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Immigration: n’écoutez pas les mandarins médiatiques, regardez vers le Danemark!

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Nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents sont prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin. La politique menée par les Danois les contrarie au plus haut point…


Tous les sondages récents confirment les attentes des Français à propos de l’immigration. Une majorité d’entre eux pensent que la France devrait imiter le Danemark, réduire drastiquement les flux migratoires légaux et combattre efficacement les illégaux. Mais cela ne convient pas à nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents ; prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin, les voici qui montent en chaire médiatique et sermonnent ces demeurés qui n’ont rien compris, ces arriérés qui sont contre l’immigration de masse, tous les Français qui pensent que cette dernière n’est pas une « chance pour la France ».

Des Danois réfractaires et…

Thomas Legrand donne d’abord des leçons de morale aux Danois. Dans son billet du 13 janvier paru dans Libération, il leur explique que la politique migratoire de leur gouvernement est un très mauvais signal envoyé à tous les Européens. L’État-providence social-démocrate mâtiné de conservatisme sur les questions d’immigration aboutit, selon lui, à un résultat détonant qu’il appelle « welfare-nationalisme » ou « national-social-démocratie » – une sorte de monstre malodorant tapi derrière un État-providence servant d’excuse à des mesures xénophobes. Pourtant, Thomas Legrand n’ignore sûrement pas que cette politique migratoire drastique a, en plus de faire chuter les entrées illégales de migrants au Danemark, plombé le parti nationaliste danois (Parti du peuple) qui avait fait de ce programme son fer de lance et n’a récolté que 2,6 % des votes aux dernières élections législatives. Cela devrait le ravir, mais rien n’y fait : « Un mouvement idéologique, hybride inquiétant entre la préservation de l’État social et une politique migratoire conservatrice, progresse en Europe, au point de passer pour une solution raisonnable », écrit ce journaliste d’extrême gauche qui n’a qu’un désir, un rêve, un souhait : voir débarquer en France et en Europe tout ce que le continent africain compte de nécessiteux fuyant la misère, la guerre, la peste, les djihadistes, la sécheresse, la famine, etc. Et tant pis si nous en crèverons – si tout le monde en crèvera, les Français, les Européens, et les Africains aussi, ceux restés en Afrique, gouvernés par des corrompus et incapables de régler leurs problèmes, et ceux sous-exploités en Europe par une bande de margoulins davosiens et mondialistes prêts à tout pour préserver leurs positions privilégiées. Thomas Legrand n’est pas au bout de ses peines. La Fondation Jean Jaurès, think tank d’obédience socialiste, vient en effet d’écrire un rapport dans lequel, après avoir dénoncé les stratégies appliquées en France par la gauche – entre autres, celle de l’autruche (on ne veut pas voir qu’une majorité de Français est préoccupée par l’immigration) et celle de l’esquive (on minimise l’importance de l’immigration dans l’opinion publique) – les auteurs rendent compte positivement de la politique migratoire sociale-démocrate danoise : « La principale réussite des sociaux-démocrates danois est d’avoir entamé une introspection sincère dans les archives de leur famille politique. […] Ils ont réussi à cette occasion à faire coïncider une volonté politique de fermeté régalienne et les valeurs traditionnelles et sociales de la gauche pour que la greffe idéologique puisse s’enraciner », écrivent les auteurs dudit rapport qui ne semblent pas redouter les fustigations d’un Thomas Legrand dénonçant pourtant avec force cris « le mauvais combo social-démocratie et nationalisme [qui] gagne du terrain du Danemark à la France ». Au moins ce dernier sera-t-il rassuré d’apprendre que, si « les ambitions sociales d’une politique authentiquement de gauche ne peuvent advenir sans une fermeté sur le plan régalien, notamment en matière d’immigration », la Fondation Jean Jaurès se refuse, comme il se doit, à « courir après le programme de la droite ou de l’extrême droite » – Ô Vertige de la politique politicienne !

A lire aussi : Cohn-Bendit: et la sobriété idéologique, alors?

Sur le plateau de “C à vous”, devant un Patrick Cohen et une Anne-Élisabeth Lemoine extrêmement accommodants, Narcisse Cohn-Bendit a pu, pour la millionième fois, se faire briller le nombril en donnant des leçons de morale aux Français. Ces derniers redoutent des flux migratoires trop importants ? C’est qu’ils sont victimes de « fake news » qui noircissent un tableau idyllique. En bon sophiste artificieux qu’il a toujours été, Cohn-Bendit compare l’immigration actuelle à l’exode des quatre millions de Juifs européens en 1938, refuse aux Français un récit national qui serait une « construction inutile », déclare qu’Éric Ciotti et Marine Le Pen font du complotisme, parle en vrac des Juifs du Marais, de ses fils qui ont épousé des femmes allemandes d’origine marocaine pour l’un et erythréenne pour l’autre, puis de « bons français » qui, eux aussi, comme certains immigrés, battent leurs femmes, enfin des Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Allemagne. Du grand délire. Et tout ça pour quoi ? Pour finir, comme d’habitude, par s’aligner sur la position capitalo-mondialiste et immigrationniste des familiers de Davos et de George Soros : la France, l’Allemagne, les États-Unis ont « besoin d’immigration », il faut régulariser tous les immigrés illégaux, il faut accueillir tous les migrants. « Il faut comprendre que les nouvelles mosaïques multiethniques installées une bonne fois pour toutes en Allemagne ainsi qu’en France redéfinissent et abrogent peut-être la notion d’une identité nationale », écrit dans son dernier livre [1] l’ancien soixante-huitard défendant un projet de société qui, en fin de compte, était déjà celui des libéraux-libertaires faussement révoltés de 68. Daniel Cohn-Bendit est resté ce petit-bourgeois qui aime à faire croire qu’il a toujours été un rebelle alors qu’il n’est jamais allé que dans le sens de ses intérêts qui croisaient souvent ceux des « élites » qu’il faisait semblant de combattre. « Si l’identité française, ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, vous fuyez le pays, c’est horrible », s’étouffe ce tartuffe qui aura profité toute sa vie d’une image chimérique, celle de révolté rouge puis vert proche des peuples européens – quand bien même il sera resté de bout en bout un maquisard de salon médiatique, un rebelle petit-bourgeois, un frondeur institutionnalisé, un révolutionnaire en pâte à modeler, pour finir par devenir, cruelle mais inévitable destinée, un macroniste-mondialiste davosien de la plus belle eau. Fuyez, M. Cohn-Bendit, fuyez, nous ne vous retenons pas !

… des Bretons pas assez accueillants au goût de France inter

Sur France Inter, en ce vendredi 13 janvier, Yaël Goosz donne des leçons de morale aux habitants de Callac. Ces derniers ont obligé leur maire à renoncer à l’installation de plusieurs dizaines de migrants dans leur commune. Yaël Goosz voit l’ombre d’Éric Zemmour derrière l’abandon de ce « projet humaniste » qui aurait « repeuplé et redynamisé » ce village. La larme à l’œil, l’éditorialiste considère que « Zemmour aura réussi à coloniser les esprits et à dénaturer la Bretagne et sa longue tradition d’accueil ». Il craint que, « contrairement aux directives d’Emmanuel Macron », d’autres communes rurales ne refusent ces magnifiques projets de repeuplement et, surtout, il redoute que le LR n’active, en contrepartie de son soutien à la réforme des retraites, une série d’amendements – la double peine effective pour les immigrés délinquants, le rétablissement du délit de séjour illégal et la fin du regroupement familial, entre autres – quand la loi immigration sera débattue à l’Assemblée nationale. Yaël Goosz ne s’apitoie jamais sur le sort des Français – il n’a de compassion que pour les immigrés, qu’il appelle systématiquement « réfugiés », et les maires confrontés à ces franchouillards ruraux qui renâclent devant un si prometteur « vivre ensemble » qui revivifierait nos campagnes, selon lui.

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Ces notables du monde médiatico-politique sermonnent les presque 70% de Français qui disent s’inquiéter d’une immigration que plus rien ne semble pouvoir endiguer – et même, si l’on lit bien l’entretien donné par la députée Edwige Diaz dans ces colonnes, qui pourrait s’amplifier à cause d’une régularisation massive des immigrés illégaux employés dans les « métiers en tension » voulue par le gouvernement. Où vivent-ils, ces mandarins médiatiques qui ne voient pas leurs compatriotes souffrir, qui ne veulent rien savoir de la délinquance, des trafics de drogue, de la violence qui pourrissent de plus en plus la vie des habitants de ce pays, y compris les habitants issus d’une immigration plus ancienne parfaitement intégrés ? Ne visitent-ils, d’Uber en Uber, que des quartiers Potemkine du « vivre ensemble » – semblables à ceux, magnifiquement agencés, qui illustrent les tracts de LFI au moment des élections ? Comment font-ils pour ne rien voir, pour ignorer les ravages civilisationnels, l’insécurité, le prosélytisme islamique, les changements visibles de population, de mœurs, de mentalités, dans des parties de plus en plus étendues de l’Hexagone pouvant atteindre la taille d’un département entier ? Quel est le secret de leur aveuglement ? Au moment où même François Bayrou ouvre enfin les yeux, demande sur BFMTV s’il est « légitime de ne pas renvoyer les gens (les migrants délinquants ou illégaux) simplement parce que leur pays est dans un désordre absolu », et considère que « la situation n’est plus supportable pour un très grand nombre de Français », ces notables employés à la propagande immigrationniste et multiculturaliste admonestent des Français désespérés n’aspirant pourtant qu’à vivre en paix, sans craindre de prendre un coup de couteau, de se faire violer en pleine rue, de se faire lyncher pour un « mauvais regard », une « cigarette refusée » ou un « comportement efféminé », de subir la loi des dealers ou d’être agressés dans les transports en commun, dans la rue ou chez eux. Ces Français-là disent ne plus reconnaître leur pays. Ils se taisent, ils ont peur, ils ne savent plus vers qui se tourner. Ils entendent parfois les sermons de nos prêtres sur les ondes de l’audiovisuel public – s’ils n’avaient pas autant de temps à consacrer à essayer de vivre à peu près convenablement, ils se déplaceraient volontiers pour aller dire leurs quatre vérités à ces idéologues méprisants qui ignorent tout de leurs vies. Sans doute en profiteraient-ils pour leur demander, eux aussi: « Où vivez-vous ? Dans quel monde ? Comment faites-vous pour ne rien voir ? »

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[1] Daniel Cohn-Bendit, Patrick Lemoine, Français mais pas Gaulois, Des étrangers qui ont fait la France, Editions Robert Laffond

La guerre écoresponsable n’existe pas

N’en déplaise aux défenseurs de la planète, le pétrole demeure le nerf d’une vraie guerre. Sans énergie fossile, impossible de faire rouler des chars et encore moins de faire voler des avions. Plusieurs pays développent des projets de véhicules hybrides, mais la guerre tout électrique n’est pas pour demain.


Just Stop Oil est un groupe anglais militant pour le climat qui s’attaque à des œuvres d’art célèbres pour exiger du gouvernement britannique qu’il s’engage à arrêter la production de combustibles fossiles (pétrole et gaz). Sans doute ces activistes ignorent-ils qu’en sortant du pétrole de manière brutale et unilatérale, leur pays se condamnerait à la vassalisation – à moins qu’ils s’en fichent. Ils ignorent aussi qu’en cela, ils sont les héritiers des pacifistes des années 1930. En effet, la guerre en Ukraine le démontre tous les jours, sans pétrole, il est impossible de faire la guerre, donc de se défendre contre un agresseur. À vrai dire, difficile de leur reprocher leur ignorance : ce sujet est totalement absent du débat sur la transition énergétique. Personne ne dit que la guerre électrique n’existe pas et n’existera pas avant très longtemps et qu’en conséquence, d’ici ce moment-là, notre liberté et notre indépendance seront tributaires de notre accès au pétrole.

Un véritable enjeu: le contrôle des hydrocarbures

Depuis la Première Guerre mondiale, le lien entre guerre et pétrole est évident. Voilà plus d’un siècle que les hydrocarbures sont la principale source d’énergie ainsi qu’une matière première importante pour la production de biens essentiels (plastiques, caoutchouc, fibres synthétiques, peintures) aux économies développées. Le contrôle de l’approvisionnement (disponibilité, prix) est donc un enjeu majeur pour tous les États et un enjeu vital pour les puissances : impossible d’être une puissance sans pouvoir s’assurer de la disponibilité de cette ressource à un prix abordable. Cependant, avec la transition énergétique, les politiques et les opinions publiques se détournent du pétrole et dans une moindre mesure du gaz, au profit des énergies renouvelables et non carbonées. Investir dans le pétrole devient de plus en plus compliqué et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommande même de cesser de construire de nouvelles installations. Les jeunes se désintéressent des métiers liés à cet écosystème et peu à peu, les compétences se perdent.

Or, justement, pour assurer l’approvisionnement en pétrole, il faut créer et contrôler une chaîne d’approvisionnement et de stockage allant du champ de production jusqu’à l’utilisateur final en passant par l’acheminement par la terre ou par mer et le raffinement. Il faut également s’assurer de l’existence d’un immense écosystème : l’industrie (pétrochimie, ainsi que la fabrication de machines et de tubes), les services, la formation aux différents métiers, l’exploration (pour chercher les champs exploitables dans dix ou vingt ans) et d’autres chaînons importants comme les professionnels du financement de ces différentes activités.

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La transition vers une électricité produite par le nucléaire et les énergies renouvelables fait l’objet d’un large consensus. Le déclin et le dépérissement de l’écosystème du pétrole semblent donc à la fois inéluctables et désirables. Certes, il existe des secteurs et des activités où les solutions de rechange sont pratiquement inexistantes (l’aviation par exemple), mais globalement la fin du pétrole, ou du moins sa marginalisation, est largement acceptée, notamment avec la fin de la production de voitures thermiques annoncée pour le milieu de la prochaine décennie. Cependant, si nous connaissons déjà des moyens de transport ne faisant pas appel au pétrole (voiture électrique avec pile chimique ou à l’hydrogène), ces technologies sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu’il faut les considérer comme pratiquement impossibles à réaliser, tout comme les véhicules blindés, l’artillerie, les engins de génie, les véhicules légers tout terrain, sans oublier les camions qui assurent l’approvisionnement des unités. Le moteur à combustion interne et son carburant sont si efficaces et souples qu’il est suicidaire de les remplacer. L’armée américaine envisage l’intégration de « véhicules électriques légers de reconnaissance », mais ce projet reste expérimental et c’est le cas dans d’autres armées également. La seule évolution réellement envisageable dans les quelques années à venir est l’introduction de la motorisation hybride sur le champ de bataille, ainsi que pour les véhicules de soutien aux combattants. Cette solution, qui n’est pas encore opérationnelle, pourrait certes diminuer la consommation d’hydrocarbures, mais pas la réduire à zéro. Le problème reste donc entier.

Une transition impossible à court-terme?

Pour l’armée de l’air, la démonstration est encore plus facile : qui peut imaginer un Rafale ou un transport A400M électrique ? Dans la marine, une motorisation nucléaire est envisageable technologiquement, mais à très long terme et pas partout.

Plusieurs armées se sont déjà lancées dans le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques. Ainsi, des prototypes de véhicules individuels sont déjà testés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Certains engins jouissent d’une autonomie de 300 à 350 kilomètres, comparable à celle de leurs jumeaux diesel. Allons-nous pour autant voir dans un avenir proche des brigades électriques ? C’est très peu probable. L’un des obstacles majeurs est la capacité de rechargement. Aujourd’hui, aucune armée ne dispose de la capacité de recharger un véhicule tactique ou de combat entièrement électrique dans un environnement de champ de bataille d’une grande intensité comme en Ukraine. Bien que les armées puissent tirer parti de la technologie et de l’expérience de la filière civile de voitures électriques, l’environnement du champ de bataille présente des exigences particulières.

Les stations de recharge commerciales sont fixes et lourdes, tandis que les forces terrestres ont besoin de chargeurs mobiles susceptibles d’être rapidement transportés d’un endroit à l’autre dans des conditions de combat, en terrain difficile et dans des conditions météorologiques compliquées. L’alimentation par un réseau électrique ne peut garantir ce niveau de mobilité et de flexibilité. Les chargeurs à usage civil sont bien sûr câblés sur le réseau commercial. Cela signifie qu’il faut développer une capacité de production d’énergie de plusieurs mégawatts pour alimenter le point de rechargement.

A lire aussi : «La transition écologique d’aujourd’hui est le recyclage de la transition socialiste d’hier»

Autre problème : les chargeurs commerciaux varient entre 400 kilowatts et 400 mégawatts. Mais, compte tenu de la taille des véhicules militaires et du besoin impératif de recharger rapidement et simultanément plusieurs plateformes à partir d’un seul chargeur, il faudrait disposer de chargeurs beaucoup plus grands. Enfin, ces stations de chargement devraient opérer efficacement dans le désert comme dans la jungle dans des conditions de températures extrêmes, d’exposition au sel et au sable, et de chocs et vibrations importants.

Ce problème de recharge tactique limite fortement la capacité à exploiter les nombreux avantages des véhicules militaires hautement électrifiés : furtivité – peu de bruit, pas de fumée, très peu de chaleur – et logistique simplifiée – moins de pièces de rechange, maintenance plus simple, fin de la nécessité d’acheminer du pétrole et des huiles.

Pour l’heure et dans un avenir envisageable, il faut retenir qu’un char Leclerc emporte 1 700 litres de carburant et en consomme 300 aux 100 kilomètres ! Quant à l’aviation, en vol normal un Rafale consomme environ 60 litres par minute. Tout ce carburant doit provenir de quelque part. La conclusion est claire : aussi longtemps que la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivront leurs stratégies de puissance appuyées sur des grandes armées de chars, blindés, frégates et avions, renoncer à la possibilité de s’approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer.

Pour des décennies encore, notre capacité à mener des conflits de haute intensité et de longue durée face à des adversaires étatiques puissants, comme c’est le cas en Ukraine, dépend du pétrole. Et pour pouvoir en disposer, il faut s’assurer que nous maintenions en bon état toutes les filières de production et d’approvisionnement. Sinon, dans une prochaine guerre, avant de manquer d’hommes, de munitions et de volonté, nous subirons une panne sèche. Aujourd’hui et pour longtemps encore, à côté de l’arme nucléaire, le pétrole est l’ultime garant de notre liberté.

Le Parti socialiste, requiem ou résurrection?

Le second tour du congrès PS verra s’affronter jeudi Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Le premier, accusé d’avoir renié le socialisme en se soumettant à LFI, est sérieusement inquiété par le maire de Rouen.


Il était une fois un parti qui avait structuré la vie politique française, un parti qui avait donné deux présidents à la Vème République. Le PS, du congrès d’Epinay en 71 à la renonciation de Hollande en 2016, était la force dominante à gauche. L’inspiration en était clairement sociale-démocrate, à l’époque où le mot voulait dire quelque chose, c’est-à-dire social-démocrate comme on l’entendait en  Suède jusqu’à une date récente : un État-providence fort qui voulait assurer un niveau de protection sociale élevé et le partage le plus équitable possible des richesses. 

Et ce,  sans nécessairement remettre en  question l’économie de marché mais en voulant éviter que la France, pour reprendre les mots de Jospin vainqueur des législatives en 1997, ne devienne « une société de marché ». La différence ? un certain nombre de biens communs ne pouvaient pas, ne devaient pas être soumis à une logique de profit et de rentabilité : l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la petite enfance, les personnes âgées… Une société où tout ne deviendrait pas marchandise.

Ça, c’était sur le papier. 

La lente catastrophe, pour le PS, a commencé en 1983, quand Delors, qui n’était pas socialiste, a gagné contre Chevènement, qui bientôt ne le serait plus. Pendant les deux premières années du premier septennat Mitterrand pourtant, les nationalisations, la retraite à 60 ans, les nouveaux droits accordés au travailleur au sein de l’entreprise, la semaine de tente-neuf heures, l’abolition de la peine de mort et des juridictions d’exception, tout avait montré ce à quoi aspirait le socialisme à la française. 

Le socialisme dure deux ans

On n’aime, on n’aime pas, mais au moins, c’était clair comme ce fut clair sur la période 97-99 de Jospin Premier ministre, avec les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. Seulement voilà, le PS au pouvoir, ça dure deux ans, moins que l’amour chez Beigbeder. Et chez Hollande en 2012, ça n’a pas duré du tout: d’emblée, l’ectoplasme s’est clairement positionné pour une politique blairiste, pro-business, privilégiant une politique de l’offre. Pas étonnant, d’ailleurs, que Macron le libéral soit né dans le giron du « président normal » qui a été jusqu’à faire voter, avant de partir, une loi Travail qui a fait pousser des soupirs orgasmiques au MEDEF.

En fait, ce qui a bien failli tuer le PS, c’est le macronisme. Le problème, c’est que le macronisme n’existe pas. Le macronisme n’est jamais que le nouveau nom de la droite centriste libérale et pro-européenne. Depuis 2017, le PS accroché à ses baronnies locales a vu ses électeurs partir chez les Insoumis ou chez Macron. Regardez cette gauche macroniste, d’Elisabeth Borne à Dussopt, pourtant élu sous l’étiquette PS en 2017. Ce sont eux qui sont à la manœuvre dans la contre-réforme actuelle des retraites. Bref, la gauche macroniste, c’est plus à droite que le Modem…

Pourtant, l’affaiblissement d’un appareil, l’hémorragie militante, ne signifient pas la disparition de ce corpus idéologique qui était celui du PS des origines. C’est en tout cas le pari d’Olivier Faure, actuel premier secrétaire, menacé de manière inattendue par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Olivier Faure croit que le score d’Hidalgo aux présidentielles ne signe pas la mort du PS, qu’il existe toujours un électorat potentiel qui se définit comme de gauche mais ne se reconnaît ni dans les outrances insoumises ni dans le social-libéralisme des derniers fidèles du calamiteux Hollande. 

D’ailleurs, la candidate au poste de premier secrétaire, Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin, se réclamant explicitement de Hollande, Le Fol, Cazeneuve, a été éliminée dès le premier tour. On avait déjà vu, d’ailleurs, que la plupart des candidats socialistes hors Nupes présenté lors des législatives de 2022, (par exemple les poulains de Carole Delga en Nouvelle Aquitaine) ont été sèchement battus lors de ces primaires sauvages. 

Un duel Faure / Mayer-Rossignol

Nicolas Mayer-Rossignol, lui, la joue plus subtile. Il croit aussi à l’existence de cet électorat orphelin. Des gens qui ont enfin compris que Macron n’ a pas de jambe gauche,  des gens qui ont voté par défaut pour Mélenchon en 2022. Mais il pense que pour redonner sa place de première force à gauche au PS, il faut sortir de la Nupes. Faure pense le contraire. Les turbulences chez les Insoumis, qui ressemblent plus à une implosion lente qu’à une crise de croissance, lui donneraient a priori raison. Le PS peut apparaître comme un recours pour l’électeur de gauche.

Ceux qui prédisent une explosion de PS, si Faure gagne, en seront pour leur frais. Il y aura encore quelques départs chez Macron, mais guère plus. Le PS, enfin débarrassé des débris du hollandisme, apparaitra comme la seule force historique de la gauche qui, malgré ses trahisons, ses renoncements, a tout de même concrètement réussi à changer la vie des gens, là où Mélenchon semble condamné, comme Marine Le Pen, à jouer un éternel rôle tribunicien.

Bien sûr, cela va être plus compliqué si c’est le maire de Rouen qui gagne. Il a de grands risques que le PS devienne, à l’instar des radicaux de gauche, mais aussi d’une certaine manière de LR, une force d’appoint tenue par un syndicat d’élus.

Autant dire que ce qui va se jouer dans le vote serré de 40 000 adhérents socialistes, c’est aussi l’avenir de la gauche toute entière et sa chance de revenir aux affaires, dans un avenir proche…

Nathalie Rheims: la gamine et l’oiseau

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Dans Au long des Jours, Nathalie Rheims évoque un amour de jeunesse pour le chanteur Mouloudji et restitue les années 70


Elle a 18 ans, il en a trente-cinq de plus qu’elle, ça n’a pas d’importance puisqu’elle l’aime. Nous sommes à la fin des années 70. C’est une période de respiration profonde, où le mot liberté n’est pas galvaudé. Tout est encore possible, il faut seulement savoir saisir sa chance.

Elle se nomme Nathalie Rheims. Elle a été comédienne puis a écrit des romans. Sa sœur est la célèbre photographe, Bettina. Au long des jours lui est dédié. Leur père est Maurice Rheims, académicien, commissaire-priseur de grande réputation, homme couvert de femmes, comme son ami, l’écrivain Paul Morand, dont il fut l’un des exécuteurs testamentaires.

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Lui, l’oiseau de passage, mais pas de malheur, fut acteur, romancier, peintre et surtout chanteur. Il n’est jamais nommé par la gamine. Mais on sait tout de suite qui il est. La couverture du livre reproduit le Polaroid en noir et blanc pris par Bettina. Large sourire, cheveux de jais bouclés, regard tendre et tourmenté, Nathalie se serre contre lui, visage enfoui dans son cou, le bras entourant ses épaules. Lui, il a mis sa main sur sa taille. Les cheveux de la gamine cachent son regard. Elle sourit, d’un sourire juvénile et candide. Au fil des pages, Nathalie Rheims égrène les paroles de ses chansons. Les anciens reconnaîtront les tubes de leur adolescence.

Editions Léo Scheer

Il y en a un que je ne peux écouter sans éprouver une émotion chavirante : « Un jour tu verras ». La voix de Mouloudji m’a toujours ému. Une voix chaude, qui roule les « r », soutenue par un accordéon. « Une voix de velours à côtes » pour reprendre l’expression d’Antoine Blondin, citée par Nathalie Rheims.

L’oiseau est marié à une femme possessive, terriblement jalouse. Si l’on ajoute la grande différence d’âge, cela ne permet pas d’envisager une relation durable. Mais la gamine est attirée par son magnétisme, ses yeux tourmentés par la mort, sa peau tant de fois mordue par des femmes qui ne seront jamais des rivales.

Elle sait que le donjuanisme est une solitude cernée de présences féminines. Son père en est le meilleur exemple. Même si ce n’est pas un récit biographique, on en apprend beaucoup sur Mouloudji. Son appartenance au clan Sartre, son engagement communiste, son amitié avec Simone de Beauvoir qui corrigea ses premiers écrits, sa mère qui le battait pendant des crises de démence, son père, Saïd, venu de Kabylie, analphabète, la plupart du temps chômeur, qu’il vénérait. Son frère aîné, gravement malade, mort jeune. Nathalie Rheims avait, jusqu’à ce livre, dont le titre est celui d’une chanson de « son » oiseau, tenu secret leur amour.

A ne pas manquer, notre numéro en kiosques: Causeur: Arrêtez d’emmerder les automobilistes!

Elle nous offre un roman impressionniste, pudique et émouvant, surtout quand elle raconte leur ultime rencontre. Mouloudji a le visage émacié, la maladie est à l’œuvre, l’artiste refuse les traitements. « Il releva le col de son caban, et je le vis disparaître », écrit-elle sobrement.

Grâce au talent de la gamine, on a envie de réécouter les chansons de Marcel Mouloudji (1922/1994). C’est l’hiver, la mer est grise sur un horizon gris. « Merci pour les filles au corps de printemps ». Oui.

Nathalie Rheims, Au long des jours, Editions Léo Scheer.

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L’homme invisible est chinois

Pour échapper à la tyrannie de la surveillance chinoise, des étudiants de Wuhan ont développé une veste d’invisibilité permettant d’échapper aux caméras.


La Chine, symbole de la surveillance de masse, a de plus en plus des airs de pays orwellien. Le gouvernement de Pékin souhaite renforcer sa sécurité intérieure en devenant le leader mondial de l’intelligence artificielle d’ici 2030, avec un budget annuel de 60 milliards de dollars contre 20 milliards d’euros pour l’Union européenne. C’est grâce à l’intelligence artificielle que ses caméras de surveillance sont capables de reconnaître des visages avec une marge d’erreur de 1 sur 100 000, alors que la marge d’erreur de l’œil humain est de 1 sur 1 000. Elles reconnaissent les individus de dos, les changements brusques de comportement ou la modification de la température corporelle.

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Dans le top 20 des villes les plus surveillées, 18 sont chinoises, et plus de 600 millions de caméras de surveillance sont censées être installées avant la fin de cette année. Pour échapper à cette forme de tyrannie, quatre étudiants chinois, diplômés de l’université de Wuhan, viennent de développer un manteau d’invisibilité semblable à une tenue de camouflage, l’InvisiDefense. Il s’agit d’une veste dont les motifs élaborés aveuglent les caméras de surveillance le jour. Wen Hui, informaticien et membre de l’équipe, explique qu’ils ont utilisé un algorithme spécial pour concevoir une image apte à rendre la vision de la caméra inefficace. La nuit, le manteau utilise un autre dispositif pour permettre à l’individu qui le porte de changer de température et échapper aux caméras à imagerie thermique infrarouge. Ce manteau qui coûte peu à la fabrication (500 yuans soit 71 dollars) permet ainsi de masquer l’identité de la personne qui le porte. Les étudiants ont d’abord testé leur invention sur les caméras de sécurité du campus pour échapper à leur surveillance. Les résultats ont révélé une réduction de la précision de détection de 57%. Reste à savoir combien de temps il faudra au gouvernement pour interdire l’InvisiDefense et punir ses concepteurs.

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L’amour à mort? Mise en scène mythique, Isolde sacrifiée

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Tristan et Isolde de Richard Wagner à l’Opéra Bastille, du 17 janvier au 4 février 2023


Tristan et Isolde, parenthèse inouïe dans la vie créatrice du futur margrave de Bayreuth ! Mettant irrésistiblement de côté la composition de longue haleine de son Ring, Wagner en écrivit livret et partition de 1854 à 1857, entre Venise, Lucerne et son « asile » zurichois, transporté par sa passion secrète pour Mathilde Wesendonck, l’épouse de son richissime bienfaiteur. Le fameux prélude ne sera pas joué avant 1860, à Paris, le scandale de Tannhäuser y interdisant la création de l’œuvre intégrale. Et il faudra attendre l’intercession miraculeuse de Louis II de Bavière pour que ce poème lyrique opulent et somptueux, décidément poursuivi par la fatalité, soit exécuté, enfin, au Théâtre royal de la cour de Bavière, sous la direction de Hans von Bülow, en juin 1865, dans des conditions d’ailleurs assez burlesques. Mais passons.  

Mary Elisabeth Williams en Isolde, ça ne va pas trop

« Tristan… », comme les mordus affectionnent de couper le titre, n’a jamais cessé d’inspirer transpositions et extrapolations les plus folles. On se souvient que le génial cinéaste Lars Von Trier transfigurait son chef-d’œuvre absolu, Melancholia (2011), en enveloppant l’image dans le manteau ondoyant, extatique et capiteux de l’inoubliable prélude, qui s’étire sur une quinzaine de minutes. Et que dire de Patrice Chéreau, dont la régie milanaise, en 2007, sur un fabuleux décor de Richard Peduzzi, en reste une des versions les plus sensationnelles. Il est des scénographies plus controversées: telle celle signée par le réalisateur australien Simon Stone en 2011 à Aix-en-Provence, avec une Isolde empruntant la physionomie d’une patronne de start-up, un Tristan hors d’âge, et le jardin du château fort, toile de fond du 3ème acte selon le livret, reconstitué sous les espèces d’un trajet sur la ligne 11 du métro parisien, de la station Châtelet au terminus de la Porte des Lilas. 

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Toujours est-il que l’Opéra-Bastille ouvre cette année 2023 avec la reprise d’une mise en scène trempée dans la mythologie des représentations d’art lyrique:  celle de Peters Sellars, millésimée 2005. L’Américain (aujourd’hui âgé de 66 ans) fit en effet sensation alors, avec cette production minimaliste où la vidéo, signée de son compatriote Bill Viola (né en 1951), contrepoint d’une spatialisation graphique épurée (plateau intégralement de couleur noire, costumes idem), vient redoubler, sur écran géant et selon des formats variés, la figure du couple de légende : cérémonial filmé au ralenti et en continu, qui prend la forme d’une sorte de rituel amniotique, subaquatique et paysager, par moments d’une prodigieuse beauté plastique, en particulier au dernier acte. 

On se souvient que cette production (d’abord sous la direction d’Esa-Pekka Salonen puis du maestro russe Valery Gergiev) fut alors portée à des sommets par la grâce conjuguée de l’immense mezzo- soprano Waltraud Meier dans le rôle d’Isolde, et du ténor Ben Hepner dans celui de Tristan. Reprise en 2008 à la Bastille, toujours avec la légendaire Waltraut Meier (et, cette fois, Semyon Bychkov à la baguette), puis une nouvelle fois en 2018, la voilà donc qui nous revient encore: intacte et, disons-le, sans rides, tout au moins au plan visuel. 

Mary Elisabeth Williams D.R.

Il n’en va pas de même, hélas, quant à la distribution. Essentiellement par la faute de la soprano noire d’origine étasunienne Mary Elisabeth Williams qui, pour ses débuts à l’Opéra de Paris, n’est pas du tout à son affaire dans le rôle d’Isolde : aigus stridulants, voix éraillée, graves sans profondeur, articulation sommaire, gestuelle emprunte d’une théâtralité maladroite. Face à elle, le ténor suédois Michael Weinius campe un Tristan vocalement acceptable, en dépit d’un embonpoint mal accordé au personnage. 

Captivant Eric Owens

Le spectacle est sauvé, si l’on peut dire, par l’excellent baryton-basse Eric Owens en roi Marke, dont en particulier la longue et splendide confession, au troisième acte, captive le spectateur, lorsque son chant, d’une amplitude remarquable, se fait l’aveu de son amour sacrificiel pour Tristan… 

Neufs également à l’Opéra de Paris, la mezzo-soprano allemande Okka von der Damerau excelle dans le rôle de Brangäne, tout comme Kurneval sous les traits du baryton-basse Ryan Speedo Green, et le ténor anglais Neal Cooper, qui incarne Melot. 

Reste la musique, sublime, magnifiée par la direction d’orchestre subtilement acérée du grand Gustavo Dudamel, au pupitre de l’Orchestre National de Paris, à son meilleur au soir de la première…   

Tristan et Isolde. Opéra en trois actes de Richard Wagner (1865). Opéra Bastille. Direction : Gustavo Dudamel.  Orchestre et chœurs de l’Opéra National de Paris. Mise en scène : Peter Sellars. Création vidéo : Bill Viola.  Avec Mry Elisabteh Willians (Isolde), Gwyn Hughes Jonas (Tristan). Les 20, 23, 26 janvier, 1 et 4 février à 18h. Le 29 janvier à 14h. Durée du spectacle : 5 heures.

Nous ne pouvons rester spectateurs du déclin de la classe moyenne

2023 vient à peine de commencer que sa traversée s’annonce déjà compliquée pour un certain nombre d’entreprises et de travailleurs français. Plus la classe moyenne sera négligée, plus l’unité du collectif sera amenuisée, met en garde notre contributeur.


Cette nouvelle année coïncide en effet avec l’entrée en vigueur de nouveaux contrats d’électricité, dont les factures au prix sont multipliées par deux, trois, voire dix. L’explosion des prix de l’énergie et des coûts d’approvisionnement a d’ores-et-déjà contraint des entreprises à mettre la clé sous la porte, à l’instar de ces boulangers de la Vienne qui avaient vu leur contrat d’électricité passer de 1 600 à 9 800 euros. Dans le même temps, des grands groupes comme Cofigeo ferment temporairement des sites de production, envoyant ainsi au chômage technique des centaines de salariés. La crise actuelle emporte avec elle le double-risque d’écroulement de notre activité économique et de privations d’emplois pour des milliers de Français. Ce faisant, elle risque de provoquer une étape de plus dans le déclin de la « classe moyenne », lequel est déjà pourtant bien avancé. Or l’importance de cette catégorie de la population pour l’ensemble du corps social impose de la remettre sans attendre au centre des politiques publiques.

Des revenus qui s’étiolent

La classe moyenne, que l’on peut définir comme la part de la population française située entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches, est assez hétéroclite, car elle regroupe 50% – et donc la plupart – des Français. Née véritablement au début du XXème siècle, en raison de la croissance des salaires des professions intermédiaires, du déclin du rendement du capital des classes les plus aisées, ainsi que des politiques sociales à partir des années 1930, cette classe moyenne voit, depuis quarante ans environ, ses revenus s’étioler. Prenons l’exemple de la zone OCDE où, à l’exception de quelques pays, les revenus intermédiaires sont à peine plus élevés aujourd’hui qu’il y a dix ans, progressant de 0,3 % tout juste par an, selon un rapport de l’OCDE en 2019. En conséquence, alors que le revenu global des classes moyennes était quatre fois plus important que celui des 10 % les plus riches il y a 30 ans dans cette zone, aujourd’hui il y est moins de trois fois plus élevé. Cette catégorie de la population, dont la conscience de classe en France émergea au moment des Trente Glorieuses, a désormais conscience d’être aux postes avancés du déclassement.

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Le déclin de la classe moyenne traduit la relégation, si ce n’est l’abandon, des revendications de plusieurs catégories d’actifs, retraités et étudiants par une fraction des élites. Dit autrement, le corps central de la société n’est plus… l’objet central de l’attention. Que ce soit en matière de fiscalité, de pouvoir d’achat, d’insécurité, d’accès aux services publics, de fractures territoriales, d’accès à l’immobilier (rendu difficile par la hausse stratosphérique de son coût) : cette classe moyenne n’est plus vraiment écoutée. Il en résulte un profond malaise dans nos sociétés, dont le point culminant (jusqu’alors) en France fut la crise des Gilets Jaunes. En Angleterre, le sentiment de récession chronique depuis les prémices de ce siècle est d’autant plus palpable que la valeur réelle du salaire a diminué de 3,5% en quinze ans.

Les politiques ne gèrent que le court terme

Or les réformes actuelles du Gouvernement ne sont pas en mesure de répondre, véritablement, aux attentes des Français « moyens », c’est-à-dire de la plupart des Français. Une loi sur le pouvoir d’achat, des ré-indexations, des politiques ou modifications réglementaires partielles, ou des chèques ad hoc ne peuvent effectivement suffire à contrecarrer les évolutions brutales des prix, pas plus que le panier anti-inflation, récemment annoncé par le gouvernement dans Le Parisien et confirmé le 15 janvier à l’AFP, en cours d’élaboration. Ce panier, qui concernerait « une vingtaine de produits de première nécessité, que la grande distribution s’engagerait à vendre presque à prix coûtant », dixit le ministère du Commerce, aurait des effets positifs limités. En effet, dans une grande surface, on peut compter jusqu’à 20 000 références. 20 produits, cela représenterait donc seulement un millième de l’offre de la grande distribution (notons d’ailleurs que ce dispositif déjà en vigueur en Grèce concerne, quant à lui, 51 produits : ce n’est pas la même ampleur !). Les retombées pour les familles seraient donc relatives, et ce, bien qu’on ne puisse pas écarter une possible stabilisation des prix pour les produits de première nécessité concernés. En définitive, les mesures précitées peuvent, au mieux et durant un temps seulement, maintenir à flot le budget de certains ménages ; mais elles ne peuvent annihiler la spirale de la paupérisation qui touche, tout à la fois, les classes moyennes et les classes populaires de la société.

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Les classes moyennes demandent en effet à l’État considération et reconnaissance. Elles appellent de leurs vœux des politiques qui ne s’arrêtent pas à des visions court-termistes, mais envisagent aussi de répondre aux maux globaux du corps social sur la durée. Soit des politiques qui permettent un retour durable à l’emploi et à une activité de pointe, conditio sine qua non pour renouer avec la prospérité. Pour cela, il nous faut en priorité retrouver une industrie. Notons que si nous avions eu une industrie plus forte, nous n’aurions pas été aussi affectés par les crises récentes. Un emploi créé dans l’industrie, c’est quatre autres de créés derrière, c’est une activité productive facilitée et revigorée pour de nombreuses petites et moyennes entreprises, c’est la souveraineté et l’indépendance sur des secteurs-clés.

La faillite symbolique des Maisons Phénix

Pour sortir de cette spirale décliniste, l’État doit aussi faire de la lutte contre les iniquités sociales et fractures territoriales une priorité. Pour satisfaire à ces exigences, l’équité, et donc la prise en compte de la diversité des situations particulières selon Aristote, doit redevenir la boussole de l’État. En effet, c’est aussi cette classe moyenne qui peine à accéder aux services publics de première nécessité dans les territoires, qui est écartée des pôles émergents, qui ne parvient plus à accéder à un logement décent. La fermeture récente de Maisons Phénix, symbole de l’accession à la propriété des classes moyennes et du rêve pavillonnaire, est à cet égard très révélatrice. Obtenir un logement décent, y fonder une famille, avoir un travail stable : telles sont d’ailleurs des revendications majoritaires, au sein des 18-30 ans.

Il est fort dommageable que la classe moyenne soit aujourd’hui si peu considérée, car son déclin risque d’entraîner le délitement du corps social. La classe moyenne constitue en effet le maillon fort et central, par essence, de la société, sans qui cette dernière ne peut tenir dans la durée. Plus cette classe moyenne est ignorée, plus l’unité du collectif sera amenuisée. Si cette catégorie de la population continue d’être réduite à la portion congrue, l’ascenseur social, rendu possible par la Révolution et l’émergence du caractère fondamental du mérite dans nos sociétés, sera encore plus précarisé. En effet, l’écart de ressources entre les classes populaires et les classes aisées sera tel que la mobilité sociale sera bloquée. Cette classe moyenne, esseulée et impuissante face au déclassement économique, est donc si essentielle ; de sa survie, dépend l’avenir des classes populaires. Or personne ne souhaite que les classes pauvres soient cantonnées à le rester, ni ne soient délaissées.

Dans No Society, Christophe Guilluy écrit que « la disparition de la classe moyenne occidentale nous fait entrer dans une période chaotique où tout ce qui faisait le commun, de l’État providence au partage des valeurs, est peu à peu démantelé ». Tout est dit. Il est donc bel et bien temps d’y répondre, pour garantir l’unité du corps social et sa prospérité commune. Demain, la poursuite du déclin ou le sursaut ?

No society: La fin de la classe moyenne occidentale

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Macron/Daoud, chronique d’une rencontre

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Le Point a publié une longue interview d’Emmanuel Macron par Kamel Daoud (l’auteur de Meursault contre-enquête, Goncourt 2015) sur la rencontre à venir du président de la République avec l’Algérie, et une analyse lumineuse du romancier de la relation de la France à l’Algérie — et réciproquement. Comme dit notre chroniqueur, dans ces échanges, presque rien n’est vrai, tout est postures. Mais il émerge tout de même quelques précieux enseignements.


« Quand il fut à portée, Aghoo darda le harpon. Il le fit parce qu’il fallait le faire : mais il ne s’étonna pas en voyant Naoh éviter la pointe de corne. Et lui-même évita le harpon de l’adversaire. »

Remarquable perspicacité de Rosny Aîné dans cet avant-dernier chapitre de La Guerre du feu (1909). « Il le fit parce qu’il fallait le faire » : autant dire que la plupart de nos comportements sont, comme aux échecs, des coups obligés, auxquels répondent d’autres postures attendues. Comme disait Montaigne, « la plupart de nos vacations sont farcesques ». L’auteur des Essais, longtemps maire de Bordeaux, s’y connaissait en obligations politiques.

C’est l’impression dominante que m’ont laissée la longue interview du président de la République par Kamel Daoud sur le voyage prévu par Emmanuel Macron en Algérie cette semaine et l’analyse que le romancier algérien en tire.

Théâtre mémoriel

Le président de la République commence par relativiser le caractère novateur de cette visite, qui appartient à l’esthétique du rite républicain : « Dans la continuelle noce tantôt malheureuse tantôt heureuse entre la France et l’Algérie, ce genre de mœurs est ancien : le voyage « algérien » est aussi un rituel politique en France et un moment de démonstration d’« indépendance » en Algérie. » Pas de quoi susciter l’enthousiasme ou l’indignation : c’est du théâtre — Daoud parle d’ailleurs de « théâtralisation mémorielle » : « En Algérie, explique Kamel Daoud, on adore refaire la guerre à la France car la France est vitale à l’épopée, pour escamoter le présent. »

Et on sait ce qu’il en est des épopées. Les Grecs ont pu compter sur Homère pour transformer en épopée un raid opéré par les Grecs continentaux sur une cité grecque d’Asie mineure. Comme dit Ulysse dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu :

« Les Grecs pensent que Troie est riche, ses entrepôts magnifiques, sa banlieue fertile. Ils pensent qu’ils sont à l’étroit sur du roc. L’or de vos temples, celui de vos blés et de votre colza, ont fait à chacun de nos navires, de vos promontoires, un signe qu’il n’oublie pas. Il n’est pas très prudent d’avoir des dieux et des légumes trop dorés. »

D’une razzia impitoyable Homère a su tisser une épopée. Tout comme Virgile a donné des fondations héroïques à Rome, née de meurtres et de rapines. Alors, vous pensez l’Algérie ! D’une guerre militairement perdue le FLN s’est donné la tâche de faire une victoire éclatante — et les gouvernements successifs ont entretenu le mythe. Ce qui, comme le signale Daoud, évacue prestement la mainmise d’un clan de militaires et de religieux sur les ressources du pays, et oblitère 150 ans de colonisation largement bénéfique.

Kamel Daoud © Hannah Assouline

Mais ça, il ne faut pas le dire. La théâtralisation passe par la parole contrainte.

À noter que les imprécations lancées contre Macron, fin août, par « deux ou trois agitateurs barbus » sont elles aussi du théâtre. Une façon de montrer que l’on existe — et comme au théâtre, on parle fort dès que l’on souhaite masquer un vide du raisonnement.

A relire, Jean Sévillia: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

Très finement, Daoud explique qu’une interview d’un président de la République par un interlocuteur algérien est forcément biaisée : « Le dialogue, sous toutes ses formes, entre les deux pays n’est presque jamais une conversation : il est toujours décalé, interrompu par une latence entre les propos, qui laisse place aux détournements, aux convocations des faux et des vrais souvenirs collectifs. »

Et de préciser : « Ensuite il y a la théâtralisation presque inévitable : un intervieweur algérien parti recueillir la parole d’un président français n’est pas perçu en Algérie comme un journaliste dans l’exercice de son métier, mais comme une guerre à refaire. »

Un fardeau pour les Français

Macron n’a pas oublié l’essentiel de sa formation en khâgne à Henri-IV : l’art très dissertatif de balancer sans cesse son propos. « Prendre la parole sur l’Algérie », dit-il, est « potentiellement périlleux » mais « indispensable ». C’est une question « intérieure » pour la France, et une question « extérieure » vers l’Algérie.

Et d’évoquer le mythe de Sisyphe cher à Camus et par ricochet à Daoud. « Nous portons un poids sur les épaules qui rend les approches très compliquées », dit d’ailleurs Macron qui a lu certainement Kipling : c’est une autre version du « fardeau de l’homme blanc », un fardeau désormais partagé entre anciens colonisateurs et anciens colonisés.

Mais si les Algériens se crispent volontiers dans ce statut d’ex-colonisés et font mine d’arrêter l’Histoire, il y a beau temps que les Français ont oublié qu’ils furent colonisateurs. Le plus inextricable de la relation des deux pays est que les uns se sont figés dans une attitude victimaire, et que les autres ont continué à évoluer. Mon père a fait la guerre en Algérie, je m’y suis rendu moi-même en 1970, au plus fort de Boumediene, tout cela fait partie de mon histoire personnelle, mais ne pèse rien dans ma vie de Français en 2023. Comme dit Macron, « durant les dernières décennies, une France s’est construite dans une forme d’impératif d’oubli » — comme les Spartiates et les Athéniens ont eu pour consigne d’oublier leurs différends après la Guerre du Péloponnèse, de 431 à 404 av. JC. Mais au moins, vainqueurs et vaincus étaient-ils d’accord pour faire table rase du passé. Pas de ma faute si les Grecs anciens étaient plus intelligents que les ex-colonisés d’aujourd’hui, qui hurlent à la nomination de Benjamin Stora, et se contentent de leur vision orientée de l’Histoire, priée de réinventer les faits pour justifier les discours les plus injustifiables.

A lire aussi, Gabriel Robin: CHAN en Algérie: une nouvelle étape franchie dans les tensions algéro-marocaines

Un Algérien contemporain, qui a pourtant toutes les chances de ne pas avoir connu personnellement la guerre, se fait une montagne du souvenir de la guerre — ou plus exactement joue à s’en faire une montagne. Et les Français d’origine algérienne aussi, qui refusent, comme Benzema, de chanter la Marseillaise (Il ne jouera plus pour la France ? Bon débarras !) ou sifflent l’équipe de France de foot lorsqu’elle affronte l’Algérie.

Est-ce là l’expression d’un « trauma » comme semble le croire Macron, ou la pantomime d’un trauma joué ? Le refus de l’extrême-droite (enfin, ce que Macron appelle ainsi) de toute modification de la doxa sur l’indépendance est-elle, comme il l’affirme, un prétexte artificiel « de refoulé et de violence » ?

À l’intelligente question de Daoud (« Vous êtes comme moi né après les décolonisations. De quoi sommes-nous coupables ? De quoi sommes-nous innocents ? Sommes-nous les victimes du victimaire des deux côtés ? »)Macron, qui a fait assez de théâtre dans sa jeunesse et surtout depuis son entrée en politique pour connaître les vertus d’une parole suspendue, répond d’abord par un « long silence ». Et un truisme : « On porte notre passé, qu’on le veuille ou non » (Nota : toute personne qui répond à un argument astucieux par un lieu commun avoue au fond son incapacité à répondre au même degré d’intelligence).

Puis il note que cette guerre « produit encore du récit ». Et d’évoquer l’image de l’Angelus Novus de Paul Klee, qui va de l’avant en regardant en arrière, et « que Paul Ricœur avait mis dans La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli » : quand vous voulez contourner une question, faites une référence littéraire. C’est le B-A-BA de la technique khâgnale…

Et cela débouche sur le refus de présenter des excuses à l’Algérie, parce que, dit très bien Macron, « la fausse réponse est aussi violente que le déni ». Bien joué.

Au total, c’est une interview passionnante, où Emmanuel Macron globalement se place au niveau de Kamel Daoud. Comme quoi ce président que l’on sent si souvent faux, dans son phrasé impeccable lors des interviews télévisés, ne l’est qu’à cause de la faiblesse des journalistes qui lui servent la soupe. Nous en avons si peu qui aient la classe de Kamel Daoud…

Thiais, Gare du Nord, Strasbourg: le vol noir des couteaux sur la plaine

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Opinel, Laguiole, crans d’arrêt, papillons, de boucher, de chasse ou militaires. Oui, il faut parler des couteaux, mais surtout de ceux qui s’en servent.


Depuis quelques jours, quelques années diront les esprits les plus chagrins, les attaques au couteau se multiplient. Qu’ils soient motivés idéologiquement ou le produit de l’ensauvagement de la société française, ces drames semblent inévitables et la classe politique résignée.

Numéro 103 de Causeur, juillet 2022

Il y a de cela six jours, le journal Le Parisien publiait une enquête sur l’Opinel 13, un modèle de la célèbre marque d’une longueur totale de 50 centimètres. Prisé par les gangs et les rappeurs qui l’exhibent dans leurs vidéo-clips, à l’image du rappeur NM qui lui a carrément consacré une chanson, ce couteau est surnommé « le géant » dans les quartiers où il est une arme mythique. Malheureusement, la jeunesse des quartiers sensibles n’hésite pas à faire usage de ces armes autrement que pour animer leurs posts Instagram et leurs comptes Snapchat.

Tué devant son lycée

De plus en plus jeunes, les membres des bandes sont aussi de plus en plus violents. La vie n’a pour eux pas de valeur. Lundi 16 janvier, une bande a tué un jeune de 16 ans près du lycée Guillaume Apollinaire de Thiais, en blessant un autre gravement à la jambe. Les propos du procureur du parquet de Créteil, Stéphane Hardouin, font froid dans le dos: « Les agresseurs ont poursuivi les victimes sur quelques dizaines de mètres, l’un d’entre eux aurait alors fait usage d’une arme blanche. Sur place, plusieurs objets susceptibles de constituer des armes ont été retrouvés, à savoir deux gazeuses, un club de golf cassé et un morceau de bois. Trois cents mètres plus loin, un couteau a été retrouvé par la police municipale de Thiais ».

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Ces « rixes », ainsi pudiquement nommées, font maintenant partie du paysage des banlieues, à Paris comme à Marseille. Devenus majeurs, les « jeunes » troqueront l’opinel pour l’AK-47. Comment en sommes-nous arrivés là ? Interrogé sur BFMTV, un sociologue répondant au nom de Sauvadet a énuméré toutes les raisons possibles et imaginables, passant de la culture « gangsta rap » importée des Etats-Unis aux réseaux sociaux, devisant chômage et familles décomposées, évoquant le trafic de drogue et la puberté provoquant de profonds bouleversements hormonaux chez les adolescents de sexe masculin. Un peu plus et nous avions droit aux jeux-vidéos, aux gènes du guerrier et à la misère sexuelle houellebecquienne ! Peut-être qu’en fait de sociologues, nous devrions interroger des ethnologues et des anthropologues, mais passons.

Gare du Nord, silence on poinçonne !

Quelques jours en arrière, c’était en Gare du Nord qu’un couteau devenu fou perdait l’équilibre pour frapper six passants innocents qui attendaient leur train. Enfin, pas vraiment un couteau mais un « crochet métallique » – on retrouvera bientôt des masses d’armes, fléaux et haches à deux mains dans les rues, à ce rythme. Le profil de l’interpellé ne surprendra pas; un Libyen sous OQTF. Il y a d’ailleurs un truc puisqu’en l’espèce, l’OQTF ne pouvait être appliquée, en raison de l’instabilité régnant dans le pays de feu Mouammar Khadaffi… Eh oui, que voulez-vous, les autorités libyennes n’entretiennent pas de « canal d’échanges pour l’identification des ressortissants venus de Tripoli », comme l’ont confié des policiers déprimés.

Pis, l’auteur était connu sous plusieurs identités dans le fichier automatisé des empreintes digitales. On ne peut donc même pas affirmer avec certitude qu’il est bien Libyen, de nombreux Algériens utilisant ce « truc » pour éviter d’être expulsés. Où que l’on regarde, on voit une multiplication des faits de violence. Gratuits, motivés, de droit commun ou terroristes. Facile à transporter et difficilement détectable, le couteau reste une arme permettant un maximum de dégâts rapides. Il est presque impossible de s’en protéger, sans être soi-même équipé d’une arme à feu.

Il suffit d’ouvrir un journal local au hasard pour découvrir de nouveaux cas, ainsi cet homme à Strasbourg qui a agressé des passants samedi 14 janvier en hurlant Allah Akbar, ou de cet homme appréhendé Gare Montparnasse il y a quelques semaines avant de passer à l’acte. Partout, les couteaux s’aiguisent et sifflent. Il ne s’agit pas de faits divers isolés, mais bien d’un fait de société supplémentaire montrant la tiers-mondisation avancée de la France. Gageons qu’on nous proposera bientôt de limiter la circulation des couteaux sur le territoire français…


Élisabeth Lévy: « À Strasbourg, un homme agresse des passants et ça devient presque banal! »

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, chaque matin après le journal de 8h.

Statue à la Flotte-en-Ré: des laïques qui ont cent trains de retard!

Sur l’île de Ré, une statue de la Vierge Marie devra être démontée, au nom de la laïcité. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


La statue de la Vierge Marie, qui veille à un carrefour de la Flotte-en-Ré (17), a six mois pour se trouver un autre emplacement. C’est ce que vient de décider la justice administrative.

Cette statue, qui porte la mention «vœux de guerre», a été commandée par une famille reconnaissante parce que père et fils étaient revenus vivants de la Seconde Guerre mondiale. D’abord exposée dans un jardin privé, elle a été offerte à la commune qui l’a installée à un carrefour en 1983. Suite à un accident, elle a été surélevée en 2020. Sa visibilité accrue a dû énerver la « Libre pensée Charente-Maritime ».

Dénonçant une atteinte à la laïcité, cette association a déposé un recours. Le 13 janvier, la Cour administrative de Bordeaux a confirmé la décision du Tribunal administratif de Poitiers. Tout en admettant que «la commune n’avait pas l’intention d’exprimer une préférence religieuse », la Cour estime que « la figure de la Vierge Marie étant un personnage important de la religion chrétienne » (non, sans blague ?),et que « la statue présente par elle-même un caractère religieux». En vertu de la loi de 1905, elle ne peut donc pas être installée ainsi sur le domaine public. C’est le droit, parait-il. Sauf que le droit est évidemment une affaire d’interprétation. Pas sûr que les juges en auraient fait une lecture aussi stricte s’il s’était agi d’un symbole musulman.

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On me dira que, dans ce cas, c’est votre servante et toute la méchante réacosphère qu’on aurait entendu râler contre cette invasion de l’espace public par un symbole religieux. C’est bien possible. C’est qu’au-delà du droit, il y a l’histoire, la culture, l’expérience sensible. Musulmans, juifs athées et autres, sont des citoyens égaux, mais l’islam (et le judaïsme) n’ont pas le même statut que le catholicisme dans notre pays. Ils ont ajouté leur grain de sel au roman national, mais le catholicisme est notre fond de sauce culturel commun. La France est un pays de clochers. D’où que nous venions, nous sommes tous un peu des « cathos-zombies », comme disait Emmanuel Todd. À Marseille, tout le monde aime la Bonne Mère.

Il est vrai que les bouffeurs de curé appartiennent aussi à notre histoire. L’ennui c’est que ceux de La Libre pensée 17 ont 100 trains de retard. Ils se trompent de curés ! Ce ne sont pas des cathos qui menacent aujourd’hui la liberté de pensée, veulent embrigader les croyants et les séparer du reste de la société. Pourtant, pour nos libres penseurs – très soumis à la doxa, le seul séparatisme problématique, c’est dans les écoles cathos qu’ils le voient. Une visite sur leur site suffit à comprendre qu’ils sont monomaniaques. Sur la page d’accueil, on tombe sur un article au titre ronflant : « L’église doit payer, l’Eglise peut payer! », des tartines sur les abus sexuels ou encore les turpitudes de la monarchie. Autant dire que, sous prétexte de laïcité, dont ils se fichent complètement quand d’autres religions sont en jeu, ils sont en guerre contre le catholicisme. Ecrasons l’infâme. Derrière ce fatras très vintage, ce sont des islamo-gauchistes standard. Ainsi, sur la loi séparatisme, ils parlent d’ « ignominies racistes faites au nom de la laïcité », une petite musique bien connue.

Comme Mélenchon ou Cohn-Bendit, ces mal-nommés libres-penseurs veulent déconstruire l’identité française. C’est leur droit. Il est cependant fâcheux que la Justice leur donne un coup de main.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy chaque matin après le journal de 8 heures.

Immigration: n’écoutez pas les mandarins médiatiques, regardez vers le Danemark!

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Des migrants venus d'Allemagne, sur une autoroute au Danemark, le 9 septembre 2015 © Ernst van Norde/AP/SIPA

Nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents sont prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin. La politique menée par les Danois les contrarie au plus haut point…


Tous les sondages récents confirment les attentes des Français à propos de l’immigration. Une majorité d’entre eux pensent que la France devrait imiter le Danemark, réduire drastiquement les flux migratoires légaux et combattre efficacement les illégaux. Mais cela ne convient pas à nos pasteurs immigrationnistes les plus éminents ; prêts à tout pour ramener les brebis égarées sur le droit chemin, les voici qui montent en chaire médiatique et sermonnent ces demeurés qui n’ont rien compris, ces arriérés qui sont contre l’immigration de masse, tous les Français qui pensent que cette dernière n’est pas une « chance pour la France ».

Des Danois réfractaires et…

Thomas Legrand donne d’abord des leçons de morale aux Danois. Dans son billet du 13 janvier paru dans Libération, il leur explique que la politique migratoire de leur gouvernement est un très mauvais signal envoyé à tous les Européens. L’État-providence social-démocrate mâtiné de conservatisme sur les questions d’immigration aboutit, selon lui, à un résultat détonant qu’il appelle « welfare-nationalisme » ou « national-social-démocratie » – une sorte de monstre malodorant tapi derrière un État-providence servant d’excuse à des mesures xénophobes. Pourtant, Thomas Legrand n’ignore sûrement pas que cette politique migratoire drastique a, en plus de faire chuter les entrées illégales de migrants au Danemark, plombé le parti nationaliste danois (Parti du peuple) qui avait fait de ce programme son fer de lance et n’a récolté que 2,6 % des votes aux dernières élections législatives. Cela devrait le ravir, mais rien n’y fait : « Un mouvement idéologique, hybride inquiétant entre la préservation de l’État social et une politique migratoire conservatrice, progresse en Europe, au point de passer pour une solution raisonnable », écrit ce journaliste d’extrême gauche qui n’a qu’un désir, un rêve, un souhait : voir débarquer en France et en Europe tout ce que le continent africain compte de nécessiteux fuyant la misère, la guerre, la peste, les djihadistes, la sécheresse, la famine, etc. Et tant pis si nous en crèverons – si tout le monde en crèvera, les Français, les Européens, et les Africains aussi, ceux restés en Afrique, gouvernés par des corrompus et incapables de régler leurs problèmes, et ceux sous-exploités en Europe par une bande de margoulins davosiens et mondialistes prêts à tout pour préserver leurs positions privilégiées. Thomas Legrand n’est pas au bout de ses peines. La Fondation Jean Jaurès, think tank d’obédience socialiste, vient en effet d’écrire un rapport dans lequel, après avoir dénoncé les stratégies appliquées en France par la gauche – entre autres, celle de l’autruche (on ne veut pas voir qu’une majorité de Français est préoccupée par l’immigration) et celle de l’esquive (on minimise l’importance de l’immigration dans l’opinion publique) – les auteurs rendent compte positivement de la politique migratoire sociale-démocrate danoise : « La principale réussite des sociaux-démocrates danois est d’avoir entamé une introspection sincère dans les archives de leur famille politique. […] Ils ont réussi à cette occasion à faire coïncider une volonté politique de fermeté régalienne et les valeurs traditionnelles et sociales de la gauche pour que la greffe idéologique puisse s’enraciner », écrivent les auteurs dudit rapport qui ne semblent pas redouter les fustigations d’un Thomas Legrand dénonçant pourtant avec force cris « le mauvais combo social-démocratie et nationalisme [qui] gagne du terrain du Danemark à la France ». Au moins ce dernier sera-t-il rassuré d’apprendre que, si « les ambitions sociales d’une politique authentiquement de gauche ne peuvent advenir sans une fermeté sur le plan régalien, notamment en matière d’immigration », la Fondation Jean Jaurès se refuse, comme il se doit, à « courir après le programme de la droite ou de l’extrême droite » – Ô Vertige de la politique politicienne !

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Sur le plateau de “C à vous”, devant un Patrick Cohen et une Anne-Élisabeth Lemoine extrêmement accommodants, Narcisse Cohn-Bendit a pu, pour la millionième fois, se faire briller le nombril en donnant des leçons de morale aux Français. Ces derniers redoutent des flux migratoires trop importants ? C’est qu’ils sont victimes de « fake news » qui noircissent un tableau idyllique. En bon sophiste artificieux qu’il a toujours été, Cohn-Bendit compare l’immigration actuelle à l’exode des quatre millions de Juifs européens en 1938, refuse aux Français un récit national qui serait une « construction inutile », déclare qu’Éric Ciotti et Marine Le Pen font du complotisme, parle en vrac des Juifs du Marais, de ses fils qui ont épousé des femmes allemandes d’origine marocaine pour l’un et erythréenne pour l’autre, puis de « bons français » qui, eux aussi, comme certains immigrés, battent leurs femmes, enfin des Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Allemagne. Du grand délire. Et tout ça pour quoi ? Pour finir, comme d’habitude, par s’aligner sur la position capitalo-mondialiste et immigrationniste des familiers de Davos et de George Soros : la France, l’Allemagne, les États-Unis ont « besoin d’immigration », il faut régulariser tous les immigrés illégaux, il faut accueillir tous les migrants. « Il faut comprendre que les nouvelles mosaïques multiethniques installées une bonne fois pour toutes en Allemagne ainsi qu’en France redéfinissent et abrogent peut-être la notion d’une identité nationale », écrit dans son dernier livre [1] l’ancien soixante-huitard défendant un projet de société qui, en fin de compte, était déjà celui des libéraux-libertaires faussement révoltés de 68. Daniel Cohn-Bendit est resté ce petit-bourgeois qui aime à faire croire qu’il a toujours été un rebelle alors qu’il n’est jamais allé que dans le sens de ses intérêts qui croisaient souvent ceux des « élites » qu’il faisait semblant de combattre. « Si l’identité française, ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, vous fuyez le pays, c’est horrible », s’étouffe ce tartuffe qui aura profité toute sa vie d’une image chimérique, celle de révolté rouge puis vert proche des peuples européens – quand bien même il sera resté de bout en bout un maquisard de salon médiatique, un rebelle petit-bourgeois, un frondeur institutionnalisé, un révolutionnaire en pâte à modeler, pour finir par devenir, cruelle mais inévitable destinée, un macroniste-mondialiste davosien de la plus belle eau. Fuyez, M. Cohn-Bendit, fuyez, nous ne vous retenons pas !

… des Bretons pas assez accueillants au goût de France inter

Sur France Inter, en ce vendredi 13 janvier, Yaël Goosz donne des leçons de morale aux habitants de Callac. Ces derniers ont obligé leur maire à renoncer à l’installation de plusieurs dizaines de migrants dans leur commune. Yaël Goosz voit l’ombre d’Éric Zemmour derrière l’abandon de ce « projet humaniste » qui aurait « repeuplé et redynamisé » ce village. La larme à l’œil, l’éditorialiste considère que « Zemmour aura réussi à coloniser les esprits et à dénaturer la Bretagne et sa longue tradition d’accueil ». Il craint que, « contrairement aux directives d’Emmanuel Macron », d’autres communes rurales ne refusent ces magnifiques projets de repeuplement et, surtout, il redoute que le LR n’active, en contrepartie de son soutien à la réforme des retraites, une série d’amendements – la double peine effective pour les immigrés délinquants, le rétablissement du délit de séjour illégal et la fin du regroupement familial, entre autres – quand la loi immigration sera débattue à l’Assemblée nationale. Yaël Goosz ne s’apitoie jamais sur le sort des Français – il n’a de compassion que pour les immigrés, qu’il appelle systématiquement « réfugiés », et les maires confrontés à ces franchouillards ruraux qui renâclent devant un si prometteur « vivre ensemble » qui revivifierait nos campagnes, selon lui.

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Ces notables du monde médiatico-politique sermonnent les presque 70% de Français qui disent s’inquiéter d’une immigration que plus rien ne semble pouvoir endiguer – et même, si l’on lit bien l’entretien donné par la députée Edwige Diaz dans ces colonnes, qui pourrait s’amplifier à cause d’une régularisation massive des immigrés illégaux employés dans les « métiers en tension » voulue par le gouvernement. Où vivent-ils, ces mandarins médiatiques qui ne voient pas leurs compatriotes souffrir, qui ne veulent rien savoir de la délinquance, des trafics de drogue, de la violence qui pourrissent de plus en plus la vie des habitants de ce pays, y compris les habitants issus d’une immigration plus ancienne parfaitement intégrés ? Ne visitent-ils, d’Uber en Uber, que des quartiers Potemkine du « vivre ensemble » – semblables à ceux, magnifiquement agencés, qui illustrent les tracts de LFI au moment des élections ? Comment font-ils pour ne rien voir, pour ignorer les ravages civilisationnels, l’insécurité, le prosélytisme islamique, les changements visibles de population, de mœurs, de mentalités, dans des parties de plus en plus étendues de l’Hexagone pouvant atteindre la taille d’un département entier ? Quel est le secret de leur aveuglement ? Au moment où même François Bayrou ouvre enfin les yeux, demande sur BFMTV s’il est « légitime de ne pas renvoyer les gens (les migrants délinquants ou illégaux) simplement parce que leur pays est dans un désordre absolu », et considère que « la situation n’est plus supportable pour un très grand nombre de Français », ces notables employés à la propagande immigrationniste et multiculturaliste admonestent des Français désespérés n’aspirant pourtant qu’à vivre en paix, sans craindre de prendre un coup de couteau, de se faire violer en pleine rue, de se faire lyncher pour un « mauvais regard », une « cigarette refusée » ou un « comportement efféminé », de subir la loi des dealers ou d’être agressés dans les transports en commun, dans la rue ou chez eux. Ces Français-là disent ne plus reconnaître leur pays. Ils se taisent, ils ont peur, ils ne savent plus vers qui se tourner. Ils entendent parfois les sermons de nos prêtres sur les ondes de l’audiovisuel public – s’ils n’avaient pas autant de temps à consacrer à essayer de vivre à peu près convenablement, ils se déplaceraient volontiers pour aller dire leurs quatre vérités à ces idéologues méprisants qui ignorent tout de leurs vies. Sans doute en profiteraient-ils pour leur demander, eux aussi: « Où vivez-vous ? Dans quel monde ? Comment faites-vous pour ne rien voir ? »

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[1] Daniel Cohn-Bendit, Patrick Lemoine, Français mais pas Gaulois, Des étrangers qui ont fait la France, Editions Robert Laffond

La guerre écoresponsable n’existe pas

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Catapultage d’un avion Rafale depuis le porte-avion Charles-de-Gaulle, au large de Toulon, 5 juin 2007. Qui peut aujourd’hui envisager un Rafale électrique ? © PATRICK VALASSERIS/AFP

N’en déplaise aux défenseurs de la planète, le pétrole demeure le nerf d’une vraie guerre. Sans énergie fossile, impossible de faire rouler des chars et encore moins de faire voler des avions. Plusieurs pays développent des projets de véhicules hybrides, mais la guerre tout électrique n’est pas pour demain.


Just Stop Oil est un groupe anglais militant pour le climat qui s’attaque à des œuvres d’art célèbres pour exiger du gouvernement britannique qu’il s’engage à arrêter la production de combustibles fossiles (pétrole et gaz). Sans doute ces activistes ignorent-ils qu’en sortant du pétrole de manière brutale et unilatérale, leur pays se condamnerait à la vassalisation – à moins qu’ils s’en fichent. Ils ignorent aussi qu’en cela, ils sont les héritiers des pacifistes des années 1930. En effet, la guerre en Ukraine le démontre tous les jours, sans pétrole, il est impossible de faire la guerre, donc de se défendre contre un agresseur. À vrai dire, difficile de leur reprocher leur ignorance : ce sujet est totalement absent du débat sur la transition énergétique. Personne ne dit que la guerre électrique n’existe pas et n’existera pas avant très longtemps et qu’en conséquence, d’ici ce moment-là, notre liberté et notre indépendance seront tributaires de notre accès au pétrole.

Un véritable enjeu: le contrôle des hydrocarbures

Depuis la Première Guerre mondiale, le lien entre guerre et pétrole est évident. Voilà plus d’un siècle que les hydrocarbures sont la principale source d’énergie ainsi qu’une matière première importante pour la production de biens essentiels (plastiques, caoutchouc, fibres synthétiques, peintures) aux économies développées. Le contrôle de l’approvisionnement (disponibilité, prix) est donc un enjeu majeur pour tous les États et un enjeu vital pour les puissances : impossible d’être une puissance sans pouvoir s’assurer de la disponibilité de cette ressource à un prix abordable. Cependant, avec la transition énergétique, les politiques et les opinions publiques se détournent du pétrole et dans une moindre mesure du gaz, au profit des énergies renouvelables et non carbonées. Investir dans le pétrole devient de plus en plus compliqué et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommande même de cesser de construire de nouvelles installations. Les jeunes se désintéressent des métiers liés à cet écosystème et peu à peu, les compétences se perdent.

Or, justement, pour assurer l’approvisionnement en pétrole, il faut créer et contrôler une chaîne d’approvisionnement et de stockage allant du champ de production jusqu’à l’utilisateur final en passant par l’acheminement par la terre ou par mer et le raffinement. Il faut également s’assurer de l’existence d’un immense écosystème : l’industrie (pétrochimie, ainsi que la fabrication de machines et de tubes), les services, la formation aux différents métiers, l’exploration (pour chercher les champs exploitables dans dix ou vingt ans) et d’autres chaînons importants comme les professionnels du financement de ces différentes activités.

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La transition vers une électricité produite par le nucléaire et les énergies renouvelables fait l’objet d’un large consensus. Le déclin et le dépérissement de l’écosystème du pétrole semblent donc à la fois inéluctables et désirables. Certes, il existe des secteurs et des activités où les solutions de rechange sont pratiquement inexistantes (l’aviation par exemple), mais globalement la fin du pétrole, ou du moins sa marginalisation, est largement acceptée, notamment avec la fin de la production de voitures thermiques annoncée pour le milieu de la prochaine décennie. Cependant, si nous connaissons déjà des moyens de transport ne faisant pas appel au pétrole (voiture électrique avec pile chimique ou à l’hydrogène), ces technologies sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu’il faut les considérer comme pratiquement impossibles à réaliser, tout comme les véhicules blindés, l’artillerie, les engins de génie, les véhicules légers tout terrain, sans oublier les camions qui assurent l’approvisionnement des unités. Le moteur à combustion interne et son carburant sont si efficaces et souples qu’il est suicidaire de les remplacer. L’armée américaine envisage l’intégration de « véhicules électriques légers de reconnaissance », mais ce projet reste expérimental et c’est le cas dans d’autres armées également. La seule évolution réellement envisageable dans les quelques années à venir est l’introduction de la motorisation hybride sur le champ de bataille, ainsi que pour les véhicules de soutien aux combattants. Cette solution, qui n’est pas encore opérationnelle, pourrait certes diminuer la consommation d’hydrocarbures, mais pas la réduire à zéro. Le problème reste donc entier.

Une transition impossible à court-terme?

Pour l’armée de l’air, la démonstration est encore plus facile : qui peut imaginer un Rafale ou un transport A400M électrique ? Dans la marine, une motorisation nucléaire est envisageable technologiquement, mais à très long terme et pas partout.

Plusieurs armées se sont déjà lancées dans le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques. Ainsi, des prototypes de véhicules individuels sont déjà testés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Certains engins jouissent d’une autonomie de 300 à 350 kilomètres, comparable à celle de leurs jumeaux diesel. Allons-nous pour autant voir dans un avenir proche des brigades électriques ? C’est très peu probable. L’un des obstacles majeurs est la capacité de rechargement. Aujourd’hui, aucune armée ne dispose de la capacité de recharger un véhicule tactique ou de combat entièrement électrique dans un environnement de champ de bataille d’une grande intensité comme en Ukraine. Bien que les armées puissent tirer parti de la technologie et de l’expérience de la filière civile de voitures électriques, l’environnement du champ de bataille présente des exigences particulières.

Les stations de recharge commerciales sont fixes et lourdes, tandis que les forces terrestres ont besoin de chargeurs mobiles susceptibles d’être rapidement transportés d’un endroit à l’autre dans des conditions de combat, en terrain difficile et dans des conditions météorologiques compliquées. L’alimentation par un réseau électrique ne peut garantir ce niveau de mobilité et de flexibilité. Les chargeurs à usage civil sont bien sûr câblés sur le réseau commercial. Cela signifie qu’il faut développer une capacité de production d’énergie de plusieurs mégawatts pour alimenter le point de rechargement.

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Autre problème : les chargeurs commerciaux varient entre 400 kilowatts et 400 mégawatts. Mais, compte tenu de la taille des véhicules militaires et du besoin impératif de recharger rapidement et simultanément plusieurs plateformes à partir d’un seul chargeur, il faudrait disposer de chargeurs beaucoup plus grands. Enfin, ces stations de chargement devraient opérer efficacement dans le désert comme dans la jungle dans des conditions de températures extrêmes, d’exposition au sel et au sable, et de chocs et vibrations importants.

Ce problème de recharge tactique limite fortement la capacité à exploiter les nombreux avantages des véhicules militaires hautement électrifiés : furtivité – peu de bruit, pas de fumée, très peu de chaleur – et logistique simplifiée – moins de pièces de rechange, maintenance plus simple, fin de la nécessité d’acheminer du pétrole et des huiles.

Pour l’heure et dans un avenir envisageable, il faut retenir qu’un char Leclerc emporte 1 700 litres de carburant et en consomme 300 aux 100 kilomètres ! Quant à l’aviation, en vol normal un Rafale consomme environ 60 litres par minute. Tout ce carburant doit provenir de quelque part. La conclusion est claire : aussi longtemps que la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivront leurs stratégies de puissance appuyées sur des grandes armées de chars, blindés, frégates et avions, renoncer à la possibilité de s’approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer.

Pour des décennies encore, notre capacité à mener des conflits de haute intensité et de longue durée face à des adversaires étatiques puissants, comme c’est le cas en Ukraine, dépend du pétrole. Et pour pouvoir en disposer, il faut s’assurer que nous maintenions en bon état toutes les filières de production et d’approvisionnement. Sinon, dans une prochaine guerre, avant de manquer d’hommes, de munitions et de volonté, nous subirons une panne sèche. Aujourd’hui et pour longtemps encore, à côté de l’arme nucléaire, le pétrole est l’ultime garant de notre liberté.

Le Parti socialiste, requiem ou résurrection?

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Le socialiste Olivier Faure à Ivry sur Seine, 16 janvier 2023 © ISA HARSIN/SIPA

Le second tour du congrès PS verra s’affronter jeudi Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Le premier, accusé d’avoir renié le socialisme en se soumettant à LFI, est sérieusement inquiété par le maire de Rouen.


Il était une fois un parti qui avait structuré la vie politique française, un parti qui avait donné deux présidents à la Vème République. Le PS, du congrès d’Epinay en 71 à la renonciation de Hollande en 2016, était la force dominante à gauche. L’inspiration en était clairement sociale-démocrate, à l’époque où le mot voulait dire quelque chose, c’est-à-dire social-démocrate comme on l’entendait en  Suède jusqu’à une date récente : un État-providence fort qui voulait assurer un niveau de protection sociale élevé et le partage le plus équitable possible des richesses. 

Et ce,  sans nécessairement remettre en  question l’économie de marché mais en voulant éviter que la France, pour reprendre les mots de Jospin vainqueur des législatives en 1997, ne devienne « une société de marché ». La différence ? un certain nombre de biens communs ne pouvaient pas, ne devaient pas être soumis à une logique de profit et de rentabilité : l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la petite enfance, les personnes âgées… Une société où tout ne deviendrait pas marchandise.

Ça, c’était sur le papier. 

La lente catastrophe, pour le PS, a commencé en 1983, quand Delors, qui n’était pas socialiste, a gagné contre Chevènement, qui bientôt ne le serait plus. Pendant les deux premières années du premier septennat Mitterrand pourtant, les nationalisations, la retraite à 60 ans, les nouveaux droits accordés au travailleur au sein de l’entreprise, la semaine de tente-neuf heures, l’abolition de la peine de mort et des juridictions d’exception, tout avait montré ce à quoi aspirait le socialisme à la française. 

Le socialisme dure deux ans

On n’aime, on n’aime pas, mais au moins, c’était clair comme ce fut clair sur la période 97-99 de Jospin Premier ministre, avec les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. Seulement voilà, le PS au pouvoir, ça dure deux ans, moins que l’amour chez Beigbeder. Et chez Hollande en 2012, ça n’a pas duré du tout: d’emblée, l’ectoplasme s’est clairement positionné pour une politique blairiste, pro-business, privilégiant une politique de l’offre. Pas étonnant, d’ailleurs, que Macron le libéral soit né dans le giron du « président normal » qui a été jusqu’à faire voter, avant de partir, une loi Travail qui a fait pousser des soupirs orgasmiques au MEDEF.

En fait, ce qui a bien failli tuer le PS, c’est le macronisme. Le problème, c’est que le macronisme n’existe pas. Le macronisme n’est jamais que le nouveau nom de la droite centriste libérale et pro-européenne. Depuis 2017, le PS accroché à ses baronnies locales a vu ses électeurs partir chez les Insoumis ou chez Macron. Regardez cette gauche macroniste, d’Elisabeth Borne à Dussopt, pourtant élu sous l’étiquette PS en 2017. Ce sont eux qui sont à la manœuvre dans la contre-réforme actuelle des retraites. Bref, la gauche macroniste, c’est plus à droite que le Modem…

Pourtant, l’affaiblissement d’un appareil, l’hémorragie militante, ne signifient pas la disparition de ce corpus idéologique qui était celui du PS des origines. C’est en tout cas le pari d’Olivier Faure, actuel premier secrétaire, menacé de manière inattendue par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Olivier Faure croit que le score d’Hidalgo aux présidentielles ne signe pas la mort du PS, qu’il existe toujours un électorat potentiel qui se définit comme de gauche mais ne se reconnaît ni dans les outrances insoumises ni dans le social-libéralisme des derniers fidèles du calamiteux Hollande. 

D’ailleurs, la candidate au poste de premier secrétaire, Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin, se réclamant explicitement de Hollande, Le Fol, Cazeneuve, a été éliminée dès le premier tour. On avait déjà vu, d’ailleurs, que la plupart des candidats socialistes hors Nupes présenté lors des législatives de 2022, (par exemple les poulains de Carole Delga en Nouvelle Aquitaine) ont été sèchement battus lors de ces primaires sauvages. 

Un duel Faure / Mayer-Rossignol

Nicolas Mayer-Rossignol, lui, la joue plus subtile. Il croit aussi à l’existence de cet électorat orphelin. Des gens qui ont enfin compris que Macron n’ a pas de jambe gauche,  des gens qui ont voté par défaut pour Mélenchon en 2022. Mais il pense que pour redonner sa place de première force à gauche au PS, il faut sortir de la Nupes. Faure pense le contraire. Les turbulences chez les Insoumis, qui ressemblent plus à une implosion lente qu’à une crise de croissance, lui donneraient a priori raison. Le PS peut apparaître comme un recours pour l’électeur de gauche.

Ceux qui prédisent une explosion de PS, si Faure gagne, en seront pour leur frais. Il y aura encore quelques départs chez Macron, mais guère plus. Le PS, enfin débarrassé des débris du hollandisme, apparaitra comme la seule force historique de la gauche qui, malgré ses trahisons, ses renoncements, a tout de même concrètement réussi à changer la vie des gens, là où Mélenchon semble condamné, comme Marine Le Pen, à jouer un éternel rôle tribunicien.

Bien sûr, cela va être plus compliqué si c’est le maire de Rouen qui gagne. Il a de grands risques que le PS devienne, à l’instar des radicaux de gauche, mais aussi d’une certaine manière de LR, une force d’appoint tenue par un syndicat d’élus.

Autant dire que ce qui va se jouer dans le vote serré de 40 000 adhérents socialistes, c’est aussi l’avenir de la gauche toute entière et sa chance de revenir aux affaires, dans un avenir proche…

Nathalie Rheims: la gamine et l’oiseau

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L'écrivain Nathalie Rheims © Philippe Conrad

Dans Au long des Jours, Nathalie Rheims évoque un amour de jeunesse pour le chanteur Mouloudji et restitue les années 70


Elle a 18 ans, il en a trente-cinq de plus qu’elle, ça n’a pas d’importance puisqu’elle l’aime. Nous sommes à la fin des années 70. C’est une période de respiration profonde, où le mot liberté n’est pas galvaudé. Tout est encore possible, il faut seulement savoir saisir sa chance.

Elle se nomme Nathalie Rheims. Elle a été comédienne puis a écrit des romans. Sa sœur est la célèbre photographe, Bettina. Au long des jours lui est dédié. Leur père est Maurice Rheims, académicien, commissaire-priseur de grande réputation, homme couvert de femmes, comme son ami, l’écrivain Paul Morand, dont il fut l’un des exécuteurs testamentaires.

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Lui, l’oiseau de passage, mais pas de malheur, fut acteur, romancier, peintre et surtout chanteur. Il n’est jamais nommé par la gamine. Mais on sait tout de suite qui il est. La couverture du livre reproduit le Polaroid en noir et blanc pris par Bettina. Large sourire, cheveux de jais bouclés, regard tendre et tourmenté, Nathalie se serre contre lui, visage enfoui dans son cou, le bras entourant ses épaules. Lui, il a mis sa main sur sa taille. Les cheveux de la gamine cachent son regard. Elle sourit, d’un sourire juvénile et candide. Au fil des pages, Nathalie Rheims égrène les paroles de ses chansons. Les anciens reconnaîtront les tubes de leur adolescence.

Editions Léo Scheer

Il y en a un que je ne peux écouter sans éprouver une émotion chavirante : « Un jour tu verras ». La voix de Mouloudji m’a toujours ému. Une voix chaude, qui roule les « r », soutenue par un accordéon. « Une voix de velours à côtes » pour reprendre l’expression d’Antoine Blondin, citée par Nathalie Rheims.

L’oiseau est marié à une femme possessive, terriblement jalouse. Si l’on ajoute la grande différence d’âge, cela ne permet pas d’envisager une relation durable. Mais la gamine est attirée par son magnétisme, ses yeux tourmentés par la mort, sa peau tant de fois mordue par des femmes qui ne seront jamais des rivales.

Elle sait que le donjuanisme est une solitude cernée de présences féminines. Son père en est le meilleur exemple. Même si ce n’est pas un récit biographique, on en apprend beaucoup sur Mouloudji. Son appartenance au clan Sartre, son engagement communiste, son amitié avec Simone de Beauvoir qui corrigea ses premiers écrits, sa mère qui le battait pendant des crises de démence, son père, Saïd, venu de Kabylie, analphabète, la plupart du temps chômeur, qu’il vénérait. Son frère aîné, gravement malade, mort jeune. Nathalie Rheims avait, jusqu’à ce livre, dont le titre est celui d’une chanson de « son » oiseau, tenu secret leur amour.

A ne pas manquer, notre numéro en kiosques: Causeur: Arrêtez d’emmerder les automobilistes!

Elle nous offre un roman impressionniste, pudique et émouvant, surtout quand elle raconte leur ultime rencontre. Mouloudji a le visage émacié, la maladie est à l’œuvre, l’artiste refuse les traitements. « Il releva le col de son caban, et je le vis disparaître », écrit-elle sobrement.

Grâce au talent de la gamine, on a envie de réécouter les chansons de Marcel Mouloudji (1922/1994). C’est l’hiver, la mer est grise sur un horizon gris. « Merci pour les filles au corps de printemps ». Oui.

Nathalie Rheims, Au long des jours, Editions Léo Scheer.

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L’homme invisible est chinois

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D.R

Pour échapper à la tyrannie de la surveillance chinoise, des étudiants de Wuhan ont développé une veste d’invisibilité permettant d’échapper aux caméras.


La Chine, symbole de la surveillance de masse, a de plus en plus des airs de pays orwellien. Le gouvernement de Pékin souhaite renforcer sa sécurité intérieure en devenant le leader mondial de l’intelligence artificielle d’ici 2030, avec un budget annuel de 60 milliards de dollars contre 20 milliards d’euros pour l’Union européenne. C’est grâce à l’intelligence artificielle que ses caméras de surveillance sont capables de reconnaître des visages avec une marge d’erreur de 1 sur 100 000, alors que la marge d’erreur de l’œil humain est de 1 sur 1 000. Elles reconnaissent les individus de dos, les changements brusques de comportement ou la modification de la température corporelle.

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Dans le top 20 des villes les plus surveillées, 18 sont chinoises, et plus de 600 millions de caméras de surveillance sont censées être installées avant la fin de cette année. Pour échapper à cette forme de tyrannie, quatre étudiants chinois, diplômés de l’université de Wuhan, viennent de développer un manteau d’invisibilité semblable à une tenue de camouflage, l’InvisiDefense. Il s’agit d’une veste dont les motifs élaborés aveuglent les caméras de surveillance le jour. Wen Hui, informaticien et membre de l’équipe, explique qu’ils ont utilisé un algorithme spécial pour concevoir une image apte à rendre la vision de la caméra inefficace. La nuit, le manteau utilise un autre dispositif pour permettre à l’individu qui le porte de changer de température et échapper aux caméras à imagerie thermique infrarouge. Ce manteau qui coûte peu à la fabrication (500 yuans soit 71 dollars) permet ainsi de masquer l’identité de la personne qui le porte. Les étudiants ont d’abord testé leur invention sur les caméras de sécurité du campus pour échapper à leur surveillance. Les résultats ont révélé une réduction de la précision de détection de 57%. Reste à savoir combien de temps il faudra au gouvernement pour interdire l’InvisiDefense et punir ses concepteurs.

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L’amour à mort? Mise en scène mythique, Isolde sacrifiée

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Tristan et Isolde, 13 janvier 2023 © Elisa Haberer - Opéra national de Paris

Tristan et Isolde de Richard Wagner à l’Opéra Bastille, du 17 janvier au 4 février 2023


Tristan et Isolde, parenthèse inouïe dans la vie créatrice du futur margrave de Bayreuth ! Mettant irrésistiblement de côté la composition de longue haleine de son Ring, Wagner en écrivit livret et partition de 1854 à 1857, entre Venise, Lucerne et son « asile » zurichois, transporté par sa passion secrète pour Mathilde Wesendonck, l’épouse de son richissime bienfaiteur. Le fameux prélude ne sera pas joué avant 1860, à Paris, le scandale de Tannhäuser y interdisant la création de l’œuvre intégrale. Et il faudra attendre l’intercession miraculeuse de Louis II de Bavière pour que ce poème lyrique opulent et somptueux, décidément poursuivi par la fatalité, soit exécuté, enfin, au Théâtre royal de la cour de Bavière, sous la direction de Hans von Bülow, en juin 1865, dans des conditions d’ailleurs assez burlesques. Mais passons.  

Mary Elisabeth Williams en Isolde, ça ne va pas trop

« Tristan… », comme les mordus affectionnent de couper le titre, n’a jamais cessé d’inspirer transpositions et extrapolations les plus folles. On se souvient que le génial cinéaste Lars Von Trier transfigurait son chef-d’œuvre absolu, Melancholia (2011), en enveloppant l’image dans le manteau ondoyant, extatique et capiteux de l’inoubliable prélude, qui s’étire sur une quinzaine de minutes. Et que dire de Patrice Chéreau, dont la régie milanaise, en 2007, sur un fabuleux décor de Richard Peduzzi, en reste une des versions les plus sensationnelles. Il est des scénographies plus controversées: telle celle signée par le réalisateur australien Simon Stone en 2011 à Aix-en-Provence, avec une Isolde empruntant la physionomie d’une patronne de start-up, un Tristan hors d’âge, et le jardin du château fort, toile de fond du 3ème acte selon le livret, reconstitué sous les espèces d’un trajet sur la ligne 11 du métro parisien, de la station Châtelet au terminus de la Porte des Lilas. 

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Toujours est-il que l’Opéra-Bastille ouvre cette année 2023 avec la reprise d’une mise en scène trempée dans la mythologie des représentations d’art lyrique:  celle de Peters Sellars, millésimée 2005. L’Américain (aujourd’hui âgé de 66 ans) fit en effet sensation alors, avec cette production minimaliste où la vidéo, signée de son compatriote Bill Viola (né en 1951), contrepoint d’une spatialisation graphique épurée (plateau intégralement de couleur noire, costumes idem), vient redoubler, sur écran géant et selon des formats variés, la figure du couple de légende : cérémonial filmé au ralenti et en continu, qui prend la forme d’une sorte de rituel amniotique, subaquatique et paysager, par moments d’une prodigieuse beauté plastique, en particulier au dernier acte. 

On se souvient que cette production (d’abord sous la direction d’Esa-Pekka Salonen puis du maestro russe Valery Gergiev) fut alors portée à des sommets par la grâce conjuguée de l’immense mezzo- soprano Waltraud Meier dans le rôle d’Isolde, et du ténor Ben Hepner dans celui de Tristan. Reprise en 2008 à la Bastille, toujours avec la légendaire Waltraut Meier (et, cette fois, Semyon Bychkov à la baguette), puis une nouvelle fois en 2018, la voilà donc qui nous revient encore: intacte et, disons-le, sans rides, tout au moins au plan visuel. 

Mary Elisabeth Williams D.R.

Il n’en va pas de même, hélas, quant à la distribution. Essentiellement par la faute de la soprano noire d’origine étasunienne Mary Elisabeth Williams qui, pour ses débuts à l’Opéra de Paris, n’est pas du tout à son affaire dans le rôle d’Isolde : aigus stridulants, voix éraillée, graves sans profondeur, articulation sommaire, gestuelle emprunte d’une théâtralité maladroite. Face à elle, le ténor suédois Michael Weinius campe un Tristan vocalement acceptable, en dépit d’un embonpoint mal accordé au personnage. 

Captivant Eric Owens

Le spectacle est sauvé, si l’on peut dire, par l’excellent baryton-basse Eric Owens en roi Marke, dont en particulier la longue et splendide confession, au troisième acte, captive le spectateur, lorsque son chant, d’une amplitude remarquable, se fait l’aveu de son amour sacrificiel pour Tristan… 

Neufs également à l’Opéra de Paris, la mezzo-soprano allemande Okka von der Damerau excelle dans le rôle de Brangäne, tout comme Kurneval sous les traits du baryton-basse Ryan Speedo Green, et le ténor anglais Neal Cooper, qui incarne Melot. 

Reste la musique, sublime, magnifiée par la direction d’orchestre subtilement acérée du grand Gustavo Dudamel, au pupitre de l’Orchestre National de Paris, à son meilleur au soir de la première…   

Tristan et Isolde. Opéra en trois actes de Richard Wagner (1865). Opéra Bastille. Direction : Gustavo Dudamel.  Orchestre et chœurs de l’Opéra National de Paris. Mise en scène : Peter Sellars. Création vidéo : Bill Viola.  Avec Mry Elisabteh Willians (Isolde), Gwyn Hughes Jonas (Tristan). Les 20, 23, 26 janvier, 1 et 4 février à 18h. Le 29 janvier à 14h. Durée du spectacle : 5 heures.

Nous ne pouvons rester spectateurs du déclin de la classe moyenne

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Centre Commercial Carrefour Nice Lingostiere, Nice, le 25/11/22 © SYSPEO/SIPA

2023 vient à peine de commencer que sa traversée s’annonce déjà compliquée pour un certain nombre d’entreprises et de travailleurs français. Plus la classe moyenne sera négligée, plus l’unité du collectif sera amenuisée, met en garde notre contributeur.


Cette nouvelle année coïncide en effet avec l’entrée en vigueur de nouveaux contrats d’électricité, dont les factures au prix sont multipliées par deux, trois, voire dix. L’explosion des prix de l’énergie et des coûts d’approvisionnement a d’ores-et-déjà contraint des entreprises à mettre la clé sous la porte, à l’instar de ces boulangers de la Vienne qui avaient vu leur contrat d’électricité passer de 1 600 à 9 800 euros. Dans le même temps, des grands groupes comme Cofigeo ferment temporairement des sites de production, envoyant ainsi au chômage technique des centaines de salariés. La crise actuelle emporte avec elle le double-risque d’écroulement de notre activité économique et de privations d’emplois pour des milliers de Français. Ce faisant, elle risque de provoquer une étape de plus dans le déclin de la « classe moyenne », lequel est déjà pourtant bien avancé. Or l’importance de cette catégorie de la population pour l’ensemble du corps social impose de la remettre sans attendre au centre des politiques publiques.

Des revenus qui s’étiolent

La classe moyenne, que l’on peut définir comme la part de la population française située entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches, est assez hétéroclite, car elle regroupe 50% – et donc la plupart – des Français. Née véritablement au début du XXème siècle, en raison de la croissance des salaires des professions intermédiaires, du déclin du rendement du capital des classes les plus aisées, ainsi que des politiques sociales à partir des années 1930, cette classe moyenne voit, depuis quarante ans environ, ses revenus s’étioler. Prenons l’exemple de la zone OCDE où, à l’exception de quelques pays, les revenus intermédiaires sont à peine plus élevés aujourd’hui qu’il y a dix ans, progressant de 0,3 % tout juste par an, selon un rapport de l’OCDE en 2019. En conséquence, alors que le revenu global des classes moyennes était quatre fois plus important que celui des 10 % les plus riches il y a 30 ans dans cette zone, aujourd’hui il y est moins de trois fois plus élevé. Cette catégorie de la population, dont la conscience de classe en France émergea au moment des Trente Glorieuses, a désormais conscience d’être aux postes avancés du déclassement.

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Le déclin de la classe moyenne traduit la relégation, si ce n’est l’abandon, des revendications de plusieurs catégories d’actifs, retraités et étudiants par une fraction des élites. Dit autrement, le corps central de la société n’est plus… l’objet central de l’attention. Que ce soit en matière de fiscalité, de pouvoir d’achat, d’insécurité, d’accès aux services publics, de fractures territoriales, d’accès à l’immobilier (rendu difficile par la hausse stratosphérique de son coût) : cette classe moyenne n’est plus vraiment écoutée. Il en résulte un profond malaise dans nos sociétés, dont le point culminant (jusqu’alors) en France fut la crise des Gilets Jaunes. En Angleterre, le sentiment de récession chronique depuis les prémices de ce siècle est d’autant plus palpable que la valeur réelle du salaire a diminué de 3,5% en quinze ans.

Les politiques ne gèrent que le court terme

Or les réformes actuelles du Gouvernement ne sont pas en mesure de répondre, véritablement, aux attentes des Français « moyens », c’est-à-dire de la plupart des Français. Une loi sur le pouvoir d’achat, des ré-indexations, des politiques ou modifications réglementaires partielles, ou des chèques ad hoc ne peuvent effectivement suffire à contrecarrer les évolutions brutales des prix, pas plus que le panier anti-inflation, récemment annoncé par le gouvernement dans Le Parisien et confirmé le 15 janvier à l’AFP, en cours d’élaboration. Ce panier, qui concernerait « une vingtaine de produits de première nécessité, que la grande distribution s’engagerait à vendre presque à prix coûtant », dixit le ministère du Commerce, aurait des effets positifs limités. En effet, dans une grande surface, on peut compter jusqu’à 20 000 références. 20 produits, cela représenterait donc seulement un millième de l’offre de la grande distribution (notons d’ailleurs que ce dispositif déjà en vigueur en Grèce concerne, quant à lui, 51 produits : ce n’est pas la même ampleur !). Les retombées pour les familles seraient donc relatives, et ce, bien qu’on ne puisse pas écarter une possible stabilisation des prix pour les produits de première nécessité concernés. En définitive, les mesures précitées peuvent, au mieux et durant un temps seulement, maintenir à flot le budget de certains ménages ; mais elles ne peuvent annihiler la spirale de la paupérisation qui touche, tout à la fois, les classes moyennes et les classes populaires de la société.

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Les classes moyennes demandent en effet à l’État considération et reconnaissance. Elles appellent de leurs vœux des politiques qui ne s’arrêtent pas à des visions court-termistes, mais envisagent aussi de répondre aux maux globaux du corps social sur la durée. Soit des politiques qui permettent un retour durable à l’emploi et à une activité de pointe, conditio sine qua non pour renouer avec la prospérité. Pour cela, il nous faut en priorité retrouver une industrie. Notons que si nous avions eu une industrie plus forte, nous n’aurions pas été aussi affectés par les crises récentes. Un emploi créé dans l’industrie, c’est quatre autres de créés derrière, c’est une activité productive facilitée et revigorée pour de nombreuses petites et moyennes entreprises, c’est la souveraineté et l’indépendance sur des secteurs-clés.

La faillite symbolique des Maisons Phénix

Pour sortir de cette spirale décliniste, l’État doit aussi faire de la lutte contre les iniquités sociales et fractures territoriales une priorité. Pour satisfaire à ces exigences, l’équité, et donc la prise en compte de la diversité des situations particulières selon Aristote, doit redevenir la boussole de l’État. En effet, c’est aussi cette classe moyenne qui peine à accéder aux services publics de première nécessité dans les territoires, qui est écartée des pôles émergents, qui ne parvient plus à accéder à un logement décent. La fermeture récente de Maisons Phénix, symbole de l’accession à la propriété des classes moyennes et du rêve pavillonnaire, est à cet égard très révélatrice. Obtenir un logement décent, y fonder une famille, avoir un travail stable : telles sont d’ailleurs des revendications majoritaires, au sein des 18-30 ans.

Il est fort dommageable que la classe moyenne soit aujourd’hui si peu considérée, car son déclin risque d’entraîner le délitement du corps social. La classe moyenne constitue en effet le maillon fort et central, par essence, de la société, sans qui cette dernière ne peut tenir dans la durée. Plus cette classe moyenne est ignorée, plus l’unité du collectif sera amenuisée. Si cette catégorie de la population continue d’être réduite à la portion congrue, l’ascenseur social, rendu possible par la Révolution et l’émergence du caractère fondamental du mérite dans nos sociétés, sera encore plus précarisé. En effet, l’écart de ressources entre les classes populaires et les classes aisées sera tel que la mobilité sociale sera bloquée. Cette classe moyenne, esseulée et impuissante face au déclassement économique, est donc si essentielle ; de sa survie, dépend l’avenir des classes populaires. Or personne ne souhaite que les classes pauvres soient cantonnées à le rester, ni ne soient délaissées.

Dans No Society, Christophe Guilluy écrit que « la disparition de la classe moyenne occidentale nous fait entrer dans une période chaotique où tout ce qui faisait le commun, de l’État providence au partage des valeurs, est peu à peu démantelé ». Tout est dit. Il est donc bel et bien temps d’y répondre, pour garantir l’unité du corps social et sa prospérité commune. Demain, la poursuite du déclin ou le sursaut ?

No society: La fin de la classe moyenne occidentale

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Macron/Daoud, chronique d’une rencontre

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Le président Macron et l'écrivain Kamel Daoud à Oran, Algérie, 27 août 2022 © Jacques Witt/SIPA

Le Point a publié une longue interview d’Emmanuel Macron par Kamel Daoud (l’auteur de Meursault contre-enquête, Goncourt 2015) sur la rencontre à venir du président de la République avec l’Algérie, et une analyse lumineuse du romancier de la relation de la France à l’Algérie — et réciproquement. Comme dit notre chroniqueur, dans ces échanges, presque rien n’est vrai, tout est postures. Mais il émerge tout de même quelques précieux enseignements.


« Quand il fut à portée, Aghoo darda le harpon. Il le fit parce qu’il fallait le faire : mais il ne s’étonna pas en voyant Naoh éviter la pointe de corne. Et lui-même évita le harpon de l’adversaire. »

Remarquable perspicacité de Rosny Aîné dans cet avant-dernier chapitre de La Guerre du feu (1909). « Il le fit parce qu’il fallait le faire » : autant dire que la plupart de nos comportements sont, comme aux échecs, des coups obligés, auxquels répondent d’autres postures attendues. Comme disait Montaigne, « la plupart de nos vacations sont farcesques ». L’auteur des Essais, longtemps maire de Bordeaux, s’y connaissait en obligations politiques.

C’est l’impression dominante que m’ont laissée la longue interview du président de la République par Kamel Daoud sur le voyage prévu par Emmanuel Macron en Algérie cette semaine et l’analyse que le romancier algérien en tire.

Théâtre mémoriel

Le président de la République commence par relativiser le caractère novateur de cette visite, qui appartient à l’esthétique du rite républicain : « Dans la continuelle noce tantôt malheureuse tantôt heureuse entre la France et l’Algérie, ce genre de mœurs est ancien : le voyage « algérien » est aussi un rituel politique en France et un moment de démonstration d’« indépendance » en Algérie. » Pas de quoi susciter l’enthousiasme ou l’indignation : c’est du théâtre — Daoud parle d’ailleurs de « théâtralisation mémorielle » : « En Algérie, explique Kamel Daoud, on adore refaire la guerre à la France car la France est vitale à l’épopée, pour escamoter le présent. »

Et on sait ce qu’il en est des épopées. Les Grecs ont pu compter sur Homère pour transformer en épopée un raid opéré par les Grecs continentaux sur une cité grecque d’Asie mineure. Comme dit Ulysse dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu :

« Les Grecs pensent que Troie est riche, ses entrepôts magnifiques, sa banlieue fertile. Ils pensent qu’ils sont à l’étroit sur du roc. L’or de vos temples, celui de vos blés et de votre colza, ont fait à chacun de nos navires, de vos promontoires, un signe qu’il n’oublie pas. Il n’est pas très prudent d’avoir des dieux et des légumes trop dorés. »

D’une razzia impitoyable Homère a su tisser une épopée. Tout comme Virgile a donné des fondations héroïques à Rome, née de meurtres et de rapines. Alors, vous pensez l’Algérie ! D’une guerre militairement perdue le FLN s’est donné la tâche de faire une victoire éclatante — et les gouvernements successifs ont entretenu le mythe. Ce qui, comme le signale Daoud, évacue prestement la mainmise d’un clan de militaires et de religieux sur les ressources du pays, et oblitère 150 ans de colonisation largement bénéfique.

Kamel Daoud © Hannah Assouline

Mais ça, il ne faut pas le dire. La théâtralisation passe par la parole contrainte.

À noter que les imprécations lancées contre Macron, fin août, par « deux ou trois agitateurs barbus » sont elles aussi du théâtre. Une façon de montrer que l’on existe — et comme au théâtre, on parle fort dès que l’on souhaite masquer un vide du raisonnement.

A relire, Jean Sévillia: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

Très finement, Daoud explique qu’une interview d’un président de la République par un interlocuteur algérien est forcément biaisée : « Le dialogue, sous toutes ses formes, entre les deux pays n’est presque jamais une conversation : il est toujours décalé, interrompu par une latence entre les propos, qui laisse place aux détournements, aux convocations des faux et des vrais souvenirs collectifs. »

Et de préciser : « Ensuite il y a la théâtralisation presque inévitable : un intervieweur algérien parti recueillir la parole d’un président français n’est pas perçu en Algérie comme un journaliste dans l’exercice de son métier, mais comme une guerre à refaire. »

Un fardeau pour les Français

Macron n’a pas oublié l’essentiel de sa formation en khâgne à Henri-IV : l’art très dissertatif de balancer sans cesse son propos. « Prendre la parole sur l’Algérie », dit-il, est « potentiellement périlleux » mais « indispensable ». C’est une question « intérieure » pour la France, et une question « extérieure » vers l’Algérie.

Et d’évoquer le mythe de Sisyphe cher à Camus et par ricochet à Daoud. « Nous portons un poids sur les épaules qui rend les approches très compliquées », dit d’ailleurs Macron qui a lu certainement Kipling : c’est une autre version du « fardeau de l’homme blanc », un fardeau désormais partagé entre anciens colonisateurs et anciens colonisés.

Mais si les Algériens se crispent volontiers dans ce statut d’ex-colonisés et font mine d’arrêter l’Histoire, il y a beau temps que les Français ont oublié qu’ils furent colonisateurs. Le plus inextricable de la relation des deux pays est que les uns se sont figés dans une attitude victimaire, et que les autres ont continué à évoluer. Mon père a fait la guerre en Algérie, je m’y suis rendu moi-même en 1970, au plus fort de Boumediene, tout cela fait partie de mon histoire personnelle, mais ne pèse rien dans ma vie de Français en 2023. Comme dit Macron, « durant les dernières décennies, une France s’est construite dans une forme d’impératif d’oubli » — comme les Spartiates et les Athéniens ont eu pour consigne d’oublier leurs différends après la Guerre du Péloponnèse, de 431 à 404 av. JC. Mais au moins, vainqueurs et vaincus étaient-ils d’accord pour faire table rase du passé. Pas de ma faute si les Grecs anciens étaient plus intelligents que les ex-colonisés d’aujourd’hui, qui hurlent à la nomination de Benjamin Stora, et se contentent de leur vision orientée de l’Histoire, priée de réinventer les faits pour justifier les discours les plus injustifiables.

A lire aussi, Gabriel Robin: CHAN en Algérie: une nouvelle étape franchie dans les tensions algéro-marocaines

Un Algérien contemporain, qui a pourtant toutes les chances de ne pas avoir connu personnellement la guerre, se fait une montagne du souvenir de la guerre — ou plus exactement joue à s’en faire une montagne. Et les Français d’origine algérienne aussi, qui refusent, comme Benzema, de chanter la Marseillaise (Il ne jouera plus pour la France ? Bon débarras !) ou sifflent l’équipe de France de foot lorsqu’elle affronte l’Algérie.

Est-ce là l’expression d’un « trauma » comme semble le croire Macron, ou la pantomime d’un trauma joué ? Le refus de l’extrême-droite (enfin, ce que Macron appelle ainsi) de toute modification de la doxa sur l’indépendance est-elle, comme il l’affirme, un prétexte artificiel « de refoulé et de violence » ?

À l’intelligente question de Daoud (« Vous êtes comme moi né après les décolonisations. De quoi sommes-nous coupables ? De quoi sommes-nous innocents ? Sommes-nous les victimes du victimaire des deux côtés ? »)Macron, qui a fait assez de théâtre dans sa jeunesse et surtout depuis son entrée en politique pour connaître les vertus d’une parole suspendue, répond d’abord par un « long silence ». Et un truisme : « On porte notre passé, qu’on le veuille ou non » (Nota : toute personne qui répond à un argument astucieux par un lieu commun avoue au fond son incapacité à répondre au même degré d’intelligence).

Puis il note que cette guerre « produit encore du récit ». Et d’évoquer l’image de l’Angelus Novus de Paul Klee, qui va de l’avant en regardant en arrière, et « que Paul Ricœur avait mis dans La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli » : quand vous voulez contourner une question, faites une référence littéraire. C’est le B-A-BA de la technique khâgnale…

Et cela débouche sur le refus de présenter des excuses à l’Algérie, parce que, dit très bien Macron, « la fausse réponse est aussi violente que le déni ». Bien joué.

Au total, c’est une interview passionnante, où Emmanuel Macron globalement se place au niveau de Kamel Daoud. Comme quoi ce président que l’on sent si souvent faux, dans son phrasé impeccable lors des interviews télévisés, ne l’est qu’à cause de la faiblesse des journalistes qui lui servent la soupe. Nous en avons si peu qui aient la classe de Kamel Daoud…

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Thiais, Gare du Nord, Strasbourg: le vol noir des couteaux sur la plaine

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Des policiers gare du Nord à Paris, le 11 janvier 2023, après l'attaque de plusieurs passagers par un immigré © Michel Euler/AP/SIPA

Opinel, Laguiole, crans d’arrêt, papillons, de boucher, de chasse ou militaires. Oui, il faut parler des couteaux, mais surtout de ceux qui s’en servent.


Depuis quelques jours, quelques années diront les esprits les plus chagrins, les attaques au couteau se multiplient. Qu’ils soient motivés idéologiquement ou le produit de l’ensauvagement de la société française, ces drames semblent inévitables et la classe politique résignée.

Numéro 103 de Causeur, juillet 2022

Il y a de cela six jours, le journal Le Parisien publiait une enquête sur l’Opinel 13, un modèle de la célèbre marque d’une longueur totale de 50 centimètres. Prisé par les gangs et les rappeurs qui l’exhibent dans leurs vidéo-clips, à l’image du rappeur NM qui lui a carrément consacré une chanson, ce couteau est surnommé « le géant » dans les quartiers où il est une arme mythique. Malheureusement, la jeunesse des quartiers sensibles n’hésite pas à faire usage de ces armes autrement que pour animer leurs posts Instagram et leurs comptes Snapchat.

Tué devant son lycée

De plus en plus jeunes, les membres des bandes sont aussi de plus en plus violents. La vie n’a pour eux pas de valeur. Lundi 16 janvier, une bande a tué un jeune de 16 ans près du lycée Guillaume Apollinaire de Thiais, en blessant un autre gravement à la jambe. Les propos du procureur du parquet de Créteil, Stéphane Hardouin, font froid dans le dos: « Les agresseurs ont poursuivi les victimes sur quelques dizaines de mètres, l’un d’entre eux aurait alors fait usage d’une arme blanche. Sur place, plusieurs objets susceptibles de constituer des armes ont été retrouvés, à savoir deux gazeuses, un club de golf cassé et un morceau de bois. Trois cents mètres plus loin, un couteau a été retrouvé par la police municipale de Thiais ».

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Ces « rixes », ainsi pudiquement nommées, font maintenant partie du paysage des banlieues, à Paris comme à Marseille. Devenus majeurs, les « jeunes » troqueront l’opinel pour l’AK-47. Comment en sommes-nous arrivés là ? Interrogé sur BFMTV, un sociologue répondant au nom de Sauvadet a énuméré toutes les raisons possibles et imaginables, passant de la culture « gangsta rap » importée des Etats-Unis aux réseaux sociaux, devisant chômage et familles décomposées, évoquant le trafic de drogue et la puberté provoquant de profonds bouleversements hormonaux chez les adolescents de sexe masculin. Un peu plus et nous avions droit aux jeux-vidéos, aux gènes du guerrier et à la misère sexuelle houellebecquienne ! Peut-être qu’en fait de sociologues, nous devrions interroger des ethnologues et des anthropologues, mais passons.

Gare du Nord, silence on poinçonne !

Quelques jours en arrière, c’était en Gare du Nord qu’un couteau devenu fou perdait l’équilibre pour frapper six passants innocents qui attendaient leur train. Enfin, pas vraiment un couteau mais un « crochet métallique » – on retrouvera bientôt des masses d’armes, fléaux et haches à deux mains dans les rues, à ce rythme. Le profil de l’interpellé ne surprendra pas; un Libyen sous OQTF. Il y a d’ailleurs un truc puisqu’en l’espèce, l’OQTF ne pouvait être appliquée, en raison de l’instabilité régnant dans le pays de feu Mouammar Khadaffi… Eh oui, que voulez-vous, les autorités libyennes n’entretiennent pas de « canal d’échanges pour l’identification des ressortissants venus de Tripoli », comme l’ont confié des policiers déprimés.

Pis, l’auteur était connu sous plusieurs identités dans le fichier automatisé des empreintes digitales. On ne peut donc même pas affirmer avec certitude qu’il est bien Libyen, de nombreux Algériens utilisant ce « truc » pour éviter d’être expulsés. Où que l’on regarde, on voit une multiplication des faits de violence. Gratuits, motivés, de droit commun ou terroristes. Facile à transporter et difficilement détectable, le couteau reste une arme permettant un maximum de dégâts rapides. Il est presque impossible de s’en protéger, sans être soi-même équipé d’une arme à feu.

Il suffit d’ouvrir un journal local au hasard pour découvrir de nouveaux cas, ainsi cet homme à Strasbourg qui a agressé des passants samedi 14 janvier en hurlant Allah Akbar, ou de cet homme appréhendé Gare Montparnasse il y a quelques semaines avant de passer à l’acte. Partout, les couteaux s’aiguisent et sifflent. Il ne s’agit pas de faits divers isolés, mais bien d’un fait de société supplémentaire montrant la tiers-mondisation avancée de la France. Gageons qu’on nous proposera bientôt de limiter la circulation des couteaux sur le territoire français…


Élisabeth Lévy: « À Strasbourg, un homme agresse des passants et ça devient presque banal! »

Retrouvez la chronique d’Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio, chaque matin après le journal de 8h.

Statue à la Flotte-en-Ré: des laïques qui ont cent trains de retard!

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Capture d'écran CNews

Sur l’île de Ré, une statue de la Vierge Marie devra être démontée, au nom de la laïcité. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.


La statue de la Vierge Marie, qui veille à un carrefour de la Flotte-en-Ré (17), a six mois pour se trouver un autre emplacement. C’est ce que vient de décider la justice administrative.

Cette statue, qui porte la mention «vœux de guerre», a été commandée par une famille reconnaissante parce que père et fils étaient revenus vivants de la Seconde Guerre mondiale. D’abord exposée dans un jardin privé, elle a été offerte à la commune qui l’a installée à un carrefour en 1983. Suite à un accident, elle a été surélevée en 2020. Sa visibilité accrue a dû énerver la « Libre pensée Charente-Maritime ».

Dénonçant une atteinte à la laïcité, cette association a déposé un recours. Le 13 janvier, la Cour administrative de Bordeaux a confirmé la décision du Tribunal administratif de Poitiers. Tout en admettant que «la commune n’avait pas l’intention d’exprimer une préférence religieuse », la Cour estime que « la figure de la Vierge Marie étant un personnage important de la religion chrétienne » (non, sans blague ?),et que « la statue présente par elle-même un caractère religieux». En vertu de la loi de 1905, elle ne peut donc pas être installée ainsi sur le domaine public. C’est le droit, parait-il. Sauf que le droit est évidemment une affaire d’interprétation. Pas sûr que les juges en auraient fait une lecture aussi stricte s’il s’était agi d’un symbole musulman.

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On me dira que, dans ce cas, c’est votre servante et toute la méchante réacosphère qu’on aurait entendu râler contre cette invasion de l’espace public par un symbole religieux. C’est bien possible. C’est qu’au-delà du droit, il y a l’histoire, la culture, l’expérience sensible. Musulmans, juifs athées et autres, sont des citoyens égaux, mais l’islam (et le judaïsme) n’ont pas le même statut que le catholicisme dans notre pays. Ils ont ajouté leur grain de sel au roman national, mais le catholicisme est notre fond de sauce culturel commun. La France est un pays de clochers. D’où que nous venions, nous sommes tous un peu des « cathos-zombies », comme disait Emmanuel Todd. À Marseille, tout le monde aime la Bonne Mère.

Il est vrai que les bouffeurs de curé appartiennent aussi à notre histoire. L’ennui c’est que ceux de La Libre pensée 17 ont 100 trains de retard. Ils se trompent de curés ! Ce ne sont pas des cathos qui menacent aujourd’hui la liberté de pensée, veulent embrigader les croyants et les séparer du reste de la société. Pourtant, pour nos libres penseurs – très soumis à la doxa, le seul séparatisme problématique, c’est dans les écoles cathos qu’ils le voient. Une visite sur leur site suffit à comprendre qu’ils sont monomaniaques. Sur la page d’accueil, on tombe sur un article au titre ronflant : « L’église doit payer, l’Eglise peut payer! », des tartines sur les abus sexuels ou encore les turpitudes de la monarchie. Autant dire que, sous prétexte de laïcité, dont ils se fichent complètement quand d’autres religions sont en jeu, ils sont en guerre contre le catholicisme. Ecrasons l’infâme. Derrière ce fatras très vintage, ce sont des islamo-gauchistes standard. Ainsi, sur la loi séparatisme, ils parlent d’ « ignominies racistes faites au nom de la laïcité », une petite musique bien connue.

Comme Mélenchon ou Cohn-Bendit, ces mal-nommés libres-penseurs veulent déconstruire l’identité française. C’est leur droit. Il est cependant fâcheux que la Justice leur donne un coup de main.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy chaque matin après le journal de 8 heures.