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Éditeur d’Histoire, un métier d’avenir

Dans un monde de plus en plus incertain, selon le directeur des éditions Passés Composés, « nous avons besoin d’explications historiques. » Les livres que publie Nicolas Gras-Payen sont conçus pour répondre à ce besoin, en donnant une large place à l’infographie et à l’illustration.


Nicolas Gras-Payen dirige les éditions Passés Composés depuis leur création il y a trois ans. Avec près de trente-cinq titres publiés chaque année, cette jeune maison spécialisée dans les livres d’histoire a su s’imposer dans un paysage qui n’avait pas vu venir de nouvel acteur depuis longtemps. Et les lecteurs sont au rendez-vous.

Causeur. N’est-ce pas un pari risqué de créer une maison d’édition, et qui plus est spécialisée en Histoire, à l’ère du numérique et de l’immédiateté ?

Nicolas Gras-Payen. Ce pari aurait même été inconscient si nous n’avions pas créé Passés Composés dans le cadre du groupe Humensis. Cela a été rendu possible car nous avions à la fois un soutien financier et un soutien éditorial. Avoir des auteurs est une chose – et non des moindres – mais il est fondamental d’avoir, comme ça a été le cas lorsque nous sommes arrivés, des locaux et des services généraux opérationnels.  

Vous avez été le directeur éditorial des éditions Perrin pendant huit ans, qu’est-ce qui a changé pour vous ?

Rien ! On a recréé ce qui était la logique de Perrin et du groupe Éditis : laisser le temps et l’espace intellectuel aux éditeurs de se concentrer sur leur métier, c’est-à-dire la création de contenu et de « produit », puisque les livres sont aussi des produits.

Et comment pense-t-on le « produit Histoire » ?

Si nous sommes une équipe de jeunes, notre expérience cumulée dépasse les quarante ans. Chacun d’entre nous n’arrive pas de nulle part. Nous avons tous une expérience dans une grande maison et l’intuition qu’il y a un espace pour autre chose. C’est dans cette intuition que réside peut-être notre pari initial : proposer une alternative à la domination de Perrin, ou aux batailles Perrin-Seuil-Tallandier-Fayard, ainsi qu’à la baisse de production des grandes maisons généralistes dans le domaine historique. Notre pari est pour l’instant gagnant. Nous aurons trois ans au mois de mars et sommes devenus un acteur qui compte. Aussi bien dans les médias que dans les librairies, ce qui est primordial pour nous.

Publie-t-on des livres d’Histoire comme on le faisait il y a vingt ou cinquante ans, et si non, qu’est-ce qui a changé ?

Les sujets ne sont plus les mêmes. Certains n’étaient absolument pas traités il y a quelques décennies et ils le sont aujourd’hui. Si l’histoire nationale demeure un point important, l’histoire étrangère n’est plus une part négligeable d’un catalogue. Il y a par exemple un intérêt grandissant pour les pays de l’Est et ceux d’Asie. Ce n’était pas le cas il y a vingt-cinq ans.

L’écriture et les pratiques de lecture ont aussi changé. Pour s’y adapter, les livres sont désormais, parfois, plus courts et plus découpés. Certains déplorent un affadissement de l’écriture mais je n’en suis pas convaincu. Il y a de jeunes plumes très brillantes. Quant au lectorat, il s’est élargi, voire éclaté. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, vous vendez peut-être moins d’exemplaires par titre mais vous proposez plus titres, afin d’être en phase avec les attentes du public.

L’Histoire, c’est de gauche ou de droite ?

L’Histoire est apolitique ! Elle est un levier aussi fort dans les idéologies de gauche comme de droite. De toute évidence, elle a toujours servi toutes les politiques. D’où son omniprésence dans le débat, encore actuellement. On peut cependant relever des évolutions intéressantes, des lignes mouvantes. L’histoire du communisme, par exemple, a été très longtemps un bastion de l’ultra-gauche, mais aujourd’hui, un certain nombre de ses sujets intéressent la droite conservatrice. Mais ce n’est pas à moi de dire ce qu’elle cherche à y puiser…

Nous sommes aussi dans un monde en pleine mutation économique, sociale et démographique. Les lignes géopolitiques internationales bougent rapidement. Face à ce monde incertain, nous avons besoin d’explications historiques. Certaines personnalités politiques distillent l’Histoire dans leurs discours pour justifier des racines, un attachement à une terre immémoriale, d’autres pour défendre l’exact opposé. C’est là toute l’ambiguïté de l’Histoire : le regard que l’on porte sur elle et les sources que l’on utilise peuvent servir des propos contradictoires. C’est pour cela que le débat et l’édition sont nécessaires. Puisqu’il n’y a pas de vérité historique, il faut confronter les interprétations. À réalités plurielles, analyses plurielles.

On dit que l’édition d’Histoire s’adresse à un public de vieux, c’est vrai ?

Absolument pas ! Quand j’ai commencé à travailler dans l’édition il y a une quinzaine d’années, on m’a dit que « le lecteur d’histoire c’est le notaire de province ». Je n’y crois pas. Entrez dans une librairie à Paris, à Bordeaux ou à Rouen, vous vous rendez compte de la diversité des lecteurs au rayon Histoire. Il est vrai, cependant, qu’avant trente ou trente-cinq ans, ce sont essentiellement des étudiants, mais passé cet âge-là, le public est très varié. On est très loin du notable de droite de province ! Mais là encore, ça dépend des sujets : si certains séduisent des publics âgés, d’autres, sur des sujets de société plus contemporains, trouvent leurs lecteurs chez les jeunes. Ce sera le cas, je pense, pour L’histoire de la pilule que nous publierons prochainement.

Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin; data design de Julien Peltier (Editions Passés Composés, 2021)

Le profil des auteurs a-t-il aussi changé ?

Beaucoup de jeunes auteurs ont en tout cas compris que l’accès à l’université leur était quasiment devenu impossible : il n’y a plus de postes. Ils trouvent donc dans l’édition un épanouissement et un accomplissement intellectuels que ne peut plus offrir le cadre de la recherche universitaire. Il y a ainsi une génération de trentenaires passionnants qui, sans renier l’université, s’en détachent car ils ne peuvent entrer dans son moule, intégrer ses rangs. Ils s’expriment donc différemment et c’est aussi notre rôle de leur donner la parole.

L’édition prendrait donc le relais d’une université saturée ?

Dans une certaine mesure. L’édition ne prend pas le relais de l’université mais donne un espace que celle-ci ne peut plus valoriser et encourager auprès des jeunes historiens. Le modèle universitaire privilégie la publication de trois ou quatre articles plutôt que celle d’un livre. Ceci est dicté par des contraintes budgétaires : l’université a moins d’argent et moins de postes. Mais heureusement qu’elle continue de former des jeunes gens brillants.

A lire aussi : Thierry Lentz : « Nous avons tous quelque chose de Napoléon »

On a tendance à dire que le niveau baisse partout, faites-vous le même constat face aux manuscrits que vous recevez ?

Je n’en ai pas le sentiment car ceux qui nous parviennent sont de très haut niveau. Mais il est vrai que parmi des historiens talentueux, tous n’ont pas vocation à écrire. La question que l’on peut se poser, puisque la tendance que vous évoquez est actuelle, est : quel sera le niveau général dans vingt-cinq ans ? Et là, je n’ai pas de réponse.

Quelles ont été vos meilleures ventes de l’année 2021 ?

L’Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin, avec les infographies de Julien Peltier. Cela avait déjà été le cas l’année dernière avec L’infographie de la Rome antique. Parmi nos meilleures ventes, nous avons aussi le livre de Loris Chavanette, Danton et Robespierre – le choc de la Révolution, ainsi que la Nouvelle histoire de la Shoah, sous la direction de Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat et Olivier Lalieu.

La Révolution de 1789 et la Seconde Guerre mondiale sont des sujets vendeurs ?

Incontestablement. Ce sont des tendances fortes. Mais concernant la Révolution on peut parler d’un « retour », car le sujet n’était pas vendeur il y a une quinzaine d’années. 2021 a également été l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, ce qui a été bénéfique pour le livre de David Chanteranne, Les douze morts de Napoléon, et celui de Thierry Lentz, Napoléon, la biographie inattendue, illustré par les dessins de Fanny Farieux.

Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin; data design de Julien Peltier (Editions Passés Composés, 2021)

Vos infographies – avec leurs schémas, leurs cartes et leurs graphiques – ne limitent-elles pas l’exercice de la lecture ?

Paradoxalement, ce sont des livres – parce que ce sont bien des livres ! – qui demandent un temps de lecture. Ce ne sont pas des ouvrages qui se feuillettent, auquel cas on ne comprendrait pas grand-chose. Mais en lisant une double page, en dix minutes, vous comprenez l’essentiel du sujet, et en trente, vous affinez encore davantage vos connaissances. L’infographie offre plusieurs niveaux de lecture qui permettent de toucher différents publics.

Plus généralement, nous sommes attachés à l’iconographie, à l’illustration des livres que nous publions car, en Histoire, celle-ci est fondamentale. On comprend beaucoup plus de choses avec une bonne image ou une bonne carte qu’avec quinze pages de texte médiocre. Et puis, nous sommes dans une société d’images et de flux, il n’est donc pas inintéressant de tendre la main vers ce qu’est la société. Nos infographies sont une nouvelle forme de narration de l’Histoire, non l’avenir du livre d’Histoire.

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Infographie de la Rome antique

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Danton et Robespierre: Le choc de la Révolution

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Lettre ouverte à la ministre du Travail, Madame Elisabeth Borne

Elisabeth Borne entend infliger une amende administrative aux entreprises en cas de non-respect du protocole sanitaire. Cette amende serait instaurée ce lundi par les députés à l’Assemblée nationale via un amendement au projet de loi créant le passe vaccinal. Sophie de Menthon s’en insurge dans cette tribune. Selon elle, en France, c’est toujours la faute aux entrepreneurs !


Madame la ministre,

Que vous n’ayez aucune idée sur les mesures à prendre pour freiner l’épidémie en particulier dans les entreprises, que le gouvernement se répande en injonctions contradictoires par ignorance devant les millions de cas qui apparaissent, nous pouvons le comprendre. 

En revanche, il est nuisible et grave que vous traitiez les chefs d’entreprises comme des délinquants en puissance, en brandissant des menaces d’amendes dites « administratives ». Vous prétendez nous consulter, mais à part une réunion des instances dites représentatives, mises devant le fait accompli, il n’y a eu aucune confiance et aucune volonté sincère d’écouter nos suggestions.

C’est une provocation

Vous partez du principe que nous sommes inconséquents et que nous ne serions prudents que sous la menace de punitions sévères. Comme si le problème de la contamination venait de se poser ! C’est faire preuve d’une telle ignorance ou d’un tel mépris de la gestion de ressources humaines et même d’une telle absence d’un sens minimal de la communication, que nous sommes ébahis. Les chefs d’entreprises, les industriels et les 20% d’entreprises qui ne peuvent adopter le télétravail et qui en ont fourni la preuve, sont vent debout devant cette attitude. C’est une provocation. 

A lire aussi, du même auteur: J’aime les hommes…

Ignorez-vous toute la prévention déjà mise en place ? Ignorez-vous que nous avons tout fait (et plutôt bien, et avec leur aide) pour préserver nos salariés – y compris en utilisant ce  que vous interdisiez à une époque : masques, température, tests, maintenant (seulement) autotests, réaménagement des postes de travail, vaccins ? Nous leur avons même offert des jours de congés payés pour cela. 

Vous qui êtes ministre du Travail, comprenez-vous bien que la santé de nos entreprises passe par la santé de nos salariés ? Votre injonction en application dès ce lundi 3 décembre, nous est parvenue alors que nos salariés étaient en vacances ! Tout cela nous tombe dessus au moment où nous souffrons déjà d’un absentéisme très fort et de recrutements difficiles.

Les entrepreneurs, toujours coupables en France

Avez-vous vraiment réfléchi au fait que nous gérons depuis des mois, des cas contacts, des arrêts de travail, des salariés atteints ou asymptomatiques, avec absences courtes ou longues ? Nous en savons bien plus que vous et vous nous annoncez que l’inspection du travail devrait JUGER si tel ou tel salarié est indispensable en présentiel ? Est-ce une plaisanterie ? Permettons aux inspecteurs du travail d’être eux-mêmes en télétravail si nos entreprises sont des lieux si risqués !

Vous semblez par ailleurs ignorer complètement les solutions que nos industriels ont inventées pour lutter contre la propagation du virus. Qu’attendez-vous pour les utiliser dans les services publics ? Parmi vos coups de semonce, je rappelle que vous avez attaqué le faible taux de télétravail des banques en décembre 2020, après avoir mal lu les tableaux de chiffres fournis du secteur qui indiquaient en réalité un fort taux de congés en fin d’année ! Cette mise en cause perturbante affecte encore les équipes et les syndicats de ce secteur.

Veuillez de notre part, remercier le ministre des Finances des aides financières généreuses distribuées cette année qui nous ont permis de franchir un cap. Mais l’argent n’est pas tout ! Vos dernières déclarations intempestives et accusatrices sont néfastes sur tous les plans et ruinent la confiance que certains portent à votre gouvernement. À moins qu’il ne s’agisse de votre part d’un signal politique délibéré pour montrer aux citoyens que les entreprises, toujours forcément coupables en France, sont dans l’œil du cyclone.

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Macron et Pécresse, c’est drapeau bleu et bleu drapeau

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Le drapeau européen placé sous l’Arc de Triomphe à l’occasion de l’ouverture de la présidence française du Conseil de l’Union européenne a été retiré dans la nuit de samedi à dimanche. Valérie Pécresse, adversaire de comédie du président, avait demandé « solennellement » à Emmanuel Macron de remettre le drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe. Analyse.


On aura tout vu, tout entendu. Les députés Les Républicains et ceux de La République en Marche sont entrés dans une ignoble compétition. C’est à qui désignera avec le plus de virulence le responsable de l’échec de la vaccination. Car ce n’est ni le vaccin, ni l’incompétence du ministère de la Santé, ni la corruption de l’industrie pharmaceutique, ni l’interdiction faite aux médecins de soigner, ni le somnambulisme d’une opposition complice ; le coupable, Macron l’a dit, c’est le non-vacciné, ce maudit animal, ce pelé, ce galeux… 

Celui qui hier s’est cru « puissant » avec sa deuxième dose, se voit aujourd’hui « misérable » devant l’obligation d’une troisième injection suivie bientôt d’une quatrième. Devant la colère populaire et l’insuffisante efficacité de la vaccination, le gouvernement israélien a dû faire marche arrière et suspendre l’injection d’une quatrième dose. 

Mordre sur l’électorat de son faux adversaire

En France, il y a cette année une élection présidentielle, suivie des élections législatives. La stratégie d’Emmanuel Macron n’est pas encore totalement arrêtée. Utiliser la crise sanitaire à son profit ? Faire de la présidence européenne un atout supplémentaire ? La partie s’annonce difficile et n’est pas gagnée. 

Mettre les Français sous le joug d’un nouveau confinement qui justifierait la restauration du vote par correspondance, continuer de jouer sur la peur, imposer avec le passe vaccinal le port du masque en extérieur, sont les armes de la nouvelle panoplie du président-candidat. Si Napoléon faisait « les plans de ses batailles avec les rêves de ses soldats endormis », Emmanuel Macron fait ses petits calculs avec les craintes d’un électorat sur lequel son adversaire de comédie, Valérie Pécresse, entend mordre suffisamment pour être au second tour.

L’Arc de Triomphe contraint de faire campagne pour Macron

Le hasard du calendrier offre au président sortant ce qu’il croit être un avantage. N’ayant pas su durant son mandat être un chef d’État à la hauteur des difficultés intérieures et des enjeux extérieurs, il entend mettre dans la tête des Français que leur véritable patrie, c’est l’Europe ! Il est important pour lui que son électorat continue de se persuader avec autant de mauvaise foi que d’aveugle confiance que leur chef n’a nullement démérité. Il y eut simplement maldonne. Pourquoi l’avoir attendu sur le règlement des problèmes des Français alors qu’il avait fait jouer l’hymne européen le soir de son élection ? Ce n’est donc pas aujourd’hui qu’il faut le juger. Il lui faut cinq ans de plus. D’où cet immense drapeau européen ondulant sous l’Arc de Triomphe. En ayant pris cette initiative sacrilège trois mois après avoir fait empaqueter le monument par le fantôme de Christo, Emmanuel Macron montre aux Français que la politique n’est, à ses yeux, que communication. Aussi ce coup de com’ avec le drapeau européen se retourne-t-il déjà contre lui. L’idée européenne dévoyée dans l’oubli des nations et le mépris des peuples est une imposture qui va de pair avec celle de l’art contemporain.

A lire aussi, du même auteur: L’art africain, c’est nous!

Les amis de Pécresse au sénat, pires que Macron ! 

Valérie Pécresse s’est engouffrée dans la brèche sans attendre. « Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », a-t-elle lancé. Quelle pitoyable comédie ! En 2008, à la veille de la présidence française de l’Union européenne – elle était alors ministre de Nicolas Sarkozy –, ses amis sénateurs ne s’étaient pas gênés pour refuser d’installer le drapeau de la nation dans l’hémicycle du Sénat comme le proposait un des leurs. Voici l’argument cousu de fil blanc que le président (UMP) de cette Chambre utilisa pour motiver son refus : « Au terme d’un échange de vues approfondi et ouvert, le Bureau a décidé de ne pas donner suite à [votre] proposition. Il est en effet apparu que (…) les conditions d’une quasi-unanimité requises par une initiative aussi symbolique n’étaient pas réunies. C’est en espérant que vous comprendrez cette décision, qui s’inscrit dans le contexte de la prochaine ouverture de la Présidence française de l’Union européenne, que je vous prie de croire, cher collègue… »

Eh bien non, quatorze ans plus tard, cette mise sous le boisseau du drapeau français n’est toujours pas compréhensible… ou ne l’est que trop. Cela fait en effet des années que l’Europe est le cheval de Troie d’une droite (plus fédéraliste que gaulliste) qui l’a introduit au cœur de la souveraineté française pour, de l’intérieur, en venir à bout. Ce refus de pavoiser l’hémicycle aux couleurs de la France s’inscrivait dans la même vision post-nationale que la décision prise par les parlementaires de ne pas tenir compte du « non » au référendum de 2005 et de ratifier le traité de Lisbonne de 2009. Il faudra attendre 2015 pour que nos couleurs soient installées dans l’hémicycle du sénat. Elles le seront dans la plus grande discrétion, à la faveur d’un subterfuge, et accompagnées des inévitables couleurs de l’Europe qui veille comme une duègne sur la France.

Valérie Pécresse : moi aussi, je suis la candidate du multiculturalisme

« Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », c’est la candidate des Républicains qui parle. C’est elle, Valérie Pécresse, qui joue désormais la vestale du temple, la même qui en janvier 2010, en plein débat sur l’identité nationale, ne se gênait pas pour signer aux côtés de Rama Yade et de Rokhaya Diallo un appel « pour une république multiculturelle et post raciale ». Tout cela fleure l’escroquerie politique. 

A lire aussi, Simon Moos: République ou France? La vraie question des présidentielles

Le cynisme est un métier. Si Valérie Pécresse est animée par un opportunisme qui n’a rien à envier à celui de Macron, ce dernier a, sur sa fausse adversaire, un certain avantage. Comme elle, il dit une chose et son contraire, mais n’attend pas douze ans. Il ne retourne pas sa veste : il la tombe pour que chacun puisse voir en même temps l’endroit et l’envers du personnage. Il est président de tous les Français mais ne se prive pas d’en humilier régulièrement un certain nombre. 

Quand les Français comprendront-ils que cette manière de faire est de la même veine que l’humiliation publique du chef d’État-Major des armées, que la vulgarité de sa fête de la musique en bas résille, que les photos prises aux Antilles, les galipettes sur la pelouse de l’Élysée, la gifle du contrat australien sur les sous-marins ou la séance d’autosatisfaction devant deux journalistes d’une complaisance indécente ? C’est notre pays que Macron dégrade avec un plaisir pervers. Et il en jouit sous les yeux d’une candidate secrètement admirative de ses coups de com’ et qui, à défaut de pouvoir s’asseoir demain dans son fauteuil, se verrait bien assise à Matignon.


Le drapeau européen flottant – seul – sous l’arc de Triomphe pour marquer le début de la présidence française de l’Union européenne a finalement été retiré samedi.

Première provocation de l’année de notre exécutif politique disruptif, le drapeau de l’UE flottant sous l’Arc de Triomphe est une subversion plus grave qu’on ne le pense. C’est en tout cas la première polémique de l’année ! De nombreux Français ne l’ont pas comprise. 
Par courte vue, certains ne conçoivent pas qu’on puisse contester le drapeau bleu étoilé, un drapeau supposément paré de toutes les vertus du monde (“L’Europe c’est très bien”, “Unis on est plus forts”, “75 ans de paix c’est grâce à l’UE” etc., alors que le drapeau tricolore qu’il remplace ne saurait avoir d’autre signification que celle d’un nationalisme rance et guerrier). D’autres, qui ne vibrent ni au souvenir de Reims ni à celui de la Fête de la fédération, pensent qu’il n’existe pas une culture française mais une culture en France et qu’elle est diverse. Adeptes de l’identité heureuse ou de la start up nation, vivant dans des sociétés post nationales et mondialisées, ils peuvent aisément retrouver dans le drapeau européen les valeurs qu’ils chérissent.
N’en déplaise à tous ces fâcheux, le drapeau européen flottant seul sous l’Arc de Triomphe (qui est non seulement un bâtiment public mais également une nécropole nationale) constitue une méconnaissance de tous les usages républicains. En droit, la France ne reconnaît qu’un seul drapeau national, le drapeau tricolore, conformément à l’article 2 de la Constitution et s’il est permis de pavoiser aux couleurs bleues et or, « le drapeau européen ne peut toutefois être hissé qu’en y associant les couleurs françaises et sous réserve qu’il soit placé à droite du drapeau français et donc vu à gauche de ce dernier en regardant l’édifice public ».
Il n’y a pas de souveraineté européenne
S’il ne doit y avoir qu’un seul drapeau sous l’Arc de Triomphe, alors cela ne peut être que celui de la nation. Au-delà de cette petite entorse juridique, faire flotter seul le drapeau étoilé au-dessus de la tombe du soldat inconnu constitue clairement un acte politique, celui de conférer à l’Europe une place qui n’est pas la sienne, celle d’un État souverain.
Les symboles ont un sens et s’il est concevable de célébrer la présidence française de l’Union européenne, cela ne saurait se faire au détriment des symboles de la République et par une inversion des rôles. L’État, c’est la France, l’organisation internationale, c’est l’Union européenne et l’évènement à célébrer n’est pas la présidence européenne de la France.
La polémique sur le drapeau pourrait paraître anecdotique si elle n’avait pas été précédée des sauts de cabri incantatoires permanents du président Macron sur l’Europe, lui qui ne cesse de se complaire par provocation à parler d’une Europe « souveraine » alors même qu’en démocratie le souverain c’est le peuple et qu’il n’existe pas de peuple européen. Lorsque le président de la République – qui a pourtant reçu mandat du peuple pour veiller au respect de la Constitution de 1958 et pour être garant de l’indépendance nationale – joue en permanence avec l’inversion des rôles, la polémique à laquelle donne lieu la présence du drapeau étoilé sous l’Arc de Triomphe, certes pour une seule journée, n’en est que plus légitime. Elle est saine et juste.
Ce n’est pas un énième grognement des réacs
On aurait vraiment tort de vouloir la balayer d’un revers de la main, de ressortir le baratin habituel sur « l’Europe c’est la paix » ou d’assigner le rôle d’affreux réacs aux défenseurs du drapeau tricolore, car l’effacement du drapeau national au profit d’un autre emblème revêt une charge symbolique immense.
Le drapeau national c’est celui de Valmy et de la Résistance, c’est celui du peuple et celui de la République, c’est celui de l’indépendance de la nation et celui que les nazis avaient justement interdit sur les Champs-Elysées le 11 novembre 1940. Il représente la souveraineté nationale et, dès lors qu’elle en l’expression, la démocratie. 
Substituer un autre emblème au drapeau national, c’est effacer le symbole de la démocratie et de la République et cela ne peut que concourir à alimenter le sentiment de remplacement et de dépossession du peuple. Dans un monde qui ne cesse de promouvoir la liberté des peuples, il n’est pas incongru que les Français puissent revendiquer la leur.
On se souvient que pour les 70 ans de la déclaration Schuman, il avait été décidé de marquer le coup par des dessins pour enfants de trois ans sur des tramways avec des slogans ridicules du type « avec l’Europe je respire mieux. » Il est vrai que la présence d’un drapeau sous l’Arc de Triomphe a plus d’allure. Pour autant et quels que soient les mérites et les valeurs qu’incarne ce drapeau, il n’a pas à y figurer seul.
Au demeurant, on a évidemment tort de conférer au drapeau étoilé les vertus un peu sottes énumérées plus haut et de taxer de nationaliste quiconque porterait à son endroit la moindre critique. 
Qu’il nous soit permis de pouvoir contester certaines des valeurs portées par cette Union européenne, qui, l’année dernière, n’aura rien trouvé de mieux à financer qu’une campagne « Beauty is in diversity » faisant la promotion du hijab ou, par l’intermédiaire de sa commissaire maltaise à l’Égalité, un guide effrayant de revendications inclusives inspirées du pire de la pensée diversitaire américaine.
Qu’il nous soit permis de contester ce qu’est devenue cette Union européenne, bien loin du rêve de ses pères fondateurs, celle de la primauté de l’économique sur le politique, de la protection du droit des minorités au détriment du droit des peuples et de la consolidation d’un État de droit à l’anglo-saxonne défini par le juge primant sur la souveraineté populaire.
Qu’il nous soit permis également de contester la primauté du droit de l’Union européenne – qui n’a jamais été inscrite dans un seul traité – affirmée pour la première fois par la Cour de justice de l’Union dans un obscur arrêt Costa de 1964 (qui n’intéresse plus beaucoup de monde à part des juristes) et qui a été massivement rejetée par le peuple lorsqu’elle a été soumise à son suffrage en 2005.
Qu’il nous soit enfin permis de contester que cette Europe soit considérée comme le seul horizon indépassable de la France, France qui ne pourrait entrevoir son avenir que sous le contrôle d’un commissaire letton ou d’un juge danois, France qui est pourtant présente sur les cinq continents et dont la grandeur a un pacte multiséculaire avec la liberté du monde • Stanislas François.

Élisabeth Lévy : « Enlever le drapeau français de l’arc de Triomphe ? Une insulte aux morts ! »

Lévy sans interdit. Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.

Etats-Unis : le droit de port d’armes à feu pourrait être limité par… une loi anglaise du Moyen Âge

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La Cour suprême des Etats-Unis doit décider si les Américains ont le droit de porter des armes à feux dissimulées en public. Une loi anglaise datant de 1328 pourrait aider à trancher la question.


Tout un chacun sait que, aux États-Unis, les citoyens – sauf exception – ont le droit de posséder des armes à feu. Mais est-ce qu’ils ont le droit de les porter en public et de manière dissimulée, tout comme les agents du FBI ou James Bond ? Là, la loi est moins claire. Cette question est actuellement débattue par la Cour suprême. Le verdict qu’elle doit rendre aura un impact significatif sur le port d’armes à feu dans les différents états qui, quoique ayant chacun ses propres règles sur cette question, devront finalement se plier à la législation fédérale. Par une particularité du système judiciaire américain, les avocats se battent à coups de lois anglaises datant du passé, parfois d’un passé très lointain…   

L’origine de l’affaire

Tout a commencé par une bataille juridique dans l’état de New York opposant les autorités de cet État à deux citoyens, membres de la New York Rifle and Pistol Association, affiliée à la très puissante National Rifle Association. Robert Nash et Brandon Koch s’étaient vus refuser un permis de port d’arme dissimulée au motif qu’ils n’avaient pas fourni une justification adéquate. Selon la législation de New York, toute personne faisant la demande d’un tel permis doit la motiver en invoquant un besoin spécifique. Au tribunal, les avocats des deux requérants ont plaidé que la législation new yorkaise était contraire au deuxième amendement de la Constitution américaine qui, selon eux, accorde à tous les citoyens le droit de porter des armes. D’appel en appel, l’affaire est remontée jusqu’à la Cour suprême.

Joutes jurisprudentielles

Cette question du port d’armes à feu dissimulées en public est la plus importante depuis plus de dix ans. En 2008, lors d’une affaire similaire concernant la détention de pistolets à la maison, un des plus éminents juges de la Cour suprême, le très conservateur Anton Scalia, décédé depuis en 2016, avait maintenu que le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis garantissant « le droit du peuple de détenir et de porter des armes » était justifié par l’existence d’un droit anglais antérieur importé par les colonisateurs venant de ce pays. Il s’était référé à un document constitutionnel anglais, la Déclaration des droits, de 1689, qui permet aux citoyens anglais – pourvu qu’ils soient protestants – de porter des armes. Aujourd’hui, l’équipe juridique de Nash et Koch invoque cette opinion, auréolée du prestige de Scalia, pour appuyer le principe de la liberté de porter des armes sans avoir nécessairement l’autorisation des autorités. A quoi les avocats de l’état de New York ripostent en citant une loi anglaise de 1328, celle dite « de Northampton », qui prohibe le port d’armes dans les foires et les marchés sauf pour les serviteurs du Roi et en sa présence. Cette loi, datant d’une époque où les armes à feu n’existaient pas, poserait des limites très strictes à la liberté de porter des armes accordée en 1689. Les partisans des armes à feu répliquent en citant deux autres avis juridiques anglais, de 1686 et de 1716, qui semblent interpréter la loi de 1328 comme interdisant le port d’armes seulement quand l’intention est d’effrayer le public.

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Ils sont fous, ces Anglo-saxons !

Toute cette affaire prend place dans un débat quasi-permanent et très contentieux aux États-Unis concernant l’accès des citoyens aux armes à feu et l’usage de ces dernières. Il peut paraître étonnant à un Français que de telles questions puissent être réglées par des arguments fondés sur des précédents dénichés par les juristes dans un passé plus ou moins lointain. L’explication réside dans le fait que le droit français est plutôt codifié, tandis que le droit des pays anglo-saxons, appelé « common law », accorde plus d’importance à la jurisprudence. C’est ainsi que les citoyens américains n’ont jamais réussi à s’affranchir complètement de l’héritage anglais.

Nuit américaine sur le Vietnam

A l’occasion de la sortie d’Outrages (Casualties of War, 1989) de Brian de Palma dans un magnifique coffret collector, avec quantité de bonus, retour sur la genèse de l’œuvre maudite du réalisateur de Scarface.


La plupart des jeunes cinéastes de la génération dorée dite du « Nouvel Hollywood » ont ressenti, à un moment donné de leur carrière, le besoin vital de se replonger dans le trauma vietnamien et de livrer leur propre lecture de ces événements qui devaient à tout jamais changer le visage des Etats-Unis. Hal Ashby (Le Retour/Coming Home, 1978), Michael Cimino (Voyage au bout de l’enfer/The Deer Hunter, 1978), Francis Ford Coppola (Apocalypse Now, 1979), Oliver Stone (Platoon, 1986), et l’on pourrait également évoquer, par ricochet un Terrence Malick qui à travers sa tardive Ligne rouge (1998) évoquant la bataille de Guadalcanal dans le Pacifique (1942) vise également à sonder les tréfonds de l’âme américaine dans l’enfer vert de la péninsule indochinoise.

Tragique fait divers

Brian de Palma, viscéralement antimilitariste et anti-impérialiste, ayant logiquement usé de tous les subterfuges (homosexualité, communisme, folie) pour éviter l’engagement au Vietnam ne pouvait se tenir à l’écart de cette dynamique artistique contestataire. C’est en octobre 1969 qu’il découvre, révulsé, dans The New Yorker un long texte saisissant intitulé « Casualties of War » (que l’on pourrait traduire par « Dommages collatéraux ») et signé du journaliste d’investigation indépendant, Daniel Lang. L’article, richement documenté, relate avec force détails le kidnapping, le viol et le meurtre (« Viet rape-slaying ») en novembre 1966 sur un laps de temps de 24 heures, d’une jeune paysanne vietnamienne, Phan Thi Mao, par une escouade de cinq GIs américains, dans la province de Binh Dinh (fait divers nommé en anglais « Incident on Hill 192 »).

Révélée quelques mois après les massacres de My Lai (mars 1968), cette nouvelle atrocité contribuera au retournement de l’opinion américaine contre l’engagement de ses propres soldats et impulsera le mouvement des marches pacifiques antimilitaristes qui allait gagner Washington puis les autres grandes villes du pays. Ce qui est frappant dans ce récit est que sur les cinq jeunes hommes composant cette escouade, le « bleu » de la troupe, un dénommé Stobby (transformé en Eriksson par Lang dans l’article afin de protéger son anonymat) ait délibérément refusé de participer à ce crime odieux en arguant les valeurs suprêmes d’honneur et de protection des populations civiles censées être véhiculées par l’armée américaine.

Portée symbolique

De Palma saisit immédiatement la portée symbolique de ce fait divers tragique et transfigure ce viol en symbole de l’agression américaine contre un pays étranger au mépris des droits des populations civiles et des libertés fondamentales. Les premières œuvres du cinéaste natif du New Jersey ne témoignent-elles pas déjà d’un souffle libertaire et antimilitariste ? Que l’on songe à Greetings (1968) dans lequel Paul et ses deux amis, Jon (Robert de Niro !) et Lloyd, passent des heures à chercher par tous les moyens à se faire réformer ou encore Hi, Mom ! (1970) avec un Robert de Niro méconnaissable en Jon Rubin, vétéran de la guerre du Viêtnam, engagé par un producteur de films pornographiques afin de filmer ses voisins de quartier dans les moments les plus intimes.

Mais les grands studios hollywoodiens, la Warner en tête, échouent à acquérir les droits d’adaptation du texte de Daniel Lang et le projet se voit mystérieusement adapté dès 1970 par un obscur cinéaste germanique, Michaël Verhoeven (rien à voir avec le néerlandais Paul) dans un étrange film noir et blanc, sec et irrespirable, intitulé O.K, qui déclenche immédiatement le scandale à la Berlinade de la même année !

A lire aussi, de Laurent Silvestrini : Un Père Noël assassiné ?

A noter que le grand Elia Kazan s’inspirera également de manière clandestine de cette affaire dans son impressionnant film uchronique indépendant, Les visiteurs, en 1972, en imaginant une suite à l’histoire officielle avec le retour des cinq boys sur le sol américain, prélude à un déclenchement de règlements de compte et pressions exercées sur le dénonciateur du crime.

Longue maturation

Il faudra finalement attendre 20 ans pour que Brian de Palma, fort du succès commercial et critique des Incorruptibles (1987), puisse enfin adapter le fameux « Casualties of War », magnifiquement aidé dans son entreprise par la PDG de l’époque de la Columbia (Dawn Steel) ainsi que par le dialoguiste hors pair, David Rabe, ancien membre des unités médicales au Vietnam. Et pour relever ce défi et se préparer à de longs et difficiles mois de tournage dans la jungle thaïlandaise (avec comme décor le site du pont de la rivière Kwaï !), de Palma décide de s’entourer d’une « dream team » internationale de techniciens et d’acteurs : Fred Caruso (Le Parrain) et Michaël Stevenson (Lawrence d’Arabie) à la production, Ennio Morricone à la musique, ainsi qu’une pléiade de jeunes acteurs aux talents exceptionnels promis à de brillantes carrières : Sean Penn, Michael J. Fox (dans le rôle de Stobby/Eriksson), John C. Reilly, John Leguizamo, Don Harvey… le tout sous les conseils avisés de Dale Dye, ancien vétéran du Vietnam.

Pour son rôle du sergent Tony Meserve, instigateur du viol, le jeune Sean Penn s’est astreint à un terrible entrainement physique et mental pendant plusieurs semaines aux Etats-Unis puis en Asie du Sud-Est. Il faut le voir méconnaissable en monstre de cruauté éructant jours et nuits des « Fucking V-C (Viêt-Cong) » en mâchant négligemment son chewing-gum et en divisant ses équipiers pour mieux asseoir son autorité et faire aboutir ses noirs desseins.

A la différence des versions de Coppola ou de Stone, de Palma ne cherche aucune jouissance esthétique, plastique ni messages troublants et ambigus. La mise en scène, sobre, précise, chirurgicale a véritablement valeur de morale profonde. Soulignons également la prestation exceptionnelle de l’actrice non professionnelle, Thuy Thu Le, dans le rôle de la pauvre paysanne vietnamienne suppliciée. Un rôle unique pour celle qui retrouvera immédiatement après le film un anonymat embarrassant, sous doute marquée à vie par ce film-uppercut dans lequel elle se prend de véritables coups assénés avec brutalité par Sean Penn et ses séides, sans l’aide d’effets spéciaux numériques…

Mise à part la réaction « héroïque » de Stobby, on pourra longuement déplorer la bêtise crasse de ces boys incultes se prenant pour « les nouveaux Gengis Khan » allant nettoyer et raser des villages et des sols sur lesquels l’herbe ne devra plus jamais repousser…

Echec commercial

Inutile de préciser que ce brûlot fut un échec commercial retentissant et que la presse américaine dans son écrasante majorité se déchaîna contre de Palma accusé de trahison et de sapement des valeurs patriotiques de son pays… 30 ans plus tard avec le très sous-estimé Redacted(2007), pourtant Lion d’Argent à La Mostra de Venise, de Palma allait magistralement récidiver en brocardant une nouvelle fois l’engagement irrationnel et criminel américain dans un pays étranger, l’Irak cette fois, à partir d’une nouvelle sombre affaire de viol et d’assassinat d’une jeune irakienne, puis de l’exécution de toute sa famille. Avec, de surcroît, une passionnante réflexion sur la profusion des flux informationnels et l’éclatement des images et des points de vue à partir d’un tragique fait divers. L’Histoire, nous dit-on, est un éternel recommencement…

A quand le prochain de Palma, à plus de 80 printemps, sur une nouvelle exploration des faces sombres de l’Amérique, reflet de nos propres angoisses et phobies également ?

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Charles Baudelaire, l’allergique au Nouvel An

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Pendant que vous fêtez le passage à la nouvelle année, ayez une pensée pour Baudelaire qui détestait le Nouvel An et qui, déjà, rejetait les âneries de la société de consommation.


Le poème du dimanche

On ne peut pas dire que Charles Baudelaire se caractérisait pas sa joie de vivre. Ce grand poète est celui du spleen et de la nostalgie. Il est moins connu pour sa critique de la modernité bourgeoise de son temps, celle du Second Empire, de Napoléon III et de ses affairistes dénoncés par Marx ou Zola. Le triomphe des marchands, du goût bourgeois le met souvent en colère, comme son contemporain Flaubert. Dans le texte qui suit, extrait des Petits poèmes en prose , il ne décolère pas contre la fête obligée que représente le Nouvel An, qui contrairement à Noël est, pour le coup, purement commercial. Là encore, on est saisi par l’actualité de son propos, où au milieu des lumières et des flonflons, la bêtise et la cruauté ne sont jamais bien loin.

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Un plaisant

C’était l’explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d’une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.


Au milieu de ce tohu-bohu et de ce vacarme, un âne trottait vivement, harcelé par un malotru armé d’un fouet.


Comme l’âne allait tourner l’angle d’un trottoir, un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs, s’inclina cérémonieusement devant l’humble bête, et lui dit, en ôtant son chapeau : « Je vous la souhaite bonne et heureuse ! » puis se retourna vers je ne sais quels camarades avec un air de fatuité, comme pour les prier d’ajouter leur approbation à son contentement.


L’âne ne vit pas ce beau plaisant, et continua de courir avec zèle où l’appelait son devoir.
Pour moi, je fus pris subitement d’une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile, qui me parut concentrer en lui tout l’esprit de la France.

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose

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Lutter contre le terrorisme au prix de l’état de droit?

Le livre récent d’Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, explore une question fondamentale : à partir de quel moment les mesures législatives prises par l’Etat pour nous protéger contre le terrorisme commencent-elles à saper la base de notre démocratie?


Pour lutter contre le terrorisme, le législateur n’a cessé de faire évoluer le droit, invoquant la nécessité de cette évolution pour s’adapter aux nouvelles méthodes terroristes et pour y répondre. Au nom de la défense de la sécurité, c’est l’appareil législatif français qui a été bouleversé, modifiant parfois la structure de l’état de droit. Loi renseignement, écoutes, filatures, organisation des services, c’est toute une évolution juridique qui transforme autant la pratique que la philosophie du droit. Mais si cela est fait pour défendre la démocratie, est-ce que l’esprit de la démocratie est maintenu quand la loi devient de plus en plus intrusive et que recule la vie privée ? Jusqu’où peut-on aller dans l’évolution législative pour lutter contre le terrorisme ? Il faut bien, en matière de droit aussi, fixer des limites et interroger l’efficacité réelle de ces mesures. Le risque en effet est de perdre son âme et de perdre la démocratie, tout en prenant des mesures législatives qui se révèlent inutiles. Et une fois l’appareil législatif mis en place, qui peut garantir que celui-ci sera bien utilisé dans la lutte contre le terrorisme et non pas pour d’autres fins ? Un concept du terrorisme qui est par ailleurs de schéma variable et qui peut s’étendre à l’infini. Le terrorisme politique n’autoriserait-il pas la mise sur écoute et le contrôle d’adversaires politiques ? C’est toute la réflexion que porte Alexis Deprau dans cet ouvrage, tiré en partie de sa thèse de doctorat. L’auteur nous fait entrer dans le fonctionnement des services de renseignement, dans l’organisation de la police, dans la fabrication de la loi et dans les limites du juridique pour protéger les sociétés. Et si, au nom de la défense de notre modèle de société et de notre civilisation, nous en venions à nous détruire nous-mêmes par l’adoption d’une législation répressive et attentatoire aux libertés fondamentales ? C’est toute la question de la philosophie du droit qui est ici posée.

A lire aussi, de Jean-Baptiste Noé : Terrorisme : refuser de nommer

Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, Le Cerf, 2021, 24€.

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Le Conseil constitutionnel face à un choix historique

Face à des mesures sanitaires prises par le gouvernement afin de se protéger plutôt que de protéger les Français, le Conseil constitutionnel doit jouer son rôle et protéger notre démocratie contre des abus de pouvoir.


Face à des mesures sanitaires prises par le gouvernement afin de se protéger plutôt que de protéger les Français, le Conseil constitutionnel doit jouer son rôle et protéger notre démocratie contre des abus de pouvoir.

Par l’intermédiaire de Jean Castex, l’exécutif a fait savoir qu’il envisageait désormais de transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. À quelques jours de Noël, c’est sans doute son cadeau aux « complotistes » à qui il donne raison une fois de plus. Conséquemment, le Conseil constitutionnel devra statuer et faire un choix historique, de loin le plus important depuis sa création en 1958.

Trois pouvoirs

L’omniprésence dans nos vies de Gabriel Attal, de Jean Castex ou d’Olivier Véran a pu donner aux Français l’impression fausse que le pouvoir exécutif était le seul pouvoir en France, et qu’il avait de surcroît tous les pouvoirs. En réalité, nous sommes un régime démocratique constitutionnel et le pouvoir est triple : exécutif, législatif et judiciaire. Cette répartition de la charge effective du pouvoir vise à protéger les fondations constitutives de la nation et le peuple contre les aventures électorales, contre les tyrans de passage ou les expériences politiques hasardeuses. L’existence d’une Constitution vise entre autres à limiter le champ d’action des gouvernements et des assemblées qui seraient tentés par l’aventure. Ce faisant, l’assemblée, qui a le pouvoir de voter les lois, ne peut le faire en dehors des limites imposées par la Constitution. Si une loi est manifestement anticonstitutionnelle, si elle contredit un principe édicté par la Constitution, elle doit être empêchée par l’institution qui veille au respect des principes immuables, théoriquement le Conseil constitutionnel.

Depuis le début de la crise, le pouvoir exécutif n’a pas toujours eu la même attitude face à la situation. Dans un premier temps, c’est-à-dire dans les premières semaines de 2020, il a préféré ignorer ce qui pouvait pourtant devenir grave. Quelques jours encore avant de décider, dans une apparente panique précipitée, la fermeture des écoles puis le confinement, le président Macron allait au théâtre « malgré le coronavirus » et le faisait savoir dans les médias. Quelques jours plus tôt, Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé, disait à la radio qu’il n’avait pas « vérifié que la France soit prête » en cas d’épidémie massive, convaincu d’avance qu’elle l’était. Autant dire que l’ambiance était plutôt détendue et qu’à cette époque, les loufoques étaient ceux qui, à rebours de ce climat serein, craignaient que la France suive le même chemin que le voisin italien, lui-même en grande difficulté sanitaire. Depuis, les rôles se sont largement renversés et le loufoque est désormais celui qui refuse de paniquer avec la meute. Le président Macron et le ministre Véran, se sentant peut-être coupables d’avoir réagi tardivement, se perdent désormais dans une surenchère de mesures, de restrictions, d’ordres, de décisions farfelues, soucieux sans doute de rattraper leur retard, à l’image des convertis qui prient deux fois plus que les autres pour s’excuser de n’avoir pas commencé plus tôt.

Le temps des procès

La peur du temps judiciaire explique en grande partie que le pouvoir exécutif se soit lancé dans cette surenchère. Il faut remonter la chronologie très tôt pour voir apparaître les premiers signes de cette peur. Le 10 avril 2020, le journaliste Louis de Raguenel disait sur LCI avoir obtenu, en coulisse, la confession suivante : « Les ministres sont très prudents dans leur communication, ils savent très bien qu’à l’issue de cette crise il y aura des procès judiciaires. Et là ce ne sera plus du tout la même chose. Quand ils auront à répondre, quand il y aura des saisies de mails faits par la Justice, […] il y a même des ministres qui me disent “On s’attend à un Nuremberg du coronavirus” ». Le 23 avril 2020, sur BFM/RMC, Philippe de Villiers confirme : « Il y a des ministres qui m’ont dit, des ministres importants, “C’est normal qu’il y ait une tétanie présidentielle, gouvernementale, on est pétrifié, parce qu’on est prudents, parce qu’on est obligé de se couvrir, […] on prépare la défense judiciaire”, et donc en fait les conférences de presse de M. Philippe, c’est plus pour préparer la défense judiciaire que pour rendre service aux Français ».

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Et quel type de procès peuvent-ils anticiper et craindre ? La réponse est donnée quelques mois plus tard avec la mise en examen par la Cour de justice de la République d’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, à qui il est reproché deux attitudes coupables : mise en danger de la vie d’autrui et refus d’affronter un sinistre (la première qualification découlant logiquement de la seconde). Voilà bien sûr ce que craignent les membres du gouvernement : ils craignent que leur soit reproché de ne pas en avoir fait assez contre l’épidémie. Et précisément pour s’assurer qu’on ne pourra pas leur reprocher de ne pas en avoir fait assez, ils en font plus, c’est-à-dire trop. Ils savent en effet qu’à l’issue de cette crise, si quelqu’un devait les accuser d’en avoir « trop fait », il existe pour se défendre contre cette accusation un panel assez large de justifications faciles : c’était pour la bonne cause, c’était pour lutter contre le virus, c’était pour protéger les Français, c’était pour protéger l’hôpital, c’était pour sauver des vies, etc. Il est beaucoup plus difficile, sur les plans moral, politique et judiciaire, de se défendre d’un manque d’actions.

Si le pouvoir avait réellement et avant tout le souci de la santé, nous verrions fleurir beaucoup plus de mesures contre l’alcool (disponible absolument partout), contre la cigarette (également disponible partout). Puis, après avoir agi contre ces fléaux, le gouvernement s’attaquerait aux grands distributeurs de l’agro-alimentaire qui gavent leurs produits industriels de sel, de sucre, de chimie, de conservateurs, de pesticides, etc. Le tabagisme est effectivement la première cause de mortalité évitable en France. L’addictologue et psychiatre Amine Benyamina indique dans un entretien publié il y a quelques mois que « Le tabac et l’alcool tuent tous les ans, en France, 120 000 personnes. C’est un Covid par an ». Pour lutter contre cette hécatombe qui se répète tous les ans, les seules mesures contraignantes prises par les autorités consistent à interdire la vente aux mineurs et à faire inscrire sur ces produits des mentions qui rappellent leur nocivité. Nous sommes loin de la dureté des mesures prises pour lutter contre un virus qui finalement tue beaucoup moins que ces produits.

L’exécutif prétend protéger les Français mais en réalité se protège lui-même

En réalité, le pouvoir exécutif est déjà protégé juridiquement contre d’éventuelles plaintes que pourraient déposer des Français rendus malades par la consommation de l’alcool et du tabac. Il n’a donc pas besoin de se protéger davantage. Il ne l’est pas de la même manière contre les futures plaintes qui seront déposées contre lui lorsque le soufflé de la crise sanitaire sera retombé. Les membres du gouvernement et le président lui-même doivent impérativement se mettre à l’abri contre un type de plainte en particulier : la mise en danger d’autrui et le refus d’affronter un sinistre. Désormais, à peu près toutes les mesures qui sont prises visent à les mettre à l’abri de ces plaintes. Ne pas le voir, ne pas le reconnaître, feindre de croire que ces gens ne sont animés que par le souci altruiste, sincère et désintéressé de protéger les Français, c’est être, au mieux, un grand naïf et un idiot-utile.

La surenchère de mesures est devenue une aventure politique dangereuse

Presque deux ans après les premières frayeurs, nous sommes en mesure de vérifier que l’hécatombe que nous étions en droit de craindre ne s’est pas produite. Contrairement à ce que les déclarations toutes plus anxiogènes les unes que les autres nous indiquaient dans les derniers jours avant le confinement et pendant le confinement, il n’y a pas eu d’apocalypse virale et 99,9% de la population a survécu. Il s’agit maintenant de reposer les pieds sur terre. Hélas, c’est précisément ce que le pouvoir exécutif se refuse à faire. Non content de continuer à commenter la situation sanitaire en des termes aussi anxiogènes qu’au début de l’affaire, il surenchérit, multiplie les mesures, augmente leur dureté, et finalement travaille avec un entêtement irrationnel à la vaccination de tout le monde. Prochaines étapes de sa feuille de route : la vaccination des enfants et l’instauration du passe vaccinal dans l’entreprise, laquelle aura pour effet de pousser vers le chômage et la précarité des centaines de milliers de Français. Un tel carnage social, pour un motif aussi farfelu, n’a probablement pas d’antécédent dans notre pays. Il pourra par contre ouvrir la voie à d’autres décisions également surréalistes et dangereuses, raison pour laquelle il est devenu une question de principe de s’opposer absolument à cette dérive liberticide du pouvoir exécutif.

A lire aussi : Passe sanitaire : le Conseil constitutionnel a joué son rôle

C’est ici que le Conseil constitutionnel devra jouer son rôle de protecteur des principes contre les aventures politiques. S’il est cohérent, il empêchera l’exécutif d’instaurer, à la seule fin de se protéger de la future tempête judiciaire, un ordre nouveau fondé sur la discrimination sanitaire ; il empêchera que la minorité macroniste qui tient actuellement ce pays ne prenne tout un peuple en otage pour se protéger elle-même. Le Conseil constitutionnel sert exactement à protéger la nation contre les abus que sont susceptibles de commettre des gens qui sont prêts à piétiner ces principes fondateurs de notre droit : l’égalité des citoyens et le refus de fonder, sur un critère de santé, une discrimination entre eux.

De l’urgence d’un retour rapide au calme

Disons-le aussi franchement que c’est évident : la macronie a également un intérêt électoral à concentrer toutes les attentions sur la crise sanitaire. Au moment de se représenter devant les Français, quel bilan Emmanuel Macron pourrait bien avoir à proposer ? Ces deux dernières années ont été entièrement et obsessionnellement consacrées à la crise sanitaire, au point d’avoir occulté tous les autres sujets. Les mauvaises nouvelles de son quinquennat, comme l’explosion de la dette, ne sont justifiables, explicables et pardonnables qu’à la condition d’être intégrées au récit covid. Entretenir le sujet sanitaire, le poursuivre jusqu’au scrutin pour qu’il continue d’absorber tous les autres sujets, c’est une question de survie électorale pour la macronie. Si demain ce sujet disparaît complètement des écrans, Macron serait nu, dépouillé de la seule carte qu’il puisse encore jouer… Les enquêtes d’opinion sont nombreuses qui révèlent que le cœur de cible électoral de Macron, en l’occurrence les centres urbains et les « boomers », lui sont acquis, particulièrement depuis qu’il a réussi à les convaincre qu’il avait bien géré la crise. Les « boomers » lui sont reconnaissants d’avoir pris des mesures générales, même si elles étaient rudes et liberticides, contre un virus qu’ils sont les premiers à craindre. Emmanuel Macron doit maintenant chouchouter cet électorat jusqu’au jour du scrutin, en continuant à l’entretenir dans la peur d’un virus qu’il est réputé tenir à distance d’eux grâce à son excellente gestion de crise. D’une certaine manière, nous pouvons dire que chaque nouvelle injection de vaccin quelque part en France lui assure un suffrage « boomer » supplémentaire. Et cette catégorie de la population est celle qui se déplace le plus pour voter…

Le Conseil constitutionnel est maintenant devant un choix historique. S’il n’oublie pas qu’il est là pour garantir la fixité des principes contre les aventures politiques isolées, il retoquera les nouvelles mesures du gouvernement et fera revenir la France dans la voie de la raison. S’il n’en fait rien, se posera alors la question de son utilité réelle dans le jeu institutionnel de la République.

Antifas, LFI et militants de l’islam politique : les suppôts du pouvoir macronien

Et si tous ceux qui prétendent se révolter contre l’État macronien ne faisaient que servir les intérêts de ce dernier ? En réalité, ils s’en prennent surtout aux patriotes comme Zemmour qui sont les critiques les plus déterminés et les plus convaincants du pouvoir en place.  


On peut imaginer un vieux film de gangsters, où les « nervis » (dans le vieil argot, les hommes de main qui agissent au nom d’un donneur d’ordre pour menacer, brutaliser ou tuer) qui travaillent au service de leur gang, en intimidant les rivaux et les commerçants, servent surtout les intérêts de quelque chef suprême, que ce soit à leur insu ou non. C’est exactement ainsi que différentes organisations de l’extrême gauche et de l’islamogauchisme, des antifas aux militants de LFI et aux apologistes de l’islam politique, sont en réalité au service d’Emmanuel Macron.

Les antifas : les idiots utiles du macronisme

On a vu, à Nantes et à Marseille, les antifas se déchaîner contre Eric Zemmour, et contre son prétendu fascisme. A Nantes, caillassages, voitures brûlées, attaques contre la police. A Marseille, « comités d’accueil », cris et menaces, intimidation des habitants, restaurant et hôtel dégradés, journaliste frappée à coups de casques. Mais contre qui et contre quoi se battent ces gens ?

En réalité, à travers son message de « La France en danger », Eric Zemmour se révolte – et c’est l’une des raisons de son succès – contre la caste d’oligarques qui met la France en coupe réglée depuis 40 ans. La percée de l’islam en est l’une des clefs. On le sait bien maintenant : elle a été voulue et accompagnée pour hystériser, déclasser, diaboliser, puis guettoïser les patriotes, et les classes populaires. Même si la créature a tendance, aujourd’hui, à échapper des mains du Frankenstein étatique, il n’en reste pas moins que c’est sur cette architecture politique contre nature qu’a été construite la domination actuelle d’une certaine classe, qui dispose de ses avantages, de ses prébendes, de sa « pravda », et de ses « ronds de serviettes » aux tables du pouvoir. Une « société bloquée », immobile, pourrie, injuste et laxiste, détestée en réalité par les Français, que Zemmour tente de mettre par terre.

Or, si l’on y réfléchit, c’est cette société même que combattent, ou devraient combattre, les antifas. C’est le pouvoir actuel, l’incarnation de l’immobilisme arc-bouté sur ses privilèges, qui devrait être leur véritable ennemi, et tous ceux qui le critiquent devraient être leurs alliés. Pourquoi combattent-ils donc Eric Zemmour, sous le prétexte fallacieux qu’il serait « fasciste », puisqu’il poursuit, au fond, en partie du moins, le même objectif qu’eux ?

D’autres actions passées permettent de se poser la même question. En effet, on sait que les antifas ont aidé Emmanuel Macron à se débarrasser de la menace que faisaient peser sur lui les Gilets Jaunes. En s’infiltrant dans les manifestations, en déclenchant une violence largement étrangère à ce mouvement, ils ont réussi à le décrédibiliser. Ils ont joué la partie comme des supplétifs du pouvoir. Pourquoi l’avoir fait ?

A lire aussi, de François Martin : Droite : une question de « cojones »

Le « principe de laxisme » de l’État est établi de longue main, puisqu’il n’a pas de politique propre, outre celle de défendre bec et ongles les intérêts de l’oligarchie dominante. Mais il a besoin, pour cela, en plus de ses serviteurs dans la haute administration, la justice, le monde des affaires ou les cercles intellectuels, d’un « cordon sanitaire » de nervis qui le protègent par la peur : des « hommes de main » chargés de terroriser, au besoin physiquement, les classes moyennes, celles qui seraient tentées d’écouter les élucubrations des « prophètes du changement », ceux qui critiquent trop le « système ». On peut imaginer un pacte tacite entre les antifas et le pouvoir (le « pacte de Notre-Dame-des-Landes »?), où le pouvoir leur dit : « Je ne vous combats que mollement. En contrepartie, vous me terrorisez tous ces citoyens indécis pour qu’ils se détournent de la droite ».

LFI : épouvantail de la bourgeoisie, allié des militants de l’islam politique

Le cas de LFI est différent, mais la démarche est similaire : dans notre pays embourgeoisé, même chez les catégories populaires, le discours marxiste révolutionnaire ne devrait même pas être audible. Il n’a en réalité aucune chance de percer. Ses adeptes n’existent que par deux éléments : l’un est leur « alliance » avec les islamistes, alors qu’ils n’ont rien en commun. L’autre élément, c’est précisément la mansuétude du pouvoir, qui fait preuve d’une certaine indulgence à leur égard. Mélenchon mérite d’être interdit de médias bien plus que Marine Le Pen qui est régulièrement dénoncée comme extrémiste. Or, il y pérore, ainsi que ses acolytes. C’est le triste spectacle auquel on a assisté à l’émission « Face à Baba » : non pas des militants qui « perdent leurs nerfs », comme cela a été dit, mais une tactique assumée d’intimidation psychologique et même physique. Heureusement qu’avec Zemmour et ses fidèles, ça ne marche pas. Mais avec d’autres ?

Quant aux militants de l’islam politique, leur premier objectif consiste à terroriser  les musulmans modestes, pour qu’ils ne résistent pas à la propagande et à l’embrigadement dans leurs quartiers. Et le deuxième, comme chez les antifas, est de menacer celles et ceux qui dénoncent publiquement leurs agissements. S’il le faut, ils les menacent de mort, comme Mila, Zineb, Christine Kelly,  Livre Noir, Zemmour, et tant d’autres, sans que les autorités ne semblent véritablement réagir.  On n’a qu’à remarquer la morgue, par exemple, d’un Yassine Belattar qui, accusé de harcèlement, de diffamation et de menaces de mort, semble totalement sûr de son impunité.

Ainsi, tandis que les antifas font monter la peur des soi-disant « fascistes » de la droite, les islamistes achèvent de délégitimer la gauche qui a abandonné les classes ouvrières au nom de la diversité et de l’ouverture aux étrangers – et tout cela au profit du centrisme macronien. En réalité, toutes ces « grandes gueules », antifas, militants LFI, activistes de l’islam politique, ressemblent plutôt à des révolutionnaires de salon (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas dangereux). Ils ne servent qu’à instiller la peur, celle qui pousse les bourgeoisies inquiètes sous les ailes protectrices de l’État afin que, jamais, rien ne change. Nonobstant leur prétendue radicalité « anti-système », leur pureté marxiste ou islamique, ils servent, à leur insu ou en toute connaissance de cause, les intérêts de l’Élysée : ce sont les plus « vendus » de tous.

Stanislas Lem, le classique polonais de la science-fiction

Ecrivain antitotalitaire, on découvre aujourd’hui un de ses chefs-d’œuvre encore inconnu en France, Les aventures du pilote Pirx (Actes Sud)


Lire des romans apporte bien sûr une part de divertissement, mais on peut les lire aussi pour apprendre quelque chose sur le réel. La science-fiction, en particulier, n’échappe pas à cette faculté, l’imagination souvent échevelée de ses auteurs reposant parfois sur une vraie ressource de prospective. L’armée américaine s’en était rendu compte. Depuis les années 50, elle fait appel à des auteurs de SF pour découvrir des intuitions nouvelles sur les guerres de l’avenir, qui se dérouleront au milieu des étoiles. Récemment, en France, le ministère des Armées a réuni, sous l’appellation de « Red Team », une dizaine d’écrivains de SF, scénaristes ou illustrateurs, pour contribuer à élaborer l’avenir de la Défense.

Un classique de la SF

Il serait possible d’examiner aussi, parmi les grands classiques de la littérature SF, ceux auxquels on pourrait faire jouer ce rôle. Un Stanislas Lem, incontestablement, serait tout trouvé, lui dont les nouvelles ou les romans donnent des descriptions très réalistes d’une société future prise dans ses contradictions les plus humaines. En somme, Lem pourrait être toujours une sorte d’annonciateur lucide de ce que sera le monde de demain, lorsque l’homme aura colonisé l’espace, et qu’il voyagera entre les planètes avec autant de facilité qu’une voiture entre Paris et Nice.

À ce titre, le recueil de nouvelles de Lem, Les Aventures du pilote Pirx, qui vient de paraître chez Actes Sud, en est la plus parfaite illustration. Le pilote Pirx, familier sans doute de beaucoup de lecteurs de SF,  a été le héros récurrent d’un certain nombre de nouvelles de Lem. Précisons que ce recueil est initialement paru en polonais en 1965, donc quelques années avant que l’homme ne pose le pied sur la Lune. Lem a tout imaginé de A à Z, avec une profusion de détails extraordinaire. Bien sûr, certaines de ses prévisions se révélèrent fausses ou inexactes, mais il a su toujours insuffler un arrière-fond extrêmement cohérent et rationnel, voire philosophique, aux événements qu’il décrivait.

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Aussi bien, Lem avait sélectionné des thèmes qui, selon toute probabilité, ne cesseront de hanter les hommes durablement. Dans « Le test », par exemple, il met en scène un vol spatial qu’un aléa ridicule risque de compromettre, une mouche entrée par hasard dans le cockpit. Comme si, dans un monde où la technologie est devenue hyper-sophistiquée, il restait néanmoins toujours l’éventualité d’une petite faille qui pouvait tout faire échouer. De plus, cette très belle nouvelle, dans son dénouement, propose un retournement de situation à travers l’inquiétude majeure de la réalité virtuelle et de ses effets. Lem s’interroge ainsi sur le vrai et le faux, et on voit bien que l’homme (même celui du futur) sera toujours aux prises avec cette question du relativisme.

Le robot, ami et ennemi

L’un des sujets de prédilection de Lem est évidemment celui du robot, allié de l’homme, mais en même temps son pire ennemi (exactement comme l’inoubliable ordinateur-robot HAL, dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick, en 1968). La nouvelle intitulée « La traque » se passe sur la Lune, où un robot très puissant, le « Setaur » (Système Électronique Ternaire Autoprogrammé Racémique), a reçu un choc accidentel sur son « cerveau », ce qui l’a littéralement rendu « fou ». Quasi invincible, grâce à son blindage, et possédant comme arme un laser très efficace, il devient un danger redoutable pour l’homme. Il faut le neutraliser. Comme le remarque Lem : « de nombreux ingénieurs comprirent vraiment à cette occasion qu’ils avaient créé une machine parfaite dont nul ne pouvait prévoir les agissements ». La nouvelle s’achève sur un duel presque classique entre Pirx et le robot, au milieu du magnifique paysage lunaire. Pirx a l’impression que le robot ressent des émotions, lorsque la machine, croyant avoir affaire à un allié, hésite à tirer sur lui : « Cette incertitude, cette hésitation que Pirx comprenait parfaitement avait un caractère si étrangement proche et humain qu’il en eut la gorge serrée. » Quand le robot « Setaur » est détruit, à la fin de la nouvelle de Lem, on ressent le même pincement au cœur qu’en assistant à la scène célèbre du film 2001 où l’ordinateur HAL est débranché, et s’éteint pour toujours, en une lente agonie presque humaine.

Une critique de la société totalitaire

Stanislas Lem, dans ces dix histoires, aborde encore d’autres thèmes typiques de la SF, comme l’existence des extra-terrestres, perspective angoissante s’il en est. Ses descriptions des vaisseaux spatiaux et des voyages intergalactiques sont très minutieuses, et raviront les amateurs de science-fiction vintage. Il narre aussi, de manière plus terre à terre, si l’on peut dire, la réalité de vie de son pilote Pirx, triste et grise, faite d’ennui et de solitude. Ici, pas de Barbarella pour égayer les heures perdues ! Du coup, à travers cet univers morose, on sent transpercer une critique indirecte de la société totalitaire, dans laquelle le Polonais Lem vivait, et qu’il a toujours détestée profondément. Ses nouvelles ont donc aussi une certaine dimension politique. Au fil de toutes ces aventures, Lem présente son héros Pirx, à différents âges, comme un homme solitaire, intelligent et débrouillard, qui parcourt l’espace interstellaire dans toutes sortes de fusées, sans beaucoup d’illusions cependant sur la vie qu’il mène : « Il avait l’impression, écrit Lem, d’être un vieux loup cosmique, un routier du vide qui a pour maison les planètes et un vieux scaphandre comme tenue préférée, qui est toujours le premier à voir l’approche de météores, à lancer le sacro-saint avertissement : Attention ! Un essaim ! » Au milieu de tout ceci, notons-le, jamais l’existence d’un Dieu n’est évoquée, comme si les êtres humains étaient enfin parvenus à s’en débarrasser définitivement… mais pas forcément pour le meilleur. Le bonheur, ainsi que tout espoir, se sont apparemment esquivés, dans cet univers profondément pessimiste de Stanislas Lem ‒ proche en cela de l’Américain Philip K. Dick, le seul auteur de SF auquel il aimait rendre hommage.

Stanislas Lem, Les Aventures du pilote Pirx. Traduit du polonais par Charles Zaremba. Éd. Actes Sud, coll. « Exofictions », 23 €.

Les Aventures du pilote Pirx

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Éditeur d’Histoire, un métier d’avenir

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Nicolas Gras-Payen

Dans un monde de plus en plus incertain, selon le directeur des éditions Passés Composés, « nous avons besoin d’explications historiques. » Les livres que publie Nicolas Gras-Payen sont conçus pour répondre à ce besoin, en donnant une large place à l’infographie et à l’illustration.


Nicolas Gras-Payen dirige les éditions Passés Composés depuis leur création il y a trois ans. Avec près de trente-cinq titres publiés chaque année, cette jeune maison spécialisée dans les livres d’histoire a su s’imposer dans un paysage qui n’avait pas vu venir de nouvel acteur depuis longtemps. Et les lecteurs sont au rendez-vous.

Causeur. N’est-ce pas un pari risqué de créer une maison d’édition, et qui plus est spécialisée en Histoire, à l’ère du numérique et de l’immédiateté ?

Nicolas Gras-Payen. Ce pari aurait même été inconscient si nous n’avions pas créé Passés Composés dans le cadre du groupe Humensis. Cela a été rendu possible car nous avions à la fois un soutien financier et un soutien éditorial. Avoir des auteurs est une chose – et non des moindres – mais il est fondamental d’avoir, comme ça a été le cas lorsque nous sommes arrivés, des locaux et des services généraux opérationnels.  

Vous avez été le directeur éditorial des éditions Perrin pendant huit ans, qu’est-ce qui a changé pour vous ?

Rien ! On a recréé ce qui était la logique de Perrin et du groupe Éditis : laisser le temps et l’espace intellectuel aux éditeurs de se concentrer sur leur métier, c’est-à-dire la création de contenu et de « produit », puisque les livres sont aussi des produits.

Et comment pense-t-on le « produit Histoire » ?

Si nous sommes une équipe de jeunes, notre expérience cumulée dépasse les quarante ans. Chacun d’entre nous n’arrive pas de nulle part. Nous avons tous une expérience dans une grande maison et l’intuition qu’il y a un espace pour autre chose. C’est dans cette intuition que réside peut-être notre pari initial : proposer une alternative à la domination de Perrin, ou aux batailles Perrin-Seuil-Tallandier-Fayard, ainsi qu’à la baisse de production des grandes maisons généralistes dans le domaine historique. Notre pari est pour l’instant gagnant. Nous aurons trois ans au mois de mars et sommes devenus un acteur qui compte. Aussi bien dans les médias que dans les librairies, ce qui est primordial pour nous.

Publie-t-on des livres d’Histoire comme on le faisait il y a vingt ou cinquante ans, et si non, qu’est-ce qui a changé ?

Les sujets ne sont plus les mêmes. Certains n’étaient absolument pas traités il y a quelques décennies et ils le sont aujourd’hui. Si l’histoire nationale demeure un point important, l’histoire étrangère n’est plus une part négligeable d’un catalogue. Il y a par exemple un intérêt grandissant pour les pays de l’Est et ceux d’Asie. Ce n’était pas le cas il y a vingt-cinq ans.

L’écriture et les pratiques de lecture ont aussi changé. Pour s’y adapter, les livres sont désormais, parfois, plus courts et plus découpés. Certains déplorent un affadissement de l’écriture mais je n’en suis pas convaincu. Il y a de jeunes plumes très brillantes. Quant au lectorat, il s’est élargi, voire éclaté. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, vous vendez peut-être moins d’exemplaires par titre mais vous proposez plus titres, afin d’être en phase avec les attentes du public.

L’Histoire, c’est de gauche ou de droite ?

L’Histoire est apolitique ! Elle est un levier aussi fort dans les idéologies de gauche comme de droite. De toute évidence, elle a toujours servi toutes les politiques. D’où son omniprésence dans le débat, encore actuellement. On peut cependant relever des évolutions intéressantes, des lignes mouvantes. L’histoire du communisme, par exemple, a été très longtemps un bastion de l’ultra-gauche, mais aujourd’hui, un certain nombre de ses sujets intéressent la droite conservatrice. Mais ce n’est pas à moi de dire ce qu’elle cherche à y puiser…

Nous sommes aussi dans un monde en pleine mutation économique, sociale et démographique. Les lignes géopolitiques internationales bougent rapidement. Face à ce monde incertain, nous avons besoin d’explications historiques. Certaines personnalités politiques distillent l’Histoire dans leurs discours pour justifier des racines, un attachement à une terre immémoriale, d’autres pour défendre l’exact opposé. C’est là toute l’ambiguïté de l’Histoire : le regard que l’on porte sur elle et les sources que l’on utilise peuvent servir des propos contradictoires. C’est pour cela que le débat et l’édition sont nécessaires. Puisqu’il n’y a pas de vérité historique, il faut confronter les interprétations. À réalités plurielles, analyses plurielles.

On dit que l’édition d’Histoire s’adresse à un public de vieux, c’est vrai ?

Absolument pas ! Quand j’ai commencé à travailler dans l’édition il y a une quinzaine d’années, on m’a dit que « le lecteur d’histoire c’est le notaire de province ». Je n’y crois pas. Entrez dans une librairie à Paris, à Bordeaux ou à Rouen, vous vous rendez compte de la diversité des lecteurs au rayon Histoire. Il est vrai, cependant, qu’avant trente ou trente-cinq ans, ce sont essentiellement des étudiants, mais passé cet âge-là, le public est très varié. On est très loin du notable de droite de province ! Mais là encore, ça dépend des sujets : si certains séduisent des publics âgés, d’autres, sur des sujets de société plus contemporains, trouvent leurs lecteurs chez les jeunes. Ce sera le cas, je pense, pour L’histoire de la pilule que nous publierons prochainement.

Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin; data design de Julien Peltier (Editions Passés Composés, 2021)

Le profil des auteurs a-t-il aussi changé ?

Beaucoup de jeunes auteurs ont en tout cas compris que l’accès à l’université leur était quasiment devenu impossible : il n’y a plus de postes. Ils trouvent donc dans l’édition un épanouissement et un accomplissement intellectuels que ne peut plus offrir le cadre de la recherche universitaire. Il y a ainsi une génération de trentenaires passionnants qui, sans renier l’université, s’en détachent car ils ne peuvent entrer dans son moule, intégrer ses rangs. Ils s’expriment donc différemment et c’est aussi notre rôle de leur donner la parole.

L’édition prendrait donc le relais d’une université saturée ?

Dans une certaine mesure. L’édition ne prend pas le relais de l’université mais donne un espace que celle-ci ne peut plus valoriser et encourager auprès des jeunes historiens. Le modèle universitaire privilégie la publication de trois ou quatre articles plutôt que celle d’un livre. Ceci est dicté par des contraintes budgétaires : l’université a moins d’argent et moins de postes. Mais heureusement qu’elle continue de former des jeunes gens brillants.

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On a tendance à dire que le niveau baisse partout, faites-vous le même constat face aux manuscrits que vous recevez ?

Je n’en ai pas le sentiment car ceux qui nous parviennent sont de très haut niveau. Mais il est vrai que parmi des historiens talentueux, tous n’ont pas vocation à écrire. La question que l’on peut se poser, puisque la tendance que vous évoquez est actuelle, est : quel sera le niveau général dans vingt-cinq ans ? Et là, je n’ai pas de réponse.

Quelles ont été vos meilleures ventes de l’année 2021 ?

L’Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin, avec les infographies de Julien Peltier. Cela avait déjà été le cas l’année dernière avec L’infographie de la Rome antique. Parmi nos meilleures ventes, nous avons aussi le livre de Loris Chavanette, Danton et Robespierre – le choc de la Révolution, ainsi que la Nouvelle histoire de la Shoah, sous la direction de Alexandre Bande, Pierre-Jérôme Biscarat et Olivier Lalieu.

La Révolution de 1789 et la Seconde Guerre mondiale sont des sujets vendeurs ?

Incontestablement. Ce sont des tendances fortes. Mais concernant la Révolution on peut parler d’un « retour », car le sujet n’était pas vendeur il y a une quinzaine d’années. 2021 a également été l’année du bicentenaire de la mort de Napoléon, ce qui a été bénéfique pour le livre de David Chanteranne, Les douze morts de Napoléon, et celui de Thierry Lentz, Napoléon, la biographie inattendue, illustré par les dessins de Fanny Farieux.

Infographie de la Révolution française, de Jean-Clément Martin; data design de Julien Peltier (Editions Passés Composés, 2021)

Vos infographies – avec leurs schémas, leurs cartes et leurs graphiques – ne limitent-elles pas l’exercice de la lecture ?

Paradoxalement, ce sont des livres – parce que ce sont bien des livres ! – qui demandent un temps de lecture. Ce ne sont pas des ouvrages qui se feuillettent, auquel cas on ne comprendrait pas grand-chose. Mais en lisant une double page, en dix minutes, vous comprenez l’essentiel du sujet, et en trente, vous affinez encore davantage vos connaissances. L’infographie offre plusieurs niveaux de lecture qui permettent de toucher différents publics.

Plus généralement, nous sommes attachés à l’iconographie, à l’illustration des livres que nous publions car, en Histoire, celle-ci est fondamentale. On comprend beaucoup plus de choses avec une bonne image ou une bonne carte qu’avec quinze pages de texte médiocre. Et puis, nous sommes dans une société d’images et de flux, il n’est donc pas inintéressant de tendre la main vers ce qu’est la société. Nos infographies sont une nouvelle forme de narration de l’Histoire, non l’avenir du livre d’Histoire.

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Danton et Robespierre: Le choc de la Révolution

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Lettre ouverte à la ministre du Travail, Madame Elisabeth Borne

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Elisabeth Borne, ministre du Travail, en déplacement dans les Côtes d'Armor, 9 juillet 2021 © MICHEL GAILLARD-POOL/SIPA

Elisabeth Borne entend infliger une amende administrative aux entreprises en cas de non-respect du protocole sanitaire. Cette amende serait instaurée ce lundi par les députés à l’Assemblée nationale via un amendement au projet de loi créant le passe vaccinal. Sophie de Menthon s’en insurge dans cette tribune. Selon elle, en France, c’est toujours la faute aux entrepreneurs !


Madame la ministre,

Que vous n’ayez aucune idée sur les mesures à prendre pour freiner l’épidémie en particulier dans les entreprises, que le gouvernement se répande en injonctions contradictoires par ignorance devant les millions de cas qui apparaissent, nous pouvons le comprendre. 

En revanche, il est nuisible et grave que vous traitiez les chefs d’entreprises comme des délinquants en puissance, en brandissant des menaces d’amendes dites « administratives ». Vous prétendez nous consulter, mais à part une réunion des instances dites représentatives, mises devant le fait accompli, il n’y a eu aucune confiance et aucune volonté sincère d’écouter nos suggestions.

C’est une provocation

Vous partez du principe que nous sommes inconséquents et que nous ne serions prudents que sous la menace de punitions sévères. Comme si le problème de la contamination venait de se poser ! C’est faire preuve d’une telle ignorance ou d’un tel mépris de la gestion de ressources humaines et même d’une telle absence d’un sens minimal de la communication, que nous sommes ébahis. Les chefs d’entreprises, les industriels et les 20% d’entreprises qui ne peuvent adopter le télétravail et qui en ont fourni la preuve, sont vent debout devant cette attitude. C’est une provocation. 

A lire aussi, du même auteur: J’aime les hommes…

Ignorez-vous toute la prévention déjà mise en place ? Ignorez-vous que nous avons tout fait (et plutôt bien, et avec leur aide) pour préserver nos salariés – y compris en utilisant ce  que vous interdisiez à une époque : masques, température, tests, maintenant (seulement) autotests, réaménagement des postes de travail, vaccins ? Nous leur avons même offert des jours de congés payés pour cela. 

Vous qui êtes ministre du Travail, comprenez-vous bien que la santé de nos entreprises passe par la santé de nos salariés ? Votre injonction en application dès ce lundi 3 décembre, nous est parvenue alors que nos salariés étaient en vacances ! Tout cela nous tombe dessus au moment où nous souffrons déjà d’un absentéisme très fort et de recrutements difficiles.

Les entrepreneurs, toujours coupables en France

Avez-vous vraiment réfléchi au fait que nous gérons depuis des mois, des cas contacts, des arrêts de travail, des salariés atteints ou asymptomatiques, avec absences courtes ou longues ? Nous en savons bien plus que vous et vous nous annoncez que l’inspection du travail devrait JUGER si tel ou tel salarié est indispensable en présentiel ? Est-ce une plaisanterie ? Permettons aux inspecteurs du travail d’être eux-mêmes en télétravail si nos entreprises sont des lieux si risqués !

Vous semblez par ailleurs ignorer complètement les solutions que nos industriels ont inventées pour lutter contre la propagation du virus. Qu’attendez-vous pour les utiliser dans les services publics ? Parmi vos coups de semonce, je rappelle que vous avez attaqué le faible taux de télétravail des banques en décembre 2020, après avoir mal lu les tableaux de chiffres fournis du secteur qui indiquaient en réalité un fort taux de congés en fin d’année ! Cette mise en cause perturbante affecte encore les équipes et les syndicats de ce secteur.

Veuillez de notre part, remercier le ministre des Finances des aides financières généreuses distribuées cette année qui nous ont permis de franchir un cap. Mais l’argent n’est pas tout ! Vos dernières déclarations intempestives et accusatrices sont néfastes sur tous les plans et ruinent la confiance que certains portent à votre gouvernement. À moins qu’il ne s’agisse de votre part d’un signal politique délibéré pour montrer aux citoyens que les entreprises, toujours forcément coupables en France, sont dans l’œil du cyclone.

La France sens dessus dessous !: Les caprices de Marianne

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Macron et Pécresse, c’est drapeau bleu et bleu drapeau

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Arc de Triomphe, Paris, le 1er janvier 2022 © SADAKA EDMOND/SIPA

Le drapeau européen placé sous l’Arc de Triomphe à l’occasion de l’ouverture de la présidence française du Conseil de l’Union européenne a été retiré dans la nuit de samedi à dimanche. Valérie Pécresse, adversaire de comédie du président, avait demandé « solennellement » à Emmanuel Macron de remettre le drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe. Analyse.


On aura tout vu, tout entendu. Les députés Les Républicains et ceux de La République en Marche sont entrés dans une ignoble compétition. C’est à qui désignera avec le plus de virulence le responsable de l’échec de la vaccination. Car ce n’est ni le vaccin, ni l’incompétence du ministère de la Santé, ni la corruption de l’industrie pharmaceutique, ni l’interdiction faite aux médecins de soigner, ni le somnambulisme d’une opposition complice ; le coupable, Macron l’a dit, c’est le non-vacciné, ce maudit animal, ce pelé, ce galeux… 

Celui qui hier s’est cru « puissant » avec sa deuxième dose, se voit aujourd’hui « misérable » devant l’obligation d’une troisième injection suivie bientôt d’une quatrième. Devant la colère populaire et l’insuffisante efficacité de la vaccination, le gouvernement israélien a dû faire marche arrière et suspendre l’injection d’une quatrième dose. 

Mordre sur l’électorat de son faux adversaire

En France, il y a cette année une élection présidentielle, suivie des élections législatives. La stratégie d’Emmanuel Macron n’est pas encore totalement arrêtée. Utiliser la crise sanitaire à son profit ? Faire de la présidence européenne un atout supplémentaire ? La partie s’annonce difficile et n’est pas gagnée. 

Mettre les Français sous le joug d’un nouveau confinement qui justifierait la restauration du vote par correspondance, continuer de jouer sur la peur, imposer avec le passe vaccinal le port du masque en extérieur, sont les armes de la nouvelle panoplie du président-candidat. Si Napoléon faisait « les plans de ses batailles avec les rêves de ses soldats endormis », Emmanuel Macron fait ses petits calculs avec les craintes d’un électorat sur lequel son adversaire de comédie, Valérie Pécresse, entend mordre suffisamment pour être au second tour.

L’Arc de Triomphe contraint de faire campagne pour Macron

Le hasard du calendrier offre au président sortant ce qu’il croit être un avantage. N’ayant pas su durant son mandat être un chef d’État à la hauteur des difficultés intérieures et des enjeux extérieurs, il entend mettre dans la tête des Français que leur véritable patrie, c’est l’Europe ! Il est important pour lui que son électorat continue de se persuader avec autant de mauvaise foi que d’aveugle confiance que leur chef n’a nullement démérité. Il y eut simplement maldonne. Pourquoi l’avoir attendu sur le règlement des problèmes des Français alors qu’il avait fait jouer l’hymne européen le soir de son élection ? Ce n’est donc pas aujourd’hui qu’il faut le juger. Il lui faut cinq ans de plus. D’où cet immense drapeau européen ondulant sous l’Arc de Triomphe. En ayant pris cette initiative sacrilège trois mois après avoir fait empaqueter le monument par le fantôme de Christo, Emmanuel Macron montre aux Français que la politique n’est, à ses yeux, que communication. Aussi ce coup de com’ avec le drapeau européen se retourne-t-il déjà contre lui. L’idée européenne dévoyée dans l’oubli des nations et le mépris des peuples est une imposture qui va de pair avec celle de l’art contemporain.

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Les amis de Pécresse au sénat, pires que Macron ! 

Valérie Pécresse s’est engouffrée dans la brèche sans attendre. « Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », a-t-elle lancé. Quelle pitoyable comédie ! En 2008, à la veille de la présidence française de l’Union européenne – elle était alors ministre de Nicolas Sarkozy –, ses amis sénateurs ne s’étaient pas gênés pour refuser d’installer le drapeau de la nation dans l’hémicycle du Sénat comme le proposait un des leurs. Voici l’argument cousu de fil blanc que le président (UMP) de cette Chambre utilisa pour motiver son refus : « Au terme d’un échange de vues approfondi et ouvert, le Bureau a décidé de ne pas donner suite à [votre] proposition. Il est en effet apparu que (…) les conditions d’une quasi-unanimité requises par une initiative aussi symbolique n’étaient pas réunies. C’est en espérant que vous comprendrez cette décision, qui s’inscrit dans le contexte de la prochaine ouverture de la Présidence française de l’Union européenne, que je vous prie de croire, cher collègue… »

Eh bien non, quatorze ans plus tard, cette mise sous le boisseau du drapeau français n’est toujours pas compréhensible… ou ne l’est que trop. Cela fait en effet des années que l’Europe est le cheval de Troie d’une droite (plus fédéraliste que gaulliste) qui l’a introduit au cœur de la souveraineté française pour, de l’intérieur, en venir à bout. Ce refus de pavoiser l’hémicycle aux couleurs de la France s’inscrivait dans la même vision post-nationale que la décision prise par les parlementaires de ne pas tenir compte du « non » au référendum de 2005 et de ratifier le traité de Lisbonne de 2009. Il faudra attendre 2015 pour que nos couleurs soient installées dans l’hémicycle du sénat. Elles le seront dans la plus grande discrétion, à la faveur d’un subterfuge, et accompagnées des inévitables couleurs de l’Europe qui veille comme une duègne sur la France.

Valérie Pécresse : moi aussi, je suis la candidate du multiculturalisme

« Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », c’est la candidate des Républicains qui parle. C’est elle, Valérie Pécresse, qui joue désormais la vestale du temple, la même qui en janvier 2010, en plein débat sur l’identité nationale, ne se gênait pas pour signer aux côtés de Rama Yade et de Rokhaya Diallo un appel « pour une république multiculturelle et post raciale ». Tout cela fleure l’escroquerie politique. 

A lire aussi, Simon Moos: République ou France? La vraie question des présidentielles

Le cynisme est un métier. Si Valérie Pécresse est animée par un opportunisme qui n’a rien à envier à celui de Macron, ce dernier a, sur sa fausse adversaire, un certain avantage. Comme elle, il dit une chose et son contraire, mais n’attend pas douze ans. Il ne retourne pas sa veste : il la tombe pour que chacun puisse voir en même temps l’endroit et l’envers du personnage. Il est président de tous les Français mais ne se prive pas d’en humilier régulièrement un certain nombre. 

Quand les Français comprendront-ils que cette manière de faire est de la même veine que l’humiliation publique du chef d’État-Major des armées, que la vulgarité de sa fête de la musique en bas résille, que les photos prises aux Antilles, les galipettes sur la pelouse de l’Élysée, la gifle du contrat australien sur les sous-marins ou la séance d’autosatisfaction devant deux journalistes d’une complaisance indécente ? C’est notre pays que Macron dégrade avec un plaisir pervers. Et il en jouit sous les yeux d’une candidate secrètement admirative de ses coups de com’ et qui, à défaut de pouvoir s’asseoir demain dans son fauteuil, se verrait bien assise à Matignon.


Le drapeau européen flottant – seul – sous l’arc de Triomphe pour marquer le début de la présidence française de l’Union européenne a finalement été retiré samedi.

Première provocation de l’année de notre exécutif politique disruptif, le drapeau de l’UE flottant sous l’Arc de Triomphe est une subversion plus grave qu’on ne le pense. C’est en tout cas la première polémique de l’année ! De nombreux Français ne l’ont pas comprise. 
Par courte vue, certains ne conçoivent pas qu’on puisse contester le drapeau bleu étoilé, un drapeau supposément paré de toutes les vertus du monde (“L’Europe c’est très bien”, “Unis on est plus forts”, “75 ans de paix c’est grâce à l’UE” etc., alors que le drapeau tricolore qu’il remplace ne saurait avoir d’autre signification que celle d’un nationalisme rance et guerrier). D’autres, qui ne vibrent ni au souvenir de Reims ni à celui de la Fête de la fédération, pensent qu’il n’existe pas une culture française mais une culture en France et qu’elle est diverse. Adeptes de l’identité heureuse ou de la start up nation, vivant dans des sociétés post nationales et mondialisées, ils peuvent aisément retrouver dans le drapeau européen les valeurs qu’ils chérissent.
N’en déplaise à tous ces fâcheux, le drapeau européen flottant seul sous l’Arc de Triomphe (qui est non seulement un bâtiment public mais également une nécropole nationale) constitue une méconnaissance de tous les usages républicains. En droit, la France ne reconnaît qu’un seul drapeau national, le drapeau tricolore, conformément à l’article 2 de la Constitution et s’il est permis de pavoiser aux couleurs bleues et or, « le drapeau européen ne peut toutefois être hissé qu’en y associant les couleurs françaises et sous réserve qu’il soit placé à droite du drapeau français et donc vu à gauche de ce dernier en regardant l’édifice public ».
Il n’y a pas de souveraineté européenne
S’il ne doit y avoir qu’un seul drapeau sous l’Arc de Triomphe, alors cela ne peut être que celui de la nation. Au-delà de cette petite entorse juridique, faire flotter seul le drapeau étoilé au-dessus de la tombe du soldat inconnu constitue clairement un acte politique, celui de conférer à l’Europe une place qui n’est pas la sienne, celle d’un État souverain.
Les symboles ont un sens et s’il est concevable de célébrer la présidence française de l’Union européenne, cela ne saurait se faire au détriment des symboles de la République et par une inversion des rôles. L’État, c’est la France, l’organisation internationale, c’est l’Union européenne et l’évènement à célébrer n’est pas la présidence européenne de la France.
La polémique sur le drapeau pourrait paraître anecdotique si elle n’avait pas été précédée des sauts de cabri incantatoires permanents du président Macron sur l’Europe, lui qui ne cesse de se complaire par provocation à parler d’une Europe « souveraine » alors même qu’en démocratie le souverain c’est le peuple et qu’il n’existe pas de peuple européen. Lorsque le président de la République – qui a pourtant reçu mandat du peuple pour veiller au respect de la Constitution de 1958 et pour être garant de l’indépendance nationale – joue en permanence avec l’inversion des rôles, la polémique à laquelle donne lieu la présence du drapeau étoilé sous l’Arc de Triomphe, certes pour une seule journée, n’en est que plus légitime. Elle est saine et juste.
Ce n’est pas un énième grognement des réacs
On aurait vraiment tort de vouloir la balayer d’un revers de la main, de ressortir le baratin habituel sur « l’Europe c’est la paix » ou d’assigner le rôle d’affreux réacs aux défenseurs du drapeau tricolore, car l’effacement du drapeau national au profit d’un autre emblème revêt une charge symbolique immense.
Le drapeau national c’est celui de Valmy et de la Résistance, c’est celui du peuple et celui de la République, c’est celui de l’indépendance de la nation et celui que les nazis avaient justement interdit sur les Champs-Elysées le 11 novembre 1940. Il représente la souveraineté nationale et, dès lors qu’elle en l’expression, la démocratie. 
Substituer un autre emblème au drapeau national, c’est effacer le symbole de la démocratie et de la République et cela ne peut que concourir à alimenter le sentiment de remplacement et de dépossession du peuple. Dans un monde qui ne cesse de promouvoir la liberté des peuples, il n’est pas incongru que les Français puissent revendiquer la leur.
On se souvient que pour les 70 ans de la déclaration Schuman, il avait été décidé de marquer le coup par des dessins pour enfants de trois ans sur des tramways avec des slogans ridicules du type « avec l’Europe je respire mieux. » Il est vrai que la présence d’un drapeau sous l’Arc de Triomphe a plus d’allure. Pour autant et quels que soient les mérites et les valeurs qu’incarne ce drapeau, il n’a pas à y figurer seul.
Au demeurant, on a évidemment tort de conférer au drapeau étoilé les vertus un peu sottes énumérées plus haut et de taxer de nationaliste quiconque porterait à son endroit la moindre critique. 
Qu’il nous soit permis de pouvoir contester certaines des valeurs portées par cette Union européenne, qui, l’année dernière, n’aura rien trouvé de mieux à financer qu’une campagne « Beauty is in diversity » faisant la promotion du hijab ou, par l’intermédiaire de sa commissaire maltaise à l’Égalité, un guide effrayant de revendications inclusives inspirées du pire de la pensée diversitaire américaine.
Qu’il nous soit permis de contester ce qu’est devenue cette Union européenne, bien loin du rêve de ses pères fondateurs, celle de la primauté de l’économique sur le politique, de la protection du droit des minorités au détriment du droit des peuples et de la consolidation d’un État de droit à l’anglo-saxonne défini par le juge primant sur la souveraineté populaire.
Qu’il nous soit permis également de contester la primauté du droit de l’Union européenne – qui n’a jamais été inscrite dans un seul traité – affirmée pour la première fois par la Cour de justice de l’Union dans un obscur arrêt Costa de 1964 (qui n’intéresse plus beaucoup de monde à part des juristes) et qui a été massivement rejetée par le peuple lorsqu’elle a été soumise à son suffrage en 2005.
Qu’il nous soit enfin permis de contester que cette Europe soit considérée comme le seul horizon indépassable de la France, France qui ne pourrait entrevoir son avenir que sous le contrôle d’un commissaire letton ou d’un juge danois, France qui est pourtant présente sur les cinq continents et dont la grandeur a un pacte multiséculaire avec la liberté du monde • Stanislas François.

Élisabeth Lévy : « Enlever le drapeau français de l’arc de Triomphe ? Une insulte aux morts ! »

Lévy sans interdit. Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy chaque matin à 8h10 dans la matinale de Sud Radio.

Etats-Unis : le droit de port d’armes à feu pourrait être limité par… une loi anglaise du Moyen Âge

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Reconstitution historique d'un tournoi à Rochedale en Angleterre, 28/9/2021 CATERS/SIPA

La Cour suprême des Etats-Unis doit décider si les Américains ont le droit de porter des armes à feux dissimulées en public. Une loi anglaise datant de 1328 pourrait aider à trancher la question.


Tout un chacun sait que, aux États-Unis, les citoyens – sauf exception – ont le droit de posséder des armes à feu. Mais est-ce qu’ils ont le droit de les porter en public et de manière dissimulée, tout comme les agents du FBI ou James Bond ? Là, la loi est moins claire. Cette question est actuellement débattue par la Cour suprême. Le verdict qu’elle doit rendre aura un impact significatif sur le port d’armes à feu dans les différents états qui, quoique ayant chacun ses propres règles sur cette question, devront finalement se plier à la législation fédérale. Par une particularité du système judiciaire américain, les avocats se battent à coups de lois anglaises datant du passé, parfois d’un passé très lointain…   

L’origine de l’affaire

Tout a commencé par une bataille juridique dans l’état de New York opposant les autorités de cet État à deux citoyens, membres de la New York Rifle and Pistol Association, affiliée à la très puissante National Rifle Association. Robert Nash et Brandon Koch s’étaient vus refuser un permis de port d’arme dissimulée au motif qu’ils n’avaient pas fourni une justification adéquate. Selon la législation de New York, toute personne faisant la demande d’un tel permis doit la motiver en invoquant un besoin spécifique. Au tribunal, les avocats des deux requérants ont plaidé que la législation new yorkaise était contraire au deuxième amendement de la Constitution américaine qui, selon eux, accorde à tous les citoyens le droit de porter des armes. D’appel en appel, l’affaire est remontée jusqu’à la Cour suprême.

Joutes jurisprudentielles

Cette question du port d’armes à feu dissimulées en public est la plus importante depuis plus de dix ans. En 2008, lors d’une affaire similaire concernant la détention de pistolets à la maison, un des plus éminents juges de la Cour suprême, le très conservateur Anton Scalia, décédé depuis en 2016, avait maintenu que le deuxième amendement de la Constitution des États-Unis garantissant « le droit du peuple de détenir et de porter des armes » était justifié par l’existence d’un droit anglais antérieur importé par les colonisateurs venant de ce pays. Il s’était référé à un document constitutionnel anglais, la Déclaration des droits, de 1689, qui permet aux citoyens anglais – pourvu qu’ils soient protestants – de porter des armes. Aujourd’hui, l’équipe juridique de Nash et Koch invoque cette opinion, auréolée du prestige de Scalia, pour appuyer le principe de la liberté de porter des armes sans avoir nécessairement l’autorisation des autorités. A quoi les avocats de l’état de New York ripostent en citant une loi anglaise de 1328, celle dite « de Northampton », qui prohibe le port d’armes dans les foires et les marchés sauf pour les serviteurs du Roi et en sa présence. Cette loi, datant d’une époque où les armes à feu n’existaient pas, poserait des limites très strictes à la liberté de porter des armes accordée en 1689. Les partisans des armes à feu répliquent en citant deux autres avis juridiques anglais, de 1686 et de 1716, qui semblent interpréter la loi de 1328 comme interdisant le port d’armes seulement quand l’intention est d’effrayer le public.

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Ils sont fous, ces Anglo-saxons !

Toute cette affaire prend place dans un débat quasi-permanent et très contentieux aux États-Unis concernant l’accès des citoyens aux armes à feu et l’usage de ces dernières. Il peut paraître étonnant à un Français que de telles questions puissent être réglées par des arguments fondés sur des précédents dénichés par les juristes dans un passé plus ou moins lointain. L’explication réside dans le fait que le droit français est plutôt codifié, tandis que le droit des pays anglo-saxons, appelé « common law », accorde plus d’importance à la jurisprudence. C’est ainsi que les citoyens américains n’ont jamais réussi à s’affranchir complètement de l’héritage anglais.

Nuit américaine sur le Vietnam

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Casualties of War, Sean Penn, Michael J. Fox et Brian de Palma, 1989 RONALDGRANT/MARY EVANS/SIPA

A l’occasion de la sortie d’Outrages (Casualties of War, 1989) de Brian de Palma dans un magnifique coffret collector, avec quantité de bonus, retour sur la genèse de l’œuvre maudite du réalisateur de Scarface.


La plupart des jeunes cinéastes de la génération dorée dite du « Nouvel Hollywood » ont ressenti, à un moment donné de leur carrière, le besoin vital de se replonger dans le trauma vietnamien et de livrer leur propre lecture de ces événements qui devaient à tout jamais changer le visage des Etats-Unis. Hal Ashby (Le Retour/Coming Home, 1978), Michael Cimino (Voyage au bout de l’enfer/The Deer Hunter, 1978), Francis Ford Coppola (Apocalypse Now, 1979), Oliver Stone (Platoon, 1986), et l’on pourrait également évoquer, par ricochet un Terrence Malick qui à travers sa tardive Ligne rouge (1998) évoquant la bataille de Guadalcanal dans le Pacifique (1942) vise également à sonder les tréfonds de l’âme américaine dans l’enfer vert de la péninsule indochinoise.

Tragique fait divers

Brian de Palma, viscéralement antimilitariste et anti-impérialiste, ayant logiquement usé de tous les subterfuges (homosexualité, communisme, folie) pour éviter l’engagement au Vietnam ne pouvait se tenir à l’écart de cette dynamique artistique contestataire. C’est en octobre 1969 qu’il découvre, révulsé, dans The New Yorker un long texte saisissant intitulé « Casualties of War » (que l’on pourrait traduire par « Dommages collatéraux ») et signé du journaliste d’investigation indépendant, Daniel Lang. L’article, richement documenté, relate avec force détails le kidnapping, le viol et le meurtre (« Viet rape-slaying ») en novembre 1966 sur un laps de temps de 24 heures, d’une jeune paysanne vietnamienne, Phan Thi Mao, par une escouade de cinq GIs américains, dans la province de Binh Dinh (fait divers nommé en anglais « Incident on Hill 192 »).

Révélée quelques mois après les massacres de My Lai (mars 1968), cette nouvelle atrocité contribuera au retournement de l’opinion américaine contre l’engagement de ses propres soldats et impulsera le mouvement des marches pacifiques antimilitaristes qui allait gagner Washington puis les autres grandes villes du pays. Ce qui est frappant dans ce récit est que sur les cinq jeunes hommes composant cette escouade, le « bleu » de la troupe, un dénommé Stobby (transformé en Eriksson par Lang dans l’article afin de protéger son anonymat) ait délibérément refusé de participer à ce crime odieux en arguant les valeurs suprêmes d’honneur et de protection des populations civiles censées être véhiculées par l’armée américaine.

Portée symbolique

De Palma saisit immédiatement la portée symbolique de ce fait divers tragique et transfigure ce viol en symbole de l’agression américaine contre un pays étranger au mépris des droits des populations civiles et des libertés fondamentales. Les premières œuvres du cinéaste natif du New Jersey ne témoignent-elles pas déjà d’un souffle libertaire et antimilitariste ? Que l’on songe à Greetings (1968) dans lequel Paul et ses deux amis, Jon (Robert de Niro !) et Lloyd, passent des heures à chercher par tous les moyens à se faire réformer ou encore Hi, Mom ! (1970) avec un Robert de Niro méconnaissable en Jon Rubin, vétéran de la guerre du Viêtnam, engagé par un producteur de films pornographiques afin de filmer ses voisins de quartier dans les moments les plus intimes.

Mais les grands studios hollywoodiens, la Warner en tête, échouent à acquérir les droits d’adaptation du texte de Daniel Lang et le projet se voit mystérieusement adapté dès 1970 par un obscur cinéaste germanique, Michaël Verhoeven (rien à voir avec le néerlandais Paul) dans un étrange film noir et blanc, sec et irrespirable, intitulé O.K, qui déclenche immédiatement le scandale à la Berlinade de la même année !

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A noter que le grand Elia Kazan s’inspirera également de manière clandestine de cette affaire dans son impressionnant film uchronique indépendant, Les visiteurs, en 1972, en imaginant une suite à l’histoire officielle avec le retour des cinq boys sur le sol américain, prélude à un déclenchement de règlements de compte et pressions exercées sur le dénonciateur du crime.

Longue maturation

Il faudra finalement attendre 20 ans pour que Brian de Palma, fort du succès commercial et critique des Incorruptibles (1987), puisse enfin adapter le fameux « Casualties of War », magnifiquement aidé dans son entreprise par la PDG de l’époque de la Columbia (Dawn Steel) ainsi que par le dialoguiste hors pair, David Rabe, ancien membre des unités médicales au Vietnam. Et pour relever ce défi et se préparer à de longs et difficiles mois de tournage dans la jungle thaïlandaise (avec comme décor le site du pont de la rivière Kwaï !), de Palma décide de s’entourer d’une « dream team » internationale de techniciens et d’acteurs : Fred Caruso (Le Parrain) et Michaël Stevenson (Lawrence d’Arabie) à la production, Ennio Morricone à la musique, ainsi qu’une pléiade de jeunes acteurs aux talents exceptionnels promis à de brillantes carrières : Sean Penn, Michael J. Fox (dans le rôle de Stobby/Eriksson), John C. Reilly, John Leguizamo, Don Harvey… le tout sous les conseils avisés de Dale Dye, ancien vétéran du Vietnam.

Pour son rôle du sergent Tony Meserve, instigateur du viol, le jeune Sean Penn s’est astreint à un terrible entrainement physique et mental pendant plusieurs semaines aux Etats-Unis puis en Asie du Sud-Est. Il faut le voir méconnaissable en monstre de cruauté éructant jours et nuits des « Fucking V-C (Viêt-Cong) » en mâchant négligemment son chewing-gum et en divisant ses équipiers pour mieux asseoir son autorité et faire aboutir ses noirs desseins.

A la différence des versions de Coppola ou de Stone, de Palma ne cherche aucune jouissance esthétique, plastique ni messages troublants et ambigus. La mise en scène, sobre, précise, chirurgicale a véritablement valeur de morale profonde. Soulignons également la prestation exceptionnelle de l’actrice non professionnelle, Thuy Thu Le, dans le rôle de la pauvre paysanne vietnamienne suppliciée. Un rôle unique pour celle qui retrouvera immédiatement après le film un anonymat embarrassant, sous doute marquée à vie par ce film-uppercut dans lequel elle se prend de véritables coups assénés avec brutalité par Sean Penn et ses séides, sans l’aide d’effets spéciaux numériques…

Mise à part la réaction « héroïque » de Stobby, on pourra longuement déplorer la bêtise crasse de ces boys incultes se prenant pour « les nouveaux Gengis Khan » allant nettoyer et raser des villages et des sols sur lesquels l’herbe ne devra plus jamais repousser…

Echec commercial

Inutile de préciser que ce brûlot fut un échec commercial retentissant et que la presse américaine dans son écrasante majorité se déchaîna contre de Palma accusé de trahison et de sapement des valeurs patriotiques de son pays… 30 ans plus tard avec le très sous-estimé Redacted(2007), pourtant Lion d’Argent à La Mostra de Venise, de Palma allait magistralement récidiver en brocardant une nouvelle fois l’engagement irrationnel et criminel américain dans un pays étranger, l’Irak cette fois, à partir d’une nouvelle sombre affaire de viol et d’assassinat d’une jeune irakienne, puis de l’exécution de toute sa famille. Avec, de surcroît, une passionnante réflexion sur la profusion des flux informationnels et l’éclatement des images et des points de vue à partir d’un tragique fait divers. L’Histoire, nous dit-on, est un éternel recommencement…

A quand le prochain de Palma, à plus de 80 printemps, sur une nouvelle exploration des faces sombres de l’Amérique, reflet de nos propres angoisses et phobies également ?

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Charles Baudelaire, l’allergique au Nouvel An

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Vente aux encheres d'objets ayant appartenus a Charles Baudelaire a l'Hotel Drouot, 1/12/2009 GINIES/SIPA

Pendant que vous fêtez le passage à la nouvelle année, ayez une pensée pour Baudelaire qui détestait le Nouvel An et qui, déjà, rejetait les âneries de la société de consommation.


Le poème du dimanche

On ne peut pas dire que Charles Baudelaire se caractérisait pas sa joie de vivre. Ce grand poète est celui du spleen et de la nostalgie. Il est moins connu pour sa critique de la modernité bourgeoise de son temps, celle du Second Empire, de Napoléon III et de ses affairistes dénoncés par Marx ou Zola. Le triomphe des marchands, du goût bourgeois le met souvent en colère, comme son contemporain Flaubert. Dans le texte qui suit, extrait des Petits poèmes en prose , il ne décolère pas contre la fête obligée que représente le Nouvel An, qui contrairement à Noël est, pour le coup, purement commercial. Là encore, on est saisi par l’actualité de son propos, où au milieu des lumières et des flonflons, la bêtise et la cruauté ne sont jamais bien loin.

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Un plaisant

C’était l’explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d’une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.


Au milieu de ce tohu-bohu et de ce vacarme, un âne trottait vivement, harcelé par un malotru armé d’un fouet.


Comme l’âne allait tourner l’angle d’un trottoir, un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs, s’inclina cérémonieusement devant l’humble bête, et lui dit, en ôtant son chapeau : « Je vous la souhaite bonne et heureuse ! » puis se retourna vers je ne sais quels camarades avec un air de fatuité, comme pour les prier d’ajouter leur approbation à son contentement.


L’âne ne vit pas ce beau plaisant, et continua de courir avec zèle où l’appelait son devoir.
Pour moi, je fus pris subitement d’une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile, qui me parut concentrer en lui tout l’esprit de la France.

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Lutter contre le terrorisme au prix de l’état de droit?

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JM. Blanquer dépose une rose dans la cour du College du Bois d'Aulne en hommage a Samuel Paty, 16/10/2021 ISA HARSIN/SIPA

Le livre récent d’Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, explore une question fondamentale : à partir de quel moment les mesures législatives prises par l’Etat pour nous protéger contre le terrorisme commencent-elles à saper la base de notre démocratie?


Pour lutter contre le terrorisme, le législateur n’a cessé de faire évoluer le droit, invoquant la nécessité de cette évolution pour s’adapter aux nouvelles méthodes terroristes et pour y répondre. Au nom de la défense de la sécurité, c’est l’appareil législatif français qui a été bouleversé, modifiant parfois la structure de l’état de droit. Loi renseignement, écoutes, filatures, organisation des services, c’est toute une évolution juridique qui transforme autant la pratique que la philosophie du droit. Mais si cela est fait pour défendre la démocratie, est-ce que l’esprit de la démocratie est maintenu quand la loi devient de plus en plus intrusive et que recule la vie privée ? Jusqu’où peut-on aller dans l’évolution législative pour lutter contre le terrorisme ? Il faut bien, en matière de droit aussi, fixer des limites et interroger l’efficacité réelle de ces mesures. Le risque en effet est de perdre son âme et de perdre la démocratie, tout en prenant des mesures législatives qui se révèlent inutiles. Et une fois l’appareil législatif mis en place, qui peut garantir que celui-ci sera bien utilisé dans la lutte contre le terrorisme et non pas pour d’autres fins ? Un concept du terrorisme qui est par ailleurs de schéma variable et qui peut s’étendre à l’infini. Le terrorisme politique n’autoriserait-il pas la mise sur écoute et le contrôle d’adversaires politiques ? C’est toute la réflexion que porte Alexis Deprau dans cet ouvrage, tiré en partie de sa thèse de doctorat. L’auteur nous fait entrer dans le fonctionnement des services de renseignement, dans l’organisation de la police, dans la fabrication de la loi et dans les limites du juridique pour protéger les sociétés. Et si, au nom de la défense de notre modèle de société et de notre civilisation, nous en venions à nous détruire nous-mêmes par l’adoption d’une législation répressive et attentatoire aux libertés fondamentales ? C’est toute la question de la philosophie du droit qui est ici posée.

A lire aussi, de Jean-Baptiste Noé : Terrorisme : refuser de nommer

Alexis Deprau, Le droit face à la terreur, Le Cerf, 2021, 24€.

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Le Conseil constitutionnel face à un choix historique

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Le Conseil constitutionnel, Paris, 2007 DURAND FLORENCE/SIPA

Face à des mesures sanitaires prises par le gouvernement afin de se protéger plutôt que de protéger les Français, le Conseil constitutionnel doit jouer son rôle et protéger notre démocratie contre des abus de pouvoir.


Face à des mesures sanitaires prises par le gouvernement afin de se protéger plutôt que de protéger les Français, le Conseil constitutionnel doit jouer son rôle et protéger notre démocratie contre des abus de pouvoir.

Par l’intermédiaire de Jean Castex, l’exécutif a fait savoir qu’il envisageait désormais de transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. À quelques jours de Noël, c’est sans doute son cadeau aux « complotistes » à qui il donne raison une fois de plus. Conséquemment, le Conseil constitutionnel devra statuer et faire un choix historique, de loin le plus important depuis sa création en 1958.

Trois pouvoirs

L’omniprésence dans nos vies de Gabriel Attal, de Jean Castex ou d’Olivier Véran a pu donner aux Français l’impression fausse que le pouvoir exécutif était le seul pouvoir en France, et qu’il avait de surcroît tous les pouvoirs. En réalité, nous sommes un régime démocratique constitutionnel et le pouvoir est triple : exécutif, législatif et judiciaire. Cette répartition de la charge effective du pouvoir vise à protéger les fondations constitutives de la nation et le peuple contre les aventures électorales, contre les tyrans de passage ou les expériences politiques hasardeuses. L’existence d’une Constitution vise entre autres à limiter le champ d’action des gouvernements et des assemblées qui seraient tentés par l’aventure. Ce faisant, l’assemblée, qui a le pouvoir de voter les lois, ne peut le faire en dehors des limites imposées par la Constitution. Si une loi est manifestement anticonstitutionnelle, si elle contredit un principe édicté par la Constitution, elle doit être empêchée par l’institution qui veille au respect des principes immuables, théoriquement le Conseil constitutionnel.

Depuis le début de la crise, le pouvoir exécutif n’a pas toujours eu la même attitude face à la situation. Dans un premier temps, c’est-à-dire dans les premières semaines de 2020, il a préféré ignorer ce qui pouvait pourtant devenir grave. Quelques jours encore avant de décider, dans une apparente panique précipitée, la fermeture des écoles puis le confinement, le président Macron allait au théâtre « malgré le coronavirus » et le faisait savoir dans les médias. Quelques jours plus tôt, Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé, disait à la radio qu’il n’avait pas « vérifié que la France soit prête » en cas d’épidémie massive, convaincu d’avance qu’elle l’était. Autant dire que l’ambiance était plutôt détendue et qu’à cette époque, les loufoques étaient ceux qui, à rebours de ce climat serein, craignaient que la France suive le même chemin que le voisin italien, lui-même en grande difficulté sanitaire. Depuis, les rôles se sont largement renversés et le loufoque est désormais celui qui refuse de paniquer avec la meute. Le président Macron et le ministre Véran, se sentant peut-être coupables d’avoir réagi tardivement, se perdent désormais dans une surenchère de mesures, de restrictions, d’ordres, de décisions farfelues, soucieux sans doute de rattraper leur retard, à l’image des convertis qui prient deux fois plus que les autres pour s’excuser de n’avoir pas commencé plus tôt.

Le temps des procès

La peur du temps judiciaire explique en grande partie que le pouvoir exécutif se soit lancé dans cette surenchère. Il faut remonter la chronologie très tôt pour voir apparaître les premiers signes de cette peur. Le 10 avril 2020, le journaliste Louis de Raguenel disait sur LCI avoir obtenu, en coulisse, la confession suivante : « Les ministres sont très prudents dans leur communication, ils savent très bien qu’à l’issue de cette crise il y aura des procès judiciaires. Et là ce ne sera plus du tout la même chose. Quand ils auront à répondre, quand il y aura des saisies de mails faits par la Justice, […] il y a même des ministres qui me disent “On s’attend à un Nuremberg du coronavirus” ». Le 23 avril 2020, sur BFM/RMC, Philippe de Villiers confirme : « Il y a des ministres qui m’ont dit, des ministres importants, “C’est normal qu’il y ait une tétanie présidentielle, gouvernementale, on est pétrifié, parce qu’on est prudents, parce qu’on est obligé de se couvrir, […] on prépare la défense judiciaire”, et donc en fait les conférences de presse de M. Philippe, c’est plus pour préparer la défense judiciaire que pour rendre service aux Français ».

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Et quel type de procès peuvent-ils anticiper et craindre ? La réponse est donnée quelques mois plus tard avec la mise en examen par la Cour de justice de la République d’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, à qui il est reproché deux attitudes coupables : mise en danger de la vie d’autrui et refus d’affronter un sinistre (la première qualification découlant logiquement de la seconde). Voilà bien sûr ce que craignent les membres du gouvernement : ils craignent que leur soit reproché de ne pas en avoir fait assez contre l’épidémie. Et précisément pour s’assurer qu’on ne pourra pas leur reprocher de ne pas en avoir fait assez, ils en font plus, c’est-à-dire trop. Ils savent en effet qu’à l’issue de cette crise, si quelqu’un devait les accuser d’en avoir « trop fait », il existe pour se défendre contre cette accusation un panel assez large de justifications faciles : c’était pour la bonne cause, c’était pour lutter contre le virus, c’était pour protéger les Français, c’était pour protéger l’hôpital, c’était pour sauver des vies, etc. Il est beaucoup plus difficile, sur les plans moral, politique et judiciaire, de se défendre d’un manque d’actions.

Si le pouvoir avait réellement et avant tout le souci de la santé, nous verrions fleurir beaucoup plus de mesures contre l’alcool (disponible absolument partout), contre la cigarette (également disponible partout). Puis, après avoir agi contre ces fléaux, le gouvernement s’attaquerait aux grands distributeurs de l’agro-alimentaire qui gavent leurs produits industriels de sel, de sucre, de chimie, de conservateurs, de pesticides, etc. Le tabagisme est effectivement la première cause de mortalité évitable en France. L’addictologue et psychiatre Amine Benyamina indique dans un entretien publié il y a quelques mois que « Le tabac et l’alcool tuent tous les ans, en France, 120 000 personnes. C’est un Covid par an ». Pour lutter contre cette hécatombe qui se répète tous les ans, les seules mesures contraignantes prises par les autorités consistent à interdire la vente aux mineurs et à faire inscrire sur ces produits des mentions qui rappellent leur nocivité. Nous sommes loin de la dureté des mesures prises pour lutter contre un virus qui finalement tue beaucoup moins que ces produits.

L’exécutif prétend protéger les Français mais en réalité se protège lui-même

En réalité, le pouvoir exécutif est déjà protégé juridiquement contre d’éventuelles plaintes que pourraient déposer des Français rendus malades par la consommation de l’alcool et du tabac. Il n’a donc pas besoin de se protéger davantage. Il ne l’est pas de la même manière contre les futures plaintes qui seront déposées contre lui lorsque le soufflé de la crise sanitaire sera retombé. Les membres du gouvernement et le président lui-même doivent impérativement se mettre à l’abri contre un type de plainte en particulier : la mise en danger d’autrui et le refus d’affronter un sinistre. Désormais, à peu près toutes les mesures qui sont prises visent à les mettre à l’abri de ces plaintes. Ne pas le voir, ne pas le reconnaître, feindre de croire que ces gens ne sont animés que par le souci altruiste, sincère et désintéressé de protéger les Français, c’est être, au mieux, un grand naïf et un idiot-utile.

La surenchère de mesures est devenue une aventure politique dangereuse

Presque deux ans après les premières frayeurs, nous sommes en mesure de vérifier que l’hécatombe que nous étions en droit de craindre ne s’est pas produite. Contrairement à ce que les déclarations toutes plus anxiogènes les unes que les autres nous indiquaient dans les derniers jours avant le confinement et pendant le confinement, il n’y a pas eu d’apocalypse virale et 99,9% de la population a survécu. Il s’agit maintenant de reposer les pieds sur terre. Hélas, c’est précisément ce que le pouvoir exécutif se refuse à faire. Non content de continuer à commenter la situation sanitaire en des termes aussi anxiogènes qu’au début de l’affaire, il surenchérit, multiplie les mesures, augmente leur dureté, et finalement travaille avec un entêtement irrationnel à la vaccination de tout le monde. Prochaines étapes de sa feuille de route : la vaccination des enfants et l’instauration du passe vaccinal dans l’entreprise, laquelle aura pour effet de pousser vers le chômage et la précarité des centaines de milliers de Français. Un tel carnage social, pour un motif aussi farfelu, n’a probablement pas d’antécédent dans notre pays. Il pourra par contre ouvrir la voie à d’autres décisions également surréalistes et dangereuses, raison pour laquelle il est devenu une question de principe de s’opposer absolument à cette dérive liberticide du pouvoir exécutif.

A lire aussi : Passe sanitaire : le Conseil constitutionnel a joué son rôle

C’est ici que le Conseil constitutionnel devra jouer son rôle de protecteur des principes contre les aventures politiques. S’il est cohérent, il empêchera l’exécutif d’instaurer, à la seule fin de se protéger de la future tempête judiciaire, un ordre nouveau fondé sur la discrimination sanitaire ; il empêchera que la minorité macroniste qui tient actuellement ce pays ne prenne tout un peuple en otage pour se protéger elle-même. Le Conseil constitutionnel sert exactement à protéger la nation contre les abus que sont susceptibles de commettre des gens qui sont prêts à piétiner ces principes fondateurs de notre droit : l’égalité des citoyens et le refus de fonder, sur un critère de santé, une discrimination entre eux.

De l’urgence d’un retour rapide au calme

Disons-le aussi franchement que c’est évident : la macronie a également un intérêt électoral à concentrer toutes les attentions sur la crise sanitaire. Au moment de se représenter devant les Français, quel bilan Emmanuel Macron pourrait bien avoir à proposer ? Ces deux dernières années ont été entièrement et obsessionnellement consacrées à la crise sanitaire, au point d’avoir occulté tous les autres sujets. Les mauvaises nouvelles de son quinquennat, comme l’explosion de la dette, ne sont justifiables, explicables et pardonnables qu’à la condition d’être intégrées au récit covid. Entretenir le sujet sanitaire, le poursuivre jusqu’au scrutin pour qu’il continue d’absorber tous les autres sujets, c’est une question de survie électorale pour la macronie. Si demain ce sujet disparaît complètement des écrans, Macron serait nu, dépouillé de la seule carte qu’il puisse encore jouer… Les enquêtes d’opinion sont nombreuses qui révèlent que le cœur de cible électoral de Macron, en l’occurrence les centres urbains et les « boomers », lui sont acquis, particulièrement depuis qu’il a réussi à les convaincre qu’il avait bien géré la crise. Les « boomers » lui sont reconnaissants d’avoir pris des mesures générales, même si elles étaient rudes et liberticides, contre un virus qu’ils sont les premiers à craindre. Emmanuel Macron doit maintenant chouchouter cet électorat jusqu’au jour du scrutin, en continuant à l’entretenir dans la peur d’un virus qu’il est réputé tenir à distance d’eux grâce à son excellente gestion de crise. D’une certaine manière, nous pouvons dire que chaque nouvelle injection de vaccin quelque part en France lui assure un suffrage « boomer » supplémentaire. Et cette catégorie de la population est celle qui se déplace le plus pour voter…

Le Conseil constitutionnel est maintenant devant un choix historique. S’il n’oublie pas qu’il est là pour garantir la fixité des principes contre les aventures politiques isolées, il retoquera les nouvelles mesures du gouvernement et fera revenir la France dans la voie de la raison. S’il n’en fait rien, se posera alors la question de son utilité réelle dans le jeu institutionnel de la République.

Antifas, LFI et militants de l’islam politique : les suppôts du pouvoir macronien

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Un feu d'artifice utilisé comme projectile contre les forces de l'ordre par des manifestants contre la visite à Marseille d'Eric Zemmour, 26/11/2021 Daniel Cole/AP/SIPA

Et si tous ceux qui prétendent se révolter contre l’État macronien ne faisaient que servir les intérêts de ce dernier ? En réalité, ils s’en prennent surtout aux patriotes comme Zemmour qui sont les critiques les plus déterminés et les plus convaincants du pouvoir en place.  


On peut imaginer un vieux film de gangsters, où les « nervis » (dans le vieil argot, les hommes de main qui agissent au nom d’un donneur d’ordre pour menacer, brutaliser ou tuer) qui travaillent au service de leur gang, en intimidant les rivaux et les commerçants, servent surtout les intérêts de quelque chef suprême, que ce soit à leur insu ou non. C’est exactement ainsi que différentes organisations de l’extrême gauche et de l’islamogauchisme, des antifas aux militants de LFI et aux apologistes de l’islam politique, sont en réalité au service d’Emmanuel Macron.

Les antifas : les idiots utiles du macronisme

On a vu, à Nantes et à Marseille, les antifas se déchaîner contre Eric Zemmour, et contre son prétendu fascisme. A Nantes, caillassages, voitures brûlées, attaques contre la police. A Marseille, « comités d’accueil », cris et menaces, intimidation des habitants, restaurant et hôtel dégradés, journaliste frappée à coups de casques. Mais contre qui et contre quoi se battent ces gens ?

En réalité, à travers son message de « La France en danger », Eric Zemmour se révolte – et c’est l’une des raisons de son succès – contre la caste d’oligarques qui met la France en coupe réglée depuis 40 ans. La percée de l’islam en est l’une des clefs. On le sait bien maintenant : elle a été voulue et accompagnée pour hystériser, déclasser, diaboliser, puis guettoïser les patriotes, et les classes populaires. Même si la créature a tendance, aujourd’hui, à échapper des mains du Frankenstein étatique, il n’en reste pas moins que c’est sur cette architecture politique contre nature qu’a été construite la domination actuelle d’une certaine classe, qui dispose de ses avantages, de ses prébendes, de sa « pravda », et de ses « ronds de serviettes » aux tables du pouvoir. Une « société bloquée », immobile, pourrie, injuste et laxiste, détestée en réalité par les Français, que Zemmour tente de mettre par terre.

Or, si l’on y réfléchit, c’est cette société même que combattent, ou devraient combattre, les antifas. C’est le pouvoir actuel, l’incarnation de l’immobilisme arc-bouté sur ses privilèges, qui devrait être leur véritable ennemi, et tous ceux qui le critiquent devraient être leurs alliés. Pourquoi combattent-ils donc Eric Zemmour, sous le prétexte fallacieux qu’il serait « fasciste », puisqu’il poursuit, au fond, en partie du moins, le même objectif qu’eux ?

D’autres actions passées permettent de se poser la même question. En effet, on sait que les antifas ont aidé Emmanuel Macron à se débarrasser de la menace que faisaient peser sur lui les Gilets Jaunes. En s’infiltrant dans les manifestations, en déclenchant une violence largement étrangère à ce mouvement, ils ont réussi à le décrédibiliser. Ils ont joué la partie comme des supplétifs du pouvoir. Pourquoi l’avoir fait ?

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Le « principe de laxisme » de l’État est établi de longue main, puisqu’il n’a pas de politique propre, outre celle de défendre bec et ongles les intérêts de l’oligarchie dominante. Mais il a besoin, pour cela, en plus de ses serviteurs dans la haute administration, la justice, le monde des affaires ou les cercles intellectuels, d’un « cordon sanitaire » de nervis qui le protègent par la peur : des « hommes de main » chargés de terroriser, au besoin physiquement, les classes moyennes, celles qui seraient tentées d’écouter les élucubrations des « prophètes du changement », ceux qui critiquent trop le « système ». On peut imaginer un pacte tacite entre les antifas et le pouvoir (le « pacte de Notre-Dame-des-Landes »?), où le pouvoir leur dit : « Je ne vous combats que mollement. En contrepartie, vous me terrorisez tous ces citoyens indécis pour qu’ils se détournent de la droite ».

LFI : épouvantail de la bourgeoisie, allié des militants de l’islam politique

Le cas de LFI est différent, mais la démarche est similaire : dans notre pays embourgeoisé, même chez les catégories populaires, le discours marxiste révolutionnaire ne devrait même pas être audible. Il n’a en réalité aucune chance de percer. Ses adeptes n’existent que par deux éléments : l’un est leur « alliance » avec les islamistes, alors qu’ils n’ont rien en commun. L’autre élément, c’est précisément la mansuétude du pouvoir, qui fait preuve d’une certaine indulgence à leur égard. Mélenchon mérite d’être interdit de médias bien plus que Marine Le Pen qui est régulièrement dénoncée comme extrémiste. Or, il y pérore, ainsi que ses acolytes. C’est le triste spectacle auquel on a assisté à l’émission « Face à Baba » : non pas des militants qui « perdent leurs nerfs », comme cela a été dit, mais une tactique assumée d’intimidation psychologique et même physique. Heureusement qu’avec Zemmour et ses fidèles, ça ne marche pas. Mais avec d’autres ?

Quant aux militants de l’islam politique, leur premier objectif consiste à terroriser  les musulmans modestes, pour qu’ils ne résistent pas à la propagande et à l’embrigadement dans leurs quartiers. Et le deuxième, comme chez les antifas, est de menacer celles et ceux qui dénoncent publiquement leurs agissements. S’il le faut, ils les menacent de mort, comme Mila, Zineb, Christine Kelly,  Livre Noir, Zemmour, et tant d’autres, sans que les autorités ne semblent véritablement réagir.  On n’a qu’à remarquer la morgue, par exemple, d’un Yassine Belattar qui, accusé de harcèlement, de diffamation et de menaces de mort, semble totalement sûr de son impunité.

Ainsi, tandis que les antifas font monter la peur des soi-disant « fascistes » de la droite, les islamistes achèvent de délégitimer la gauche qui a abandonné les classes ouvrières au nom de la diversité et de l’ouverture aux étrangers – et tout cela au profit du centrisme macronien. En réalité, toutes ces « grandes gueules », antifas, militants LFI, activistes de l’islam politique, ressemblent plutôt à des révolutionnaires de salon (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas dangereux). Ils ne servent qu’à instiller la peur, celle qui pousse les bourgeoisies inquiètes sous les ailes protectrices de l’État afin que, jamais, rien ne change. Nonobstant leur prétendue radicalité « anti-système », leur pureté marxiste ou islamique, ils servent, à leur insu ou en toute connaissance de cause, les intérêts de l’Élysée : ce sont les plus « vendus » de tous.

Stanislas Lem, le classique polonais de la science-fiction

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Stanislas Lem AP/SIPA

Ecrivain antitotalitaire, on découvre aujourd’hui un de ses chefs-d’œuvre encore inconnu en France, Les aventures du pilote Pirx (Actes Sud)


Lire des romans apporte bien sûr une part de divertissement, mais on peut les lire aussi pour apprendre quelque chose sur le réel. La science-fiction, en particulier, n’échappe pas à cette faculté, l’imagination souvent échevelée de ses auteurs reposant parfois sur une vraie ressource de prospective. L’armée américaine s’en était rendu compte. Depuis les années 50, elle fait appel à des auteurs de SF pour découvrir des intuitions nouvelles sur les guerres de l’avenir, qui se dérouleront au milieu des étoiles. Récemment, en France, le ministère des Armées a réuni, sous l’appellation de « Red Team », une dizaine d’écrivains de SF, scénaristes ou illustrateurs, pour contribuer à élaborer l’avenir de la Défense.

Un classique de la SF

Il serait possible d’examiner aussi, parmi les grands classiques de la littérature SF, ceux auxquels on pourrait faire jouer ce rôle. Un Stanislas Lem, incontestablement, serait tout trouvé, lui dont les nouvelles ou les romans donnent des descriptions très réalistes d’une société future prise dans ses contradictions les plus humaines. En somme, Lem pourrait être toujours une sorte d’annonciateur lucide de ce que sera le monde de demain, lorsque l’homme aura colonisé l’espace, et qu’il voyagera entre les planètes avec autant de facilité qu’une voiture entre Paris et Nice.

À ce titre, le recueil de nouvelles de Lem, Les Aventures du pilote Pirx, qui vient de paraître chez Actes Sud, en est la plus parfaite illustration. Le pilote Pirx, familier sans doute de beaucoup de lecteurs de SF,  a été le héros récurrent d’un certain nombre de nouvelles de Lem. Précisons que ce recueil est initialement paru en polonais en 1965, donc quelques années avant que l’homme ne pose le pied sur la Lune. Lem a tout imaginé de A à Z, avec une profusion de détails extraordinaire. Bien sûr, certaines de ses prévisions se révélèrent fausses ou inexactes, mais il a su toujours insuffler un arrière-fond extrêmement cohérent et rationnel, voire philosophique, aux événements qu’il décrivait.

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Aussi bien, Lem avait sélectionné des thèmes qui, selon toute probabilité, ne cesseront de hanter les hommes durablement. Dans « Le test », par exemple, il met en scène un vol spatial qu’un aléa ridicule risque de compromettre, une mouche entrée par hasard dans le cockpit. Comme si, dans un monde où la technologie est devenue hyper-sophistiquée, il restait néanmoins toujours l’éventualité d’une petite faille qui pouvait tout faire échouer. De plus, cette très belle nouvelle, dans son dénouement, propose un retournement de situation à travers l’inquiétude majeure de la réalité virtuelle et de ses effets. Lem s’interroge ainsi sur le vrai et le faux, et on voit bien que l’homme (même celui du futur) sera toujours aux prises avec cette question du relativisme.

Le robot, ami et ennemi

L’un des sujets de prédilection de Lem est évidemment celui du robot, allié de l’homme, mais en même temps son pire ennemi (exactement comme l’inoubliable ordinateur-robot HAL, dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick, en 1968). La nouvelle intitulée « La traque » se passe sur la Lune, où un robot très puissant, le « Setaur » (Système Électronique Ternaire Autoprogrammé Racémique), a reçu un choc accidentel sur son « cerveau », ce qui l’a littéralement rendu « fou ». Quasi invincible, grâce à son blindage, et possédant comme arme un laser très efficace, il devient un danger redoutable pour l’homme. Il faut le neutraliser. Comme le remarque Lem : « de nombreux ingénieurs comprirent vraiment à cette occasion qu’ils avaient créé une machine parfaite dont nul ne pouvait prévoir les agissements ». La nouvelle s’achève sur un duel presque classique entre Pirx et le robot, au milieu du magnifique paysage lunaire. Pirx a l’impression que le robot ressent des émotions, lorsque la machine, croyant avoir affaire à un allié, hésite à tirer sur lui : « Cette incertitude, cette hésitation que Pirx comprenait parfaitement avait un caractère si étrangement proche et humain qu’il en eut la gorge serrée. » Quand le robot « Setaur » est détruit, à la fin de la nouvelle de Lem, on ressent le même pincement au cœur qu’en assistant à la scène célèbre du film 2001 où l’ordinateur HAL est débranché, et s’éteint pour toujours, en une lente agonie presque humaine.

Une critique de la société totalitaire

Stanislas Lem, dans ces dix histoires, aborde encore d’autres thèmes typiques de la SF, comme l’existence des extra-terrestres, perspective angoissante s’il en est. Ses descriptions des vaisseaux spatiaux et des voyages intergalactiques sont très minutieuses, et raviront les amateurs de science-fiction vintage. Il narre aussi, de manière plus terre à terre, si l’on peut dire, la réalité de vie de son pilote Pirx, triste et grise, faite d’ennui et de solitude. Ici, pas de Barbarella pour égayer les heures perdues ! Du coup, à travers cet univers morose, on sent transpercer une critique indirecte de la société totalitaire, dans laquelle le Polonais Lem vivait, et qu’il a toujours détestée profondément. Ses nouvelles ont donc aussi une certaine dimension politique. Au fil de toutes ces aventures, Lem présente son héros Pirx, à différents âges, comme un homme solitaire, intelligent et débrouillard, qui parcourt l’espace interstellaire dans toutes sortes de fusées, sans beaucoup d’illusions cependant sur la vie qu’il mène : « Il avait l’impression, écrit Lem, d’être un vieux loup cosmique, un routier du vide qui a pour maison les planètes et un vieux scaphandre comme tenue préférée, qui est toujours le premier à voir l’approche de météores, à lancer le sacro-saint avertissement : Attention ! Un essaim ! » Au milieu de tout ceci, notons-le, jamais l’existence d’un Dieu n’est évoquée, comme si les êtres humains étaient enfin parvenus à s’en débarrasser définitivement… mais pas forcément pour le meilleur. Le bonheur, ainsi que tout espoir, se sont apparemment esquivés, dans cet univers profondément pessimiste de Stanislas Lem ‒ proche en cela de l’Américain Philip K. Dick, le seul auteur de SF auquel il aimait rendre hommage.

Stanislas Lem, Les Aventures du pilote Pirx. Traduit du polonais par Charles Zaremba. Éd. Actes Sud, coll. « Exofictions », 23 €.

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