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Nord Stream: l’Europe a la tête dans le gaz

L’explosion du gazoduc en septembre dernier est un cauchemar diplomatique pour les Européens. S’il s’avère que ce sont les Américains et non les Russes – qui ont fait le coup, l’UE est condamnée à l’immobilisme, donc à l’humiliation: impossible de sanctionner un tel « allié». Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir qui est le saboteur.


La destruction du gazoduc Nord Stream, le 26 septembre 2022, a fini par remonter à la surface, comme une bulle de méthane sortie de la vase pour éclater à l’air libre. Et ça ne sent pas très bon. Surtout pour les Européens.

L’explosion de Nord Stream a tout du cauchemar durable pour l’Europe. Si les lourds soupçons qui pèsent sur les États-Unis se confirment, les Européens se retrouveront embourbés entre humiliation, impuissance, perte de crédibilité et moquerie internationale. Dur à avaler alors que l’on est la victime.

La version initiale d’un sabotage russe, que les fonctionnaires et médias les moins malins nous ont servie d’entrée, ne pouvait tenir bien longtemps tant elle était peu convaincante. L’article « Comment les États-Unis ont détruit Nord Stream », publié le 8 février dernier par Seymour Hersh, l’a torpillée en un seul clic.

Les États-Unis: Who else ?

La riposte en trois temps (démenti officiel américain, accusation de complotisme contre l’auteur – pourtant pas le premier rigolo venu –, puis évocation d’un improbable groupuscule-russe-anti-Poutine-et-pro-Ukraine) n’a guère allégé les lourds soupçons qui pèsent sur la seule puissance possédant à la fois le mobile, le contrôle stratégique de la zone et les capacités opérationnelles de réaliser cette opération sans bavure et sans être repérée. Un travail d’orfèvre, chapeau bas. D’autant que le souvenir des menaces publiques de Joe Biden, quelques jours avant le début de l’invasion russe, ne peut qu’aggraver les soupçons. « If Russia invades [Ukraine][…] there will be no longer a Nord Stream 2. We will bring an end to it. » On ne pouvait être plus clair.

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Trois enquêtes – suédoise, danoise et allemande –, lancées dès septembre, sont désormais terminées. Leurs conclusions, attendues pour le début de l’année, ne sont toujours pas sorties. Seule certitude énoncée par des officiels européens : « Il n’y a aucune preuve à ce stade que la Russie soit derrière ce sabotage. » Dans une période où tout est bon pour taper sur Moscou, cette phrase vaut pleine reconnaissance d’innocence de la Russie.

Comme le signalait récemment le général Dominique Trinquand, consultant militaire guère plus russophile que la chaîne sur laquelle il officie (LCI), « si on ne trouve aucune preuve du côté des Russes, il faut chercher ailleurs ». Or, à part chez les Américains, notre général voit mal où chercher un suspect crédible. Et d’ajouter pour les mal-comprenants : « Si on n’a pas les conclusions [des trois enquêtes déjà menées], c’est qu’on ne veut pas les donner. » Suivez mon regard.

De nouveaux épisodes de ce feuilleton pourraient bientôt nous apporter des preuves plus ou moins irréfutables de la culpabilité américaine. Ce serait tout sauf une bonne nouvelle pour les Européens. Personnellement, je prie pour que la réalité ne sorte jamais.

Le cauchemar sans fin

J’imagine déjà les gorges chaudes des anti-européens et des prorusses, les saillies des anti-américains primaires et des vieux gaullistes.

– L’Europe victime d’un acte de terrorisme d’État – excusez du peu – commis par son principal allié et le garant de sa sécurité ? « Avec des protecteurs pareils, pas besoin d’ennemis ! »

– L’Europe ne prend aucune mesure, ne lance aucune poursuite, ne demande aucune réparation ? « C’est ça, l’Europe puissance, l’Europe indépendante ? »

– Bruxelles se contente d’un communiqué « déplorant » cet acte « inamical », mais ne « condamne » pas une opération de « sabotage » – ces deux mots ayant été jugés trop agressifs par, disons, les Polonais ? « L’Europe se couvre de honte ! »

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– L’Europe ne procède à aucune révision de sa relation avec les États-Unis et tout continue comme si de rien n’était ? « L’Europe n’est que le valet de l’Oncle Sam. Elle reçoit des coups de bâton sans rien dire. »

– Pire, imaginez les Russes et les Chinois, soutenus par un nombre conséquent de pays, présenter une résolution au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée générale des Nations unies. Les Vingt-Sept, dans l’impossibilité conceptuelle de voter avec les Russes et les Chinois et ne pouvant voter une condamnation des États-Unis seraient obligés de s’abstenir ou, pire, de voter contre un texte condamnant ce sabotage pourtant perpétré chez eux. On a connu plus glorieux. « L’Europe se couche devant l’Oncle Sam ! »

– Enfin, pour finir, nous aurons droit au défilé de tous les affreux : Erdogan, Poutine, barbus iraniens et dictateurs de tout poil qui se moqueront avec leur grossièreté habituelle de ce qu’ils appelleront la vassalisation des Européens et leur manque de courage, voire de dignité. « Deux poids, deux mesures… la duplicité des Européens mise à nue… l’UE n’a plus aucune crédibilité… l’UE petit soldat des États-Unis… », etc.

Je les entends tous d’ici. Un cauchemar sans fin, vous dis-je. Naturellement, nous lancerons une contre-offensive médiatique en rappelant quelques évidences utiles, laissées dans l’ombre jusqu’à présent : cet acte visait un bien russe et non européen ; la rupture de ce gazoduc affecte les Russes plus que nous ; ne nous trompons pas d’ennemis, c’est la Russie et non les États-Unis qui veulent détruire la démocratie européenne, etc. À défaut de convaincre les brutes épaisses insensibles à la subtilité de nos éléments de langage, nous parviendrons au moins à accréditer auprès des populations européennes l’idée que cette prouesse de plongeurs de combat n’est en réalité qu’un non-événement monté en épingle par nos ennemis. J’hésite entre rire et pleurer. Mais je vous demande d’avoir une pensée pour les diplomates français. Coincés entre une Russie qui a opté pour la guerre, un allié américain toujours aussi brutal et des partenaires européens encore plus alignés du fait de la guerre, ils se démènent pour bâtir la grande diplomatie « indépendante et européenne » qu’attendent nos dirigeants depuis vingt ans. Mais que constatent-ils ? Un sentiment, pire qu’une vive opposition, se diffuser en de multiples points de la planète. L’indifférence.

Hugo délire

L’écologie est prise en otage par la gauche depuis des années. Aussi, quand le journaliste Hugo Clément se rend à un débat organisé par Valeurs actuelles, tous ses anciens petits camarades lui tombent dessus. La fin de l’invisibilisation d’une partie importante de l’opinion sur ce sujet capital est pour eux insupportable.


L’on est devenu si familier des mille et un anathèmes, procès en sorcellerie et édits de censure commis par les adeptes vociférants d’une certaine gauche dite culturelle, que l’on finit par ne plus même y faire attention.

A fortiori parce que, celle-ci renouvelant ses sujets d’indignation et de courroux quasi quotidiennement dans un élan jamais démenti de créativité inquisitoriale, il faudrait y passer ses journées entières, mais également parce que l’automaticité de ce paradigme finit par nous condamner nous-mêmes à une certaine forme de contre-réaction/dénonciation stéréotypée à force d’usage pourtant légitime.

Crises de nerfs à France inter

La crise nerveuse qui a entouré la participation du journaliste et militant écologiste et animaliste Hugo Clément à une soirée de débat organisée par le magazine Valeurs actuelles, amenant ce-dernier à échanger notamment, horresco referens, avec le président du Rassemblement national Jordan Bardella sur les questions environnementales, a, par les cris d’effroi produits, souligné ce phénomène désormais rituel, de part et d’autre, mais également fait apparaître de façon saillante un aspect insuffisamment traité de cette problématique générale, en l’occurrence l’appropriation, la captation, la prise en otage, la confiscation de certains thèmes de débats par ce gauchisme décidément délétère qui mérite toutefois que l’on s’y attarde quelque peu.

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La confiscation opère donc ici à deux niveaux.

Il y a, comme nous l’avons souvent dénoncé et analysé, tout d’abord, la confiscation des modalités et possibilités du débat public. Nous avions, dans ces colonnes-mêmes, dénoncé par exemple l’intolérance crasse d’un Geoffroy de Lagasnerie, lequel incarne à merveille cette mouvance se situant à l’intersection de la continuelle jactance, de la complainte, du nombrilisme et du goût à la fois totalitaire et infantile de la censure : « Moi je suis contre le paradigme du débat, contre le paradigme de la discussion » avait-il ainsi déclaré sans vergogne au micro bienveillant de France inter dans un baragoin d’anthologie (à l’analyse de laquelle nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur). Être « contre le débat », il suffisait d’y penser.

Liberté d’inexpression

De fait, cette inaptitude revendiquée à la contradiction dialectique, si elle est en germination/macération, comme nous l’avons souvent rappelé, dans le fruit révolutionnaire (« pas de liberté pour les ennemis de la liberté »), à l’instar d’un péché originel ou d’une sorte d’inrésecable bubon pesteux, a pris ces dernières années une tournure psychodramatique nouvelle : wokisme, cancel culture, déconstructions à foison sont venus apporter à ces axiologies écervelées toute une palette de déclinaisons que le grand public a été amené à connaître, hélas ; si bien qu’il n’est plus nécessaire désormais de revenir sur les mécanismes de cette censure-là (nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur à notre ouvrage consacré aux formes contemporaines de la censure et aux différents articles que nous avons consacrés à ces questions, l’annulation/contestation de conférences étant un grand classique du genre…).

Le journaliste Hugo Clément et le président du Rassemblement national Jordan Bardella, Paris, 13 avril 2023 © Barbara Viollet / Valeurs actuelles.

Notons toutefois un argument d’importance : « on ne débat pas avec ces gens-là ». Cet argument, aussi infantile soit-il, et fondé sur le fantasme d’un retour des Heures Sombres et autres bruits de bottes, trouve une déclinaison majeure dans la sphère politique où elle n’est pas cantonnée aux simples clowns gauchistes. Si l’on veut bien y réfléchir, il s’agit exactement du même paradigme que celui du fantasmatique « axe républicain », propre au fameux « vote castor » (barragiste), lequel permet d’éliminer la vile populace du champ du tolérable (plus de 40% du corps électoral, tout de même). L’adversaire politique est transformé en ennemi et l’on sait que c’est sur cette base rhétorique qu’Emmanuel Macron a fait campagne et remporté l’élection présidentielle à deux reprises, renvoyant dans quelque cercle de l’Enfer dantesque une partie considérable du corps social décrété infréquentable et, de fait, nié, invisibilisé. Ce que l’on pourrait par conséquent croire comme étant le fruit des simples lubies inquisitoriales d’un gauchisme dégénéré fonde en réalité le pouvoir actuel, présumé centriste, et dont on mesure bien en réalité le vice de forme et de fond qui le légitime perversement dans la plus grande des violences…

Gauchistes de foire et barbelés

Par conséquent, lorsque le chœur des gauchistes de foire (réseaux sociaux, cercles de vertu médiatico-mondains etc.) crie au scandale quant au débat avec Jordan Bardella, il ne fait que répéter avec un peu plus de virulence et de théâtralité hystérique (encore que le « pas ça, pas ça, pas ça » de Macron en campagne en 2017 n’était pas piqué des hannetons…) ce qui fonde (usurpe ?) le pouvoir actuel pourtant réputé comme étant issu de la plus subtile rationalité républicaine. L’ « arc républicain » est surtout un mur de barbelés idéologiques dressé au cœur des peuples eux-mêmes (car cette problématique n’est pas propre à la France mais s’applique à tous les peuples occidentaux : on se souvient du « basket of deplorables » d’Hillary Clinton) et qui remise une grande partie de ceux-ci dans la zone grise voire noire de l’infréquentabilité, de l’inexistence, du néant. La revendication de l’absence de débat vaut mise à mort sociale, politique, professionnelle et, parfois, mort tout court.

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La confiscation s’opère par ailleurs sur le fond des questions traitées : en l’occurrence ici le souci environnemental. N’importe quelle personne au cerveau normalement doté et à la conscience écologique chevillée au corps devrait se réjouir que les publics les plus variés possibles soient sensibilisés à ces questions qui englobent, par nature, l’humanité toute entière puisque, jusqu’à preuve du contraire, nous sommes tous embarqués, dans cette affaire, sur le même navire. Mais non, visiblement le confort de l’entre soi idéologique est plus important que la sauvegarde de la planète (ce qui relativise l’importance de cette cause pour les intéressés, soit dit en passant…). S’il s’agissait véritablement de sauver la planète et l’environnement, absolument toutes les bonnes volontés seraient bonnes à prendre, on ne se permettrait pas ces minauderies de petits-bourgeois faisant la fine bouche, l’enjeu étant vital et de l’ordre de la survie de l’espèce ! On comprend bien par conséquent que l’éviction par principe idéologique de toute une partie, importante, des citoyens présumés étrangers à cette problématique essentielle (et nous reviendrons plus bas sur cette présomption), signifie que ce combat est, pour beaucoup, davantage un marqueur, un signe de distinction, une sorte de signe extérieur de richesse « culturelle » (à travers la gratification morale et sociale/culturelle qu’il procure) bien davantage qu’un réel objectif en soi. On s’en doutait déjà un peu au regard de la façon dont sont gérées la plupart des municipalités passées sous l’étendard de l’écologisme politique (version « écologie punitive ») et dont l’action ne permet pas de bien discerner en quoi l’utilisation de l’écriture inclusive, des pistes cyclables non genrées et l’enlaidissement méthodique du mobilier urbain contribuent à la réduction du CO2 non plus qu’à la préservation des espèces menacées – si ce n’est l’espèce gauchiste qui désormais y prospère tout à loisir, comme dans des sortes de zones protégées et délaissées par un nombre croissant de personnes normales (par « personnes normales », nous entendons des personnes souhaitant par exemple se rendre sans entrave d’un point A vers un point B ou souhaitant que leur progéniture puisse jouer au foot dans les cours de récréation).


Chasse gardée

La confiscation de l’écologie, du souci écologique, par le gauchisme pose d’autant plus question que la préservation/protection de la nature, des écosystèmes, de la biodiversité, de la ruralité, du patrimoine esthétique naturel etc. sont, historiquement et par essence, des problématiques que ce même gauchisme culturel n’aurait aucun mal à qualifier de « réactionnaire ».

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Les modélisations économiques propres à la mondialisation et au libéralisme sans frein sont par ailleurs vigoureusement combattues par les programmes souverainistes et/ou de droite dite « extrême » qui privilégient, a contrario, le recours aux circuits courts, le localisme etc. Ces éléments sont présents depuis belle lurette dans le programme du Rassemblement national directement concerné par cette affaire de débat avec Hugo Clément : de là à penser qu’une partie des détracteurs dudit débat craignaient en réalité que le grand public ne découvre la supercherie confiscatoire, il n’y a qu’un pas que nous franchissons bien volontiers. Souvenons-nous d’ailleurs que pour l’actuel Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, ordinairement si prompt à pourfendre un fascisme de pacotille bien pratique pour justifier des effets de manches outragés : « le localisme, ça finit par le racisme ».

Il se pourrait, en effet, que lutter contre la mondialisation effrénée, renforcer et privilégier les circuits courts et le localisme, protéger et préserver les écosystèmes (contre les intérêts prédateurs d’un certain capitalisme sans scrupules), privilégier l’innovation, le nucléaire, la créativité, l’ingénierie, l’inventivité et les techniques innovantes s’avère plus efficace pour servir ces causes que de se coller les mains sur du goudron, annoncer l’apocalypse à la remorque d’une adolescente instrumentalisée et déscolarisée, ouvrir des centrales à charbon, asperger des Van Gogh avec de la peinture ou encore transformer sa grand-mère en compost…

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C’est qui qui?

En lançant la « quenelle épaulée » il y a quinze ans, Dieudonné a revigoré un antisémitisme fourbe, grossier et ricaneur. Ses adeptes ont un nouveau symbole de ralliement, une question: « Qui ? »


Le racisme antijuif n’a pas attendu l’apparition de la quenelle dieudonniste pour s’inventer des signes de reconnaissance plus ou moins opaques. Dans les années 1970, le bandit Albert Spaggiari avait par exemple, de son propre aveu, baptisé sa bergerie des hauteurs de Nice « Les Oies sauvages », en hommage à l’un des chants préférés de la SS. Toute la mesquinerie résidant dans l’ambiguïté du terme, qu’il serait évidemment absurde de taxer de pronazi à chaque emploi.

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De même, on accorde le bénéfice du doute aux Gilets jaunes et aux adolescents rebelles qui se font prendre en photo en pratiquant une quenelle, eux assurant qu’il s’agit d’un simple symbole antisystème. À toutes fins utiles, signalons cependant à nos lecteurs que ce geste peut constituer, selon les circonstances, une infraction judiciaire. Surtout, l’innocence présumée des gogos n’excuse pas Dieudonné, parfaitement conscient d’avoir créé, avec cette gestuelle aussi facile à accomplir que vulgaire, une nouvelle insulte antisémite (« L’idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet qui me reste très cher », déclarait-il en 2009 à Libération).

La quenelle est ainsi devenue un « mème » des réseaux sociaux, une bonne blague prisée des nostalgiques du IIIe Reich comme des islamistes, objet de défis filmés, de divers T-shirts longtemps en vente sur le site officiel de Dieudonné, d’un chant parodique et même d’un festival annuel, dont la 15e édition est annoncée pour le 11 avril prochain.

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Mais les modes passent et c’est désormais l’expression « Qui ? » que l’on voit se répandre de message en message. Pour comprendre l’intention antisémite associée par certains à cette banale question, il faut remonter à un échange télévisé entre le général à la retraite Dominique Delawarde et le publicitaire Claude Posternak diffusé sur CNews le 18 juin 2021 et arbitré par Jean-Marc Morandini :

– Qui contrôle le Washington Post ? lance Delawarde à Posternak. Qui contrôle le New York Times ? Qui contrôle chez nous BFM TV et tous les journaux qui viennent se grouper autour ?

– Oui, qui ? objecte alors son interlocuteur.

– Pardon ? demande l’ancien officier.

– Qui ? relance Posternak.

– La communauté que vous connaissez bien ! finit par lâcher Delawarde, ne laissant aucun doute quant à ce qu’il n’ose dire, mais pense très fort.

À la suite de l’émission, le hashtag #Qui est devenu rapidement un code antisémite pour désigner le peuple honni. Avant de vite faire son apparition sur les pancartes de diverses manifestations contre le passe sanitaire, une frange des covido-sceptiques étant persuadée qu’un nouveau Protocole des sages de Sion est à l’œuvre dans l’épidémie. Depuis, quelques « Qui ? » brandis en public sans équivoque ont été condamnés par les tribunaux, par exemple six mois de prison avec sursis à Metz en 2021, trois mois avec sursis à Compiègne l’année suivante. Mais pour l’heure, ni T-shirt, ni mug, ni porte-clés ne sont à signaler. Preuve que Dieudonné reste, à certains égards, indépassable.

Pour le cinquantenaire de « Libération », France inter met les petits plats dans les grands

Nos impôts, leur radio!


Cela fait belle lurette que France Inter ne cache plus ses accointances avec le milieu gauchisto-progressiste. Tous les Français participent financièrement au fonctionnement de la radio publique mais nombreux sont ceux qui s’y font régulièrement insulter par des journalistes militants ou cracher dessus par des « humoristes » ricanants. La « radio de sevice public », pour dire comme Gilles-William Goldnadel, est une officine ouvertement de gauche ne ratant pas une occasion de dénoncer certains médias privés qualifiés systématiquement d’extrême droite et auxquels elle reproche, avec un certain culot, de manquer de pluralisme. France Inter c’est un peu, beaucoup, passionnément la radio de l’entre-soi écolo-gauchiste, l’organe des bien-pensants wokes et des donneurs de leçons, des anti-flics pavloviens et des pro-migrants éloignés de toute réalité. Comme Libération, France Inter a un goût prononcé pour le discours orienté et tendancieux, de gauche, voire d’extrême gauche. Léa Salamé a assurément amusé la galerie le jour où elle a déclaré le plus sérieusement du monde au Figaro : « France Télévisions et Radio France ne sont pas de gauche ». Ces derniers jours, la radio publique a profité du cinquantenaire du journal Libération pour lui offrir une exceptionnelle promotion publicitaire gratuite, ou, plutôt, payée par tous les contribuables.

Premier numéro du quotidien « Libération », 1973.

Roucoulades

En vérité, ce n’est pas vraiment nouveau. Chaque matin, en effet, lors de sa revue de presse portant à gauche, Claude Askolovitch cite en salivant de bonheur Libération. Ce sont le plus souvent des articles valorisant l’immigration, la diversité, le magnifique « vivre ensemble » qu’elles promettent, ou dénonçant le retour de l’ultra-droite et de la « bête immonde », ou portant aux nues des hommes « enceints » ou cette belle jeunesse estudiantine et mélenchoniste qui occupe et ravage les universités. Au comble du bonheur, M. Askolovitch lit ces extraits de Libération devant un des anciens co-directeurs du journal, Nicolas Demorand, tout en sachant que Thomas Legrand, éditorialiste à Libé et producteur-animateur d’une émission hebdomadaire sur France Inter, l’écoute d’une oreille attentive et ravie. Simple climat de connivence ou ardentes pratiques copulatoires médiatico-gauchistes ? En tout cas, Denis Olivennes, l’actuel directeur général de Libération, sait à qui il doit en grande partie l’augmentation du nombre d’abonnés numériques à son journal : à la radio publique, France inter, mais aussi France Info. Cette dernière convie régulièrement des journalistes de Libé pour « décrypter » et « fact-checker » l’actualité politique et a également célébré les 50 ans de Libé en recevant Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de la rédaction du quotidien, qui a confié à cette occasion que les plus jeunes journalistes du quotidien sont « plutôt LFI ». Sans blague !

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France Inter. Mardi 18 avril. Cyril Lacarrière consacre sa chronique médiatique quotidienne aux… 50 ans de Libération. Pas un mot de travers, naturellement, sur les cofondateurs du journal, Sartre, triste figure de toutes les compromissions avec les pires régimes, et Serge July, autre admirateur de Mao, co-fondateur de la Gauche prolétarienne devenu bourgeois libertaire puis membre du club élitiste Le Siècle. Au moment où Libé retrouve la tonalité brutale et intolérante du journal sectaire et pseudo-révolutionnaire qu’il fut, Serge July, 81 balais aux prunes, rempile et signe une chronique politique dans le journal. Cyril Lacarrière est heureux d’annoncer que celui-ci va mieux, que les ventes progressent grâce à Internet et que « Libé est redevenu un acteur sérieux ». C’est sûr ! D’ailleurs, sa critique tout en nuances sur le film Vaincre ou mourir ou son perspicace dossier sur le retour de la « peste brune » et des « hordes de fachos [se déployant] ici ou là dans l’hexagone en hurlant des slogans racistes » après le match France-Maroc, sont là pour le prouver.

Un peu plus tard dans la journée, toujours sur France Inter. « C’est un journal pas comme les autres, il a porté haut l’art du titre, de la une, de la photographie, de la vérification de l’information (sic) » s’extasie le journaliste Bruno Duvic avant de présenter ses invités du 13/14, un journaliste politique de Libé et… Serge July. Nous avons alors droit à un quart d’heure de roucoulades et de très légères remises en cause joliment enrobées par July, entre autres à propos de l’enthousiasme délirant des journalistes de Libé au moment de l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh en 1975 ou du papier hallucinant de Marguerite Duras sur Christine Villemin. Nous apprenons par ailleurs que Libé n’est pas un journal militant mais « un journal engagé dans la solidarité, la justice sociale, la lutte contre la pauvreté, pour l’égalité, le droit des femmes et l’environnement ». Comme c’est original.

Le lendemain, 19 avril, pour ceux à qui l’événement aurait échappé, c’est l’ex-directeur de la rédaction du quotidien, le présentateur vedette de la matinale de France Inter, Nicolas Demorand lui-même, qui souffle à nouveau les bougies du gâteau d’anniversaire en faisant exclusivement, pendant les “80 secondes” de sa chronique matutinale, la publicité d’un livre de photographies intitulé… 50 ans dans l’œil de Libé.

François Morel conclut une belle semaine de festivités

France Inter encore, vendredi 21 avril, 8h55. François Morel apporte sa touche « humoristique » à la célébration du journal. Celui-ci, dit le complaisant trublion, est né dans « l’effervescence des questions liées à la sexualité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites. En réalité, au prétexte passe-partout d’attenter à la morale bourgeoise, le journal érigea la « libération sexuelle » et la pédophilie au rang d’Absolu émancipateur. En plus de la fameuse tribune pro-pédophilie de 1977 signée par les plus éminents autoproclamés libérateurs de l’humanité – Sartre, Beauvoir, Foucault, Glucksmann, Daniel Cohn-Bendit, Jack Lang et Bernard Kouchner, entre autres –, les témoignages de pédophiles présentés sans aucun recul, les petites annonces explicitement pédophiles ainsi que l’image représentant une enfant pratiquant une fellation à un adulte sous le titre « Apprenons à nos enfants à faire l’amour », valurent au quotidien quelques procès qui ne réfrénèrent que difficilement et sur le tard son désir de « jouir sans entraves ». À l’époque, M. July, alors directeur du journal, y voyait la preuve de l’indépendance d’esprit du journal face à « l’étroitesse d’esprit des juges [1] ». Au passage, soulignons que l’actuelle idéologie transgenre bénéficie du même traitement que la pédosexualité des années 70 et est glorifié par des intellectuels et des journalistes issus du même moule gauchiste, post-soixante huitard, libéral-libertaire et progressiste, et aujourd’hui réunis sous la bannière woke. Comme, de plus, l’institution qui devrait protéger nos enfants et les instruire au lieu de les endoctriner, je nomme l’Éducation nationale, participe à la propagation de cette folie destructrice, les résultats seront désastreux. Dans dix, vingt ou trente ans, après que la catastrophe sera avérée et qu’un examen de conscience s’imposera à tous, sans doute entendrons-nous sur les ondes de la radio publique les lamentations contrites et embarrassées des mêmes qui chérissent actuellement l’idéologie trans ;peut-être lira-t-on dans Libé un article repentant, sombre écho de celui de Sorj Chalandon dénonçant, 25 ans plus tard, les dérives pédophiles du journal qui invoquait « l’évolution de notre société » et le combat contre « l’ordre moral » pour les justifier [2] ; et sans doute la gauche, ou ce qu’il en restera, continuera-t-elle pourtant de pérorer comme si rien ne s’était passé, ou comme si elle n’était responsable de rien, et s’arrogera-t-elle encore, comme toujours, le droit de donner à tout le monde des leçons de morale.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Nos impôts, leur radio

« Assurer le respect du pluralisme politique constitue l’une des missions essentielles confiées à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) par le législateur : c’est pourquoi nous veillons à ce que les différents courants de la vie politique nationale puissent s’exprimer dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier les émissions d’information politique et générale », assure l’Arcom sur son site. C’est bon à savoir, et nous incite à signaler à la direction de France Inter que l’hebdomadaire Valeurs actuelles aura 60 ans en 2026 et que le magazine Causeur aura, lui, vingt ans – le bel âge, dit-on – en 2027. Ça se fête, non ?

Le grand renversement: Pédocriminalité : comment en est-on arrivé là ?

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[1] Voir, à ce sujet, le passage sur “La pédophile dans la presse” dans Le grand renversement, Pédocriminalité : comment en est-on arrivé là ?, de Pierre Verdrager, aux éditions Armand Colin. Pierre Verdrager y rappelle que Le Monde ne fut pas en reste dans la « défense » de la pédophilie et voyait dans la résistance à cette pratique la « persistance d’une “morale ancienne” ».

[2] Article du 23 février 2001 intitulé “Libé” en écho d’un vertige commun.

Mais où sont passés les hommes?

Après s’être plaintes de la suprématie de leur sexe, de leur supériorité politique, patronale ou entrepreneuriale, ne vont-elles pas les regretter ?


Il est vrai que nous avons longtemps manqué de femmes dans toutes les instances dirigeantes. Mais nous nous y étions un peu habituées, parce qu’on les aime, nos hommes. Même lorsqu’ils ne sont pas très bons, ils ont un certain panache et ils incarnent leurs fonctions de pouvoir avec une prétention qui leur donne une stature que n’ont pas forcément les dames patronnesses novices…

Retour de bâton

Mais en ce moment, il ne s’agit même plus d’un simple retour de bâton (d’abord, nous n’avons frappé personne), mais d’une vague déferlante mêlée d’un soupçon de wokisme, de tentation unanimiste de céder à cette mode du désir de changement de sexe… Bref ! il faut bien essayer les femmes (sans aucun jeu de mots). Et voici que les plus machos qui nous ont combattues pendant des années se mettent, l’œil humide, à conseiller de voter pour nous, dans le secret de l’urne. On ne sait pas ce qu’ils font, mais ça marche. Bientôt il va falloir réclamer la parité inversée.

A relire: «Vous ne verrez pas ma binette sur CNews!»

C’est ainsi que l’on voit émerger Sophie Binet à la tête de la CGT (jolie, disent certains médias encore bien trop sexistes), que Marylise Léon remplace notre copain Laurent Berger de la CFDT, lequel avait presque fini par nous attendrir… Tous les patrons n’ont qu’à bien se tenir ; la nouvelle a l’air d’une dure à cuire, et le choc promet d’être frontal avec la Première ministre Elisabeth Borne qui n’est pas non plus une tendre, tout cela sous l’œil vigilant de Yaël Braun-Pivet, qui donne de la voix quand il le faut lorsque les Insoumis menacent, sans se cacher derrière son pupitre de présidente à l’Assemblée nationale. Et puis bien sûr, la Renaissante Aurore Bergé, qui, tout en ayant cédé à un moment d’émotion bien féminin, tient son parti de main de maîtresse.

Maintenant, déconstruisons Mélenchon!

Ne croyez pas que Mélenchon soit à l’abri en ayant face à lui ou à côté – c’est pareil – la chef de barbecue EELV Sandrine Rousseau ou Mathilde Panot en aboyeuse confirmée… Danièle Obono, députée Nupes, insoumise de nature, fait peur à tout le monde sans exception, tout sexe, toute appartenance et tous bords confondus. On finit par avoir un sacré casting de nanas ! Ce club des « M’a Dalton » fait trembler la République. Heureusement qu’on a Marlène qui fait un peu de charme au prétexte de défendre les femmes, dans un autre style pour les quelques machos qui restent…

A lire aussi: Écoutons Charles Péguy: «Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit»

Mais, me direz-vous, quid du patronat ? De quoi aurons-nous l’air si notre sportive de haute compétition Dominique Carlac’h, mental de bretonne, candidate à la présidence du Medef ne met pas tous les autres candidats au tapis ? D’autant qu’elle a quand même été confrontée, lors des négociations précédentes, en tant que vice-présidente, à toutes les viragos pré-citées… Bon courage pour la future « table des négociations » tant appréciée de nos politiques; on avait l’Intersyndicale, on va peut-être avoir l’inter-femmes. C’est ce que l’on appelle un renversement de situation: « me too » au sens étymologique du terme!

La seule vraie question qui se pose : vont-elles être capables de faire évoluer une France qui ne sait plus comment elle s’appelle, malgré son prénom féminin et le secours de Marianne, sachant que cette dernière n’a pas pour Rodrigues les yeux de Chimène. Heureusement, nous avons des stars installées, comme Rachida Dati, qui veut conquérir les cœurs des Parisiens, Parisiennes – on le sait, avec toutes les polémiques sur l’écriture inclusive, même la grammaire refuse désormais le générique du genre masculin, alors il faut tout doubler même si l’Académie française souffre.

A lire aussi: «L’écriture inclusive est annonciatrice d’une tyrannie»

Allez les femmes ! Vous n’aurez pas deux fois la chance de faire une première bonne impression, et après avoir tellement critiqué les hommes il va falloir sacrément être à la hauteur. Parce que soyons clairs, homme ou femme, les problèmes à surmonter n’ont pas de sexe.

La France sens dessus dessous !

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Uniforme à l’école? Osons un référendum!

Notre chroniqueur, en voyage d’étude au Japon, a été frappé par l’impression de sérieux, de calme et de ténacité qui émane de tous ces écoliers, collégiens et lycéens nippons vêtus d’uniformes variés mais toujours impeccables. Un modèle pour la France, avec quelques aménagements? Mais comment l’imposer, dans un pays qui croit que le débraillé est le symbole premier de la liberté?


Les règles sont strictes, au Japon. Collégiens et lycéens portent un uniforme. À chaque école le sien, mais les règles sont immuables. Pour les garçons, veste / pantalon / chemise (blanche) / cravate. Pour les filles, jupe noire ou bleue, parfois plissées / chemisier (blanc ou bleu ciel) / cravate ou courte lavallière. Le choix des chaussures est globalement laissé libre, les autorités ayant sans doute déduit qu’à cet âge, on change sans arrêt de pointure, et qu’il serait vain de faire porter des souliers vernis à ces demoiselles.

En revanche, on leur impose le binôme chaussures / chaussettes (ou socquettes), le port de collants étant rigoureusement proscrit. Ajoutons pour être complet que quelques écoles (fort rares) autorisent le port du pantalon pour les filles.

Seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée, mais une loi issue de la volonté populaire

Les uniformes masculins (non, il n’y a aucune tolérance pour les non-binaires…) vont du complet-veston classique au blazer à l’anglaise, en passant par la veste militaire à boutons dorés et col officier. Les filles ont souvent des cols marins.
Évidemment, les professeurs sont habillés avec la même rigueur. Ça fera grincer bien des dents en France, où il suffit de porter une robe un peu habillée pour se faire regarder bizarrement dans les salles des profs — ou dans la cour du collège.

Pour être complet, les tatouages visibles sont interdits (ils sont de toute façon très mal vus au Japon, où ils sont l’apanage des yakuzas, qui n’ont pas bonne réputation), et les piercings également : on repère les touristes étrangers à l’anneau que certaines se sont fait passer sous le nez, comme des vaches que l’on mène au pré.

A lire aussi, Philippe Bilger: Et pourquoi pas un référendum?

Quant aux cheveux, ils sont généralement courts, un carré avec une frange. Et s’ils sont longs, ils doivent être attachés en queue de cheval — mais pas de tresses, considérées apparemment comme des instruments contondants. En aucun cas ils ne seront teints.

Une contrainte librement acceptée

Ajoutons que le port de l’uniforme apparaît comme une contrainte librement acceptée, dont on se débarrasse dès que l’école est finie : les jeunes Japonaises, dans la rue, arborent les vêtements de leur choix, jupes longues à taille haute (ça allonge quand on est petite), pantalons de tous styles (j’ai vu très peu de jeans), dentelles de toutes les couleurs — jusqu’au noir des gothiques japonais. L’uniforme, contrairement à ce que pensent certains n’uniformise pas du tout les esprits. Je crois même qu’il libère, par contrepoint, les forces vives de l’imagination.


Hantant de hauts lieux du tourisme où l’on amène visiblement les classes à la découverte des trésors nationaux, je n’ai jamais vu les élèves en sortie scolaire tenir un portable à la main — sauf pour photographier les monuments, ou immortaliser la balade entre eux. L’usage en est strictement interdit — et c’est une excellente chose, on voit trop souvent en France des élèves rivés à leur écran au lieu de profiter des richesses culturelles qu’on leur fait découvrir.

Loin de moi l’idée de japoniser la France. Mais puisque certains réclament aujourd’hui le « retour à l’uniforme » en classe, examinons les faits, et les possibilités.

Et d’abord, sachez que l’uniforme, en dehors des écoles privées religieuses où jupe plissée / chemisier blanc et vernis étaient de rigueur, n’a jamais été imposé, quoi qu’en pensent certains. On portait des blouses parce qu’on écrivait à l’encre, afin de ne pas tacher les habits. Et c’est tout.

Mon opinion personnelle ne compte pas. Mais il est évident qu’un uniforme éviterait les surenchères de « sape » — et, pour corollaire, le racket vestimentaire. Cela éviterait aussi les discussions byzantines sur le port de tenues communautaristes… La jupe plissée contre l’abaya, beau sujet de réflexion, non ?

Bien sûr, chaque établissement serait libre de choisir l’uniforme de son choix. L’important est qu’il y en ait un.
Et seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée par des opposants en quête de démagogie, mais une loi issue de la volonté populaire. Voilà un beau sujet de référendum.

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Mais enfin, m’objecteront certains ! Ce sont les plus de 18 ans qui décideront de ce que porteront les mineurs ? Oui, parfaitement : les parents décident et les enfants obéissent. Que certains (les mêmes) pensent le contraire prouve assez que nous sommes entrés dans une ère de permissivité, de laisser-aller et de décadence Il faut rompre avec la dictature de l’enfant-roi et du grand n’importe quoi.

Un puissant levier permettant de relancer notre industrie textile

Admettons que la majorité ait plébiscité l’imposition d’un uniforme. Reste la question pratique : comment le payer ?

Je serais partisan d’une solution mixte : les parents l’achètent, et les villes / départements / régions le co-financent, par exemple sous forme d’un bon d’achat strictement réservé à cela.

Et j’aimerais assez qu’un ministère capable de prendre des décisions impose pour ces uniformes une fabrication française. Avec plus de 12 millions d’élèves à vêtir chaque année, il y a là de quoi ranimer une production hexagonale détruite par une politique mondialisée et par des industriels plus pressés d’acheter des sous-produits sino-pakistanais que d’habiller correctement leurs concitoyens. Nous étions leaders dans l’habillement, grâce à des efforts continus commencés sous Colbert. Nous pouvons le redevenir, avec une incitation puissante. Et la mise en fabrication d’uniformes scolaires serait un beau levier de renaissance. Gens du Nord qui avez connu la Lainière de Roubaix, et La Redoute, faites-vous entendre !

Pour le reste — coiffure, tatouages, etc. —, les conseils d’administration des établissements, au lieu de se lancer dans des surenchères de démagogie, seraient bien inspirés d’édicter des règles claires et rigides.

Quant aux portables, ils sont en théorie interdits. Ils devraient être confisqués — et rendus aux parents sur convocation — pour tout usage privé dans l’enceinte scolaire. Cela fera le plus grand bien à ces jeunes cervelles décervelées par les écrans.

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Fatwa sur Twitch

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Jean Massiet est un trop bon vulgarisateur politique pour tendre le micro aux responsables politiques qui lui déplaisent.


« Tout le monde est bienvenu chez Jean Massiet, sauf l’extrême-droite ? » demande Anne-Elisabeth Lemoine à son invité sur C à Vous, l’émission phare de France 5, le lundi 10 avril [1]. En effet, Jean Massiet n’invitera ni Éric Zemmour ni Marine Le Pen sur sa chaine, car il refuse « le jeu qui consiste à renvoyer dos à dos des camps en se disant que notre paysage politique est fait d’un ensemble d’options politiques qui se valent les unes les autres ».

Le streamer, figure intellectuelle incontournable en 2023

Streamer de profession, Massiet, 34 ans, commente l’actualité en direct sur Twitch, une plateforme qui permet de réaliser des vidéos et de les diffuser instantanément. À l’origine, elle concernait plutôt les jeux vidéos: tout un chacun diffusait sa partie en ligne et interagissait dans un chat avec les spectateurs. Depuis, certains utilisateurs en ont fait un moyen économique permettant de lancer sa propre web télé, avec un simple ordinateur doté d’une webcam et d’un micro. Jean Massiet a pu acquérir une notoriété numérique par ce moyen, en commentant en direct certains évènements. Désormais reconnu, il a également assuré une chronique sur France Inter, depuis 2020. Selon France info, son activité lui permet actuellement d’employer trois personnes. 

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Aussi, sa voix compte ! Du moins en est-il convaincu. En tant que streamer, il aurait une responsabilité particulière à donner de l’audience à tel ou tel responsable politique. Dans un texte fameux, Jean-Paul Sartre s’interrogeait déjà sur la responsabilité des intellectuels, reprochant à Flaubert d’être aussi coupable que Thiers de la répression de la Commune pour ne pas avoir écrit une seule ligne pour la dénoncer… Mais, l’autorité prestigieuse de l’intellectuel bien installé dans son université ou derrière ses livres a mal résisté à l’essor des médias de masse, audiovisuels ou radiophoniques. À partir des années 1960, la nouvelle figure de référence est plutôt journalistique: ce sont les éditorialistes (Jean Daniel, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Franz Olivier Giesbert…). Et avec le tout numérique et l’essor des réseaux sociaux, les streamers qui s’enquièrent de leurs devoirs seraient-ils donc devenus la nouvelle autorité intellectuelle ? 

Zemmour et Le Pen pas invités à jouer avec leurs petits camarades

Jean Massiet pense qu’inviter des responsables du Rassemblement national ou de Reconquête à discuter devant une webcam leur offrirait une tribune inespérée. Ça se discute. La parole du streamer compte sans doute pour l’instant un peu moins dans l’espace public qu’il ne le pense. Beaucoup de téléspectateurs ont en réalité probablement découvert son existence en direct… mais sur France 5 ! Et d’ailleurs, peu d’hommes politiques, et certainement pas ceux suscités, ne viennent mendier ses invitations. Deux députés lui avaient offert cette complaisance: sur la chaine de Jean Massiet, Ugo Bernalicis de la France Insoumise et Denis Masséglia pour la majorité s’étaient affrontés lors d’une partie de « League of legends », jeu d’affrontements virtuels où l’on incarne une armée de mercenaires… Sans doute pour la plus grande gloire du politique.

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Et si l’on inversait un instant la perspective: les responsables politiques doivent-ils forcément se donner le ridicule d’être passés à la question sur ce type de support ? Et si les plus sérieux d’entre eux, par égards pour leur fonction, ne préféraient pas boycotter directement les boycotteurs ?

[1] https://www.youtube.com/watch?v=CpWtFfAz8Co

Macron et Sarkozy unis dans la détestation de la magistrature?

Les compères: haro sur les magistrats! Un billet de Philippe Bilger.


On apprend beaucoup sur la politique et nos présidents de la République dans les livres. Celui de Ludovic Vigogne – Les sans jours – nous éclaire beaucoup sur le comportement d’Emmanuel Macron depuis sa réélection, ses flottements, le choix d’Elisabeth Borne comme Première ministre après que Catherine Vautrin a failli l’être et les élections législatives avec la majorité relative pour Renaissance. C’est une très fine analyse de la démarche du président qui semble avoir perdu la maîtrise des opérations et être moins pertinent dans ses choix. Oscillant entre un présent où son pouvoir est contesté et l’échéance de 2027 où il ne l’aura plus.

Agacements mêlés

On y voit aussi confirmée ce qu’on savait déjà : la relation complice et délétère entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy avec de l’estime, voire de l’admiration du second pour le premier, mêlées à quelques agacements, et, de la part d’Emmanuel Macron, une habileté tenant principalement à l’attention portée aux problèmes judiciaires de son prédécesseur et à l’écoute des inquiétudes de Carla Sarkozy sur le sort de son mari. On a vraiment l’impression de deux compères réunis par une même détestation de la magistrature. On n’en doutait pas de la part de Nicolas Sarkozy qui durant son quinquennat n’en a pas fait mystère, cultivant le bon grain dévoué et utile au détriment de l’ivraie laissée à ses tâches quotidiennes. Elle s’est aggravée avec toutes les péripéties judiciaires et condamnations accrochées aux basques de l’ancien président.

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On aurait pu espérer d’Emmanuel Macron qui, officiellement, est le garant de l’unité et de l’indépendance de la magistrature, une autre attitude. Si son hostilité est moins brutale, plus soyeuse, elle n’en est pas moins indéniable. Il suffirait de rappeler quelques épisodes qui démontrent la conception toute particulière que le président a de la Justice et certains de ses propos qui, au sujet d’Eric Dupond-Moretti, révèlent son parti pris ministériel. La nomination de ce dernier puis son renouvellement constituent d’ailleurs le plus éclatant coup de pied de l’âne porté à une corporation appelée à être administrée par une personnalité qui, avocat, ne l’avait jamais ménagée.

Un double langage pervertit notre démocratie

Tout de même, quand je lis dans le livre de Ludovic Vigogne ces propos d’Emmanuel Macron : « Ces gens-là n’ont aucune légitimité. Ils n’ont pas été élus. Ils ont passé un concours. Ce sont des hauts fonctionnaires qui ne sont jamais responsables de rien », il y a de quoi se révolter. Non qu’il ne faille pas s’occuper de la responsabilité des magistrats – c’est d’ailleurs à peu près la seule inspiration présidentielle que j’ai approuvée dans le domaine de la Justice -voir mon billet de février 2021) – mais quelle condescendance, quel mépris par ailleurs ! Comme si c’était au président de dénoncer le statut de la magistrature, de le tourner en dérision alors qu’il devrait être le plus scrupuleux à le faire respecter ! Cette saillie confirme – pas la moindre raison de la croire fausse – que derrière l’officiel des institutions il y a tout un officieux et qu’un double langage pervertit notre démocratie. Quand les coulisses contredisent la scène, c’est plus qu’un dysfonctionnement : une honte.

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Puis-je dire aussi, sans tomber dans une vanité collective mal placée, que je n’accepte pas cette charge sur laquelle nos deux compères s’accordent ; le monde politique n’a pas à donner de leçons et s’il s’agit de débattre de la médiocrité des uns et des autres, élus ou non, nous aurions une argumentation à faire valoir et qui ne serait pas forcément à notre désavantage… À condition évidemment que les plus hauts chefs de la magistrature ne disparaissent pas sous la table démocratique et aient l’audace constante d’affirmer la grandeur et l’honneur de ce superbe service public. Si je n’éprouve aucune nostalgie pour mes activités de magistrat, parce que j’ai eu la chance d’en avoir d’autres passionnantes qui ont pris leur relève, je ressens parfois des fourmis dans l’esprit et je regrette de devoir me contenter d’une parole solitaire, d’une apologie singulière. Au haro officieux sur les magistrats de nos deux compères, j’aurais tellement voulu pouvoir opposer une défense et illustration officielles de la magistrature.

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Quel LR êtes-vous ?

La réforme des retraites s’est muée en psychodrame pour les élus LR. Se sont ainsi révélés des amoureux de la Macronie, des nostalgiques du gaullisme, des dragueurs de RN et des adeptes de l’immobilisme. Et vous, dans quel rang êtes-vous ?


1. Quelle est votre citation politique favorite ?

D.R.

a. « Casse-toi, pauvre con. » C’est clair et net. À la fois précis et concis. Efficace et compréhensible par tous. Peu sujet à l’interprétation et à la mise en abîme. Certes, ce qui est gagné en limpidité est perdu en sophistication glacée, mais la virilité conquérante s’accompagne souvent d’un verbe un tantinet abrasif. Seul défaut : un potentiel rassembleur limité.

b. « La réforme, oui. La chienlit non. » Cette phrase charrie tous les espoirs avortés du décideur qui croit qu’il y a une différence de nature entre le peuple et la populace, quand ce n’est parfois qu’une différence de degré. Possède son pendant côté gouvernés : la dictature c’est « ferme ta gueule », la démocratie c’est « cause toujours ».

c. « On greffe de tout aujourd’hui, des reins, des bras, un cœur. Sauf les couilles. Par manque de donneurs. » Reste à savoir si le monde politique grouille de receveurs… On devrait pouvoir en trouver : le milieu n’est pas peuplé uniquement de bras cassés qui comptent les briques en attendant de manger le mur ou qui font des trous dans la coque du Titanic en espérant éviter l’iceberg.

d. « Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage. » Non, cette phrase n’a pas été prononcée par Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117. Elle ne fait pas non plus partie des meilleurs conseils de Nadine de Rothschild pour garder un mari, tout en sachant recevoir sa maîtresse, sans servir aux deux la soupe à la grimace. Visiblement ce n’est pas non plus la phrase fétiche d’Anne Hidalgo qui s’acharne au quotidien à démentir cette idée reçue et qui a fait de Paris sa meilleure preuve !

2. Quel titre de film illustre le plus la situation d’un député LR au moment du vote de la réforme des retraites ?

a. L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty. Un film qui parle d’échec professionnel, de décrochage, de confusion, de perte de repères et d’incohérence du jugement. Le tout sous la forme d’une longue errance.

b. Les Petits Mouchoirs. Pour le coup « Les Grands Linceuls » serait un titre plus approprié.

c. Docteur Folamour ou Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe. Un « feelgood movie » où on apprend à rire même quand on a déclenché la fin d’un monde, surtout quand c’est le sien. Une belle image de la résilience.

D.R.

d. Le Dernier Pub avant la fin du monde. Où on apprend que des extra-terrestres ont pris le contrôle de l’humanité pour lui inculquer les bons sentiments dont elle est dépourvue. Déçus par la capacité d’apprentissage des élèves, ils décident de les remplacer par des robots. À voir Sandrine Rousseau, on se demande si le processus n’est pas bien entamé à gauche et si, à droite, le chef des extra-terrestres n’aurait pas confondu robot et ectoplasme.

3. Lorsqu’on a demandé à Édouard Philippe si tout arrivait jusqu’au bureau du Premier ministre, il a répondu : « Non, seulement les emmerdes. » Fort de ce bel adage, quels seraient votre chemin ou votre devise si vous deviez diriger LR ?

a. « Aller de Charybde en Scylla. » En continuant à penser que le blob est l’avenir de la politique et qu’être invertébré améliore ses possibilités de survie. Ce qui n’est pas entièrement faux si on en croit les tardigrades, créatures qui peuvent survivre jusqu’à trente ans sans boire ni manger. Et passer toute leur vie sans cerveau !

b. « Fuyez, on vous suivra. Suivez, on vous fuira. » La question reste dans les deux cas : pour aller où ? À Canossa faire pénitence auprès d’Emmanuel Macron ou à Capoue, pour finir de manger l’héritage ? L’avantage de la deuxième option, c’est que vous pouvez la vivre à la buvette de l’Assemblée. En mode circuit court, mais peut-être plus pour très longtemps.

D.R.

c. « Plus haut, plus vite, plus fort », comme la devise de Pierre de Coubertin, malheureusement le programme fonctionne aussi en mode échec.

d. « L’amour, c’est regarder ensemble dans la même direction. » La sodomie aussi, mais c’est moins fécond.

4. Quel lâche vous inspire le plus ?

a. Brave sir Robin dans Sacré Graal. Encensé par un troubadour chargé de louer son courage, Brave sir Robin passe ses journées à l’entendre décrire son potentiel avenir puisqu’il est censé n’avoir pas peur de finir « les yeux énucléés, les coudes brisés, la rotule disloquée et le corps carbonisé, les membres écrasés et déchirés, le foie extirpé, les intestins délogés, les narines râpées et le cul brûlé. » Du coup, il garde une ardeur très mesurée au combat. Grand causeux, petit faiseux, not so Brave sir Robin. Alors imaginez si en plus il avait des juges aux fesses ! De quoi lâcher le service du Graal pour celui de Mordred en expliquant qu’avoir mis Guenièvre à la place d’Arthur lors des éliminatoires de la conquête de la couronne justifiait toutes les trahisons.

b. Grouchy. Réussir à être introuvable quand on se déplace avec 33 000 hommes et 108 pièces de canons et louper ainsi une bataille décisive n’est pas donné à tout le monde. Inscrire son nom dans l’histoire parce qu’au moment crucial, vous faites défaut n’est pas si facile pourtant. C’était qui le chef de file des élus LR à l’Assemblée au moment de la grève des retraites déjà ?

c. Francesco Schettino, capitaine du Costa Concordia. Outre une difficulté certaine à gérer le contournement d’objets immobiles, tels des îles, le capitaine du Costa Concordia était très attaché à l’émancipation de ses passagers. Partisan de la méthode qui consiste à laisser l’humain se débrouiller pour qu’il développe ses facultés cognitives et son propre mode d’appréhension du réel, il quitta son bateau en train de couler. Non pour abandonner ses passagers à leur sort, mais pour développer leur capacité de réagir de façon positive au changement en galvanisant leur énergie grâce au stress généré par une situation complexe. Un peu comme aller soutenir une candidate du camp adverse en pleine législative : contrairement au jugement des béotiens, ce n’est pas une trahison, mais une méthode permettant de susciter l’émulation et la combativité. Les grands hommes sont décidément toujours incompris.

D.R.

d. Bohort dans Kaamelot. Bohort n’est pas lâche, c’est juste qu’il préfère la composition florale au découpage de barbares à la hache bifide dès potron-minet dans les frimas de la campagne bretonne. Il n’est pas non plus très chaud pour tenter sa chance en retirant Excalibur du rocher d’où elle allume le moindre chevalier errant qui y pense tous les jours en se rasant. Cela n’a aucun effet sur Bohort. Il préfère le poste de surintendant des finances à la Barclays plutôt que le trône de fer. Surtout quand le sport national en interne est d’affûter toutes les échardes de l’assise pour affaiblir le premier qui s’y pose.


Résultats

Un maximum de a)

Le LR polycompatible. Vous êtes la petite robe noire de la politique : vous allez avec tout. L’autre nom pour cela c’est « macrocompatible ». Vous pratiquez d’autant plus la triangulation des idées que pour vous ce sont des appâts à électeurs et non des lignes directrices. Résultat, vous avez coulé votre marque et vous vous rendez compte que votre équation personnelle ne permettra même pas de sauver le PDG.

Un maximum de b)

Le nostalgique du gaullisme. Vous avez une certaine idée de la France, mais vous ne savez pas trop laquelle. Mais bon, comme tout le monde a été ou sera gaulliste, cela ouvre un vaste champ de conquête à vos ambitions. Le truc c’est que vous ne savez pas trop quoi dire pour galvaniser vos troupes et que vous n’aimez pas la prise de risque. Or « la grandeur est un chemin vers quelque chose qu’on ne connaît pas. » C’est ballot, vous voulez juste retourner dans le passé. En attendant, entre l’enclume Renaissance et le marteau RN, vous apprenez les vertus de l’horizontalité, en mode écrasement.

Un maximum de c)

Le compatible RN. Vous rêvez d’union des droites, mais vous savez que vous êtes dans la position de la fiancée pauvre après avoir été longtemps le patriarche tout-puissant. Du coup vous avez quelque réticence à vous abandonner. Surtout que si vous vous voyez volontiers en Françoise d’Aubigné épousée par Louis XIV, vous n’aimeriez guère être l’une des six femmes de Barbe-Bleue. Alors en attendant vous vous confisez en abstinence et en dévotion mémorielle en attendant le sauveur. Pour l’instant on ne voit que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie, tandis qu’Édouard Philippe affûte ses coutelas.

Un maximum de d)

Le gardien du temple vide. Sur l’échelle de la fidélité, vous en remontreriez à Pénélope. Il faut dire que vous ne participez pas à un projet de société, vous cherchez une famille, même dysfonctionnelle. Vous êtes servi. Dans la famille LR personne ne sait qui il est, où il va, ni comment ni pourquoi et cela n’empêche pas la détestation mutuelle. C’est un peu comme Game of Thrones revu par un sensitivity reader qui aurait remplacé les épées par des couteaux à beurre. Forcément ce que l’on gagne en absence de bandages et en évitement de creusement des tombes, on le perd en élagage de l’arbre généalogique des personnages et en concentration de l’action. Résultat : des scores électoraux dignes d’une campagne d’Anne Hidalgo !

Chaos au Soudan: le dessous des cartes

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Soudan: les militaires à l’assaut du pouvoir. Entretien avec Marc Goutalier, analyste géopolitique Moyen-Orient et Afrique du Nord. Propos recueillis par Tigrane Yégavian.


Depuis le 15 avril, le Soudan est en proie à des combats militaires entre deux factions qui veulent s’emparer du pouvoir. Le nombre de morts ne cesse de croître et l’espoir de paix de reculer. Les ambassades occidentales évacuent leurs ressortissants de la capitale, Khartoum, livrée à des combats fratricides. Analyse de la politique soudanaise par Marc Goutalier interrogé par Tigrane Yégavian.


Conflits. Quelle est la nature du régime soudanais : militaire ? civil ? mixte ?

Marc Goutalier. Jusqu’en 2019, le régime soudanais était militaire avec une coloration islamiste. Puis de 2019 à 2021, ce fut un régime transitoire fondé sur une coopération théorique entre militaires et civils. Depuis le coup d’État du 25 octobre 2021, qui a interrompu cette transition vers un nouveau régime qui devait être civil et démocratique, ce sont les militaires… et les paramilitaires qui monopolisent la scène à Khartoum.

On parle d’un duo entre les deux hommes forts à la tête des forces armées, le général Mohamed Hamdan Dagalo et le général Abdel Fattah Al Burhan, qui gouverne le Soudan depuis la chute d’Omar Hassan al Bachir. Comment fonctionne ce duopole ?

Il faut rappeler que c’est l’alliance de Burhan et de Dagalo (dit Hemetti) qui a permis l’écartement des civils du pouvoir en 2021. Aujourd’hui, c’est la rupture de cette alliance qui replonge le Soudan dans la violence. Ce n’est, hélas, pas vraiment une surprise. Burhan et Hemetti sont rivaux. Mais ce sont avant tout des produits de l’ère d’Omar al-Bachir (1989-2019). Ayant lui-même pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire, Bachir était conscient de l’intérêt à la fois de se concilier l’armée et d’éviter qu’elle devienne toute-puissante. C’est ce qui le conduisit à soutenir la formation de milices paramilitaires concurrentes des militaires. Nombre de ces milices sévirent au Darfour, région dont Hemetti, qui fut l’un de leurs chefs les plus redoutés, est originaire. Burhan, lui, est issu des rangs de l’armée régulière. Et il vient du nord du pays, comme la plupart des dirigeants soudanais depuis l’indépendance en 1956. Il s’estime donc légitime dans sa quête de pouvoir. Burhan bénéficie de l’aide de l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi, en qui il voit un modèle. À l’inverse, le « parvenu » Hemetti, ex-berger devenu l’un des hommes les plus riches du Soudan grâce au trafic d’or, s’affirme proche du peuple. Il est soutenu par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. La Russie se montre également très aimable avec lui. Au point que des mercenaires du groupe Wagner ont été déployés pour l’appuyer.

Comment ce pays est-il divisé administrativement ?

Jusqu’à la sécession du Soudan du Sud en 2011, le Soudan unitaire était le pays le plus vaste d’Afrique, ainsi que celui qui avait connu la plus longue guerre civile du continent. L’une des clefs avancées pour gérer les questions de superficie et de diversité ethnique fut d’introduire une dose de fédéralisme dans les institutions. Sur le papier, le Soudan est aujourd’hui un État fédéral composé de 18 provinces. Dans les faits, les décisions restent prises à Khartoum. Le nombre de provinces et leur découpage ont évolué selon la volonté de l’État central.


Quel est le poids de l’armée dans les régions périphériques ?

Si les dirigeants du pays sont en treillis et que le fédéralisme n’est qu’une façade, on devine que le poids de l’armée n’est pas moindre dans ces régions. Celles-ci sont souvent instables du reste. On y retrouve aussi la concurrence entre militaires et paramilitaires, ce qui explique que l’on ait observé dans ces régions (encore une fois au Darfour en particulier) les mêmes affrontements meurtriers qu’à Khartoum depuis le 15 avril dernier. Notons que les deux camps avaient fortement musclé leurs effectifs ces derniers temps, sans doute en prévision de la survenue de tels affrontements.

Le pays demeure sans gouvernement opérationnel après la prise de pouvoir par les militaires le 25 octobre 2021 et la démission du Premier ministre le 2 janvier 2022. De fréquentes manifestations continuent d’avoir lieu dans plusieurs villes, notamment à Khartoum et Omdurman.

Expliquez-nous les principales lignes de clivage.

Aujourd’hui, le principal clivage est celui que j’ai évoqué entre les partisans de l’armée régulière commandée par Burhan et ceux des Forces de soutien rapide (FSR) de Hemetti. Ce clivage en cache cependant un autre, moins visible. Hemetti s’affiche en pourfendeur des islamistes, qui sont toujours très nombreux dans le camp de son adversaire depuis la chute de Bachir. Éjectés de leur position privilégiée en 2019, les islamistes pourraient bien tirer leur épingle du jeu dans le chaos actuel. Ceux qui sont à la fois anti-Burhan, anti-Hemetti et anti-islamistes ont beau être très nombreux, ils sont d’abord spectateurs – et victimes – des évènements.

La prise du pouvoir par l’armée consacre l’influence de l’Égypte auprès des généraux et vient désavouer les États-Unis, très engagés dans le dossier de la transition démocratique. Mais le rapprochement entre Khartoum et Tel-Aviv confirme-t-il les limites de cette hypothèse ?

En effet, l’Égypte mise sur la victoire de son protégé Burhan pour « sécuriser » Khartoum à son profit. Ce n’est pas anodin. Les Égyptiens considèrent le Soudan, qu’ils contrôlèrent au XIXe siècle, comme leur arrière-cour. Les États-Unis ont quant à eux plutôt mal joué leurs cartes. Pour des raisons politiques, Donald Trump privilégia la normalisation avec Israël (actée juste avant les élections américaines de 2020) à la transition démocratique. Il favorisa donc les militaires, qui étaient les seuls à même d’imposer cette normalisation impopulaire aux Soudanais. En échange, la Maison-Blanche avait promis la levée des sanctions contre le Soudan. Enhardis, Burhan et Dagalo ont mis sur pied le putsch d’octobre 2021 qui a poussé l’administration Biden, plus soucieuse de démocratie, à reprendre le chemin des sanctions. Sans grand effet sur les intéressés. Pour ne rien arranger du point de vue américain, le rapprochement avec Tel-Aviv (malgré un nouvel accord bilatéral en février dernier) manque toujours d’une vraie substance. À mon sens, le grand problème des États-Unis à Khartoum est qu’ils se sont rendus dépendants de leurs alliés régionaux (l’Égypte, les Émirats, l’Arabie et même Israël), lesquels sont tous hostiles à l’établissement d’une démocratie au Soudan.

Dans un récent entretien au journal L’Humanité le secrétaire général du parti communiste soudanais parle d’un conflit par procuration entre un clan pro égyptien et un clan pro éthiopien. Êtes-vous en accord avec cette représentation géopolitique ?

Il y a du vrai. Tout comme Burhan est proche des Égyptiens, Hemetti apparaît comme l’interlocuteur privilégié des Éthiopiens. Il se trouve que chacun des deux grands voisins nilotiques a un intérêt réel à avoir le Soudan de son côté, notamment sur les questions explosives de partage des eaux du fleuve. Reste que parler d’un conflit par procuration entre Égypte et Éthiopie me paraît très réducteur pour expliquer la crise actuelle. Ces deux pays ont un intérêt tout aussi réel à ce que le Soudan ne sombre pas dans une guerre civile qui risquerait de déborder sur leur sol.

Le Soudan est-il appelé à devenir un État tampon dans la région ?

Un État tampon a besoin d’être stable pour remplir son office, ainsi que d’une certaine forme de neutralité. La plupart des puissances étrangères qui influent sur la situation au Soudan cherchent plutôt…

>>> Lire la fin de l’entretien sur le site de la revue amie Conflits <<<

Nord Stream: l’Europe a la tête dans le gaz

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Sabotage des gazoducs Nord Stream en mer Baltique, 26 septembre 2022. © Swedish coast guard

L’explosion du gazoduc en septembre dernier est un cauchemar diplomatique pour les Européens. S’il s’avère que ce sont les Américains et non les Russes – qui ont fait le coup, l’UE est condamnée à l’immobilisme, donc à l’humiliation: impossible de sanctionner un tel « allié». Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir qui est le saboteur.


La destruction du gazoduc Nord Stream, le 26 septembre 2022, a fini par remonter à la surface, comme une bulle de méthane sortie de la vase pour éclater à l’air libre. Et ça ne sent pas très bon. Surtout pour les Européens.

L’explosion de Nord Stream a tout du cauchemar durable pour l’Europe. Si les lourds soupçons qui pèsent sur les États-Unis se confirment, les Européens se retrouveront embourbés entre humiliation, impuissance, perte de crédibilité et moquerie internationale. Dur à avaler alors que l’on est la victime.

La version initiale d’un sabotage russe, que les fonctionnaires et médias les moins malins nous ont servie d’entrée, ne pouvait tenir bien longtemps tant elle était peu convaincante. L’article « Comment les États-Unis ont détruit Nord Stream », publié le 8 février dernier par Seymour Hersh, l’a torpillée en un seul clic.

Les États-Unis: Who else ?

La riposte en trois temps (démenti officiel américain, accusation de complotisme contre l’auteur – pourtant pas le premier rigolo venu –, puis évocation d’un improbable groupuscule-russe-anti-Poutine-et-pro-Ukraine) n’a guère allégé les lourds soupçons qui pèsent sur la seule puissance possédant à la fois le mobile, le contrôle stratégique de la zone et les capacités opérationnelles de réaliser cette opération sans bavure et sans être repérée. Un travail d’orfèvre, chapeau bas. D’autant que le souvenir des menaces publiques de Joe Biden, quelques jours avant le début de l’invasion russe, ne peut qu’aggraver les soupçons. « If Russia invades [Ukraine][…] there will be no longer a Nord Stream 2. We will bring an end to it. » On ne pouvait être plus clair.

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Trois enquêtes – suédoise, danoise et allemande –, lancées dès septembre, sont désormais terminées. Leurs conclusions, attendues pour le début de l’année, ne sont toujours pas sorties. Seule certitude énoncée par des officiels européens : « Il n’y a aucune preuve à ce stade que la Russie soit derrière ce sabotage. » Dans une période où tout est bon pour taper sur Moscou, cette phrase vaut pleine reconnaissance d’innocence de la Russie.

Comme le signalait récemment le général Dominique Trinquand, consultant militaire guère plus russophile que la chaîne sur laquelle il officie (LCI), « si on ne trouve aucune preuve du côté des Russes, il faut chercher ailleurs ». Or, à part chez les Américains, notre général voit mal où chercher un suspect crédible. Et d’ajouter pour les mal-comprenants : « Si on n’a pas les conclusions [des trois enquêtes déjà menées], c’est qu’on ne veut pas les donner. » Suivez mon regard.

De nouveaux épisodes de ce feuilleton pourraient bientôt nous apporter des preuves plus ou moins irréfutables de la culpabilité américaine. Ce serait tout sauf une bonne nouvelle pour les Européens. Personnellement, je prie pour que la réalité ne sorte jamais.

Le cauchemar sans fin

J’imagine déjà les gorges chaudes des anti-européens et des prorusses, les saillies des anti-américains primaires et des vieux gaullistes.

– L’Europe victime d’un acte de terrorisme d’État – excusez du peu – commis par son principal allié et le garant de sa sécurité ? « Avec des protecteurs pareils, pas besoin d’ennemis ! »

– L’Europe ne prend aucune mesure, ne lance aucune poursuite, ne demande aucune réparation ? « C’est ça, l’Europe puissance, l’Europe indépendante ? »

– Bruxelles se contente d’un communiqué « déplorant » cet acte « inamical », mais ne « condamne » pas une opération de « sabotage » – ces deux mots ayant été jugés trop agressifs par, disons, les Polonais ? « L’Europe se couvre de honte ! »

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– L’Europe ne procède à aucune révision de sa relation avec les États-Unis et tout continue comme si de rien n’était ? « L’Europe n’est que le valet de l’Oncle Sam. Elle reçoit des coups de bâton sans rien dire. »

– Pire, imaginez les Russes et les Chinois, soutenus par un nombre conséquent de pays, présenter une résolution au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée générale des Nations unies. Les Vingt-Sept, dans l’impossibilité conceptuelle de voter avec les Russes et les Chinois et ne pouvant voter une condamnation des États-Unis seraient obligés de s’abstenir ou, pire, de voter contre un texte condamnant ce sabotage pourtant perpétré chez eux. On a connu plus glorieux. « L’Europe se couche devant l’Oncle Sam ! »

– Enfin, pour finir, nous aurons droit au défilé de tous les affreux : Erdogan, Poutine, barbus iraniens et dictateurs de tout poil qui se moqueront avec leur grossièreté habituelle de ce qu’ils appelleront la vassalisation des Européens et leur manque de courage, voire de dignité. « Deux poids, deux mesures… la duplicité des Européens mise à nue… l’UE n’a plus aucune crédibilité… l’UE petit soldat des États-Unis… », etc.

Je les entends tous d’ici. Un cauchemar sans fin, vous dis-je. Naturellement, nous lancerons une contre-offensive médiatique en rappelant quelques évidences utiles, laissées dans l’ombre jusqu’à présent : cet acte visait un bien russe et non européen ; la rupture de ce gazoduc affecte les Russes plus que nous ; ne nous trompons pas d’ennemis, c’est la Russie et non les États-Unis qui veulent détruire la démocratie européenne, etc. À défaut de convaincre les brutes épaisses insensibles à la subtilité de nos éléments de langage, nous parviendrons au moins à accréditer auprès des populations européennes l’idée que cette prouesse de plongeurs de combat n’est en réalité qu’un non-événement monté en épingle par nos ennemis. J’hésite entre rire et pleurer. Mais je vous demande d’avoir une pensée pour les diplomates français. Coincés entre une Russie qui a opté pour la guerre, un allié américain toujours aussi brutal et des partenaires européens encore plus alignés du fait de la guerre, ils se démènent pour bâtir la grande diplomatie « indépendante et européenne » qu’attendent nos dirigeants depuis vingt ans. Mais que constatent-ils ? Un sentiment, pire qu’une vive opposition, se diffuser en de multiples points de la planète. L’indifférence.

Hugo délire

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L’écologie est prise en otage par la gauche depuis des années. Aussi, quand le journaliste Hugo Clément se rend à un débat organisé par Valeurs actuelles, tous ses anciens petits camarades lui tombent dessus. La fin de l’invisibilisation d’une partie importante de l’opinion sur ce sujet capital est pour eux insupportable.


L’on est devenu si familier des mille et un anathèmes, procès en sorcellerie et édits de censure commis par les adeptes vociférants d’une certaine gauche dite culturelle, que l’on finit par ne plus même y faire attention.

A fortiori parce que, celle-ci renouvelant ses sujets d’indignation et de courroux quasi quotidiennement dans un élan jamais démenti de créativité inquisitoriale, il faudrait y passer ses journées entières, mais également parce que l’automaticité de ce paradigme finit par nous condamner nous-mêmes à une certaine forme de contre-réaction/dénonciation stéréotypée à force d’usage pourtant légitime.

Crises de nerfs à France inter

La crise nerveuse qui a entouré la participation du journaliste et militant écologiste et animaliste Hugo Clément à une soirée de débat organisée par le magazine Valeurs actuelles, amenant ce-dernier à échanger notamment, horresco referens, avec le président du Rassemblement national Jordan Bardella sur les questions environnementales, a, par les cris d’effroi produits, souligné ce phénomène désormais rituel, de part et d’autre, mais également fait apparaître de façon saillante un aspect insuffisamment traité de cette problématique générale, en l’occurrence l’appropriation, la captation, la prise en otage, la confiscation de certains thèmes de débats par ce gauchisme décidément délétère qui mérite toutefois que l’on s’y attarde quelque peu.

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La confiscation opère donc ici à deux niveaux.

Il y a, comme nous l’avons souvent dénoncé et analysé, tout d’abord, la confiscation des modalités et possibilités du débat public. Nous avions, dans ces colonnes-mêmes, dénoncé par exemple l’intolérance crasse d’un Geoffroy de Lagasnerie, lequel incarne à merveille cette mouvance se situant à l’intersection de la continuelle jactance, de la complainte, du nombrilisme et du goût à la fois totalitaire et infantile de la censure : « Moi je suis contre le paradigme du débat, contre le paradigme de la discussion » avait-il ainsi déclaré sans vergogne au micro bienveillant de France inter dans un baragoin d’anthologie (à l’analyse de laquelle nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur). Être « contre le débat », il suffisait d’y penser.

Liberté d’inexpression

De fait, cette inaptitude revendiquée à la contradiction dialectique, si elle est en germination/macération, comme nous l’avons souvent rappelé, dans le fruit révolutionnaire (« pas de liberté pour les ennemis de la liberté »), à l’instar d’un péché originel ou d’une sorte d’inrésecable bubon pesteux, a pris ces dernières années une tournure psychodramatique nouvelle : wokisme, cancel culture, déconstructions à foison sont venus apporter à ces axiologies écervelées toute une palette de déclinaisons que le grand public a été amené à connaître, hélas ; si bien qu’il n’est plus nécessaire désormais de revenir sur les mécanismes de cette censure-là (nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur à notre ouvrage consacré aux formes contemporaines de la censure et aux différents articles que nous avons consacrés à ces questions, l’annulation/contestation de conférences étant un grand classique du genre…).

Le journaliste Hugo Clément et le président du Rassemblement national Jordan Bardella, Paris, 13 avril 2023 © Barbara Viollet / Valeurs actuelles.

Notons toutefois un argument d’importance : « on ne débat pas avec ces gens-là ». Cet argument, aussi infantile soit-il, et fondé sur le fantasme d’un retour des Heures Sombres et autres bruits de bottes, trouve une déclinaison majeure dans la sphère politique où elle n’est pas cantonnée aux simples clowns gauchistes. Si l’on veut bien y réfléchir, il s’agit exactement du même paradigme que celui du fantasmatique « axe républicain », propre au fameux « vote castor » (barragiste), lequel permet d’éliminer la vile populace du champ du tolérable (plus de 40% du corps électoral, tout de même). L’adversaire politique est transformé en ennemi et l’on sait que c’est sur cette base rhétorique qu’Emmanuel Macron a fait campagne et remporté l’élection présidentielle à deux reprises, renvoyant dans quelque cercle de l’Enfer dantesque une partie considérable du corps social décrété infréquentable et, de fait, nié, invisibilisé. Ce que l’on pourrait par conséquent croire comme étant le fruit des simples lubies inquisitoriales d’un gauchisme dégénéré fonde en réalité le pouvoir actuel, présumé centriste, et dont on mesure bien en réalité le vice de forme et de fond qui le légitime perversement dans la plus grande des violences…

Gauchistes de foire et barbelés

Par conséquent, lorsque le chœur des gauchistes de foire (réseaux sociaux, cercles de vertu médiatico-mondains etc.) crie au scandale quant au débat avec Jordan Bardella, il ne fait que répéter avec un peu plus de virulence et de théâtralité hystérique (encore que le « pas ça, pas ça, pas ça » de Macron en campagne en 2017 n’était pas piqué des hannetons…) ce qui fonde (usurpe ?) le pouvoir actuel pourtant réputé comme étant issu de la plus subtile rationalité républicaine. L’ « arc républicain » est surtout un mur de barbelés idéologiques dressé au cœur des peuples eux-mêmes (car cette problématique n’est pas propre à la France mais s’applique à tous les peuples occidentaux : on se souvient du « basket of deplorables » d’Hillary Clinton) et qui remise une grande partie de ceux-ci dans la zone grise voire noire de l’infréquentabilité, de l’inexistence, du néant. La revendication de l’absence de débat vaut mise à mort sociale, politique, professionnelle et, parfois, mort tout court.

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La confiscation s’opère par ailleurs sur le fond des questions traitées : en l’occurrence ici le souci environnemental. N’importe quelle personne au cerveau normalement doté et à la conscience écologique chevillée au corps devrait se réjouir que les publics les plus variés possibles soient sensibilisés à ces questions qui englobent, par nature, l’humanité toute entière puisque, jusqu’à preuve du contraire, nous sommes tous embarqués, dans cette affaire, sur le même navire. Mais non, visiblement le confort de l’entre soi idéologique est plus important que la sauvegarde de la planète (ce qui relativise l’importance de cette cause pour les intéressés, soit dit en passant…). S’il s’agissait véritablement de sauver la planète et l’environnement, absolument toutes les bonnes volontés seraient bonnes à prendre, on ne se permettrait pas ces minauderies de petits-bourgeois faisant la fine bouche, l’enjeu étant vital et de l’ordre de la survie de l’espèce ! On comprend bien par conséquent que l’éviction par principe idéologique de toute une partie, importante, des citoyens présumés étrangers à cette problématique essentielle (et nous reviendrons plus bas sur cette présomption), signifie que ce combat est, pour beaucoup, davantage un marqueur, un signe de distinction, une sorte de signe extérieur de richesse « culturelle » (à travers la gratification morale et sociale/culturelle qu’il procure) bien davantage qu’un réel objectif en soi. On s’en doutait déjà un peu au regard de la façon dont sont gérées la plupart des municipalités passées sous l’étendard de l’écologisme politique (version « écologie punitive ») et dont l’action ne permet pas de bien discerner en quoi l’utilisation de l’écriture inclusive, des pistes cyclables non genrées et l’enlaidissement méthodique du mobilier urbain contribuent à la réduction du CO2 non plus qu’à la préservation des espèces menacées – si ce n’est l’espèce gauchiste qui désormais y prospère tout à loisir, comme dans des sortes de zones protégées et délaissées par un nombre croissant de personnes normales (par « personnes normales », nous entendons des personnes souhaitant par exemple se rendre sans entrave d’un point A vers un point B ou souhaitant que leur progéniture puisse jouer au foot dans les cours de récréation).


Chasse gardée

La confiscation de l’écologie, du souci écologique, par le gauchisme pose d’autant plus question que la préservation/protection de la nature, des écosystèmes, de la biodiversité, de la ruralité, du patrimoine esthétique naturel etc. sont, historiquement et par essence, des problématiques que ce même gauchisme culturel n’aurait aucun mal à qualifier de « réactionnaire ».

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Les modélisations économiques propres à la mondialisation et au libéralisme sans frein sont par ailleurs vigoureusement combattues par les programmes souverainistes et/ou de droite dite « extrême » qui privilégient, a contrario, le recours aux circuits courts, le localisme etc. Ces éléments sont présents depuis belle lurette dans le programme du Rassemblement national directement concerné par cette affaire de débat avec Hugo Clément : de là à penser qu’une partie des détracteurs dudit débat craignaient en réalité que le grand public ne découvre la supercherie confiscatoire, il n’y a qu’un pas que nous franchissons bien volontiers. Souvenons-nous d’ailleurs que pour l’actuel Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, ordinairement si prompt à pourfendre un fascisme de pacotille bien pratique pour justifier des effets de manches outragés : « le localisme, ça finit par le racisme ».

Il se pourrait, en effet, que lutter contre la mondialisation effrénée, renforcer et privilégier les circuits courts et le localisme, protéger et préserver les écosystèmes (contre les intérêts prédateurs d’un certain capitalisme sans scrupules), privilégier l’innovation, le nucléaire, la créativité, l’ingénierie, l’inventivité et les techniques innovantes s’avère plus efficace pour servir ces causes que de se coller les mains sur du goudron, annoncer l’apocalypse à la remorque d’une adolescente instrumentalisée et déscolarisée, ouvrir des centrales à charbon, asperger des Van Gogh avec de la peinture ou encore transformer sa grand-mère en compost…

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C’est qui qui?

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D.R.

En lançant la « quenelle épaulée » il y a quinze ans, Dieudonné a revigoré un antisémitisme fourbe, grossier et ricaneur. Ses adeptes ont un nouveau symbole de ralliement, une question: « Qui ? »


Le racisme antijuif n’a pas attendu l’apparition de la quenelle dieudonniste pour s’inventer des signes de reconnaissance plus ou moins opaques. Dans les années 1970, le bandit Albert Spaggiari avait par exemple, de son propre aveu, baptisé sa bergerie des hauteurs de Nice « Les Oies sauvages », en hommage à l’un des chants préférés de la SS. Toute la mesquinerie résidant dans l’ambiguïté du terme, qu’il serait évidemment absurde de taxer de pronazi à chaque emploi.

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De même, on accorde le bénéfice du doute aux Gilets jaunes et aux adolescents rebelles qui se font prendre en photo en pratiquant une quenelle, eux assurant qu’il s’agit d’un simple symbole antisystème. À toutes fins utiles, signalons cependant à nos lecteurs que ce geste peut constituer, selon les circonstances, une infraction judiciaire. Surtout, l’innocence présumée des gogos n’excuse pas Dieudonné, parfaitement conscient d’avoir créé, avec cette gestuelle aussi facile à accomplir que vulgaire, une nouvelle insulte antisémite (« L’idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet qui me reste très cher », déclarait-il en 2009 à Libération).

La quenelle est ainsi devenue un « mème » des réseaux sociaux, une bonne blague prisée des nostalgiques du IIIe Reich comme des islamistes, objet de défis filmés, de divers T-shirts longtemps en vente sur le site officiel de Dieudonné, d’un chant parodique et même d’un festival annuel, dont la 15e édition est annoncée pour le 11 avril prochain.

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Mais les modes passent et c’est désormais l’expression « Qui ? » que l’on voit se répandre de message en message. Pour comprendre l’intention antisémite associée par certains à cette banale question, il faut remonter à un échange télévisé entre le général à la retraite Dominique Delawarde et le publicitaire Claude Posternak diffusé sur CNews le 18 juin 2021 et arbitré par Jean-Marc Morandini :

– Qui contrôle le Washington Post ? lance Delawarde à Posternak. Qui contrôle le New York Times ? Qui contrôle chez nous BFM TV et tous les journaux qui viennent se grouper autour ?

– Oui, qui ? objecte alors son interlocuteur.

– Pardon ? demande l’ancien officier.

– Qui ? relance Posternak.

– La communauté que vous connaissez bien ! finit par lâcher Delawarde, ne laissant aucun doute quant à ce qu’il n’ose dire, mais pense très fort.

À la suite de l’émission, le hashtag #Qui est devenu rapidement un code antisémite pour désigner le peuple honni. Avant de vite faire son apparition sur les pancartes de diverses manifestations contre le passe sanitaire, une frange des covido-sceptiques étant persuadée qu’un nouveau Protocole des sages de Sion est à l’œuvre dans l’épidémie. Depuis, quelques « Qui ? » brandis en public sans équivoque ont été condamnés par les tribunaux, par exemple six mois de prison avec sursis à Metz en 2021, trois mois avec sursis à Compiègne l’année suivante. Mais pour l’heure, ni T-shirt, ni mug, ni porte-clés ne sont à signaler. Preuve que Dieudonné reste, à certains égards, indépassable.

Pour le cinquantenaire de « Libération », France inter met les petits plats dans les grands

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Le journaliste de France inter Nicolas Demorand, photographié à Rennes en avril 2011. Il est alors directeur du journal "Libération" © LE SAUX LIONEL/SIPA

Nos impôts, leur radio!


Cela fait belle lurette que France Inter ne cache plus ses accointances avec le milieu gauchisto-progressiste. Tous les Français participent financièrement au fonctionnement de la radio publique mais nombreux sont ceux qui s’y font régulièrement insulter par des journalistes militants ou cracher dessus par des « humoristes » ricanants. La « radio de sevice public », pour dire comme Gilles-William Goldnadel, est une officine ouvertement de gauche ne ratant pas une occasion de dénoncer certains médias privés qualifiés systématiquement d’extrême droite et auxquels elle reproche, avec un certain culot, de manquer de pluralisme. France Inter c’est un peu, beaucoup, passionnément la radio de l’entre-soi écolo-gauchiste, l’organe des bien-pensants wokes et des donneurs de leçons, des anti-flics pavloviens et des pro-migrants éloignés de toute réalité. Comme Libération, France Inter a un goût prononcé pour le discours orienté et tendancieux, de gauche, voire d’extrême gauche. Léa Salamé a assurément amusé la galerie le jour où elle a déclaré le plus sérieusement du monde au Figaro : « France Télévisions et Radio France ne sont pas de gauche ». Ces derniers jours, la radio publique a profité du cinquantenaire du journal Libération pour lui offrir une exceptionnelle promotion publicitaire gratuite, ou, plutôt, payée par tous les contribuables.

Premier numéro du quotidien « Libération », 1973.

Roucoulades

En vérité, ce n’est pas vraiment nouveau. Chaque matin, en effet, lors de sa revue de presse portant à gauche, Claude Askolovitch cite en salivant de bonheur Libération. Ce sont le plus souvent des articles valorisant l’immigration, la diversité, le magnifique « vivre ensemble » qu’elles promettent, ou dénonçant le retour de l’ultra-droite et de la « bête immonde », ou portant aux nues des hommes « enceints » ou cette belle jeunesse estudiantine et mélenchoniste qui occupe et ravage les universités. Au comble du bonheur, M. Askolovitch lit ces extraits de Libération devant un des anciens co-directeurs du journal, Nicolas Demorand, tout en sachant que Thomas Legrand, éditorialiste à Libé et producteur-animateur d’une émission hebdomadaire sur France Inter, l’écoute d’une oreille attentive et ravie. Simple climat de connivence ou ardentes pratiques copulatoires médiatico-gauchistes ? En tout cas, Denis Olivennes, l’actuel directeur général de Libération, sait à qui il doit en grande partie l’augmentation du nombre d’abonnés numériques à son journal : à la radio publique, France inter, mais aussi France Info. Cette dernière convie régulièrement des journalistes de Libé pour « décrypter » et « fact-checker » l’actualité politique et a également célébré les 50 ans de Libé en recevant Alexandra Schwartzbrod, directrice adjointe de la rédaction du quotidien, qui a confié à cette occasion que les plus jeunes journalistes du quotidien sont « plutôt LFI ». Sans blague !

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France Inter. Mardi 18 avril. Cyril Lacarrière consacre sa chronique médiatique quotidienne aux… 50 ans de Libération. Pas un mot de travers, naturellement, sur les cofondateurs du journal, Sartre, triste figure de toutes les compromissions avec les pires régimes, et Serge July, autre admirateur de Mao, co-fondateur de la Gauche prolétarienne devenu bourgeois libertaire puis membre du club élitiste Le Siècle. Au moment où Libé retrouve la tonalité brutale et intolérante du journal sectaire et pseudo-révolutionnaire qu’il fut, Serge July, 81 balais aux prunes, rempile et signe une chronique politique dans le journal. Cyril Lacarrière est heureux d’annoncer que celui-ci va mieux, que les ventes progressent grâce à Internet et que « Libé est redevenu un acteur sérieux ». C’est sûr ! D’ailleurs, sa critique tout en nuances sur le film Vaincre ou mourir ou son perspicace dossier sur le retour de la « peste brune » et des « hordes de fachos [se déployant] ici ou là dans l’hexagone en hurlant des slogans racistes » après le match France-Maroc, sont là pour le prouver.

Un peu plus tard dans la journée, toujours sur France Inter. « C’est un journal pas comme les autres, il a porté haut l’art du titre, de la une, de la photographie, de la vérification de l’information (sic) » s’extasie le journaliste Bruno Duvic avant de présenter ses invités du 13/14, un journaliste politique de Libé et… Serge July. Nous avons alors droit à un quart d’heure de roucoulades et de très légères remises en cause joliment enrobées par July, entre autres à propos de l’enthousiasme délirant des journalistes de Libé au moment de l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh en 1975 ou du papier hallucinant de Marguerite Duras sur Christine Villemin. Nous apprenons par ailleurs que Libé n’est pas un journal militant mais « un journal engagé dans la solidarité, la justice sociale, la lutte contre la pauvreté, pour l’égalité, le droit des femmes et l’environnement ». Comme c’est original.

Le lendemain, 19 avril, pour ceux à qui l’événement aurait échappé, c’est l’ex-directeur de la rédaction du quotidien, le présentateur vedette de la matinale de France Inter, Nicolas Demorand lui-même, qui souffle à nouveau les bougies du gâteau d’anniversaire en faisant exclusivement, pendant les “80 secondes” de sa chronique matutinale, la publicité d’un livre de photographies intitulé… 50 ans dans l’œil de Libé.

François Morel conclut une belle semaine de festivités

France Inter encore, vendredi 21 avril, 8h55. François Morel apporte sa touche « humoristique » à la célébration du journal. Celui-ci, dit le complaisant trublion, est né dans « l’effervescence des questions liées à la sexualité ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites. En réalité, au prétexte passe-partout d’attenter à la morale bourgeoise, le journal érigea la « libération sexuelle » et la pédophilie au rang d’Absolu émancipateur. En plus de la fameuse tribune pro-pédophilie de 1977 signée par les plus éminents autoproclamés libérateurs de l’humanité – Sartre, Beauvoir, Foucault, Glucksmann, Daniel Cohn-Bendit, Jack Lang et Bernard Kouchner, entre autres –, les témoignages de pédophiles présentés sans aucun recul, les petites annonces explicitement pédophiles ainsi que l’image représentant une enfant pratiquant une fellation à un adulte sous le titre « Apprenons à nos enfants à faire l’amour », valurent au quotidien quelques procès qui ne réfrénèrent que difficilement et sur le tard son désir de « jouir sans entraves ». À l’époque, M. July, alors directeur du journal, y voyait la preuve de l’indépendance d’esprit du journal face à « l’étroitesse d’esprit des juges [1] ». Au passage, soulignons que l’actuelle idéologie transgenre bénéficie du même traitement que la pédosexualité des années 70 et est glorifié par des intellectuels et des journalistes issus du même moule gauchiste, post-soixante huitard, libéral-libertaire et progressiste, et aujourd’hui réunis sous la bannière woke. Comme, de plus, l’institution qui devrait protéger nos enfants et les instruire au lieu de les endoctriner, je nomme l’Éducation nationale, participe à la propagation de cette folie destructrice, les résultats seront désastreux. Dans dix, vingt ou trente ans, après que la catastrophe sera avérée et qu’un examen de conscience s’imposera à tous, sans doute entendrons-nous sur les ondes de la radio publique les lamentations contrites et embarrassées des mêmes qui chérissent actuellement l’idéologie trans ;peut-être lira-t-on dans Libé un article repentant, sombre écho de celui de Sorj Chalandon dénonçant, 25 ans plus tard, les dérives pédophiles du journal qui invoquait « l’évolution de notre société » et le combat contre « l’ordre moral » pour les justifier [2] ; et sans doute la gauche, ou ce qu’il en restera, continuera-t-elle pourtant de pérorer comme si rien ne s’était passé, ou comme si elle n’était responsable de rien, et s’arrogera-t-elle encore, comme toujours, le droit de donner à tout le monde des leçons de morale.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Nos impôts, leur radio

« Assurer le respect du pluralisme politique constitue l’une des missions essentielles confiées à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) par le législateur : c’est pourquoi nous veillons à ce que les différents courants de la vie politique nationale puissent s’exprimer dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier les émissions d’information politique et générale », assure l’Arcom sur son site. C’est bon à savoir, et nous incite à signaler à la direction de France Inter que l’hebdomadaire Valeurs actuelles aura 60 ans en 2026 et que le magazine Causeur aura, lui, vingt ans – le bel âge, dit-on – en 2027. Ça se fête, non ?

Le grand renversement: Pédocriminalité : comment en est-on arrivé là ?

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[1] Voir, à ce sujet, le passage sur “La pédophile dans la presse” dans Le grand renversement, Pédocriminalité : comment en est-on arrivé là ?, de Pierre Verdrager, aux éditions Armand Colin. Pierre Verdrager y rappelle que Le Monde ne fut pas en reste dans la « défense » de la pédophilie et voyait dans la résistance à cette pratique la « persistance d’une “morale ancienne” ».

[2] Article du 23 février 2001 intitulé “Libé” en écho d’un vertige commun.

Mais où sont passés les hommes?

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Les syndicalistes Marylise Léon et Sophie Binet © J.E.E/ ISA HARSIN/SIPA

Après s’être plaintes de la suprématie de leur sexe, de leur supériorité politique, patronale ou entrepreneuriale, ne vont-elles pas les regretter ?


Il est vrai que nous avons longtemps manqué de femmes dans toutes les instances dirigeantes. Mais nous nous y étions un peu habituées, parce qu’on les aime, nos hommes. Même lorsqu’ils ne sont pas très bons, ils ont un certain panache et ils incarnent leurs fonctions de pouvoir avec une prétention qui leur donne une stature que n’ont pas forcément les dames patronnesses novices…

Retour de bâton

Mais en ce moment, il ne s’agit même plus d’un simple retour de bâton (d’abord, nous n’avons frappé personne), mais d’une vague déferlante mêlée d’un soupçon de wokisme, de tentation unanimiste de céder à cette mode du désir de changement de sexe… Bref ! il faut bien essayer les femmes (sans aucun jeu de mots). Et voici que les plus machos qui nous ont combattues pendant des années se mettent, l’œil humide, à conseiller de voter pour nous, dans le secret de l’urne. On ne sait pas ce qu’ils font, mais ça marche. Bientôt il va falloir réclamer la parité inversée.

A relire: «Vous ne verrez pas ma binette sur CNews!»

C’est ainsi que l’on voit émerger Sophie Binet à la tête de la CGT (jolie, disent certains médias encore bien trop sexistes), que Marylise Léon remplace notre copain Laurent Berger de la CFDT, lequel avait presque fini par nous attendrir… Tous les patrons n’ont qu’à bien se tenir ; la nouvelle a l’air d’une dure à cuire, et le choc promet d’être frontal avec la Première ministre Elisabeth Borne qui n’est pas non plus une tendre, tout cela sous l’œil vigilant de Yaël Braun-Pivet, qui donne de la voix quand il le faut lorsque les Insoumis menacent, sans se cacher derrière son pupitre de présidente à l’Assemblée nationale. Et puis bien sûr, la Renaissante Aurore Bergé, qui, tout en ayant cédé à un moment d’émotion bien féminin, tient son parti de main de maîtresse.

Maintenant, déconstruisons Mélenchon!

Ne croyez pas que Mélenchon soit à l’abri en ayant face à lui ou à côté – c’est pareil – la chef de barbecue EELV Sandrine Rousseau ou Mathilde Panot en aboyeuse confirmée… Danièle Obono, députée Nupes, insoumise de nature, fait peur à tout le monde sans exception, tout sexe, toute appartenance et tous bords confondus. On finit par avoir un sacré casting de nanas ! Ce club des « M’a Dalton » fait trembler la République. Heureusement qu’on a Marlène qui fait un peu de charme au prétexte de défendre les femmes, dans un autre style pour les quelques machos qui restent…

A lire aussi: Écoutons Charles Péguy: «Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit»

Mais, me direz-vous, quid du patronat ? De quoi aurons-nous l’air si notre sportive de haute compétition Dominique Carlac’h, mental de bretonne, candidate à la présidence du Medef ne met pas tous les autres candidats au tapis ? D’autant qu’elle a quand même été confrontée, lors des négociations précédentes, en tant que vice-présidente, à toutes les viragos pré-citées… Bon courage pour la future « table des négociations » tant appréciée de nos politiques; on avait l’Intersyndicale, on va peut-être avoir l’inter-femmes. C’est ce que l’on appelle un renversement de situation: « me too » au sens étymologique du terme!

La seule vraie question qui se pose : vont-elles être capables de faire évoluer une France qui ne sait plus comment elle s’appelle, malgré son prénom féminin et le secours de Marianne, sachant que cette dernière n’a pas pour Rodrigues les yeux de Chimène. Heureusement, nous avons des stars installées, comme Rachida Dati, qui veut conquérir les cœurs des Parisiens, Parisiennes – on le sait, avec toutes les polémiques sur l’écriture inclusive, même la grammaire refuse désormais le générique du genre masculin, alors il faut tout doubler même si l’Académie française souffre.

A lire aussi: «L’écriture inclusive est annonciatrice d’une tyrannie»

Allez les femmes ! Vous n’aurez pas deux fois la chance de faire une première bonne impression, et après avoir tellement critiqué les hommes il va falloir sacrément être à la hauteur. Parce que soyons clairs, homme ou femme, les problèmes à surmonter n’ont pas de sexe.

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Uniforme à l’école? Osons un référendum!

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Photo : Jean-Paul Brighelli

Notre chroniqueur, en voyage d’étude au Japon, a été frappé par l’impression de sérieux, de calme et de ténacité qui émane de tous ces écoliers, collégiens et lycéens nippons vêtus d’uniformes variés mais toujours impeccables. Un modèle pour la France, avec quelques aménagements? Mais comment l’imposer, dans un pays qui croit que le débraillé est le symbole premier de la liberté?


Les règles sont strictes, au Japon. Collégiens et lycéens portent un uniforme. À chaque école le sien, mais les règles sont immuables. Pour les garçons, veste / pantalon / chemise (blanche) / cravate. Pour les filles, jupe noire ou bleue, parfois plissées / chemisier (blanc ou bleu ciel) / cravate ou courte lavallière. Le choix des chaussures est globalement laissé libre, les autorités ayant sans doute déduit qu’à cet âge, on change sans arrêt de pointure, et qu’il serait vain de faire porter des souliers vernis à ces demoiselles.

En revanche, on leur impose le binôme chaussures / chaussettes (ou socquettes), le port de collants étant rigoureusement proscrit. Ajoutons pour être complet que quelques écoles (fort rares) autorisent le port du pantalon pour les filles.

Seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée, mais une loi issue de la volonté populaire

Les uniformes masculins (non, il n’y a aucune tolérance pour les non-binaires…) vont du complet-veston classique au blazer à l’anglaise, en passant par la veste militaire à boutons dorés et col officier. Les filles ont souvent des cols marins.
Évidemment, les professeurs sont habillés avec la même rigueur. Ça fera grincer bien des dents en France, où il suffit de porter une robe un peu habillée pour se faire regarder bizarrement dans les salles des profs — ou dans la cour du collège.

Pour être complet, les tatouages visibles sont interdits (ils sont de toute façon très mal vus au Japon, où ils sont l’apanage des yakuzas, qui n’ont pas bonne réputation), et les piercings également : on repère les touristes étrangers à l’anneau que certaines se sont fait passer sous le nez, comme des vaches que l’on mène au pré.

A lire aussi, Philippe Bilger: Et pourquoi pas un référendum?

Quant aux cheveux, ils sont généralement courts, un carré avec une frange. Et s’ils sont longs, ils doivent être attachés en queue de cheval — mais pas de tresses, considérées apparemment comme des instruments contondants. En aucun cas ils ne seront teints.

Une contrainte librement acceptée

Ajoutons que le port de l’uniforme apparaît comme une contrainte librement acceptée, dont on se débarrasse dès que l’école est finie : les jeunes Japonaises, dans la rue, arborent les vêtements de leur choix, jupes longues à taille haute (ça allonge quand on est petite), pantalons de tous styles (j’ai vu très peu de jeans), dentelles de toutes les couleurs — jusqu’au noir des gothiques japonais. L’uniforme, contrairement à ce que pensent certains n’uniformise pas du tout les esprits. Je crois même qu’il libère, par contrepoint, les forces vives de l’imagination.


Hantant de hauts lieux du tourisme où l’on amène visiblement les classes à la découverte des trésors nationaux, je n’ai jamais vu les élèves en sortie scolaire tenir un portable à la main — sauf pour photographier les monuments, ou immortaliser la balade entre eux. L’usage en est strictement interdit — et c’est une excellente chose, on voit trop souvent en France des élèves rivés à leur écran au lieu de profiter des richesses culturelles qu’on leur fait découvrir.

Loin de moi l’idée de japoniser la France. Mais puisque certains réclament aujourd’hui le « retour à l’uniforme » en classe, examinons les faits, et les possibilités.

Et d’abord, sachez que l’uniforme, en dehors des écoles privées religieuses où jupe plissée / chemisier blanc et vernis étaient de rigueur, n’a jamais été imposé, quoi qu’en pensent certains. On portait des blouses parce qu’on écrivait à l’encre, afin de ne pas tacher les habits. Et c’est tout.

Mon opinion personnelle ne compte pas. Mais il est évident qu’un uniforme éviterait les surenchères de « sape » — et, pour corollaire, le racket vestimentaire. Cela éviterait aussi les discussions byzantines sur le port de tenues communautaristes… La jupe plissée contre l’abaya, beau sujet de réflexion, non ?

Bien sûr, chaque établissement serait libre de choisir l’uniforme de son choix. L’important est qu’il y en ait un.
Et seule une loi peut imposer l’uniforme. Pas une loi directement descendue de la rue de Grenelle, qui serait immédiatement contestée par des opposants en quête de démagogie, mais une loi issue de la volonté populaire. Voilà un beau sujet de référendum.

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Mais enfin, m’objecteront certains ! Ce sont les plus de 18 ans qui décideront de ce que porteront les mineurs ? Oui, parfaitement : les parents décident et les enfants obéissent. Que certains (les mêmes) pensent le contraire prouve assez que nous sommes entrés dans une ère de permissivité, de laisser-aller et de décadence Il faut rompre avec la dictature de l’enfant-roi et du grand n’importe quoi.

Un puissant levier permettant de relancer notre industrie textile

Admettons que la majorité ait plébiscité l’imposition d’un uniforme. Reste la question pratique : comment le payer ?

Je serais partisan d’une solution mixte : les parents l’achètent, et les villes / départements / régions le co-financent, par exemple sous forme d’un bon d’achat strictement réservé à cela.

Et j’aimerais assez qu’un ministère capable de prendre des décisions impose pour ces uniformes une fabrication française. Avec plus de 12 millions d’élèves à vêtir chaque année, il y a là de quoi ranimer une production hexagonale détruite par une politique mondialisée et par des industriels plus pressés d’acheter des sous-produits sino-pakistanais que d’habiller correctement leurs concitoyens. Nous étions leaders dans l’habillement, grâce à des efforts continus commencés sous Colbert. Nous pouvons le redevenir, avec une incitation puissante. Et la mise en fabrication d’uniformes scolaires serait un beau levier de renaissance. Gens du Nord qui avez connu la Lainière de Roubaix, et La Redoute, faites-vous entendre !

Pour le reste — coiffure, tatouages, etc. —, les conseils d’administration des établissements, au lieu de se lancer dans des surenchères de démagogie, seraient bien inspirés d’édicter des règles claires et rigides.

Quant aux portables, ils sont en théorie interdits. Ils devraient être confisqués — et rendus aux parents sur convocation — pour tout usage privé dans l’enceinte scolaire. Cela fera le plus grand bien à ces jeunes cervelles décervelées par les écrans.

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Fatwa sur Twitch

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Jean Massiet présente le livre de la journaliste d'extrême gauche Salomé Saqué sur sa chaîne. D.R.

Jean Massiet est un trop bon vulgarisateur politique pour tendre le micro aux responsables politiques qui lui déplaisent.


« Tout le monde est bienvenu chez Jean Massiet, sauf l’extrême-droite ? » demande Anne-Elisabeth Lemoine à son invité sur C à Vous, l’émission phare de France 5, le lundi 10 avril [1]. En effet, Jean Massiet n’invitera ni Éric Zemmour ni Marine Le Pen sur sa chaine, car il refuse « le jeu qui consiste à renvoyer dos à dos des camps en se disant que notre paysage politique est fait d’un ensemble d’options politiques qui se valent les unes les autres ».

Le streamer, figure intellectuelle incontournable en 2023

Streamer de profession, Massiet, 34 ans, commente l’actualité en direct sur Twitch, une plateforme qui permet de réaliser des vidéos et de les diffuser instantanément. À l’origine, elle concernait plutôt les jeux vidéos: tout un chacun diffusait sa partie en ligne et interagissait dans un chat avec les spectateurs. Depuis, certains utilisateurs en ont fait un moyen économique permettant de lancer sa propre web télé, avec un simple ordinateur doté d’une webcam et d’un micro. Jean Massiet a pu acquérir une notoriété numérique par ce moyen, en commentant en direct certains évènements. Désormais reconnu, il a également assuré une chronique sur France Inter, depuis 2020. Selon France info, son activité lui permet actuellement d’employer trois personnes. 

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Aussi, sa voix compte ! Du moins en est-il convaincu. En tant que streamer, il aurait une responsabilité particulière à donner de l’audience à tel ou tel responsable politique. Dans un texte fameux, Jean-Paul Sartre s’interrogeait déjà sur la responsabilité des intellectuels, reprochant à Flaubert d’être aussi coupable que Thiers de la répression de la Commune pour ne pas avoir écrit une seule ligne pour la dénoncer… Mais, l’autorité prestigieuse de l’intellectuel bien installé dans son université ou derrière ses livres a mal résisté à l’essor des médias de masse, audiovisuels ou radiophoniques. À partir des années 1960, la nouvelle figure de référence est plutôt journalistique: ce sont les éditorialistes (Jean Daniel, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Franz Olivier Giesbert…). Et avec le tout numérique et l’essor des réseaux sociaux, les streamers qui s’enquièrent de leurs devoirs seraient-ils donc devenus la nouvelle autorité intellectuelle ? 

Zemmour et Le Pen pas invités à jouer avec leurs petits camarades

Jean Massiet pense qu’inviter des responsables du Rassemblement national ou de Reconquête à discuter devant une webcam leur offrirait une tribune inespérée. Ça se discute. La parole du streamer compte sans doute pour l’instant un peu moins dans l’espace public qu’il ne le pense. Beaucoup de téléspectateurs ont en réalité probablement découvert son existence en direct… mais sur France 5 ! Et d’ailleurs, peu d’hommes politiques, et certainement pas ceux suscités, ne viennent mendier ses invitations. Deux députés lui avaient offert cette complaisance: sur la chaine de Jean Massiet, Ugo Bernalicis de la France Insoumise et Denis Masséglia pour la majorité s’étaient affrontés lors d’une partie de « League of legends », jeu d’affrontements virtuels où l’on incarne une armée de mercenaires… Sans doute pour la plus grande gloire du politique.

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Et si l’on inversait un instant la perspective: les responsables politiques doivent-ils forcément se donner le ridicule d’être passés à la question sur ce type de support ? Et si les plus sérieux d’entre eux, par égards pour leur fonction, ne préféraient pas boycotter directement les boycotteurs ?

[1] https://www.youtube.com/watch?v=CpWtFfAz8Co

Macron et Sarkozy unis dans la détestation de la magistrature?

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Le journaliste Ludovic Vigogne publie "Les sans jours : Macron : Les secrets d'un passage à vide" (Bouquins). Capture Youtube.

Les compères: haro sur les magistrats! Un billet de Philippe Bilger.


On apprend beaucoup sur la politique et nos présidents de la République dans les livres. Celui de Ludovic Vigogne – Les sans jours – nous éclaire beaucoup sur le comportement d’Emmanuel Macron depuis sa réélection, ses flottements, le choix d’Elisabeth Borne comme Première ministre après que Catherine Vautrin a failli l’être et les élections législatives avec la majorité relative pour Renaissance. C’est une très fine analyse de la démarche du président qui semble avoir perdu la maîtrise des opérations et être moins pertinent dans ses choix. Oscillant entre un présent où son pouvoir est contesté et l’échéance de 2027 où il ne l’aura plus.

Agacements mêlés

On y voit aussi confirmée ce qu’on savait déjà : la relation complice et délétère entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy avec de l’estime, voire de l’admiration du second pour le premier, mêlées à quelques agacements, et, de la part d’Emmanuel Macron, une habileté tenant principalement à l’attention portée aux problèmes judiciaires de son prédécesseur et à l’écoute des inquiétudes de Carla Sarkozy sur le sort de son mari. On a vraiment l’impression de deux compères réunis par une même détestation de la magistrature. On n’en doutait pas de la part de Nicolas Sarkozy qui durant son quinquennat n’en a pas fait mystère, cultivant le bon grain dévoué et utile au détriment de l’ivraie laissée à ses tâches quotidiennes. Elle s’est aggravée avec toutes les péripéties judiciaires et condamnations accrochées aux basques de l’ancien président.

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On aurait pu espérer d’Emmanuel Macron qui, officiellement, est le garant de l’unité et de l’indépendance de la magistrature, une autre attitude. Si son hostilité est moins brutale, plus soyeuse, elle n’en est pas moins indéniable. Il suffirait de rappeler quelques épisodes qui démontrent la conception toute particulière que le président a de la Justice et certains de ses propos qui, au sujet d’Eric Dupond-Moretti, révèlent son parti pris ministériel. La nomination de ce dernier puis son renouvellement constituent d’ailleurs le plus éclatant coup de pied de l’âne porté à une corporation appelée à être administrée par une personnalité qui, avocat, ne l’avait jamais ménagée.

Un double langage pervertit notre démocratie

Tout de même, quand je lis dans le livre de Ludovic Vigogne ces propos d’Emmanuel Macron : « Ces gens-là n’ont aucune légitimité. Ils n’ont pas été élus. Ils ont passé un concours. Ce sont des hauts fonctionnaires qui ne sont jamais responsables de rien », il y a de quoi se révolter. Non qu’il ne faille pas s’occuper de la responsabilité des magistrats – c’est d’ailleurs à peu près la seule inspiration présidentielle que j’ai approuvée dans le domaine de la Justice -voir mon billet de février 2021) – mais quelle condescendance, quel mépris par ailleurs ! Comme si c’était au président de dénoncer le statut de la magistrature, de le tourner en dérision alors qu’il devrait être le plus scrupuleux à le faire respecter ! Cette saillie confirme – pas la moindre raison de la croire fausse – que derrière l’officiel des institutions il y a tout un officieux et qu’un double langage pervertit notre démocratie. Quand les coulisses contredisent la scène, c’est plus qu’un dysfonctionnement : une honte.

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Puis-je dire aussi, sans tomber dans une vanité collective mal placée, que je n’accepte pas cette charge sur laquelle nos deux compères s’accordent ; le monde politique n’a pas à donner de leçons et s’il s’agit de débattre de la médiocrité des uns et des autres, élus ou non, nous aurions une argumentation à faire valoir et qui ne serait pas forcément à notre désavantage… À condition évidemment que les plus hauts chefs de la magistrature ne disparaissent pas sous la table démocratique et aient l’audace constante d’affirmer la grandeur et l’honneur de ce superbe service public. Si je n’éprouve aucune nostalgie pour mes activités de magistrat, parce que j’ai eu la chance d’en avoir d’autres passionnantes qui ont pris leur relève, je ressens parfois des fourmis dans l’esprit et je regrette de devoir me contenter d’une parole solitaire, d’une apologie singulière. Au haro officieux sur les magistrats de nos deux compères, j’aurais tellement voulu pouvoir opposer une défense et illustration officielles de la magistrature.

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Quel LR êtes-vous ?

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Eric Ciotti (©SYSPEO/SIPA), David Lisnard (©SOPA Images/SIPA), Aurélien Pradié (©ISA HARSIN/SIPA), Laurent Wauquiez (©Jacques Witt/SIPA).

La réforme des retraites s’est muée en psychodrame pour les élus LR. Se sont ainsi révélés des amoureux de la Macronie, des nostalgiques du gaullisme, des dragueurs de RN et des adeptes de l’immobilisme. Et vous, dans quel rang êtes-vous ?


1. Quelle est votre citation politique favorite ?

D.R.

a. « Casse-toi, pauvre con. » C’est clair et net. À la fois précis et concis. Efficace et compréhensible par tous. Peu sujet à l’interprétation et à la mise en abîme. Certes, ce qui est gagné en limpidité est perdu en sophistication glacée, mais la virilité conquérante s’accompagne souvent d’un verbe un tantinet abrasif. Seul défaut : un potentiel rassembleur limité.

b. « La réforme, oui. La chienlit non. » Cette phrase charrie tous les espoirs avortés du décideur qui croit qu’il y a une différence de nature entre le peuple et la populace, quand ce n’est parfois qu’une différence de degré. Possède son pendant côté gouvernés : la dictature c’est « ferme ta gueule », la démocratie c’est « cause toujours ».

c. « On greffe de tout aujourd’hui, des reins, des bras, un cœur. Sauf les couilles. Par manque de donneurs. » Reste à savoir si le monde politique grouille de receveurs… On devrait pouvoir en trouver : le milieu n’est pas peuplé uniquement de bras cassés qui comptent les briques en attendant de manger le mur ou qui font des trous dans la coque du Titanic en espérant éviter l’iceberg.

d. « Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage. » Non, cette phrase n’a pas été prononcée par Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117. Elle ne fait pas non plus partie des meilleurs conseils de Nadine de Rothschild pour garder un mari, tout en sachant recevoir sa maîtresse, sans servir aux deux la soupe à la grimace. Visiblement ce n’est pas non plus la phrase fétiche d’Anne Hidalgo qui s’acharne au quotidien à démentir cette idée reçue et qui a fait de Paris sa meilleure preuve !

2. Quel titre de film illustre le plus la situation d’un député LR au moment du vote de la réforme des retraites ?

a. L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty. Un film qui parle d’échec professionnel, de décrochage, de confusion, de perte de repères et d’incohérence du jugement. Le tout sous la forme d’une longue errance.

b. Les Petits Mouchoirs. Pour le coup « Les Grands Linceuls » serait un titre plus approprié.

c. Docteur Folamour ou Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe. Un « feelgood movie » où on apprend à rire même quand on a déclenché la fin d’un monde, surtout quand c’est le sien. Une belle image de la résilience.

D.R.

d. Le Dernier Pub avant la fin du monde. Où on apprend que des extra-terrestres ont pris le contrôle de l’humanité pour lui inculquer les bons sentiments dont elle est dépourvue. Déçus par la capacité d’apprentissage des élèves, ils décident de les remplacer par des robots. À voir Sandrine Rousseau, on se demande si le processus n’est pas bien entamé à gauche et si, à droite, le chef des extra-terrestres n’aurait pas confondu robot et ectoplasme.

3. Lorsqu’on a demandé à Édouard Philippe si tout arrivait jusqu’au bureau du Premier ministre, il a répondu : « Non, seulement les emmerdes. » Fort de ce bel adage, quels seraient votre chemin ou votre devise si vous deviez diriger LR ?

a. « Aller de Charybde en Scylla. » En continuant à penser que le blob est l’avenir de la politique et qu’être invertébré améliore ses possibilités de survie. Ce qui n’est pas entièrement faux si on en croit les tardigrades, créatures qui peuvent survivre jusqu’à trente ans sans boire ni manger. Et passer toute leur vie sans cerveau !

b. « Fuyez, on vous suivra. Suivez, on vous fuira. » La question reste dans les deux cas : pour aller où ? À Canossa faire pénitence auprès d’Emmanuel Macron ou à Capoue, pour finir de manger l’héritage ? L’avantage de la deuxième option, c’est que vous pouvez la vivre à la buvette de l’Assemblée. En mode circuit court, mais peut-être plus pour très longtemps.

D.R.

c. « Plus haut, plus vite, plus fort », comme la devise de Pierre de Coubertin, malheureusement le programme fonctionne aussi en mode échec.

d. « L’amour, c’est regarder ensemble dans la même direction. » La sodomie aussi, mais c’est moins fécond.

4. Quel lâche vous inspire le plus ?

a. Brave sir Robin dans Sacré Graal. Encensé par un troubadour chargé de louer son courage, Brave sir Robin passe ses journées à l’entendre décrire son potentiel avenir puisqu’il est censé n’avoir pas peur de finir « les yeux énucléés, les coudes brisés, la rotule disloquée et le corps carbonisé, les membres écrasés et déchirés, le foie extirpé, les intestins délogés, les narines râpées et le cul brûlé. » Du coup, il garde une ardeur très mesurée au combat. Grand causeux, petit faiseux, not so Brave sir Robin. Alors imaginez si en plus il avait des juges aux fesses ! De quoi lâcher le service du Graal pour celui de Mordred en expliquant qu’avoir mis Guenièvre à la place d’Arthur lors des éliminatoires de la conquête de la couronne justifiait toutes les trahisons.

b. Grouchy. Réussir à être introuvable quand on se déplace avec 33 000 hommes et 108 pièces de canons et louper ainsi une bataille décisive n’est pas donné à tout le monde. Inscrire son nom dans l’histoire parce qu’au moment crucial, vous faites défaut n’est pas si facile pourtant. C’était qui le chef de file des élus LR à l’Assemblée au moment de la grève des retraites déjà ?

c. Francesco Schettino, capitaine du Costa Concordia. Outre une difficulté certaine à gérer le contournement d’objets immobiles, tels des îles, le capitaine du Costa Concordia était très attaché à l’émancipation de ses passagers. Partisan de la méthode qui consiste à laisser l’humain se débrouiller pour qu’il développe ses facultés cognitives et son propre mode d’appréhension du réel, il quitta son bateau en train de couler. Non pour abandonner ses passagers à leur sort, mais pour développer leur capacité de réagir de façon positive au changement en galvanisant leur énergie grâce au stress généré par une situation complexe. Un peu comme aller soutenir une candidate du camp adverse en pleine législative : contrairement au jugement des béotiens, ce n’est pas une trahison, mais une méthode permettant de susciter l’émulation et la combativité. Les grands hommes sont décidément toujours incompris.

D.R.

d. Bohort dans Kaamelot. Bohort n’est pas lâche, c’est juste qu’il préfère la composition florale au découpage de barbares à la hache bifide dès potron-minet dans les frimas de la campagne bretonne. Il n’est pas non plus très chaud pour tenter sa chance en retirant Excalibur du rocher d’où elle allume le moindre chevalier errant qui y pense tous les jours en se rasant. Cela n’a aucun effet sur Bohort. Il préfère le poste de surintendant des finances à la Barclays plutôt que le trône de fer. Surtout quand le sport national en interne est d’affûter toutes les échardes de l’assise pour affaiblir le premier qui s’y pose.


Résultats

Un maximum de a)

Le LR polycompatible. Vous êtes la petite robe noire de la politique : vous allez avec tout. L’autre nom pour cela c’est « macrocompatible ». Vous pratiquez d’autant plus la triangulation des idées que pour vous ce sont des appâts à électeurs et non des lignes directrices. Résultat, vous avez coulé votre marque et vous vous rendez compte que votre équation personnelle ne permettra même pas de sauver le PDG.

Un maximum de b)

Le nostalgique du gaullisme. Vous avez une certaine idée de la France, mais vous ne savez pas trop laquelle. Mais bon, comme tout le monde a été ou sera gaulliste, cela ouvre un vaste champ de conquête à vos ambitions. Le truc c’est que vous ne savez pas trop quoi dire pour galvaniser vos troupes et que vous n’aimez pas la prise de risque. Or « la grandeur est un chemin vers quelque chose qu’on ne connaît pas. » C’est ballot, vous voulez juste retourner dans le passé. En attendant, entre l’enclume Renaissance et le marteau RN, vous apprenez les vertus de l’horizontalité, en mode écrasement.

Un maximum de c)

Le compatible RN. Vous rêvez d’union des droites, mais vous savez que vous êtes dans la position de la fiancée pauvre après avoir été longtemps le patriarche tout-puissant. Du coup vous avez quelque réticence à vous abandonner. Surtout que si vous vous voyez volontiers en Françoise d’Aubigné épousée par Louis XIV, vous n’aimeriez guère être l’une des six femmes de Barbe-Bleue. Alors en attendant vous vous confisez en abstinence et en dévotion mémorielle en attendant le sauveur. Pour l’instant on ne voit que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie, tandis qu’Édouard Philippe affûte ses coutelas.

Un maximum de d)

Le gardien du temple vide. Sur l’échelle de la fidélité, vous en remontreriez à Pénélope. Il faut dire que vous ne participez pas à un projet de société, vous cherchez une famille, même dysfonctionnelle. Vous êtes servi. Dans la famille LR personne ne sait qui il est, où il va, ni comment ni pourquoi et cela n’empêche pas la détestation mutuelle. C’est un peu comme Game of Thrones revu par un sensitivity reader qui aurait remplacé les épées par des couteaux à beurre. Forcément ce que l’on gagne en absence de bandages et en évitement de creusement des tombes, on le perd en élagage de l’arbre généalogique des personnages et en concentration de l’action. Résultat : des scores électoraux dignes d’une campagne d’Anne Hidalgo !

Chaos au Soudan: le dessous des cartes

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Khartoum, 19 avril 2023 © Marwan Ali/AP/SIPA

Soudan: les militaires à l’assaut du pouvoir. Entretien avec Marc Goutalier, analyste géopolitique Moyen-Orient et Afrique du Nord. Propos recueillis par Tigrane Yégavian.


Depuis le 15 avril, le Soudan est en proie à des combats militaires entre deux factions qui veulent s’emparer du pouvoir. Le nombre de morts ne cesse de croître et l’espoir de paix de reculer. Les ambassades occidentales évacuent leurs ressortissants de la capitale, Khartoum, livrée à des combats fratricides. Analyse de la politique soudanaise par Marc Goutalier interrogé par Tigrane Yégavian.


Conflits. Quelle est la nature du régime soudanais : militaire ? civil ? mixte ?

Marc Goutalier. Jusqu’en 2019, le régime soudanais était militaire avec une coloration islamiste. Puis de 2019 à 2021, ce fut un régime transitoire fondé sur une coopération théorique entre militaires et civils. Depuis le coup d’État du 25 octobre 2021, qui a interrompu cette transition vers un nouveau régime qui devait être civil et démocratique, ce sont les militaires… et les paramilitaires qui monopolisent la scène à Khartoum.

On parle d’un duo entre les deux hommes forts à la tête des forces armées, le général Mohamed Hamdan Dagalo et le général Abdel Fattah Al Burhan, qui gouverne le Soudan depuis la chute d’Omar Hassan al Bachir. Comment fonctionne ce duopole ?

Il faut rappeler que c’est l’alliance de Burhan et de Dagalo (dit Hemetti) qui a permis l’écartement des civils du pouvoir en 2021. Aujourd’hui, c’est la rupture de cette alliance qui replonge le Soudan dans la violence. Ce n’est, hélas, pas vraiment une surprise. Burhan et Hemetti sont rivaux. Mais ce sont avant tout des produits de l’ère d’Omar al-Bachir (1989-2019). Ayant lui-même pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire, Bachir était conscient de l’intérêt à la fois de se concilier l’armée et d’éviter qu’elle devienne toute-puissante. C’est ce qui le conduisit à soutenir la formation de milices paramilitaires concurrentes des militaires. Nombre de ces milices sévirent au Darfour, région dont Hemetti, qui fut l’un de leurs chefs les plus redoutés, est originaire. Burhan, lui, est issu des rangs de l’armée régulière. Et il vient du nord du pays, comme la plupart des dirigeants soudanais depuis l’indépendance en 1956. Il s’estime donc légitime dans sa quête de pouvoir. Burhan bénéficie de l’aide de l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi, en qui il voit un modèle. À l’inverse, le « parvenu » Hemetti, ex-berger devenu l’un des hommes les plus riches du Soudan grâce au trafic d’or, s’affirme proche du peuple. Il est soutenu par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. La Russie se montre également très aimable avec lui. Au point que des mercenaires du groupe Wagner ont été déployés pour l’appuyer.

Comment ce pays est-il divisé administrativement ?

Jusqu’à la sécession du Soudan du Sud en 2011, le Soudan unitaire était le pays le plus vaste d’Afrique, ainsi que celui qui avait connu la plus longue guerre civile du continent. L’une des clefs avancées pour gérer les questions de superficie et de diversité ethnique fut d’introduire une dose de fédéralisme dans les institutions. Sur le papier, le Soudan est aujourd’hui un État fédéral composé de 18 provinces. Dans les faits, les décisions restent prises à Khartoum. Le nombre de provinces et leur découpage ont évolué selon la volonté de l’État central.


Quel est le poids de l’armée dans les régions périphériques ?

Si les dirigeants du pays sont en treillis et que le fédéralisme n’est qu’une façade, on devine que le poids de l’armée n’est pas moindre dans ces régions. Celles-ci sont souvent instables du reste. On y retrouve aussi la concurrence entre militaires et paramilitaires, ce qui explique que l’on ait observé dans ces régions (encore une fois au Darfour en particulier) les mêmes affrontements meurtriers qu’à Khartoum depuis le 15 avril dernier. Notons que les deux camps avaient fortement musclé leurs effectifs ces derniers temps, sans doute en prévision de la survenue de tels affrontements.

Le pays demeure sans gouvernement opérationnel après la prise de pouvoir par les militaires le 25 octobre 2021 et la démission du Premier ministre le 2 janvier 2022. De fréquentes manifestations continuent d’avoir lieu dans plusieurs villes, notamment à Khartoum et Omdurman.

Expliquez-nous les principales lignes de clivage.

Aujourd’hui, le principal clivage est celui que j’ai évoqué entre les partisans de l’armée régulière commandée par Burhan et ceux des Forces de soutien rapide (FSR) de Hemetti. Ce clivage en cache cependant un autre, moins visible. Hemetti s’affiche en pourfendeur des islamistes, qui sont toujours très nombreux dans le camp de son adversaire depuis la chute de Bachir. Éjectés de leur position privilégiée en 2019, les islamistes pourraient bien tirer leur épingle du jeu dans le chaos actuel. Ceux qui sont à la fois anti-Burhan, anti-Hemetti et anti-islamistes ont beau être très nombreux, ils sont d’abord spectateurs – et victimes – des évènements.

La prise du pouvoir par l’armée consacre l’influence de l’Égypte auprès des généraux et vient désavouer les États-Unis, très engagés dans le dossier de la transition démocratique. Mais le rapprochement entre Khartoum et Tel-Aviv confirme-t-il les limites de cette hypothèse ?

En effet, l’Égypte mise sur la victoire de son protégé Burhan pour « sécuriser » Khartoum à son profit. Ce n’est pas anodin. Les Égyptiens considèrent le Soudan, qu’ils contrôlèrent au XIXe siècle, comme leur arrière-cour. Les États-Unis ont quant à eux plutôt mal joué leurs cartes. Pour des raisons politiques, Donald Trump privilégia la normalisation avec Israël (actée juste avant les élections américaines de 2020) à la transition démocratique. Il favorisa donc les militaires, qui étaient les seuls à même d’imposer cette normalisation impopulaire aux Soudanais. En échange, la Maison-Blanche avait promis la levée des sanctions contre le Soudan. Enhardis, Burhan et Dagalo ont mis sur pied le putsch d’octobre 2021 qui a poussé l’administration Biden, plus soucieuse de démocratie, à reprendre le chemin des sanctions. Sans grand effet sur les intéressés. Pour ne rien arranger du point de vue américain, le rapprochement avec Tel-Aviv (malgré un nouvel accord bilatéral en février dernier) manque toujours d’une vraie substance. À mon sens, le grand problème des États-Unis à Khartoum est qu’ils se sont rendus dépendants de leurs alliés régionaux (l’Égypte, les Émirats, l’Arabie et même Israël), lesquels sont tous hostiles à l’établissement d’une démocratie au Soudan.

Dans un récent entretien au journal L’Humanité le secrétaire général du parti communiste soudanais parle d’un conflit par procuration entre un clan pro égyptien et un clan pro éthiopien. Êtes-vous en accord avec cette représentation géopolitique ?

Il y a du vrai. Tout comme Burhan est proche des Égyptiens, Hemetti apparaît comme l’interlocuteur privilégié des Éthiopiens. Il se trouve que chacun des deux grands voisins nilotiques a un intérêt réel à avoir le Soudan de son côté, notamment sur les questions explosives de partage des eaux du fleuve. Reste que parler d’un conflit par procuration entre Égypte et Éthiopie me paraît très réducteur pour expliquer la crise actuelle. Ces deux pays ont un intérêt tout aussi réel à ce que le Soudan ne sombre pas dans une guerre civile qui risquerait de déborder sur leur sol.

Le Soudan est-il appelé à devenir un État tampon dans la région ?

Un État tampon a besoin d’être stable pour remplir son office, ainsi que d’une certaine forme de neutralité. La plupart des puissances étrangères qui influent sur la situation au Soudan cherchent plutôt…

>>> Lire la fin de l’entretien sur le site de la revue amie Conflits <<<