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Cohn-Bendit: et la sobriété idéologique, alors?

Daniel Cohn-Bendit, invité à présenter son nouveau brulot immigrationniste sur France 5, dénonce le « roman national » et tresse des louanges à Zinedine Zidane avant de préciser: « Heureusement, nous sommes entre nous… »


À l’occasion de la sortie de son livre, au titre très subtil, Français mais pas Gaulois, l’inénarrable Dany le rouge – devenu Dany le vert au fil des années – était invité jeudi dans C à vous, l’émission la plus consensuelle du PAF, où le débat ne s’envisage qu’uniquement avec des gens qui pensent comme vous.

Tout comme vous !

Entouré d’une petite élite médiatique au conformisme patent, le rebelle des plateaux TV en a profité pour faire son show, et prêcher doctement son catéchisme immigrationniste qui peut se résumer en deux slogans : « Nous sommes tous des immigrés » et la France, « terre d’immigration », a besoin d’encore plus d’immigrés.


Autant rectifier tout de suite cette dernière erreur historique: non, la France n’a pas toujours été une terre d’immigration, elle a en réalité commencé à accueillir des étrangers à partir de la révolution industrielle vers 1850, au moment où le taux de natalité commençait à décliner.

Mais revenons à notre révolutionnaire embourgeoisé

Tout rassuré qu’il était d’être en de si bonne et respectable compagnie, Daniel Cohn-Bendit a pu se livrer, sans crainte d’être contredit, à des attaques en règle contre le récit national, celui du lien historique qui rattache les Français d’aujourd’hui aux ancêtres d’hier et qui se résume dans la formulation, devenue quasi-blasphématoire : « Nos ancêtres les Gaulois. »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’humanitarisme n’est pas un humanisme

Ce récit est une « fake news », tacle Cohn-Bendit et son livre en apporte toutes les preuves. En réalité, il faudrait dire au Franco-allemand que cela fait déjà belle lurette que le roman national du Petit Lavisse a été délégitimé et broyé sous les fourches caudines de l’antiracisme doctrinaire pour être grand-remplacé par le récit des origines de ceux qui viennent d’ailleurs et la sacralisation de la diversité bienheureuse !

L’autorité et le roman national, ça se déconstruit, pardi!

Le leader de mai 68, fossoyeur de toute autorité, a-t-il oublié qu’il en a été lui-même l’artisan ? Notre soixante-huitard, devenu « révolutionnaire de canapé » comme dirait un gilet jaune, fait comme si ce roman national était encore enseigné dans toutes les écoles de France. Dire que le roman national est toujours enseigné dans nos écoles, voilà la « fake news ». Mais passons.

« La France a été faite par des immigrés » martèle-t-il ensuite avant de se lancer dans une liste à la Prévert, en piochant parmi les 450 personnalités mentionnées dans son livre. De l’Italien Lino Ventura à la Polonaise Marie Curie en passant par l’Espagnol Pablo Picasso et l’Américaine Joséphine Baker. Shooté à l’utopie diversitaire, notre anar’ soumis au nouvel ordre moral de l’humanitarisme et de l’immigrationnisme, préfère valoriser leurs origines plutôt que de rappeler la flamme patriotique d’une Joséphine Baker ou de dire combien tous ces artistes et scientifiques se sentaient appartenir à la France, ou encore de rappeler qu’à cette époque, notre pays savait encore assimiler. Cette France-là savait fabriquer des Français, et notamment grâce à ce récit national jugé aujourd’hui trop raciste, mais qui était pourtant un puissant vecteur d’assimilation. L’appropriation fictive de « nos ancêtres les Gaulois » a justement permis pendant des décennies à ceux qui venaient d’ailleurs de s’inscrire dans une histoire et une filiation communes au peuple français. Mais cette adhésion des immigrés à la France n’intéresse pas Cohn-Bendit, semble-t-il. Non, ce qui lui importe, c’est apparemment de faire comprendre que tous les immigrés sont interchangeables, qu’ils sont tous des persécutés à l’instar des juifs des années 30, que leur seule identité est victimaire et donc qu’à ce titre ils doivent être accueillis à bras ouverts par la-patrie-des-droits-de-l’homme qui, elle, doit se racheter une bonne conscience pour effacer son infâme passé colonial et collaborationniste.

La machine à amalgames tourne à plein régime, et la sobriété idéologique est renvoyée aux calendes grecques

Par un phénomène d’écrasement de la chronologie historique, tout se passe comme si l’immigration d’aujourd’hui était celle d’hier. Or, les personnalités citées plus haut appartiennent toutes aux premières vagues d’immigration, d’origine euro-chrétienne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’après les derniers chiffres de l’INSEE, en 2021, 47,5% des immigrés vivant en France sont nés en Afrique. Et seulement 33,1% sont nés en Europe. De toute l’Union Européenne, la France est le pays qui accueille le plus d’immigrés en provenance d’Afrique et le moins issus d’autres pays européens, contrairement à nos amis allemands !

A lire aussi: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

Se rendant probablement compte de sa lecture partiale et dépassée de l’immigration, Daniel Cohn-Bendit finit par citer les nouveaux héros d’aujourd’hui issus de l’immigration extra-européenne ou de confession musulmane comme Mamoudou Gassama, ce jeune Malien sans-papiers, porté aux nues par toute la presse progressiste après avoir sauvé un enfant suspendu dans le vide au quatrième étage d’un immeuble parisien et depuis naturalisé, ou encore Lassana Bathily, ce manutentionnaire de l’Hypercacher qui avait caché des clients durant la prise d’otage d’Amedy Coulibaly, également naturalisé pour son courage.

Personne ne dit que Gassama et Coulibaly ne sont pas courageux, mais Cohn-Bendit croit penser le contraire !

Peu importe, il continue sur sa lancée et évoque les réfugiés ukrainiens, sans préciser qu’il s’agit en grande majorité de femmes et d’enfants dont le seul objectif est de retourner dans leur pays lorsque le conflit avec les Russes prendra fin. Autrement dit: pas grand-chose à voir avec tous ces jeunes hommes immigrés venus d’Afrique du Nord qui fuient des pays qui ne sont pourtant pas en guerre pour venir chercher un avenir, pensent-ils, meilleur en France.

« Soyez réaliste, demandez l’impossible », l’un des slogans de 68 doit toujours lui servir de boussole

En bon européiste, on le sait, Cohn-Bendit ne cesse de citer l’Allemagne en modèle. Alors même que depuis l’affaire des 600 femmes agressées sexuellement le soir du 31 en 2015 à Cologne par des immigrés et l’attentat du marché de Noël de Berlin en 2016 perpétué par un demandeur d’asile tunisien, l’Allemagne a mis un terme au dogme de l’accueil inconditionné des immigrés en limitant à 200 000 par an le nombre de demandeurs d’asile et en menant une politique très exigeante en matière d’intégration. Au fil de son monologue, Cohn-Bendit s’emballe: « Arrêtons avec ces histoires », s’exclame-t-il sous entendant: arrêtons d’évoquer l’autre réalité, la face noire de l’immigration incontrôlée en France, celle qui ensanglante notre quotidien, celle qui est un facteur de la surpopulation carcérale (24% d’étrangers dans nos prisons surpeuplées). Pour rappel, l’émission dont il est question a été diffusée au lendemain de l’attaque au couteau à la Gare du Nord par un étranger clandestin sous le coup d’une OQTF. Mais pas question pour notre gourou libéral libertaire de libérer la parole sur tous les sujets. Sur les OQTF, seul le mutisme semble autorisé. «Arrêtons aussi de croire que les réfugiés sont des êtres merveilleux, il y a autant de cons chez les immigrés que chez les bio Français (sic) », finit-il par concéder.

Les sondages, ces fake news

Le meilleur est pour la fin. Interrogé sur le consensus des citoyens français, qui souhaitent à plus de 70% limiter les flux migratoires, Cohn-Bendit, affectant une moue pleine de dédain, rejette cette opinion d’un revers de main en la traitant de « fake news ».

A lire ensuite, Ivan Rioufol: La sottise des élites

Tout émoustillé de voir briller dans le regard de ses comparses de plateau une rassurante complicité idéologique, Cohn Bendit admet: « là, on est entre nous », et se lâche: « si l’identité française ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, alors il faut fuir le pays, c’est horrible ». Voilà comment 15,5 millions de Français (si on additionne les 13 millions d’électeurs qui ont voté pour Marie Le Pen, et les 2,5 pour Eric Zemmour) se font insulter sur une chaine du service public, sans que personne ne s’en offusque !

On aurait pourtant bien aimé que France 5 organise un vrai débat sur pareil sujet, avec des opinions contradictoires. On aurait aimé avoir, par exemple, face à Daniel Cohn-Bendit, Amine Elbahi, ce juriste menacé de mort après le reportage d’Ophélie Meunier sur le communautarisme islamiste à Roubaix, et qui vient d’affirmer haut et fort que la Gare du Nord n’est plus la France et qu’il y a un lien « existentiel » entre l’immigration incontrôlée et l’insécurité…

Mais, ce serait prendre ses désirs pour des réalités !

Français mais pas Gaulois - Des étrangers qui ont fait la France

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Fabrizio Tribuzio-Bugatti contre la lotocratie

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Dans une société où les gouvernants ne font plus qu’administrer des « territoires », tenter de faire coexister entre elles des communautés éclatées, et où l’on est passé du gouvernement des hommes à l’administration des choses, nous sommes tous devenus des bouffeurs de lotus! Après l’ochlocratie, la lotocratie et la lutte de tous contre tous nous menacent. Le souverainiste Fabrizio Tribuzio-Bugatti livre un essai aussi décapant que décourageant.


Nous sommes tous des mangeurs de lotus, nous explique Fabrizio Tribuzio-Bugatti. Et il faut entendre par là que nous avons sacrifié nos libertés fondamentales à la satisfaction de nos désirs pulsionnels. Pour comprendre ce que signifie cette sentence lapidaire, encore faut-il avoir lu. Car cette métaphore, tirée de l’Odyssée, dont beaucoup ne connaissent que l’extrait mettant en scène Ulysse et le cyclope Polyphème, repose sur une vingtaine de lignes de l’œuvre du poète grec Homère. Or l’épisode des mangeurs de lotus est loin d’être le moment le plus flamboyant des aventures d’Ulysse : le héros n’est à aucun moment en danger de mort, ses hommes non plus. Pourtant, le danger que représentent les lotophages, s’il est plus insidieux, n’est pas moins destructeur que le danger physique… Mais revenons à l’histoire que nous raconte d’abord Homère puis notre auteur.

Fabrizio Tribuzio-Bugatti Photo: Maxime Chabane.

Ulysse et les lotophages

Les lotophages sont un peuple pacifique et doux. Très inclusif, selon la terminologie de notre époque. Ils accueillent à bras ouvert Ulysse et ses compagnons et sont tout à fait disposés à partager avec eux ce qui fait à la fois leur nourriture, leur culture et leur perpétuelle jouissance: les fleurs de lotus. Celles-ci leur font tout oublier: la douleur de vivre, la conscience de soi et ce qui pour un Grec est la négation même de leur humanité, leur patrie, la mémoire de leurs origines. Les lotophages vivent dans une utopie, ils n’ont ni Etat, ni Cité, ni chef. Ils ne créent rien, ne pensent rien, leur façon d’être au monde est unique, elle passe par et s’épuise dans la consommation du lotus. L’épisode ne fait que 20 lignes, car il n’y a pas grand-chose à dire de ces êtres indistincts et interchangeables que sont les mangeurs de lotus, ils n’ont pas d’histoire et pas grand intérêt. Pourtant, le bonheur que parait apporter l’oubli lié à la consommation de lotus séduit tous les compagnons d’Ulysse, et il faudra toute la détermination du héros grec, lequel devra recourir à l’usage de la force, pour arracher ses marins à la douce langueur de l’oubli.

Une allégorie de la société de consommation et de la déshumanisation par uniformisation

Fabrizio Tribuzio-Bugatti voit dans cet épisode d’Homère une allégorie des hommes de notre époque et de la société de consommation. « La boussole qui régit nos modes de vie indique un horizon où la réussite serait en proportion de notre faculté à consommer, à singer un certain mode de vie, à atteindre l’uniformisation culturelle de ce mode de vie, uniquement par la voie de la consommation. Nous voulons fiévreusement consommer pour nous affirmer, pour nous imposer ou même pour nous satisfaire naïvement ». Les lotophages nous tendent un miroir peu flatteur de l’évolution de nos sociétés, car leur capacité à inclure tout le monde est corrélée à la perte totale de sens du collectif. Chez eux, pas d’histoire commune, de valeurs partagées ni de projet collectif. La culture lotophage est parfaitement assimilationniste car elle n’exige aucun engagement de ses membres, aucune élévation morale, aucun dépassement intellectuel, aucun sens de l’intérêt général. L’assimilation repose sur la consommation. Cette consommation, chez les lotophages, amène au bonheur total mais aussi à la disparition de ce qui fait le propre de l’homme. Or, notre auteur rappelle, mettant ses pas dans ceux de Jean-Pierre Vernant, que ce qui fait l’homme, c’est la capacité à surmonter l’oubli, à « se souvenir de soi et des autres. » Mais, nous l’avons dit, sur l’île des lotophages, il n’y a pas de particulier, pas de soi et pas d’autres, juste des mangeurs de lotus. Tous semblables dans leur désir (consommer du lotus !), tous uniformes dans sa réalisation (atteindre le bonheur de l’oubli grâce à cette consommation). « Le bonheur lotophage est indifférent aux origines, aux cultures, aux egos, aux convictions : il est utopique car il est universel. »

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La souveraineté contre la perte de sens

Pour arracher ses hommes à l’oubli et à la douceur de l’île des lotophages, Ulysse doit poser un acte souverain: ses marins ont choisi de s’extraire de la condition d’être humain et aspirent à se fondre dans le groupe des lotophages. Ils ont choisi de n’être plus des individualités et préfèrent grossir le troupeau des mangeurs de lotus. Alors, Ulysse va les contraindre à retourner sur le bateau. L’auteur nous rappelle qu’en faisant usage de ses prérogatives de souverain, donc en faisant usage de violence légitime, Ulysse pose un acte de roi. Il oppose à la séduction d’une consommation uniforme qui abolit toute individualité, l’impérieux devoir que les hommes ont vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis du monde auxquels ils appartiennent. Il donne aussi tout son sens au politique, en ce qu’il rappelle et incarne le fait que le geste politique est la traduction en acte d’une façon de voir les hommes et le monde, de les penser et d’organiser ce dernier. C’est ce qui lui donne la légitimité pour user de coercition: il rappelle ses hommes à leurs devoirs et à leurs responsabilités et, se faisant, à leur humanité. La légitimité du politique est ainsi adossée aux principes et idéaux qui transforment une population en peuple. Autrement dit qui permet de passer de la notion d’habitants d’un territoire à celle de société constituée, consciente de son identité, de sa culture, de son histoire et de son originalité.

La société lotophage, de la démocratie à l’ochlocratie

Fabrizio Tribuzio-Bugatti nous dit à quel point la société lotophage est l’allégorie de la perversion du régime démocratique. Il reprend la typologie d’Aristote expliquant que pour trois régimes vertueux, il existe des évolutions perverses: la monarchie peut se pervertir en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie et la démocratie en ochlocratie. Et il faut reconnaitre que sa description de l’ochlocratie fait écho à nombre d’analyses sur l’évolution de nos sociétés. Dans l’ochlocratie, « c’est la masse qui est souveraine, et non la loi », la foule se substitue au peuple. L’inflation législative en est un des symptômes, ce que relevait Machiavel en son temps : « Là où les choix abondent, où l’on peut user de licence, tout se remplit aussitôt de confusion et de désordre. » On retrouve ici derrière l’analyse de Gramsci, les échos de l’analyse d’Hannah Arendt sur l’atomisation des masses, celle d’Alain Supiot sur la substitution de la loi par la norme. L’image de ces politiques « qui croient en la science économique comme si cette dernière avait vocation à réduire à néant la direction des affaires publiques au profit d’une vision mécanique des choses qui seraient régies par des lois autonomes et universelles, c’est-à-dire tyranniques et hors-sol. » L’auteur ici les rebaptise Catilina [1] et leur oppose la figure de Machiavel: « Là où le Prince de Machiavel a pour fonction de susciter la volonté collective d’un peuple, volonté auparavant dispersée, le Catilina veille au contraire à en entretenir le morcellement. Les catilinaires ont besoin de camps, de factions, de tribus, car leur discours ambivalent ne pourrait fonctionner sur une volonté collective. En ochlocratie, la seule volonté collective est celle du caprice, du superflu, de la licence. »


L’ochlocratie est un pourrissement nous dit l’auteur, elle ne reconnait rien et « sa nature anarchique maintient les masses dans l’anarchie de leurs passions ». C’est un régime profondément légaliste parce qu’incapable d’être légitime. Il ne s’appuie pas sur des principes et idéaux susceptibles de donner naissance à une société politique porteuse d’un contrat social partagé et d’un projet d’avenir commun, il justifie son existence en faisant mine de répondre à tous les désirs de ceux qui le composent. Ce pouvoir-là assimile, digère  et « homologue tout, même la subversion. C’est à partir de là qu’arrivent les lotophages : ils n’ont plus de lien avec le passé, plus de mémoire, plus de patrie, plus de souverain ». Les lotophages ne peuvent donc plus avoir de rapport à la loi, cette tentative de s’inscrire dans le long terme et de répondre à un intérêt général qui est bien plus que la somme des intérêts particuliers. Ils n’ont qu’un rapport à la production de normes, aux décrets. « Les décrets sont ochlocratiques en ce qu’ils sont le penchant pervers de la loi: ils ont pour but d’assouvir des pulsions d’un moment donné. Contrairement à la loi qui suppose un débat entre personnes éclairées, le décret est le fait d’un seul, il relève donc de l’arbitraire comme de l’impulsif. » Le rôle de la norme, contrairement à la loi, n’est pas d’apporter de la pérennité et de la stabilité à de nos brèves existences humaines, ni de s’inscrire dans un monde qui nous a précédés et qui nous survivra, la norme est la manière dont l’Etat en ochlocratie justifie son existence : en servant les passions. « La loi est l’expression de la volonté générale, le décret est l’expression des égoïsmes. (…) Quand la loi nécessitait l’expression générale, il faut comprendre qu’elle nécessitait un peuple, un corps social cohérent, politiquement constitué. Elle n’avait pas à faire du cas par cas, elle était l’édiction d’une règle de vie commune. »

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On retombe sur cette phrase récurrente chez nombre de penseurs de notre époque : « on est passé du gouvernement des hommes à l’administration des choses ».

Du gouvernement des hommes à l’administration des choses

Chez les nouveaux lotophages que nous sommes devenus, l’Etat n’est plus l’expression de la souveraineté populaire, il est vidé de sa substance. Pour décider, il faut une volonté. Il fut un temps où « l’Etat avait une volonté, une volonté positive, vivante, celle de la nation. Une bureaucratie ne décide pas, elle applique, transcrit, exécute mécaniquement une feuille de route. Une bureaucratie n’a pas de volonté propre, c’est une machine. » Ce fonctionnement ne permet pas de s’inscrire dans l’Histoire, il réclame même la sortie de l’Histoire. Pour consommer toujours plus, le lotaphage ne veut être lié à rien. Il se dit citoyen du monde parce qu’il refuse toute obligation, que ce soit envers ses compatriotes, envers son pays, ou envers sa nation. Il est cosmopolite pour ses intérêts et son image : « secourir les Grecs, pleurer sur le Bulgare, on n’a pas inventé de meilleur moyen pour oublier l’ouvrier lyonnais et concilier une âme tendre avec le souci de ses intérêts. »[2]

Et si c’était ce qui explique l’engouement et l’enthousiasme des élites envers l’Europe, ce nouvel empire où la norme supplante la loi ? Le droit ne découle ainsi plus de l’intérêt général mais devient la simple reconnaissance juridique des intérêts particuliers. Il n’est plus quête de sens, facteur de transcendance, émanation de la souveraineté. Le choix politique se confond alors avec l’organisation de la compétition des intérêts et « le corps social devient une masse considérée comme un vaste marché, avec ses parts à conquérir. (…) L’égalité que donne le pouvoir, dans l’Empire, n’est que l’égalité dans la compétition pour la reconnaissance des intérêts »

Cela explique pourquoi l’Empire favorise le multiculturalisme. D’abord parce que le libéralisme aime les critères objectifs. Que les hommes se rassemblent selon leur couleur de peau, leur ethnie, leur clan lui parait bien plus naturel que le fait que des hommes puissent se rassembler pour se projeter dans une action commune au nom d’idéaux partagés. Ensuite, ce multiculturalisme ne pouvant que déboucher sur le communautarisme est une forme de ségrégation bien utile pour les élites en place. « Là où la nation permet de surpasser les différences individuelles, l’empire les exacerbe et le multiculturalisme est un facteur d’exacerbation des velléités individuelles par excellence. » Le fameux « diviser pour mieux régner ».

L’ultime étape de l’ochlocratie, la lotocratie, voit s’effondrer tout ce qui fait l’existence d’une civilisation: société politique constituée, culture, école, idéal de transmission, rapport à l’histoire…

A ce déprimant constat, l’auteur ne nous fait pas la grâce de nous servir quelques douceurs consolatrices au sortir de son réquisitoire.

Il nous propose une méditation désabusée sur la figure du Rônin, samouraï sans maître, à la fois preux chevalier désabusé et mercenaire déclassé. Le Rônin est ce qu’il reste du citoyen quand il comprend qu’il n’y aura pas de Prince de Machiavel pour ranimer le rêve d’une société politique fondée sur une certaine idée de la souveraineté, qu’il n’y a plus de peuple éduqué pour que la légitimité du pouvoir émane de la souveraineté populaire et que derrière la reconnaissance de la légitimité de tout intérêt individuel, il ne reste plus que la lutte de tous contre tous.

Le futur était déjà fini !: Essai sur la lotocratie

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[1] Catalina fomenta une conjuration en 63 avant JC pour prendre le pouvoir à Rome et s’emparer des fortunes des Romains les plus riches. Dénoncé par Cicéron, le complot fut éventé, les principaux conjurés exécutés sauf Catilina qui s’enfuit et mourra en – 62 en combattant à la tête des derniers insurgés.

[2] Roger Nimier dans Le Grand d’Espagne

Communauté de destin

Que deviennent les hommes à l’heure où la révolution des mœurs – la révolution morale – souffle en tempête sur l’Occident?


L’autre jour, la jeune mère de famille qui, deux heures par semaine, vient faire le ménage dans mon appartement était toute joyeuse. En consultant le site du Sénat pour se distraire, elle avait appris que, dans les conseils d’administration des entreprises relevant de l’indice boursier de la Bourse de Paris, le SBF, la proportion de femmes qui était de 13 % en 2010 atteignait désormais 46 %. J’ai tenu à la féliciter de ce remarquable progrès. Elle eut l’honnêteté de me répondre qu’elle n’y était pour rien, que c’était le résultat de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, dite loi Copé-Zimmermann. Le 27 janvier 2023, ce sera son douzième anniversaire, s’est-elle réjouie, émerveillée que le plafond de verre ait été brisé. Et ce qui redoublait sa joie, c’est que, grâce à la politique des quotas imposée par cette loi, la France se situait à présent au premier rang des grands pays mondiaux en termes de mixité des conseils. La proportion n’est en effet que de 40 % en Norvège, de 36 % en Allemagne, de 28 % aux États-Unis et de seulement 13 % en Chine, pays manifestement arriéré en matière d’égalité entre les sexes.

Bien sûr, l’idéal serait d’embaucher un migrant

J’ai naturellement partagé sa fierté d’appartenir à un pays où la mixité des conseils atteint 46 %, tout en lui demandant ce qu’une femme du peuple comme elle pouvait y gagner. Elle a ouvert de grands yeux : « Avez-vous conscience, s’est-elle exclamée, que jusqu’alors les femmes étaient discriminées, et qu’elles auront maintenant autant de chances que les hommes d’accumuler des jetons de présence ? Si ce n’est pas de l’égalité, qu’est-ce que c’est ? » À quoi j’ai répondu que cela concernait des femmes fortement diplômées, ce qui n’était pas son cas. Mon argument ne l’a nullement ébranlée. Elle m’a rétorqué que peu importait la différence des situations, car ce qui comptait, c’étaient les femmes dans leur ensemble, toutes catégories sociales confondues. D’ailleurs, elle faisait aussi le ménage chez une sous-directrice d’une entreprise du CAC 40 qui l’avait augmentée l’an dernier d’un euro et d’un autre cette année pour compenser l’inflation. Bien sûr, sa patronne aurait préféré prendre un migrant, qui lui serait revenu moins cher, mais ces augmentations volontaires, n’était-ce pas la preuve d’une communauté de destin ? Et ne fallait-il pas applaudir une révolution des comportements où les dominées, par exemple la sous-directrice d’une entreprise du CAC 40, se trouvaient quasi à parité avec les dominants, par exemple le mari de ma jeune femme de ménage qui, en tant que chômeur, bénéficiait d’une indemnité enviable alors même qu’il ne travaillait pas ?

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À vrai dire, je n’avais jamais pensé que la lutte des sexes relèguerait la lutte des classes au rayon des vieilleries bonnes à jeter. Ni que l’Union européenne, scrupuleusement suivie par notre Assemblée nationale, s’autoriserait à décider des mœurs auxquelles doivent se plier les peuples qu’elle est censée non pas asservir, mais servir. Il m’a toujours semblé qu’il y avait comme un abus dans cette marche en avant vers l’abolition de toutes les différences que jamais rien, aucune prudence, aucun respect des coutumes les mieux établies, ne vient tempérer. Cela dit, comment ne pas saluer le fait que, en tant que femme, une mère de famille sans le sou partage avec une dirigeante d’un grand groupe une éclatante victoire sur le patriarcat occidental qui, sous ses airs accommodants, est le pire de tous ? Peu importe, en vérité, que le mari de la première soit au chômage, que leurs enfants n’aient à peu près aucune chance d’acquérir un diplôme bien rémunérateur et que leur patrimoine n’excède pas le millième de celui dont jouit la seconde, mariée à un industriel membre du Siècle. Peu importe même que la première ne tire aucun profit des avantages matériels et symboliques qu’apporte à la seconde la priorité absolue accordée à l’égalité entre les sexes plutôt qu’entre les catégories sociales. Ce qui est essentiel à l’harmonie d’un pays comme le nôtre et conforme à la justice la plus élémentaire, c’est que les dominées, quelles qu’elles soient, obtiennent exactement les mêmes droits et les mêmes avantages que les dominants.

Kiddy Smile adopte la jupe écossaise

Bien entendu, il existe encore entre les hommes et les femmes des inégalités de salaire qu’il est urgent d’éliminer. Comme le montrent des analyses statistiques disponibles auprès de l’Insee, la réalité de ces inégalités mérite d’être largement nuancée[1]. Mais ce point est secondaire. Ce qui prime, c’est le principe. Tant que la moindre inégalité entre les sexes subsistera, les dirigeantes de groupes internationaux, les directrices d’administrations centrales, les présidentes de grands organismes ne seront pas moins victimes du patriarcat que les caissières des hypermarchés ou les ouvrières des conserveries bretonnes. Et que cette situation d’humiliante infériorité puisse perdurer est intolérable.

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Je sais bien que les éternels mauvais coucheurs objecteront que, dans un pays confronté aux menaces de partition ethnique, à la crise de l’énergie, à la paupérisation des classes moyennes, au réchauffement de la planète ou à la guerre en Ukraine, l’urgence se situe ailleurs que dans le traitement prioritaire de questions de société apparemment mineures. Mais de telles objections sont irrecevables, parce qu’elles négligent les progrès de l’égalité qui donnent enfin aux hommes le droit de porter des jupes sans avoir besoin d’être Écossais. À preuve, Kiddy Smile, chanteur et figure de la scène « voguing[2] », qu’on voit poser ainsi vêtu, le 29 novembre, à l’Institut français de la mode. Nul doute qu’à dégenrer les styles, à créoliser les identités, à danser le tango en remplaçant les mots « hommes » et « femmes » par leaders et followers, comme à Sciences-Po Paris, ou, last but not least, à mixer selon des quotas impérieux les conseils d’administration et de surveillance, les lendemains chanteront alléluia.


[1]. Voir Simon Georges-Kot « Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé », insee.fr, 18 juin 2020, et Cyrille Godonou, « Le mythe de l’écart salarial hommes femmes de plus de 20 % “à travail égal” », cyrille.godonou.free.fr.

[2]. D’après Wikipédia, le « voguing » est un style de danse urbaine consistant à faire, en marchant, des mouvements avec les bras et les mains.

Etats-Unis: la guerre des Juifs

La guerre que les Palestiniens mènent contre Israël a lieu aussi sur les campus américains. Curieusement, les juifs antisionistes sont à la pointe de ce combat contre Israël.


L’antisémitisme est devenu un problème récurrent sur les campus américains. Et il va croissant. Le dernier rapport de l’Anti Defamation League, l’une des plus grosses associations antiracistes américaines, a dénombré pour l’année universitaire 2021-2022, un total de 359 incidents anti-israéliens à travers les collèges et campus aux États-Unis. Ces incidents qui vont de l’agression physique au vandalisme en passant par le harcèlement verbal ou écrit, les chahuts et boycotts ont atteint le nombre de 244 pendant l’année scolaire 2020-2021 et 181 pendant l’année scolaire 2019-2020.  Ce climat d’intimidation permanente, de dénigrement, d’ostracisme à l’égard de tout ce qui se donne pour juif ou israélien est fomenté par des étudiants d’extrême gauche et par des étudiants « arabes et musulmans qui fomentent activement la haine d’Israël comme une expression de leur « identité [1] »

Une intense propagande anti-Israël et une redéfinition de l’identité juive

Ces étudiants sont regroupés en associations très actives comme Students for Justice in Palestine, une association propalestinienne qui dispose de 206 sections locales réparties sur l’ensemble du territoire scolaire américain, ou comme Jewish Voice for Peace, une association d’étudiants juifs qui développe sa propagande antisioniste sur un grand nombre de collèges et campus.

Mais en sus de ce climat de violence, la détestation d’Israël et l’intimidation des étudiants juifs a pris une tournure nouvelle. Une étude publiée en novembre 2022, par AMCHA, une association fondée en 2012 par deux professeurs de l’Université de Californie, Tammi Rossman-Benjamin et Leila Beckwith, montre que cette violence n’est pas seulement dirigée contre toute manifestation du sionisme, elle s’en prend également au judaïsme. Intitulée « L’antisémitisme sur les campus et l’assaut contre l’identité juive [2] », l’étude AMCHA, menée dans toutes les règles de l’art sociologique sur près de 100 collèges et universités, montre que les mêmes associations (Students for justice in Palestine, Jewish Voice for Peace…) mènent une guérilla de tous les instants pour une redéfinition de l’identité juive. 

Qu’ils soient enseignants, étudiants, juifs ou non juifs, les BDS (Boycott Desinvestissement Sanction, du nom de cette association palestinienne qui a entrepris d’isoler Israël au plan mondial), ont entrepris de creuser un fossé entre judaïsme et sionisme. « Lorsque le corps enseignant et les départements académiques affirment (…) que le sionisme n’est pas une partie authentique du judaïsme ; que l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme ; ou que les sionistes abusent de la religion pour justifier les crimes d’Israël – ils colorent ces propositions d’une légitimité académique et font des étudiants juifs une cible » affirme l’étude.

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En séparant judaïsme et sionisme ou en proclamant que le sionisme est illégitime par rapport au judaïsme ou qu’il est une forme de « pollution » par rapport à ce même judaïsme, les BDS attentent sciemment à la relation affective qui lie 80% des juifs américains à Israël. 8 Américains juifs sur dix pensent que soutenir Israël est une composante essentielle de leur identité juive. Ce qui n’a rien de surprenant : le sentiment d’appartenance des juifs au peuple juif et l’appartenance du peuple juif à la Terre d’Israël sont au fondement de l’identité juive, et ce depuis des temps immémoriaux. 

Un retournement habile et pervers

Comme le fait remarquer Caroline Glick, chroniqueuse et journaliste israélienne, « si le sionisme pollue le judaïsme, rien n’empêche alors de le présenter comme une forme d’antisémitisme ». Par ce formidable retournement, les antisémites de BDS affirment aujourd’hui à tous les étudiants juifs, sur des dizaines de campus, que ce n’est pas l’antisionisme qui menace les juifs, mais le sionisme. Ce ne sont pas les antisionistes qui haïssent les juifs mais les sionistes qui font du mal aux juifs. L’antisionisme – ce discours politique qui juge convenable de détruire Israël – ne peut même plus être considéré comme une forme d’antisémitisme, puisqu’il est présenté comme un projet de libération des citoyens juifs américains. 

En même temps qu’ils vident le judaïsme de toute référence à Jérusalem, à Israël et au sionisme, les BDS juifs et non juifs se démènent pour boycotter les professeurs juifs qui soutiennent Israël, pour chahuter les conférenciers qui manifestent de la sympathie pour Israël, pour convaincre les doyens d’université d’interdire les voyages Birthright de découverte d’Israël et intimider au quotidien les associations d’étudiants juifs. Il ne suffit pas de promouvoir un faux judaïsme et une fausse vie juive, il faut aussi éradiquer le modèle traditionnel.

L’étude AMCHA met l’accent sur le rôle joué par les juifs antisionistes dans cette comédie. Certes, ils servent de paravent – « Regardez, même des juifs sont avec nous ! » – à l’antisémitisme de BDS. Mais surtout, ils démultiplient l’impact de BDS. « JVP (Une Voix Juive pour la Palestine) agit comme un multiplicateur de force et amplifie l’impact de groupes comme SJP (Students for Justice in Palestine) » affirme l’étude AMCHA. La même étude prouve, chiffres à l’appui, que sur les campus ou les associations juives antisionistes sont absentes, le taux d’attaques contre le judaïsme chute drastiquement. En revanche, « les collèges et universités dotés d’associations juives antisionistes, sont beaucoup plus susceptibles de voir surgir des menaces contre l’identité juive que les écoles où seule, l’association Students for Justice in Palestine est présente [3]  ». Les juifs BDS ont une fonction centrale dans les actions de redéfinition du judaïsme.

Un projet qui n’est pas si stupide qu’il en a l’air

A ce stade de l’analyse, la question qui surgit est la suivante : pourquoi les BDS juifs et non juifs se fatiguent-ils à inventer un antisionisme « libérateur » du judaïsme ? Pourquoi ces efforts « conceptuels »… alors qu’il serait tellement plus simple de harceler les étudiants juifs et de les forcer à vivre terrés sur les campus ? La seule réponse possible est qu’à travers le judaïsme, c’est le peuple juif qui est mis en accusation. Le sionisme étant l’expression politique du peuple juif, la délégitimation du sionisme vise à délégitimer le projet sioniste, à savoir le retour du peuple juif sur sa terre d’origine. Tout le projet des juifs BDS de Jewish Voice for Palestine est donc de convaincre les juifs américains qu’ils deviendront d’autant plus juifs qu’ils rejetteront tout lien avec Israël.

Un projet qui n’est pas si stupide qu’il en a l’air.

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Les Juifs américains appartiennent en grande majorité au camp progressiste et observent sans comprendre le tournant nationaliste-sioniste pris par Israël. Les juifs américains s’inquiètent depuis longtemps de la « colonisation » et des dommages que cette « colonisation » causerait aux « valeurs » juives. Il n’est donc pas exclu que l’antisionisme de BDS fasse écho à leur inquiétude. Iront-ils jusqu’à penser comme BDS le souhaite que les juifs qui vivent en Israël, à Tel Aviv ou Haïfa, sont des imposteurs et des colonisateurs déguisés en juifs ? Qui sait ?

Si l’idée se répandait partout sur le territoire américain que les seuls vrais juifs sont les juifs antisionistes, alors l’une des plus grandes mystifications politique de l’histoire de l’humanité trouverait son aboutissement. Le « peuple palestinien », ce peuple sans profondeur historique, tout droit sorti des éprouvettes du KGB (les services soviétiques) à la fin des années soixante, s’imposerait aux yeux de la terre entière et à ceux des juifs de la diaspora pour commencer, comme le seul peuple légitime destiné à occuper, non pas la seule Judée Samarie (Cisjordanie) mais toute la terre d’Israël.


[1] « Israel on Campus », Ruth R. Wisse, Wall Street Journal, Dec. 13, 2002

[2] « Campus Antisemitism and the Assault on Jewish Identity », https://amchainitiative.org/wp-content/uploads/2022/11/Assault-on-Jewish-Identity-Report.pdf

[3] « Campus Antisemitism and the Assault on Jewish Identity », https://amchainitiative.org/wp-content/uploads/2022/11/Assault-on-Jewish-Identity-Report.pdf

Mais de quoi elle se mêle?

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Les conseillers en communication de l’Élysée planchent depuis des semaines pour trouver un gadget censé faire diversion dans ce climat de crise. Ce sera Brigitte, le supposé atout romanesque du roseau de Picardie. La contrefaçon de Mireille Darc envahit l’espace.


En tournée Pièces Jaunes, la Daronne envoie du cash. Pressée par une meute de journalistes, elle fait un frein à main et du haut de ses talons aiguilles soumet sa classe au plat du jour. « Je voyage beaucoup. Dites-moi dans quel pays, on en fait autant que nous ».

“Voyage, voyage…” Avant 2017, nous ne connaissions pas votre solde en miles. Mais depuis, on ne peut nier que pour dégazer vous y allez plus fort qu’un chef de cabine de la Lufthansa. Le bilan carbone de votre brushing c’est deux glaciers et une banquise à la dérive plus un ours blanc en rade sur un piano à queue au large de Terre-Neuve. Desireless est de toutes les réunions, de toutes les coteries. G7, G8, G20, où sa présence dans les nuances de pastel ressuscite Courrèges même si tout ça n’vaut pas un clair de lune à Maubeuge. Avec ces déambulations protocolaires et bunkerisées, je ne vois pas quel autre pays elle peut prétendre connaitre.

Dites-moi, dites-moi…” Là, il me vient une putain d’envie de vous tutoyer, Bree Van de Kamp. D’où êtes-vous l’élue, pour sortir de votre couloir caritatif afin de vous placer au centre du jeu politique? Et ce “nous”, que veut-il dire? Que vous avez une responsabilité quelconque dans ce qui a été fait, voté ou imposé ? Et si vous alliez en toucher deux mots aux infirmières postées à quelques mètres. Elles qui ont combattu le virus, sapées comme pour aller aux clovisses à marée basse. À qui vous refilez des nèfles à marée haute. Bref, c’est la première fois que Casque d’Or quitte le terrain de l’anecdote en bois, je lui prépare ses cornflakes tous les matins, pour rejoindre le centre de l’arène. Moins de 24 heures plus tard, on va comprendre que tout cela procède d’une stratégie décidée au cœur du Château.

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Joueurs de blouse… Le Ministre de l’Education nationale crache enfin sa Valda sur la tenue vestimentaire à adopter dans les écoles et les collèges de la République. L’uniforme c’est non, la blouse c’est NOON. Il est dans son rôle, se décide à décider. Des mois à ne sortir que des heu, des hum hum, des bein et des bah sans jamais pouvoir trancher. Il est tellement fier, le Pap, d’avoir montré ses griffes de lion de la Teranga. Tellement fier d’avoir murmuré à l’oreille du mammouth.Même ces cons de preneurs de son le jouaient au 421 en lui faisant répéter un improbable Paris-Bordeaux-Le Mans. Et ce calamar d’Abad qui le matait comme s’il était Nafissatou Diallo. Mais ça c’était avant. Maintenant on ne le prendra plus pour un cave. Ils savent tous qu’il a le swing, le punch. Il veut se revoir. Il allume la télé et se sert un whisky… Et qui on est…

On est des joueurs de blouse. C’est quoi ce bordel. Les chaines info en font des caisses sur Casque d’Or, qui prône le retour à l’uniforme, à la blouse et aux spartiates avec chaussettes en fil de mérinos. La tenue du Nouveau Monde. Comme Marine Le Pen, qui soumet le jour même sa proposition de loi. Et qui remercie Madame Macron pour son soutien 100% coton. Il n’est pas question de plaindre ou défendre Pap N’Diaye à travers ces lignes. D’autant plus qu’il n’aura pas les couilles de démissionner. Il est déjà dans son labo à découper des modèles de blouses non genrés. Bridget les veut “pas tristounettes”, et ce Flan Mireille dessine des fleurs d’Hibiscus.

Mais comment peut-on humilier publiquement un homme, un de ses ministres, avec autant de cynisme et de désinvolture. Pas un journaliste n’ose un “mais de quoi elle se mêle?” Quelle est sa légitimité à squatter le débat politique? En s’impliquant à ce niveau, dans un contexte aussi éruptif, elle se retrouve à portée d’une Quatennens (gifle en ch’timi). Macron n’a besoin de personne pour provoquer chez ses sujets des poussées urticantes. Avec la Présidente sur le dos, ça va méchamment gratter.

Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie…
Tandis que moi tous les soirs
Je suis vestiaire à l’Alcazar…
(Jacques Brel)

«Gérald Darmanin n’entend pas lutter contre l’immigration illégale, il veut la régulariser»

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Qui a dit que le Rassemblement national ne parlait plus d’immigration ?


Causeur. Pourquoi ne pas avoir profité de votre niche parlementaire, cette semaine, pour proposer des textes sur l’immigration à l’Assemblée nationale ?

Edwige Diaz. Je vous rassure tout de suite, le RN n’a pas abandonné le sujet immigration. Il y a un projet de loi immigration qui arrive à l’Assemblée, nous aurons tout le loisir de débattre de ce sujet majeur pour l’avenir de notre pays. Nous avons préféré consacrer notre niche aux préoccupations quotidiennes des Français, à cette France qui travaille, qui se lève tôt, qui ne parvient pas à vivre décemment de son salaire. Notre proposition de loi sur la suppression des ZFE l’illustre très bien.

Gérald Darmanin présentera son projet de loi sur l’immigration en conseil des ministres la semaine prochaine, avec la contribution d’Olivier Dussopt concernant le travail des immigrés, semble-t-il. Alors que nous connaissons une délinquance endémique dans ce que la presse de gauche continue de qualifier de « quartiers populaires », que nous prenons chaque jour connaissance de l’interminable chronique des violences à Mayotte et sortons à peine du pathétique épisode de l’ « Océan Viking », devoir une nouvelle fois légiférer sur l’immigration, n’est-ce pas un aveu de faiblesse du ministre de l’Intérieur ?

Absolument ! Et ce projet de loi ne changera rien. Nous avons été reçus au ministère de l’Intérieur, le 21 novembre, avec mon collègue député Yohann Gilet. Nous avons pu poser des questions au ministre sur son projet, et ses réponses sont inquiétantes. « Allez-vous revenir sur le droit du sol ? » lui ai-je d’abord demandé. A cette question, majeure lorsque l’on aborde le sujet de l’immigration, il m’a répondu : « – Non, on ne touche pas au droit du sol ! » J’ai ensuite poursuivi : « Allez-vous revenir sur le regroupement familial, et les élargissements que vous aviez accordés en 2018 ? » « – On ne touche pas au regroupement familial », a-t-il riposté. Notre troisième question concernait le délit d’aide à l’entrée et au maintien de manière illégale sur le territoire national. Allons-nous par exemple, sanctionner Cédric Herrou, connu pour ses actions envers les migrants ? Je ne posais pas innocemment cette question, car une semaine avant l’entrevue avec le ministre, Monsieur Herrou faisait carrément du prosélytisme dans un établissement scolaire de Vendée. Autre douche froide : non seulement le gouvernement n’entend pas sanctionner ceux qui aident les migrants à rentrer et se maintenir en France de manière clandestine, mais surtout, on autorise donc le prosélytisme et l’idéologie dans les établissements scolaires ! Bref, sur tous ces points que nous avons abordés, il n’y a aucune amélioration prévue dans les projets du ministre. Gérald Darmanin n’envisage pas non plus d’interdire les subventions aux associations potentiellement complices avec les passeurs. Je pense à SOS Méditerranée, dont les liens avec les passeurs manquent singulièrement de clarté…

Tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger identifié

J’ai aussi eu des échanges avec notre ministre du Travail. Monsieur Dussopt se félicite d’une grande avancée : pour prétendre à une autorisation du droit d’asile, vous savez qu’il faut passer un examen visant à certifier le niveau de français du candidat. En plus des 600 heures de cours payés par l’argent public, Monsieur Dussopt – imbu de cette remarquable réforme – s’est réjoui que le candidat valide son entrée grâce à l’obtention du niveau… A1, soit le niveau le plus bas. Soyons sérieux, c’est dérisoire! A l’Assemblée, nous allons tenter d’aller le plus loin possible dans tous les ajustements techniques du projet du gouvernement, pour lutter contre l’immigration. Nous demanderons, par exemple, que le candidat à l’asile valide a minima un niveau A2, idéalement un B1…

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Enfin, tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger que nous ayons identifié. Le projet dit qu’il faudra régulariser les clandestins travaillant dans des métiers en tension. Lorsque l’on a déjà cinq millions de chômeurs et quelques centaines de milliers d’offres d’emplois disponibles non pourvues, je considère qu’il faut d’abord proposer ces métiers aux Français inscrits à Pôle emploi, ou les former à ces métiers vacants.

… Et si les citoyens français ne veulent pas prendre ces postes, comment fait-on ?

Je pense que c’est un mythe. Il y a 300 000 à 400 000 emplois disponibles, certes, mais il y a plus de cinq millions de chômeurs. On ne me fera pas croire que ces offres d’emploi ne peuvent pas être pourvues ! Jeudi, dans notre niche parlementaire, notre groupe a proposé un texte visant une revalorisation de 10% sur les bas salaires. Un deal gagnant-gagnant, puisque les patrons seraient exonérés de charges patronales. Mais sur l’autel du sectarisme idéologique, les autres partis politiques ont préféré sacrifier cette mesure qui allait vers plus de justice sociale.

« La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire » avançait Gérald Darmanin dans les colonnes du Monde, en novembre. Ne partagez-vous pas son avis ?

Je compléterais sa phrase : La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire dès lors qu’il n’y a pas de dévoiement de ces filières d’immigration.

Au Rassemblement national, nous ne souhaitons pas fermer les frontières, nous voulons simplement qu’elles soient de nouveau un véritable filtre.

Nous voulons choisir qui vient chez nous, qui a le droit ou non de s’y maintenir, et qui mérite qu’on lui accorde un droit d’asile ou non, éventuellement une naturalisation. Messieurs Darmanin et Dussopt, de leur côté, et à travers eux bien évidemment Emmanuel Macron, entendent lutter contre l’immigration clandestine non pas en luttant contre les clandestins, mais en les régularisant !

Amélioration de l’exécution des OQTF et de l’intégration, retour de la double peine, éloignement des bateaux de clandestins. Ces quatre préoccupations majeures que l’on retrouvera dans le projet du ministre de l’Intérieur devraient pourtant vous satisfaire ! Quelles positions le RN défendra-t-il sur ces points précis ?

Le retour de la double peine nous satisfait. Le problème des OQTF, ce sont évidemment les exécutions (5.6% seulement en 2021) ! Mais, je vous le redis, Monsieur Darmanin n’entend pas lutter contre la clandestinité en empêchant les clandestins d’arriver en France, il entend les régulariser. Mécaniquement, avec moins de clandestins, il y aura forcément moins d’OQTF à exécuter…

Si nous arrivons aux responsabilités, nous devrons expliquer clairement que les bateaux ne seront plus accueillis dans nos ports. Et pour commencer, nous arrêtons de les subventionner. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine avait décidé d’accorder une subvention de 50 000€ à SOS Méditerranée, il y a quelques années, parce que le bateau avait dépensé plus de fioul que prévu après avoir erré en Méditerranée, avant de finir par accoster à Valence en Espagne… C’est du délire ! Secourir les migrants, oui évidemment, mais il faut les reconduire dans les ports sécurisés les plus proches, au Maroc, en Algérie… Nos électeurs attendent de nous que l’on n’accueille plus ces bateaux, nous respecterons cet engagement.

Darmanin dit que « les clés de la réussite de l’immigration, c’est l’intégration ». Balayez-vous cette thématique ? Certains hommes politiques ou intellectuels, attachés à l’idéal républicain, préfèrent parler d’assimilation que d’intégration.

Monsieur Darmanin parle d’ « intégration », c’est un leurre. Je vous ai déjà parlé du niveau A1 en langue française… Nous proposons au RN un cheminement plus sérieux. Pour venir habiter en France, il faudra faire une demande d’abord dans l’ambassade de son pays, ou d’un pays voisin en cas de guerre. Et en aucun cas, nous n’accepterons les arrivées de manière clandestine. On ne conçoit pas qu’un clandestin qui a violé les lois de notre pays en entrant illégalement puisse s’assimiler ou s’intégrer correctement par la suite. Et si la France octroie l’asile, il faut travailler en retour, respecter la loi et subvenir à ses besoins. 

Il est justement question d’expulser les immigrés qui ne respectent pas les « valeurs de la République ». Cette dernière terminologie, si elle se retrouve dans le projet de loi gouvernemental, semble un peu floue. N’est-ce pas une façon de ne pas parler d’islamisme, finalement ?

Si, absolument. Je ne fais absolument pas confiance au gouvernement. Il y a quelques années, le gouvernement n’avait-il pas déjà demandé à des associations religieuses de signer une charte, pour s’engager à respecter ces fameuses « valeurs de la République » ? Certaines sont toujours en activité, sans avoir signé la charte en question de Monsieur Darmanin, me semble-t-il… Nous avons pourtant des compatriotes musulmans qui pratiquent leur foi de manière personnelle, qui n’ont pas de revendications exacerbées, qui ne font pas du prosélytisme, et ces personnes ne posent aucun problème. Un aspect qui permet de voir si les « valeurs de la République » sont respectées, c’est l’attitude envers les femmes. Notre mouvement politique entend toujours interdire le hijab, le niqab, la burqa et toute autre tenue ostentatoire dans la rue et l’abaya dans les écoles. La liberté des femmes est essentielle.

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Mais, je vous le répète, le point prioritaire sur lequel nous serons les plus vigilants lors des débats à venir à l’Assemblée, c’est la question des métiers en tension. On annonce que la liste des métiers en tension est ré-évaluable… Le risque est là : sous la pression des immigrationnistes de gauche, on peut avoir un allongement XXL de cette liste de professions… et donc des immigrés qui pourraient être régularisés. Il faut interpeller l’opinion publique à ce sujet. Monsieur Darmanin est assez grand, pourquoi a-t-il eu ce besoin bizarre de Monsieur Dussopt, dans sa loi immigration ? Ils font clairement le lien entre immigration et travail. Gare à l’appel d’air que cela provoquera…

Pensez-vous, en dernier ressort, voter le projet de Monsieur Darmanin si vous obtenez quelques ajustements qui vont dans votre sens ?

Nous pourrons, tout au plus, voter en faveur de quelques articles et quelques amendements. Notre opposition au gouvernement est constructive et si les amendements proposés vont dans le bon sens c’est-à-dire dans l’intérêt général du pays, donc pour une maîtrise efficace et effective de l’immigration, alors on pourra être amené à les voter.

Une question plus personnelle. Comment expliquez-vous l’essor des idées nationales dans le Sud-Ouest et votre succès personnel dans la 11e circonscription de Gironde ?

Il y a eu une hégémonie socialiste dans notre région pendant très longtemps. Mais, François Hollande a terriblement déçu. D’une part, la casse sociale et industrielle des années Hollande, et les attaques à l’encontre du pouvoir d’achat ont été très mal perçues par les habitants. Elles ont été amplifiées par les politiques d’Emmanuel Macron, ce qui a exacerbé les déceptions. Nos deux derniers présidents n’ont pas su protéger les habitants des territoires périurbains. D’autre part, il y a eu un travail méticuleux de Marine Le Pen, qui s’est intéressée de près aux classes moyennes et populaires. Son message a commencé à être entendu, il y a dix ans.  Dans ma circonscription, Marine Le Pen a ainsi quasiment doublé son score en dix ans.

En 2007, j’avais comme beaucoup d’électeurs voté pour Nicolas Sarkozy. Je croyais au « travailler plus pour gagner plus », ainsi qu’au Karcher. Cinq ans plus tard, déçue, je me suis retrouvée dans le programme de Marine Le Pen : sécurité, considération pour les travailleurs, patriotisme économique et localisme. J’ai pris ma carte du RN et me suis investie dans le parti à partir de 2014. De 2016 à 2022, j’ai dirigé la fédération de Gironde. Dans le RN de Jordan Bardella, je suis vice-présidente chargée de l’implantation locale, en étroite collaboration avec Gilles Pennelle (directeur général) et Julien Sanchez (vice-président aux élus). Notre objectif est de réussir notre implantation locale. Cela commence dès cette année avec les élections sénatoriales !

Les groupes Indochine et Louise attaque ont refusé de se rendre à un festival de musique à Perpignan. Qu’est-ce que cela vous fait d’être affiliée à un parti politique encore diabolisé par le monde de la culture ?

Je déplore qu’Indochine se soit égaré dans « la vallée infernale » de l’anti-fascisme primaire ! Le boycott de ces artistes montre non seulement leur sectarisme, mais également leur mépris pour leurs fans qui ont peut-être dû économiser pour acheter leurs billets. Avec la crise, on le sait, peu de Français sont capables de mettre de l’argent de côté. Indochine et Louise Attaque, ces pseudo rebelles de la scène musicale, n’ont certainement jamais eu besoin d’épargner pour se faire plaisir. Plus de 13 millions de Français ont voté pour Marine Le Pen au second tour, je suis prête à parier que parmi nos électeurs on peut compter de nombreux fans de ces deux groupes de rock. Après je distingue les artistes des hommes et je continuerai à danser sur l’Aventurier

Si Paucard m’était conté

Alain Paucard est un Parigot vrai de vrai, une tête de veau pur jus. Il connait Paris comme sa poche et le cinéma – américain comme un frenchie – sur le bout des doigts. Ce titi gouailleur se raconte dans une autobiographie délectable dans laquelle il se plait à distribuer claques et lauriers.


« Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » Alain Paucard pourrait reprendre à son compte, et avec l’accent, la réplique d’Arletty car, vrai de vrai, c’est un Parigot. Autant dire un rescapé d’une espèce en voie de disparition, dans cette capitale du brassage inclusif et bigarré qu’est devenue Paris. À 75 ans, l’écrivain prolifique (plus de 40 bouquins au compteur !) se retourne sur ses mille vies, bien en selle pour tenir les rênes de ces Mémoires au galop – sous-titre donné à un volume de plus de 300 pages : J’aurais dû rester chanteur de rock n’roll.

Est-ce bien certain ?


Un titi comme on en croise peu

« Mon père et Audiard sont tous deux du XIVe, nés en 1920 ; mon père au 76, rue Pernety, et non dans une maternité, comme ma mère. L’immeuble est un taudis », raconte le mémorialiste. Ses souvenirs sont si précis, fourmillants et détaillés qu’on se demande par quelle capacité phénoménale l’homme égrène autant de noms, de faits, de dates, à tant d’années de distance. C’est peut-être là le plus stupéfiant : Paucard nous restitue le temps passé comme un présent intact, vivace, immédiat.

« La différence essentielle entre les parents et les grands-parents est que les premiers élèvent et les seconds éduquent. » De fait, le garçon est bien davantage formé, instruit, voire aimé par Marie-Jeanne, sa grand-mère, que par sa propre mère. Désuète, l’expression « homme du peuple » s’applique parfaitement à lui : du peuple, il en est issu. Témoin cette notation : « Tous ces gens-là, avec leur inculture, en possédaient pourtant une : l’appartenance à un même peuple, frondeur, gaulois, aimant rire d’un rien, connaissant le prix des paroles données. »

Figure sanctifiée au panthéon de sa jeunesse, Marie-Jeanne est vendeuse de souvenirs au pied du pilier ouest de la tour Eiffel. Une vocation tribale, en quelque sorte : sa fille Mme Paucard, la génitrice mal-aimée d’Alain, officie elle-même au pilier sud. Site stratégique entre tous : les tournages de films s’y succèdent. Le père, lui, est policier. Parolier de chansonnettes à ses heures, l’obéissant condé sous l’occupation se métamorphose en FFI tardif, résistant même, en août 1944, quand ordre lui est donné de procéder à l’arrestation de Sacha Guitry, son idole… Dépressif, franc-maçon d’opportunité, il est ensuite préposé, un temps, à la chasse aux « pédés » qui se paluchent dans les « tasses » du Champ-de-Mars. Un vrai destin…

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De sa propre génération, celle « des enfants des BOF, les “beurre-œufs-fromage”, élevée dans le traumatisme de juin 1940 et l’éloge de la débrouillardise par le marché noir », Paucard écrit qu’elle « s’empara de la mentalité du “tout tout de suite” et surtout du “moi d’abord”. » Dans les pages émouvantes qui viennent clore le chapitre intitulé « Marie-Jeanne, une vie française », l’auteur confesse les tourments de sa vingtaine, entre les feux croisés des événements de Mai 68, des déchirements du clan familial, et de la conscience de classe très aiguë où s’origine son ambition d’artiste.

Goguenard et cultivé

Sauvé par le 7e art ? « Le cinoche m’a aidé à survivre », reconnaît-il avant de nous entraîner dans une cavalcade cinéphile nourrie de films en nombre incalculable dont il égrène chaque titre, sur fond d’érudition encyclopédique. De fait, le cinéma a été sa grande passion. Non sans parti-pris : idolâtre d’un Howard Hawks ou d’un John Ford, il poursuit Marguerite Duras de sa vindicte avec une constance fanatique. Une prostituée singulièrement cultivée l’emmène voir La Nuit (Antonioni) : « Je me fais sauvagement tartir [sic». Godard, la Nouvelle Vague ? Épouvantable ! Paucard a ses têtes de Turc : « Claude Brasseur me fit l’effet d’un porc. » Pas moins. San Antonio ? « Un sous-Céline fabriqué et ennuyeux. »

D’aucuns pourraient s’agacer de telles exécutions capitales. Mais ce qui rend la prose d’Alain Paucard irrésistible, c’est précisément ce mélange de prosaïsme, de gouaille, de provocations, ces jugements à l’emporte-pièce adossés à une culture hors norme. Ce mélange de trivialité, de poncifs et de fines intuitions lui permet de passer naturellement d’une remarquable analyse du personnage de Zorro à une évocation de Sacha Guitry. Paucard a tout vu, tout lu, tout connu ! Ainsi son propos passe-t-il allègrement de Guy Debord à Jean-Jacques Annaud. Ce féru de littérature a été, dans ses jeunes années, soldeur de livres bien avant d’oser se lancer lui-même dans la carrière, quitte à publier sous quantité de pseudos (Arne Grinberg, Jean Dron, Matt Sloane, L.K. Von Himeloff, Jones Ulm, Humphrey Paucard, Mohamed d’Ali…). Il a eu la bonne fortune de rencontres cardinales : Jean Dutourd (1920-2011) et Pierre Gripari (1925-1990) sont ses mentors sous la bannière des belles-lettres, entre idylles et démêlés avec ses éditeurs (Julliard, Fallois, Balland, Belfond, Pauvert, le Dilettante, l’Âge d’homme…).

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Franchement désinvolte

« Nous balançons entre la débauche et la sainteté, non pas entre le vice et la vertu », note ce moraliste épris de tolérance. Homme à femmes épicurien que le féminisme puritain du temps hérisse à bon droit, Paucard n’ignore rien du tragique de l’existence : en 1984, sa femme Catherine meurt scalpée par son pare-brise. Candide immodeste, il s’avoue quelque part « quelqu’un qui doit se punir d’être né ». Est-ce pour cela que l’ancien chanteur de rock n’roll, qui a vite quitté le marxisme pour la rive droite, préside aux destinées de son Club des ronchons – « interdit aux femmes, aux enfants et aux animaux – et aux plantes vertes ») ? Il officie sur le tard à Radio Courtoisie, goûte la compagnie de Serbes infréquentables (Milosevic, Karadzic), s’affirme « réactionnaire » et, comme tel, guerroie contre l’architecture contemporaine (Les Criminels du béton, 1991) avec la foi inébranlable du croisé.

« Je crois à la rotondité de la terre mais je la regrette. Si la terre était plate les trois vaisseaux de Christophe Colomb seraient tombés dans le vide et on n’aurait jamais entendu parler des États-Unis. » Qui dira que Paucard n’est pas un patriote ?

J’aurais dû rester chanteur de rock n’roll : mémoires au galop, d’Alain Paucard, éd. Via Romana, 334 p., 2022, 24€.

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L’appel de la forêt de Machecoul

« Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? », film mémorable multirediffusé jusqu’à plus soif, qui fêtera ses 50 ans en décembre 2023, est de retour sur TMC dès le 18 janvier prochain…


La trilogie de Robert Lamoureux est un marqueur identitaire, consubstantiel à la gaudriole française et à l’esprit de résistance au sérieux. Mieux que Rimbaud ou Rabelais, que Renoir ou Rivette, cette farce soldatesque servie par des acteurs admirables sédimente tout ce qui est idéologiquement désormais interdit de penser ou d’afficher en public : la blague teutonne, le courage de fuir, l’éloge du saucisson à l’ail, de la nage indienne, de la chefferie un peu branque et sentimentale, de la braconne entre copains et de cette fameuse tenaille qui fit tant trembler (de rire) nos ennemis.

Il n’est pas trop fort d’affirmer qu’être Français, c’est aimer Cyrano, la 2ème DB, la galantine de volaille, Serge Lama, Nino Ferrer, la Renault 5 et la « 7ème » au clair de lune. Dans un pays exsangue qui régimente le langage et chasse la blague en meute, qui ne supporte ni le second degré, ni les films populistes, qui a horreur des Français moyens, qui leur dénie même le droit d’exister, revoir la « 7ème » est une manière de s’élever contre tous les progressistes gluants et de refuser leurs leçons orientées d’histoire. La « 7ème » est une pochade qui réussit à capter, à la fois les blessures de la guerre et qui fait acte de résilience. On devrait la montrer dans les écoles car elle résume assez finement l’état de sidération de nos aïeux, leur doute légitime devant un état-major dépassé, les combines du quotidien pour ne pas mourir de faim, de pauvres cloches face à l’engrenage infernal et des héros en carton-pâte. Un visage plus juste, plus équilibré, plus pondéré, moins sectaire aussi que tous les pensums censés nous instruire et nous faire culpabiliser.

La repentance est un plat qui se mange froid

On le sait, pendant ce long conflit, la France serra les dents, se terra souvent, fit le dos rond, oublia ses principes, regarda à côté pour ne pas voir l’infamie en marche et ne se remit jamais vraiment intellectuellement et psychologiquement de la Défaite de 1940. Alors qu’une poignée de résistants et de collaborateurs zélés s’engagèrent, les autres, dans leur immense majorité ne brillèrent ni par un courage démesuré, ni par des dégueulasseries sans nom. Ils tentèrent avec leurs moyens modestes de ne pas trop se fourvoyer tout en assurant l’ordinaire. Pouvoir se regarder dans le miroir sans trop rougir de honte, voilà un objectif des plus estimables. C’est pourquoi il est urgent d’être bienveillants avec nos grands-parents et de ne pas les brocarder hâtivement. La repentance, ce plat qui se mange froid, fait de nous des fils indignes.

A lire aussi: «Vortex», sur France 2: au temps pour nous

La « 7ème » nous montre sans grands mots, avec seulement la fantaisie du ridicule comment nous avons réussi à enjamber la Seconde Guerre mondiale. Le trait de Robert Lamoureux est férocement drôle sur notre caractère pusillanime, notre désorganisation infantile, notre couardise atavique, notre appel de l’estomac, nous passons plus de temps à manger qu’à guerroyer et, en même temps, il est tendre avec tous ses compatriotes embarqués dans ce maelstrom, et complètement acculés. Lamoureux n’humilie pas ses personnages, il leur restitue toujours une part d’humanité. Après tout, qui sommes-nous pour les juger ? Je me demande s’il serait possible aujourd’hui de se moquer (gentiment) ainsi des militaires, des commerçants, des prisonniers ou des ministères sans tomber dans un esprit revanchard. Tout est devenu si lourd dans notre pays. Le premier volet de la « 7ème » qui sera diffusé mercredi 18 janvier sur TMC doit son immense succès en salles et depuis maintenant presque 50 ans (il passe plusieurs fois chaque année à la télévision) à un casting haut de gamme, l’élite de la comédie de boulevard et du rire en cascade.

Scansion croquignolesque

Des professionnels du rythme et de la joute glandilleuse, des pyrotechniciens capables de déclencher l’hilarité collective, par un mouvement de paupières, un plongeon dans une rivière, une manœuvre à bord d’une dépanneuse de chars ou une scansion croquignolesque. L’inénarrable chef Chaudard interprété par Pierre Mondy est un régal de béatitudes absurdes. Quel prodigieux comédien, il était ! Entouré de Tassin (Aldo Maccione) et de Pithivier (Jean Lefebvre), il était au sommet de son art. Ne pas oublier également la présence débonnaire de Pierre Tornade, capitaine en déroute, à la fois désabusé et circonspect par l’attitude de ces trois hommes subitement animés d’une envie de combattre. Si on se lasse de la « 5ème » et d’une démocratie moribonde, la « 7ème » continue à nous amuser. C’est déjà beaucoup.     

Sur TMC (canal 10), le 18 janvier à 21h25.

Maurice Fombeure, le temps, l’amitié, la poésie

Le poème du dimanche


Je me souviens que j’ai découvert Maurice Fombeure en classe de première, en cours de français et que j’ai compris à quel point la poésie allait occuper ma vie.

Je me souviens que Maurice Fombeure était le poète préféré de mon ami aujourd’hui disparu, bibliophile émérite et charmant, Jean-Yves Griette.

Je me souviens que Maurice Fombeure revenait souvent dans nos dîners avec un autre ami, le poète Eric Poindron dans son cabinet de curiosités de Boulogne.

Je me souviens que c’est Jean-Yves Griette qui avait déniché sur les Quais pour me l’offrir le Maurice Fombeure de Jean Rousselot dans la mythique collection Poètes d’Aujourd’hui chez Seghers, collection dont j’espère bien avoir, un de ces jours, tous les numéros parus.

A lire aussi: Les résolutions de Blaise Cendrars

Je me souviens que celui consacré à Maurice Fombeure porte le numéro 57.

Je me souviens d’avoir offert à Jean-Yves Griette un recueil de souvenirs de Fombeure trouvé au Gibert de Montpellier.

Je me souviens que Maurice Fombeure était aussi le poète préféré de Michel Déon et qu’un de ses poèmes avait été lu lors de sa messe d’enterrement dans l’église de Saint-Germain-des-Prés.

Je me souviens que le poème que je vous présente ce dimanche est celui découvert dans ce cours de français, il y aura bientôt quarante-deux ans et que l’émotion est toujours la même.


Solitude

Je marche sans arrêt
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense de la mer,
Où l’on perçoit à peine
Le signe d’une étoile,
Le galop d’un cheval
Dans la rue, le matin,
L’agile des oiseaux
Sur les arbres de neige,
Le cri vert des bateaux
Dans les vagues de marbre.
Je marche sans arrêt
Perclus de solitude,
Dans ces déserts mortels
Tout luisants de regards.
J’entends autour de moi
Des plaintes étouffées,
Des soupirs de bonheur
Fragiles roses mortes.
Heureusement ma lampe,
Phare de mes automnes
Brille là-bas au loin
Dans le fond de mon cœur
Et m’attire, invincible,
Tout gluant de ténèbres.
Je monte un escalier
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense du malheur ;
O chat, lampe, famille,
Bonne humaine chaleur,
Sauvez-moi tous les soirs
Du naufrage intérieur,
De l’éternel naufrage !

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Le miroir qui revient

Avec Célidan disparu (Mercure de France), Denis Podalydès livre un autoportrait sensible.


L’une pleure…

Dois-je l’avouer ? Je n’avais pas le souvenir d’un film avec Denis Podalydès avant Tromperie, d’Arnaud Desplechin (2021), d’après le roman éponyme de Philip Roth. Podalydès interprète le grand romancier américain qui n’aura jamais eu le prix Nobel de littérature. Comme quoi ce prix n’a rien à voir avec la qualité d’écriture.

Podalydès s’est glissé dans la peau de Roth ; il est cynique, égotiste, brillant, jamais émouvant. Face à lui, Léa Seydoux, l’amante anglaise, sensuelle, piégée, torturée, fière et sans cesse au bord du précipice de ses sentiments, en déséquilibre sur la crête du flot lacrymal indompté.

A lire aussi: Alain Finkielkraut: “Nous étions fiers d’habiter un monde où Philip Roth était vivant”

… l’autre pas.

Sa frimousse à la Shirley MacLaine, filmée par Vincente Minnelli dans Comme un torrent, est irrésistible. Podalydès dit : « Tu étais un tiroir formidable. » Aucun pathos, tranchant, sec, vrai. Dans son livre de souvenirs, Célidan disparu, l’acteur, metteur en scène, scénariste et écrivain, né le 22 avril 1963, sociétaire de la Comédie-Française depuis 2000, avoue qu’il ne peut donner aucune émotion devant la caméra. « Ça m’ennuie, écrit-il, de me farcir de psychologie, jouer le sentiment de la jalousie, faire affleurer une émotion qui ne viendra pas, ne vient jamais, c’est mon défaut, mon défaut de cœur, ma sécheresse de toujours. »

Sur le tournage de La Grande Magie, de Noémy Lvovsky, dont la sortie est prévue en 2023, l’acteur se souvient d’un réalisateur en colère contre lui parce qu’il ne donnait rien, aucune émotion. Il tente de « faire dégorger quelques gouttes du sentiment sincère » exigé par le réalisateur. C’est alors qu’il tente de se servir du suicide de son frère Eric (indépassable méthode Stanislavski). « L’écœurement me prit, révèle Podalydès, de vendre ainsi mes larmes qui se refusaient à ce marchandage. » On l’aura compris, son livre est sans complaisance envers lui-même. La vérité est au rendez-vous de cette confession littéraire de très haute tenue. Au théâtre, comme au cinéma, c’est la même vérité qu’on cherche, lui révèle un jour Jacques Lassalle, son maître, devant un contradicteur nommé Maurice Pialat. Il en est de même en littérature.

En bonne compagnie

Le réalisme à la Balzac est une supercherie puisque l’objet est, avant tout, une sensation. L’essentiel, c’est la vérité. On entre ici sur le terrain d’Alain Robbe-Grillet dont Podalydès brosse un élégant portrait, comme il brosse celui d’un autre écrivain de qualité, Michel Leiris. L’un des livres de chevet de l’acteur n’est autre que L’Âge d’homme, précédé du texte De la littérature considérée comme une tauromachie. Je le précise puisque Podalydès est un défenseur de la tauromachie ainsi que de la littérature à l’estomac. Les deux semblent aller de pair.

A lire aussi: Charlotte Brontë, un coeur anglais

Portraits également de Jean Marais, Jacques Lassalle, Maurice Pialat, dont il dit que ses colères homériques lui étaient dictées par sa frustration de ne pas être reconnu comme un immense acteur. À propos de Police, en particulier de la scène finale quasi métaphysique avec un Depardieu dévasté, il avoue : « Je tourne autour d’une montagne, depuis ce regard-caméra […]. Mais Depardieu, c’est autre chose, j’en parlerai un jour, j’espère. »  Ils en sont tous là, les acteurs français, à être écrasés par l’ogre Gégé.

Denis Podalydès évoque également son enfance, ses parents (son père, d’origine grecque, est né en Algérie), ses frères, la Bretagne, les vacances à Oléron, les études de philo, son service militaire avorté… Il revient sur le mal dont il souffre, la dépression, livrant abruptement une clé de sa personnalité. Il écrit : « Chaque fois que me prennent de profondes angoisses, de ces angoisses intolérables que rien ne peut apaiser, mon premier réflexe est de me réfugier dans une librairie. »

Un portrait sensible.

Célidan disparu, de Denis Podalydès, Mercure de France, 336 p., 2022, 21€.

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Cohn-Bendit: et la sobriété idéologique, alors?

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L'ancien député européen Daniel Cohn-Bendit face à la journaliste Anne-Elisabeth Lemoine, le 12 janvier 2023. Capture d'écran France 5.

Daniel Cohn-Bendit, invité à présenter son nouveau brulot immigrationniste sur France 5, dénonce le « roman national » et tresse des louanges à Zinedine Zidane avant de préciser: « Heureusement, nous sommes entre nous… »


À l’occasion de la sortie de son livre, au titre très subtil, Français mais pas Gaulois, l’inénarrable Dany le rouge – devenu Dany le vert au fil des années – était invité jeudi dans C à vous, l’émission la plus consensuelle du PAF, où le débat ne s’envisage qu’uniquement avec des gens qui pensent comme vous.

Tout comme vous !

Entouré d’une petite élite médiatique au conformisme patent, le rebelle des plateaux TV en a profité pour faire son show, et prêcher doctement son catéchisme immigrationniste qui peut se résumer en deux slogans : « Nous sommes tous des immigrés » et la France, « terre d’immigration », a besoin d’encore plus d’immigrés.


Autant rectifier tout de suite cette dernière erreur historique: non, la France n’a pas toujours été une terre d’immigration, elle a en réalité commencé à accueillir des étrangers à partir de la révolution industrielle vers 1850, au moment où le taux de natalité commençait à décliner.

Mais revenons à notre révolutionnaire embourgeoisé

Tout rassuré qu’il était d’être en de si bonne et respectable compagnie, Daniel Cohn-Bendit a pu se livrer, sans crainte d’être contredit, à des attaques en règle contre le récit national, celui du lien historique qui rattache les Français d’aujourd’hui aux ancêtres d’hier et qui se résume dans la formulation, devenue quasi-blasphématoire : « Nos ancêtres les Gaulois. »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’humanitarisme n’est pas un humanisme

Ce récit est une « fake news », tacle Cohn-Bendit et son livre en apporte toutes les preuves. En réalité, il faudrait dire au Franco-allemand que cela fait déjà belle lurette que le roman national du Petit Lavisse a été délégitimé et broyé sous les fourches caudines de l’antiracisme doctrinaire pour être grand-remplacé par le récit des origines de ceux qui viennent d’ailleurs et la sacralisation de la diversité bienheureuse !

L’autorité et le roman national, ça se déconstruit, pardi!

Le leader de mai 68, fossoyeur de toute autorité, a-t-il oublié qu’il en a été lui-même l’artisan ? Notre soixante-huitard, devenu « révolutionnaire de canapé » comme dirait un gilet jaune, fait comme si ce roman national était encore enseigné dans toutes les écoles de France. Dire que le roman national est toujours enseigné dans nos écoles, voilà la « fake news ». Mais passons.

« La France a été faite par des immigrés » martèle-t-il ensuite avant de se lancer dans une liste à la Prévert, en piochant parmi les 450 personnalités mentionnées dans son livre. De l’Italien Lino Ventura à la Polonaise Marie Curie en passant par l’Espagnol Pablo Picasso et l’Américaine Joséphine Baker. Shooté à l’utopie diversitaire, notre anar’ soumis au nouvel ordre moral de l’humanitarisme et de l’immigrationnisme, préfère valoriser leurs origines plutôt que de rappeler la flamme patriotique d’une Joséphine Baker ou de dire combien tous ces artistes et scientifiques se sentaient appartenir à la France, ou encore de rappeler qu’à cette époque, notre pays savait encore assimiler. Cette France-là savait fabriquer des Français, et notamment grâce à ce récit national jugé aujourd’hui trop raciste, mais qui était pourtant un puissant vecteur d’assimilation. L’appropriation fictive de « nos ancêtres les Gaulois » a justement permis pendant des décennies à ceux qui venaient d’ailleurs de s’inscrire dans une histoire et une filiation communes au peuple français. Mais cette adhésion des immigrés à la France n’intéresse pas Cohn-Bendit, semble-t-il. Non, ce qui lui importe, c’est apparemment de faire comprendre que tous les immigrés sont interchangeables, qu’ils sont tous des persécutés à l’instar des juifs des années 30, que leur seule identité est victimaire et donc qu’à ce titre ils doivent être accueillis à bras ouverts par la-patrie-des-droits-de-l’homme qui, elle, doit se racheter une bonne conscience pour effacer son infâme passé colonial et collaborationniste.

La machine à amalgames tourne à plein régime, et la sobriété idéologique est renvoyée aux calendes grecques

Par un phénomène d’écrasement de la chronologie historique, tout se passe comme si l’immigration d’aujourd’hui était celle d’hier. Or, les personnalités citées plus haut appartiennent toutes aux premières vagues d’immigration, d’origine euro-chrétienne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’après les derniers chiffres de l’INSEE, en 2021, 47,5% des immigrés vivant en France sont nés en Afrique. Et seulement 33,1% sont nés en Europe. De toute l’Union Européenne, la France est le pays qui accueille le plus d’immigrés en provenance d’Afrique et le moins issus d’autres pays européens, contrairement à nos amis allemands !

A lire aussi: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

Se rendant probablement compte de sa lecture partiale et dépassée de l’immigration, Daniel Cohn-Bendit finit par citer les nouveaux héros d’aujourd’hui issus de l’immigration extra-européenne ou de confession musulmane comme Mamoudou Gassama, ce jeune Malien sans-papiers, porté aux nues par toute la presse progressiste après avoir sauvé un enfant suspendu dans le vide au quatrième étage d’un immeuble parisien et depuis naturalisé, ou encore Lassana Bathily, ce manutentionnaire de l’Hypercacher qui avait caché des clients durant la prise d’otage d’Amedy Coulibaly, également naturalisé pour son courage.

Personne ne dit que Gassama et Coulibaly ne sont pas courageux, mais Cohn-Bendit croit penser le contraire !

Peu importe, il continue sur sa lancée et évoque les réfugiés ukrainiens, sans préciser qu’il s’agit en grande majorité de femmes et d’enfants dont le seul objectif est de retourner dans leur pays lorsque le conflit avec les Russes prendra fin. Autrement dit: pas grand-chose à voir avec tous ces jeunes hommes immigrés venus d’Afrique du Nord qui fuient des pays qui ne sont pourtant pas en guerre pour venir chercher un avenir, pensent-ils, meilleur en France.

« Soyez réaliste, demandez l’impossible », l’un des slogans de 68 doit toujours lui servir de boussole

En bon européiste, on le sait, Cohn-Bendit ne cesse de citer l’Allemagne en modèle. Alors même que depuis l’affaire des 600 femmes agressées sexuellement le soir du 31 en 2015 à Cologne par des immigrés et l’attentat du marché de Noël de Berlin en 2016 perpétué par un demandeur d’asile tunisien, l’Allemagne a mis un terme au dogme de l’accueil inconditionné des immigrés en limitant à 200 000 par an le nombre de demandeurs d’asile et en menant une politique très exigeante en matière d’intégration. Au fil de son monologue, Cohn-Bendit s’emballe: « Arrêtons avec ces histoires », s’exclame-t-il sous entendant: arrêtons d’évoquer l’autre réalité, la face noire de l’immigration incontrôlée en France, celle qui ensanglante notre quotidien, celle qui est un facteur de la surpopulation carcérale (24% d’étrangers dans nos prisons surpeuplées). Pour rappel, l’émission dont il est question a été diffusée au lendemain de l’attaque au couteau à la Gare du Nord par un étranger clandestin sous le coup d’une OQTF. Mais pas question pour notre gourou libéral libertaire de libérer la parole sur tous les sujets. Sur les OQTF, seul le mutisme semble autorisé. «Arrêtons aussi de croire que les réfugiés sont des êtres merveilleux, il y a autant de cons chez les immigrés que chez les bio Français (sic) », finit-il par concéder.

Les sondages, ces fake news

Le meilleur est pour la fin. Interrogé sur le consensus des citoyens français, qui souhaitent à plus de 70% limiter les flux migratoires, Cohn-Bendit, affectant une moue pleine de dédain, rejette cette opinion d’un revers de main en la traitant de « fake news ».

A lire ensuite, Ivan Rioufol: La sottise des élites

Tout émoustillé de voir briller dans le regard de ses comparses de plateau une rassurante complicité idéologique, Cohn Bendit admet: « là, on est entre nous », et se lâche: « si l’identité française ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, alors il faut fuir le pays, c’est horrible ». Voilà comment 15,5 millions de Français (si on additionne les 13 millions d’électeurs qui ont voté pour Marie Le Pen, et les 2,5 pour Eric Zemmour) se font insulter sur une chaine du service public, sans que personne ne s’en offusque !

On aurait pourtant bien aimé que France 5 organise un vrai débat sur pareil sujet, avec des opinions contradictoires. On aurait aimé avoir, par exemple, face à Daniel Cohn-Bendit, Amine Elbahi, ce juriste menacé de mort après le reportage d’Ophélie Meunier sur le communautarisme islamiste à Roubaix, et qui vient d’affirmer haut et fort que la Gare du Nord n’est plus la France et qu’il y a un lien « existentiel » entre l’immigration incontrôlée et l’insécurité…

Mais, ce serait prendre ses désirs pour des réalités !

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Fabrizio Tribuzio-Bugatti contre la lotocratie

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Aurore Bergé, la chef du groupe Renaissance et Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale, à Louan-Villegruis-Fontaine (77), septembre 2022 © WITT/SIPA

Dans une société où les gouvernants ne font plus qu’administrer des « territoires », tenter de faire coexister entre elles des communautés éclatées, et où l’on est passé du gouvernement des hommes à l’administration des choses, nous sommes tous devenus des bouffeurs de lotus! Après l’ochlocratie, la lotocratie et la lutte de tous contre tous nous menacent. Le souverainiste Fabrizio Tribuzio-Bugatti livre un essai aussi décapant que décourageant.


Nous sommes tous des mangeurs de lotus, nous explique Fabrizio Tribuzio-Bugatti. Et il faut entendre par là que nous avons sacrifié nos libertés fondamentales à la satisfaction de nos désirs pulsionnels. Pour comprendre ce que signifie cette sentence lapidaire, encore faut-il avoir lu. Car cette métaphore, tirée de l’Odyssée, dont beaucoup ne connaissent que l’extrait mettant en scène Ulysse et le cyclope Polyphème, repose sur une vingtaine de lignes de l’œuvre du poète grec Homère. Or l’épisode des mangeurs de lotus est loin d’être le moment le plus flamboyant des aventures d’Ulysse : le héros n’est à aucun moment en danger de mort, ses hommes non plus. Pourtant, le danger que représentent les lotophages, s’il est plus insidieux, n’est pas moins destructeur que le danger physique… Mais revenons à l’histoire que nous raconte d’abord Homère puis notre auteur.

Fabrizio Tribuzio-Bugatti Photo: Maxime Chabane.

Ulysse et les lotophages

Les lotophages sont un peuple pacifique et doux. Très inclusif, selon la terminologie de notre époque. Ils accueillent à bras ouvert Ulysse et ses compagnons et sont tout à fait disposés à partager avec eux ce qui fait à la fois leur nourriture, leur culture et leur perpétuelle jouissance: les fleurs de lotus. Celles-ci leur font tout oublier: la douleur de vivre, la conscience de soi et ce qui pour un Grec est la négation même de leur humanité, leur patrie, la mémoire de leurs origines. Les lotophages vivent dans une utopie, ils n’ont ni Etat, ni Cité, ni chef. Ils ne créent rien, ne pensent rien, leur façon d’être au monde est unique, elle passe par et s’épuise dans la consommation du lotus. L’épisode ne fait que 20 lignes, car il n’y a pas grand-chose à dire de ces êtres indistincts et interchangeables que sont les mangeurs de lotus, ils n’ont pas d’histoire et pas grand intérêt. Pourtant, le bonheur que parait apporter l’oubli lié à la consommation de lotus séduit tous les compagnons d’Ulysse, et il faudra toute la détermination du héros grec, lequel devra recourir à l’usage de la force, pour arracher ses marins à la douce langueur de l’oubli.

Une allégorie de la société de consommation et de la déshumanisation par uniformisation

Fabrizio Tribuzio-Bugatti voit dans cet épisode d’Homère une allégorie des hommes de notre époque et de la société de consommation. « La boussole qui régit nos modes de vie indique un horizon où la réussite serait en proportion de notre faculté à consommer, à singer un certain mode de vie, à atteindre l’uniformisation culturelle de ce mode de vie, uniquement par la voie de la consommation. Nous voulons fiévreusement consommer pour nous affirmer, pour nous imposer ou même pour nous satisfaire naïvement ». Les lotophages nous tendent un miroir peu flatteur de l’évolution de nos sociétés, car leur capacité à inclure tout le monde est corrélée à la perte totale de sens du collectif. Chez eux, pas d’histoire commune, de valeurs partagées ni de projet collectif. La culture lotophage est parfaitement assimilationniste car elle n’exige aucun engagement de ses membres, aucune élévation morale, aucun dépassement intellectuel, aucun sens de l’intérêt général. L’assimilation repose sur la consommation. Cette consommation, chez les lotophages, amène au bonheur total mais aussi à la disparition de ce qui fait le propre de l’homme. Or, notre auteur rappelle, mettant ses pas dans ceux de Jean-Pierre Vernant, que ce qui fait l’homme, c’est la capacité à surmonter l’oubli, à « se souvenir de soi et des autres. » Mais, nous l’avons dit, sur l’île des lotophages, il n’y a pas de particulier, pas de soi et pas d’autres, juste des mangeurs de lotus. Tous semblables dans leur désir (consommer du lotus !), tous uniformes dans sa réalisation (atteindre le bonheur de l’oubli grâce à cette consommation). « Le bonheur lotophage est indifférent aux origines, aux cultures, aux egos, aux convictions : il est utopique car il est universel. »

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Immigration clandestine: une seule solution, la recolonisation…

La souveraineté contre la perte de sens

Pour arracher ses hommes à l’oubli et à la douceur de l’île des lotophages, Ulysse doit poser un acte souverain: ses marins ont choisi de s’extraire de la condition d’être humain et aspirent à se fondre dans le groupe des lotophages. Ils ont choisi de n’être plus des individualités et préfèrent grossir le troupeau des mangeurs de lotus. Alors, Ulysse va les contraindre à retourner sur le bateau. L’auteur nous rappelle qu’en faisant usage de ses prérogatives de souverain, donc en faisant usage de violence légitime, Ulysse pose un acte de roi. Il oppose à la séduction d’une consommation uniforme qui abolit toute individualité, l’impérieux devoir que les hommes ont vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis du monde auxquels ils appartiennent. Il donne aussi tout son sens au politique, en ce qu’il rappelle et incarne le fait que le geste politique est la traduction en acte d’une façon de voir les hommes et le monde, de les penser et d’organiser ce dernier. C’est ce qui lui donne la légitimité pour user de coercition: il rappelle ses hommes à leurs devoirs et à leurs responsabilités et, se faisant, à leur humanité. La légitimité du politique est ainsi adossée aux principes et idéaux qui transforment une population en peuple. Autrement dit qui permet de passer de la notion d’habitants d’un territoire à celle de société constituée, consciente de son identité, de sa culture, de son histoire et de son originalité.

La société lotophage, de la démocratie à l’ochlocratie

Fabrizio Tribuzio-Bugatti nous dit à quel point la société lotophage est l’allégorie de la perversion du régime démocratique. Il reprend la typologie d’Aristote expliquant que pour trois régimes vertueux, il existe des évolutions perverses: la monarchie peut se pervertir en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie et la démocratie en ochlocratie. Et il faut reconnaitre que sa description de l’ochlocratie fait écho à nombre d’analyses sur l’évolution de nos sociétés. Dans l’ochlocratie, « c’est la masse qui est souveraine, et non la loi », la foule se substitue au peuple. L’inflation législative en est un des symptômes, ce que relevait Machiavel en son temps : « Là où les choix abondent, où l’on peut user de licence, tout se remplit aussitôt de confusion et de désordre. » On retrouve ici derrière l’analyse de Gramsci, les échos de l’analyse d’Hannah Arendt sur l’atomisation des masses, celle d’Alain Supiot sur la substitution de la loi par la norme. L’image de ces politiques « qui croient en la science économique comme si cette dernière avait vocation à réduire à néant la direction des affaires publiques au profit d’une vision mécanique des choses qui seraient régies par des lois autonomes et universelles, c’est-à-dire tyranniques et hors-sol. » L’auteur ici les rebaptise Catilina [1] et leur oppose la figure de Machiavel: « Là où le Prince de Machiavel a pour fonction de susciter la volonté collective d’un peuple, volonté auparavant dispersée, le Catilina veille au contraire à en entretenir le morcellement. Les catilinaires ont besoin de camps, de factions, de tribus, car leur discours ambivalent ne pourrait fonctionner sur une volonté collective. En ochlocratie, la seule volonté collective est celle du caprice, du superflu, de la licence. »


L’ochlocratie est un pourrissement nous dit l’auteur, elle ne reconnait rien et « sa nature anarchique maintient les masses dans l’anarchie de leurs passions ». C’est un régime profondément légaliste parce qu’incapable d’être légitime. Il ne s’appuie pas sur des principes et idéaux susceptibles de donner naissance à une société politique porteuse d’un contrat social partagé et d’un projet d’avenir commun, il justifie son existence en faisant mine de répondre à tous les désirs de ceux qui le composent. Ce pouvoir-là assimile, digère  et « homologue tout, même la subversion. C’est à partir de là qu’arrivent les lotophages : ils n’ont plus de lien avec le passé, plus de mémoire, plus de patrie, plus de souverain ». Les lotophages ne peuvent donc plus avoir de rapport à la loi, cette tentative de s’inscrire dans le long terme et de répondre à un intérêt général qui est bien plus que la somme des intérêts particuliers. Ils n’ont qu’un rapport à la production de normes, aux décrets. « Les décrets sont ochlocratiques en ce qu’ils sont le penchant pervers de la loi: ils ont pour but d’assouvir des pulsions d’un moment donné. Contrairement à la loi qui suppose un débat entre personnes éclairées, le décret est le fait d’un seul, il relève donc de l’arbitraire comme de l’impulsif. » Le rôle de la norme, contrairement à la loi, n’est pas d’apporter de la pérennité et de la stabilité à de nos brèves existences humaines, ni de s’inscrire dans un monde qui nous a précédés et qui nous survivra, la norme est la manière dont l’Etat en ochlocratie justifie son existence : en servant les passions. « La loi est l’expression de la volonté générale, le décret est l’expression des égoïsmes. (…) Quand la loi nécessitait l’expression générale, il faut comprendre qu’elle nécessitait un peuple, un corps social cohérent, politiquement constitué. Elle n’avait pas à faire du cas par cas, elle était l’édiction d’une règle de vie commune. »

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On retombe sur cette phrase récurrente chez nombre de penseurs de notre époque : « on est passé du gouvernement des hommes à l’administration des choses ».

Du gouvernement des hommes à l’administration des choses

Chez les nouveaux lotophages que nous sommes devenus, l’Etat n’est plus l’expression de la souveraineté populaire, il est vidé de sa substance. Pour décider, il faut une volonté. Il fut un temps où « l’Etat avait une volonté, une volonté positive, vivante, celle de la nation. Une bureaucratie ne décide pas, elle applique, transcrit, exécute mécaniquement une feuille de route. Une bureaucratie n’a pas de volonté propre, c’est une machine. » Ce fonctionnement ne permet pas de s’inscrire dans l’Histoire, il réclame même la sortie de l’Histoire. Pour consommer toujours plus, le lotaphage ne veut être lié à rien. Il se dit citoyen du monde parce qu’il refuse toute obligation, que ce soit envers ses compatriotes, envers son pays, ou envers sa nation. Il est cosmopolite pour ses intérêts et son image : « secourir les Grecs, pleurer sur le Bulgare, on n’a pas inventé de meilleur moyen pour oublier l’ouvrier lyonnais et concilier une âme tendre avec le souci de ses intérêts. »[2]

Et si c’était ce qui explique l’engouement et l’enthousiasme des élites envers l’Europe, ce nouvel empire où la norme supplante la loi ? Le droit ne découle ainsi plus de l’intérêt général mais devient la simple reconnaissance juridique des intérêts particuliers. Il n’est plus quête de sens, facteur de transcendance, émanation de la souveraineté. Le choix politique se confond alors avec l’organisation de la compétition des intérêts et « le corps social devient une masse considérée comme un vaste marché, avec ses parts à conquérir. (…) L’égalité que donne le pouvoir, dans l’Empire, n’est que l’égalité dans la compétition pour la reconnaissance des intérêts »

Cela explique pourquoi l’Empire favorise le multiculturalisme. D’abord parce que le libéralisme aime les critères objectifs. Que les hommes se rassemblent selon leur couleur de peau, leur ethnie, leur clan lui parait bien plus naturel que le fait que des hommes puissent se rassembler pour se projeter dans une action commune au nom d’idéaux partagés. Ensuite, ce multiculturalisme ne pouvant que déboucher sur le communautarisme est une forme de ségrégation bien utile pour les élites en place. « Là où la nation permet de surpasser les différences individuelles, l’empire les exacerbe et le multiculturalisme est un facteur d’exacerbation des velléités individuelles par excellence. » Le fameux « diviser pour mieux régner ».

L’ultime étape de l’ochlocratie, la lotocratie, voit s’effondrer tout ce qui fait l’existence d’une civilisation: société politique constituée, culture, école, idéal de transmission, rapport à l’histoire…

A ce déprimant constat, l’auteur ne nous fait pas la grâce de nous servir quelques douceurs consolatrices au sortir de son réquisitoire.

Il nous propose une méditation désabusée sur la figure du Rônin, samouraï sans maître, à la fois preux chevalier désabusé et mercenaire déclassé. Le Rônin est ce qu’il reste du citoyen quand il comprend qu’il n’y aura pas de Prince de Machiavel pour ranimer le rêve d’une société politique fondée sur une certaine idée de la souveraineté, qu’il n’y a plus de peuple éduqué pour que la légitimité du pouvoir émane de la souveraineté populaire et que derrière la reconnaissance de la légitimité de tout intérêt individuel, il ne reste plus que la lutte de tous contre tous.

Le futur était déjà fini !: Essai sur la lotocratie

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[1] Catalina fomenta une conjuration en 63 avant JC pour prendre le pouvoir à Rome et s’emparer des fortunes des Romains les plus riches. Dénoncé par Cicéron, le complot fut éventé, les principaux conjurés exécutés sauf Catilina qui s’enfuit et mourra en – 62 en combattant à la tête des derniers insurgés.

[2] Roger Nimier dans Le Grand d’Espagne

Communauté de destin

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D.R.

Que deviennent les hommes à l’heure où la révolution des mœurs – la révolution morale – souffle en tempête sur l’Occident?


L’autre jour, la jeune mère de famille qui, deux heures par semaine, vient faire le ménage dans mon appartement était toute joyeuse. En consultant le site du Sénat pour se distraire, elle avait appris que, dans les conseils d’administration des entreprises relevant de l’indice boursier de la Bourse de Paris, le SBF, la proportion de femmes qui était de 13 % en 2010 atteignait désormais 46 %. J’ai tenu à la féliciter de ce remarquable progrès. Elle eut l’honnêteté de me répondre qu’elle n’y était pour rien, que c’était le résultat de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, dite loi Copé-Zimmermann. Le 27 janvier 2023, ce sera son douzième anniversaire, s’est-elle réjouie, émerveillée que le plafond de verre ait été brisé. Et ce qui redoublait sa joie, c’est que, grâce à la politique des quotas imposée par cette loi, la France se situait à présent au premier rang des grands pays mondiaux en termes de mixité des conseils. La proportion n’est en effet que de 40 % en Norvège, de 36 % en Allemagne, de 28 % aux États-Unis et de seulement 13 % en Chine, pays manifestement arriéré en matière d’égalité entre les sexes.

Bien sûr, l’idéal serait d’embaucher un migrant

J’ai naturellement partagé sa fierté d’appartenir à un pays où la mixité des conseils atteint 46 %, tout en lui demandant ce qu’une femme du peuple comme elle pouvait y gagner. Elle a ouvert de grands yeux : « Avez-vous conscience, s’est-elle exclamée, que jusqu’alors les femmes étaient discriminées, et qu’elles auront maintenant autant de chances que les hommes d’accumuler des jetons de présence ? Si ce n’est pas de l’égalité, qu’est-ce que c’est ? » À quoi j’ai répondu que cela concernait des femmes fortement diplômées, ce qui n’était pas son cas. Mon argument ne l’a nullement ébranlée. Elle m’a rétorqué que peu importait la différence des situations, car ce qui comptait, c’étaient les femmes dans leur ensemble, toutes catégories sociales confondues. D’ailleurs, elle faisait aussi le ménage chez une sous-directrice d’une entreprise du CAC 40 qui l’avait augmentée l’an dernier d’un euro et d’un autre cette année pour compenser l’inflation. Bien sûr, sa patronne aurait préféré prendre un migrant, qui lui serait revenu moins cher, mais ces augmentations volontaires, n’était-ce pas la preuve d’une communauté de destin ? Et ne fallait-il pas applaudir une révolution des comportements où les dominées, par exemple la sous-directrice d’une entreprise du CAC 40, se trouvaient quasi à parité avec les dominants, par exemple le mari de ma jeune femme de ménage qui, en tant que chômeur, bénéficiait d’une indemnité enviable alors même qu’il ne travaillait pas ?

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À vrai dire, je n’avais jamais pensé que la lutte des sexes relèguerait la lutte des classes au rayon des vieilleries bonnes à jeter. Ni que l’Union européenne, scrupuleusement suivie par notre Assemblée nationale, s’autoriserait à décider des mœurs auxquelles doivent se plier les peuples qu’elle est censée non pas asservir, mais servir. Il m’a toujours semblé qu’il y avait comme un abus dans cette marche en avant vers l’abolition de toutes les différences que jamais rien, aucune prudence, aucun respect des coutumes les mieux établies, ne vient tempérer. Cela dit, comment ne pas saluer le fait que, en tant que femme, une mère de famille sans le sou partage avec une dirigeante d’un grand groupe une éclatante victoire sur le patriarcat occidental qui, sous ses airs accommodants, est le pire de tous ? Peu importe, en vérité, que le mari de la première soit au chômage, que leurs enfants n’aient à peu près aucune chance d’acquérir un diplôme bien rémunérateur et que leur patrimoine n’excède pas le millième de celui dont jouit la seconde, mariée à un industriel membre du Siècle. Peu importe même que la première ne tire aucun profit des avantages matériels et symboliques qu’apporte à la seconde la priorité absolue accordée à l’égalité entre les sexes plutôt qu’entre les catégories sociales. Ce qui est essentiel à l’harmonie d’un pays comme le nôtre et conforme à la justice la plus élémentaire, c’est que les dominées, quelles qu’elles soient, obtiennent exactement les mêmes droits et les mêmes avantages que les dominants.

Kiddy Smile adopte la jupe écossaise

Bien entendu, il existe encore entre les hommes et les femmes des inégalités de salaire qu’il est urgent d’éliminer. Comme le montrent des analyses statistiques disponibles auprès de l’Insee, la réalité de ces inégalités mérite d’être largement nuancée[1]. Mais ce point est secondaire. Ce qui prime, c’est le principe. Tant que la moindre inégalité entre les sexes subsistera, les dirigeantes de groupes internationaux, les directrices d’administrations centrales, les présidentes de grands organismes ne seront pas moins victimes du patriarcat que les caissières des hypermarchés ou les ouvrières des conserveries bretonnes. Et que cette situation d’humiliante infériorité puisse perdurer est intolérable.

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Je sais bien que les éternels mauvais coucheurs objecteront que, dans un pays confronté aux menaces de partition ethnique, à la crise de l’énergie, à la paupérisation des classes moyennes, au réchauffement de la planète ou à la guerre en Ukraine, l’urgence se situe ailleurs que dans le traitement prioritaire de questions de société apparemment mineures. Mais de telles objections sont irrecevables, parce qu’elles négligent les progrès de l’égalité qui donnent enfin aux hommes le droit de porter des jupes sans avoir besoin d’être Écossais. À preuve, Kiddy Smile, chanteur et figure de la scène « voguing[2] », qu’on voit poser ainsi vêtu, le 29 novembre, à l’Institut français de la mode. Nul doute qu’à dégenrer les styles, à créoliser les identités, à danser le tango en remplaçant les mots « hommes » et « femmes » par leaders et followers, comme à Sciences-Po Paris, ou, last but not least, à mixer selon des quotas impérieux les conseils d’administration et de surveillance, les lendemains chanteront alléluia.


[1]. Voir Simon Georges-Kot « Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé », insee.fr, 18 juin 2020, et Cyrille Godonou, « Le mythe de l’écart salarial hommes femmes de plus de 20 % “à travail égal” », cyrille.godonou.free.fr.

[2]. D’après Wikipédia, le « voguing » est un style de danse urbaine consistant à faire, en marchant, des mouvements avec les bras et les mains.

Etats-Unis: la guerre des Juifs

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Manifestation du mouvement "Free Palestine" devant la Maison Blanche, le 11 mai 2021 © Allison Bailey/Shutterstock/SIPA

La guerre que les Palestiniens mènent contre Israël a lieu aussi sur les campus américains. Curieusement, les juifs antisionistes sont à la pointe de ce combat contre Israël.


L’antisémitisme est devenu un problème récurrent sur les campus américains. Et il va croissant. Le dernier rapport de l’Anti Defamation League, l’une des plus grosses associations antiracistes américaines, a dénombré pour l’année universitaire 2021-2022, un total de 359 incidents anti-israéliens à travers les collèges et campus aux États-Unis. Ces incidents qui vont de l’agression physique au vandalisme en passant par le harcèlement verbal ou écrit, les chahuts et boycotts ont atteint le nombre de 244 pendant l’année scolaire 2020-2021 et 181 pendant l’année scolaire 2019-2020.  Ce climat d’intimidation permanente, de dénigrement, d’ostracisme à l’égard de tout ce qui se donne pour juif ou israélien est fomenté par des étudiants d’extrême gauche et par des étudiants « arabes et musulmans qui fomentent activement la haine d’Israël comme une expression de leur « identité [1] »

Une intense propagande anti-Israël et une redéfinition de l’identité juive

Ces étudiants sont regroupés en associations très actives comme Students for Justice in Palestine, une association propalestinienne qui dispose de 206 sections locales réparties sur l’ensemble du territoire scolaire américain, ou comme Jewish Voice for Peace, une association d’étudiants juifs qui développe sa propagande antisioniste sur un grand nombre de collèges et campus.

Mais en sus de ce climat de violence, la détestation d’Israël et l’intimidation des étudiants juifs a pris une tournure nouvelle. Une étude publiée en novembre 2022, par AMCHA, une association fondée en 2012 par deux professeurs de l’Université de Californie, Tammi Rossman-Benjamin et Leila Beckwith, montre que cette violence n’est pas seulement dirigée contre toute manifestation du sionisme, elle s’en prend également au judaïsme. Intitulée « L’antisémitisme sur les campus et l’assaut contre l’identité juive [2] », l’étude AMCHA, menée dans toutes les règles de l’art sociologique sur près de 100 collèges et universités, montre que les mêmes associations (Students for justice in Palestine, Jewish Voice for Peace…) mènent une guérilla de tous les instants pour une redéfinition de l’identité juive. 

Qu’ils soient enseignants, étudiants, juifs ou non juifs, les BDS (Boycott Desinvestissement Sanction, du nom de cette association palestinienne qui a entrepris d’isoler Israël au plan mondial), ont entrepris de creuser un fossé entre judaïsme et sionisme. « Lorsque le corps enseignant et les départements académiques affirment (…) que le sionisme n’est pas une partie authentique du judaïsme ; que l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme ; ou que les sionistes abusent de la religion pour justifier les crimes d’Israël – ils colorent ces propositions d’une légitimité académique et font des étudiants juifs une cible » affirme l’étude.

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En séparant judaïsme et sionisme ou en proclamant que le sionisme est illégitime par rapport au judaïsme ou qu’il est une forme de « pollution » par rapport à ce même judaïsme, les BDS attentent sciemment à la relation affective qui lie 80% des juifs américains à Israël. 8 Américains juifs sur dix pensent que soutenir Israël est une composante essentielle de leur identité juive. Ce qui n’a rien de surprenant : le sentiment d’appartenance des juifs au peuple juif et l’appartenance du peuple juif à la Terre d’Israël sont au fondement de l’identité juive, et ce depuis des temps immémoriaux. 

Un retournement habile et pervers

Comme le fait remarquer Caroline Glick, chroniqueuse et journaliste israélienne, « si le sionisme pollue le judaïsme, rien n’empêche alors de le présenter comme une forme d’antisémitisme ». Par ce formidable retournement, les antisémites de BDS affirment aujourd’hui à tous les étudiants juifs, sur des dizaines de campus, que ce n’est pas l’antisionisme qui menace les juifs, mais le sionisme. Ce ne sont pas les antisionistes qui haïssent les juifs mais les sionistes qui font du mal aux juifs. L’antisionisme – ce discours politique qui juge convenable de détruire Israël – ne peut même plus être considéré comme une forme d’antisémitisme, puisqu’il est présenté comme un projet de libération des citoyens juifs américains. 

En même temps qu’ils vident le judaïsme de toute référence à Jérusalem, à Israël et au sionisme, les BDS juifs et non juifs se démènent pour boycotter les professeurs juifs qui soutiennent Israël, pour chahuter les conférenciers qui manifestent de la sympathie pour Israël, pour convaincre les doyens d’université d’interdire les voyages Birthright de découverte d’Israël et intimider au quotidien les associations d’étudiants juifs. Il ne suffit pas de promouvoir un faux judaïsme et une fausse vie juive, il faut aussi éradiquer le modèle traditionnel.

L’étude AMCHA met l’accent sur le rôle joué par les juifs antisionistes dans cette comédie. Certes, ils servent de paravent – « Regardez, même des juifs sont avec nous ! » – à l’antisémitisme de BDS. Mais surtout, ils démultiplient l’impact de BDS. « JVP (Une Voix Juive pour la Palestine) agit comme un multiplicateur de force et amplifie l’impact de groupes comme SJP (Students for Justice in Palestine) » affirme l’étude AMCHA. La même étude prouve, chiffres à l’appui, que sur les campus ou les associations juives antisionistes sont absentes, le taux d’attaques contre le judaïsme chute drastiquement. En revanche, « les collèges et universités dotés d’associations juives antisionistes, sont beaucoup plus susceptibles de voir surgir des menaces contre l’identité juive que les écoles où seule, l’association Students for Justice in Palestine est présente [3]  ». Les juifs BDS ont une fonction centrale dans les actions de redéfinition du judaïsme.

Un projet qui n’est pas si stupide qu’il en a l’air

A ce stade de l’analyse, la question qui surgit est la suivante : pourquoi les BDS juifs et non juifs se fatiguent-ils à inventer un antisionisme « libérateur » du judaïsme ? Pourquoi ces efforts « conceptuels »… alors qu’il serait tellement plus simple de harceler les étudiants juifs et de les forcer à vivre terrés sur les campus ? La seule réponse possible est qu’à travers le judaïsme, c’est le peuple juif qui est mis en accusation. Le sionisme étant l’expression politique du peuple juif, la délégitimation du sionisme vise à délégitimer le projet sioniste, à savoir le retour du peuple juif sur sa terre d’origine. Tout le projet des juifs BDS de Jewish Voice for Palestine est donc de convaincre les juifs américains qu’ils deviendront d’autant plus juifs qu’ils rejetteront tout lien avec Israël.

Un projet qui n’est pas si stupide qu’il en a l’air.

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Les Juifs américains appartiennent en grande majorité au camp progressiste et observent sans comprendre le tournant nationaliste-sioniste pris par Israël. Les juifs américains s’inquiètent depuis longtemps de la « colonisation » et des dommages que cette « colonisation » causerait aux « valeurs » juives. Il n’est donc pas exclu que l’antisionisme de BDS fasse écho à leur inquiétude. Iront-ils jusqu’à penser comme BDS le souhaite que les juifs qui vivent en Israël, à Tel Aviv ou Haïfa, sont des imposteurs et des colonisateurs déguisés en juifs ? Qui sait ?

Si l’idée se répandait partout sur le territoire américain que les seuls vrais juifs sont les juifs antisionistes, alors l’une des plus grandes mystifications politique de l’histoire de l’humanité trouverait son aboutissement. Le « peuple palestinien », ce peuple sans profondeur historique, tout droit sorti des éprouvettes du KGB (les services soviétiques) à la fin des années soixante, s’imposerait aux yeux de la terre entière et à ceux des juifs de la diaspora pour commencer, comme le seul peuple légitime destiné à occuper, non pas la seule Judée Samarie (Cisjordanie) mais toute la terre d’Israël.


[1] « Israel on Campus », Ruth R. Wisse, Wall Street Journal, Dec. 13, 2002

[2] « Campus Antisemitism and the Assault on Jewish Identity », https://amchainitiative.org/wp-content/uploads/2022/11/Assault-on-Jewish-Identity-Report.pdf

[3] « Campus Antisemitism and the Assault on Jewish Identity », https://amchainitiative.org/wp-content/uploads/2022/11/Assault-on-Jewish-Identity-Report.pdf

Mais de quoi elle se mêle?

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Brigitte Macron en "Une" du Parisien le 12 janvier 2023.

Les conseillers en communication de l’Élysée planchent depuis des semaines pour trouver un gadget censé faire diversion dans ce climat de crise. Ce sera Brigitte, le supposé atout romanesque du roseau de Picardie. La contrefaçon de Mireille Darc envahit l’espace.


En tournée Pièces Jaunes, la Daronne envoie du cash. Pressée par une meute de journalistes, elle fait un frein à main et du haut de ses talons aiguilles soumet sa classe au plat du jour. « Je voyage beaucoup. Dites-moi dans quel pays, on en fait autant que nous ».

“Voyage, voyage…” Avant 2017, nous ne connaissions pas votre solde en miles. Mais depuis, on ne peut nier que pour dégazer vous y allez plus fort qu’un chef de cabine de la Lufthansa. Le bilan carbone de votre brushing c’est deux glaciers et une banquise à la dérive plus un ours blanc en rade sur un piano à queue au large de Terre-Neuve. Desireless est de toutes les réunions, de toutes les coteries. G7, G8, G20, où sa présence dans les nuances de pastel ressuscite Courrèges même si tout ça n’vaut pas un clair de lune à Maubeuge. Avec ces déambulations protocolaires et bunkerisées, je ne vois pas quel autre pays elle peut prétendre connaitre.

Dites-moi, dites-moi…” Là, il me vient une putain d’envie de vous tutoyer, Bree Van de Kamp. D’où êtes-vous l’élue, pour sortir de votre couloir caritatif afin de vous placer au centre du jeu politique? Et ce “nous”, que veut-il dire? Que vous avez une responsabilité quelconque dans ce qui a été fait, voté ou imposé ? Et si vous alliez en toucher deux mots aux infirmières postées à quelques mètres. Elles qui ont combattu le virus, sapées comme pour aller aux clovisses à marée basse. À qui vous refilez des nèfles à marée haute. Bref, c’est la première fois que Casque d’Or quitte le terrain de l’anecdote en bois, je lui prépare ses cornflakes tous les matins, pour rejoindre le centre de l’arène. Moins de 24 heures plus tard, on va comprendre que tout cela procède d’une stratégie décidée au cœur du Château.

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Joueurs de blouse… Le Ministre de l’Education nationale crache enfin sa Valda sur la tenue vestimentaire à adopter dans les écoles et les collèges de la République. L’uniforme c’est non, la blouse c’est NOON. Il est dans son rôle, se décide à décider. Des mois à ne sortir que des heu, des hum hum, des bein et des bah sans jamais pouvoir trancher. Il est tellement fier, le Pap, d’avoir montré ses griffes de lion de la Teranga. Tellement fier d’avoir murmuré à l’oreille du mammouth.Même ces cons de preneurs de son le jouaient au 421 en lui faisant répéter un improbable Paris-Bordeaux-Le Mans. Et ce calamar d’Abad qui le matait comme s’il était Nafissatou Diallo. Mais ça c’était avant. Maintenant on ne le prendra plus pour un cave. Ils savent tous qu’il a le swing, le punch. Il veut se revoir. Il allume la télé et se sert un whisky… Et qui on est…

On est des joueurs de blouse. C’est quoi ce bordel. Les chaines info en font des caisses sur Casque d’Or, qui prône le retour à l’uniforme, à la blouse et aux spartiates avec chaussettes en fil de mérinos. La tenue du Nouveau Monde. Comme Marine Le Pen, qui soumet le jour même sa proposition de loi. Et qui remercie Madame Macron pour son soutien 100% coton. Il n’est pas question de plaindre ou défendre Pap N’Diaye à travers ces lignes. D’autant plus qu’il n’aura pas les couilles de démissionner. Il est déjà dans son labo à découper des modèles de blouses non genrés. Bridget les veut “pas tristounettes”, et ce Flan Mireille dessine des fleurs d’Hibiscus.

Mais comment peut-on humilier publiquement un homme, un de ses ministres, avec autant de cynisme et de désinvolture. Pas un journaliste n’ose un “mais de quoi elle se mêle?” Quelle est sa légitimité à squatter le débat politique? En s’impliquant à ce niveau, dans un contexte aussi éruptif, elle se retrouve à portée d’une Quatennens (gifle en ch’timi). Macron n’a besoin de personne pour provoquer chez ses sujets des poussées urticantes. Avec la Présidente sur le dos, ça va méchamment gratter.

Madame promène son cul sur les remparts de Varsovie…
Tandis que moi tous les soirs
Je suis vestiaire à l’Alcazar…
(Jacques Brel)

«Gérald Darmanin n’entend pas lutter contre l’immigration illégale, il veut la régulariser»

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Edwige Diaz, ici photographiée à Paris en juin 2022, est députée de la 11e circonscription de Gironde © ISA HARSIN/SIPA

Qui a dit que le Rassemblement national ne parlait plus d’immigration ?


Causeur. Pourquoi ne pas avoir profité de votre niche parlementaire, cette semaine, pour proposer des textes sur l’immigration à l’Assemblée nationale ?

Edwige Diaz. Je vous rassure tout de suite, le RN n’a pas abandonné le sujet immigration. Il y a un projet de loi immigration qui arrive à l’Assemblée, nous aurons tout le loisir de débattre de ce sujet majeur pour l’avenir de notre pays. Nous avons préféré consacrer notre niche aux préoccupations quotidiennes des Français, à cette France qui travaille, qui se lève tôt, qui ne parvient pas à vivre décemment de son salaire. Notre proposition de loi sur la suppression des ZFE l’illustre très bien.

Gérald Darmanin présentera son projet de loi sur l’immigration en conseil des ministres la semaine prochaine, avec la contribution d’Olivier Dussopt concernant le travail des immigrés, semble-t-il. Alors que nous connaissons une délinquance endémique dans ce que la presse de gauche continue de qualifier de « quartiers populaires », que nous prenons chaque jour connaissance de l’interminable chronique des violences à Mayotte et sortons à peine du pathétique épisode de l’ « Océan Viking », devoir une nouvelle fois légiférer sur l’immigration, n’est-ce pas un aveu de faiblesse du ministre de l’Intérieur ?

Absolument ! Et ce projet de loi ne changera rien. Nous avons été reçus au ministère de l’Intérieur, le 21 novembre, avec mon collègue député Yohann Gilet. Nous avons pu poser des questions au ministre sur son projet, et ses réponses sont inquiétantes. « Allez-vous revenir sur le droit du sol ? » lui ai-je d’abord demandé. A cette question, majeure lorsque l’on aborde le sujet de l’immigration, il m’a répondu : « – Non, on ne touche pas au droit du sol ! » J’ai ensuite poursuivi : « Allez-vous revenir sur le regroupement familial, et les élargissements que vous aviez accordés en 2018 ? » « – On ne touche pas au regroupement familial », a-t-il riposté. Notre troisième question concernait le délit d’aide à l’entrée et au maintien de manière illégale sur le territoire national. Allons-nous par exemple, sanctionner Cédric Herrou, connu pour ses actions envers les migrants ? Je ne posais pas innocemment cette question, car une semaine avant l’entrevue avec le ministre, Monsieur Herrou faisait carrément du prosélytisme dans un établissement scolaire de Vendée. Autre douche froide : non seulement le gouvernement n’entend pas sanctionner ceux qui aident les migrants à rentrer et se maintenir en France de manière clandestine, mais surtout, on autorise donc le prosélytisme et l’idéologie dans les établissements scolaires ! Bref, sur tous ces points que nous avons abordés, il n’y a aucune amélioration prévue dans les projets du ministre. Gérald Darmanin n’envisage pas non plus d’interdire les subventions aux associations potentiellement complices avec les passeurs. Je pense à SOS Méditerranée, dont les liens avec les passeurs manquent singulièrement de clarté…

Tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger identifié

J’ai aussi eu des échanges avec notre ministre du Travail. Monsieur Dussopt se félicite d’une grande avancée : pour prétendre à une autorisation du droit d’asile, vous savez qu’il faut passer un examen visant à certifier le niveau de français du candidat. En plus des 600 heures de cours payés par l’argent public, Monsieur Dussopt – imbu de cette remarquable réforme – s’est réjoui que le candidat valide son entrée grâce à l’obtention du niveau… A1, soit le niveau le plus bas. Soyons sérieux, c’est dérisoire! A l’Assemblée, nous allons tenter d’aller le plus loin possible dans tous les ajustements techniques du projet du gouvernement, pour lutter contre l’immigration. Nous demanderons, par exemple, que le candidat à l’asile valide a minima un niveau A2, idéalement un B1…

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Enfin, tout le volet sur les métiers en tension est un point majeur de la loi immigration. Il s’agit du plus grand danger que nous ayons identifié. Le projet dit qu’il faudra régulariser les clandestins travaillant dans des métiers en tension. Lorsque l’on a déjà cinq millions de chômeurs et quelques centaines de milliers d’offres d’emplois disponibles non pourvues, je considère qu’il faut d’abord proposer ces métiers aux Français inscrits à Pôle emploi, ou les former à ces métiers vacants.

… Et si les citoyens français ne veulent pas prendre ces postes, comment fait-on ?

Je pense que c’est un mythe. Il y a 300 000 à 400 000 emplois disponibles, certes, mais il y a plus de cinq millions de chômeurs. On ne me fera pas croire que ces offres d’emploi ne peuvent pas être pourvues ! Jeudi, dans notre niche parlementaire, notre groupe a proposé un texte visant une revalorisation de 10% sur les bas salaires. Un deal gagnant-gagnant, puisque les patrons seraient exonérés de charges patronales. Mais sur l’autel du sectarisme idéologique, les autres partis politiques ont préféré sacrifier cette mesure qui allait vers plus de justice sociale.

« La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire » avançait Gérald Darmanin dans les colonnes du Monde, en novembre. Ne partagez-vous pas son avis ?

Je compléterais sa phrase : La France a toujours accueilli des immigrés et des réfugiés et nous devons continuer à le faire dès lors qu’il n’y a pas de dévoiement de ces filières d’immigration.

Au Rassemblement national, nous ne souhaitons pas fermer les frontières, nous voulons simplement qu’elles soient de nouveau un véritable filtre.

Nous voulons choisir qui vient chez nous, qui a le droit ou non de s’y maintenir, et qui mérite qu’on lui accorde un droit d’asile ou non, éventuellement une naturalisation. Messieurs Darmanin et Dussopt, de leur côté, et à travers eux bien évidemment Emmanuel Macron, entendent lutter contre l’immigration clandestine non pas en luttant contre les clandestins, mais en les régularisant !

Amélioration de l’exécution des OQTF et de l’intégration, retour de la double peine, éloignement des bateaux de clandestins. Ces quatre préoccupations majeures que l’on retrouvera dans le projet du ministre de l’Intérieur devraient pourtant vous satisfaire ! Quelles positions le RN défendra-t-il sur ces points précis ?

Le retour de la double peine nous satisfait. Le problème des OQTF, ce sont évidemment les exécutions (5.6% seulement en 2021) ! Mais, je vous le redis, Monsieur Darmanin n’entend pas lutter contre la clandestinité en empêchant les clandestins d’arriver en France, il entend les régulariser. Mécaniquement, avec moins de clandestins, il y aura forcément moins d’OQTF à exécuter…

Si nous arrivons aux responsabilités, nous devrons expliquer clairement que les bateaux ne seront plus accueillis dans nos ports. Et pour commencer, nous arrêtons de les subventionner. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine avait décidé d’accorder une subvention de 50 000€ à SOS Méditerranée, il y a quelques années, parce que le bateau avait dépensé plus de fioul que prévu après avoir erré en Méditerranée, avant de finir par accoster à Valence en Espagne… C’est du délire ! Secourir les migrants, oui évidemment, mais il faut les reconduire dans les ports sécurisés les plus proches, au Maroc, en Algérie… Nos électeurs attendent de nous que l’on n’accueille plus ces bateaux, nous respecterons cet engagement.

Darmanin dit que « les clés de la réussite de l’immigration, c’est l’intégration ». Balayez-vous cette thématique ? Certains hommes politiques ou intellectuels, attachés à l’idéal républicain, préfèrent parler d’assimilation que d’intégration.

Monsieur Darmanin parle d’ « intégration », c’est un leurre. Je vous ai déjà parlé du niveau A1 en langue française… Nous proposons au RN un cheminement plus sérieux. Pour venir habiter en France, il faudra faire une demande d’abord dans l’ambassade de son pays, ou d’un pays voisin en cas de guerre. Et en aucun cas, nous n’accepterons les arrivées de manière clandestine. On ne conçoit pas qu’un clandestin qui a violé les lois de notre pays en entrant illégalement puisse s’assimiler ou s’intégrer correctement par la suite. Et si la France octroie l’asile, il faut travailler en retour, respecter la loi et subvenir à ses besoins. 

Il est justement question d’expulser les immigrés qui ne respectent pas les « valeurs de la République ». Cette dernière terminologie, si elle se retrouve dans le projet de loi gouvernemental, semble un peu floue. N’est-ce pas une façon de ne pas parler d’islamisme, finalement ?

Si, absolument. Je ne fais absolument pas confiance au gouvernement. Il y a quelques années, le gouvernement n’avait-il pas déjà demandé à des associations religieuses de signer une charte, pour s’engager à respecter ces fameuses « valeurs de la République » ? Certaines sont toujours en activité, sans avoir signé la charte en question de Monsieur Darmanin, me semble-t-il… Nous avons pourtant des compatriotes musulmans qui pratiquent leur foi de manière personnelle, qui n’ont pas de revendications exacerbées, qui ne font pas du prosélytisme, et ces personnes ne posent aucun problème. Un aspect qui permet de voir si les « valeurs de la République » sont respectées, c’est l’attitude envers les femmes. Notre mouvement politique entend toujours interdire le hijab, le niqab, la burqa et toute autre tenue ostentatoire dans la rue et l’abaya dans les écoles. La liberté des femmes est essentielle.

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Mais, je vous le répète, le point prioritaire sur lequel nous serons les plus vigilants lors des débats à venir à l’Assemblée, c’est la question des métiers en tension. On annonce que la liste des métiers en tension est ré-évaluable… Le risque est là : sous la pression des immigrationnistes de gauche, on peut avoir un allongement XXL de cette liste de professions… et donc des immigrés qui pourraient être régularisés. Il faut interpeller l’opinion publique à ce sujet. Monsieur Darmanin est assez grand, pourquoi a-t-il eu ce besoin bizarre de Monsieur Dussopt, dans sa loi immigration ? Ils font clairement le lien entre immigration et travail. Gare à l’appel d’air que cela provoquera…

Pensez-vous, en dernier ressort, voter le projet de Monsieur Darmanin si vous obtenez quelques ajustements qui vont dans votre sens ?

Nous pourrons, tout au plus, voter en faveur de quelques articles et quelques amendements. Notre opposition au gouvernement est constructive et si les amendements proposés vont dans le bon sens c’est-à-dire dans l’intérêt général du pays, donc pour une maîtrise efficace et effective de l’immigration, alors on pourra être amené à les voter.

Une question plus personnelle. Comment expliquez-vous l’essor des idées nationales dans le Sud-Ouest et votre succès personnel dans la 11e circonscription de Gironde ?

Il y a eu une hégémonie socialiste dans notre région pendant très longtemps. Mais, François Hollande a terriblement déçu. D’une part, la casse sociale et industrielle des années Hollande, et les attaques à l’encontre du pouvoir d’achat ont été très mal perçues par les habitants. Elles ont été amplifiées par les politiques d’Emmanuel Macron, ce qui a exacerbé les déceptions. Nos deux derniers présidents n’ont pas su protéger les habitants des territoires périurbains. D’autre part, il y a eu un travail méticuleux de Marine Le Pen, qui s’est intéressée de près aux classes moyennes et populaires. Son message a commencé à être entendu, il y a dix ans.  Dans ma circonscription, Marine Le Pen a ainsi quasiment doublé son score en dix ans.

En 2007, j’avais comme beaucoup d’électeurs voté pour Nicolas Sarkozy. Je croyais au « travailler plus pour gagner plus », ainsi qu’au Karcher. Cinq ans plus tard, déçue, je me suis retrouvée dans le programme de Marine Le Pen : sécurité, considération pour les travailleurs, patriotisme économique et localisme. J’ai pris ma carte du RN et me suis investie dans le parti à partir de 2014. De 2016 à 2022, j’ai dirigé la fédération de Gironde. Dans le RN de Jordan Bardella, je suis vice-présidente chargée de l’implantation locale, en étroite collaboration avec Gilles Pennelle (directeur général) et Julien Sanchez (vice-président aux élus). Notre objectif est de réussir notre implantation locale. Cela commence dès cette année avec les élections sénatoriales !

Les groupes Indochine et Louise attaque ont refusé de se rendre à un festival de musique à Perpignan. Qu’est-ce que cela vous fait d’être affiliée à un parti politique encore diabolisé par le monde de la culture ?

Je déplore qu’Indochine se soit égaré dans « la vallée infernale » de l’anti-fascisme primaire ! Le boycott de ces artistes montre non seulement leur sectarisme, mais également leur mépris pour leurs fans qui ont peut-être dû économiser pour acheter leurs billets. Avec la crise, on le sait, peu de Français sont capables de mettre de l’argent de côté. Indochine et Louise Attaque, ces pseudo rebelles de la scène musicale, n’ont certainement jamais eu besoin d’épargner pour se faire plaisir. Plus de 13 millions de Français ont voté pour Marine Le Pen au second tour, je suis prête à parier que parmi nos électeurs on peut compter de nombreux fans de ces deux groupes de rock. Après je distingue les artistes des hommes et je continuerai à danser sur l’Aventurier

Si Paucard m’était conté

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Alain Paucard © Hannah Assouline

Alain Paucard est un Parigot vrai de vrai, une tête de veau pur jus. Il connait Paris comme sa poche et le cinéma – américain comme un frenchie – sur le bout des doigts. Ce titi gouailleur se raconte dans une autobiographie délectable dans laquelle il se plait à distribuer claques et lauriers.


« Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » Alain Paucard pourrait reprendre à son compte, et avec l’accent, la réplique d’Arletty car, vrai de vrai, c’est un Parigot. Autant dire un rescapé d’une espèce en voie de disparition, dans cette capitale du brassage inclusif et bigarré qu’est devenue Paris. À 75 ans, l’écrivain prolifique (plus de 40 bouquins au compteur !) se retourne sur ses mille vies, bien en selle pour tenir les rênes de ces Mémoires au galop – sous-titre donné à un volume de plus de 300 pages : J’aurais dû rester chanteur de rock n’roll.

Est-ce bien certain ?


Un titi comme on en croise peu

« Mon père et Audiard sont tous deux du XIVe, nés en 1920 ; mon père au 76, rue Pernety, et non dans une maternité, comme ma mère. L’immeuble est un taudis », raconte le mémorialiste. Ses souvenirs sont si précis, fourmillants et détaillés qu’on se demande par quelle capacité phénoménale l’homme égrène autant de noms, de faits, de dates, à tant d’années de distance. C’est peut-être là le plus stupéfiant : Paucard nous restitue le temps passé comme un présent intact, vivace, immédiat.

« La différence essentielle entre les parents et les grands-parents est que les premiers élèvent et les seconds éduquent. » De fait, le garçon est bien davantage formé, instruit, voire aimé par Marie-Jeanne, sa grand-mère, que par sa propre mère. Désuète, l’expression « homme du peuple » s’applique parfaitement à lui : du peuple, il en est issu. Témoin cette notation : « Tous ces gens-là, avec leur inculture, en possédaient pourtant une : l’appartenance à un même peuple, frondeur, gaulois, aimant rire d’un rien, connaissant le prix des paroles données. »

Figure sanctifiée au panthéon de sa jeunesse, Marie-Jeanne est vendeuse de souvenirs au pied du pilier ouest de la tour Eiffel. Une vocation tribale, en quelque sorte : sa fille Mme Paucard, la génitrice mal-aimée d’Alain, officie elle-même au pilier sud. Site stratégique entre tous : les tournages de films s’y succèdent. Le père, lui, est policier. Parolier de chansonnettes à ses heures, l’obéissant condé sous l’occupation se métamorphose en FFI tardif, résistant même, en août 1944, quand ordre lui est donné de procéder à l’arrestation de Sacha Guitry, son idole… Dépressif, franc-maçon d’opportunité, il est ensuite préposé, un temps, à la chasse aux « pédés » qui se paluchent dans les « tasses » du Champ-de-Mars. Un vrai destin…

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De sa propre génération, celle « des enfants des BOF, les “beurre-œufs-fromage”, élevée dans le traumatisme de juin 1940 et l’éloge de la débrouillardise par le marché noir », Paucard écrit qu’elle « s’empara de la mentalité du “tout tout de suite” et surtout du “moi d’abord”. » Dans les pages émouvantes qui viennent clore le chapitre intitulé « Marie-Jeanne, une vie française », l’auteur confesse les tourments de sa vingtaine, entre les feux croisés des événements de Mai 68, des déchirements du clan familial, et de la conscience de classe très aiguë où s’origine son ambition d’artiste.

Goguenard et cultivé

Sauvé par le 7e art ? « Le cinoche m’a aidé à survivre », reconnaît-il avant de nous entraîner dans une cavalcade cinéphile nourrie de films en nombre incalculable dont il égrène chaque titre, sur fond d’érudition encyclopédique. De fait, le cinéma a été sa grande passion. Non sans parti-pris : idolâtre d’un Howard Hawks ou d’un John Ford, il poursuit Marguerite Duras de sa vindicte avec une constance fanatique. Une prostituée singulièrement cultivée l’emmène voir La Nuit (Antonioni) : « Je me fais sauvagement tartir [sic». Godard, la Nouvelle Vague ? Épouvantable ! Paucard a ses têtes de Turc : « Claude Brasseur me fit l’effet d’un porc. » Pas moins. San Antonio ? « Un sous-Céline fabriqué et ennuyeux. »

D’aucuns pourraient s’agacer de telles exécutions capitales. Mais ce qui rend la prose d’Alain Paucard irrésistible, c’est précisément ce mélange de prosaïsme, de gouaille, de provocations, ces jugements à l’emporte-pièce adossés à une culture hors norme. Ce mélange de trivialité, de poncifs et de fines intuitions lui permet de passer naturellement d’une remarquable analyse du personnage de Zorro à une évocation de Sacha Guitry. Paucard a tout vu, tout lu, tout connu ! Ainsi son propos passe-t-il allègrement de Guy Debord à Jean-Jacques Annaud. Ce féru de littérature a été, dans ses jeunes années, soldeur de livres bien avant d’oser se lancer lui-même dans la carrière, quitte à publier sous quantité de pseudos (Arne Grinberg, Jean Dron, Matt Sloane, L.K. Von Himeloff, Jones Ulm, Humphrey Paucard, Mohamed d’Ali…). Il a eu la bonne fortune de rencontres cardinales : Jean Dutourd (1920-2011) et Pierre Gripari (1925-1990) sont ses mentors sous la bannière des belles-lettres, entre idylles et démêlés avec ses éditeurs (Julliard, Fallois, Balland, Belfond, Pauvert, le Dilettante, l’Âge d’homme…).

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Franchement désinvolte

« Nous balançons entre la débauche et la sainteté, non pas entre le vice et la vertu », note ce moraliste épris de tolérance. Homme à femmes épicurien que le féminisme puritain du temps hérisse à bon droit, Paucard n’ignore rien du tragique de l’existence : en 1984, sa femme Catherine meurt scalpée par son pare-brise. Candide immodeste, il s’avoue quelque part « quelqu’un qui doit se punir d’être né ». Est-ce pour cela que l’ancien chanteur de rock n’roll, qui a vite quitté le marxisme pour la rive droite, préside aux destinées de son Club des ronchons – « interdit aux femmes, aux enfants et aux animaux – et aux plantes vertes ») ? Il officie sur le tard à Radio Courtoisie, goûte la compagnie de Serbes infréquentables (Milosevic, Karadzic), s’affirme « réactionnaire » et, comme tel, guerroie contre l’architecture contemporaine (Les Criminels du béton, 1991) avec la foi inébranlable du croisé.

« Je crois à la rotondité de la terre mais je la regrette. Si la terre était plate les trois vaisseaux de Christophe Colomb seraient tombés dans le vide et on n’aurait jamais entendu parler des États-Unis. » Qui dira que Paucard n’est pas un patriote ?

J’aurais dû rester chanteur de rock n’roll : mémoires au galop, d’Alain Paucard, éd. Via Romana, 334 p., 2022, 24€.

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L’appel de la forêt de Machecoul

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Pierre Mondy dans "Mais où est donc passée la septième compagnie ?" de Robert Lamoureux, 1973 © SIPA

« Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? », film mémorable multirediffusé jusqu’à plus soif, qui fêtera ses 50 ans en décembre 2023, est de retour sur TMC dès le 18 janvier prochain…


La trilogie de Robert Lamoureux est un marqueur identitaire, consubstantiel à la gaudriole française et à l’esprit de résistance au sérieux. Mieux que Rimbaud ou Rabelais, que Renoir ou Rivette, cette farce soldatesque servie par des acteurs admirables sédimente tout ce qui est idéologiquement désormais interdit de penser ou d’afficher en public : la blague teutonne, le courage de fuir, l’éloge du saucisson à l’ail, de la nage indienne, de la chefferie un peu branque et sentimentale, de la braconne entre copains et de cette fameuse tenaille qui fit tant trembler (de rire) nos ennemis.

Il n’est pas trop fort d’affirmer qu’être Français, c’est aimer Cyrano, la 2ème DB, la galantine de volaille, Serge Lama, Nino Ferrer, la Renault 5 et la « 7ème » au clair de lune. Dans un pays exsangue qui régimente le langage et chasse la blague en meute, qui ne supporte ni le second degré, ni les films populistes, qui a horreur des Français moyens, qui leur dénie même le droit d’exister, revoir la « 7ème » est une manière de s’élever contre tous les progressistes gluants et de refuser leurs leçons orientées d’histoire. La « 7ème » est une pochade qui réussit à capter, à la fois les blessures de la guerre et qui fait acte de résilience. On devrait la montrer dans les écoles car elle résume assez finement l’état de sidération de nos aïeux, leur doute légitime devant un état-major dépassé, les combines du quotidien pour ne pas mourir de faim, de pauvres cloches face à l’engrenage infernal et des héros en carton-pâte. Un visage plus juste, plus équilibré, plus pondéré, moins sectaire aussi que tous les pensums censés nous instruire et nous faire culpabiliser.

La repentance est un plat qui se mange froid

On le sait, pendant ce long conflit, la France serra les dents, se terra souvent, fit le dos rond, oublia ses principes, regarda à côté pour ne pas voir l’infamie en marche et ne se remit jamais vraiment intellectuellement et psychologiquement de la Défaite de 1940. Alors qu’une poignée de résistants et de collaborateurs zélés s’engagèrent, les autres, dans leur immense majorité ne brillèrent ni par un courage démesuré, ni par des dégueulasseries sans nom. Ils tentèrent avec leurs moyens modestes de ne pas trop se fourvoyer tout en assurant l’ordinaire. Pouvoir se regarder dans le miroir sans trop rougir de honte, voilà un objectif des plus estimables. C’est pourquoi il est urgent d’être bienveillants avec nos grands-parents et de ne pas les brocarder hâtivement. La repentance, ce plat qui se mange froid, fait de nous des fils indignes.

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La « 7ème » nous montre sans grands mots, avec seulement la fantaisie du ridicule comment nous avons réussi à enjamber la Seconde Guerre mondiale. Le trait de Robert Lamoureux est férocement drôle sur notre caractère pusillanime, notre désorganisation infantile, notre couardise atavique, notre appel de l’estomac, nous passons plus de temps à manger qu’à guerroyer et, en même temps, il est tendre avec tous ses compatriotes embarqués dans ce maelstrom, et complètement acculés. Lamoureux n’humilie pas ses personnages, il leur restitue toujours une part d’humanité. Après tout, qui sommes-nous pour les juger ? Je me demande s’il serait possible aujourd’hui de se moquer (gentiment) ainsi des militaires, des commerçants, des prisonniers ou des ministères sans tomber dans un esprit revanchard. Tout est devenu si lourd dans notre pays. Le premier volet de la « 7ème » qui sera diffusé mercredi 18 janvier sur TMC doit son immense succès en salles et depuis maintenant presque 50 ans (il passe plusieurs fois chaque année à la télévision) à un casting haut de gamme, l’élite de la comédie de boulevard et du rire en cascade.

Scansion croquignolesque

Des professionnels du rythme et de la joute glandilleuse, des pyrotechniciens capables de déclencher l’hilarité collective, par un mouvement de paupières, un plongeon dans une rivière, une manœuvre à bord d’une dépanneuse de chars ou une scansion croquignolesque. L’inénarrable chef Chaudard interprété par Pierre Mondy est un régal de béatitudes absurdes. Quel prodigieux comédien, il était ! Entouré de Tassin (Aldo Maccione) et de Pithivier (Jean Lefebvre), il était au sommet de son art. Ne pas oublier également la présence débonnaire de Pierre Tornade, capitaine en déroute, à la fois désabusé et circonspect par l’attitude de ces trois hommes subitement animés d’une envie de combattre. Si on se lasse de la « 5ème » et d’une démocratie moribonde, la « 7ème » continue à nous amuser. C’est déjà beaucoup.     

Sur TMC (canal 10), le 18 janvier à 21h25.

Maurice Fombeure, le temps, l’amitié, la poésie

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Maurice Fombeure © Capture d'écran YouTube de la chaine Romek Gasiorowski

Le poème du dimanche


Je me souviens que j’ai découvert Maurice Fombeure en classe de première, en cours de français et que j’ai compris à quel point la poésie allait occuper ma vie.

Je me souviens que Maurice Fombeure était le poète préféré de mon ami aujourd’hui disparu, bibliophile émérite et charmant, Jean-Yves Griette.

Je me souviens que Maurice Fombeure revenait souvent dans nos dîners avec un autre ami, le poète Eric Poindron dans son cabinet de curiosités de Boulogne.

Je me souviens que c’est Jean-Yves Griette qui avait déniché sur les Quais pour me l’offrir le Maurice Fombeure de Jean Rousselot dans la mythique collection Poètes d’Aujourd’hui chez Seghers, collection dont j’espère bien avoir, un de ces jours, tous les numéros parus.

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Je me souviens que celui consacré à Maurice Fombeure porte le numéro 57.

Je me souviens d’avoir offert à Jean-Yves Griette un recueil de souvenirs de Fombeure trouvé au Gibert de Montpellier.

Je me souviens que Maurice Fombeure était aussi le poète préféré de Michel Déon et qu’un de ses poèmes avait été lu lors de sa messe d’enterrement dans l’église de Saint-Germain-des-Prés.

Je me souviens que le poème que je vous présente ce dimanche est celui découvert dans ce cours de français, il y aura bientôt quarante-deux ans et que l’émotion est toujours la même.


Solitude

Je marche sans arrêt
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense de la mer,
Où l’on perçoit à peine
Le signe d’une étoile,
Le galop d’un cheval
Dans la rue, le matin,
L’agile des oiseaux
Sur les arbres de neige,
Le cri vert des bateaux
Dans les vagues de marbre.
Je marche sans arrêt
Perclus de solitude,
Dans ces déserts mortels
Tout luisants de regards.
J’entends autour de moi
Des plaintes étouffées,
Des soupirs de bonheur
Fragiles roses mortes.
Heureusement ma lampe,
Phare de mes automnes
Brille là-bas au loin
Dans le fond de mon cœur
Et m’attire, invincible,
Tout gluant de ténèbres.
Je monte un escalier
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense du malheur ;
O chat, lampe, famille,
Bonne humaine chaleur,
Sauvez-moi tous les soirs
Du naufrage intérieur,
De l’éternel naufrage !

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Le miroir qui revient

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Denis Podalydès. Photo Francesca Mantovani ®Editions Gallimard 87A2

Avec Célidan disparu (Mercure de France), Denis Podalydès livre un autoportrait sensible.


L’une pleure…

Dois-je l’avouer ? Je n’avais pas le souvenir d’un film avec Denis Podalydès avant Tromperie, d’Arnaud Desplechin (2021), d’après le roman éponyme de Philip Roth. Podalydès interprète le grand romancier américain qui n’aura jamais eu le prix Nobel de littérature. Comme quoi ce prix n’a rien à voir avec la qualité d’écriture.

Podalydès s’est glissé dans la peau de Roth ; il est cynique, égotiste, brillant, jamais émouvant. Face à lui, Léa Seydoux, l’amante anglaise, sensuelle, piégée, torturée, fière et sans cesse au bord du précipice de ses sentiments, en déséquilibre sur la crête du flot lacrymal indompté.

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… l’autre pas.

Sa frimousse à la Shirley MacLaine, filmée par Vincente Minnelli dans Comme un torrent, est irrésistible. Podalydès dit : « Tu étais un tiroir formidable. » Aucun pathos, tranchant, sec, vrai. Dans son livre de souvenirs, Célidan disparu, l’acteur, metteur en scène, scénariste et écrivain, né le 22 avril 1963, sociétaire de la Comédie-Française depuis 2000, avoue qu’il ne peut donner aucune émotion devant la caméra. « Ça m’ennuie, écrit-il, de me farcir de psychologie, jouer le sentiment de la jalousie, faire affleurer une émotion qui ne viendra pas, ne vient jamais, c’est mon défaut, mon défaut de cœur, ma sécheresse de toujours. »

Sur le tournage de La Grande Magie, de Noémy Lvovsky, dont la sortie est prévue en 2023, l’acteur se souvient d’un réalisateur en colère contre lui parce qu’il ne donnait rien, aucune émotion. Il tente de « faire dégorger quelques gouttes du sentiment sincère » exigé par le réalisateur. C’est alors qu’il tente de se servir du suicide de son frère Eric (indépassable méthode Stanislavski). « L’écœurement me prit, révèle Podalydès, de vendre ainsi mes larmes qui se refusaient à ce marchandage. » On l’aura compris, son livre est sans complaisance envers lui-même. La vérité est au rendez-vous de cette confession littéraire de très haute tenue. Au théâtre, comme au cinéma, c’est la même vérité qu’on cherche, lui révèle un jour Jacques Lassalle, son maître, devant un contradicteur nommé Maurice Pialat. Il en est de même en littérature.

En bonne compagnie

Le réalisme à la Balzac est une supercherie puisque l’objet est, avant tout, une sensation. L’essentiel, c’est la vérité. On entre ici sur le terrain d’Alain Robbe-Grillet dont Podalydès brosse un élégant portrait, comme il brosse celui d’un autre écrivain de qualité, Michel Leiris. L’un des livres de chevet de l’acteur n’est autre que L’Âge d’homme, précédé du texte De la littérature considérée comme une tauromachie. Je le précise puisque Podalydès est un défenseur de la tauromachie ainsi que de la littérature à l’estomac. Les deux semblent aller de pair.

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Portraits également de Jean Marais, Jacques Lassalle, Maurice Pialat, dont il dit que ses colères homériques lui étaient dictées par sa frustration de ne pas être reconnu comme un immense acteur. À propos de Police, en particulier de la scène finale quasi métaphysique avec un Depardieu dévasté, il avoue : « Je tourne autour d’une montagne, depuis ce regard-caméra […]. Mais Depardieu, c’est autre chose, j’en parlerai un jour, j’espère. »  Ils en sont tous là, les acteurs français, à être écrasés par l’ogre Gégé.

Denis Podalydès évoque également son enfance, ses parents (son père, d’origine grecque, est né en Algérie), ses frères, la Bretagne, les vacances à Oléron, les études de philo, son service militaire avorté… Il revient sur le mal dont il souffre, la dépression, livrant abruptement une clé de sa personnalité. Il écrit : « Chaque fois que me prennent de profondes angoisses, de ces angoisses intolérables que rien ne peut apaiser, mon premier réflexe est de me réfugier dans une librairie. »

Un portrait sensible.

Célidan disparu, de Denis Podalydès, Mercure de France, 336 p., 2022, 21€.

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