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Mais que fait la police?

«La Gravité» de Cédric Ido, le 3 mai 2023 au cinéma


Mais que fait la police?
"La gravité" de Cédric Ido (2023) © Caroline Dubois

«La Gravité», un nouveau thriller communautariste, dans les salles mercredi prochain


Vous vous souvenez de Gravity, le fameux film de science-fiction d’Alfonso Cuaron, huis-clos spatial en apesanteur, sorti en 2013 ? Le cosmos s’invite de nouveau dans nos salles, mais cette fois en arrière-plan sidéral de notre bonne terre hexagonale, avec La Gravité, deuxième « long » de l’artiste franco-burkinabé Cédric Ido, lequel s’était fait connaître par un premier film peu substantiel, La vie de château, co-réalisé avec Modi Barry en 2016, exploration du quartier africain du « Château-d’eau », familier des Parisiens pour ses rabatteurs qui s’affairent bruyamment en meute autour de la rue et de la station de métro homonymes, pour vous faire l’article des salons de coiffure afro avoisinants. Les préoccupations exclusives de Cédric Ido, qui a grandi à Stains, en Seine-Saint-Denis, commune de banlieue pas franchement gentrifiée, gravitent manifestement autour des questions ethniques dans l’espace métropolitain.

Dans les cieux rougeoyants et fuligineux d’une cité faite de barres d’immeubles et de dalles minérales peu engageantes, les planètes menacent mystérieusement de s’aligner, phénomène gravitationnel qui ne laisse pas d’inquiéter la faune bigarrée à la fois prisonnière et gardienne du territoire urbain où se concentre La Gravité. La science-fiction sert ainsi d’amorce improbable à un état des lieux sociétal apocalyptique et sans rémission. Les lois de la gravitation universelle étant irrécusables, une chute malencontreuse rive Joshua (Steve Tientcheu) à son fauteuil roulant depuis l’enfance, mais les liens du sang attachent toujours viscéralement cet infirme adipeux à Daniel, son athlète de frère (Max Gomis), deux fois champion de France de sprint, à l’entraînement duquel se dévoue religieusement un coach franchouillard (Thierry Godard). Christopher (Jean-Baptiste Anoumon) ferme ce trio de noirs qu’ont rapproché, du deal à la taule, les épreuves de la vie en communauté… Face à eux, la nouvelle génération des garçons de la cité, baptisés les « Ronins », une bande de cailleras adolescents de souche maghrébine qui, cheveux teints en rouge et nippés de blousons aux effigies nippones, sévissent dans le champ clos de la cité, juchés sur des pétoires à deux roues, prophètes imberbes, ultra-violents, d’un nouvel âge planétaire dont ils se prétendent les officiants élus. Joschua, dans le secret d’un local aménagé en laboratoire high-tech, pallie avantageusement son handicap moteur, le fauteuil clandestinement transformé, pour l’heure, en véhicule de livraison de came et bientôt, surprise du chef, en robot de haute technologie propre à contrarier victorieusement et de façon spectaculaire sa condition de mobilité réduite, dans la guérilla urbaine qui verra nos gus black Joshua, Daniel et Christopher affronter tels les trois mousquetaires de la cité ces jeunes mages maghrébins qui y sèment la terreur.

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Mais que fait la police ? Celle-ci reste la grande absente de ce thriller communautaire mâtiné de SF qui, grevé de séquences d’une violence sanguinaire, finit par virer au gore. Seul personnage féminin de ce film décidément fort peu paritaire, Sabrina (Hafsia Herzi), la dulcinée sacrificielle de Daniel, n’aura d’autre choix que de fuir, sans lui, vers d’autres latitudes moins inhospitalières, hors de France… Si Cédric Ido avait voulu peindre la cité telle qu’en elle-même sous un jour plus noir, plus pathétique, plus désespérément confiné dans l’entre-soi tribal, il ne s’y serait pas pris autrement. Sous son regard, ce n’est que le terrain de jeu autarcique de communautés ennemies sans foi ni loi. Un film… raciste ?


La Gravité. Film de Cédric Ido. Avec Max Gomis, Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu. France, couleur, 2022. Durée : 1h26. En salles le 3 mai.




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