Le poème du dimanche
Je me souviens que j’ai découvert Maurice Fombeure en classe de première, en cours de français et que j’ai compris à quel point la poésie allait occuper ma vie.
Je me souviens que Maurice Fombeure était le poète préféré de mon ami aujourd’hui disparu, bibliophile émérite et charmant, Jean-Yves Griette.
Je me souviens que Maurice Fombeure revenait souvent dans nos dîners avec un autre ami, le poète Eric Poindron dans son cabinet de curiosités de Boulogne.
Je me souviens que c’est Jean-Yves Griette qui avait déniché sur les Quais pour me l’offrir le Maurice Fombeure de Jean Rousselot dans la mythique collection Poètes d’Aujourd’hui chez Seghers, collection dont j’espère bien avoir, un de ces jours, tous les numéros parus.
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Je me souviens que celui consacré à Maurice Fombeure porte le numéro 57.
Je me souviens d’avoir offert à Jean-Yves Griette un recueil de souvenirs de Fombeure trouvé au Gibert de Montpellier.
Je me souviens que Maurice Fombeure était aussi le poète préféré de Michel Déon et qu’un de ses poèmes avait été lu lors de sa messe d’enterrement dans l’église de Saint-Germain-des-Prés.
Je me souviens que le poème que je vous présente ce dimanche est celui découvert dans ce cours de français, il y aura bientôt quarante-deux ans et que l’émotion est toujours la même.
Solitude
Je marche sans arrêt
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense de la mer,
Où l’on perçoit à peine
Le signe d’une étoile,
Le galop d’un cheval
Dans la rue, le matin,
L’agile des oiseaux
Sur les arbres de neige,
Le cri vert des bateaux
Dans les vagues de marbre.
Je marche sans arrêt
Perclus de solitude,
Dans ces déserts mortels
Tout luisants de regards.
J’entends autour de moi
Des plaintes étouffées,
Des soupirs de bonheur
Fragiles roses mortes.
Heureusement ma lampe,
Phare de mes automnes
Brille là-bas au loin
Dans le fond de mon cœur
Et m’attire, invincible,
Tout gluant de ténèbres.
Je monte un escalier
Dans cette énorme ville
Où gronde le murmure
Immense du malheur ;
O chat, lampe, famille,
Bonne humaine chaleur,
Sauvez-moi tous les soirs
Du naufrage intérieur,
De l’éternel naufrage !
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