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Opération Wuambushu, chronique d’un fiasco annoncé

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Une tribune libre d’André Rougé, député européen du Rassemblement national, délégué national à l’Outre-mer dans le parti.


Le moins que l’on puisse dire, s’agissant de notre président de la République, est qu’il ne ménage pas sa peine pour faire entendre la voix de la France. L’an passé à Moscou, au début du mois d’avril à Pékin, et il vient d’annoncer qu’il retournera à Kiev prochainement, « s’il y a une approche utile ». À quoi ce charivari diplomatique peut-il rimer et comment Emmanuel Macron peut-il envisager de faire s’asseoir Poutine, Xi Jinping, Biden et Zelensky à une même table, dès lors que la France est incapable de faire entendre raison à un micro-État de 800 000 habitants dans l’Océan Indien ? Car tel est le premier bilan de l’opération Wuambushu commencée ce lundi 24 Avril. Une opération au principe des plus louables, celui de s’occuper enfin de nos compatriotes du département de Mayotte en leur apportant la sécurité des personnes et des biens, premier des devoirs régaliens de l’État.

L’objectif de cette opération est triple :

  • Mettre fin à l’occupation illégale, en délogeant les squatteurs, de domaines privés et publics.
  • Reconduire à la frontière des Comores 10 % des 100 000 migrants clandestins présents illégalement sur l’île.
  • Interpeller et présenter à la justice les criminels, délinquants, marchands de sommeil, trafiquants de faux papiers et autres passeurs errant en toute liberté parmi les villages de bidonvilles.

Pour cette seule et dernière raison de rétablissement de l’autorité de l’État, l’opération doit se poursuivre. Les 1 800 policiers et gendarmes présents dans ce département français de l’Océan Indien doivent – en interpellant le maximum de ces individus que les Mahorais n’hésitent pas à appeler terroristes – faire changer la peur de camp.

Hélas, j’ai eu l’occasion de dénoncer, publiquement et avant son démarrage, l’impréparation de cette opération pourtant réclamée depuis 2018 par nos compatriotes mahorais, mais c’était prévisible, avec trois ministres – et non des moindres s’agissant des ministres régaliens – de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères qui se sont fourvoyés, la transformant en un retentissant et cuisant nouvel échec du gouvernement !

Après les incartades locales du Syndicat de la magistrature, mon collègue Julien Odoul, avait interrogé, à ma demande, M. Dupond-Moretti. Il était en effet prévisible que certains feraient usage de l’article 55 de notre Constitution précisant que les juridictions françaises peuvent annuler ou suspendre un acte administratif ; même fondé sur une loi, si elles considèrent qu’elle méconnaît un traité (comme la CEDH ou le droit de l’UE). Or, la France s’était déjà fait épingler par la CEDH au titre de son article 8, en 2003, lors d’opérations analogues à Mayotte et dans la collectivité territoriale de Saint Martin.

Cette jurisprudence très laxiste que le garde des Sceaux connaissait, aurait très bien pu être anticipée mais ça n’a pas été le cas.  Personne ne parviendra à nous faire croire et accepter qu’aucun moyen propre n’existe ou n’est connu, pour défendre les intérêts supérieurs de l’État et les intérêts supérieurs des Français !

Quant à l’attitude du gouvernement de l’Union des Comores, qui a refusé l’accostage d’un bâtiment français dans le port de l’île d’Anjouan, s’il était un fait aisément prévisible ; c’était bien celui-là !

A relire: Mayotte: Darmanin peut-il faire plier les Comores?

Mayotte est française depuis 1841, bien avant Nice et la Savoie, par trois fois et par voie référendaire, les Mahorais ont confirmé leur souhait d’appartenir à la France, ce qui est, d’ailleurs, gravé dans le marbre de l’article 72-3 de notre Constitution. Jamais les Comores, animés par une volonté irrédentiste, ne l’ont accepté.

Ce refus se traduit par des provocations à répétitions à l’égard de la France. En août 2019, le président Azali déclare sur les ondes de RFI qu’il ne reconnaît pas l’autorité du Préfet de Mayotte sur le territoire comorien. Une réaction digne de ce nom eût consisté en une action diplomatique forte sous forme du rappel de notre ambassadeur pour consultation, comme ce fût le cas pour notre ambassadeur à Rome après qu’un membre du gouvernement italien ait eu l’« outrecuidance » de rencontrer un comité de « gilets jaunes ». Et, il eût été normal de convoquer l’ambassadeur des Comores à Paris, au Quai d’Orsay, afin de lui signifier le mécontentement de la France.

Réaction de la France… Aucune !

En revanche, le président Azali a été reçu, en grande pompe, à l’Élysée par Emmanuel Macron. Il en est ressorti avec un chèque d’aide au développement de 150 millions d’euros (dont nos compatriotes mahorais auraient bien besoin) en contrepartie desquels il s’engageait à recueillir tous les ressortissants comoriens expulsés.

Cette largesse de la France ne l’a, en aucun cas, empêché de réitérer quelques temps plus tard. Lors de la dernière assemblée générale de l’ONU, le même président Azali a revendiqué la propriété de Mayotte à la tribune de l’institution internationale.

Réaction de la France… Nulle !

J’interrogeais alors notre ministre des affaires étrangères quant à cette absence de réaction qui m’a répondu en ces termes « La coopération étroite que nous entretenons avec les Comores, fruit d’un engagement de long terme, nous permet de réduire fortement la pression migratoire sur notre territoire mahorais […] en luttant ensemble, contre l’immigration clandestine grâce […] à une coopération exemplaire en matière de reconduites » [sic].

Pour compléter, chacun aura pu noter la volonté d’ingérence de cet archipel d’îlots dans les affaires intérieures de la France en réclamant l’annulation de Wuambushu. Il est aisé d’imaginer quelle serait la réaction de notre pays si Mme Meloni, M. Scholz ou M. Sunak se mêlait de ce qui se passe à Nice, en Alsace ou à Calais.

Mais là…rien !

Pour conclure ce florilège de défis et bravades, rappelons-nous les récentes déclarations de l’ambassadeur des Comores à Paris expliquant que les Comoriens sont chez eux à Mayotte. 

A tout cela, il convient d’ajouter que cette opération ne peut être viable qu’à court terme car les 70km du bras de mer séparant Anjouan de Mayotte n’empêcheront en rien les expulsés de revenir sur le territoire français d’ici six mois. Cette opération met surtout en évidence, au travers des manquements de nos trois ministres régaliens, l’amateurisme et l’incompétence du personnel politique en charge de l’exécutif de notre pays et la méthode d’Emmanuel Macron. Gouverner c’est prévoir ! L’impréparation de cette opération aura douché les espoirs de nos compatriotes mahorais et il faut souhaiter que celle-ci se poursuive pour les raisons indiquées plus haut, même si elle ne suffira pas. Il faudra, pour Mayotte comme pour la Guyane, une autre opération de ce type, mais avec les préalables indispensables à la lutte pour une maîtrise souveraine de l’immigration et pour la protection de la nationalité française, comme le propose Marine Le Pen.

Une révision de la Constitution par référendum pour refonder le cadre constitutionnel du statut des étrangers, de notre nationalité et mettre fin aux dérives d’une jurisprudence devenue folle. Ainsi, les juges ne pourraient plus écarter une loi au motif d’un traité ou du droit de l’UE. Il sera posé, comme principe que l’expulsion est possible, dès lors qu’un étranger viole nos lois et ce, quelle que soit sa situation personnelle ou celle de sa famille. Cette réforme interdira toute forme de régularisation des clandestins. Le droit d’asile ne sera plus accordé sur le territoire national, mais dans les consulats et ambassades de façon préalable à l’arrivée en France. La suppression définitive du droit du sol sera, enfin, constitutionnalisée. Ces mesures s’adapteront, bien sûr, à la France d’Outre-mer au regard des normes prévues par les articles 73 et 74. Quant au droit international, que les Comores vont tenter d’instrumentaliser, doit-il autoriser un État à refuser de protéger ses ressortissants en les accueillant sur leur propre sol, mais aussi à organiser une émigration anarchique, sinon conquérante et violente sur le territoire d’un État voisin ? La France est, de ce point de vue, agressée par les Comores. Nous avons, légitimement le droit de réagir par la plus grande fermeté. En cela, l’opération Wuambushu est une excellente répétition de l’action que devra mener un gouvernement : appliquer les lois de la République conséquentes à un référendum sur l’immigration voulu par Marine Le Pen. À Mayotte, en Guyane, comme ailleurs, nombreux sont les Français qui attendent l’élection de Marine Le Pen pour retrouver ce respect, cette protection et cette espérance.

Le p’tit commerce de Dieudo

Notre ami Jean-Paul Lilienfeld a été le premier réalisateur à offrir un grand rôle au cinéma à l’humoriste. S’il a vite reconnu son talent et ses travers, il n’a compris que tardivement que l’antisémitisme était devenu son fonds de commerce. Aujourd’hui, il ne peut croire en l’honnêteté de ses « excuses ». Témoignage.


Qu’est-ce que j’apprends ? Dieudonné demande pardon ? Dieudonné présente ses excuses ? Ah non pas de ça Dieudonné ! Continue de nous faire rire.

Quand j’ai travaillé avec Dieudonné, il n’était pas encore drôle. C’était il y a un quart de siècle. Une époque où malheureusement, les Noirs n’étaient pas encore racisés. Ils étaient « Tout simplement noirs ».

Faire tourner Dieudonné était l’aboutissement d’une démarche entreprise avec L’Œil au beur(re) noir, écrit avec Patrick Braoudé à la fin des années 1980. Je crois bien que c’était la première fois qu’un film français proposait un Noir et un Arabe en premiers rôles. Le jour où il a eu le César du meilleur premier film, je me souviens avoir dit à Pascal Légitimus que l’étape suivante, ce serait qu’un Noir joue un premier rôle qui pourrait être tenu par un Blanc, juste parce qu’il serait le meilleur pour ce rôle.

Pour le casting d’HS, Hors Service en 1998, il me fallait pour le premier rôle un acteur crédible en psychopathe. J’ai donc demandé à Dieudonné.

Alors que nous travaillions en amont du tournage, quelques détails m’ont chiffonné. Mais rien de drôle encore, rien d’antisémite. C’était l’argent son problème. Je ne me laisserai pas aller à écrire dans une gesticulation comique désopilante que, l’argent, les juifs, tout ça se tient. Ne comptez pas sur moi. Compter, toujours compter… y’a rien à faire !

Je revois encore cet éboueur entrer timidement dans le Théâtre de la Main d’or désert en cette fin d’année 1998, « pour les étrennes ». Je revois la lueur de panique dans les yeux de Dieudonné. Sa fébrilité à tâtonner ses poches comme s’il ne savait pas déjà qu’il allait répondre qu’il n’avait pas d’argent sur lui. Un peu taquin, je lui ai suggéré de faire un chèque… Manque de chance, il n’avait pas de chéquier non plus. Quand ça veut pas…

L’éboueur est reparti en grommelant des trucs pas faits pour être vraiment entendus.

Les tournages, c’était quelque chose…

Pendant le tournage il n’apprenait pas ou peu son texte et cela entraînait des heures supplémentaires qui pesaient sur l’équipe et sur moi. À la fin de l’une de ces journées catastrophiques, furieux, je suis allé le voir dans sa loge pour lui dire qu’au prix où il était payé, le minimum syndical était d’apprendre son texte.

Et là, pour la première fois, il a été vraiment drôle : « Tu me dis ça parce que je suis noir. »

Dieudonné venait de trouver son clown.

Lorsque j’avais annoncé que je lui confiais le rôle principal, un des investisseurs, pas emballé, m’avait demandé : « Pourquoi un Noir ? » Dieudonné le savait et il savait aussi que j’avais répondu : « Et pourquoi pas ? » provoquant un silence embarrassé.

À l’époque j’avais un bête humour israélien. Au lieu de me faire rire, sa mauvaise foi a entrainé une engueulade bruyante qui a fait accourir la directrice de production affolée.

La suite du tournage a été tendue. On ne s’est évidemment pas revus après…

Puis arrive 2003, le jour du drame, le sketch « Isra-Heil ». Dont j’ignorais tout, car je n’étais pas en France.

Je reviens quelques jours plus tard et à ma grande surprise, je reçois un appel de Dieudonné : « Tu le sais toi que je ne suis pas antisémite. »

A lire aussi : Tes excuses, c’est à moi que tu les dois!

Sa question m’étonne, il m’explique ce qui s’est passé (juste un sketch, une déconnade tu vois). Je lui réponds, que n’ayant rien vu, je n’ai pas encore d’avis, mais qu’effectivement pendant le tournage, son principal défaut n’était pas l’antisémitisme…

Je regarde le passage de sa « déconnade » que je trouve lamentable mais à vrai dire, je trouve lamentable aussi l’espèce d’hallali qui a suivi. Dont je me dis vingt ans plus tard qu’il a probablement été fondateur de la suite.

N’oublions pas : radin (plus de rentrées d’argent) et parano (les juifs m’ont acculé, je vais les enc…)

Cependant, je suis sûr qu’au fond de lui, il est plein de gratitude pour les juifs. C’est grâce à eux qu’il est devenu presqu’aussi fort que Michel Leeb.

Mon Dieudo, en 2010, j’ai vu ton amusante saillie sur YouTube : « Il faut être juif pour avoir la liberté d’expression en France. […] Ils nous ont colonisés. La mort sera plus confortable que la soumission à ses chiens. » J’ai ri ! Mais j’ai ri ! Ça y est mon Dieudo, tu tiens le filon !

Et quand j’ai lu sur blackmap.com : « Les juifs sont un peuple qui a bradé l’holocauste, qui a vendu la souffrance et la mort pour monter un pays et gagner de l’argent. […] Maintenant, il suffit de relever sa manche pour montrer son numéro et avoir droit à la reconnaissance. » La force comique du gars !

Alors je t’en supplie, mon Dieudo, continue comme tu le fais depuis vingt ans de semer avec tant de verve la haine du juif. Continue de parler des sionistes en France, afin d’échapper aux procès de ces salauds, et des juifs quand tu es en Algérie – « il n’y a qu’en Algérie où je peux jouer parce que les autres pays africains sont sous contrôle du lobby juif » (conférence de presse à Alger en 2010). Les gens qui se donnent la peine de sachoir t’ont bien compris lorsque tu as déclaré, sur la chaîne iranienne Sahar 1, en septembre 2011 : « Le sionisme a tué le Christ. C’est le sionisme qui prétendait que Jésus était le fils d’une putain […]. »

A lire aussi : Le complot, ça rapporte gros!

Qui, hormis un idiot de sioniste, ne comprend pas qu’au temps de Jésus, il n’y avait que des juifs et pas encore de sionistes. Puisque les juifs étaient encore chez eux. Enfin chez les Palestiniens. Enfin je me comprends…

J’ai capté que ta demande de pardon est encore une farce quand ton avocat a invoqué l’honnêteté de ta démarche. Honnête mon Dieudo condamné, entre autres, à deux ans fermes en appel pour abus de biens sociaux et fraude fiscale ? J’ai pouffé. Tu sais quoi ? C’est presque de l’humour juif.

Et quand ton avocat a ajouté que ta demande de pardon était une référence à Yom Kippour, fête juive consacrée à regretter les mauvaises actions et les mauvaises pensées commises durant l’année écoulée, là, tu m’as éclaté. J’ai su que tu leur mettais encore une belle quenelle. Un antisémite acharné découvrant soudainement la plus grande fête juive ? C’est pas de la bonne vanne ça ! Il se dit que tu es malade. Si malheureusement, c’est vrai, merci le Mossad. Mais ils ne t’auront pas. Je suis sûr que tu vas nous revenir avec tes sketchs qui me feront rire. Jusqu’aux larmes. Dieudo, vite ! Encore des punchlines qui tuent.

Mais que fait la police?

«La Gravité», un nouveau thriller communautariste, dans les salles mercredi prochain


Vous vous souvenez de Gravity, le fameux film de science-fiction d’Alfonso Cuaron, huis-clos spatial en apesanteur, sorti en 2013 ? Le cosmos s’invite de nouveau dans nos salles, mais cette fois en arrière-plan sidéral de notre bonne terre hexagonale, avec La Gravité, deuxième « long » de l’artiste franco-burkinabé Cédric Ido, lequel s’était fait connaître par un premier film peu substantiel, La vie de château, co-réalisé avec Modi Barry en 2016, exploration du quartier africain du « Château-d’eau », familier des Parisiens pour ses rabatteurs qui s’affairent bruyamment en meute autour de la rue et de la station de métro homonymes, pour vous faire l’article des salons de coiffure afro avoisinants. Les préoccupations exclusives de Cédric Ido, qui a grandi à Stains, en Seine-Saint-Denis, commune de banlieue pas franchement gentrifiée, gravitent manifestement autour des questions ethniques dans l’espace métropolitain.

Dans les cieux rougeoyants et fuligineux d’une cité faite de barres d’immeubles et de dalles minérales peu engageantes, les planètes menacent mystérieusement de s’aligner, phénomène gravitationnel qui ne laisse pas d’inquiéter la faune bigarrée à la fois prisonnière et gardienne du territoire urbain où se concentre La Gravité. La science-fiction sert ainsi d’amorce improbable à un état des lieux sociétal apocalyptique et sans rémission. Les lois de la gravitation universelle étant irrécusables, une chute malencontreuse rive Joshua (Steve Tientcheu) à son fauteuil roulant depuis l’enfance, mais les liens du sang attachent toujours viscéralement cet infirme adipeux à Daniel, son athlète de frère (Max Gomis), deux fois champion de France de sprint, à l’entraînement duquel se dévoue religieusement un coach franchouillard (Thierry Godard). Christopher (Jean-Baptiste Anoumon) ferme ce trio de noirs qu’ont rapproché, du deal à la taule, les épreuves de la vie en communauté… Face à eux, la nouvelle génération des garçons de la cité, baptisés les « Ronins », une bande de cailleras adolescents de souche maghrébine qui, cheveux teints en rouge et nippés de blousons aux effigies nippones, sévissent dans le champ clos de la cité, juchés sur des pétoires à deux roues, prophètes imberbes, ultra-violents, d’un nouvel âge planétaire dont ils se prétendent les officiants élus. Joschua, dans le secret d’un local aménagé en laboratoire high-tech, pallie avantageusement son handicap moteur, le fauteuil clandestinement transformé, pour l’heure, en véhicule de livraison de came et bientôt, surprise du chef, en robot de haute technologie propre à contrarier victorieusement et de façon spectaculaire sa condition de mobilité réduite, dans la guérilla urbaine qui verra nos gus black Joshua, Daniel et Christopher affronter tels les trois mousquetaires de la cité ces jeunes mages maghrébins qui y sèment la terreur.

A lire aussi, du même auteur: Au bord du gouffre turc

Mais que fait la police ? Celle-ci reste la grande absente de ce thriller communautaire mâtiné de SF qui, grevé de séquences d’une violence sanguinaire, finit par virer au gore. Seul personnage féminin de ce film décidément fort peu paritaire, Sabrina (Hafsia Herzi), la dulcinée sacrificielle de Daniel, n’aura d’autre choix que de fuir, sans lui, vers d’autres latitudes moins inhospitalières, hors de France… Si Cédric Ido avait voulu peindre la cité telle qu’en elle-même sous un jour plus noir, plus pathétique, plus désespérément confiné dans l’entre-soi tribal, il ne s’y serait pas pris autrement. Sous son regard, ce n’est que le terrain de jeu autarcique de communautés ennemies sans foi ni loi. Un film… raciste ?


La Gravité. Film de Cédric Ido. Avec Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu. France, couleur, 2022. Durée : 1h26. En salles le 3 mai.

Le drapeau de l’apartheid interdit en Afrique du Sud

Drapeau officiel de l’Afrique du Sud entre 1928 et 1994, il est encore arboré par les nostalgiques de l’apartheid ou brandi lors de manifestations anti-gouvernementales. La Cour suprême sud-africaine vient de rendre un arrêt définitif sur la question de son utilisation. Désormais, quiconque s’affichera publiquement avec ce symbole « discriminatoire » pourra être « poursuivi pour incitation à la haine raciale ».  


C’est un drapeau qui divise l’Afrique du Sud. Symbole du régime d’apartheid, après de longs débats parlementaires passionnés, il a été hissé pour la première fois en 1928 alors que le pays était encore un Dominion de l’Empire britannique. Ses trois couleurs orange, blanche, bleue reprennent celles de l’ancien Prinsenvlag néerlandais du XVIIe siècle avec au centre, les drapeaux de l’ancienne République boer du Transvaal, de l’État d’Orange Libre et de l’Union Jack. Remplacé immédiatement après l’arrivée au pouvoir du président Nelson Mandela en 1994, il a été longtemps toléré par le gouvernement multiracial avant que la cour d’égalité ne décide de le faire interdire en 2019. Devenu le signe de ralliement des mouvements d’extrême-droite afrikaner, régulièrement brandi lors de manifestations, la Fondation Nelson Mandela (NMF) et la Commission sud-africaine des droits de l’homme (SAHRC) avaient obtenu son bannissement après un dépôt de plainte.

A lire aussi: Les suspicions envers le Premier ministre de l’Écosse sont-elles fondées?

AfriForum, l’organisation de défense des droits de la communauté Afrikaner, avait immédiatement déposé un recours, estimant que cette décision empiétait sur leur liberté d’expression et que le drapeau n’était nullement discriminatoire à l’encontre de la majorité noire sud-africaine. La Cour suprême a rendu sa décision le 21 avril 2023 et a estimé que le drapeau représentait toujours le signe d’un « racisme institutionnalisé ». Dans son arrêt, elle a déclaré que « ceux qui brandissent ou agitent publiquement l’ancien drapeau transmettent un message destructeur célébrant la ségrégation et aspirant à son retour ». Lors de son passage devant le tribunal, la Commission sud-africaine des droits de l’homme a évoqué le cas de Dylann Roof, cet Américain blanc reconnu coupable et condamné à mort pour les meurtres racistes en 2015 de neuf membres de l’église noire de Charleston, en Caroline du Sud, qui s’était pris en photo avec ce drapeau. Désormais, tout Sud-africain qui s’affichera en public avec l’ancien drapeau pourra être poursuivi pour « incitation à la haine raciale ».

Interrogé par le Times, le porte-parole d’AfriForum a déclaré que « la liberté d’expression en tant que droit s’est malheureusement édulcoré dans ce pays ». « C’est un principe qui est devenu la victime de doubles standards ridicules et les conséquences futures seront probablement désastreuses » a averti Ernst van Zyl qui prend toutefois acte de la décision rendue. La Cour suprême n’a cependant pas statué sur la seconde question qui était de savoir si l’affichage de l’ancien drapeau national pouvait être autorisé au sein de la sphère privée…

Splendeurs et misères d’un humoriste

Programmé le 14 septembre prochain au Zénith de Paris, en duo avec le chanteur Francis Lalanne, Dieudonné pourrait faire l’objet d’une interdiction préfectorale. L’avocat de Dieudonné affirme du moins s’y attendre. La carrière de Dieudonné a connu une ascension remarquable au cours des années 1990. Figure de l’antiracisme à la scène comme à la ville, il mène le combat contre le FN à Dreux. Mais sa radicalisation amorcée en 2002 vire à l’obsession complotiste, antisémite et négationniste. Désormais, privé de théâtre et interdit de réseaux sociaux, il est surtout passé de mode.


Dieudonné est probablement l’un des humoristes les plus talentueux de la fin du XXe siècle. Dès le début des années 1990, ce fils d’un expert-comptable camerounais et d’une sociologue d’origine bretonne fait un tabac au théâtre et à la télévision en se produisant avec Élie Semoun, un copain de lycée. Leurs sketchs mettant en scène le petit juif Cohen et le Noir Bokassa en font un « duo comique antiraciste ». À partir de 1997, Dieudonné se tourne vers une carrière en solo et apparaît dans des films à succès, dont Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, en 2003, point culminant de sa vie de comique grand public.

Engagement politique

Parallèlement, il s’engage en politique. En 1997, il obtient 7,74 % des voix lors d’une élection législative à Dreux, ville où, en 1983, le Front national a remporté les élections municipales. Sur scène comme dans les urnes, Dieudonné se bat contre le racisme et le FN. Il poursuit son engagement à gauche et annonce même sa candidature à la présidentielle de 2002 en se réclamant de la « troisième gauche verte ». Cette candidature constitue une étape importante dans son évolution intellectuelle et politique car, pour la première fois, il met en avant son intention d’être le porte-parole des descendants d’esclaves. Surtout, en présentant l’esclavage comme la « tragédie la plus terrible de l’histoire de l’humanité », il met en garde contre un deux poids, deux mesures concernant l’indemnisation des descendants des victimes de crimes historiques. Désormais, ses soutiens sont invités à suivre son regard…

A lire aussi, Alexandre de Galzain: Dieudonné: des zénith aux happy few

Après la campagne présidentielle de 2002, Dieudonné pose sa candidature pour les législatives dans la 8e circonscription du Val-d’Oise (Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel), un bastion du PS tenu par Dominique Strauss-Kahn. Son score est faible (2,18 %) et sa campagne radicalise un discours de plus en plus victimaire et complotiste, qui s’inscrit dans le sillage de certains mouvements de Noirs américains. Le contexte favorise son virage idéologique : les banlieues s’agitent à la faveur de la seconde Intifada au Proche-Orient ; les attentats de New York alimentent les théories du complot, notamment autour du supposé rôle joué par Israël et les juifs ; et pour la première fois, Jean-Marie Le Pen arrive au second tour de la présidentielle.

La radicalité se paie

Comme une sorte d’éponge qui aurait absorbé les théories en vogue, Dieudonné distille un bouillon de culture original fait de complotisme, d’antisémitisme, d’antisionisme et de critique de l’Occident, le tout mélangé à des idées empruntées aux militants et penseurs radicaux proches de l’organisation américaine Nation of Islam. Mais c’est aussi le moment où il commence à payer le prix de sa radicalité. En 2002, le CNC refuse de soutenir financièrement son grand projet de film sur la traite et le Code noir. Pour Dieudonné, ce refus est à mettre sur le compte des « sionistes » qui dirigeraient le Centre national du cinéma, prêts à tout pour protéger les intérêts mémoriels de la Shoah au détriment de la mémoire de la traite négrière. Ainsi glisse-t-il vers le négationnisme : de l’argument « la traite est plus grave que la Shoah », il passe à « la Shoah n’a pas existé », pour finir à « la Shoah a été inventée par les juifs pour faire du fric ». Les juifs, Israël et le sionisme deviennent une obsession, la Révélation de quelqu’un qui n’appartient pas au « système » et qui a, lui, « tout compris ».

Le point de rupture avec le grand public se situe fin 2003. Invité sur le plateau de « On ne peut pas plaire à tout le monde », de Marc-Olivier Fogiel, Dieudonné interprète, au cours d’un sketch, un colon israélien coiffé d’un chapeau de juif orthodoxe, arborant des papillotes et portant un treillis. Il conclut la performance par le cri « Isra-heil ! » et un salut nazi. Même si c’est Dieudonné qui porte plainte contre Fogiel pour injure raciale et qui gagne, cet épisode le classe définitivement dans la catégorie des infréquentables. S’ensuivent des errements idéologiques et une série d’alliances-amitiés : Soral, Faurisson, Le Pen père, Ahmadinejad…

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Durant les années 2000, Dieudonné perd son statut au sein du show-biz, du monde politique et du « peuple », mais ne se coupe pas pour autant du reste de la société. D’une certaine société du moins, ses nouveaux fans venant par milliers de milieux radicaux, racistes, antisémites, négationnistes, islamistes et, surtout, complotistes. Cerise sur le gâteau, il plaît à une frange de la jeunesse catholique bourgeoise, séduite par l’expérience du rire transgressif car, ne l’oublions pas, Dieudonné est resté drôle, très drôle même.

Bras de fer

Il atteint le point culminant de sa radicalisation en 2011-2013. Il produit le film L’Antisémite, qu’il réalise et dans lequel il joue, ses spectacles ont du succès et ses frictions avec des associations comme la Licra, qui essaient d’interdire ses spectacles, défraient la chronique. Fin 2012, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, entame un long bras de fer pour réduire la capacité de l’humoriste à se produire sur scène. Puis les attentats de 2015 changent l’état d’esprit général. Le 18 mars 2015, Dieudonné est condamné à deux mois de prison avec sursis pour apologie d’actes de terrorisme : il avait écrit sur Facebook « Je me sens Charlie Coulibaly » – condamnation confirmée par la cour d’appel de Paris.

Pour quelques années encore Dieudonné reste présent sur les réseaux sociaux mais, en juin 2020, sa page YouTube est supprimée « pour infractions répétées à son règlement ». Les réseaux alternatifs, dont Vimeo, finissent par l’interdire également, puis Facebook, Instagram et TikTok suspendent à leur tour ses comptes.

Aujourd’hui, pire que les procès, les interdictions et les amendes, Dieudonné n’est simplement plus à la mode. Les jeunes d’il y a vingt ans ne le sont plus, et leurs petits frères et sœurs ont d’autres manières de cracher à la figure du néolibéralisme et de goûter aux plaisirs d’une transgression sans risque. Avant même sa lettre de pardon publiée dans Israël Magazine le 10 janvier dernier, Dieudonné a, semble-t-il, déjà pris la mesure de la situation. Son dernier spectacle s’intitule « Foutu pour foutu ».

Les suspicions envers le Premier ministre de l’Écosse sont-elles fondées?

Indépendantiste, européiste, multiculturaliste, et musulman, le nouveau Premier ministre de l’Écosse, Humza Yousaf, entend bien faire revenir, dans le giron de l’Union européenne, une Écosse indépendante et respectueuse des valeurs de l’islam, trois ans après le Brexit.


À 38 ans, Humza Yousaf, né à Glasgow, d’ascendance pakistanaise et ayant des liens dans le passé avec les Frères musulmans, a déjà occupé les postes de secrétaire à la Justice et de secrétaire à la Santé et à la protection sociale. Cela après avoir eu des portefeuilles au ministère de l’Europe et du développement international et au ministère du Transport et des îles. Lors de son mandat à la Santé, sa gestion de l’épidémie de covid a été vivement critiquée, mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre son ascension politique fulgurante, grâce au soutien de ses mentors – les anciens Premiers ministres de l’Écosse, Alex Salmond et Nicola Sturgeon.

Le 28 mars 2023, il devient à son tour Premier ministre de l’Écosse après avoir remporté les élections pour la présidence du parti indépendantiste, le Scottish National Party (SNP), aux manettes à Edimbourg depuis 2007. Il gouverne désormais avec les écologistes au sein d’une coalition de centre-gauche. Dès son arrivée au pouvoir, il se présente comme « fier d’être Écossais et fier d’être Européen » et il déclare que « le peuple écossais a plus que jamais besoin d’indépendance, et nous serons la génération qui la lui offrira ».

Humza Yousaf, promoteur du « Scexit »

Dès 2011, Humza Yousaf a été élu membre du Parlement écossais sous l’étiquette du SNP. Ce parti, fondé en 1934, est devenu, avec le Parti conservateur et le Parti travailliste, l’un des trois grands partis siégeant au Parlement. Cette assemblée créée en 1999 résulte de la dévolution des pouvoirs accordée en 1997 par l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, à l’Écosse, à l’Irlande du Nord et au Pays de Galles.

Le SNP milite pour l’indépendance de l’Écosse : le « Scexit », à savoir la sécession de l’Écosse du Royaume-Uni (dont elle fait partie depuis 1707) et ce, en vue d’une adhésion du pays à l’Union européenne. Cette ligne politique est soutenue par Bruxelles. Elle est encouragée par exemple par le Mouvement européen en Écosse (European Movement in Scotland), placé lui-même sous la houlette du Mouvement européen international (MEI), une organisation-parapluie, financée par la Commission européenne qui promeut urbi et orbi l’idée d’intégration européenne.

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Ce qui n’est pas encore certain, c’est si l’Écosse serait obligée, en tant que nouvel État-membre de l’UE, d’entrer dans l’espace Schengen et d’adopter l’euro comme monnaie. Si oui, une « frontière dure » avec l’Angleterre serait érigée et des check-points seraient mis en place pour le contrôle des passeports et des marchandises.

Dès son élection, Humza Yousaf a réclamé la tenue d’un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse, appelé « indyref2 ». Le premier référendum s’était tenu en septembre 2014 et avait été un échec pour les indépendantistes. Pour l’heure, la Cour suprême britannique s’est prononcée contre « indyref2 » et le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’y est également opposé. Par ailleurs, le 13 avril, le ministre des Affaires étrangères britannique a condamné le fait que des ministres écossais du SNP utilisent leurs déplacements à l’étranger « pour promouvoir le séparatisme et saper les positions politiques du gouvernement britannique ».

Humza Yousaf, chantre du multiculturalisme…

Lors des élections législatives écossaises de 2011, Humza Yousaf avait déjà défrayé la chronique en prêtant le serment d’allégeance des députés au Monarque britannique à la fois en anglais et en ourdou, sa langue maternelle. Pour l’occasion, il était vêtu d’un étrange habit de cérémonie hybride composé d’un manteau masculin indo-pakistanais (le sherwani) et d’un tartan traditionnel écossais. Ce faisant, il s’était inscrit dans une optique communautariste parfaitement acceptée en Écosse, où les députés doivent d’abord prêter serment en anglais mais peuvent ensuite répéter le sermon dans une autre langue (au Parlement britannique à Westminster, le premier sermon doit se faire en anglais mais les députés qui veulent répéter le sermon dans une autre langue doivent se limiter au gaélique écossais, au gallois ou au cornique).

… et suspecté d’être un promoteur de l’islamisme

Dès son élection, le 29 mars, le nouveau Premier ministre écossais s’est affiché en famille dans sa résidence officielle de Charlotte Square (Bute House) à Edimbourg à l’occasion d’une prière islamique. Le 21 avril 2023, jour marquant la fin du Ramadan, il a publiquement souhaité aux musulmans d’Écosse et du monde entier une bonne cérémonie de l’Aïd el-Fitr. Au-delà de cet affichage qui, en France, ferait bondir les thuriféraires de la laïcité, le Premier ministre écossais a entretenu, au début de sa carrière politique, des liens avec l’islamisme qui ont été très peu évoqués par les médias au cours de la récente campagne pour la présidence du SNP, mais qui ont fait l’objet d’un résumé synthétique sur le site web Focus on Western Islamism. Cette carrière démarre dans la deuxième moitié des années 2000, lorsqu’il devient l’assistant de plusieurs cadres dirigeants du SNP. À ce moment-là, il dirige avec son cousin Osama Saeed la Scottish Islamic Foundation (SIF) et c’est dans ce contexte que, en 2008, il a organisé une rencontre entre le ministre de l’Europe, des affaires extérieures et de la culture et trois islamistes ayant des liens forts avec le Hamas et les Frères musulmans. D’ailleurs, entre 2008 et 2012, la SIF a reçu une subvention de 405 000 livres de la part du gouvernement indépendantiste. Élu député en 2011, Yousaf devient lui-même ministre de l’Europe et des affaires extérieures et accorde une subvention de 398 000 livres à Islamic Relief, l’une des plus grandes organisations caritatives islamistes au monde qui a des liens avec les Frères musulmans. L’antisémitisme de ses cadres dirigeants a été dénoncé par le département d’État américain en 2020. Avant son élection, Yousaf avait été porte-parole de cette organisation en Écosse. Son cousin Osama Saeed a appelé de ses vœux l’instauration d’un califat en 2005. En 2006, il a défendu publiquement celui qui allait devenir le chef d’Al-Qaida dans la péninsule arabique : Anwar Al-Awlaqi. En 2010, Saeed a quitté l’Écosse afin de travailler pour Al Jazeera au Qatar, pays avec lequel Yousaf aurait entretenu aussi des relations.

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Depuis, Yousaf a apparemment pris ses distances avec ces accointances et se présente aujourd’hui plutôt comme progressiste. Mais la loi contre les crimes de haine, très restrictive, qui a été promulguée par le gouvernement écossais quand il était secrétaire la Justice en 2020, a été vivement critiquée : selon certains, l’article portant sur la religion ressuscite le crime de blasphème, aboli il y a longtemps. Ainsi son progressisme wokiste, affiché dans sa défense acharnée de la loi écossaise facilitant les transitions de genre, n’est pas incompatible avec l’activisme islamique. Pendant la campagne pour être chef du SNP, il a affiché sa foi musulmane en admettant qu’elle n’était pas favorable au mariage gay, mais a prétendu que sa religion n’influerait pas sur son travail de législateur. Cela ne l’a pas empêché d’être élu. En revanche, les adhérents du SNP n’ont pas fait preuve de la même mansuétude envers sa rivale, Kate Forbes, ancienne secrétaire chargée des Finances, dont le christianisme traditionnel a été vivement censuré par les médias et militants wokistes.

Avec ses multiples facettes (indépendantiste, européiste et multiculturaliste), Humza Yousaf semble cocher les bonnes cases pour séduire les institutions européennes. Quant à ses inclinations islamistes potentielles, les tenants de l’intégration européenne à marche forcée s’en accommoderont probablement sans rechigner, si cela permet de faire avancer leur agenda. En effet, rien ne semble freiner l’entrisme islamiste dans les institutions européennes, comme en ont témoigné la campagne de promotion du voile islamique ou les récentes affaires de corruption impliquant le Qatar au Parlement européen.

«Casserolades»: le pouvoir contraint à la politique du non contact

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Emmanuel Macron, théoricien du «en même temps», vient d’inventer une nouvelle coquecigrue: la proximité distancée. Un billet politique d’Ivan Rioufol.


Afin de démontrer qu’il ne serait pas reclus dans le bunker qu’est devenu l’Élysée, le chef de l’État a décidé d’aller à nouveau, pour quelques mises en scène télévisées, à la rencontre des gens. Mais l’image qui en est ressortie, mardi à Vendôme (Loir et Cher), a été le révélateur têtu de la réalité du pouvoir esseulé. C’est un président tenu à l’écart de la foule et des « casserolades » qui s’est essayé à une brève immersion auprès d’un public choisi. La société du non contact, issue de la crise sanitaire, est en train de déteindre sur la pratique politique. Le divorce entre la caste et la société ordinaire est tel que seule la distanciation permet d’éviter que les situations ne dégénèrent. Des ministres, dépêchés pareillement sur le terrain, ont dû également se réfugier dans l’attente ou la fuite pour éviter d’avoir à rencontrer des Français furieux. Le gouvernement veut se rassurer en mettant en avant dans les médias la réplique de Rima Abdul-Malak, interpellée lundi soir par deux syndicalistes CGT lors de la 34e cérémonie des Molière. De fait, la ministre, qui avait préparé sa riposte, a été applaudie par l’assistance. Mais ceci n’est guère un exploit venant d’un milieu théâtral acquis à la pensée conforme du macronisme. Le comédien Michel Fau, qui a quitté la salle après la saillie des deux militantes de l’intermittence, replace la réalité du problème, hier dans Le Figaro. Il explique: « Il y a un mépris pour le théâtre populaire qui est problématique ». C’est ce rejet du peuple, de ses goûts, de ses aspirations, qui est au cœur de la crise politique et démocratique.

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Rennes, 17 avril 2023 © PICAUD JUSTIN/SIPA

Macron se trompe en croyant pouvoir « tourner la page » des retraites. Il se trompe en traitant de « démagogues » ou de « populistes » ceux qui protestent. Il se trompe en maintenant une distanciation avec ses compatriotes. Il se trompe nommant volontairement le RN recentré de son ancien nom, le Front national.

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Il fait comprendre, en effet, qu’il ne voit rien du réveil de la classe moyenne, de cette société majoritaire mais marginalisée. Or elle entend se faire entendre, quitte à prendre une place centrale. Le contraste est saisissant entre Macron, contraint de s’éclipser en hélicoptère, et Marine Le Pen qui, dans une hyper-proximité locale, est acclamée par les badauds qui lui demandent des selfies et l’appellent par son prénom. Crier au retour de l’extrême droite, comme Macron et bien des médias moutonniers le font, est une autre manière d’insulter ces citoyens oubliés. Ils sont en recherche d’un mouvement politique qui les respecte et les écoute. Ce sont des Français abandonnés qui se tournent vers la droite patriote, également représentée par « Reconquête ! », voire LR. Dans le monde enseignant, citadelle de la gauche, 25% des professeurs auraient voté RN lors de la présidentielle (Cevipof). Une révolution est en marche. Les « élites » calfeutrées doivent s’attendre à rendre des comptes.

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Sandrine Rousseau part en guerre contre le «suprémacisme blanc»

Le 19 avril, Sandrine Rousseau (EELV) était l’invitée de Sciences Po, à Reims. La députée a pu y asséner le discours dont nous allons parler sans rencontrer aucune résistance, devant un auditoire apathique, somnolent et résigné. Malheureusement, on sentait le public qui en a entendu d’autres… Pendant ce temps, on ne lui reparle pas de la bousculade imaginaire avec Eric Piolle ni de ses agissements contre Julien Bayou.


La conférence de Sandrine Rousseau se tenait en effet dans un IEP (institut d’études politiques), un de ces lieux dits de savoir dans lequel l’idéologie woke s’est substituée à ce dernier, a pris ses aises et se répand comme une mauvaise maladie.

Discours débilitants

Le wokisme contamine le monde universitaire. Les domaines les plus perméables à cette idéologie sont les sciences sociales, sociologie et sciences politiques en tête. Là où sont formées les futures « élites », universitaires, journalistes, hauts fonctionnaires, consultants, etc., le wokisme a fait son nid et prospère. Il espère ainsi que les différentes branches de son arbre doctrinaire pousseront dans la société tout entière. Sur l’une de ces branches, les adeptes du « racialisme » (cet antiracisme raciste) se targuent de débusquer le « suprémacisme blanc » un peu partout, y compris là où on s’attendrait le moins à le trouver.

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C’est ainsi que, dans le cadre d’un séminaire organisé par Sciences Po Paris et l’Université de Nanterre, une « chercheuse » au CNRS dénommée Mathilde Cohen a pu affirmer que « les habitudes alimentaires sont façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches » et que la « blanchité alimentaire renforce la blanchité comme identité raciale dominante ». Une autre fois, c’est France Culture qui rapporta le discours débilitant d’un historien de l’art, Philippe Jockey, lequel monta sur ses grands chevaux pour expliquer que les sculptures de l’Antiquité étaient à l’origine polychromes (avant de blanchir sous l’effet du temps) mais que l’Occident avait caché ce fait pour pouvoir « placer le blanc au cœur de ses valeurs et rejeter l’“impur”, le bigarré, le métissage des couleurs ». De son côté, le gouvernement norvégien finance actuellement un projet de recherche dont l’ambition est d’expliquer comment la Norvège a participé à la diffusion de l’idée d’une supériorité blanche à travers le colonialisme et… la peinture blanche, en particulier le “blanc de titane” créé par une entreprise norvégienne. Conceptrice de ce projet, l’historienne de l’art Ingrid Holland a expliqué que la symbolique autour de la « blanchité » (en l’occurrence celle de la peinture) véhiculait « une structure culturelle et visuelle de privilège » – en clair, que la peinture blanche n’est rien d’autre qu’un outil de propagation d’une doctrine raciste et suprémaciste privilégiant les Blancs. À la vitesse où vont les âneries, sans doute apprendrons-nous bientôt que des sociologues polaires s’apprêtent, après avoir exploré la structure visuelle et culturelle de la banquise, à livrer une thèse époustouflante sur le suprémacisme de l’ours blanc et, subséquemment, la disparition programmée de l’ours brun dans ces glaciales et blanches contrées.

En terre bien connue

À l’invitation de Sciences Po, Dame Rousseau a donc donné une conférence à Reims. Se sentant en terrain conquis, elle a lâché la bride à son esprit qui, répondant toujours présent quand il s’agit de pondre les bêtises les plus bêtes, n’en demandait pas tant. La salle semble avoir réagi mollement aux excentricités verbales de la députée. Pourtant, cette dernière n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Accrochez-vous, c’est parti mon kiki : « L’extrême droite aujourd’hui c’est un mouvement suprémaciste blanc. […] La motivation, l’énergie de ce mouvement d’extrême droite, c’est le suprémacisme blanc. […] Moi je suis pour rediaboliser, je suis pour taper comme des sourds dessus. Et je veux responsabiliser les électeurs et les électrices du RN en leur disant :“ce que vous faites là, c’est banaliser une forme de hiérarchie des races” ». Craignant d’offenser les sourds comme un pot, les sourdingues, les durs de la feuille, bref, les « malentendants », Dame Rousseau a tenu à préciser que l’expression « taper comme des sourds » devait être prise « au sens figuré, bien entendu ». D’après elle, les électeurs « d’extrême droite », ces bouffeurs d’entrecôtes sans aucune morale, sont des racistes éhontés et les membres d’une sorte de Ku Klux Klan à la française, et le RN ou « Reconquête ! » sont des repaires de nazis obnubilés par la différence des races et voulant prendre le pouvoir au nom, non pas d’un projet politique concernant tous les Français, mais d’une politique raciale fondée sur une idéologie raciste – puisque c’est ce qu’est, stricto sensu, le « suprémacisme blanc ».

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Le matin même, sur France Info, la députée EELV affirmait que « l’écologie ne peut pas être d’extrême droite » à cause des « enjeux de migration autour des effets du réchauffement climatique » et que le RN et « Reconquête ! » sont des « mouvements suprémacistes blancs ». Si Sandrine Rousseau reconnaît que les prochaines migrations Sud/Nord seront très importantes, elle préfère se refaire une beauté antiraciste en montrant du doigt les soi-disant « xénophobes » désirant « fermer les frontières » plutôt que d’envisager le moindre empêchement à cette déferlante migratoire. D’ailleurs, conclut-elle, « l’immigration est un sujet trop important pour le discuter avec le RN en réalité, voilà ! » La chanson est connue et fut dénoncée en son temps par Paul Yonnet dans son essai récemment réédité : « Être “antiraciste”, pour ceux qui en font bruyante profession publique et les organisations classées sous cette étiquette, ce n’est plus lutter contre la décolonisation, contre une pratique de ségrégation ou une théorie de domination raciale expansive, c’est tenter de faire échec à toute mesure visant à prévenir l’arrivée massive et incontrôlée d’étrangers en France. [1] » Par exemple, après avoir lu le tweet de Jean-Paul Garraud (député européen RN) dénonçant le laxisme d’une contrôleuse SNCF laissant des migrants sans papiers et sans billets s’installer en 1ère classe dans un train, Sandrine Rousseau n’a pas hésité à montrer sa moraline antiraciste à tous les passants : « Gloire à la contrôleuse ! » a-t-elle twitté à son tour, la conscience soulagée d’avoir pu moucher un « suprémaciste blanc ».

Quand on mettra les c*** sur orbite…

Pourtant, de récentes révélations laissent à penser que Mme Rousseau a une morale que nous pourrions qualifier de variable ou, disons, de capricieuse. Ainsi, tandis qu’elle tançait vertement les représentants du RN et de « Reconquête ! » ou Julien Bayou et Adrien Quatennens, oubliait-elle de rectifier quelques-uns de ses mensonges, à propos d’une bousculade imaginaire avec son collègue Éric Piolle ou d’une intervention fantasmée de M. Darmanin pour l’empêcher d’obtenir la direction de Sciences Po Lille, par exemple… Plus embêtant, elle semble avoir également oublié l’utilisation d’une fausse déclaration de domicile lui permettant de voter au premier tour des présidentielles dans le XIIIe arrondissement de Paris qu’elle n’habitait pas à ce moment-là – ce qui relève du délit d’usage de faux. Ces égarements ont été révélés dans l’émission “Complément d’enquête” sur France 2. On y voit une Sandrine Rousseau gênée aux entournures, le nez pincé, agacée de devoir paraître à son tour devant le tribunal médiatique. La députée n’est pas contente, mais pas contente du tout. Elle l’a fait savoir, après l’émission: désormais, elle ne répondra plus qu’à des journalistes abordant sa « stratégie politique ». Si cette stratégie politique consiste à continuer de sortir systématiquement des imbécillités du genre de celles décrites ci-dessus, on n’a pas fini de se marrer.

[1] Paul Yonnet, Voyage au centre du malaise français, p. 43, Éditions de L’Artilleur.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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Vu d’Hiroshima…

Dans son périple culturel au Japon, notre chroniqueur est passé à Hiroshima. Les considérations qu’il en tire n’engagent que lui, bien sûr…


Mardi 25 avril. Il pleuvait sur Hiroshima. Quand on visite certains lieux de mémoire, il faut se débrouiller pour que la météo soit en accord avec l’événement qu’ils évoquent. Se rendre à Auschwitz en été est une faute de goût. Mais en janvier-février, c’est parfait — surtout en pyjamas rayés. Hiroshima sous la pluie, c’est très bien, même si ce n’était pas la pluie noire qui est tombée sur les survivants de l’explosion atomique et les a contaminés, même assez loin du site. Non, juste « une pluie de deuil terrible et désolée », comme dit Prévert.

Et il faut être aussi limitée que Marguerite Duras pour ne voir à Hiroshima qu’une occasion de se frotter encore une fois à une peau d’asiate.

Mille origamis avant de mourir

La visite du Point zéro, l’hypocentre où est tombée la bombe, du dôme de Genbaku, tout à côté, le seul bâtiment qui ait résisté au souffle qui en un instant a tué 75 000 habitants, du parc dédié à la paix — tu parles — et du Musée où sont rassemblés les souvenirs du cataclysme, sous des rafales rageuses, cela vous cheville l’optimisme à l’âme.


Je n’avais pas lu grand-chose sur ce 6 août 1945. La Tombe des lucioles, le poignant récit d’Akiyuki Nosaka (1967), où il raconte entre autres comment il retrouve sa mère, emmitouflée dans une couverture, apparemment indemne — en fait, cuite à l’étouffée —, et comment il a tenté de survivre, tout gamin, avec sa petite sœur, se passe à Kobe, pas à Hiroshima. Les Américains se contentèrent, là, des bombes au phosphore qui l’année précédente avaient anéanti Dresde et Hambourg — lire absolument La Peau, de Malaparte, si vous voulez frissonner. Et, bien sûr, j’avais lu Pluie noire, le terrible récit de Masuji Ibuse paru en 1965, qui est un pur chef-d’œuvre basé sur les documents historiques.

J’ai donc appris quelques détails que j’ignorais. Que Little Boy avait été couvert de messages injurieux à l’adresse des Japonais. Que le commandement américain avait sciemment évité de bombarder Hiroshima, dans les semaines qui avaient précédé la bombe, afin d’évaluer exactement le pouvoir destructeur de leur petite merveille. Et que les 12 hommes chargés de la mission à bord de l’Enola Gay ont tous été décorés à leur descente d’avion. Jamais tueurs de masse n’ont été tant fêtés.

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Puis j’ai visité le Musée du Mémorial pour la paix. Entre autres artefacts, un pan de mur sur lequel a été photographiée par l’explosion l’ombre d’un homme qui attendait là l’ouverture de la bibliothèque — c’est tout ce qu’il reste de lui. Ou des vêtements épars, sans les corps qu’ils enveloppaient. Comme chantait le poète Matsuo Bashō (1644-1694) dans l’un de ses plus célèbres haikus :

« Du linge sèche au soleil
Qu’elle est petite
La chemise de l’enfant mort. »

Une longue suite de photographies est consacrée à Sadako Sasaki, une petite fille qui à deux ans échappa à la mort immédiate, mais qui en 1954 fut atteinte d’une leucémie et de divers cancers. Persuadée — c’est une vieille légende japonaise — que si elle parvenait à fabriquer 1000 grues (c’est l’oiseau-fétiche, ici) en origami, elle survivrait, elle s’est lancée dans des pliages, et des pliages, de tous les papiers qu’elle a trouvés, y compris les étiquettes de ses médicaments. Mais elle n’est pas parvenue à 1000 avant de mourir. D’où des milliers de guirlandes d’oiseaux de papier multicolores, accrochés çà et là à divers monuments commémoratifs dans la ville.

C’est elle qui s’élance, tenant entre ses bras levés une grue stylisée de bronze, tout en haut du Monument des enfants pour la Paix, devant laquelle, mercredi matin, étaient rassemblés des centaines de lycéens en uniforme, entonnant des hymnes patriotiques et attachant des guirlandes de grues en origami, de toutes les couleurs. Des millions de grues — pour que le Japon à jamais vive. Sommes-nous vraiment incapables de susciter ce genre d’élan en France ?


Plaisanteries ricaines

Les Japonais, en Chine ou en Corée, ne furent jamais des enfants de chœur, c’est entendu. Mais comme ils avaient perdu, c’est eux que l’on a fait passer devant les tribunaux — et que l’on a pendus en grandes quantités. Vae victis, comme disaient les Gaulois aux Romains.

Les Américains, qui ont monté ces tribunaux, ici comme à Nuremberg, ne se sont pas demandé si eux-mêmes ne méritaient pas de passer en procès pour crimes de guerre — ou, comme ici, pour crimes contre l’humanité. Ils ne se sont jamais interrogés, malgré la Corée, le Vietnam, le Chili, l’Irak, et toutes les guerres directes ou indirectes où ils furent impliqués. Aujourd’hui, ils voudraient que Poutine soit jugé à La Haye parce qu’ils ont décidé que l’Ukraine faisait désormais partie de leurs dominions. Sinistre plaisanterie. Alors qu’eux-mêmes n’ont jamais reconnu la validité du tribunal international. Ce qui est non-américain leur est étranger.

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Il serait temps de cesser ces effets d’épate. La guerre est abominable, parce qu’elle est ce moment délicat où la force prime le droit — le moment exquis de tous les tueurs en série rebaptisés héros. Le spectacle des va-t’en-guerre qui hantent les plateaux de télévision depuis un peu plus d’un an, et qui ne risquent rien eux-mêmes, me révulse.

En attendant, je suggère à tous mes collègues qui organisent régulièrement des voyages scolaires à Auschwitz d’oser amener — c’est plus cher mais c’est pédagogique — leurs élèves à Hiroshima. Riante cité par ailleurs, qui dans trois semaines accueille les membres du G7 : on va bien s’amuser entre maîtres du monde, les journalistes présents brocarderont la Russie et la Chine, qui s’en fichent, en oubliant que le principal fauteur de guerres, depuis 1945, ce sont les États-Unis d’Amérique. Sauf qu’ils répugnent désormais à voir les boys revenir at home dans des cercueils plombés — alors ils se battent par personnes interposées. Très habile.

Mais qui s’interposera quand la Chine passera la mer pour récupérer Taïwan, qui lui appartient de droit ? Et nous le savons si bien, nous Français, que nous avons reconnu la Chine communiste — mais pas la grande île, en face, où s’était réfugié Tchang Kaï-chek. Comme la très grande majorité des membres de l’ONU.

Si les États-Unis comptent sur le Japon, ils iront de déconvenues en déceptions. D’abord parce que le pays du soleil levant regarde plus vers le marché du sud-est asiatique, à commencer par la Chine, que vers un allié d’outre-Pacifique qui fait de l’égoïsme l’un des beaux-arts. Et puis parce qu’il est temps de régler certains comptes — poliment, mais fermement. Et aux demandes des Etats-Unis, les Japonais répondront par ce fameux « visage de marbre » (shirankao dans leur langue) qui est l’expression faciale du judoka face à son adversaire.

Akiyuki Nosaka, La Tombe des lucioles, Philippe Picquier, 143 p.

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Masuji Ibuse, Pluie noire, Folio-Gallimard, 384 p.

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«Tsunami» de Marc Dugain, un roman qui emporte

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La fiction déferle sur le réel à moins que ça ne soit l’inverse.


Après L’Emprise et Transparence, Marc Dugain signe un nouveau roman d’anticipation aux accents voltairiens : Tsunami. C’est une fable politique mâtinée de réalisme qu’on prend plaisir à lire tant elle multiplie les rebondissements romanesques sombres voire tragiques, ou, au contraire, cocasses. Sous le mandat du prochain président de la République qui navigue à vue dans un monde menacé par le réchauffement climatique et asservi au numérique, l’auteur croque une France révoltée et violente. Le narrateur du roman n’est autre que ce chef de l’État à venir qui nous donne à lire, chroniqués sur le vif, et émaillés de ses réflexions personnelles sur l’exercice du pouvoir, trois mois de son quotidien à la tête du pays. Fiction et actualité semblent alors miraculeusement fusionner pour un lecteur conquis.

Quand on fait remarquer à Marc Dugain la coïncidence, saisissante, entre notre actualité et la fiction, dans ce roman d’un délitement français, l’auteur rappelle ces mots de Goethe : « Les gens n’ont pas assez d’imagination pour imaginer le réel » 

Startup nation

Jeune et marié à une journaliste farouchement attachée à son indépendance, cet homme a fait fortune en créant une start-up de biotech qui a rendu possible, grâce à la génétique cellulaire, un rajeunissement de plus de 30 ans. Cette séduisante perspective de tenir l’âge en respect a conquis les électeurs. Aussi, au terme d’une campagne soutenue par les GAFAM, et grâce aux réseaux sociaux, cet homme étranger au sérail politique a investi l’Élysée.

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Le voilà président ; les emmerdes commencent : sa dealeuse en cocaïne est arrêtée, les services secrets lui demandent l’autorisation de liquider une djihadiste de retour sur le sol français et sa femme le quitte pour son meilleur ami, lui laissant leur fille sur les bras ! « J’ai beau fouiller dans ma mémoire, je n’ai pas le souvenir de l’histoire d’un président père d’un enfant né d’une mère porteuse, conçu pour consolider le couple qu’il forme avec sa femme qui le trompe avant de le quitter. » Quant à Poutine, vieilli et malade, il est toujours là, embusqué, et bien décidé à rajeunir coûte que coûte pour continuer sa guerre contre l’Occident.

Adrénaline du pouvoir

Rien n’arrête notre homme constamment sollicité par une vie personnelle houleuse et des obligations permanentes. Le pouvoir, qu’on dit aphrodisiaque, le galvanise : « Je prends plaisir à l’adrénaline du pouvoir, comme le coureur de fond aux endorphines. Je suis sur un ring et je ressens la magie de rester debout malgré les coups qui pleuvent. »  Il veut réformer et envisage de supprimer le Sénat : « J’ai annoncé la liquidation de la Chambre des bourgeois balzaciens (…) pour lui substituer une Chambre virtuelle permettant à tous de voter sur tous les sujets d’importance. Une façon de connaître à tous moments l’état de l’opinion sous la forme d’un sondage continu… Je crée ainsi le cadre d’un référendum virtuel permanent. » Concomitamment, il entreprend une grande réforme écologique, imposant le bilan carbone contrôlé de chaque citoyen. Son « passe environnement individualisé » met tout le monde dans la rue…


Toute ressemblance…

Si on voit le président empêtré dans une vie personnelle aussi compliquée que l’exercice du pouvoir qui lui incombe douter et parfois même, fugitivement, se montrer humain, l’hôte de l’Élysée se reprend vite. Jamais, pour lui, de remise en question ou de pause dans l’action. Tel une locomotive qui se serait emballée, l’homme poursuit ses entreprises toujours plus avant, sans se retourner. Il n’est plus qu’une volonté, désireuse de façonner l’histoire et de se démarquer de ses devanciers : « Je n’ai pas été élu pour faire semblant, ni pour jouer la montre en attendant une hypothétique réélection. (…) Je ne vais pas me laisser endormir comme mes prédécesseurs. » C’est une blessure, remontant à l’enfance et dont il a parfaitement conscience qui décuple son énergie : « On a souvent dit qu’une des choses qui liait les présidents successifs sous la Ve République, c’était leur relation désastreuse avec leurs pères respectifs. » Notre Narcisse veut donc, lui, être « le père de la nation », sa mission est de veiller sur les Français que son épouse qualifie de « masse immature et infantile ». Il incombe à la figure paternelle tutélaire qu’il veut par-dessus tout incarner de guider des gens qui  « ne s’aiment pas vraiment entre eux mais attendent de l’État qu’il les force à se respecter. »

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Ce roman de la décomposition française qui confronte un exercice du pouvoir vertical à un désir d’horizontalité et de participation de plus en plus revendiqué par la société est un précipité de toutes les obsessions de l’auteur. On y note l’intérêt porté au pouvoir et à la solitude que confère sa pratique : « (…) des images me reviennent en tête (…) lors du dernier déjeuner dominical offert par Mitterrand à Latche à une brochette de ses proches. (…) On le voit longuement seul, son esprit errant dans les souvenirs de ce pouvoir qu’il a tant voulu (…) » La préoccupation du romancier pour l’environnement structure également ces chroniques fictives : « Nous nous croyons seuls au monde. L’individualisme forcené, le gaspillage, le mépris du vivant et des morts qui ont façonné nos paysages nous mènent au bord du gouffre et nous continuons à espérer béatement (…) alors que la vie disparaît tout autour de nous sans autre fracas que celui de notre inconséquence. » On relève aussi, tout particulièrement, la crainte d’un assujettissement au numérique qui isole l’individu et fissure son équilibre psychique : « La psychologie d’une personne se fonde en grande partie sur l’altérité, le rapport et la confrontation à l’autre. Les gens s’enferment progressivement derrières leurs écrans. (…) La perte de l’altérité, c’est la voie ouverte au délire psychotique. Ce sont les autres qui nous maintiennent dans la réalité, quand ils disparaissent, on se perd en nous-mêmes. »

Quand on fait remarquer à Marc Dugain la coïncidence, saisissante, entre notre actualité et la fiction, dans ce roman d’un délitement français, l’auteur rappelle ces mots de Goethe : « Les gens n’ont pas assez d’imagination pour imaginer le réel. » 

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Opération Wuambushu, chronique d’un fiasco annoncé

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Opération Wuambushu à Mayotte, 24 avril 2023 © MATHYS/ZEPPELIN/SIPA

Une tribune libre d’André Rougé, député européen du Rassemblement national, délégué national à l’Outre-mer dans le parti.


Le moins que l’on puisse dire, s’agissant de notre président de la République, est qu’il ne ménage pas sa peine pour faire entendre la voix de la France. L’an passé à Moscou, au début du mois d’avril à Pékin, et il vient d’annoncer qu’il retournera à Kiev prochainement, « s’il y a une approche utile ». À quoi ce charivari diplomatique peut-il rimer et comment Emmanuel Macron peut-il envisager de faire s’asseoir Poutine, Xi Jinping, Biden et Zelensky à une même table, dès lors que la France est incapable de faire entendre raison à un micro-État de 800 000 habitants dans l’Océan Indien ? Car tel est le premier bilan de l’opération Wuambushu commencée ce lundi 24 Avril. Une opération au principe des plus louables, celui de s’occuper enfin de nos compatriotes du département de Mayotte en leur apportant la sécurité des personnes et des biens, premier des devoirs régaliens de l’État.

L’objectif de cette opération est triple :

  • Mettre fin à l’occupation illégale, en délogeant les squatteurs, de domaines privés et publics.
  • Reconduire à la frontière des Comores 10 % des 100 000 migrants clandestins présents illégalement sur l’île.
  • Interpeller et présenter à la justice les criminels, délinquants, marchands de sommeil, trafiquants de faux papiers et autres passeurs errant en toute liberté parmi les villages de bidonvilles.

Pour cette seule et dernière raison de rétablissement de l’autorité de l’État, l’opération doit se poursuivre. Les 1 800 policiers et gendarmes présents dans ce département français de l’Océan Indien doivent – en interpellant le maximum de ces individus que les Mahorais n’hésitent pas à appeler terroristes – faire changer la peur de camp.

Hélas, j’ai eu l’occasion de dénoncer, publiquement et avant son démarrage, l’impréparation de cette opération pourtant réclamée depuis 2018 par nos compatriotes mahorais, mais c’était prévisible, avec trois ministres – et non des moindres s’agissant des ministres régaliens – de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères qui se sont fourvoyés, la transformant en un retentissant et cuisant nouvel échec du gouvernement !

Après les incartades locales du Syndicat de la magistrature, mon collègue Julien Odoul, avait interrogé, à ma demande, M. Dupond-Moretti. Il était en effet prévisible que certains feraient usage de l’article 55 de notre Constitution précisant que les juridictions françaises peuvent annuler ou suspendre un acte administratif ; même fondé sur une loi, si elles considèrent qu’elle méconnaît un traité (comme la CEDH ou le droit de l’UE). Or, la France s’était déjà fait épingler par la CEDH au titre de son article 8, en 2003, lors d’opérations analogues à Mayotte et dans la collectivité territoriale de Saint Martin.

Cette jurisprudence très laxiste que le garde des Sceaux connaissait, aurait très bien pu être anticipée mais ça n’a pas été le cas.  Personne ne parviendra à nous faire croire et accepter qu’aucun moyen propre n’existe ou n’est connu, pour défendre les intérêts supérieurs de l’État et les intérêts supérieurs des Français !

Quant à l’attitude du gouvernement de l’Union des Comores, qui a refusé l’accostage d’un bâtiment français dans le port de l’île d’Anjouan, s’il était un fait aisément prévisible ; c’était bien celui-là !

A relire: Mayotte: Darmanin peut-il faire plier les Comores?

Mayotte est française depuis 1841, bien avant Nice et la Savoie, par trois fois et par voie référendaire, les Mahorais ont confirmé leur souhait d’appartenir à la France, ce qui est, d’ailleurs, gravé dans le marbre de l’article 72-3 de notre Constitution. Jamais les Comores, animés par une volonté irrédentiste, ne l’ont accepté.

Ce refus se traduit par des provocations à répétitions à l’égard de la France. En août 2019, le président Azali déclare sur les ondes de RFI qu’il ne reconnaît pas l’autorité du Préfet de Mayotte sur le territoire comorien. Une réaction digne de ce nom eût consisté en une action diplomatique forte sous forme du rappel de notre ambassadeur pour consultation, comme ce fût le cas pour notre ambassadeur à Rome après qu’un membre du gouvernement italien ait eu l’« outrecuidance » de rencontrer un comité de « gilets jaunes ». Et, il eût été normal de convoquer l’ambassadeur des Comores à Paris, au Quai d’Orsay, afin de lui signifier le mécontentement de la France.

Réaction de la France… Aucune !

En revanche, le président Azali a été reçu, en grande pompe, à l’Élysée par Emmanuel Macron. Il en est ressorti avec un chèque d’aide au développement de 150 millions d’euros (dont nos compatriotes mahorais auraient bien besoin) en contrepartie desquels il s’engageait à recueillir tous les ressortissants comoriens expulsés.

Cette largesse de la France ne l’a, en aucun cas, empêché de réitérer quelques temps plus tard. Lors de la dernière assemblée générale de l’ONU, le même président Azali a revendiqué la propriété de Mayotte à la tribune de l’institution internationale.

Réaction de la France… Nulle !

J’interrogeais alors notre ministre des affaires étrangères quant à cette absence de réaction qui m’a répondu en ces termes « La coopération étroite que nous entretenons avec les Comores, fruit d’un engagement de long terme, nous permet de réduire fortement la pression migratoire sur notre territoire mahorais […] en luttant ensemble, contre l’immigration clandestine grâce […] à une coopération exemplaire en matière de reconduites » [sic].

Pour compléter, chacun aura pu noter la volonté d’ingérence de cet archipel d’îlots dans les affaires intérieures de la France en réclamant l’annulation de Wuambushu. Il est aisé d’imaginer quelle serait la réaction de notre pays si Mme Meloni, M. Scholz ou M. Sunak se mêlait de ce qui se passe à Nice, en Alsace ou à Calais.

Mais là…rien !

Pour conclure ce florilège de défis et bravades, rappelons-nous les récentes déclarations de l’ambassadeur des Comores à Paris expliquant que les Comoriens sont chez eux à Mayotte. 

A tout cela, il convient d’ajouter que cette opération ne peut être viable qu’à court terme car les 70km du bras de mer séparant Anjouan de Mayotte n’empêcheront en rien les expulsés de revenir sur le territoire français d’ici six mois. Cette opération met surtout en évidence, au travers des manquements de nos trois ministres régaliens, l’amateurisme et l’incompétence du personnel politique en charge de l’exécutif de notre pays et la méthode d’Emmanuel Macron. Gouverner c’est prévoir ! L’impréparation de cette opération aura douché les espoirs de nos compatriotes mahorais et il faut souhaiter que celle-ci se poursuive pour les raisons indiquées plus haut, même si elle ne suffira pas. Il faudra, pour Mayotte comme pour la Guyane, une autre opération de ce type, mais avec les préalables indispensables à la lutte pour une maîtrise souveraine de l’immigration et pour la protection de la nationalité française, comme le propose Marine Le Pen.

Une révision de la Constitution par référendum pour refonder le cadre constitutionnel du statut des étrangers, de notre nationalité et mettre fin aux dérives d’une jurisprudence devenue folle. Ainsi, les juges ne pourraient plus écarter une loi au motif d’un traité ou du droit de l’UE. Il sera posé, comme principe que l’expulsion est possible, dès lors qu’un étranger viole nos lois et ce, quelle que soit sa situation personnelle ou celle de sa famille. Cette réforme interdira toute forme de régularisation des clandestins. Le droit d’asile ne sera plus accordé sur le territoire national, mais dans les consulats et ambassades de façon préalable à l’arrivée en France. La suppression définitive du droit du sol sera, enfin, constitutionnalisée. Ces mesures s’adapteront, bien sûr, à la France d’Outre-mer au regard des normes prévues par les articles 73 et 74. Quant au droit international, que les Comores vont tenter d’instrumentaliser, doit-il autoriser un État à refuser de protéger ses ressortissants en les accueillant sur leur propre sol, mais aussi à organiser une émigration anarchique, sinon conquérante et violente sur le territoire d’un État voisin ? La France est, de ce point de vue, agressée par les Comores. Nous avons, légitimement le droit de réagir par la plus grande fermeté. En cela, l’opération Wuambushu est une excellente répétition de l’action que devra mener un gouvernement : appliquer les lois de la République conséquentes à un référendum sur l’immigration voulu par Marine Le Pen. À Mayotte, en Guyane, comme ailleurs, nombreux sont les Français qui attendent l’élection de Marine Le Pen pour retrouver ce respect, cette protection et cette espérance.

Le p’tit commerce de Dieudo

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Ouverture du procès en appel de Dieudonné pour fraude fiscale et blanchiment, Paris, 26 mars 2019 © Tristan Reynaud/SIPA

Notre ami Jean-Paul Lilienfeld a été le premier réalisateur à offrir un grand rôle au cinéma à l’humoriste. S’il a vite reconnu son talent et ses travers, il n’a compris que tardivement que l’antisémitisme était devenu son fonds de commerce. Aujourd’hui, il ne peut croire en l’honnêteté de ses « excuses ». Témoignage.


Qu’est-ce que j’apprends ? Dieudonné demande pardon ? Dieudonné présente ses excuses ? Ah non pas de ça Dieudonné ! Continue de nous faire rire.

Quand j’ai travaillé avec Dieudonné, il n’était pas encore drôle. C’était il y a un quart de siècle. Une époque où malheureusement, les Noirs n’étaient pas encore racisés. Ils étaient « Tout simplement noirs ».

Faire tourner Dieudonné était l’aboutissement d’une démarche entreprise avec L’Œil au beur(re) noir, écrit avec Patrick Braoudé à la fin des années 1980. Je crois bien que c’était la première fois qu’un film français proposait un Noir et un Arabe en premiers rôles. Le jour où il a eu le César du meilleur premier film, je me souviens avoir dit à Pascal Légitimus que l’étape suivante, ce serait qu’un Noir joue un premier rôle qui pourrait être tenu par un Blanc, juste parce qu’il serait le meilleur pour ce rôle.

Pour le casting d’HS, Hors Service en 1998, il me fallait pour le premier rôle un acteur crédible en psychopathe. J’ai donc demandé à Dieudonné.

Alors que nous travaillions en amont du tournage, quelques détails m’ont chiffonné. Mais rien de drôle encore, rien d’antisémite. C’était l’argent son problème. Je ne me laisserai pas aller à écrire dans une gesticulation comique désopilante que, l’argent, les juifs, tout ça se tient. Ne comptez pas sur moi. Compter, toujours compter… y’a rien à faire !

Je revois encore cet éboueur entrer timidement dans le Théâtre de la Main d’or désert en cette fin d’année 1998, « pour les étrennes ». Je revois la lueur de panique dans les yeux de Dieudonné. Sa fébrilité à tâtonner ses poches comme s’il ne savait pas déjà qu’il allait répondre qu’il n’avait pas d’argent sur lui. Un peu taquin, je lui ai suggéré de faire un chèque… Manque de chance, il n’avait pas de chéquier non plus. Quand ça veut pas…

L’éboueur est reparti en grommelant des trucs pas faits pour être vraiment entendus.

Les tournages, c’était quelque chose…

Pendant le tournage il n’apprenait pas ou peu son texte et cela entraînait des heures supplémentaires qui pesaient sur l’équipe et sur moi. À la fin de l’une de ces journées catastrophiques, furieux, je suis allé le voir dans sa loge pour lui dire qu’au prix où il était payé, le minimum syndical était d’apprendre son texte.

Et là, pour la première fois, il a été vraiment drôle : « Tu me dis ça parce que je suis noir. »

Dieudonné venait de trouver son clown.

Lorsque j’avais annoncé que je lui confiais le rôle principal, un des investisseurs, pas emballé, m’avait demandé : « Pourquoi un Noir ? » Dieudonné le savait et il savait aussi que j’avais répondu : « Et pourquoi pas ? » provoquant un silence embarrassé.

À l’époque j’avais un bête humour israélien. Au lieu de me faire rire, sa mauvaise foi a entrainé une engueulade bruyante qui a fait accourir la directrice de production affolée.

La suite du tournage a été tendue. On ne s’est évidemment pas revus après…

Puis arrive 2003, le jour du drame, le sketch « Isra-Heil ». Dont j’ignorais tout, car je n’étais pas en France.

Je reviens quelques jours plus tard et à ma grande surprise, je reçois un appel de Dieudonné : « Tu le sais toi que je ne suis pas antisémite. »

A lire aussi : Tes excuses, c’est à moi que tu les dois!

Sa question m’étonne, il m’explique ce qui s’est passé (juste un sketch, une déconnade tu vois). Je lui réponds, que n’ayant rien vu, je n’ai pas encore d’avis, mais qu’effectivement pendant le tournage, son principal défaut n’était pas l’antisémitisme…

Je regarde le passage de sa « déconnade » que je trouve lamentable mais à vrai dire, je trouve lamentable aussi l’espèce d’hallali qui a suivi. Dont je me dis vingt ans plus tard qu’il a probablement été fondateur de la suite.

N’oublions pas : radin (plus de rentrées d’argent) et parano (les juifs m’ont acculé, je vais les enc…)

Cependant, je suis sûr qu’au fond de lui, il est plein de gratitude pour les juifs. C’est grâce à eux qu’il est devenu presqu’aussi fort que Michel Leeb.

Mon Dieudo, en 2010, j’ai vu ton amusante saillie sur YouTube : « Il faut être juif pour avoir la liberté d’expression en France. […] Ils nous ont colonisés. La mort sera plus confortable que la soumission à ses chiens. » J’ai ri ! Mais j’ai ri ! Ça y est mon Dieudo, tu tiens le filon !

Et quand j’ai lu sur blackmap.com : « Les juifs sont un peuple qui a bradé l’holocauste, qui a vendu la souffrance et la mort pour monter un pays et gagner de l’argent. […] Maintenant, il suffit de relever sa manche pour montrer son numéro et avoir droit à la reconnaissance. » La force comique du gars !

Alors je t’en supplie, mon Dieudo, continue comme tu le fais depuis vingt ans de semer avec tant de verve la haine du juif. Continue de parler des sionistes en France, afin d’échapper aux procès de ces salauds, et des juifs quand tu es en Algérie – « il n’y a qu’en Algérie où je peux jouer parce que les autres pays africains sont sous contrôle du lobby juif » (conférence de presse à Alger en 2010). Les gens qui se donnent la peine de sachoir t’ont bien compris lorsque tu as déclaré, sur la chaîne iranienne Sahar 1, en septembre 2011 : « Le sionisme a tué le Christ. C’est le sionisme qui prétendait que Jésus était le fils d’une putain […]. »

A lire aussi : Le complot, ça rapporte gros!

Qui, hormis un idiot de sioniste, ne comprend pas qu’au temps de Jésus, il n’y avait que des juifs et pas encore de sionistes. Puisque les juifs étaient encore chez eux. Enfin chez les Palestiniens. Enfin je me comprends…

J’ai capté que ta demande de pardon est encore une farce quand ton avocat a invoqué l’honnêteté de ta démarche. Honnête mon Dieudo condamné, entre autres, à deux ans fermes en appel pour abus de biens sociaux et fraude fiscale ? J’ai pouffé. Tu sais quoi ? C’est presque de l’humour juif.

Et quand ton avocat a ajouté que ta demande de pardon était une référence à Yom Kippour, fête juive consacrée à regretter les mauvaises actions et les mauvaises pensées commises durant l’année écoulée, là, tu m’as éclaté. J’ai su que tu leur mettais encore une belle quenelle. Un antisémite acharné découvrant soudainement la plus grande fête juive ? C’est pas de la bonne vanne ça ! Il se dit que tu es malade. Si malheureusement, c’est vrai, merci le Mossad. Mais ils ne t’auront pas. Je suis sûr que tu vas nous revenir avec tes sketchs qui me feront rire. Jusqu’aux larmes. Dieudo, vite ! Encore des punchlines qui tuent.

Mais que fait la police?

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"La gravité" de Cédric Ido (2023) © Caroline Dubois

«La Gravité», un nouveau thriller communautariste, dans les salles mercredi prochain


Vous vous souvenez de Gravity, le fameux film de science-fiction d’Alfonso Cuaron, huis-clos spatial en apesanteur, sorti en 2013 ? Le cosmos s’invite de nouveau dans nos salles, mais cette fois en arrière-plan sidéral de notre bonne terre hexagonale, avec La Gravité, deuxième « long » de l’artiste franco-burkinabé Cédric Ido, lequel s’était fait connaître par un premier film peu substantiel, La vie de château, co-réalisé avec Modi Barry en 2016, exploration du quartier africain du « Château-d’eau », familier des Parisiens pour ses rabatteurs qui s’affairent bruyamment en meute autour de la rue et de la station de métro homonymes, pour vous faire l’article des salons de coiffure afro avoisinants. Les préoccupations exclusives de Cédric Ido, qui a grandi à Stains, en Seine-Saint-Denis, commune de banlieue pas franchement gentrifiée, gravitent manifestement autour des questions ethniques dans l’espace métropolitain.

Dans les cieux rougeoyants et fuligineux d’une cité faite de barres d’immeubles et de dalles minérales peu engageantes, les planètes menacent mystérieusement de s’aligner, phénomène gravitationnel qui ne laisse pas d’inquiéter la faune bigarrée à la fois prisonnière et gardienne du territoire urbain où se concentre La Gravité. La science-fiction sert ainsi d’amorce improbable à un état des lieux sociétal apocalyptique et sans rémission. Les lois de la gravitation universelle étant irrécusables, une chute malencontreuse rive Joshua (Steve Tientcheu) à son fauteuil roulant depuis l’enfance, mais les liens du sang attachent toujours viscéralement cet infirme adipeux à Daniel, son athlète de frère (Max Gomis), deux fois champion de France de sprint, à l’entraînement duquel se dévoue religieusement un coach franchouillard (Thierry Godard). Christopher (Jean-Baptiste Anoumon) ferme ce trio de noirs qu’ont rapproché, du deal à la taule, les épreuves de la vie en communauté… Face à eux, la nouvelle génération des garçons de la cité, baptisés les « Ronins », une bande de cailleras adolescents de souche maghrébine qui, cheveux teints en rouge et nippés de blousons aux effigies nippones, sévissent dans le champ clos de la cité, juchés sur des pétoires à deux roues, prophètes imberbes, ultra-violents, d’un nouvel âge planétaire dont ils se prétendent les officiants élus. Joschua, dans le secret d’un local aménagé en laboratoire high-tech, pallie avantageusement son handicap moteur, le fauteuil clandestinement transformé, pour l’heure, en véhicule de livraison de came et bientôt, surprise du chef, en robot de haute technologie propre à contrarier victorieusement et de façon spectaculaire sa condition de mobilité réduite, dans la guérilla urbaine qui verra nos gus black Joshua, Daniel et Christopher affronter tels les trois mousquetaires de la cité ces jeunes mages maghrébins qui y sèment la terreur.

A lire aussi, du même auteur: Au bord du gouffre turc

Mais que fait la police ? Celle-ci reste la grande absente de ce thriller communautaire mâtiné de SF qui, grevé de séquences d’une violence sanguinaire, finit par virer au gore. Seul personnage féminin de ce film décidément fort peu paritaire, Sabrina (Hafsia Herzi), la dulcinée sacrificielle de Daniel, n’aura d’autre choix que de fuir, sans lui, vers d’autres latitudes moins inhospitalières, hors de France… Si Cédric Ido avait voulu peindre la cité telle qu’en elle-même sous un jour plus noir, plus pathétique, plus désespérément confiné dans l’entre-soi tribal, il ne s’y serait pas pris autrement. Sous son regard, ce n’est que le terrain de jeu autarcique de communautés ennemies sans foi ni loi. Un film… raciste ?


La Gravité. Film de Cédric Ido. Avec Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu. France, couleur, 2022. Durée : 1h26. En salles le 3 mai.

Le drapeau de l’apartheid interdit en Afrique du Sud

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D.R.

Drapeau officiel de l’Afrique du Sud entre 1928 et 1994, il est encore arboré par les nostalgiques de l’apartheid ou brandi lors de manifestations anti-gouvernementales. La Cour suprême sud-africaine vient de rendre un arrêt définitif sur la question de son utilisation. Désormais, quiconque s’affichera publiquement avec ce symbole « discriminatoire » pourra être « poursuivi pour incitation à la haine raciale ».  


C’est un drapeau qui divise l’Afrique du Sud. Symbole du régime d’apartheid, après de longs débats parlementaires passionnés, il a été hissé pour la première fois en 1928 alors que le pays était encore un Dominion de l’Empire britannique. Ses trois couleurs orange, blanche, bleue reprennent celles de l’ancien Prinsenvlag néerlandais du XVIIe siècle avec au centre, les drapeaux de l’ancienne République boer du Transvaal, de l’État d’Orange Libre et de l’Union Jack. Remplacé immédiatement après l’arrivée au pouvoir du président Nelson Mandela en 1994, il a été longtemps toléré par le gouvernement multiracial avant que la cour d’égalité ne décide de le faire interdire en 2019. Devenu le signe de ralliement des mouvements d’extrême-droite afrikaner, régulièrement brandi lors de manifestations, la Fondation Nelson Mandela (NMF) et la Commission sud-africaine des droits de l’homme (SAHRC) avaient obtenu son bannissement après un dépôt de plainte.

A lire aussi: Les suspicions envers le Premier ministre de l’Écosse sont-elles fondées?

AfriForum, l’organisation de défense des droits de la communauté Afrikaner, avait immédiatement déposé un recours, estimant que cette décision empiétait sur leur liberté d’expression et que le drapeau n’était nullement discriminatoire à l’encontre de la majorité noire sud-africaine. La Cour suprême a rendu sa décision le 21 avril 2023 et a estimé que le drapeau représentait toujours le signe d’un « racisme institutionnalisé ». Dans son arrêt, elle a déclaré que « ceux qui brandissent ou agitent publiquement l’ancien drapeau transmettent un message destructeur célébrant la ségrégation et aspirant à son retour ». Lors de son passage devant le tribunal, la Commission sud-africaine des droits de l’homme a évoqué le cas de Dylann Roof, cet Américain blanc reconnu coupable et condamné à mort pour les meurtres racistes en 2015 de neuf membres de l’église noire de Charleston, en Caroline du Sud, qui s’était pris en photo avec ce drapeau. Désormais, tout Sud-africain qui s’affichera en public avec l’ancien drapeau pourra être poursuivi pour « incitation à la haine raciale ».

Interrogé par le Times, le porte-parole d’AfriForum a déclaré que « la liberté d’expression en tant que droit s’est malheureusement édulcoré dans ce pays ». « C’est un principe qui est devenu la victime de doubles standards ridicules et les conséquences futures seront probablement désastreuses » a averti Ernst van Zyl qui prend toutefois acte de la décision rendue. La Cour suprême n’a cependant pas statué sur la seconde question qui était de savoir si l’affichage de l’ancien drapeau national pouvait être autorisé au sein de la sphère privée…

Splendeurs et misères d’un humoriste

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© PATRICK KOVARIK/AFP

Programmé le 14 septembre prochain au Zénith de Paris, en duo avec le chanteur Francis Lalanne, Dieudonné pourrait faire l’objet d’une interdiction préfectorale. L’avocat de Dieudonné affirme du moins s’y attendre. La carrière de Dieudonné a connu une ascension remarquable au cours des années 1990. Figure de l’antiracisme à la scène comme à la ville, il mène le combat contre le FN à Dreux. Mais sa radicalisation amorcée en 2002 vire à l’obsession complotiste, antisémite et négationniste. Désormais, privé de théâtre et interdit de réseaux sociaux, il est surtout passé de mode.


Dieudonné est probablement l’un des humoristes les plus talentueux de la fin du XXe siècle. Dès le début des années 1990, ce fils d’un expert-comptable camerounais et d’une sociologue d’origine bretonne fait un tabac au théâtre et à la télévision en se produisant avec Élie Semoun, un copain de lycée. Leurs sketchs mettant en scène le petit juif Cohen et le Noir Bokassa en font un « duo comique antiraciste ». À partir de 1997, Dieudonné se tourne vers une carrière en solo et apparaît dans des films à succès, dont Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, en 2003, point culminant de sa vie de comique grand public.

Engagement politique

Parallèlement, il s’engage en politique. En 1997, il obtient 7,74 % des voix lors d’une élection législative à Dreux, ville où, en 1983, le Front national a remporté les élections municipales. Sur scène comme dans les urnes, Dieudonné se bat contre le racisme et le FN. Il poursuit son engagement à gauche et annonce même sa candidature à la présidentielle de 2002 en se réclamant de la « troisième gauche verte ». Cette candidature constitue une étape importante dans son évolution intellectuelle et politique car, pour la première fois, il met en avant son intention d’être le porte-parole des descendants d’esclaves. Surtout, en présentant l’esclavage comme la « tragédie la plus terrible de l’histoire de l’humanité », il met en garde contre un deux poids, deux mesures concernant l’indemnisation des descendants des victimes de crimes historiques. Désormais, ses soutiens sont invités à suivre son regard…

A lire aussi, Alexandre de Galzain: Dieudonné: des zénith aux happy few

Après la campagne présidentielle de 2002, Dieudonné pose sa candidature pour les législatives dans la 8e circonscription du Val-d’Oise (Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel), un bastion du PS tenu par Dominique Strauss-Kahn. Son score est faible (2,18 %) et sa campagne radicalise un discours de plus en plus victimaire et complotiste, qui s’inscrit dans le sillage de certains mouvements de Noirs américains. Le contexte favorise son virage idéologique : les banlieues s’agitent à la faveur de la seconde Intifada au Proche-Orient ; les attentats de New York alimentent les théories du complot, notamment autour du supposé rôle joué par Israël et les juifs ; et pour la première fois, Jean-Marie Le Pen arrive au second tour de la présidentielle.

La radicalité se paie

Comme une sorte d’éponge qui aurait absorbé les théories en vogue, Dieudonné distille un bouillon de culture original fait de complotisme, d’antisémitisme, d’antisionisme et de critique de l’Occident, le tout mélangé à des idées empruntées aux militants et penseurs radicaux proches de l’organisation américaine Nation of Islam. Mais c’est aussi le moment où il commence à payer le prix de sa radicalité. En 2002, le CNC refuse de soutenir financièrement son grand projet de film sur la traite et le Code noir. Pour Dieudonné, ce refus est à mettre sur le compte des « sionistes » qui dirigeraient le Centre national du cinéma, prêts à tout pour protéger les intérêts mémoriels de la Shoah au détriment de la mémoire de la traite négrière. Ainsi glisse-t-il vers le négationnisme : de l’argument « la traite est plus grave que la Shoah », il passe à « la Shoah n’a pas existé », pour finir à « la Shoah a été inventée par les juifs pour faire du fric ». Les juifs, Israël et le sionisme deviennent une obsession, la Révélation de quelqu’un qui n’appartient pas au « système » et qui a, lui, « tout compris ».

Le point de rupture avec le grand public se situe fin 2003. Invité sur le plateau de « On ne peut pas plaire à tout le monde », de Marc-Olivier Fogiel, Dieudonné interprète, au cours d’un sketch, un colon israélien coiffé d’un chapeau de juif orthodoxe, arborant des papillotes et portant un treillis. Il conclut la performance par le cri « Isra-heil ! » et un salut nazi. Même si c’est Dieudonné qui porte plainte contre Fogiel pour injure raciale et qui gagne, cet épisode le classe définitivement dans la catégorie des infréquentables. S’ensuivent des errements idéologiques et une série d’alliances-amitiés : Soral, Faurisson, Le Pen père, Ahmadinejad…

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Durant les années 2000, Dieudonné perd son statut au sein du show-biz, du monde politique et du « peuple », mais ne se coupe pas pour autant du reste de la société. D’une certaine société du moins, ses nouveaux fans venant par milliers de milieux radicaux, racistes, antisémites, négationnistes, islamistes et, surtout, complotistes. Cerise sur le gâteau, il plaît à une frange de la jeunesse catholique bourgeoise, séduite par l’expérience du rire transgressif car, ne l’oublions pas, Dieudonné est resté drôle, très drôle même.

Bras de fer

Il atteint le point culminant de sa radicalisation en 2011-2013. Il produit le film L’Antisémite, qu’il réalise et dans lequel il joue, ses spectacles ont du succès et ses frictions avec des associations comme la Licra, qui essaient d’interdire ses spectacles, défraient la chronique. Fin 2012, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, entame un long bras de fer pour réduire la capacité de l’humoriste à se produire sur scène. Puis les attentats de 2015 changent l’état d’esprit général. Le 18 mars 2015, Dieudonné est condamné à deux mois de prison avec sursis pour apologie d’actes de terrorisme : il avait écrit sur Facebook « Je me sens Charlie Coulibaly » – condamnation confirmée par la cour d’appel de Paris.

Pour quelques années encore Dieudonné reste présent sur les réseaux sociaux mais, en juin 2020, sa page YouTube est supprimée « pour infractions répétées à son règlement ». Les réseaux alternatifs, dont Vimeo, finissent par l’interdire également, puis Facebook, Instagram et TikTok suspendent à leur tour ses comptes.

Aujourd’hui, pire que les procès, les interdictions et les amendes, Dieudonné n’est simplement plus à la mode. Les jeunes d’il y a vingt ans ne le sont plus, et leurs petits frères et sœurs ont d’autres manières de cracher à la figure du néolibéralisme et de goûter aux plaisirs d’une transgression sans risque. Avant même sa lettre de pardon publiée dans Israël Magazine le 10 janvier dernier, Dieudonné a, semble-t-il, déjà pris la mesure de la situation. Son dernier spectacle s’intitule « Foutu pour foutu ».

Les suspicions envers le Premier ministre de l’Écosse sont-elles fondées?

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Le Premier ministre Ecossais Humza Yousaf, répond aux journalistes le 20 avril 2023. © Jane Barlow/AP/SIPA

Indépendantiste, européiste, multiculturaliste, et musulman, le nouveau Premier ministre de l’Écosse, Humza Yousaf, entend bien faire revenir, dans le giron de l’Union européenne, une Écosse indépendante et respectueuse des valeurs de l’islam, trois ans après le Brexit.


À 38 ans, Humza Yousaf, né à Glasgow, d’ascendance pakistanaise et ayant des liens dans le passé avec les Frères musulmans, a déjà occupé les postes de secrétaire à la Justice et de secrétaire à la Santé et à la protection sociale. Cela après avoir eu des portefeuilles au ministère de l’Europe et du développement international et au ministère du Transport et des îles. Lors de son mandat à la Santé, sa gestion de l’épidémie de covid a été vivement critiquée, mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre son ascension politique fulgurante, grâce au soutien de ses mentors – les anciens Premiers ministres de l’Écosse, Alex Salmond et Nicola Sturgeon.

Le 28 mars 2023, il devient à son tour Premier ministre de l’Écosse après avoir remporté les élections pour la présidence du parti indépendantiste, le Scottish National Party (SNP), aux manettes à Edimbourg depuis 2007. Il gouverne désormais avec les écologistes au sein d’une coalition de centre-gauche. Dès son arrivée au pouvoir, il se présente comme « fier d’être Écossais et fier d’être Européen » et il déclare que « le peuple écossais a plus que jamais besoin d’indépendance, et nous serons la génération qui la lui offrira ».

Humza Yousaf, promoteur du « Scexit »

Dès 2011, Humza Yousaf a été élu membre du Parlement écossais sous l’étiquette du SNP. Ce parti, fondé en 1934, est devenu, avec le Parti conservateur et le Parti travailliste, l’un des trois grands partis siégeant au Parlement. Cette assemblée créée en 1999 résulte de la dévolution des pouvoirs accordée en 1997 par l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, à l’Écosse, à l’Irlande du Nord et au Pays de Galles.

Le SNP milite pour l’indépendance de l’Écosse : le « Scexit », à savoir la sécession de l’Écosse du Royaume-Uni (dont elle fait partie depuis 1707) et ce, en vue d’une adhésion du pays à l’Union européenne. Cette ligne politique est soutenue par Bruxelles. Elle est encouragée par exemple par le Mouvement européen en Écosse (European Movement in Scotland), placé lui-même sous la houlette du Mouvement européen international (MEI), une organisation-parapluie, financée par la Commission européenne qui promeut urbi et orbi l’idée d’intégration européenne.

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Ce qui n’est pas encore certain, c’est si l’Écosse serait obligée, en tant que nouvel État-membre de l’UE, d’entrer dans l’espace Schengen et d’adopter l’euro comme monnaie. Si oui, une « frontière dure » avec l’Angleterre serait érigée et des check-points seraient mis en place pour le contrôle des passeports et des marchandises.

Dès son élection, Humza Yousaf a réclamé la tenue d’un second référendum sur l’indépendance de l’Écosse, appelé « indyref2 ». Le premier référendum s’était tenu en septembre 2014 et avait été un échec pour les indépendantistes. Pour l’heure, la Cour suprême britannique s’est prononcée contre « indyref2 » et le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’y est également opposé. Par ailleurs, le 13 avril, le ministre des Affaires étrangères britannique a condamné le fait que des ministres écossais du SNP utilisent leurs déplacements à l’étranger « pour promouvoir le séparatisme et saper les positions politiques du gouvernement britannique ».

Humza Yousaf, chantre du multiculturalisme…

Lors des élections législatives écossaises de 2011, Humza Yousaf avait déjà défrayé la chronique en prêtant le serment d’allégeance des députés au Monarque britannique à la fois en anglais et en ourdou, sa langue maternelle. Pour l’occasion, il était vêtu d’un étrange habit de cérémonie hybride composé d’un manteau masculin indo-pakistanais (le sherwani) et d’un tartan traditionnel écossais. Ce faisant, il s’était inscrit dans une optique communautariste parfaitement acceptée en Écosse, où les députés doivent d’abord prêter serment en anglais mais peuvent ensuite répéter le sermon dans une autre langue (au Parlement britannique à Westminster, le premier sermon doit se faire en anglais mais les députés qui veulent répéter le sermon dans une autre langue doivent se limiter au gaélique écossais, au gallois ou au cornique).

… et suspecté d’être un promoteur de l’islamisme

Dès son élection, le 29 mars, le nouveau Premier ministre écossais s’est affiché en famille dans sa résidence officielle de Charlotte Square (Bute House) à Edimbourg à l’occasion d’une prière islamique. Le 21 avril 2023, jour marquant la fin du Ramadan, il a publiquement souhaité aux musulmans d’Écosse et du monde entier une bonne cérémonie de l’Aïd el-Fitr. Au-delà de cet affichage qui, en France, ferait bondir les thuriféraires de la laïcité, le Premier ministre écossais a entretenu, au début de sa carrière politique, des liens avec l’islamisme qui ont été très peu évoqués par les médias au cours de la récente campagne pour la présidence du SNP, mais qui ont fait l’objet d’un résumé synthétique sur le site web Focus on Western Islamism. Cette carrière démarre dans la deuxième moitié des années 2000, lorsqu’il devient l’assistant de plusieurs cadres dirigeants du SNP. À ce moment-là, il dirige avec son cousin Osama Saeed la Scottish Islamic Foundation (SIF) et c’est dans ce contexte que, en 2008, il a organisé une rencontre entre le ministre de l’Europe, des affaires extérieures et de la culture et trois islamistes ayant des liens forts avec le Hamas et les Frères musulmans. D’ailleurs, entre 2008 et 2012, la SIF a reçu une subvention de 405 000 livres de la part du gouvernement indépendantiste. Élu député en 2011, Yousaf devient lui-même ministre de l’Europe et des affaires extérieures et accorde une subvention de 398 000 livres à Islamic Relief, l’une des plus grandes organisations caritatives islamistes au monde qui a des liens avec les Frères musulmans. L’antisémitisme de ses cadres dirigeants a été dénoncé par le département d’État américain en 2020. Avant son élection, Yousaf avait été porte-parole de cette organisation en Écosse. Son cousin Osama Saeed a appelé de ses vœux l’instauration d’un califat en 2005. En 2006, il a défendu publiquement celui qui allait devenir le chef d’Al-Qaida dans la péninsule arabique : Anwar Al-Awlaqi. En 2010, Saeed a quitté l’Écosse afin de travailler pour Al Jazeera au Qatar, pays avec lequel Yousaf aurait entretenu aussi des relations.

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Depuis, Yousaf a apparemment pris ses distances avec ces accointances et se présente aujourd’hui plutôt comme progressiste. Mais la loi contre les crimes de haine, très restrictive, qui a été promulguée par le gouvernement écossais quand il était secrétaire la Justice en 2020, a été vivement critiquée : selon certains, l’article portant sur la religion ressuscite le crime de blasphème, aboli il y a longtemps. Ainsi son progressisme wokiste, affiché dans sa défense acharnée de la loi écossaise facilitant les transitions de genre, n’est pas incompatible avec l’activisme islamique. Pendant la campagne pour être chef du SNP, il a affiché sa foi musulmane en admettant qu’elle n’était pas favorable au mariage gay, mais a prétendu que sa religion n’influerait pas sur son travail de législateur. Cela ne l’a pas empêché d’être élu. En revanche, les adhérents du SNP n’ont pas fait preuve de la même mansuétude envers sa rivale, Kate Forbes, ancienne secrétaire chargée des Finances, dont le christianisme traditionnel a été vivement censuré par les médias et militants wokistes.

Avec ses multiples facettes (indépendantiste, européiste et multiculturaliste), Humza Yousaf semble cocher les bonnes cases pour séduire les institutions européennes. Quant à ses inclinations islamistes potentielles, les tenants de l’intégration européenne à marche forcée s’en accommoderont probablement sans rechigner, si cela permet de faire avancer leur agenda. En effet, rien ne semble freiner l’entrisme islamiste dans les institutions européennes, comme en ont témoigné la campagne de promotion du voile islamique ou les récentes affaires de corruption impliquant le Qatar au Parlement européen.

«Casserolades»: le pouvoir contraint à la politique du non contact

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Emmanuel Macron à Vendôme (41), le 25 avril 2023 © Gonzalo Fuentes/AP/SIPA

Emmanuel Macron, théoricien du «en même temps», vient d’inventer une nouvelle coquecigrue: la proximité distancée. Un billet politique d’Ivan Rioufol.


Afin de démontrer qu’il ne serait pas reclus dans le bunker qu’est devenu l’Élysée, le chef de l’État a décidé d’aller à nouveau, pour quelques mises en scène télévisées, à la rencontre des gens. Mais l’image qui en est ressortie, mardi à Vendôme (Loir et Cher), a été le révélateur têtu de la réalité du pouvoir esseulé. C’est un président tenu à l’écart de la foule et des « casserolades » qui s’est essayé à une brève immersion auprès d’un public choisi. La société du non contact, issue de la crise sanitaire, est en train de déteindre sur la pratique politique. Le divorce entre la caste et la société ordinaire est tel que seule la distanciation permet d’éviter que les situations ne dégénèrent. Des ministres, dépêchés pareillement sur le terrain, ont dû également se réfugier dans l’attente ou la fuite pour éviter d’avoir à rencontrer des Français furieux. Le gouvernement veut se rassurer en mettant en avant dans les médias la réplique de Rima Abdul-Malak, interpellée lundi soir par deux syndicalistes CGT lors de la 34e cérémonie des Molière. De fait, la ministre, qui avait préparé sa riposte, a été applaudie par l’assistance. Mais ceci n’est guère un exploit venant d’un milieu théâtral acquis à la pensée conforme du macronisme. Le comédien Michel Fau, qui a quitté la salle après la saillie des deux militantes de l’intermittence, replace la réalité du problème, hier dans Le Figaro. Il explique: « Il y a un mépris pour le théâtre populaire qui est problématique ». C’est ce rejet du peuple, de ses goûts, de ses aspirations, qui est au cœur de la crise politique et démocratique.

A relire: Michel Fau: “On ne peut pas jouer Molière sans être excessif”

Rennes, 17 avril 2023 © PICAUD JUSTIN/SIPA

Macron se trompe en croyant pouvoir « tourner la page » des retraites. Il se trompe en traitant de « démagogues » ou de « populistes » ceux qui protestent. Il se trompe en maintenant une distanciation avec ses compatriotes. Il se trompe nommant volontairement le RN recentré de son ancien nom, le Front national.

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Il fait comprendre, en effet, qu’il ne voit rien du réveil de la classe moyenne, de cette société majoritaire mais marginalisée. Or elle entend se faire entendre, quitte à prendre une place centrale. Le contraste est saisissant entre Macron, contraint de s’éclipser en hélicoptère, et Marine Le Pen qui, dans une hyper-proximité locale, est acclamée par les badauds qui lui demandent des selfies et l’appellent par son prénom. Crier au retour de l’extrême droite, comme Macron et bien des médias moutonniers le font, est une autre manière d’insulter ces citoyens oubliés. Ils sont en recherche d’un mouvement politique qui les respecte et les écoute. Ce sont des Français abandonnés qui se tournent vers la droite patriote, également représentée par « Reconquête ! », voire LR. Dans le monde enseignant, citadelle de la gauche, 25% des professeurs auraient voté RN lors de la présidentielle (Cevipof). Une révolution est en marche. Les « élites » calfeutrées doivent s’attendre à rendre des comptes.

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Sandrine Rousseau part en guerre contre le «suprémacisme blanc»

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La députée d'extrème gauche Sandrine Rousseau, Paris, janvier 2023 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Le 19 avril, Sandrine Rousseau (EELV) était l’invitée de Sciences Po, à Reims. La députée a pu y asséner le discours dont nous allons parler sans rencontrer aucune résistance, devant un auditoire apathique, somnolent et résigné. Malheureusement, on sentait le public qui en a entendu d’autres… Pendant ce temps, on ne lui reparle pas de la bousculade imaginaire avec Eric Piolle ni de ses agissements contre Julien Bayou.


La conférence de Sandrine Rousseau se tenait en effet dans un IEP (institut d’études politiques), un de ces lieux dits de savoir dans lequel l’idéologie woke s’est substituée à ce dernier, a pris ses aises et se répand comme une mauvaise maladie.

Discours débilitants

Le wokisme contamine le monde universitaire. Les domaines les plus perméables à cette idéologie sont les sciences sociales, sociologie et sciences politiques en tête. Là où sont formées les futures « élites », universitaires, journalistes, hauts fonctionnaires, consultants, etc., le wokisme a fait son nid et prospère. Il espère ainsi que les différentes branches de son arbre doctrinaire pousseront dans la société tout entière. Sur l’une de ces branches, les adeptes du « racialisme » (cet antiracisme raciste) se targuent de débusquer le « suprémacisme blanc » un peu partout, y compris là où on s’attendrait le moins à le trouver.

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C’est ainsi que, dans le cadre d’un séminaire organisé par Sciences Po Paris et l’Université de Nanterre, une « chercheuse » au CNRS dénommée Mathilde Cohen a pu affirmer que « les habitudes alimentaires sont façonnées par les normes des classes moyennes supérieures blanches » et que la « blanchité alimentaire renforce la blanchité comme identité raciale dominante ». Une autre fois, c’est France Culture qui rapporta le discours débilitant d’un historien de l’art, Philippe Jockey, lequel monta sur ses grands chevaux pour expliquer que les sculptures de l’Antiquité étaient à l’origine polychromes (avant de blanchir sous l’effet du temps) mais que l’Occident avait caché ce fait pour pouvoir « placer le blanc au cœur de ses valeurs et rejeter l’“impur”, le bigarré, le métissage des couleurs ». De son côté, le gouvernement norvégien finance actuellement un projet de recherche dont l’ambition est d’expliquer comment la Norvège a participé à la diffusion de l’idée d’une supériorité blanche à travers le colonialisme et… la peinture blanche, en particulier le “blanc de titane” créé par une entreprise norvégienne. Conceptrice de ce projet, l’historienne de l’art Ingrid Holland a expliqué que la symbolique autour de la « blanchité » (en l’occurrence celle de la peinture) véhiculait « une structure culturelle et visuelle de privilège » – en clair, que la peinture blanche n’est rien d’autre qu’un outil de propagation d’une doctrine raciste et suprémaciste privilégiant les Blancs. À la vitesse où vont les âneries, sans doute apprendrons-nous bientôt que des sociologues polaires s’apprêtent, après avoir exploré la structure visuelle et culturelle de la banquise, à livrer une thèse époustouflante sur le suprémacisme de l’ours blanc et, subséquemment, la disparition programmée de l’ours brun dans ces glaciales et blanches contrées.

En terre bien connue

À l’invitation de Sciences Po, Dame Rousseau a donc donné une conférence à Reims. Se sentant en terrain conquis, elle a lâché la bride à son esprit qui, répondant toujours présent quand il s’agit de pondre les bêtises les plus bêtes, n’en demandait pas tant. La salle semble avoir réagi mollement aux excentricités verbales de la députée. Pourtant, cette dernière n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Accrochez-vous, c’est parti mon kiki : « L’extrême droite aujourd’hui c’est un mouvement suprémaciste blanc. […] La motivation, l’énergie de ce mouvement d’extrême droite, c’est le suprémacisme blanc. […] Moi je suis pour rediaboliser, je suis pour taper comme des sourds dessus. Et je veux responsabiliser les électeurs et les électrices du RN en leur disant :“ce que vous faites là, c’est banaliser une forme de hiérarchie des races” ». Craignant d’offenser les sourds comme un pot, les sourdingues, les durs de la feuille, bref, les « malentendants », Dame Rousseau a tenu à préciser que l’expression « taper comme des sourds » devait être prise « au sens figuré, bien entendu ». D’après elle, les électeurs « d’extrême droite », ces bouffeurs d’entrecôtes sans aucune morale, sont des racistes éhontés et les membres d’une sorte de Ku Klux Klan à la française, et le RN ou « Reconquête ! » sont des repaires de nazis obnubilés par la différence des races et voulant prendre le pouvoir au nom, non pas d’un projet politique concernant tous les Français, mais d’une politique raciale fondée sur une idéologie raciste – puisque c’est ce qu’est, stricto sensu, le « suprémacisme blanc ».

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Le matin même, sur France Info, la députée EELV affirmait que « l’écologie ne peut pas être d’extrême droite » à cause des « enjeux de migration autour des effets du réchauffement climatique » et que le RN et « Reconquête ! » sont des « mouvements suprémacistes blancs ». Si Sandrine Rousseau reconnaît que les prochaines migrations Sud/Nord seront très importantes, elle préfère se refaire une beauté antiraciste en montrant du doigt les soi-disant « xénophobes » désirant « fermer les frontières » plutôt que d’envisager le moindre empêchement à cette déferlante migratoire. D’ailleurs, conclut-elle, « l’immigration est un sujet trop important pour le discuter avec le RN en réalité, voilà ! » La chanson est connue et fut dénoncée en son temps par Paul Yonnet dans son essai récemment réédité : « Être “antiraciste”, pour ceux qui en font bruyante profession publique et les organisations classées sous cette étiquette, ce n’est plus lutter contre la décolonisation, contre une pratique de ségrégation ou une théorie de domination raciale expansive, c’est tenter de faire échec à toute mesure visant à prévenir l’arrivée massive et incontrôlée d’étrangers en France. [1] » Par exemple, après avoir lu le tweet de Jean-Paul Garraud (député européen RN) dénonçant le laxisme d’une contrôleuse SNCF laissant des migrants sans papiers et sans billets s’installer en 1ère classe dans un train, Sandrine Rousseau n’a pas hésité à montrer sa moraline antiraciste à tous les passants : « Gloire à la contrôleuse ! » a-t-elle twitté à son tour, la conscience soulagée d’avoir pu moucher un « suprémaciste blanc ».

Quand on mettra les c*** sur orbite…

Pourtant, de récentes révélations laissent à penser que Mme Rousseau a une morale que nous pourrions qualifier de variable ou, disons, de capricieuse. Ainsi, tandis qu’elle tançait vertement les représentants du RN et de « Reconquête ! » ou Julien Bayou et Adrien Quatennens, oubliait-elle de rectifier quelques-uns de ses mensonges, à propos d’une bousculade imaginaire avec son collègue Éric Piolle ou d’une intervention fantasmée de M. Darmanin pour l’empêcher d’obtenir la direction de Sciences Po Lille, par exemple… Plus embêtant, elle semble avoir également oublié l’utilisation d’une fausse déclaration de domicile lui permettant de voter au premier tour des présidentielles dans le XIIIe arrondissement de Paris qu’elle n’habitait pas à ce moment-là – ce qui relève du délit d’usage de faux. Ces égarements ont été révélés dans l’émission “Complément d’enquête” sur France 2. On y voit une Sandrine Rousseau gênée aux entournures, le nez pincé, agacée de devoir paraître à son tour devant le tribunal médiatique. La députée n’est pas contente, mais pas contente du tout. Elle l’a fait savoir, après l’émission: désormais, elle ne répondra plus qu’à des journalistes abordant sa « stratégie politique ». Si cette stratégie politique consiste à continuer de sortir systématiquement des imbécillités du genre de celles décrites ci-dessus, on n’a pas fini de se marrer.

[1] Paul Yonnet, Voyage au centre du malaise français, p. 43, Éditions de L’Artilleur.

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Vu d’Hiroshima…

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© Photos : Jean-Paul Brighelli

Dans son périple culturel au Japon, notre chroniqueur est passé à Hiroshima. Les considérations qu’il en tire n’engagent que lui, bien sûr…


Mardi 25 avril. Il pleuvait sur Hiroshima. Quand on visite certains lieux de mémoire, il faut se débrouiller pour que la météo soit en accord avec l’événement qu’ils évoquent. Se rendre à Auschwitz en été est une faute de goût. Mais en janvier-février, c’est parfait — surtout en pyjamas rayés. Hiroshima sous la pluie, c’est très bien, même si ce n’était pas la pluie noire qui est tombée sur les survivants de l’explosion atomique et les a contaminés, même assez loin du site. Non, juste « une pluie de deuil terrible et désolée », comme dit Prévert.

Et il faut être aussi limitée que Marguerite Duras pour ne voir à Hiroshima qu’une occasion de se frotter encore une fois à une peau d’asiate.

Mille origamis avant de mourir

La visite du Point zéro, l’hypocentre où est tombée la bombe, du dôme de Genbaku, tout à côté, le seul bâtiment qui ait résisté au souffle qui en un instant a tué 75 000 habitants, du parc dédié à la paix — tu parles — et du Musée où sont rassemblés les souvenirs du cataclysme, sous des rafales rageuses, cela vous cheville l’optimisme à l’âme.


Je n’avais pas lu grand-chose sur ce 6 août 1945. La Tombe des lucioles, le poignant récit d’Akiyuki Nosaka (1967), où il raconte entre autres comment il retrouve sa mère, emmitouflée dans une couverture, apparemment indemne — en fait, cuite à l’étouffée —, et comment il a tenté de survivre, tout gamin, avec sa petite sœur, se passe à Kobe, pas à Hiroshima. Les Américains se contentèrent, là, des bombes au phosphore qui l’année précédente avaient anéanti Dresde et Hambourg — lire absolument La Peau, de Malaparte, si vous voulez frissonner. Et, bien sûr, j’avais lu Pluie noire, le terrible récit de Masuji Ibuse paru en 1965, qui est un pur chef-d’œuvre basé sur les documents historiques.

J’ai donc appris quelques détails que j’ignorais. Que Little Boy avait été couvert de messages injurieux à l’adresse des Japonais. Que le commandement américain avait sciemment évité de bombarder Hiroshima, dans les semaines qui avaient précédé la bombe, afin d’évaluer exactement le pouvoir destructeur de leur petite merveille. Et que les 12 hommes chargés de la mission à bord de l’Enola Gay ont tous été décorés à leur descente d’avion. Jamais tueurs de masse n’ont été tant fêtés.

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Puis j’ai visité le Musée du Mémorial pour la paix. Entre autres artefacts, un pan de mur sur lequel a été photographiée par l’explosion l’ombre d’un homme qui attendait là l’ouverture de la bibliothèque — c’est tout ce qu’il reste de lui. Ou des vêtements épars, sans les corps qu’ils enveloppaient. Comme chantait le poète Matsuo Bashō (1644-1694) dans l’un de ses plus célèbres haikus :

« Du linge sèche au soleil
Qu’elle est petite
La chemise de l’enfant mort. »

Une longue suite de photographies est consacrée à Sadako Sasaki, une petite fille qui à deux ans échappa à la mort immédiate, mais qui en 1954 fut atteinte d’une leucémie et de divers cancers. Persuadée — c’est une vieille légende japonaise — que si elle parvenait à fabriquer 1000 grues (c’est l’oiseau-fétiche, ici) en origami, elle survivrait, elle s’est lancée dans des pliages, et des pliages, de tous les papiers qu’elle a trouvés, y compris les étiquettes de ses médicaments. Mais elle n’est pas parvenue à 1000 avant de mourir. D’où des milliers de guirlandes d’oiseaux de papier multicolores, accrochés çà et là à divers monuments commémoratifs dans la ville.

C’est elle qui s’élance, tenant entre ses bras levés une grue stylisée de bronze, tout en haut du Monument des enfants pour la Paix, devant laquelle, mercredi matin, étaient rassemblés des centaines de lycéens en uniforme, entonnant des hymnes patriotiques et attachant des guirlandes de grues en origami, de toutes les couleurs. Des millions de grues — pour que le Japon à jamais vive. Sommes-nous vraiment incapables de susciter ce genre d’élan en France ?


Plaisanteries ricaines

Les Japonais, en Chine ou en Corée, ne furent jamais des enfants de chœur, c’est entendu. Mais comme ils avaient perdu, c’est eux que l’on a fait passer devant les tribunaux — et que l’on a pendus en grandes quantités. Vae victis, comme disaient les Gaulois aux Romains.

Les Américains, qui ont monté ces tribunaux, ici comme à Nuremberg, ne se sont pas demandé si eux-mêmes ne méritaient pas de passer en procès pour crimes de guerre — ou, comme ici, pour crimes contre l’humanité. Ils ne se sont jamais interrogés, malgré la Corée, le Vietnam, le Chili, l’Irak, et toutes les guerres directes ou indirectes où ils furent impliqués. Aujourd’hui, ils voudraient que Poutine soit jugé à La Haye parce qu’ils ont décidé que l’Ukraine faisait désormais partie de leurs dominions. Sinistre plaisanterie. Alors qu’eux-mêmes n’ont jamais reconnu la validité du tribunal international. Ce qui est non-américain leur est étranger.

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Il serait temps de cesser ces effets d’épate. La guerre est abominable, parce qu’elle est ce moment délicat où la force prime le droit — le moment exquis de tous les tueurs en série rebaptisés héros. Le spectacle des va-t’en-guerre qui hantent les plateaux de télévision depuis un peu plus d’un an, et qui ne risquent rien eux-mêmes, me révulse.

En attendant, je suggère à tous mes collègues qui organisent régulièrement des voyages scolaires à Auschwitz d’oser amener — c’est plus cher mais c’est pédagogique — leurs élèves à Hiroshima. Riante cité par ailleurs, qui dans trois semaines accueille les membres du G7 : on va bien s’amuser entre maîtres du monde, les journalistes présents brocarderont la Russie et la Chine, qui s’en fichent, en oubliant que le principal fauteur de guerres, depuis 1945, ce sont les États-Unis d’Amérique. Sauf qu’ils répugnent désormais à voir les boys revenir at home dans des cercueils plombés — alors ils se battent par personnes interposées. Très habile.

Mais qui s’interposera quand la Chine passera la mer pour récupérer Taïwan, qui lui appartient de droit ? Et nous le savons si bien, nous Français, que nous avons reconnu la Chine communiste — mais pas la grande île, en face, où s’était réfugié Tchang Kaï-chek. Comme la très grande majorité des membres de l’ONU.

Si les États-Unis comptent sur le Japon, ils iront de déconvenues en déceptions. D’abord parce que le pays du soleil levant regarde plus vers le marché du sud-est asiatique, à commencer par la Chine, que vers un allié d’outre-Pacifique qui fait de l’égoïsme l’un des beaux-arts. Et puis parce qu’il est temps de régler certains comptes — poliment, mais fermement. Et aux demandes des Etats-Unis, les Japonais répondront par ce fameux « visage de marbre » (shirankao dans leur langue) qui est l’expression faciale du judoka face à son adversaire.

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Masuji Ibuse, Pluie noire, Folio-Gallimard, 384 p.

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«Tsunami» de Marc Dugain, un roman qui emporte

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Le romancier français Marc Dugain © Samuel Kirszenbaum / Albin Michel

La fiction déferle sur le réel à moins que ça ne soit l’inverse.


Après L’Emprise et Transparence, Marc Dugain signe un nouveau roman d’anticipation aux accents voltairiens : Tsunami. C’est une fable politique mâtinée de réalisme qu’on prend plaisir à lire tant elle multiplie les rebondissements romanesques sombres voire tragiques, ou, au contraire, cocasses. Sous le mandat du prochain président de la République qui navigue à vue dans un monde menacé par le réchauffement climatique et asservi au numérique, l’auteur croque une France révoltée et violente. Le narrateur du roman n’est autre que ce chef de l’État à venir qui nous donne à lire, chroniqués sur le vif, et émaillés de ses réflexions personnelles sur l’exercice du pouvoir, trois mois de son quotidien à la tête du pays. Fiction et actualité semblent alors miraculeusement fusionner pour un lecteur conquis.

Quand on fait remarquer à Marc Dugain la coïncidence, saisissante, entre notre actualité et la fiction, dans ce roman d’un délitement français, l’auteur rappelle ces mots de Goethe : « Les gens n’ont pas assez d’imagination pour imaginer le réel » 

Startup nation

Jeune et marié à une journaliste farouchement attachée à son indépendance, cet homme a fait fortune en créant une start-up de biotech qui a rendu possible, grâce à la génétique cellulaire, un rajeunissement de plus de 30 ans. Cette séduisante perspective de tenir l’âge en respect a conquis les électeurs. Aussi, au terme d’une campagne soutenue par les GAFAM, et grâce aux réseaux sociaux, cet homme étranger au sérail politique a investi l’Élysée.

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Le voilà président ; les emmerdes commencent : sa dealeuse en cocaïne est arrêtée, les services secrets lui demandent l’autorisation de liquider une djihadiste de retour sur le sol français et sa femme le quitte pour son meilleur ami, lui laissant leur fille sur les bras ! « J’ai beau fouiller dans ma mémoire, je n’ai pas le souvenir de l’histoire d’un président père d’un enfant né d’une mère porteuse, conçu pour consolider le couple qu’il forme avec sa femme qui le trompe avant de le quitter. » Quant à Poutine, vieilli et malade, il est toujours là, embusqué, et bien décidé à rajeunir coûte que coûte pour continuer sa guerre contre l’Occident.

Adrénaline du pouvoir

Rien n’arrête notre homme constamment sollicité par une vie personnelle houleuse et des obligations permanentes. Le pouvoir, qu’on dit aphrodisiaque, le galvanise : « Je prends plaisir à l’adrénaline du pouvoir, comme le coureur de fond aux endorphines. Je suis sur un ring et je ressens la magie de rester debout malgré les coups qui pleuvent. »  Il veut réformer et envisage de supprimer le Sénat : « J’ai annoncé la liquidation de la Chambre des bourgeois balzaciens (…) pour lui substituer une Chambre virtuelle permettant à tous de voter sur tous les sujets d’importance. Une façon de connaître à tous moments l’état de l’opinion sous la forme d’un sondage continu… Je crée ainsi le cadre d’un référendum virtuel permanent. » Concomitamment, il entreprend une grande réforme écologique, imposant le bilan carbone contrôlé de chaque citoyen. Son « passe environnement individualisé » met tout le monde dans la rue…


Toute ressemblance…

Si on voit le président empêtré dans une vie personnelle aussi compliquée que l’exercice du pouvoir qui lui incombe douter et parfois même, fugitivement, se montrer humain, l’hôte de l’Élysée se reprend vite. Jamais, pour lui, de remise en question ou de pause dans l’action. Tel une locomotive qui se serait emballée, l’homme poursuit ses entreprises toujours plus avant, sans se retourner. Il n’est plus qu’une volonté, désireuse de façonner l’histoire et de se démarquer de ses devanciers : « Je n’ai pas été élu pour faire semblant, ni pour jouer la montre en attendant une hypothétique réélection. (…) Je ne vais pas me laisser endormir comme mes prédécesseurs. » C’est une blessure, remontant à l’enfance et dont il a parfaitement conscience qui décuple son énergie : « On a souvent dit qu’une des choses qui liait les présidents successifs sous la Ve République, c’était leur relation désastreuse avec leurs pères respectifs. » Notre Narcisse veut donc, lui, être « le père de la nation », sa mission est de veiller sur les Français que son épouse qualifie de « masse immature et infantile ». Il incombe à la figure paternelle tutélaire qu’il veut par-dessus tout incarner de guider des gens qui  « ne s’aiment pas vraiment entre eux mais attendent de l’État qu’il les force à se respecter. »

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Ce roman de la décomposition française qui confronte un exercice du pouvoir vertical à un désir d’horizontalité et de participation de plus en plus revendiqué par la société est un précipité de toutes les obsessions de l’auteur. On y note l’intérêt porté au pouvoir et à la solitude que confère sa pratique : « (…) des images me reviennent en tête (…) lors du dernier déjeuner dominical offert par Mitterrand à Latche à une brochette de ses proches. (…) On le voit longuement seul, son esprit errant dans les souvenirs de ce pouvoir qu’il a tant voulu (…) » La préoccupation du romancier pour l’environnement structure également ces chroniques fictives : « Nous nous croyons seuls au monde. L’individualisme forcené, le gaspillage, le mépris du vivant et des morts qui ont façonné nos paysages nous mènent au bord du gouffre et nous continuons à espérer béatement (…) alors que la vie disparaît tout autour de nous sans autre fracas que celui de notre inconséquence. » On relève aussi, tout particulièrement, la crainte d’un assujettissement au numérique qui isole l’individu et fissure son équilibre psychique : « La psychologie d’une personne se fonde en grande partie sur l’altérité, le rapport et la confrontation à l’autre. Les gens s’enferment progressivement derrières leurs écrans. (…) La perte de l’altérité, c’est la voie ouverte au délire psychotique. Ce sont les autres qui nous maintiennent dans la réalité, quand ils disparaissent, on se perd en nous-mêmes. »

Quand on fait remarquer à Marc Dugain la coïncidence, saisissante, entre notre actualité et la fiction, dans ce roman d’un délitement français, l’auteur rappelle ces mots de Goethe : « Les gens n’ont pas assez d’imagination pour imaginer le réel. » 

Tsunami

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