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L’appel de la forêt de Machecoul

« Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? », à voir sur TMC


L’appel de la forêt de Machecoul
Pierre Mondy dans "Mais où est donc passée la septième compagnie ?" de Robert Lamoureux, 1973 © SIPA

« Mais où est donc passée la 7ème compagnie ? », film mémorable multirediffusé jusqu’à plus soif, qui fêtera ses 50 ans en décembre 2023, est de retour sur TMC dès le 18 janvier prochain…


La trilogie de Robert Lamoureux est un marqueur identitaire, consubstantiel à la gaudriole française et à l’esprit de résistance au sérieux. Mieux que Rimbaud ou Rabelais, que Renoir ou Rivette, cette farce soldatesque servie par des acteurs admirables sédimente tout ce qui est idéologiquement désormais interdit de penser ou d’afficher en public : la blague teutonne, le courage de fuir, l’éloge du saucisson à l’ail, de la nage indienne, de la chefferie un peu branque et sentimentale, de la braconne entre copains et de cette fameuse tenaille qui fit tant trembler (de rire) nos ennemis.

Il n’est pas trop fort d’affirmer qu’être Français, c’est aimer Cyrano, la 2ème DB, la galantine de volaille, Serge Lama, Nino Ferrer, la Renault 5 et la « 7ème » au clair de lune. Dans un pays exsangue qui régimente le langage et chasse la blague en meute, qui ne supporte ni le second degré, ni les films populistes, qui a horreur des Français moyens, qui leur dénie même le droit d’exister, revoir la « 7ème » est une manière de s’élever contre tous les progressistes gluants et de refuser leurs leçons orientées d’histoire. La « 7ème » est une pochade qui réussit à capter, à la fois les blessures de la guerre et qui fait acte de résilience. On devrait la montrer dans les écoles car elle résume assez finement l’état de sidération de nos aïeux, leur doute légitime devant un état-major dépassé, les combines du quotidien pour ne pas mourir de faim, de pauvres cloches face à l’engrenage infernal et des héros en carton-pâte. Un visage plus juste, plus équilibré, plus pondéré, moins sectaire aussi que tous les pensums censés nous instruire et nous faire culpabiliser.

La repentance est un plat qui se mange froid

On le sait, pendant ce long conflit, la France serra les dents, se terra souvent, fit le dos rond, oublia ses principes, regarda à côté pour ne pas voir l’infamie en marche et ne se remit jamais vraiment intellectuellement et psychologiquement de la Défaite de 1940. Alors qu’une poignée de résistants et de collaborateurs zélés s’engagèrent, les autres, dans leur immense majorité ne brillèrent ni par un courage démesuré, ni par des dégueulasseries sans nom. Ils tentèrent avec leurs moyens modestes de ne pas trop se fourvoyer tout en assurant l’ordinaire. Pouvoir se regarder dans le miroir sans trop rougir de honte, voilà un objectif des plus estimables. C’est pourquoi il est urgent d’être bienveillants avec nos grands-parents et de ne pas les brocarder hâtivement. La repentance, ce plat qui se mange froid, fait de nous des fils indignes.

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La « 7ème » nous montre sans grands mots, avec seulement la fantaisie du ridicule comment nous avons réussi à enjamber la Seconde Guerre mondiale. Le trait de Robert Lamoureux est férocement drôle sur notre caractère pusillanime, notre désorganisation infantile, notre couardise atavique, notre appel de l’estomac, nous passons plus de temps à manger qu’à guerroyer et, en même temps, il est tendre avec tous ses compatriotes embarqués dans ce maelstrom, et complètement acculés. Lamoureux n’humilie pas ses personnages, il leur restitue toujours une part d’humanité. Après tout, qui sommes-nous pour les juger ? Je me demande s’il serait possible aujourd’hui de se moquer (gentiment) ainsi des militaires, des commerçants, des prisonniers ou des ministères sans tomber dans un esprit revanchard. Tout est devenu si lourd dans notre pays. Le premier volet de la « 7ème » qui sera diffusé mercredi 18 janvier sur TMC doit son immense succès en salles et depuis maintenant presque 50 ans (il passe plusieurs fois chaque année à la télévision) à un casting haut de gamme, l’élite de la comédie de boulevard et du rire en cascade.

Scansion croquignolesque

Des professionnels du rythme et de la joute glandilleuse, des pyrotechniciens capables de déclencher l’hilarité collective, par un mouvement de paupières, un plongeon dans une rivière, une manœuvre à bord d’une dépanneuse de chars ou une scansion croquignolesque. L’inénarrable chef Chaudard interprété par Pierre Mondy est un régal de béatitudes absurdes. Quel prodigieux comédien, il était ! Entouré de Tassin (Aldo Maccione) et de Pithivier (Jean Lefebvre), il était au sommet de son art. Ne pas oublier également la présence débonnaire de Pierre Tornade, capitaine en déroute, à la fois désabusé et circonspect par l’attitude de ces trois hommes subitement animés d’une envie de combattre. Si on se lasse de la « 5ème » et d’une démocratie moribonde, la « 7ème » continue à nous amuser. C’est déjà beaucoup.     

Sur TMC (canal 10), le 18 janvier à 21h25.




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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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