobservable, introuvable, inimaginable.


Entre l’Europe et le Grand Large

Churchill aurait dit à de Gaulle que pour la Grande-Bretagne les choses étaient claires, le Grand Large serait toujours le choix des Britanniques, en détriment de l’Europe. Après la décolonisation un nombre impressionnant de têtes pensantes a cru que cette assertion churchillienne était caduque, inopérante, incompréhensible. Cela est facilement explicable, ils ont réduit le Grand Large à l’empire. Instinctivement ils ont pensé que la fin de l’empire serait accompagnée par l’impossibilité de réaliser une politique en dehors de l’Europe continentale.

Pourquoi se sont-ils trompés ? Tout d’abord parce qu’ils méconnaissaient l’importance d’un imaginaire commun. Le Grand Large doit être compris comme une union ombilicale entre ce que Churchill appelait les gens de langue anglaise (English-speaking peoples). L’idée centrale est discernable. Un Britannique sera toujours plus proche d’un Américain ou d’un Australien que d’un Polonais ou d’un Italien. La distance culturelle étant plus importante que la distance géographique. L’alliance des Five Eyes démontre que Londres est très proche de ses anciennes colonies, des alliés de longue date, par exemple la France, ne font pas partie de ce club restreint, limité aux anglophones.

Un dialogue de sourds

Boris Johnson a dit récemment qu’un accord convenable devrait être trouvé avant le 15 octobre. Il enchaîna disant que l’absence d’un accord serait un good outcome (bon résultat). Le gouvernement britannique sait que la pandémie n’arrête pas la volonté indépendantiste écossaise ni les négociations avec Bruxelles. La vie normale continue, et doit continuer. Une certaine intelligentsia a voulu instrumentaliser la pandémie pour fossiliser la politique, pour écarter les questions centrales. En Angleterre ils échouèrent.

Sur le continent Michel Barnier reste le maître de cérémonie, le décideur des 27, l’homme clef dont on ne peut pas se passer. Pourtant outre-Manche The Telegraph avançait qu’il pourrait être écarté des négociations pour éloigner la faction qui veut punir le Royaume-Uni, dont il serait l’un des plus hauts représentants. Des murmures laissent entendre que l’Allemagne craint l’intransigeance française et veut être conciliante avec Londres. Pour l’instant ce sont des spéculations, mais sa confirmation démontrerait que l’union des 27 présente des fissures désarmantes.

Dans une interview à la chaîne Sky News, le Foreign Secretary Dominic Raab a répondu à plusieurs questions de la journaliste Sophy Ridge, l’une d’entre elles faisait référence à sa position que l’État ne doit pas trop intervenir dans l’économie. Sa réponse fut intéressante, car elle amalgame la question du Brexit avec celle du coronavirus – « ce que vous avez fait brillamment est synthétiser pourquoi ce débat est démocratique, choisir le marché libre ou l’interventionnisme étatique, être Jeremy Corbyn, Boris Johnson, ou être quelque part entre eux, cette question doit être tranchée par les représentants élus par vos spectateurs. Et nous n’abandonnerons pas ce pouvoir décisionnel, nous ne permettrons pas que l’UE puisse le contrôler. Donc, indépendamment de votre opinion sur le sujet, le principe est que les personnes qui nous regardent doivent contrôler les politiciens qui font ces règles très importantes. » L’Union européenne parle un langage économique, la Grande-Bretagne répond politiquement, souverainement. Bruxelles n’est plus préparée pour une conversation de ce genre, parce que dans le continent le concept de souveraineté a été morcelé, ramolli.

Raab continua et mentionna un mot très anglais, accountability – le besoin de rendre des comptes. Les Britanniques peuvent tout accepter, sauf des impositions étrangères.

Les conséquences continentales du Brexit

Le Brexit a changé la donne. Pensé perdant par une grosse majorité continentale, trouvé vainqueur après le référendum, il a permis d’entretenir la flamme eurosceptique partout en Europe.

La France est rentrée – momentanément ou non – dans le giron du projet européen, pensons notamment aux changements de position du Rassemblement National, mais la défiance polonaise et l’instabilité italienne posent…

>>> Lire la fin de cette analyse sur le site de la revue Conflits <<<

« Toucher au portefeuille des consommateurs de cannabis va plutôt dans le bon sens mais… »

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En publiant La France des caïds, l’avocat pénaliste Gérald Pandelon jette un pavé dans la mare. À travers une série de portraits de caïds de cités, il décrit précisément et de l’intérieur le fonctionnement du trafic de stupéfiants en France, et nous dévoile les raisons pour lesquelles il continue de prospérer un peu partout. Les dealers ont une emprise considérable sur les milieux économiques, sociaux et la politique locale. Selon l’auteur, le plan sécurité de Gérald Darmanin n’y changera pas grand-chose… Entretien.


Isabelle Marchandier. Dans la France des caïds que vous avez publié début juillet, vous fustigez la politique de l’autruche face au narcobanditisme. Pourtant, la lutte contre les stupéfiants semble érigée comme le principal cheval de bataille du plan sécurité du gouvernement… Est-ce encore un coup de bluff ?

Gérald Pandelon. Je le crains. Le trafic de stupéfiants ne s’est jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui. Regardons les chiffres. D’après l’office anti-stupéfiant (Ofast), le marché représenterait 3.6 milliards d’euros annuels en France. C’est l’un des secteurs économiques les plus florissants, il emploie plus de 200 000 personnes dans notre pays. De plus, le blanchiment représente 3.2 milliards d’euros. Autrement dit, il s’agit d’une activité très lucrative qui ne profite pas seulement aux trafiquants.

Préserver la paix sociale n’est toutefois pas la seule raison de l’inaction…

Tout le monde grignote son gâteau empoisonné, du manant au grand commis de l’État, de la maman de cité avec quatre enfants à charge au patron de PME cherchant du cash pour baisser ses charges. Chacun trouve son intérêt dans ces crimes et délits ; et, pour le dire rondement, tout se passe comme si l’ensemble des Français vivaient, directement ou indirectement, au crochet des caïds. En fait, ce qui fait la force du narcobanditisme, c’est qu’il est multicarte. Sa nature est poreuse et insidieuse. C’est pour cela que la lutte anti-stup’ de Darmanin, c’est encore de l’enfumage.

Des interventions musclées des forces de l’ordre dans les cités gangrénées par le trafic sont-elles inenvisageables, par crainte de violencs urbaines et de l’embrasement qui pourraient en découler ?

Au début des années 2000, le renoncement était déjà acté par les politiques. Lors d’un diner avec Charles Pasqua, je l’avais justement interrogé sur l’abandon de nos cités aux trafiquants et sur l’absence de répression. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque l’ex-ministre de l’Intérieur, pourtant défenseur d’une ligne dure et créateur du SAC, m’a rétorqué avec sa faconde légendaire, qu’il était non seulement déjà trop tard pour régler le problème et qu’il valait mieux au nom de la sauvegarde d’une sacro-sainte paix sociale, laisser prospérer le trafic dans des zones de non-droit plutôt que dans nos centres-ville. Autrement dit, qu’il était urgent de ne rien faire. Rajoutant, en outre, que le trafic remplissait aussi une fonction sociale : « faire bouffer ceux qui sont affamés ».

A lire aussi, Stéphane Germain: Cannabis: prohibition, piège à cons

Et c’est encore plus le cas aujourd’hui. Le trafic de stupéfiants crée un lien social au sein des cités puisque les trafiquants se substituent en grande partie aux missions exercées par l’État. Préserver la paix sociale n’est toutefois pas la seule raison de l’inaction. Certains acteurs politiques peuvent ponctuellement avoir recours aux services des caïds des cités, lesquels, en retour, attendront des services de la part des élus. Avez-vous entendu parler des marchés publics ? En fait, ce qui règne c’est bien la « BAC », mais pas celle que vous croyez. La BAC, c’est aussi l’acronyme pour qualifier non pas ces policiers d’élite, mais pour traduire une réalité sociologique ternaire : banditisme, affairisme et clientélisme !

Le gouvernement semble prendre le problème à bras le corps. Installer des caméras, armer la police municipale, généraliser l’amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis… toutes ces mesures évoquées par Gérald Darmanin et mises en place à Saint-Denis la semaine dernière sont-elles insuffisantes ?

Sur le papier, ces mesures sont pertinentes. Mais sur le terrain, c’est plus compliqué. Prenons l’exemple de l’amende forfaitaire. Toucher au portefeuille des consommateurs va plutôt dans le bon sens. Mais comment procéder à l’interpellation desdits contrevenants sans que soit déployé un nombre considérable de fonctionnaires de police pour qu’un résultat réellement significatif soit enregistré ? Les 6 000 policiers supplémentaires annoncés tambour battant par Gérald Darmanin ne suffiront pas. Et ce n’est pas l’installation de caméras qui va gêner les trafiquants cagoulés et aujourd’hui simplement masqués (merci le Covid !). Quant à l’armement de la police municipale, il s’accompagne aussi du désarmement policier généralisé, puisque les forces de l’ordre ne peuvent utiliser leurs armes qu’en cas de légitime défense… Sauf circonstances très exceptionnelles, les trafiquants ne s’aventurent jamais à tirer sur des policiers, connaissant le risque pénal encouru. Je pense que face à la réalité de l’organisation et du fonctionnement du trafic, d’autres mesures devraient être mises en œuvre.

Comme s’attaquer au blanchiment d’argent, moteur du trafic ?

Il faut bien comprendre que le blanchiment est consubstantiel au narcotrafic. Pour les caïds, la remise d’espèces n’est qu’une première étape dans le blanchiment de leur cash. Leur défi est de réinjecter de l’argent dans l’économie réelle. Ils font encaisser les chèques par des prête-noms et s’achètent ainsi, sous couverture, des parts dans des sociétés qui ne sont pas toujours de si petites entreprises…

A lire aussi, Jean-Pascal Caravano: Amende de 200€ pour les consommateurs de cannabis: encore un enfumage?

L’argent sale fait vivre des pans entiers de la société. C’est sa force. Les narcotrafiquants soutiennent des familles démunies et des petits commerçants croulant sous les dettes, non sans arrières pensées. Dans les quartiers nord de Marseille, les zones de non-droit ont toujours été dirigées par des politiques situés à gauche, censés lutter contre les inégalités. Après plus de 40 ans de gestion socialiste dans ce secteur, il n’y a jamais eu autant de pauvreté et de flambée de la violence.

Dans votre livre, vous expliquez qu’il faudrait ouvrir les vannes du crédit, pour éradiquer le blanchiment et par conséquent le narcotrafic.

J’en suis convaincu ! Si les banques faisaient davantage confiance en prêtant plus facilement de l’argent à des particuliers et à des entrepreneurs, alors une bonne partie du blanchiment serait asséchée. Aujourd’hui, un chef d’entreprise qui a besoin d’emprunter une somme de 100 000€, se heurte à l’orthodoxie budgétaire des établissements bancaires. Pour appuyer sa demande de prêt, il doit fournir un nombre aberrant de documents dont l’effet dissuasif en décourage plus d’un, quand son prêt ne lui est pas finalement refusé. Dès lors, en désespoir de cause, l’emprunteur s’adressera parfois à un caïd qui, en 48 h, lui prêtera ladite somme qui sauvera son entreprise. Je pense donc que si on ouvrait les vannes du crédit, on pourrait ralentir le recours à des capitaux d’origine potentiellement frauduleuse. En dernier ressort, un entrepreneur préfèrera toujours emprunter 100 000€ à une banque et les rembourser sur sept ans, plutôt que d’emprunter cette même somme en espèces à un voyou, qui, le sachant aux abois, exigera 150 000€ douze mois plus tard, en espèces de surcroît. En définitive, cette absence de directives de l’État pour contraindre nos banques conduit des entrepreneurs à se jeter pieds et poings liés dans les filets des caïds. Si l’on ne saisit pas cette dimension, on se condamne volontairement ou non, à ne rien comprendre.

Immigration maghrébine, chronique d’un (colossal) rendez-vous raté

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Si l’immigration maghrébine est de plus en plus critiquée, l’incompréhension et la complicité passive des Français face à des phénomènes complexes menant au « séparatisme » ne doivent pas être oubliées non plus.


Accuser les Français de racisme est à la mode, c’est le dernier chic même dans certains milieux universitaires et artistiques. Un passage obligé pour se faire adouber par les élites parisiennes qui confondent humanisme et automutilation. Pourtant, s’il y a un reproche majeur à faire aux Français, ce n’est pas leur prétendu racisme, mais plutôt leur immense imprudence face à l’immigration.

En ouvrant leurs frontières à l’immigration de masse, ils n’ont pas suffisamment songé à la vie mentale et spirituelle des immigrés. Ils ont vu passer des valises et des visas sans s’apercevoir que des civilisations entières franchissaient la barrière des Pyrénées à leur nez et à leur barbe. Par naïveté et paresse intellectuelle, ils ont voulu réduire l’étranger à un simple homo economicus alors que l’homme, quel qu’il soit, est toujours sous l’influence d’un inconscient collectif où résonne la voix de ses ancêtres qui lui crient, d’outre-tombe, leurs peurs, leurs espoirs et leurs partis pris, en gros leur sensibilité.

La civilisation, une évidence ignorée

Depuis quarante ans, plusieurs civilisations se sont donc installées en France. Certaines sont invisibles et silencieuses comme celles qui sont nées en Indochine et en Arménie. D’autres défraient la chronique comme la civilisation sahélienne ou maghrébine. Celle-ci est autre chose que la religion musulmane : elle compose en réalité un tableau complexe et parfois déroutant de comportements, de valeurs et de modes de vie. Autant de traits qui racontent l’histoire commune de peuples qui, par le cynisme et l’incurie de leurs élites, ont été mis aux fers durant des siècles et obligés de vivre intimement avec la pénurie. Plus que musulmane, cette civilisation est fille de la sécheresse qui stérilise les sols et dévitalise les hommes. Plus qu’arabe, elle est le reflet d’une paysannerie rustre et d’une féodalité sans éclat. Elle méconnaît l’Egalité et n’y aspire point.

« Le Français ne peut pas comprendre le langage de l’humiliation, qui bien plus que la violence, imbibe la civilisation maghrébine » Driss Ghali

Cette civilisation a joué et joue encore un rôle crucial – le premier rôle – dans le fiasco de l’immigration maghrébine. Invisible aux marxistes et aux matérialistes, elle s’est exprimée dans un langage codé où les faits divers racontaient une autre histoire que la logique des inégalités sociales. Si les Français avaient ouvert les yeux à temps, ils auraient reconnu la présence d’un Être supérieur qui agit en sourdine pour imposer aux immigrés maghrébins une grande retenue vis-à-vis de la France, une sorte de distanciation sociale.

Auto-sabotage et ingratitude

L’histoire de la civilisation maghrébine en France est celle d’un gâchis qui s’est décidé très tôt, dès son débarquement massif dans les années 1970.

Causant l’incompréhension parmi les observateurs les plus bienveillants, nombreux ont été les immigrés qui ont dit « non » à la France. Ils ont dit « non » à deux reprises quitte à en payer le prix le plus lourd, celui de l’échec et de la marginalisation.

Le premier refus a consisté à déclarer la guerre à l’Etat français le confondant avec l’appareil de répression et d’exploitation en place au sud de la Méditerranée.

Les fraudes aux allocations (de 17 à 30 milliards d’euros par an), les mariages blancs (illégaux), les dégradations des HLM font partie d’une longue série d’offenses dont les racines plongent dans un terrain stérile où l’homme déteste l’Etat (corrompu, arbitraire et incompétent) et l’Etat méprise l’homme (bonimenteur, hypocrite et fraudeur).

Le second refus a été signifié au peuple français en personne, exposé à un déluge d’agressions. Aucune blessure narcissique n’a été épargnée à la population autochtone puisque ses femmes sont offensées, ses policiers battus et ses élus agressés. Tout cela n’est rien d’autre que la continuation de la guerre entre Roumis et Musulmans, une guerre de religion mais aussi un conflit de civilisation qui dure depuis l’entrée des cavaliers arabes en Afrique du Nord il y a 1400 ans.

Certains bien sûr (et ils se comptent par milliers) ont accepté les règles du jeu françaises. On les trouve partout du secteur privé à la police en passant par l’enseignement. Leur rendre hommage est nécessaire car ils ont su dire non à leur civilisation d’origine, une mère jalouse et possessive. Toutefois, ils ne pèsent pas grand-chose devant les milliers de jeunes qui se sont laissés séduire par les sirènes de la médiocrité. Pire que la médiocrité est la futilité, une spécialisation choisie la tête haute par les célébrités censées représenter les Maghrébins de France. Ils sont rappeurs, clowns ou repris de justice, aucune de ces qualités n’étant exclusive des autres. Ils répètent tous le même mantra fondé sur la victimisation et la haine de la France.

Cruelle ingratitude de celui qui crache sur la main tendue, la France ayant été le premier pays au monde à traiter les Maghrébins comme des êtres humains. Jamais auparavant, les élites marocaines, algériennes ou tunisiennes n’avaient pris la peine de soigner, d’éduquer ou d’assurer leurs ressortissants contre les aléas de la vie.

Le complexe de la Belle au bois dormant

Cette histoire s’est écrite à deux et le rôle de la France ne peut pas être passé sous silence pour faire plaisir aux pourfendeurs de l’immigration maghrébine. Ce serait commettre une grande injustice et un tragique contre-sens. Le rôle de la France dans cette catastrophe peut se résumer à l’incompréhension et à la complicité passive.

Le Français moyen n’a pas les moyens (ce n’est pas de sa civilisation) de comprendre que dans une société structurée par l’arbitraire, il n’y a pas de place au juste milieu : ou vous êtes capable de vous défendre (vous-même ou par le truchement d’un tiers), ou vous êtes vulnérable telle une mouche exposée aux aléas du vent.

Trempé depuis son jeune âge dans l’Egalité, le Français croit que le caïd de banlieue est l’expression de la pauvreté alors qu’il est pure volonté de dominer et de discriminer les forts (ses amis, sa famille) des faibles (tous les autres).

Civilisé par un long processus d’adoucissement des mœurs, le Français a quelque chose du mouton sans berger mis à côté d’une civilisation où douceur et bienveillance sont lues comme des signes de faiblesse. L’homme français d’aujourd’hui s’empêche non par respect d’un interdit religieux ou par peur du gendarme mais parce qu’il a reçu en héritage le devoir de gérer sa frustration. Il respecte la femme non par peur du mouvement me too mais parce qu’il estime que la femme a le droit au respect en toutes circonstances, qu’elle soit mariée ou célibataire.  Il ne peut pas comprendre le langage de l’humiliation, qui bien plus que la violence, imbibe la civilisation maghrébine. Il n’a jamais eu besoin de baiser une main pour obtenir justice ou de payer un bakchich à un infirmier minable pour être soigné.

A ce titre, l’obsession du Maghreb pour l’Islam n’est pas seulement religieuse, elle est également d’ordre psychique.  Dans un milieu sans surmoi, dans une société où l’être ne s’empêche pas de lui-même, il n’y a de surmoi que dans l’interdit religieux. Tu ne tueras point, tu ne commettras pas l’adultère etc. Enlevez l’Islam et le Maghreb devient le théâtre d’une guerre de tous contre tous. Enlevez la religion à la France et la paix civile demeurera intacte (c’est déjà le cas).

L’excuse tue

Le Français atténue la réalité et refuse de nommer les choses par leur nom. Il a compris que sa liberté d’expression se limite à la liberté de répéter ce que les élites bien-pensantes estiment juste et désirable.  Ainsi, quand on casse la gueule à ses enfants sur le chemin de l’école, il parle d’incivilités. Quand on l’agresse lui dans le métro parce qu’il est Français, il évoque une mauvaise rencontre et non une attaque raciste. Quand il lit dans un journal qu’une jeune fille a été molestée au cri de « sale Française », il préfère se désabonner « pour ne pas soutenir les médias d’extrême-droite ». En réagissant ainsi, il est complice et mouillé jusqu’au cou dans ce qui arrive à son pays.

La France a répondu de la pire manière possible en s’excusant et en excusant. La repentance a accompagné le laxisme. Là où il fallait poser des limites claires et s’y tenir, la France n’a cessé de reculer et de condamner ceux qui refusaient de reculer. « Racistes », « fascistes », « xénophobes », aucune insulte n’a été épargnée à ceux qui voulaient simplement faire appliquer les lois françaises à tous ceux qui habitent en France. Depuis quarante ans, le « génie français » consiste à faire peser tout le poids de la culpabilité sur ceux qui dénoncent la haine et la violence et non sur ceux qui la promeuvent et l’incarnent. Cette terrible erreur d’appréciation est le fait d’une civilisation qui ne s’estime plus digne d’être défendue alors que nous sommes des millions dans le monde à la chérir.

Bien entendu, le résultat obtenu est contre-productif, le problème ne faisant que s’amplifier émeute après émeute, lynchage après lynchage. Habitué à reculer toujours plus loin les limites du tolérable, les Français s’enfoncent progressivement dans l’ensauvagement. Une civilisation raffinée et sophistiquée développe désormais en son sein des scènes de barbarie de plus en plus fréquentes. On brûle des voitures pour exprimer sa joie ou sa peine, on fend le crâne de son prochain pour une cigarette refusée… C’est dire le recul de la communication et du langage en France. Frapper au lieu de parler, quel progrès !

Il aurait fallu transmettre un message clair à la civilisation maghrébine au lieu de la laisser suivre son pilote automatique. Pour le bien des Français et des immigrés, il aurait mieux valu risquer l’excommunication médiatique que de laisser deux civilisations rater leur rendez-vous historique.

Personne n’est gagnant. Les Français ont perdu la douceur de vivre et la sécurité, les Maghrébins ont raté une chance unique de participer utilement à la marche du monde.

Les banlieues françaises n’ont rien de bien différent des villes maghrébines, ce sont des dépôts où fermentent des mentalités frustrées et aigries, des réserves de talent gâché où l’on produit peu et l’on se plaint beaucoup. Point d’innovation scientifique, point de sophistication sur le plan des arts et des créations de l’esprit, point de dynamisme économique. A quoi bon avoir traversé la Méditerranée pour reproduire les échecs des aïeux ?

Cela dit, il est impossible d’écrire à rebours ce qu’aurait été la réponse de la civilisation maghrébine à une France bien décidée à la contenir. Révolte ou résignation ? On ne saura jamais.

New Deal

La seule question qui vaille à ce stade de l’histoire est que faire. La réponse dépend de l’attitude des Français. S’ils veulent disparaître en tant que peuple souverain, la civilisation maghrébine fera le job et accélèrera le délitement en cours. Dans une ou deux générations, les mentalités et les paysages humains se seront alignés pour de bon sur les (mauvaises) normes en vigueur au sud de la Méditerranée. A l’inverse, si les Français croient encore en leur pays et aiment encore leur civilisation, ils peuvent se retrousser les manches pour proposer un New Deal à la civilisation maghrébine. Des limites, des limites et encore des limites en contrepartie du droit de vivre en France et de profiter des potentialités de l’Europe. Défi immense, projet complexe, les risques sont effectivement énormes. Et si ça marchait ? Quelle joie auront les historiens à écrire, dans cinquante ans, les pages heureuses d’une France qui aura réussi à faire rimer diversité et douceur de vie, pluralité et prospérité.

S’il y a un génie français, qu’il s’exprime autour de cette entreprise que la Terre entière observera le souffle coupé.

Raphaël Enthoven, merci pour ce roman

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Le Temps Gagné, l’autofiction de Raphaël Enthoven, fait scandale. Mais le lecteur peut aussi la voir comme un règlement de compte littéraire à visée pacificatrice!


En 2014, j’étais l’un des rares à défendre publiquement Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler. Dans un mouvement symétrique, je voudrais défendre le roman autobiographique de Raphaël Enthoven, Le Temps Gagné, qui est tout aussi injustement critiqué, d’ailleurs à coups d’arguments similaires. Je ne connais personnellement ni l’un ni l’autre de ces deux auteurs ; je voudrais tout simplement défendre le genre littéraire du règlement de compte.

Pas de malaise pour moi

Que reproche-t-on au plus médiatique philosophe de France ? Tout d’abord, de dresser un portrait au vitriol de membres de sa famille, en premier lieu de son beau-père et de son ex-femme. La belle affaire ! Bien d’autres romans autobiographiques, pourtant bien plus cinglants, sont quant à eux encensés par la critique. Nul ne reprocha par exemple à Edouard Louis son impitoyable critique des classes populaire dans En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014). Peut-être parce que l’on tolère plus facilement les critiques adressées à de modestes anonymes que celles visant des célébrités de Saint-Germain-des-Prés.

Ce n’est pas parce que Raphaël Enthoven a été rudoyé ou déçu par des gens connus qu’on devrait lui retirer le droit à la parole. Au contraire : il ferraille à armes égales avec des personnes (l’éditrice et écrivaine romancière Justine Lévy ; l’éditeur, écrivain et journaliste Jean-Paul Enthoven ; le philosophe Bernard-Henri Lévy ; le psychanalyste Isi Beller) qui ont la langue, la plume et l’accès médiatique pour se défendre. Je ne ressens donc pas le malaise que me procure le livre d’Edouard Louis, pour reprendre cet exemple, quand il étrille des gens qui n’ont pas forcément les mots et encore moins l’accès aux médias pour faire entendre leur part de l’histoire.

Critiques et lecteurs lambda reprochent ensuite à Raphaël Enthoven son indécence en raison des pans intimes de son entourage qu’il révèle. Quelle tartufferie ! C’est comme si des acheteurs de revues pornographiques s’indignaient devant la nudité des photos ! Si ce roman ne faisait pas écho à des personnes célèbres, il se vendrait bien moins.

Pages scabreuses

On reproche tout particulièrement à l’auteur de verser dans le côté scatologique de la vie quand il décrit le mode de défécation de son ancienne épouse qui cherchait à éviter les gros « plouf ! » dans une tentative belle mais perdue d’avance de préserver le glamour de la vie à deux. « Ça ne se dit pas ! » s’écrient les lecteurs qui, nostalgiques de leur enfance, voudraient que les romans, à l’instar des contes de fée, se contentent d’un « ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants ». Je crois, au contraire, que c’est véritablement au moment où le roman capte la vie quotidienne qu’il devient intéressant : c’est là que se démarque le bon romancier (ou le bon sociologue qui sont parfois les mêmes). En outre, il n’y a rien d’humiliant à relater ce petit détail fécal ; il est au contraire touchant d’observer que le silence de son ancienne femme aux toilettes était un véritable acte d’amour.

On aurait pu comprendre les contempteurs de ce roman si l’auteur-narrateur ne cherchait qu’à appuyer sur la tête d’autrui pour se rehausser et se donner le beau rôle. Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit. Raphaël Enthoven se dépeint volontiers en petit con manipulateur. Il va jusqu’à avouer qu’il mentait à ses conquêtes en se prétendant stérile afin d’acquérir le droit de leur faire l’amour sans préservatif ; aveu qui pourrait lui valoir la vindicte de nombreuses féministes. De même, il ne cherche pas à s’épargner les coups. Quand il raconte le jour où il s’est découvert beau garçon, il donne la joue droite et la joue gauche pour se faire battre.

Une revanche gaie vaut mieux que les passions tristes

Ce roman tranche avec son époque car l’auteur évite deux écueils : dire, d’un côté, que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ; et chercher, de l’autre, à faire pleurer dans les chaumières en se faisant passer pour une pauvre petite victime. Raphaël Enthoven avait déjà tranché avec son époque en refusant de saisir les tribunaux quand son ex-femme, Justine Lévy, l’avait étrillé dans son roman Rien de grave (Stock, 2004). La vengeance est un plat qui se mange froid, dit le proverbe. Le règlement de compte littéraire en est une forme suprême car il consiste moins à faire preuve de méchanceté qu’à mettre les points sur les i et à partager cette autoréparation avec style et gourmandise… et avec ses lecteurs. Celui qui glisse une peau de banane pour faire chuter son voisin a ceci de généreux de faire rire les passants. Une revanche gaie vaut mieux que les passions tristes.

En préférant répondre à ce livre (ainsi qu’aux baffes de son enfance et à la déception des adultes) par un roman, Raphaël Enthoven illustre le processus de civilisation décrit par le sociologue Norbert Elias. L’histoire se caractérise par un processus séculaire de pacification des mœurs, de contrôle de soi, de domestication des instincts. Nous ne nous battons plus en duel à la moindre offense ; nous répondons avec plus de panache par un bon mot. Ou un gros roman en guise de solde de tout compte.

Le temps gagné

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John Bolton persiste et signe (4/5)

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Zone démilitarisée de Corée (2019) © EPN/Newscom/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA31507896_000001

John Bolton publie un livre explosif qui dévoile les coulisses de l’administration Trump. Nidra Poller poursuit sa lecture du livre de l’ancien conseiller à la sécurité nationale 


Les trois premières parties sont à retrouver ici.

Rappel: A deux mois des présidentielles, on offre ici la 4e partie d’un résumé en filigrane du texte rédigé par l’ancien conseiller en sécurité nationale, ambassadeur John Bolton, qui raconte pas à pas la méthode Trump de gestion des relations internationales.

La Chine gronde

Bolton : « La configuration des affaires internationales du 21e siècle sera dessinée par les rapports économiques et géopolitiques entre les Etats-Unis et la Chine. » Pas convaincu de l’idée reçue — que la Chine sera naturellement entraînée par un développement économique galopant vers une libération politique — j’avais observé une augmentation des moyens militaires. Aujourd’hui on a compris que la Chine ne joue pas selon nos règles. Mais il n’est pas trop tard pour agir. Trump en est conscient et croit qu’il faudrait réduire l’enrichissement, à nos dépens, de la Chine. Je voulais intégrer ce principe dans une stratégie globale, mais Trump, à sa façon, se la jouait solo, préoccupé par le soutien de la Chine à sa réélection. Se fiant à son intuition et son « amitié extraordinaire » avec Xi Jinping, qui savait l’adoucir avec des flatteries grossières, le président ramenait tout, même le dossier Huawei, à une question d’échanges commerciaux.

John Bolton présentant son livre (c) Jasper Colt-USA TODAY/Sipa USA /30105171/usa/2006221511
John Bolton présentant son livre (c) Jasper Colt-USA TODAY/Sipa USA /30105171/usa/2006221511

De temps à autre, alors que les négociations piétinent et bifurquent, Trump annonçe qu’il est sur le point de réussir un deal extraordinairement spectaculaire. Comme un gamin, il cafte à Xi que les Democrats sont anti-chinois et il presse le leader de cette immense puissance économique d’augmenter ses achats de produits agricoles pour lui assurer le vote des agriculteurs. Quand Xi accepte de reprendre les négociations, bloquées au mois de mai, Trump le félicite : « Tu es le meilleur leader chinois depuis 300 ans ». Trump adore le tête-à-tête avec Xi, confiant que les deux big-shots, ayant écarté les Européens, sauront régler l’affaire.

Trump se vante d’être le meilleur, sait ce qu’il faut faire en Irak, en Syrie, dit qu’il fallait prendre le pétrole en Irak, au Venezuela et que les Chinois sont des sacré tricheurs… Dunford [le Chef d’Etat-major] tente de le remettre sur les rails, Trump bifurque sur la persécution des agriculteurs blancs en Afrique du Sud. Qui plus est, il veut se retirer d’Irak. «On a éliminé ISIS en Syrie,  je m’en fous s’il revient en Irak» …

Le président juge au doigt mouillé, disant à qui veut le croire qu’il va boucler le plus grand deal de l’histoire. Capricieux et inconséquent, il exigerait un jour des sanctions très fortes contre la Chine, pour reculer aussitôt parce que le [Treasury Secretary] Mnuchin s’y oppose. Il échange des lettres avec Xi comme un ado avec son pen-pal. Les réunions avec les conseillers partent dans tous les sens et ne mènent à rien. Sourd aux renseignements des services secrets, le président revient sur des décisions prises lors de consultations avec divers départements, annule l’amende imposée à ZTE, pourtant coupable d’activité criminelle, refuse de reconnaître la menace sécuritaire et industrielle du système 5G de Huawei. Trump entre sans préparation dans des pourparlers avec son homologue, improvise, dit tout et son contraire et parle surtout de ce que la Chine peut faire pour aider à sa réélection, en rassurant Xi qu’il n’a pas l’intention de se mêler aux questions sino-chinoises — Hong Kong, les camps de rééducation des Ouighours, Taiwan ….

La gestion de la pandémie pèsera forcément sur les présidentielles. Cherchant, comme d’habitude, à s’en sortir par le bagout, Trump n’est pas à la hauteur de la crise de santé publique. Au début, il pensait protéger le deal avec la Chine en cachant des informations sur la pandémie. Le NSC [Conseil de sécurité nationale] avait transmis au gouvernement début janvier des informations sur la sévérité de la pandémie et sur la nécessité d’un éventuel confinement, mais Trump n’était pas au gouvernail. A l’avenir,  le NSC devra être encore plus vigilant sur le plan de la biosécurité.

Du Hanoi Hilton à Panmunjom

Pas moyen de l’éviter : Trump raffole des sommets avec Kim Jong Un. Faisant les pieds et les mains pour l’empêcher de faire des concessions insensées, les conseillers avaient préparé un film montrant des présidents américains déclarant, l’un après l’autre, être sur le point de conclure un accord avec la Corée de Nord. A Hanoi, Trump est préoccupé par le témoignage en cours à Washington de son ancien conseil personnel, Michael Cohen.

La réunion avec Kim est très amicale, les deux chefs d’Etat échangent des plaisanteries, Kim se propose de fermer le site de Yongbyon en échange de la levée totale des sanctions. Seul avec la délégation américaine pendant une pause, le président demande à Bolton comment on peut imposer des sanctions sur un pays distant de 7 000 miles. « Parce qu’ils fabriquent des armes qui peuvent tuer des Américains ». « Ah, bon », répond Trump, comme si l’idée ne lui était jamais venue à l’esprit.

Bolton et Pompeo sont soulagés. La rencontre, écourtée, est suivie d’une déclaration du genre « on a fait des progrès et il en reste à faire ». Les collaborateurs du dictateur nord-coréen, emprisonnés ou exécutés — paient  cher l’échec.

Encore un zigzag annoncé par tweet : Trump, se disant sensible aux souffrances endurées par son très cher ami Kim Jong Un, lèvera des sanctions. Par ailleurs, le président presse ses ministres d’obtenir une augmentation de la contribution aux frais par les pays qui abritent des bases américaines. Incapable de comprendre la notion de sécurité nationale, Il pense qu’on défend ces pays « pour rien ».

Trump, fier de croire que tout le monde souhaite faire des deals avec lui, s’enfonce dans des fantasmes ;  le dictateur nord-coréen avance dans les provocations. Il lance des missiles dans la mer du Japon ; Trump hausse les épaules et prépare une rencontre dans la zone dimilitarisée (DMZ). Il poursuit ; Trump tweet son entière confiance en « Chairman Kim qui a une grande et belle vision pour sa nation, que seuls, les Etats-Unis avec moi comme président pourraient l’aider à réaliser ». Kim saurait faire ce qui est bien, parce qu’il m’aime trop.

Trump se régale de la photo-op au DMZ. Il garde Jared et Ivanka tout près de lui : il les aurait voulus à ses côtés au moment où il traversait la ligne de démarcation.

Trump perd son chemin, puis son courage

Des assauts, attentats et agressions iraniennes contre les Etats-Unis commencent avec la révolution islamiste en 1979 et continuent à ce jour… Aujourd’hui Khamenei précise : « Mort à l’Amérique veut dire mort à Trump, Bolton et Pompeo ».

A chaque pas, la bureaucratie met des bâtons dans les roues d’une politique ferme envers l’Iran. Pour être efficace, dit Bolton, les sanctions doivent tomber comme un couperet, pas au compte-gouttes avec avancées, reculades, et échappatoires. Or, Trump permet à Mnuchin d’affaiblir les sanctions contre l’Iran.

La France, l’Allemagne et l’Angleterre veulent sauver le JCPOA, Pompeo vacille, Zarif [le premier ministre iranien] accuse Bolton, Netanyahou et MBS d’empêcher le président Trump de faire la paix. Le président conçoit l’affaire iranienne comme un deal immobilier new-yorkais où on fait jouer des connections et de l’entregent. Il encourage Shinzo Abe et Emmanuel Macron (« qui vit pour l’Iran deal ») à l’aider à ouvrir des négociations, sans comprendre que cela affaiblit la position américaine. « Je suis [beau] parleur, j’aime parler », dit-il. Et Bolton de conclure : « Voici la stratégie iranienne magistrale de l’administration Trump ».

Pendant quatre mois, l’Iran est convaincu d’être en position de force. Les Européens rejettent l’ultimatum posé par Rohani sans se rendre compte de son importance. Trump minimise la gravité des attaques perpétrées contre un pétrolier dans le détroit d’Ormuz et contre des stations de pompage sur le pipeline saoudien. S’il faut réagir, dit-il, ce sera aux Etats du Golfe de régler la note.

La Défense cherche à élaborer une stratégie à long terme ; Trump se lance dans un riff, se vante d’être le meilleur, sait ce qu’il faut faire en Irak, en Syrie, dit qu’il fallait prendre le pétrole en Irak, au Venezuela et que les Chinois sont des sacré tricheurs… Dunford [le Chef d’Etat-major] tente de le remettre sur les rails, Trump bifurque sur la persécution des agriculteurs blancs en Afrique du Sud. Qui plus est, il veut se retirer d’Irak. « On a éliminé ISIS en Syrie,  je m’en fous s’il revient en Irak ».  Trump tweet à l’intention de l’Iran : « Il ne faut plus jamais nous menacer ». Le 19 mai une roquette tombe à un kilomètre de l’ambassade US en Irak.

Le président s’endort pendant un entretien avec Moon, pousse Abe à aller en Iran. MBS n’est pas content. Le 6 juin, lors de la commémoration du débarquement, Macron et Trump s’entretiennent au sujet de l’Iran. Bolton pense que Macron voudrait s’accrocher à l’initiative d’Abe. Trump accuse John Kerry de se mêler de l’affaire, l’empêchant de négocier la paix avec l’Iran. Mnuchin dit qu’on peut faire de l’off & on avec les sanctions. La conversation est un désastre intégral. Sur le vol de retour, Bolton est informé qu’un drone Reaper a été abattu au Yémen. Paul Selva, adjoint au chef d’État-major, estime qu’il ne faut pas réagir parce qu’on ne sait pas qui est l’auteur.

Le Japon est schizophrène sur la Corée et l’Iran. Pompeo dit à Bolton que ses homologues, ayant conclu, par la mission d’Abe, que la stratégie de pression maximale est finie, lui demandent comment aider avec la médiation. Israël, seul, n’hésite pas à se défendre.

Le 13 juin, frappe contre deux pétroliers, dont un japonais, dans le Golfe d’Oman. Trump dit à Bolton, « N’en fais pas un plat». C’est sa façon de faire disparaitre des réalités gênantes. Le président raille Abe, « Il ne faut pas avoir honte d’avoir totalement échoué avec Khamenei et Rohani », puis passe au sujet qui l’intéresse pour de vrai : le Japon devrait augmenter ses achats de produits agricoles. Trump n’a pas de patience pour les briefings, les fonctionnaires hésitent à frapper fort, Bolton pense le contraire. Interviewé par Time Magazine, Trump dit que les attaques n’étaient pas graves. Bolton se demande à quoi ça sert d’aller tous les jours au West Wing.

Aussitôt nommé Secretary of Defense, Esper est informé des frappes contre un site saoudien de désalinisation. On décide enfin d’une opération militaire. Bolton est satisfait du choix des cibles. Soudain, Trump décide de tout annuler.

Bolton : au cours de ma longue expérience gouvernementale, je n’ai jamais rien vu de si irrationnel. Pompeo est choqué : Eisenberg donne au président un chiffre tiré du chapeau—150 morts côté iranien —et il renverse une décision soigneusement prise en coordination avec son équipe. Pence est abasourdi. Pompeo me dit qu’il ne peut pas faire ce que le président  demande. C’est indigne. Il met nos gars en danger et augmente le risque d’un Iran doté d’armes nucléaires. Pompeo et Bolton se promettent de se tenir informés avant de démissionner.

Dans un barrage de tweets, Trump explique l’absence de riposte aux méfaits iraniens et déclare que l’Iran n’aurait JAMAIS l’arme nucléaire. Dunford est vexé : un jour Trump lui dit qu’il est nul, n’a pas fourni suffisamment de cibles, le lendemain il annule tout. Trump leur dit que ses tweets sont parfaits et que les Iraniens sont avides de négocier… Apprenant que le président a choisi le sénateur Ron Paul comme émissaire auprès des Iraniens, Pompeo est sans voix. Et pour Bolton, déjà à plusieurs reprises sur le point de démissionner, c’est le point de bascule.

Ce n’est pas encore fini : il y a Zarif à Biarritz, les Talibans à la Maison Blanche, l’Ukraine et la démission… à suivre dans la 5e et dernière partie.

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Transgenres: nième récidive pour JK Rowling

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L'auteur JK Rowling de nouveau dans la tourmente ! © Sonia MoskowitzGlobe/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30193785_000021

Avec son tout nouveau roman, l’auteur britannique s’attire de nouveau les foudres de la twittosphère LGBTQI+ qui l’accuse de transphobie pour avoir mis en scène un serial killer apparemment transgenre. Mais sans avoir lu préalablement le texte. Tandis que les médias français n’arrivent pas toujours à distinguer vrais et faux militants ultra-progressistes.


Décidément, quoiqu’elle fasse, JK Rowling ne peut qu’ameuter les progressistes LGBTQI+, tous empressés, au nom de la tolérance, de l’ensevelir sous un torrent de menaces de torture et de meurtre. Premier acte de cette comédie : en décembre 2019, Rowling affirme publiquement qu’il y a une différence significative entre une femme biologique et une trans femme et que l’on ne peut pas accorder exactement le même statut social à cette dernière catégorie de personnes qu’à la première. Deuxième acte : en juin dernier, elle attire les foudres des activistes en protestant sur Twitter contre leur tendance à remplacer le mot de « femme » par la périphrase « personnes qui ont des règles », comme s’il n’y avait pas de relation entre la condition sociale des femmes et la physiologie féminine. Troisième acte : fin août, suite à une intervention de la directrice de la fondation Robert F Kennedy Human Rights accusant Rowling d’avoir « porté atteinte à l’identité » des personnes transgenres et non-binaires, elle annonce qu’elle rend à cette institution un prix que celle-ci lui avait conféré l’année dernière. Le motif de ce retour ? L’injustice inhérente à une accusation qui suppose que Rowling est foncièrement transphobe, tandis qu’elle maintient seulement qu’il existe un conflit entre, d’un côté, les exigences les plus extrêmes du lobby transgenre et, de l’autre, les droits des femmes biologiques ou « cis-genrées ».

"Troubled Blood", le nouveau roman de Robert Galbraith, alias JK Rowling, est sorti hier dans les librairies.
« Troubled Blood », le nouveau roman de Robert Galbraith, alias JK Rowling, est sorti hier dans les librairies.

Ci-gît JK Rowling

Cette semaine, le rideau s’est levé sur le quatrième acte. L’occasion en est la sortie en anglais de son nouveau roman, Troubled Blood, le cinquième dans la série policière qu’elle publie sous le pseudonyme de Robert Galbraith. Si le livre n’est en vente que depuis hier, le 15 septembre, c’est un compte-rendu négatif paru deux jours auparavant dans le quotidien anglais The Daily Telegraph qui provoque la nouvelle polémique.

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Un des personnages du roman serait un tueur en série qui se déguise avec une perruque et un manteau de femme pour rassurer ses victimes féminines, avant de les attirer dans sa camionnette. Fait surprenant pour un journal aussi conservateur, l’auteur du Telegraph, Jake Kerridge, en conclut que la morale de l’histoire semble être la suivante : « il ne faut jamais faire confiance à un homme qui porte une robe ». Ce jugement est relayé par le très populaire site d’informations Pink News. Et immédiatement, la communauté LGBTQI+ se met en branle sur son média favori, Twitter, dénonçant Rowling pour sa « transmisogynie » et exprimant le désir, entre autres choses, de lui déchiqueter le corps. Le hashtag du moment est #RIPJKRowing, en français : « Ci-gît JK Rowling. » A notre époque, pour condamner à mort, pas besoin de juger sur pièces.

Fait curieux, le livre de Rowling est défendu le jour de sa parution par le très gauchisant journal anglais, The Guardian, dans un compte-rendu par Alison Flood qui, elle, a visiblement pris la peine de lire le texte. Tout en condamnant les prises de position antérieures de la romancière, Flood souligne le fait que le tueur qui s’habille en femme n’est pas un personnage central du roman et n’est nullement présenté comme transgenre. Pour elle, la morale de l’histoire est qu’il est hâtif de juger un livre d’après un seul compte-rendu.

Bévue dans la version française du Huff Post

Cependant, tandis que le ciel s’assombrit devant la tempête déchainée par Rowling, un petit rayon de lumière point à l’horizon, un petit vent d’hilarité commence à souffler. Car les médias bien-pensants, mettant en avant l’inévitabilité des critiques que la créatrice d’Harry Potter s’attire, voire le fait qu’elle les mérite, passent sous silence la violence misogyne – digne du Marquis de Sade – avec laquelle ces critiques sont souvent formulées. Quand cette fâcheuse tendance s’ajoute à la difficulté qu’ont parfois les journalistes français à suivre toutes les évolutions dans le monde anglo-saxon, le résultat n’est pas dépourvu d’humour.

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Lorsque le Huff Post français publie un article à 18h21 le 15 septembre pour raconter certaines des péripéties entourant la parution de Troubled Blood, l’auteure, Elisa Samourcachian, reproduit le tweet d’une détractrice apparente de Rowling, tweet qu’elle traduit avec une exactitude tout à fait louable : « Je n’arrive pas à croire que JK Rowling a écrit un roman qui implique que les personnes trans peuvent être des méchants. Nous, membres de la communauté LGBTQIA+, sommes TOUJOURS compatissants et aimants et engagés pour la justice, la paix et la décence humaine fondamentale. » La journaliste ajoute que la personne en question, Titania McGrath, est une « activiste et autrice. » Or, il s’avère que « Titania McGrath » est un personnage inventé de toutes pièces par le brillant comique irlando-britannique, Andrew Doyle, précisément afin de lui permettre de parodier l’hypocrisie des bobos progressistes blancs à travers une série tweets qui lui ont attiré à ce jour plus d’un demi-million de suiveurs. Sous ce pseudonyme, il a publié un faux manuel de justice sociale en mars 2019, Woke. A Guide to Social Justice, et, pas plus tard que le 3 de ce mois, un autre best-seller, un faux livre de propagande progressiste pour enfants, My First Little Book of Intersectional Activism (Mon premier petit livre d’activisme intersectionnel). Il y a des gens qui croient que Sherlock Holmes habite toujours au 221 bis Baker Street à Londres.

Le tweet de McGrath/Doyle cité par l’infortuné Huff Post est non moins satirique que tous les autres de ce comique qui, quoique de gauche, trouve insupportable la bigoterie ultra-progressiste ou woke. Son affirmation selon laquelle les membres de la communauté LGBTQIA+ sont « TOUJOURS compatissants et aimants… » est illustrée par des captures d’écran de messages postés par ces mêmes membres qui, par rapport à JRowling, expriment leur désir de « gifler cette salope », cette « vieille pute », sans parler de leurs ratiocinations au sujet de ses organes reproductifs… Comble de l’ironie, McGrath/Doyle accompagne son tweet d’un des hashtags préférés des progressistes, #BeKind – « Sois gentil. » Il s’agit évidemment d’une gentillesseà sens unique. Pour ne pas nous montrer hypocrites à notre tour, n’ironisons pas trop sur le Huff Post. Faisons preuve d’indulgence à l’égard de ce rayon de soleil. #BeKind !

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Tricoteuses 2.0

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D.R.

Lorsque la star britannique du tricot Karen Templer, à la suite d’un voyage en Inde, a fait part sur son blog de son désir de s’inspirer des couleurs vives de Bollywood pour sa prochaine collection, mal lui en a pris


Une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Loin de la petite mamie tricotant dans son rocking-chair, l’art de l’aiguille est redevenu hype depuis quelques années. Et les influenceuses mode envahissent Instagram de leurs créations qui revisitent la maille.

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Quoi de plus inoffensif ? C’était sans compter sur les antiracistes qui se sont empressés de détricoter cet artisanat ancestral. Lorsque la star britannique du tricot Karen Templer, à la suite d’un voyage en Inde, a fait part sur son blog de son désir de s’inspirer des couleurs vives de Bollywood pour sa prochaine collection, mal lui en a pris. Karen étant blanche, les séparatistes du tricot, dont Rose Mahon, une métisse indo-britannique, ont tôt fait de l’accuser de colonialisme. « En tant que moitié indienne, son post, bien que bienveillant, m’a rappelé les conversations que j’ai toujours eues avec les Blancs qui me faisaient part de leur fascination pour le pays de mon père, “c’est si coloré, complexe et inspirant” ce qui n’est pas faux en soi, mais terriblement réducteur. »

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Comble du syndrome de Stockholm, Karen a non seulement dû s’excuser, mais a de surcroît remercié les vigies antiracistes de l’avoir rappelée à l’ordre. Ingrate, la Toile n’a pas passé l’éponge. Pire, les thuriféraires du politiquement correct anglo-saxon (« woke ») accusent par-dessus le marché le tricot d’être élitiste et réservé aux seuls Occidentaux. Morceau choisi : « Des centaines de personnes de couleur ont partagé leurs expériences. Elles disent être ignorées dans les magasins consacrés au tricot. Les tricoteuses blanches les qualifient de pauvres et d’ignorantes ou affirment ne pas savoir que les Noirs et les Asiatiques puissent aussi tricoter. »

Il faut dire que le prénom de Karen Templer parle pour elle. En anglais bien-pensant, une « Karen » désigne en effet une femme blanche d’un certain âge totalement ignorante des questions de race et de genre. En un mot, une coupable.

La manifestation désolante des Femen à Orsay

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Image: Compte Twitter / Marguerite Stern.

Sous couvert de nudité, de quoi les Femen sont-elles le nom ?


Lecteur assumé de Sade et de Bataille depuis mon adolescence, voltairien convaincu vomissant interdictions, censures et autres puritanismes religieux ou laïcs, partisan résolu de Charlie et de tout ce qui peut offenser le sacré à partir du moment où celui-ci décide de régenter mon mode de vie, intime et esthétique, iconodule dans l’âme et obsédé sexuel à mes heures (c’est-à-dire tout le temps), tout me portait à applaudir aux performances des Femen en lesquelles je me persuadais jusqu’à présent de voir de solides et charmantes résistantes à l’iconoclasme ambiant, à la burkinisation de notre société, à la haine pure et simple de la différence sexuelle, si typique de notre post-modernité. « Persuadais » car sans pouvoir me l’expliquer, quelque chose me gênait dans ces manifestations de nudité agressive et finalement pas si érogène que ça. Ce qui s’est passé dimanche dernier au Musée d’Orsay m’a permis de l’identifier.

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Mais reprenons.

Soit, donc, Jeanne, une jeune femme, assurément sexy et apparemment délurée, qui se voit exhortée, avant de rentrer dans le musée, à remettre sa veste afin de cacher un décolleté plongeant sur une poitrine généreuse – ce qui était peut-être une erreur d’appréciation de la part de collègues un peu trop regardants (on sait que je suis moi-même agent de salle dans cet établissement depuis près de vingt ans) mais qui en soi n’avait rien de scandaleux, le règlement du musée stipulant qu’on ne peut y entrer n’importe comment (il n’est, par exemple, par permis de s’y promener pieds nus ou de se coucher sur les banquettes pour faire sa sieste et encore moins de pique-niquer devant Le Déjeuner sur l’herbe de Manet – ce n’est pas parce que des personnages picolent dans un tableau qu’on a le droit de picoler dans les salles). L’intéressée obtempéra sans faire d’histoire et celle-ci aurait pu s’arrêter là, ou plutôt ne pas commencer.

Ce n’est plus « couvrez ce sein que je ne saurais voir » mais « découvrons ce sein que vous ne sauriez voir », quoique la suite de la célèbre réplique de Tartuffe corresponde tout à fait au credo de nos cruches…

Sauf que rentrée chez elle et mue par une conscience hélas moins délurée que victimaire et plus pleurnicharde que souveraine, la bombasse ne trouva rien de mieux qu’envoyer une lettre publique à Orsay en laquelle elle expliquait comment on l’avait maltraitée, humiliée, mortifiée et pire que tout « sexualisée » – un terme trop idéologique pour être honnête et que notre amie Sophie Bachat analysa parfaitement dans son article de ce qui n’était que le premier épisode de cette ténébreuse affaire.


Car quelques jours après, voici que les Femen s’en mêlaient, envahissant la nef du musée et, comme à leur habitude, arborant leurs poitrines mitraillettes peinturlurées de slogans soi-disant « émancipateurs » dont le désormais fameux « ceci n’est pas obscène » qui me fit d’abord penser au célèbre tableau de Magritte : « ceci n’est pas une pipe. » Non pas, grands dieux, que les seins, organes maternels et érotiques les plus divins que la nature ait offert aux femmes (et même si on peut leur préférer les fesses, et, pour certains connaisseurs, les pieds, là-dessus, le débat reste ouvert) soient « obscènes » mais pourquoi, foutre ciel, croire et vouloir faire croire que celles et ceux qui les remarquent et souvent les chérissent le soient – « obscènes » ? Pourquoi exhiber avec autant de fureur ce que l’on va ensuite blâmer de regarder ? Cette candeur perverse qui consiste à pousser les hauts cris parce que l’on a remarqué ce que vous affichiez avec fierté et bonheur m’a toujours prodigieusement fasciné. « L’obscénité est dans vos yeux !», vociférèrent ainsi les vierges de fer entre les statues effondrées de tant d’arrogance et sans doute contrites qu’on interdise de les regarder d’un œil gaillard. Car c’était en effet bien de ce cela qu’il s’agissait : suspecter le regard (cet horrible « male gaze », coupable parmi les coupables), jeter l’opprobre sur le désir, faire d’un attrait naturel pour les formes féminines (et que tous les artistes de l’humanité célèbrent depuis la Vénus de Willendorf) une « obscénité ». Serait-ce là la secrète mission de ces femelles peu aimables, non pas libérer le désir mais au contraire le discréditer, l’interdire, le punir ?

« NOTRE DÉCOLLETÉ ON VOUS LE MET BIEN PROFOND,  @MuseeOrsay ! Nos seins ne sont pas obscènes, c’est ton regard qui l’est ! Baisse les yeux ! », comme le tweeta un peu plus tard, et  avec une délicatesse exquise, une certaine Sofia OIO. Baisse les yeux, tiens, tiens, tiens… Nos combattantes de la liberté seraient-elles des saintes nitouches d’un genre particulier ? Des adeptes du bandeau noir ou du carré blanc ? Des néo-victoriennes pornographes dont les tétons ne sont brandis que pour énucléer le regard des hommes (et d’ailleurs celui des autres femmes, celles qui sont fières de plaire aux hommes et savent que le décolleté attise le vouloir-vivre) ? N’étant pas hélas en service ce jour-là, je ne sais si j’aurais baissé les yeux devant la schlague de ces passionarias de l’anti-Eros mais ce qui est sûr, c’est que leur performance me les aura ouverts. En vérité, les Femen ne sont pas du tout celles que l’on croit. Ni émancipatrices, ni libératrices, ni d’ailleurs très libres (on dirait un commando stalinien), leur numéro relève plus de l’expédition punitive que de la danse du ventre. Si elles se dénudent en gueulant, ce n’est pas pour affirmer leur féminité mais pour la nier. Si elles exhibent leurs seins, c’est pour les désérotiser immédiatement – et malheur à celui qui y sera sensible ! Rien de moins draguable qu’une Femen. Rappelez-vous ce qui est arrivé à Philippe Caubère, trainé en justice par une ex-d’entre elles, Solveig Halloin, avec qui il eut le malheur d’avoir une liaison et qui, dix ans plus tard, l’accusait de « viol » – plainte qui n’aura pas de suite et se retournera contre la plaignante, bientôt jugée pour diffamation.

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Loin d’être les affranchies qu’on imagine, les Femen ne sont que de méchantes censeures qui ne dévoilent leur corps que pour mieux voiler les sens, qui ne se foutent à poil que pour signifier au malheureux qui y céderait qu’il n’est qu’un délinquant discriminant. Ce n’est plus « couvrez ce sein que je ne saurais voir » mais « découvrons ce sein que vous ne sauriez voir », quoique la suite de la célèbre réplique de Tartuffe corresponde tout à fait au credo de nos cruches (au sens propre et figuré) : « Par de pareils objets les âmes sont blessées ; Et cela fait venir de coupables [ou d’obscènes] pensées ». Le désir coupable, obscène, criminel – le voilà l’Ave Maria de nos viragos. Car ce sont elles les vraies prudes de cette affaire et non les agents d’accueil qui ont cru bien faire. Ce sont elles les Anastasie qui en veulent à mort à la différence sexuelle et à l’attirance biblique (c’est-à-dire biologique) qu’exerce chaque sexe sur l’autre. Ce sont elles les ennemies de l’humanité désirante, véritables exciseuses qui n’ont cesse de vouloir réduire la femme à l’état de pucelle (comme Jeanne la bien nommée).

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D’ailleurs, il faut reparler de cette Jeanne, voir quel genre d’« enfant du siècle », comme elle se surnomme sur son profil Twitter, elle est exactement – et se rendre compte tout de suite que si elle défend les décolletés (à condition qu’on ne les remarque pas), elle défend aussi le voile islamique, refuse du reste que sa mésaventure ne serve la cause des « islamophobes » et se retient bien d’apporter son soutien à la journaliste Judith Waintraub menacée de mort après avoir ironisé sur le voile islamique d’Imane Boune, que Jeanne en revanche, célèbre de toute sa belle âme de bigote intersectionnelle. La boucle est bouclée : les Femen sont venues défendre à Orsay une jeune femme au décolleté audacieux qui, elle, défend une étudiante entièrement recouverte dans son sac à patates et qui, entre deux recettes salafistes, milite pour le séparatisme et « les huit conditions du voile » dont celle de « ne point ressembler aux vêtements des mécréants » (comme un décolleté voyant par exemple ?)

C’est là tout le paradoxe de cette histoire insensée, quoique typique de notre monde schizo, où la libertaire anti-libertine rejoint la talibane aux fourneaux, où le sexe n’a droit de cité que s’il est désexualisé, déconstruit, déshumanisé de fond en comble, où, sous couvert de nudité, il s’agit bien d’abolir le désir, de brûler les images, de coudre les paupières et de stériliser l’origine du monde. Car il ne faut pas s’y tromper. Le « ceci n’est pas obscène » des Femen qui a fait applaudir quelques visiteurs inconscients était bien un « ceci n’est pas un objet de désir » et bientôt, je l’ai déjà dit ailleurs, ce credo s’appliquera aux œuvres du musée elles-mêmes – car quoi de plus désirable, de plus sexuel, de plus sexué, de plus « obscène », donc, pour cette engeance, que les Baigneuses de Renoir, les Tahitiennes de Gauguin et les femmes de Ramsès dans son harem de Jean Lecomte du Noüy ? Lieu du désir et de la divine obscénité, l’art devient peu à peu le véritable ennemi.

En France, on peut choisir de croire (ou pas)

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La une de "Charlie Hebdo" du 2 septembre 2020, jour d'ouverture du proces des attentats de janvier 2015 © ALLILI MOURAD/SIPA Numéro de reportage: 00979518_000002

Alors pourrait-on avoir le droit de critiquer les musulmans, plutôt que de les infantiliser ?


Alors que se déroule le procès des complices des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, alors que nous commémorons les attentats du 11 septembre 2001, alors que le Pakistan annonce la condamnation à mort d’un chrétien qui aurait blasphémé par SMS (!), Mila a été une fois de plus menacée de viol et de mort. Et tous ces crimes, au nom de l’islam.

Mila menacée de nouveau

Seuls les hypocrites se diront surpris. Ce que je dois relever, c’est l’attitude dangereuse de ceux qui croient défendre Mila en disant « elle a critiqué une religion, pas des croyants, elle a critiqué l’islam, pas les musulmans. » De même qu’on entend maintenant, au sujet d’une jeune femme voilée faisant du prosélytisme sous couvert de conseils culinaires : « on peut critiquer le voile, mais pas celles qui le portent. » D’où viennent ces absurdités ? D’où vient cette condescendance ? Les musulmans ne seraient-ils pas responsables du choix de leur religion, et les femmes voilées de leur choix de porter le voile ? Ne seraient-ils tous que des enfants, incapables de prendre des décisions qui les engagent et de les assumer ?

Les survivants de Charlie nous le disent, le véritable meurtrier court toujours, c’est l’islamisme – je préfère parler d’islam théocratique, qui n’est évidemment pas la totalité de l’islam, mais qui est un poison imprégnant l’islam depuis ses origines. L’indispensable procès, c’est celui de ce totalitarisme. Il ne s’agit pas d’un procès judiciaire, mais d’une nécessaire condamnation politique, philosophique, éthique et théologique d’un culte rendu à un dieu-tyran avide de piétiner la liberté et la conscience de l’Homme.

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Mais peut-on condamner cette idéologie sans critiquer la religion qui l’abrite en son sein, et peut-on sérieusement critiquer celle-ci sans critiquer aussi ceux qui choisissent d’y adhérer ?

Bien évidemment, le respect dû aux personnes et le simple bon sens interdisent de réduire un être à l’une ou l’autre de ses convictions ou croyances. Seuls les fanatiques le font, et c’est d’ailleurs souvent ce qui les définit. Mais justement. Le fait même de distinguer les personnes des croyances permet de comprendre que la critique du choix de croire ne saurait être considérée comme une atteinte à la dignité de la personne. Le christianisme aurait-il réussi à tourner le dos aux immolations des hérétiques s’il n’avait condamné que les bûchers mais s’était interdit de critiquer ceux qui les allument ? Imaginerait-on combattre le nazisme tout en prétendant qu’il est interdit de critiquer les nazis ? Ou que l’on peut condamner les goulags, mais qu’il est interdit de demander aux communistes pourquoi ils se revendiquent de l’idéologie qui a permis les goulags ?

Un terrible mépris

Il y a dans cette volonté de déresponsabilisation des musulmans un terrible mépris. Comme s’ils étaient ontologiquement incapables d’exercer leur liberté de conscience, incapables de choisir une religion, seulement bons à se plier passivement à celle qu’ils ont héritée de leurs parents. Et il y a aussi dans cette attitude un profond dédain envers l’islam, l’idée implicite qu’il est impossible de choisir cette religion, que l’on ne peut qu’en hériter et non décider d’y adhérer.

Ces présupposés sont faux : il y a de plus en plus de musulmans qui décident de quitter l’islam, que ce soit pour se convertir à une autre religion, pour l’agnosticisme ou pour l’athéisme. Et il y a des gens qui ne naissent pas musulmans, mais choisissent de le devenir.

Nous avons la chance de vivre dans un pays dont les lois nous le garantissent : la religion est un choix. Nous ne devons jamais l’oublier, car l’oublier c’est commencer à y renoncer. Prétendre que la critique d’une religion ou de ses fidèles serait du racisme, notamment, c’est faire de la religion un caractère hérité à l’égal d’une couleur de peau, réduire la religion à un marqueur tribal, nier la sincérité d’une conviction et la possibilité même de la foi.

Ici, aujourd’hui, la liberté de conscience est inscrite dans la Constitution, et le pluralisme religieux est une évidence culturelle et sociale. Je sais bien que dans certains milieux cette liberté de choix n’est pas enseignée comme l’évidence qu’elle devrait être, consubstantielle à la dignité humaine, mais même là il faudrait vivre en ermite pour ignorer qu’il y a en France plusieurs religions, et que les conversions et l’apostasie existent.

#ToujoursMila

Par ailleurs, nul ne peut prétendre faire abstraction de tristes réalités : l’islam est la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort – et avec la bénédiction de nombreux théologiens. La seule religion, aussi, au nom de laquelle dans notre pays on tue, la seule au nom de laquelle une adolescente française reçoive des dizaines de menaces de viol et de mort.

Mila dans l'émission Quotidien sur TMC. Image: capture d'écran twitter
Mila dans l’émission Quotidien sur TMC. Image: capture d’écran twitter

Être musulman, choisir d’être musulman, c’est donc choisir consciemment d’adhérer à la seule religion au monde au nom de laquelle l’apostasie, l’athéisme, le blasphème et l’homosexualité soient légalement punis de mort. Être musulman en France, c’est choisir en toute connaissance de cause d’adhérer à la seule religion au nom de laquelle une de nos concitoyennes est soumise à des dizaines de milliers de menaces de viol et de mort. Interroger ce choix, critiquer ce choix et critiquer ceux qui le font ne doivent pas être des tabous.

Bien sûr les raisons de choisir une religion plutôt qu’une autre sont multiples. En voici deux à titre d’exemples, qui me viennent de personnes que je connais, que j’apprécie, et qui bien que musulmanes sont au moins aussi sévères envers l’islam que je peux l’être. Ainsi, la volonté d’être fidèle à la religion de ses parents, de ses grands-parents, mais pour en tirer le meilleur et en arracher la pourriture qui la ronge. Volonté de réparer la maison dont on a hérité plutôt que de déménager en la laissant s’effondrer : comment le leur reprocher ? Ainsi, le sentiment que l’on ferait semblant, que l’on tricherait si l’on exprimait sa foi autrement que dans le langage symbolique et rituel qui a le premier éveillé notre piété. Et de cette intimité de la relation entre soi et le divin, qui pourrait se permettre de juger ?

Discernement exigeant contre adhésion aveugle

Tout ceci est évidemment légitime, à condition toutefois de ne pas nier la réalité, de ne pas nier les problèmes de l’islam ni les problèmes que l’islam pose au monde, et de faire usage d’un discernement exigeant plutôt que d’une adhésion aveugle. C’est d’ailleurs ce à quoi appellent, avec lucidité et courage, des personnes comme Abdennour Bidar, Yadh Ben Achour, Mohammed Louizi, Mohammed Sifaoui, Ghaleb Bencheikh ou Razika Adnani.

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Faire aujourd’hui le choix de l’islam oblige au minimum à lutter, comme ils le font, contre tout ce qui dans cette religion en fait un danger pour le reste du monde : poison de la tentation théocratique et totalitaire, mais aussi poison plus insidieux de cette autre tentation que sont la fuite et le déni. Le « cépaçalislam » qui, mêlé à une forme de solidarité clanique, permet si facilement aux fanatiques de s’abriter au sein de l’Oumma. Dans la situation actuelle, le silence de la majorité silencieuse est un silence complice, et ce n’est plus acceptable.

D’ailleurs, à moins de penser qu’Allah soit véritablement le tyran abject que dépeint l’islam théocratique, comme pourrait-on prétendre croire en lui sans lutter contre ceux qui font de son culte l’adoration d’un monstre auquel ils donnent son nom ?

Bien sûr, il serait absurde de dire que l’on ne pourrait légitimement adhérer qu’à une religion parfaite. Tout comme les modélisations scientifiques ou les idéologies politiques, les religions sont nécessairement imparfaites – et n’en déplaise à certains dévots, prétendre que sa religion serait parfaite revient à idolâtrer une doctrine au lieu de vénérer le divin. Mais enfin, entre accepter l’imperfection et se résigner à la corruption, il y a un monde !

Et ne nous leurrons pas. Trop souvent, le choix de l’islam n’est pas le choix de combattre de l’intérieur ce qui gangrène cette religion. C’est le choix de nier cette gangrène – par esprit tribal, par arrogance, par paresse, par peur – ou, plus lucide mais plus ouvertement malveillant, le choix d’adhérer à cette gangrène même, le choix conscient de servir ce qu’il y a de pire dans l’islam. La critique d’un choix est toujours libre, y compris d’ailleurs lorsque ce choix est bon, mais dans ces deux cas, critiquer ce choix et critiquer les personnes qui le font est plus qu’un droit : c’est un devoir. Un devoir citoyen, un devoir moral et, pour ceux qui ont la foi, un devoir spirituel.

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Cannabis: prohibition, piège à cons

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Saisie de près de deux tonnes de cannabis sur l'autoroute A5 dans l'Aube, 17 janvier 2017. © François Nascimbeni / AFP.

La pénalisation française du cannabis n’empêche pas son trafic d’exploser. Au nom d’une posture morale, la classe politique, notamment à droite, se drape dans un aveuglement aussi absurde qu’inefficace. Comble de la tartufferie, la nouvelle amende forfaitaire infligée aux consommateurs remplit les caisses de l’État.


Lorsqu’on s’affiche « Causeur Friendly », on éprouve souvent un sentiment d’irréalité face au traitement médiatique de l’immigration, au décalage asphyxiant entre les discours progressistes et la dure réalité d’une France multicul par-dessus tête. La prohibition du cannabis, conte pour enfants comparable à celui de la maîtrise de nos frontières, devrait susciter en nous un vertige équivalent au regard de l’ampleur du foutage de gueule – l’un des plus grands de ce pays, pourtant peu avare en politiques publiques cataclysmiques.

Des rires préenregistrés mériteraient d’accompagner toutes les déclarations martiales des ministres annonçant un renforcement de la lutte contre l’« économie souterraine » des cités. La guerre contre la drogue (aussi victorieuse que Napoléon à Waterloo) possède désormais tous les attributs de la farce tragique jouée par des comédiens au bout du rouleau.

Des milliers de personnes vivent directement du trafic

Des réseaux parfaitement organisés fournissent du haschisch aux Français, du CM2 jusqu’à leur entrée dans la vie active et bien au-delà. Un maillage territorial, digne de celui de McDo, permet de structurer autour de « fours » une distribution efficace. Ces points de vente s’apparentent au drive-in tant du point de vue du service que du chiffre d’affaires (on évoque 20 000 euros nets par jour par four). Côté action, la police se lance sans conviction dans des descentes aux résultats insignifiants, quand elle ne reçoit pas tout simplement l’ordre de garer ses voitures dos aux points de deal – vivre-ensemble oblige. L’action, la vraie, relève à présent quasi exclusivement des trafiquants et de leurs règlements de comptes en scooter, option Uzi. Les habitants des cités n’ont depuis belle lurette d’autre choix que celui de subir ou de jouer les nourrices en stockant le shit, ce qui est parfois le cas d’immeubles entiers. Résultat tangible de la prohibition, plusieurs dizaines (centaines ?) de milliers de personnes vivent directement du trafic du cannabis dans des territoires généralement réputés perdus, mais qui ne le sont pas pour tout le monde. Face à ce qu’un observateur débarqué de Mars qualifierait de fiasco complet, les autorités françaises viennent de réagir fermement : au lieu d’une année de prison totalement virtuelle, la fumette sera désormais soumise à une amende forfaitaire de 200 euros. Panique chez les dealers et les consommateurs (rires enregistrés).

Imaginons les dealers plutôt en autoentrepreneurs du joint ou en franchisés d’un futur Nicolas de la ganja

Quartier des Grésilles à Dijon, 15 juin 2020 : opération de police, après quatre journées de violences intercommunautaires sur fond de trafic de drogue. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
Quartier des Grésilles à Dijon, 15 juin 2020 : opération de police, après quatre
journées de violences intercommunautaires sur fond de trafic de drogue. © PHILIPPE DESMAZES / AFP

Même lorsque le voile de la farce se déchire à Dijon – où le trafic de drogue constituait bien sûr la toile de fond de l’affrontement entre Tchétchènes et Maghrébins –, ni les Français ni leurs gouvernants ne paraissent pourtant vouloir remettre en cause la fable de la prohibition du cannabis. Ce statu quo délétère paraît satisfaire tant la gauche libertaire – ce que l’on peut comprendre – que la droite sécuritaire – ce qui est plus mystérieux.

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La gauche libertaire a en effet gagné depuis longtemps le combat hédoniste du droit individuel à la fumette. La prohibition d’opérette la contente pleinement : la demande, notamment celle des beaux quartiers, se voit comblée et dépénalisée de facto. Quant aux réseaux, ils permettent un ruissellement de la manne du trafic vers la population locale, offrant aux banlieues un informel RSA (canna)bis aux vertus pacificatrices. Qu’au passage, cette délégation publique aux mafias du monopole de la distribution ait accompagné l’émergence d’une contre-société hostile à la France ne lui déplaît pas fondamentalement, c’est plus fort qu’elle.

À droite, on se répartit les rôles entre deux camps. Il y a les défenseurs de la morale et de la santé publique – « la drogue, c’est mal », dans un registre comparable au discours de la gauche morale « la prostitution, c’est très vilain » (rires enregistrés). Cette grande rectitude les pousse à ignorer l’irrépressible demande de joints (comme de sexe), à diaboliser tout débat sur la prohibition, donc toute réflexion sur la mainmise des mafias sur les parties les plus denses du territoire, et donc à renoncer à toute action concrète pour y mettre fin. Cette ligue de vertu ne veut pas comprendre que c’est l’abus du cannabis et non le simple usage qui pose problème, exactement comme pour l’alcool. Toutefois, à la différence de ce qui se passe avec la vodka-Red Bull, la science a constaté l’impossibilité de mourir d’une overdose de tétrahydrocannabinol, un fait sans valeur aux yeux des pères la pudeur qui « défendent la jeunesse ». Les comas éthyliques, oui ; mais non, cent fois non au rire niais du pétard. Inutile de préciser que les barons de la drogue du 9-3 applaudissent à chaque sortie de Boutin ou Retailleau, ces alliés objectifs de leur florissant business.

Farouche volonté de ne rien voir

Il existe bien sûr la frange dure de cette droite, jadis incarnée par Sarkozy (rires enregistrés), mais dont certains électeurs sont, eux, sincèrement prêts à envoyer l’armée rétablir l’ordre dans les cités. Rappelons à ces citoyens motivés que notre État bedonnant s’est révélé incapable de virer 200 crasseux en sarouels à Notre-Dame-des-Landes. Pierre Brochand, ex-patron de la DGSE, ne semble lui-même pas du tout convaincu que la France dispose de la capacité militaire à reprendre le contrôle des territoires maîtrisés par les dealers. Ce Diên Biên Phu potentiel, à cinq kilomètres de la tour Eiffel, devrait faire réfléchir les plus excités. Néanmoins, le jeu de rôles permet aux représentants de cette partie du spectre politique de multiples variations autour du thème du Kärcher, ce qui échauffe les esprits de leurs électeurs, sans refroidir les fours.

L’incapacité de notre pays à évaluer ses politiques publiques révèle l’autisme profond de « décideurs » bien déterminés à ne prendre aucune décision. Leur ligne de conduite : nous mener au désastre certes, mais de façon consensuelle en respectant tous les statu quo. Comme l’a déjà souligné Marcel Gauchet, l’impossibilité d’un diagnostic partagé, dans ce domaine comme dans tous les autres (chômage, éducation, justice, santé…), conduit à la schizophrénie actuelle. Prétendre reconquérir les banlieues (rires) et les libérer d’une économie souterraine (rires) sans remettre en cause la prohibition fictive qui en constitue pourtant le principe fondateur (rires hystériques, applaudissements). Situation révoltante qui relève d’une pensée obtuse et plus encore du cynisme.

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La bêtise conduit à ignorer Jean-François Revel et à juger cette politique prohibitionniste sur ses intentions louables plutôt que sur ses calamiteux résultats – rigoureusement inverses aux objectifs. Les nobles ambitions de la prohibition boxent dans la catégorie du communisme, celle des fiascos diaboliques. Si seulement les moralistes acceptaient de comparer la situation française à celles des États qui ont légalisé le cannabis (Uruguay, Canada, Californie, Colorado, etc.) ou dont la législation se montre en théorie plus laxiste que la nôtre (rires) – Portugal, Espagne, Pays-Bas, Thaïlande (!)… Ces dangereux pays de perdition comptent pourtant moins de fumeurs de pétards que la France… Si elle ne parvient même pas à réduire la consommation, la prohibition ne sert donc décidément qu’à fracturer le territoire. À l’instar du dossier migratoire, celui du cannabis révèle une farouche volonté de ne rien voir, rien faire, tout en se drapant dans la posture morale de l’interdit vertueux.

Prohibition en carton-pâte

Le cynisme, quant à lui, règne en maître. La veulerie des gouvernants qui redoutent moins les conséquences du trafic que celles de son arrêt. L’hypocrisie des élus qui savent que, toutes couleurs politiques confondues, certains maires de banlieue doivent composer avec la puissance locale des trafiquants. La tartufferie des politiciens qui n’ignorent rien de la porosité qui existe entre les réseaux mafieux et le maillage salafiste. Ces deux ennemis mortels de la République ne partagent pas seulement des territoires ; ils partagent aussi la caisse, désormais avec la complicité passive de nos élites. Mais ça ne semble révolter personne.

C’est au demeurant sous cet angle sécuritaire que la droite doit légitimer un débat sur la légalisation, seule alternative crédible à la prohibition en carton-pâte. Quelle autre mesure permettrait en effet de réallouer à la lutte antiterroriste les effectifs de la police judiciaire ou de la justice qui consacrent une énergie précieuse à cette pantalonnade ? Et sans rien coûter au contribuable, qui dit mieux ? Tous ces pauvres fonctionnaires condamnés aujourd’hui à vider l’océan du trafic du cannabis avec une cuillère trouée pourraient traquer les barbus. Dans un pays qui n’hésite pas à comptabiliser ce trafic à hauteur d’un milliard d’euros dans son très officiel PIB (rires enregistrés), offrir à nos Eliot Ness la fin de la prohibition constituerait, en réalité, une marque de respect.

Cette modeste intégration de l’argent de la drogue aux comptes de la nation n’a cependant suscité aucune protestation des pères la pudeur. Elle permet d’emprunter sur les marchés 3 % de ce montant en respectant feu les critères de Maastricht – 30 millions d’euros – soit le prix de quelques crèches. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi encaisser des charges sociales et de la TVA sur une distribution légalisée s’apparenterait, cette fois, à un pacte avec le Malin. Percevoir sur le shit des taxes comparables à celles que rapporte le Ricard ne choque que les imbéciles qui nous doivent une ultime explication. On s’interroge en effet sur la façon d’intégrer les gamins de 14 ans qui gagnent autant en une journée de vigilance autour des fours qu’un apprenti plombier ayant sué pendant un mois – et la solution tarde à venir après trente ans de patience. Imaginer les dealers plutôt en autoentrepreneurs du joint ou en franchisés d’un futur Nicolas de la ganja ne correspond sans doute pas à un idéal exaltant, mais apporte un début de réponse à toutes les impasses d’une prohibition fictive. Ce que les partisans de cette dernière s’abstiennent résolument de faire.

Pendant l’épidémie, le Brexit se poursuit

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Le négociateur de l'Union européenne Michel Barnier à Londres, le 10 septembre 2020 © Kirsty Wigglesworth/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22491701_000036

La pandémie et l’élection présidentielle américaine sont partout, le Brexit se voit à peine. La structure bruxelloise chevauche la pandémie avec joie, car elle permet un éloignement de la question britannique ; de la réalité qu’un pays membre de l’Union européenne a choisi de la quitter. Malgré les discours apaisants des deux côtés de la Manche, pour l’instant un accord reste inobservable, introuvable, inimaginable.


Entre l’Europe et le Grand Large

Churchill aurait dit à de Gaulle que pour la Grande-Bretagne les choses étaient claires, le Grand Large serait toujours le choix des Britanniques, en détriment de l’Europe. Après la décolonisation un nombre impressionnant de têtes pensantes a cru que cette assertion churchillienne était caduque, inopérante, incompréhensible. Cela est facilement explicable, ils ont réduit le Grand Large à l’empire. Instinctivement ils ont pensé que la fin de l’empire serait accompagnée par l’impossibilité de réaliser une politique en dehors de l’Europe continentale.

Pourquoi se sont-ils trompés ? Tout d’abord parce qu’ils méconnaissaient l’importance d’un imaginaire commun. Le Grand Large doit être compris comme une union ombilicale entre ce que Churchill appelait les gens de langue anglaise (English-speaking peoples). L’idée centrale est discernable. Un Britannique sera toujours plus proche d’un Américain ou d’un Australien que d’un Polonais ou d’un Italien. La distance culturelle étant plus importante que la distance géographique. L’alliance des Five Eyes démontre que Londres est très proche de ses anciennes colonies, des alliés de longue date, par exemple la France, ne font pas partie de ce club restreint, limité aux anglophones.

Un dialogue de sourds

Boris Johnson a dit récemment qu’un accord convenable devrait être trouvé avant le 15 octobre. Il enchaîna disant que l’absence d’un accord serait un good outcome (bon résultat). Le gouvernement britannique sait que la pandémie n’arrête pas la volonté indépendantiste écossaise ni les négociations avec Bruxelles. La vie normale continue, et doit continuer. Une certaine intelligentsia a voulu instrumentaliser la pandémie pour fossiliser la politique, pour écarter les questions centrales. En Angleterre ils échouèrent.

Sur le continent Michel Barnier reste le maître de cérémonie, le décideur des 27, l’homme clef dont on ne peut pas se passer. Pourtant outre-Manche The Telegraph avançait qu’il pourrait être écarté des négociations pour éloigner la faction qui veut punir le Royaume-Uni, dont il serait l’un des plus hauts représentants. Des murmures laissent entendre que l’Allemagne craint l’intransigeance française et veut être conciliante avec Londres. Pour l’instant ce sont des spéculations, mais sa confirmation démontrerait que l’union des 27 présente des fissures désarmantes.

Dans une interview à la chaîne Sky News, le Foreign Secretary Dominic Raab a répondu à plusieurs questions de la journaliste Sophy Ridge, l’une d’entre elles faisait référence à sa position que l’État ne doit pas trop intervenir dans l’économie. Sa réponse fut intéressante, car elle amalgame la question du Brexit avec celle du coronavirus – « ce que vous avez fait brillamment est synthétiser pourquoi ce débat est démocratique, choisir le marché libre ou l’interventionnisme étatique, être Jeremy Corbyn, Boris Johnson, ou être quelque part entre eux, cette question doit être tranchée par les représentants élus par vos spectateurs. Et nous n’abandonnerons pas ce pouvoir décisionnel, nous ne permettrons pas que l’UE puisse le contrôler. Donc, indépendamment de votre opinion sur le sujet, le principe est que les personnes qui nous regardent doivent contrôler les politiciens qui font ces règles très importantes. » L’Union européenne parle un langage économique, la Grande-Bretagne répond politiquement, souverainement. Bruxelles n’est plus préparée pour une conversation de ce genre, parce que dans le continent le concept de souveraineté a été morcelé, ramolli.

Raab continua et mentionna un mot très anglais, accountability – le besoin de rendre des comptes. Les Britanniques peuvent tout accepter, sauf des impositions étrangères.

Les conséquences continentales du Brexit

Le Brexit a changé la donne. Pensé perdant par une grosse majorité continentale, trouvé vainqueur après le référendum, il a permis d’entretenir la flamme eurosceptique partout en Europe.

La France est rentrée – momentanément ou non – dans le giron du projet européen, pensons notamment aux changements de position du Rassemblement National, mais la défiance polonaise et l’instabilité italienne posent…

>>> Lire la fin de cette analyse sur le site de la revue Conflits <<<

« Toucher au portefeuille des consommateurs de cannabis va plutôt dans le bon sens mais… »

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L'avocat Gérald Pandelon, auteur de la "France des Caïds" / Max Milo éditions.

En publiant La France des caïds, l’avocat pénaliste Gérald Pandelon jette un pavé dans la mare. À travers une série de portraits de caïds de cités, il décrit précisément et de l’intérieur le fonctionnement du trafic de stupéfiants en France, et nous dévoile les raisons pour lesquelles il continue de prospérer un peu partout. Les dealers ont une emprise considérable sur les milieux économiques, sociaux et la politique locale. Selon l’auteur, le plan sécurité de Gérald Darmanin n’y changera pas grand-chose… Entretien.


Isabelle Marchandier. Dans la France des caïds que vous avez publié début juillet, vous fustigez la politique de l’autruche face au narcobanditisme. Pourtant, la lutte contre les stupéfiants semble érigée comme le principal cheval de bataille du plan sécurité du gouvernement… Est-ce encore un coup de bluff ?

Gérald Pandelon. Je le crains. Le trafic de stupéfiants ne s’est jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui. Regardons les chiffres. D’après l’office anti-stupéfiant (Ofast), le marché représenterait 3.6 milliards d’euros annuels en France. C’est l’un des secteurs économiques les plus florissants, il emploie plus de 200 000 personnes dans notre pays. De plus, le blanchiment représente 3.2 milliards d’euros. Autrement dit, il s’agit d’une activité très lucrative qui ne profite pas seulement aux trafiquants.

Préserver la paix sociale n’est toutefois pas la seule raison de l’inaction…

Tout le monde grignote son gâteau empoisonné, du manant au grand commis de l’État, de la maman de cité avec quatre enfants à charge au patron de PME cherchant du cash pour baisser ses charges. Chacun trouve son intérêt dans ces crimes et délits ; et, pour le dire rondement, tout se passe comme si l’ensemble des Français vivaient, directement ou indirectement, au crochet des caïds. En fait, ce qui fait la force du narcobanditisme, c’est qu’il est multicarte. Sa nature est poreuse et insidieuse. C’est pour cela que la lutte anti-stup’ de Darmanin, c’est encore de l’enfumage.

Des interventions musclées des forces de l’ordre dans les cités gangrénées par le trafic sont-elles inenvisageables, par crainte de violencs urbaines et de l’embrasement qui pourraient en découler ?

Au début des années 2000, le renoncement était déjà acté par les politiques. Lors d’un diner avec Charles Pasqua, je l’avais justement interrogé sur l’abandon de nos cités aux trafiquants et sur l’absence de répression. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque l’ex-ministre de l’Intérieur, pourtant défenseur d’une ligne dure et créateur du SAC, m’a rétorqué avec sa faconde légendaire, qu’il était non seulement déjà trop tard pour régler le problème et qu’il valait mieux au nom de la sauvegarde d’une sacro-sainte paix sociale, laisser prospérer le trafic dans des zones de non-droit plutôt que dans nos centres-ville. Autrement dit, qu’il était urgent de ne rien faire. Rajoutant, en outre, que le trafic remplissait aussi une fonction sociale : « faire bouffer ceux qui sont affamés ».

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Et c’est encore plus le cas aujourd’hui. Le trafic de stupéfiants crée un lien social au sein des cités puisque les trafiquants se substituent en grande partie aux missions exercées par l’État. Préserver la paix sociale n’est toutefois pas la seule raison de l’inaction. Certains acteurs politiques peuvent ponctuellement avoir recours aux services des caïds des cités, lesquels, en retour, attendront des services de la part des élus. Avez-vous entendu parler des marchés publics ? En fait, ce qui règne c’est bien la « BAC », mais pas celle que vous croyez. La BAC, c’est aussi l’acronyme pour qualifier non pas ces policiers d’élite, mais pour traduire une réalité sociologique ternaire : banditisme, affairisme et clientélisme !

Le gouvernement semble prendre le problème à bras le corps. Installer des caméras, armer la police municipale, généraliser l’amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis… toutes ces mesures évoquées par Gérald Darmanin et mises en place à Saint-Denis la semaine dernière sont-elles insuffisantes ?

Sur le papier, ces mesures sont pertinentes. Mais sur le terrain, c’est plus compliqué. Prenons l’exemple de l’amende forfaitaire. Toucher au portefeuille des consommateurs va plutôt dans le bon sens. Mais comment procéder à l’interpellation desdits contrevenants sans que soit déployé un nombre considérable de fonctionnaires de police pour qu’un résultat réellement significatif soit enregistré ? Les 6 000 policiers supplémentaires annoncés tambour battant par Gérald Darmanin ne suffiront pas. Et ce n’est pas l’installation de caméras qui va gêner les trafiquants cagoulés et aujourd’hui simplement masqués (merci le Covid !). Quant à l’armement de la police municipale, il s’accompagne aussi du désarmement policier généralisé, puisque les forces de l’ordre ne peuvent utiliser leurs armes qu’en cas de légitime défense… Sauf circonstances très exceptionnelles, les trafiquants ne s’aventurent jamais à tirer sur des policiers, connaissant le risque pénal encouru. Je pense que face à la réalité de l’organisation et du fonctionnement du trafic, d’autres mesures devraient être mises en œuvre.

Comme s’attaquer au blanchiment d’argent, moteur du trafic ?

Il faut bien comprendre que le blanchiment est consubstantiel au narcotrafic. Pour les caïds, la remise d’espèces n’est qu’une première étape dans le blanchiment de leur cash. Leur défi est de réinjecter de l’argent dans l’économie réelle. Ils font encaisser les chèques par des prête-noms et s’achètent ainsi, sous couverture, des parts dans des sociétés qui ne sont pas toujours de si petites entreprises…

A lire aussi, Jean-Pascal Caravano: Amende de 200€ pour les consommateurs de cannabis: encore un enfumage?

L’argent sale fait vivre des pans entiers de la société. C’est sa force. Les narcotrafiquants soutiennent des familles démunies et des petits commerçants croulant sous les dettes, non sans arrières pensées. Dans les quartiers nord de Marseille, les zones de non-droit ont toujours été dirigées par des politiques situés à gauche, censés lutter contre les inégalités. Après plus de 40 ans de gestion socialiste dans ce secteur, il n’y a jamais eu autant de pauvreté et de flambée de la violence.

Dans votre livre, vous expliquez qu’il faudrait ouvrir les vannes du crédit, pour éradiquer le blanchiment et par conséquent le narcotrafic.

J’en suis convaincu ! Si les banques faisaient davantage confiance en prêtant plus facilement de l’argent à des particuliers et à des entrepreneurs, alors une bonne partie du blanchiment serait asséchée. Aujourd’hui, un chef d’entreprise qui a besoin d’emprunter une somme de 100 000€, se heurte à l’orthodoxie budgétaire des établissements bancaires. Pour appuyer sa demande de prêt, il doit fournir un nombre aberrant de documents dont l’effet dissuasif en décourage plus d’un, quand son prêt ne lui est pas finalement refusé. Dès lors, en désespoir de cause, l’emprunteur s’adressera parfois à un caïd qui, en 48 h, lui prêtera ladite somme qui sauvera son entreprise. Je pense donc que si on ouvrait les vannes du crédit, on pourrait ralentir le recours à des capitaux d’origine potentiellement frauduleuse. En dernier ressort, un entrepreneur préfèrera toujours emprunter 100 000€ à une banque et les rembourser sur sept ans, plutôt que d’emprunter cette même somme en espèces à un voyou, qui, le sachant aux abois, exigera 150 000€ douze mois plus tard, en espèces de surcroît. En définitive, cette absence de directives de l’État pour contraindre nos banques conduit des entrepreneurs à se jeter pieds et poings liés dans les filets des caïds. Si l’on ne saisit pas cette dimension, on se condamne volontairement ou non, à ne rien comprendre.

Immigration maghrébine, chronique d’un (colossal) rendez-vous raté

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Moha La Squale, de son vrai nom Mohamed Bellahmed, rappeur français, défilé Lacoste 2018 à Paris © Jean-Marc Haedrich/SIPA

Si l’immigration maghrébine est de plus en plus critiquée, l’incompréhension et la complicité passive des Français face à des phénomènes complexes menant au « séparatisme » ne doivent pas être oubliées non plus.


Accuser les Français de racisme est à la mode, c’est le dernier chic même dans certains milieux universitaires et artistiques. Un passage obligé pour se faire adouber par les élites parisiennes qui confondent humanisme et automutilation. Pourtant, s’il y a un reproche majeur à faire aux Français, ce n’est pas leur prétendu racisme, mais plutôt leur immense imprudence face à l’immigration.

En ouvrant leurs frontières à l’immigration de masse, ils n’ont pas suffisamment songé à la vie mentale et spirituelle des immigrés. Ils ont vu passer des valises et des visas sans s’apercevoir que des civilisations entières franchissaient la barrière des Pyrénées à leur nez et à leur barbe. Par naïveté et paresse intellectuelle, ils ont voulu réduire l’étranger à un simple homo economicus alors que l’homme, quel qu’il soit, est toujours sous l’influence d’un inconscient collectif où résonne la voix de ses ancêtres qui lui crient, d’outre-tombe, leurs peurs, leurs espoirs et leurs partis pris, en gros leur sensibilité.

La civilisation, une évidence ignorée

Depuis quarante ans, plusieurs civilisations se sont donc installées en France. Certaines sont invisibles et silencieuses comme celles qui sont nées en Indochine et en Arménie. D’autres défraient la chronique comme la civilisation sahélienne ou maghrébine. Celle-ci est autre chose que la religion musulmane : elle compose en réalité un tableau complexe et parfois déroutant de comportements, de valeurs et de modes de vie. Autant de traits qui racontent l’histoire commune de peuples qui, par le cynisme et l’incurie de leurs élites, ont été mis aux fers durant des siècles et obligés de vivre intimement avec la pénurie. Plus que musulmane, cette civilisation est fille de la sécheresse qui stérilise les sols et dévitalise les hommes. Plus qu’arabe, elle est le reflet d’une paysannerie rustre et d’une féodalité sans éclat. Elle méconnaît l’Egalité et n’y aspire point.

« Le Français ne peut pas comprendre le langage de l’humiliation, qui bien plus que la violence, imbibe la civilisation maghrébine » Driss Ghali

Cette civilisation a joué et joue encore un rôle crucial – le premier rôle – dans le fiasco de l’immigration maghrébine. Invisible aux marxistes et aux matérialistes, elle s’est exprimée dans un langage codé où les faits divers racontaient une autre histoire que la logique des inégalités sociales. Si les Français avaient ouvert les yeux à temps, ils auraient reconnu la présence d’un Être supérieur qui agit en sourdine pour imposer aux immigrés maghrébins une grande retenue vis-à-vis de la France, une sorte de distanciation sociale.

Auto-sabotage et ingratitude

L’histoire de la civilisation maghrébine en France est celle d’un gâchis qui s’est décidé très tôt, dès son débarquement massif dans les années 1970.

Causant l’incompréhension parmi les observateurs les plus bienveillants, nombreux ont été les immigrés qui ont dit « non » à la France. Ils ont dit « non » à deux reprises quitte à en payer le prix le plus lourd, celui de l’échec et de la marginalisation.

Le premier refus a consisté à déclarer la guerre à l’Etat français le confondant avec l’appareil de répression et d’exploitation en place au sud de la Méditerranée.

Les fraudes aux allocations (de 17 à 30 milliards d’euros par an), les mariages blancs (illégaux), les dégradations des HLM font partie d’une longue série d’offenses dont les racines plongent dans un terrain stérile où l’homme déteste l’Etat (corrompu, arbitraire et incompétent) et l’Etat méprise l’homme (bonimenteur, hypocrite et fraudeur).

Le second refus a été signifié au peuple français en personne, exposé à un déluge d’agressions. Aucune blessure narcissique n’a été épargnée à la population autochtone puisque ses femmes sont offensées, ses policiers battus et ses élus agressés. Tout cela n’est rien d’autre que la continuation de la guerre entre Roumis et Musulmans, une guerre de religion mais aussi un conflit de civilisation qui dure depuis l’entrée des cavaliers arabes en Afrique du Nord il y a 1400 ans.

Certains bien sûr (et ils se comptent par milliers) ont accepté les règles du jeu françaises. On les trouve partout du secteur privé à la police en passant par l’enseignement. Leur rendre hommage est nécessaire car ils ont su dire non à leur civilisation d’origine, une mère jalouse et possessive. Toutefois, ils ne pèsent pas grand-chose devant les milliers de jeunes qui se sont laissés séduire par les sirènes de la médiocrité. Pire que la médiocrité est la futilité, une spécialisation choisie la tête haute par les célébrités censées représenter les Maghrébins de France. Ils sont rappeurs, clowns ou repris de justice, aucune de ces qualités n’étant exclusive des autres. Ils répètent tous le même mantra fondé sur la victimisation et la haine de la France.

Cruelle ingratitude de celui qui crache sur la main tendue, la France ayant été le premier pays au monde à traiter les Maghrébins comme des êtres humains. Jamais auparavant, les élites marocaines, algériennes ou tunisiennes n’avaient pris la peine de soigner, d’éduquer ou d’assurer leurs ressortissants contre les aléas de la vie.

Le complexe de la Belle au bois dormant

Cette histoire s’est écrite à deux et le rôle de la France ne peut pas être passé sous silence pour faire plaisir aux pourfendeurs de l’immigration maghrébine. Ce serait commettre une grande injustice et un tragique contre-sens. Le rôle de la France dans cette catastrophe peut se résumer à l’incompréhension et à la complicité passive.

Le Français moyen n’a pas les moyens (ce n’est pas de sa civilisation) de comprendre que dans une société structurée par l’arbitraire, il n’y a pas de place au juste milieu : ou vous êtes capable de vous défendre (vous-même ou par le truchement d’un tiers), ou vous êtes vulnérable telle une mouche exposée aux aléas du vent.

Trempé depuis son jeune âge dans l’Egalité, le Français croit que le caïd de banlieue est l’expression de la pauvreté alors qu’il est pure volonté de dominer et de discriminer les forts (ses amis, sa famille) des faibles (tous les autres).

Civilisé par un long processus d’adoucissement des mœurs, le Français a quelque chose du mouton sans berger mis à côté d’une civilisation où douceur et bienveillance sont lues comme des signes de faiblesse. L’homme français d’aujourd’hui s’empêche non par respect d’un interdit religieux ou par peur du gendarme mais parce qu’il a reçu en héritage le devoir de gérer sa frustration. Il respecte la femme non par peur du mouvement me too mais parce qu’il estime que la femme a le droit au respect en toutes circonstances, qu’elle soit mariée ou célibataire.  Il ne peut pas comprendre le langage de l’humiliation, qui bien plus que la violence, imbibe la civilisation maghrébine. Il n’a jamais eu besoin de baiser une main pour obtenir justice ou de payer un bakchich à un infirmier minable pour être soigné.

A ce titre, l’obsession du Maghreb pour l’Islam n’est pas seulement religieuse, elle est également d’ordre psychique.  Dans un milieu sans surmoi, dans une société où l’être ne s’empêche pas de lui-même, il n’y a de surmoi que dans l’interdit religieux. Tu ne tueras point, tu ne commettras pas l’adultère etc. Enlevez l’Islam et le Maghreb devient le théâtre d’une guerre de tous contre tous. Enlevez la religion à la France et la paix civile demeurera intacte (c’est déjà le cas).

L’excuse tue

Le Français atténue la réalité et refuse de nommer les choses par leur nom. Il a compris que sa liberté d’expression se limite à la liberté de répéter ce que les élites bien-pensantes estiment juste et désirable.  Ainsi, quand on casse la gueule à ses enfants sur le chemin de l’école, il parle d’incivilités. Quand on l’agresse lui dans le métro parce qu’il est Français, il évoque une mauvaise rencontre et non une attaque raciste. Quand il lit dans un journal qu’une jeune fille a été molestée au cri de « sale Française », il préfère se désabonner « pour ne pas soutenir les médias d’extrême-droite ». En réagissant ainsi, il est complice et mouillé jusqu’au cou dans ce qui arrive à son pays.

La France a répondu de la pire manière possible en s’excusant et en excusant. La repentance a accompagné le laxisme. Là où il fallait poser des limites claires et s’y tenir, la France n’a cessé de reculer et de condamner ceux qui refusaient de reculer. « Racistes », « fascistes », « xénophobes », aucune insulte n’a été épargnée à ceux qui voulaient simplement faire appliquer les lois françaises à tous ceux qui habitent en France. Depuis quarante ans, le « génie français » consiste à faire peser tout le poids de la culpabilité sur ceux qui dénoncent la haine et la violence et non sur ceux qui la promeuvent et l’incarnent. Cette terrible erreur d’appréciation est le fait d’une civilisation qui ne s’estime plus digne d’être défendue alors que nous sommes des millions dans le monde à la chérir.

Bien entendu, le résultat obtenu est contre-productif, le problème ne faisant que s’amplifier émeute après émeute, lynchage après lynchage. Habitué à reculer toujours plus loin les limites du tolérable, les Français s’enfoncent progressivement dans l’ensauvagement. Une civilisation raffinée et sophistiquée développe désormais en son sein des scènes de barbarie de plus en plus fréquentes. On brûle des voitures pour exprimer sa joie ou sa peine, on fend le crâne de son prochain pour une cigarette refusée… C’est dire le recul de la communication et du langage en France. Frapper au lieu de parler, quel progrès !

Il aurait fallu transmettre un message clair à la civilisation maghrébine au lieu de la laisser suivre son pilote automatique. Pour le bien des Français et des immigrés, il aurait mieux valu risquer l’excommunication médiatique que de laisser deux civilisations rater leur rendez-vous historique.

Personne n’est gagnant. Les Français ont perdu la douceur de vivre et la sécurité, les Maghrébins ont raté une chance unique de participer utilement à la marche du monde.

Les banlieues françaises n’ont rien de bien différent des villes maghrébines, ce sont des dépôts où fermentent des mentalités frustrées et aigries, des réserves de talent gâché où l’on produit peu et l’on se plaint beaucoup. Point d’innovation scientifique, point de sophistication sur le plan des arts et des créations de l’esprit, point de dynamisme économique. A quoi bon avoir traversé la Méditerranée pour reproduire les échecs des aïeux ?

Cela dit, il est impossible d’écrire à rebours ce qu’aurait été la réponse de la civilisation maghrébine à une France bien décidée à la contenir. Révolte ou résignation ? On ne saura jamais.

New Deal

La seule question qui vaille à ce stade de l’histoire est que faire. La réponse dépend de l’attitude des Français. S’ils veulent disparaître en tant que peuple souverain, la civilisation maghrébine fera le job et accélèrera le délitement en cours. Dans une ou deux générations, les mentalités et les paysages humains se seront alignés pour de bon sur les (mauvaises) normes en vigueur au sud de la Méditerranée. A l’inverse, si les Français croient encore en leur pays et aiment encore leur civilisation, ils peuvent se retrousser les manches pour proposer un New Deal à la civilisation maghrébine. Des limites, des limites et encore des limites en contrepartie du droit de vivre en France et de profiter des potentialités de l’Europe. Défi immense, projet complexe, les risques sont effectivement énormes. Et si ça marchait ? Quelle joie auront les historiens à écrire, dans cinquante ans, les pages heureuses d’une France qui aura réussi à faire rimer diversité et douceur de vie, pluralité et prospérité.

S’il y a un génie français, qu’il s’exprime autour de cette entreprise que la Terre entière observera le souffle coupé.

Raphaël Enthoven, merci pour ce roman

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Raphael Enthoven © Photographe : Hannah Assouline

Le Temps Gagné, l’autofiction de Raphaël Enthoven, fait scandale. Mais le lecteur peut aussi la voir comme un règlement de compte littéraire à visée pacificatrice!


En 2014, j’étais l’un des rares à défendre publiquement Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler. Dans un mouvement symétrique, je voudrais défendre le roman autobiographique de Raphaël Enthoven, Le Temps Gagné, qui est tout aussi injustement critiqué, d’ailleurs à coups d’arguments similaires. Je ne connais personnellement ni l’un ni l’autre de ces deux auteurs ; je voudrais tout simplement défendre le genre littéraire du règlement de compte.

Pas de malaise pour moi

Que reproche-t-on au plus médiatique philosophe de France ? Tout d’abord, de dresser un portrait au vitriol de membres de sa famille, en premier lieu de son beau-père et de son ex-femme. La belle affaire ! Bien d’autres romans autobiographiques, pourtant bien plus cinglants, sont quant à eux encensés par la critique. Nul ne reprocha par exemple à Edouard Louis son impitoyable critique des classes populaire dans En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014). Peut-être parce que l’on tolère plus facilement les critiques adressées à de modestes anonymes que celles visant des célébrités de Saint-Germain-des-Prés.

Ce n’est pas parce que Raphaël Enthoven a été rudoyé ou déçu par des gens connus qu’on devrait lui retirer le droit à la parole. Au contraire : il ferraille à armes égales avec des personnes (l’éditrice et écrivaine romancière Justine Lévy ; l’éditeur, écrivain et journaliste Jean-Paul Enthoven ; le philosophe Bernard-Henri Lévy ; le psychanalyste Isi Beller) qui ont la langue, la plume et l’accès médiatique pour se défendre. Je ne ressens donc pas le malaise que me procure le livre d’Edouard Louis, pour reprendre cet exemple, quand il étrille des gens qui n’ont pas forcément les mots et encore moins l’accès aux médias pour faire entendre leur part de l’histoire.

Critiques et lecteurs lambda reprochent ensuite à Raphaël Enthoven son indécence en raison des pans intimes de son entourage qu’il révèle. Quelle tartufferie ! C’est comme si des acheteurs de revues pornographiques s’indignaient devant la nudité des photos ! Si ce roman ne faisait pas écho à des personnes célèbres, il se vendrait bien moins.

Pages scabreuses

On reproche tout particulièrement à l’auteur de verser dans le côté scatologique de la vie quand il décrit le mode de défécation de son ancienne épouse qui cherchait à éviter les gros « plouf ! » dans une tentative belle mais perdue d’avance de préserver le glamour de la vie à deux. « Ça ne se dit pas ! » s’écrient les lecteurs qui, nostalgiques de leur enfance, voudraient que les romans, à l’instar des contes de fée, se contentent d’un « ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants ». Je crois, au contraire, que c’est véritablement au moment où le roman capte la vie quotidienne qu’il devient intéressant : c’est là que se démarque le bon romancier (ou le bon sociologue qui sont parfois les mêmes). En outre, il n’y a rien d’humiliant à relater ce petit détail fécal ; il est au contraire touchant d’observer que le silence de son ancienne femme aux toilettes était un véritable acte d’amour.

On aurait pu comprendre les contempteurs de ce roman si l’auteur-narrateur ne cherchait qu’à appuyer sur la tête d’autrui pour se rehausser et se donner le beau rôle. Mais ce n’est pas de cela dont il s’agit. Raphaël Enthoven se dépeint volontiers en petit con manipulateur. Il va jusqu’à avouer qu’il mentait à ses conquêtes en se prétendant stérile afin d’acquérir le droit de leur faire l’amour sans préservatif ; aveu qui pourrait lui valoir la vindicte de nombreuses féministes. De même, il ne cherche pas à s’épargner les coups. Quand il raconte le jour où il s’est découvert beau garçon, il donne la joue droite et la joue gauche pour se faire battre.

Une revanche gaie vaut mieux que les passions tristes

Ce roman tranche avec son époque car l’auteur évite deux écueils : dire, d’un côté, que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ; et chercher, de l’autre, à faire pleurer dans les chaumières en se faisant passer pour une pauvre petite victime. Raphaël Enthoven avait déjà tranché avec son époque en refusant de saisir les tribunaux quand son ex-femme, Justine Lévy, l’avait étrillé dans son roman Rien de grave (Stock, 2004). La vengeance est un plat qui se mange froid, dit le proverbe. Le règlement de compte littéraire en est une forme suprême car il consiste moins à faire preuve de méchanceté qu’à mettre les points sur les i et à partager cette autoréparation avec style et gourmandise… et avec ses lecteurs. Celui qui glisse une peau de banane pour faire chuter son voisin a ceci de généreux de faire rire les passants. Une revanche gaie vaut mieux que les passions tristes.

En préférant répondre à ce livre (ainsi qu’aux baffes de son enfance et à la déception des adultes) par un roman, Raphaël Enthoven illustre le processus de civilisation décrit par le sociologue Norbert Elias. L’histoire se caractérise par un processus séculaire de pacification des mœurs, de contrôle de soi, de domestication des instincts. Nous ne nous battons plus en duel à la moindre offense ; nous répondons avec plus de panache par un bon mot. Ou un gros roman en guise de solde de tout compte.

Le temps gagné

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