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« La course camarguaise mêle archaïsme et raffinement »

Si dans la course camarguaise, la star est le taureau Camargue, l’autre protagoniste est l’homme qui l’affronte : le raseteur. Et chaque génération a son raseteur emblématique. Pour la nôtre, c’est Joachim Cadenas. Rencontre avec l’actuel prince du raset.


Causeur. En quelques mots, décrivez-nous la course camarguaise ?

Joachim Cadenas. Pour certains c’est un sport, mais ce n’est pas ma philosophie et ce n’est pas ainsi que je la pratique. Je la définirai comme un art. Premièrement, pour moi, c’est le contact avec le sacré, avec le Mythe qu’est le taureau. Lors d’une course, le raseteur va devoir s’approcher au plus près de ce dieu. On provoque sa charge puis, à l’aide d’un crochet dans la main, on doit lui décrocher les attributs dont on l’a décoré : la cocarde sur son front, les deux pompons blancs à la base de chaque corne et la ficelle enroulée autour de sa corne. Cette action, c’est ce qu’on appelle un raset. Chaque attribut décroché par le raseteur lui vaudra une prime financière.

Numéro 91 de Causeur.

Au-delà de l’exploit physique et sportif, l’attrait du raset, c’est l’émotion que provoque la fusion du taureau et de l’homme au moment de la charge de la bête. C’est la beauté des gestes dans la manière de cueillir l’attribut, dans la manière de déclencher la charge du taureau et dans la manière de s’en dégager. Les gestes, le style, j’y pense beaucoup. C’est ce qui m’obsède. Il y a quelque chose qui mêle l’archaïsme et le raffinement. Affronter un taureau comme on le fait, c’est à la fois primitif et sophistiqué. Ce qui en fait un art, c’est aussi la quête de la perfection tout en la sachant impossible à atteindre totalement. Mais, moi en tout cas, je tente de l’approcher, le plus près possible.

Quel est cet idéal que vous cherchez à approcher ?

L’Idéal… c’est le raset de mes rêves. La forme parfaite, le taureau parfait, la beauté du geste, le temps parfait, tout cela réuni, l’impossible quoi. C’est aussi trouver, le plus souvent possible, le terrain capable de faire naître l’émotion. Je parle du terrain du taureau sur lequel aller. C’est quelque chose d’inexplicable. Il faut trouver l’endroit parfait ou se mettre, pour que notre rapport à l’animal crée l’émotion, pour que la fusion soit totale. C’est le terrain de la vérité. C’est difficile à expliquer, pour sentir cela il faut vraiment venir dans les arènes.

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Quelle a été votre enfance ? Comment le taureau est-il entré dans votre vie ?

Je suis né en Camargue, à Mas Thibert. Au milieu des taureaux donc. Mon père, espagnol, travaillait comme soudeur à l’usine. Ma mère, d’origine algérienne, était femme au foyer. Enfant, comme beaucoup de copains, je jouais aux taureaux (imaginaires ! pas avec des vrais). Mes parents m’emmenaient à la corrida et à la course camarguaise. C’était le rendez-vous. Ils n’étaient pas aficionados purs et durs, mais c’était le grand divertissement. Mes parents étaient très à cheval sur l’éducation. Ils voulaient que je fasse des études, que j’aie un bon métier, comme architecte. Ils avaient souffert et ne voulaient pas que ce soit mon cas. Par conséquent, ils ne voulaient pas que j’entre dans la tauromachie. Aucun parent, ou presque, ne souhaite cela à ses enfants. C’est bien normal.

Côté études, je suis allé jusqu’en première littéraire. Mais la passion du taureau montait en moi. Elle prenait toutes mes pensées. J’avais de très bonnes notes en cours, mais ça ne m’intéressait pas. Les livres qui m’intéressaient, c’était les livres de taureaux. Je n’aimais pas lire pourtant. Ce sont les taureaux qui m’ont fait lire. Mon premier livre, c’était celui de Dominique Lapierre, Ou tu porteras mon deuil…, sur l’histoire du matador El Cordobés. Un classique ! Ensuite le livre d’Alain Montcouquiol, Recouvre-le de lumière, sur la tragique histoire de son frère Nimeño II, dont la vie fut brisée par un taureau dans les arènes d’Arles. Et tout s’est enchaîné. Ce sont les taureaux qui m’ont élevé, qui m’ont ouvert l’esprit. Pour tout apprendre d’eux, je me suis mis à fréquenter des gens beaucoup plus âgés que moi. Des anciens. Je voulais tout savoir du taureau et de la culture qui l’entoure. Je voulais en savoir la grande histoire et les petites anecdotes.

Joachim Cadenas et le taureau Milan de la manade du Brestalou, mars 2023. Photographie de Cathy Cohen-Solal.

Comment s’est fait le choix de la course camarguaise plutôt que celui de la corrida ?

Au début, j’aimais les deux. Enfant puis adolescent, à Arles, je fréquentais les jeunes toreros du moment. Il y avait Marco Leal, Mehdi Savalli, Román Pérez, Rafael Viotti. Je les suivais. Ils me faisaient toréer et raseter. Mais, pour en revenir à votre question, moi, je n’avais pas envie de tuer le taureau. Pour moi, c’était inconcevable, je l’aimais trop. C’est pour cela que j’ai fait le choix de la course camarguaise et que je suis devenu raseteur. Mais quelques années plus tard, avec plus de maturité, et après de longues réflexions, mon avis a évolué. Je concevais d’aimer le taureau et de le tuer.

Il y a quelques années, j’ai toréé et tué un taureau espagnol. Ce jour-là, l’appréhension était intense. Je m’étais entraîné. Mon sentiment était étrange. Lors d’une histoire d’amour avec une femme, il y a toujours la crainte que ça se termine mal. Avec le taureau – ça peut paraître étrange –, j’avais l’impression de commencer une histoire d’amour, j’apprenais à le connaître au fur et à mesure que je le toréais, et j’avais la certitude que cette d’histoire d’amour se finirait bien. Alors que cette fin, c’était la mort, inévitablement. La mort n’était pas une fin négative, mais positive, et presque rassurante. Comme si on scellait quelque chose de beau.

La course camarguaise est-elle un facteur d’intégration sociale ?

C’est certain. Déjà, les origines des raseteurs ont souvent correspondu aux vagues d’immigration. Il y a eu les Italiens, les Espagnols, les Portugais et aujourd’hui les Maghrébins. Dans ma jeunesse, la grande figure des raseteurs, c’était Sabri Allouani. Les raseteurs sont rarement des fils à papa. Le taureau, c’est une porte ouverte vers la société. Face à lui, on prouve notre courage, on peut émouvoir les gens, les faire vibrer, et gagner sa vie. On gagne aussi le respect et on s’intègre à la vie sociale. Quel que soit notre origine ou notre milieu. Et puis, lorsqu’on veut devenir raseteur, on entre dans une éducation à l’ancienne. On est en contact avec des personnes plus âgées, on les respecte, on les écoute. Il y a une hiérarchie. On est obligé d’obéir à des règles. Et ce ne sont pas des règles écrites qu’on suit bêtement. Non ! Ce sont les règles et les codes d’une tradition. On s’intègre à une histoire. Aujourd’hui, tous les jeunes raseteurs issus de l’immigration sont avant tout des raseteurs, des Camarguais, des gens du peuple du taureau, des héritiers du marquis de Baroncelli et de l’histoire d’une partie géographique de la France : la Camargue. Et tous ces jeunes raseteurs sont suivis par leurs copains. Les arènes sont pleines de jeunes. Toute la diversité de notre pays est réunie dans les arènes. La figure du raseteur est très populaire ici.

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Les raseteurs sont-ils professionnels ? Vivent-ils de la course ?

Certains le sont, d’autres travaillent à côté. Mais à un certain niveau, il est tout à fait possible de bien gagner sa vie avec.

En ce qui concerne la douleur et les blessures, sont-elles aussi présentes que chez les matadors ?

Oui. Le taureau Camargue est un animal redoutable, dangereux. Dans les blessures, j’ai eu de tout : genou cassé, coups de corne à côté du cœur, dans la cuisse, etc. Au début de ma carrière, je rêvais de prendre un coup de corne. J’avais très envie de voir ce que ça faisait. J’étais impatient. Chez nous, on dit que le premier coup de corne nous fait partir le mauvais sang, et qu’il ne nous reste ensuite que le bon. Ce premier coup, je l’ai reçu en 2013, j’avais 16 ans. C’était un coup de corne dans le bras sur plusieurs centimètres. Sur le moment, j’étais content. Mais derrière, ce qui m’importait le plus, quand même, c’était de savoir dans combien de temps j’allais pouvoir raseter de nouveau.

Dans quel état êtes-vous avant une course ?

Dans ces moments, l’appréhension et la peur sont présentes. Car je sais que je risque ma vie. Car je sais que l’animal que je vais affronter va vouloir ma mort. La veille, dans mon lit, je ne pense qu’à une chose : le taureau de demain. La nuit qui précède la course, je ne fais que de penser à ce taureau-là. À me demander comment il va réagir, comment il va charger. D’autant plus que, parfois, c’est un taureau que j’ai déjà affronté précédemment. Un taureau que je connais.

Et puis, il y a certains élevages qu’on craint plus que d’autres. Toute la nuit, l’imagination travaille. Tout cela fait monter la peur. Mais cette pression-là est nécessaire, il faut savoir la dompter et en faire en faire quelque chose de positif. Dans notre art, on dompte les éléments hostiles, la peur comme le taureau, pour en faire quelque chose de beau.

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« La course camarguaise, c’est une messe! »

Pour le peintre Lilian Euzéby, cette course est un hommage aux « dieux sombres » que sont ces taureaux indomptables. Il puise son inspiration dans ce rite mêlant couleurs et émotions.



Causeur. Votre travail laisse une place importante à la figure du taureau. Qu’est ce qui, chez cet animal et dans le monde de la bouvine, inspire tant le peintre que vous êtes ?

Lilian Euzéby. Ce qui m’intéresse, c’est le sacré. La course camarguaise est liée aux fêtes votives des villages, encore aujourd’hui. Il y a quelque chose de religieux. Les grands-parents y amènent les petits-enfants. C’est une affaire de transmission. Les courses camarguaises se sont ensuite retrouvées dans les grandes arènes, mais sont toujours restées populaires. C’est la fête du peuple. Et puis, il y a le mystère. La plupart des courses camarguaises n’avaient pas lieu dans la Camargue, mais autour, dans des endroits ou ne vivaient pas les taureaux.

Lorsque j’étais enfant, dans mon village de Russan, à une heure et demie de la Camargue, nous attendions l’arrivée de ces animaux étranges avec émotion et impatience. Toute l’année nous attendions. C’était le seul moment où nous allions les voir, les admirer et les craindre. On nous apportait dans nos villages un petit morceau du mystère de cette Camargue sauvage qui résidait dans ces monstres mythologiques – peut-être échappés de Crète – au pelage sombre. Et puis la course camarguaise, c’est un rite, toujours le même. Les mêmes couleurs, les mêmes bruits, les mêmes odeurs. Le sable beige illuminé par le soleil, les ombrages des feuilles des platanes alentour qui se posent dessus. Barrière rouge. Taureau noir. Ce taureau qui, bien que différent à chaque fois, est au fond toujours le même. Le Taureau, sacré. Le taureau qui sort éternellement du toril et vient poser sa tache noire sur le sable beige sous un soleil de plomb. Lorsque je vois les raseteurs arriver sur la place, se changer, se vêtir de blanc pour aller officier, une émotion intense me submerge. C’est comme des prêtres. Et ces hommes sont des enfants du peuple ! Dans ma jeunesse c’était des maçons, des éboueurs… certains étaient de vraies idoles.

Pour aller voir des corridas espagnoles, où l’on tue le toro, il fallait aller dans les grandes villes comme Nîmes ou Arles. La course camarguaise, elle, se faisait dans les plus petits villages. C’est aussi cela qui en faisait une fête populaire dans les campagnes. Mais je le répète, il y avait avant tout le mystère de ces animaux indomptables sortis du fond des âges. Et puis l’événement furtif et miraculeux où l’homme touche le taureau, lié à l’événement de la fête. C’est le jour où l’on rompt le quotidien. Aujourd’hui encore, c’est cela que je dessine. Des dieux sombres. Des statues de dieux. Des mystères. Lorsqu’on lâche les taureaux dans les villages pour les abrivades, aujourd’hui encore, les gamins se battent pour courir à côté du taureau, pour le toucher et avoir un peu de son odeur dans la paume de la main. C’est charnel. Nous sommes attirés par lui. Et pour sacrer tout cela, la course camarguaise est la messe. Le taureau est le Dieu, le raseteur le prêtre. Voilà ce qui, dans cette course, me bouleverse et m’inspire. Le sacré avec le regard de l’enfant, éternellement.

Félicien Marceau, Capri petite île

En 1951, l’écrivain décrivait le farniente d’une société cosmopolite européenne, dans un roman où les paysages magnifiques de l’île italienne sont le principal personnage…


Né en 1913 en Belgique, ayant traversé la guerre avec peine, Félicien Marceau fut un auteur à la réputation brouillée, mais qui n’eut jamais qu’un souci principal : exprimer la vérité de la société, pour en jouir pleinement. Après une « échappée belle » de plus d’une décennie en Italie et en France, cet écrivain subtil et discret se voit offrir par le général de Gaulle, en 1959, la nationalité française. Sa nouvelle vie d’homme de lettres peut alors se poursuivre avec des œuvres variées (romans, théâtre, essais), qu’il colore souvent d’une délicieuse nonchalance.

L’esprit français

Les difficultés rencontrées par Marceau dans son existence n’affectèrent pas son goût pour une légèreté bien française. Ses romans portent souvent des titres dignes de ce XVIIIe siècle qu’il affectionnait tant (il a écrit deux essais sur Casanova). Capri petite île résume à lui seul cette vision épicurienne du monde, avec des personnages oisifs qui tentent de donner un sens à leur existence par la seule contemplation d’une nature sublime. Nous allons voir que telle fut l’obsession secrète de l’écrivain, dans ce cadre de l’île de Capri, microcosme privilégié d’un désœuvrement essentiel, mais périlleux.

Ancienne affiche publicitaire pour le tourisme Image: Wilimedia commons

J’ai lu ce roman la première fois à l’âge de quatorze ans. Je l’avais trouvé par hasard dans la bibliothèque de mes parents. Tout de suite, il m’avait attiré. C’était un livre pour moi, comme si j’étais le seul à même d’en comprendre le sens caché. Un désir d’Italie de ma part, peut-être, en tout cas une aspiration au repos et, certainement, à la paresse. Nous étions le dimanche soir, et le lendemain il y avait école. Je n’avais pas appris ma leçon de géographie. J’avais bien ouvert le manuel, mais impossible de fixer mon attention sur ces paragraphes oiseux et très mal écrits. Eh bien, tant pis, j’aurais encore une mauvaise note. C’est alors que je pris le volume de Capri petite île, et que je me mis à le lire passionnément comme une délivrance. Ce jour-là, j’effectuais très certainement, grâce à cette lecture de Marceau, ce qu’on pourrait appeler une expérience intime de désœuvrement. Elle est restée gravée en moi.

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Douce oisiveté

Capri petite île fut écrit par Félicien Marceau en 1951. Son action se situe juste dans l’après-guerre. Le personnage d’Andrassy est un jeune Hongrois, qui a quitté son pays pour tenter sa chance dans un pays libre. Il a survécu dans un camp de transit en Italie, et a la chance d’être choisi par un riche oisif de Capri, Forstetner, pour devenir son secrétaire. L’occasion est belle, pour Andrassy, en attendant que lui soit délivré son permis de séjour, de pénétrer dans les milieux cosmopolites et huppés de l’île. Au début, il est plein de fougue et d’ambition, il tombe même amoureux d’une jeune fille du cru, avec qui il veut refaire sa vie. Mais, peu à peu, sous l’influence de ses nouveaux amis, et de son patron lui-même, prenant goût à cette ambiance empoisonnée de farniente continu, de « douce oisiveté », il renoncera à ses ambitions. Capri l’aura vaincu.

Félicien Marceau distille ce désœuvrement dans les paysages de Capri, à travers d’abord cette chaleur lourde qui s’abat sur les habitants et leur donne envie de ne plus rien faire. Décrivant l’église près de la place, par exemple, il note : « Quelques marches y conduisent où généralement sont assis quelques indigènes, à prendre le soleil, à godersela, à se la couler douce. » Marceau consacre de belles pages aux bains de mer, dans l’eau transparente de Capri. La mer est l’élément originel : « Cette eau, dit Mafalda, une amie d’Andrassy. Quel miracle ! » Ils passent tous, après le bain, de longues heures à brûler au soleil, leur seul et unique dieu. Marceau nous commente joliment cette bulle d’éternité dans leur vie : « Posé à la limite du temps et de l’espace, de l’être et du néant, un moment lentement se dissolvait dans l’azur – et avec lui tous ces corps étendus, abandonnés, voguant à la dérive, si près de sombrer. »

Une société décadente

Sur le point de « sombrer » ? La sexualité des protagonistes, par exemple, est étrange. L’hétérosexualité se décompose et mène à l’abstinence (abstention parfaite), alors que l’homosexualité (la « pédérastie » dit le texte), toujours latente, servira de faux-semblant. Cette dernière se présente comme un symptôme de décadence, et non quelque chose de naturel. Le vieux Forstetner aimerait, de la sorte, faire accroire qu’il a une relation particulière avec son secrétaire. Andrassy accepte cet arrangement. Une phrase de conclusion, vers la fin, m’avait frappé par son fatalisme, lors de ma première lecture à quatorze ans, je m’en souviens très bien : « Forstetner est là aussi, régulièrement. De temps en temps, de préférence lorsque quelqu’un le regarde, il se penche vers Andressy, lui pose la main sur le bras. Docilement, Andressy sourit. » Cette fin m’avait paru désolante.

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Dans Capri petite île, l’image de l’âne surgit deux fois, comme le symbole néfaste de la fainéantise. « Un âne ? écrit Félicien Marceau. Il y a quelque chose au-delà des ânes. Un âne ? Ce mot ouvert… » Le romancier n’ajoutera pas d’autres explications, laissant au lecteur le soin d’apprécier seul les grandeurs et, parfois, les faillites de l’abstention ou de l’inertie.

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Quand l’extrême gauche française tombe d’accord avec Erdogan

La haine de la France, à la source des émeutes, fait bien le lien entre violence et immigration, n’en déplaise à la gauche. La posture politicienne scandaleuse adoptée par Jean-Luc Mélenchon ne doit pas occulter les propos tout aussi problématiques tenus ailleurs par d’autres membres de la Nupes. Quant au gouvernement, il donne l’impression de vouloir gagner du temps face à ce séparatisme qui s’aggrave, observe notre chroniqueuse.


« La fin justifie les moyens » selon Alma Dufour, députée insoumise de Seine-Maritime, venant au secours des pillards qui ont mis le feu à la France. « Et si le pillage avait à voir avec la pauvreté ? Les marques avec le sentiment de relégation » gémit Sandrine Rousseau, ressortant des placards la vieille culture de l’excuse. « Sans justice, il n’y aura pas de paix, ce n’est pas une menace, ce sont des faits » explique doctement Marine Tondelier. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il dénonce : « les chiens de garde nous ordonnent d’appeler au calme. Nous appelons à la Justice ». Le problème, c’est que ces belles déclarations ne témoignent pas de l’émotion ressentie face à la mort d’un jeune délinquant de 17 ans, mais sont tenues alors que la France est mise à sac par des jeunes émeutiers qui utilisent un fait divers pour laisser libre cours à leur haine de la France et à leur sauvagerie.

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Et c’est bien ce qui fascine Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. Tout à leur rêve de révolution, ils jettent de l’huile sur le feu car la seule chose qui les intéresse est la mise en cause systématique de la police et la déstabilisation du pouvoir. Il faut donc entendre l’appel à la justice du chef de file des insoumis comme un permis de ravager le pays au nom d’une oppression subie.

Les émeutes : une réponse au racisme systémique selon la gauche

En effet, selon la gauche, les émeutes sont une réponse au racisme de la police et à la persécution des musulmans dans le pays. Exactement le narratif des Frères musulmans comme le président turc, Erdogan, qui  accuse la France « d’une oppression constante exercée sur des populations majoritairement musulmanes ». Le président algérien n’est pas en reste ; il demande à la France d’assurer la protection de ses ressortissants… Le pompon est décroché par les Iraniens, qui, entre deux pendaisons, trouvent le temps de demander au gouvernement français de « mettre fin au traitement violent de sa population » ! Il faut rappeler que ces pays travaillent activement à des politiques de déstabilisation des pays européens et de la France au premier lieu. Erdogan, parce qu’en tant que frère musulman, il obéit à l’agenda de la confrérie tout en poursuivant son rêve d’empire. Quant à l’Algérie, elle n’arrive pas à exister sans se confronter à son ancien colonisateur, car c’est la France qui a fait d’une sorte de colonie ottomane composée d’un agrégat de tribus rivales, un État cohérent. Ces pays ont une influence forte sur leurs ressortissants et les travaillent au cœur pour empêcher toute intégration. L’acceptation de la culture et des mœurs françaises étant incompatible avec le normatif islamique, ils utilisent le discours d’une fausse persécution pour ancrer leurs ressortissants dans le refus de l’assimilation. Ce faisant, ils les condamnent à être de nulle part, un moyen habile d’en faire les futurs chair à canon de la déstabilisation politique qui vient. Au-delà de l’agacement que peut susciter leur ingérence dans les affaires de la France, ils ont une vraie influence sur le comportement de leur communauté et ils sèment les graines de la violence que nous subissons.

La députée Mathilde Panot, marche pour Nahel, Nanterre, 29 juin 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Des Français choqués par la haine de la France exprimée par les émeutiers

Les Français, eux, sont surtout inquiets de voir la France ravagée par des bandes de pilleurs, pratiquant razzia et politique de la terre brûlée. Ils voient avec stupéfaction cette violence être cautionnée par une partie de la gauche. Et surtout, ils sont confrontés une fois de plus au déni de leurs dirigeants qui refusent de faire le lien entre politique d’immigration et émeutes. Or quelque chose a cédé. Non seulement aujourd’hui il n’y a plus de frontières symboliques et les hordes de pillards déferlent dans les centres-villes, mais tout le territoire est touché : plus personne ne se sent à l’abri. Les Français sentent bien qu’émeutes et pillages se renouvelleront au moindre incident et que force n’est pas restée à la loi. Ils anticipent le fait que bien peu d’émeutiers paieront pour leurs actes et que les familles qui exhibent sur internet le produit de leurs pillages ne seront pas sanctionnées.

Nanterre, 29 juin 2023 © Michel Euler/AP/SIPA

De l’assignation à l’émotion collective… à la manifestation du refus de celle-ci (l’exemple de la cagnotte)

Ils ont vu la haine de ces émeutiers contre ce qu’ils sont, leur absence de limites et l’impossibilité d’intervention. Ils ont bien compris que les politiques étaient terrorisés à l’idée qu’un émeutier meurt, tant ils appréhendent la violence des banlieues. Car il y a quelque chose d’effrayant dans le soulèvement communautariste auquel nous avons assisté, c’est qu’il dit clairement qu’aujourd’hui, selon la prédiction de Gérard Collomb, ancien ministre de l’Intérieur, nous sommes passés de « côte à côte » à « face à face ». Et l’affaire des cagnottes l’illustre. La cagnotte pour la famille du policier auteur du coup de feu a dépassé toutes les espérances. Elle a agi comme un référendum et les Français ont manifesté leur soutien aux policiers, une façon en creux d’indiquer leur rejet des émeutes, leur sentiment que celles-ci étaient illégitimes mais aussi leur refus de faire du jeune délinquant tué, un George Floyd français. En participant massivement à la cagnotte ils ont indiqué qu’ils refusaient de s’associer à une émotion collective qu’ils ne ressentaient pas mais qui était impossible à contester sauf à passer pour un monstre.

A lire aussi, Jonathan Sturel: La guerre des cagnottes

D’abord parce que lorsqu’on voit la vidéo, on peut comprendre le tir. Les deux policiers sont plaqués contre un mur, le conducteur a commis plusieurs infractions et a un comportement dangereux, si on se projette dans la situation on ressent le danger. On n’a pas le sentiment d’être face à un crime raciste ou une bavure manifeste, mais face à une tragédie qui aurait pu être évitée, dans laquelle chacun des protagonistes porte une part de responsabilité. Un jeune homme de 17 ans est mort et c’est toujours regrettable, mais, pour éviter d’autres décès, ne vaudrait-il pas mieux indiquer qu’en refusant d’obtempérer et en conduisant comme un chauffard on prend des risques certains, plutôt que de faire passer un petit délinquant pour un martyr du racisme systémique ?

La dimension communautaire des émeutes

On peut aussi s’interroger sur ces explosions de violence transformées en appel à la justice alors que face à de vraies injustices, jamais les banlieues ne se révoltent : Mohammed Merah a tué des enfants innocents, à bout portant, dans une école. Et pourtant rien ne s’est passé ! Le meurtre de Samuel Paty n’a pas déclenché de tels émois. On peut brûler une jeune fille enceinte dans un terrain vague et invoquer une forme de crime d’honneur, cela ne dérange pas grand monde non plus. Non : pour qu’une certaine France s’embrase, il faut que le mort soit musulman et mâle si possible et le coupable présumé, un policier. On est dans de la vengeance communautaire et non dans la réclamation de la justice. Car les émeutiers n’avaient rien à réclamer : le policier a été arrêté et inculpé et le président l’avait même déjà condamné au mépris de toute justice justement en espérant qu’une forfaiture empêcherait l’émeute… Il aura perdu ainsi son honneur et aura vu la France ravagée quand même.

Le refus de regarder en face la signification de cet épisode

De ce triste épisode, il semble qu’aucune leçon ne sera tirée. Le refus de faire le lien entre immigration et violence communautariste, le refus même de qualifier la dimension communautaire de ces émeutes est en soi révélatrice. Or le problème est important. Si seuls 10% des émeutiers sont étrangers, selon Gérald Darmanin, la majeure partie est française. Mais celle-ci est issue de cette immigration africaine et maghrébine dont une partie, hélas pas si minoritaire, n’a pas été intégrée et ne partage ni nos mœurs, ni nos principes ni notre culture. Leur tradition n’est pas la maîtrise et le refus de la violence mais au contraire le culte de la virilité et de la force. Refuser les valeurs de la France est devenue un mode d’affirmation de soi chez certains et cette affirmation passe par la revendication ethnico-religieuse. Or notre façon d’être une nation, de faire nation exige un dépassement des origines pour se fondre dans une histoire, des valeurs et un projet commun. C’est exactement ce que refuse une partie de la population dûment munie de papiers français. Elle théorise le refus de la France au nom de la fidélité aux origines et à l’appartenance à l’oumma. Un refus qui va jusqu’à la haine. Face à ce constat, nos politiques paraissent vouloir gagner du temps.

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Sauf que ces faits sont à la fois sus et tus depuis 30 ans, que la situation ne cesse de se dégrader et qu’aucune mesure forte n’est prise. Or il y a des pistes de clarification. Cela passe par la suspension du droit du sol, le refus de la double nationalité et donc l’obligation de choisir à quel monde on souhaite appartenir (celui où les hommes sont considérés comme égaux ou celui où certains sont infériorisés parce que femmes, trop noirs, ou non musulmans comme dans les pays où règne l’islam), des sanctions fortes contre délinquants et émeutiers qui les privent de la solidarité nationale, le refus automatique de renouvellement de carte de séjour ou d’accès à la nationalité en cas de participation à des émeutes, la perte de son logement HLM… Toutes ces pistes devraient pouvoir être discutées.

Car le pire dans cette histoire est qu’il y a, dans les cités, des gens qui souhaitent s’intégrer et d’autres, parfaitement assimilés, qui vont pâtir de l’image désastreuse que donnent d’eux les émeutiers.

Le refus du gouvernement de faire une loi immigration courageuse et répondant aux enjeux actuels montre une fois de plus que les voyous ont gagné : au terme de ce déchainement de violence nos dirigeants refusent toujours de regarder la situation en face. Rendez-vous aux prochaines émeutes.

Mort de Nahel: R. Diallo et J. Branco imposent leur vision racialiste de la société française à l’étranger

Ces dix derniers jours, les médias européens et américains avaient tous leurs caméras braquées sur Nanterre et les banlieues françaises. Malheureusement, deux commentateurs phares se sont distingués, Rokhaya Diallo et Juan Branco, qui ont imposé leur interprétation woke des émeutes au monde entier.


La mort de Nahel, et les émeutes (depuis, enfin apaisées), ont provoqué d’innombrables réactions sur les grandes chaînes d’infos en continu du monde entier : CNN, Channel 4, Sky News, ou encore la BBC. D’abord factuelles au lendemain du déclenchement des émeutes, ces médias sont rapidement tombés dans l’interprétation racialiste de l’évènement, interprétation devenue si courante depuis la mort de George Floyd aux États-Unis. Racisme « institutionnel et systémique », racisme de la police… ces arguments bien connus sont ressassés par nos confrères avec une facilité déconcertante. En même temps, les figures de la France insoumise, en premier lieu Jean-Luc Mélenchon, défendant ou justifiant les agissements des émeutiers, étaient mis en minorité par l’ensemble de la classe politique nationale. Pourquoi donc un tel évènement s’est-il produit ? Pourquoi une grande partie de l’opinion publique anglo-saxonne n’a-t-elle pas pu être informée autrement ? Ce n’est pas parce que les médias britanniques et américains ont nécessairement recherché les comparaisons avec l’affaire Floyd. Non, la seule raison est que les journalistes français ne parlent pas bien anglais et sont souvent peu connus à l’étranger ! La conséquence, nous la voyons déjà : les seuls militants ou journalistes ayant un réseau suffisant pour être invités sur les chaînes internationales furent Rokhaya Diallo et Juan Branco.

« Racisme systémique »

Invitée de CNN, le 2 juillet, Rokhaya Diallo a ressorti ses marottes habituelles pour expliquer les émeutes, « résultat d’un processus lié au racisme systémique. La police vise essentiellement de jeunes hommes de couleur. Les manifestations révèlent un sentiment de désespoir et de colère. De nombreuses personnes ont crû qu’elles pourraient être Nahel, ce qui explique pourquoi elles étaient si mécontentes. » Argument bien facile, qui justifie tout :  les actes de pillage qui pour beaucoup ne seront pas sanctionnés, les tirs de mortier quand ce n’est pas à balles réelles sur la police ou encore l’incendie de bus et des trams. Et, bien sûr, si ces émeutes surgissent, à en croire Mme Diallo, c’est parce que les jeunes de banlieue « sont considérés comme des citoyens de seconde zone, ce qui explique que la police peut encore parler d’eux comme s’ils étaient toujours colonisés, comme s’ils étaient des animaux. » Une dialectique absurde reprise même – quoique plus modérément – par le quotidien conservateur britannique du Daily Telegraph. Cela sans rappeler bien sûr les dizaines de milliards d’euros déversés dans les banlieues depuis les années 1980 par le contribuable, pour construire écoles, bibliothèques, hôpitaux… S’il y a bien des problèmes dans les banlieues, ils sont d’abord sociaux et éducatifs et ces problèmes-là ne se règlent pas uniquement à coup de milliards.

A relire : Rokhaya Diallo: “Cher.e.s lectrices et lecteurs de Causeur…”

« La France : pays de ségrégation »

Juan Branco n’a pas mâché ses mots lui non plus en parlant des émeutes. Invité par la chaîne britannique, Channel 4, il a justifié les actes des émeutiers, qui, par leurs actions, manifestaient leur rejet de la « ségrégation » qu’ils subissaient de la part des populations « conservatrices et privilégiées du centre de Paris » et des autres villes françaises. Pour rappel, les grandes villes françaises (Bordeaux, Lyon, Marseille, Rennes) sont toutes tenues par la gauche, qui, historiquement, lorsqu’elle est aux responsabilités, est pourtant de loin la plus généreuse dans l’attribution de subventions aux banlieues défavorisées. Or, ce sont dans ces villes-là que les violences furent les plus importantes. Interrogé ensuite sur l’ampleur de l’émotion au sein de la population française face à la mort de Nahel, l’avocat / essayiste / activiste a regretté que cela n’affecte « qu’une partie de la population » et s’est inquiété qu’une « importante partie de la population française ait été élevée et nourrie par un discours raciste et discriminatoire qui considère que ce crime était justifié ». Encore faudrait-il qu’il donne des exemples : moi, je ne m’y reconnais pas – et lui non-plus sans doute. Si la gauche woke raffole bien d’une chose, ce sont des généralisations abusives et de la remise en cause des structures. Ces accusations sottes sont en outre très faciles à ânonner sur une chaîne britannique, où les questions liées au racisme sont encore beaucoup plus sensibles qu’ici. Il est certain en tout cas qu’elles n’auront en rien contribué à améliorer l’image de la France à l’étranger. Le mal est fait, désormais, et ne sera pas rattrapable de sitôt. Heureusement qu’en France, les débats furent quand même plus diversifiés…

L’Amérique en pétard

Dans de nombreux États, la dépénalisation du cannabis permet aux consommateurs de ne plus se cacher, mais elle n’empêche pas le fléau des drogues de synthèse de se propager.


Des 50 États des États-Unis, 22 ont légalisé l’usage récréatif du cannabis et neuf l’ont décriminalisé. Dans la plupart, la distribution commerciale est légale, mais aussi la culture pour usage personnel. Dans les Dakota, nord et sud, et dans l’Arkansas, l’électorat vient de rejeter la dépénalisation par référendum. Conformément à la tribalité politique typique de l’Amérique, les États qui maintiennent la prohibition, comme le Texas ou le Tennessee, sont souvent ceux qui interdisent l’avortement.

Un grand changement

Depuis novembre 2022, le président Biden pousse le Congrès à révoquer la loi fédérale interdisant l’usage du cannabis. Étant donné que l’État fédéral n’est responsable que de 5% des poursuites judiciaires et que, dans ce domaine, la juridiction fédérale se limite à des parcs naturels et à des installations aéroportuaires et militaires, il s’agit d’une action symbolique destinée à séduire les électorats de couleur, puisque, selon Biden, la proportion de Noirs condamnés pour usage du cannabis est « nettement plus élevée que pour les Blancs ». Il a signé un décret pour gracier tous les condamnés pour possession de marijuana. Leur casier judiciaire réduisant les chances des Noirs de trouver un emploi, le président peut prétendre avoir fait œuvre de justice raciale.

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Un argument courant en faveur de la dépénalisation est le fait que le cannabis ne soit plus considéré comme une drogue d’introduction. Après des années de disputes à coups d’études et de contre-études scientifiques, il est désormais accepté que la légalisation du cannabis récréatif n’entraîne pas une montée de la consommation de drogues dures chez les adultes. Le pétard pourrait même diminuer la consommation excessive d’alcool !

Crack, héroïne et fentanyl inquiètent autrement les autorités

La dépénalisation représente-t-elle un grand changement ? En Californie, où elle a eu lieu en 2016, la réponse est non. Toute répression a cessé, la culture personnelle est tolérée, et les fermes de cannabis sont entrées dans une étrange semi-légalité. L’usage médical est admis dans 38 États. Il sert comme analgésique ou calmant sous forme de feuilles à fumer ou de pommade à enduire. Selon les statistiques officielles, 78 millions d’Américains ont recours au cannabis, dont 55 millions régulièrement. Le grand changement, c’est que les bobos n’ont plus besoin de cachotteries pour acheter leur dose aux dealers de rue.

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En revanche, rien ne change pour les toxicos, surtout des SDF, qui envahissent aujourd’hui les centres-villes de San Francisco, San Diego, Los Angeles, Boston ou Baltimore. Ils sont accros à d’autres drogues comme le crack, l’héroïne et le fentanyl. Le pays croule sous une épidémie de toxicomanie, malgré les efforts de l’État fédéral qui subventionne des programmes de sevrage par méthadone. La légalisation du cannabis permettra-t-elle au moins d’arracher le trafic au crime organisé ? C’est peu probable. Comme les cartels dominent actuellement le commerce, ils seront à même de concurrencer les vendeurs légaux en inondant le marché avec du cannabis illégal à bas prix.

Darmanin: quel aveu d’échec!

Selon le ministre de l’Intérieur, les émeutiers ont une origine France garantie… Il jette même les noms des coupables en pâture devant les sénateurs: Matteo et Kevin!


Notre ministre de l’Intérieur voit loin. Son regard se tourne manifestement à présent vers les élections présidentielles de 2027. Il est vrai qu’il vient d’engranger une assez jolie moisson de satisfécits venus de la droite pour sa gestion du maintien de l’ordre durant les quelques jours de festivités ébouriffantes auxquels nous venons d’assister. Mais, fine mouche, ce politicien né se sera dit qu’il ne serait pas mal venu d’aller aussi à la pêche aux compliments de l’autre bord, la gauche. Cela bien évidemment dans la perspective de la conquête politique majeure. Son but à peine caché. Un coup à droite, un coup à gauche, balle au centre. Air connu. Depuis des décennies les postulants à la magistrature suprême nous jouent régulièrement cette partition. La fois prochaine, la stratégie du louvoiement se révèlera-t-elle payante ? Les citoyens-électeurs marcheront-ils encore en 2027 dans la combine du « en même temps » ? À l’évidence, l’ambitieux Gérald Darmanin, lui, en est convaincu. D’où le déroutant changement de pied auquel nous avons assisté lors de son audition devant la commission parlementaire du Sénat portant sur les émeutes récentes et leur gestion. L’auditionné, très à l’aise, s’est livré de bonne grâce à l’exercice, prenant  un plaisir visible à occuper le rang médiatico-politique qui lui est réservé depuis une huitaine, le tout premier. Le premier devant madame la Première ministre, devant aussi – c’est à peine croyable ! – le président de la République soi-même. On ne veut voir et entendre que lui, l’homme de l’Intérieur, le deus ex machina du maintien de l’ordre, le chef aux quarante-cinq mille hommes déployés sur un simple ordre tombé de sa bouche. Ivresse du pouvoir à la clef. De quoi se sentir grandi, c’est sûr.

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Maudits Français de souche !

Je vous le disais, à droite, on a apprécié et certains ne s’en cachent pas. Mais à gauche, ne risque-t-on pas de regarder tant d’autorité et surtout tant de louanges venues du camp de la réaction comme une compromission – forcément rédhibitoire – avec les forces les plus obscures de la République ? Donc, disais-je, le rusé ministre a mis à profit sa prestation devant la Haute Assemblée pour corriger le tir et caresser le camp du bien dans le sens du poil. Ainsi, pour plaire à la droite, la mobilisation sécuritaire. Pour amadouer la gauche, la contorsion idéologique. Les émeutes des deniers jours auraient-elles quelque chose à voir avec l’immigration ? Serait-on fondé à y déceler ne serait-ce qu’un soupçon de ressentiment identitaire ? Que nenni, certifie l’intéressé avec cette tranquille assurance dans le mensonge qui demeure, qu’on le veuille ou non, l’apanage et la marque des politiciens de race. L’argumentation suit la dénégation. En grande majorité, les fouteurs de merde, les pilleurs de boutiques, les incendiaires d’écoles, de bibliothèques, de mairies, les caillasseurs de flics, les agresseurs d’élus, n’auraient guère à voir avec l’immigration et ses conséquence, guère à voir non plus avec de quelconques revendications identitaires. Voilà la vérité lénifiante assénée par le déposant. Et voici à présent la preuve qu’il livre en appui : les Matteo et les Kevin, autrement dit des Français de France, seraient en nombre, voire largement majoritaires, parmi les émeutiers. Fort bien.

Et si c’était vrai ?

Faisons alors un effort – effort considérable, j’en suis conscient – et admettons que le ministre ait raison, supposons que son propos soit conforme à la réalité, que pour l’essentiel ce soit des gamins garantis d’origine France, des Matteo et Kevin donc, qui aient mené la danse ces interminables nuits de chaos. Alors, problème ! Gros problème. Car si tel est le cas, il faut bien convenir que Monsieur le ministre n’a fait, devant mesdames et messieurs des sénateurs, que se fendre d’un extraordinaire aveu d’échec. Échec politique de première grandeur et de première gravité. Si la jeunesse certifiée française elle-même se met à détester le pays au point d’envisager d’un cœur léger de le saccager, c’est que la situation est encore plus pourrie, plus désespérée, et le mal plus profond qu’on ne pouvait l’imaginer.

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Si la France voit effectivement ses propres enfants se retourner contre elle, la haïr, la mépriser, la rejeter,  alors l’avenir est sombre, très sombre. Pire, il n’y a plus d’avenir…

Aussi, parce que nous sommes, nous, lucides et raisonnables, nous préférerons considérer que le diagnostic de M. Darmanin n’est en fait qu’un artifice de tactique électoraliste, une manœuvre de basse politique. Rien de plus. Pour une fois, nous aurions donc tout lieu de nous réjouir qu’on nous balade. Quant à ce fin politicien, il ne lui resterait plus dès lors qu’à méditer la pique que le cardinal de Retz destinait à Mazarin : « Il sied encore plus mal à un ministre de dire des sottises que d’en faire. »

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Elisabeth Lévy : une déclaration aussi surprenante qu’exaspérante !

Qui sont les vrais rebelles?

Partant d’un constat de Régis Debray, notre chroniqueur nous livre une vision de la rébellion et de ses biais ostentatoires…


On me pardonnera de quitter, le temps d’un billet, les émeutes, la mort de Nahel, la police… J’ai d’autant moins de scrupule à le faire que le dernier livre de Régis Debray, Où de vivants piliers, à la fois un exercice d’admiration et de suprême intelligence, m’a inspiré cette analyse.


Évoquant Julien Gracq, ce grand écrivain ayant été professeur d’Histoire et de géographie et demeurant à Saint-Florent-le-Vieil, Régis Debray analyse sa profonde discrétion de la manière suivante : «…Une rébellion, moins elle est à l’affiche, mieux elle tient la route… Les vrais dissidents n’ont pas l’injure à la bouche… Quand l’époque est à l’hirsute, le rebelle est boutonné… Ce n’est d’ailleurs pas une mauvaise opération : troquer une intime extravagance contre un anonymat social… ». Cette analyse distinguant l’apparence et les tréfonds est fine et pertinente. J’ai été d’autant plus touché par ces fortes observations qu’elles rejoignent une conviction qui ne m’a jamais quitté. J’ai toujours perçu à quel point les singularités visibles, outrancières, ostentatoires n’étaient pas forcément le signe d’une authentique rébellion, mais représentaient au contraire une manière facile et confortable de laisser croire à son existence. Mon expérience – qu’elle résulte de l’introspection ou de l’observation des autres – m’a enseigné que les troubles, les désordres, la dissidence, la révolte, les pensées non conformes, la volonté de fuir les sentiers battus n’avaient pas besoin d’un affichage extravagant mais étaient d’autant plus intensément ancrés dans les êtres qu’ils étaient inscrits dans l’intimité. Ils étaient généralement invisibles si on ne se fiait qu’à la surface des personnalités et des comportements.

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C’est sans doute à cause de cette certitude que l’exhibitionnisme humain, social et intellectuel m’a souvent mis si mal à l’aise. Comme s’il était la preuve, précisément, d’un manque profond, comme si le dévoilement complaisant et narcissique de soi et de ses prétendues différences par rapport à la normalité, constituait la plus éclatante démonstration de la pauvreté de cette singularité. Ce qui est caché et n’éprouve pas l’envie d’avoir à faire constamment ses preuves, portes et fenêtres ouvertes, est le gage d’une irrigation authentique de la personnalité par la tentation de la rébellion, la fascination de l’opposition et la puissance de la surprise. Ce qui se montre à chaque instant en incitant quasiment autrui à être le voyeur de sa propre existence laisse passer à mon sens un message artificiel, comme une forme de simulacre. On affiche et on s’affiche pour dissimuler au fond qu’on n’a rien d’essentiel à préserver et à protéger, à mettre à l’abri. De la même manière que le profil des émeutiers souvent très jeunes les situe aux antipodes d’une rébellion consciente parce que « leurs actes ne sont ni réfléchis ni contextualisés » [1], ainsi, dans l’univers politique, notamment au sein du groupe parlementaire LFI, il y a des postures qui sont tellement caricaturales, offertes pour la façade, qu’elles peuvent légitimement faire douter de la sincérité de l’esprit collectif qui paraît les susciter. Quel parcours à partir de Julien Gracq, en passant modestement par moi, pour aller jusqu’à LFI ! L’apparence débraillée, pour faire peuple ou révolutionnaire, l’extériorisation vulgaire de conflits et de transgressions chroniques et la forme qui insulte sont des oripeaux qui ne démontrent rien d’autre qu’une rébellion à la recherche désespérée d’elle-même.

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[1] https://www.la-croix.com/France/Violences-urbaines-tete-emeutiers-2023-07-04-1201274152

Auto-annulation

La romancière américaine à succès Elizabeth Gilbert renonce à publier son nouveau livre, à cause de la guerre en Ukraine. Voici pourquoi.


Les écrivains sont souvent victimes de la cancel culture, leur éditeur cédant à la pression des lecteurs ou de ses propres salariés pour annuler un contrat d’édition.
En 2020, Hachette a subi une telle pression pour ne pas publier l’autobiographie de Woody Allen, Soit dit en passant, et le conte pour enfants de J. K. Rowling, L’Ickabog. Dans le cas d’Allen, la maison a capitulé, mais dans celui de Rowling, elle a tenu bon.
Quand l’auteur lui-même prend l’initiative, c’est plus insolite. L’Américaine Elizabeth Gilbert vient d’annuler un roman qui devait sortir en février 2024. Elle est l’auteur de best-sellers internationaux, dont cinq romans, mais surtout de Mange, prie, aime (2006), un récit autobiographique qui raconte sa quête de paix intérieure après son divorce, lors d’un voyage à travers l’Italie, l’Inde et Bali. Ce titre a eu un beau succès auprès des femmes divorcées.

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Son prochain livre avait pour titre The Snow Forest (« La Forêt enneigée »). Il raconte l’histoire d’une famille d’intégristes religieux qui, dans les années 1930, se retire au fin fond de la Sibérie pour fuir à la fois le communisme soviétique et la vie moderne. Le récit aurait véhiculé un message sur l’écologie et la spiritualité apte à plaire au lectorat habituel de Gilbert. Mais, dans une vidéo postée le 11 juin, elle déclare : « Ce n’est pas le moment de publier ce livre. » Ce week-end-là, le titre avait subi un certain nombre d’attaques sur le site Goodread. Ses critiques, qui n’avaient pas lu l’ouvrage encore inédit, ont accusé Gilbert de promouvoir une vision romantique de la Russie tout à fait inacceptable en temps de guerre en Ukraine ! On se souvient de l’inanité de ceux qui voulaient annuler Dostoïevski ou Tchaïkovski. Pourquoi Gilbert s’est-elle inclinée, elle qui a publié Comme par magie, un livre de développement personnel pour créateurs où elle prêche l’individualisme ? Sûrement parce que, comme ses lectrices, elle ne veut pas avoir l’air d’une « Karen », ces femmes blanches d’un certain âge qui manquent d’empathie pour les minorités et les victimes…

Le sabre et le goupillon, version gauchiste

Jean-Luc Mélenchon n’a pas appelé au calme pendant les émeutes. Au micro de LCI, il délire et s’enfonce: « Les riches, les puissants, se sont ensauvagés ». Mais personne n’est dupe, et tous les citoyens ont bien fait le lien entre émeutes et immigration mal assimilée. Un billet d’Aurélien Marq.


Prenant prétexte de la mort d’un adolescent, les enclaves barbares organisent des razzias et envoient des adolescents en première ligne, sachant pouvoir compter sur la justice des mineurs pour s’en tirer à bon compte. Et une bonne partie de la gauche, enivrée de ses rêves de Grand Soir, ne prend même plus la peine de dissimuler sa jubilation, encourage l’explosion, et multiplie les invocations des théories sociologiques les plus alambiquées pour ne surtout pas voir l’évidence simple : nous assistons au pillage méthodique de la France par des bandes étrangères – qui se revendiquent étrangères à la France, que des pays étrangers revendiquent comme leurs (le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien est significatif), et dont les mœurs et les univers symboliques sont radicalement étrangers à la France et même à l’Europe. Seule référence, chez certains, à une nationalité réduite à sa dimension administrative : réclamer toujours plus d’aides sociales, de subventions clientélistes, de milliards pour la politique de la ville. En somme, profiter de cette démonstration de force pour exiger que la France verse aux barbares un tribut de plus en plus lourd dans l’espoir qu’ils attendent encore un peu avant d’achever de la mettre à sac.

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Mais l’extrême-gauche les invite à s’enfoncer toujours plus profondément dans le territoire français lors de leurs razzias, de manière à profiter des pillages pour terroriser et paralyser le bourgeois, et brûler tous les symboles de la France, perçue et présentée sur son propre sol comme une puissance coloniale. Si les barbares sont le sabre – et les Antifas y voient des renforts tombés du ciel – les ténors de LFI, d’EELV et consorts espèrent devenir le goupillon, clergé fanatique canalisant les appétits des pillards et s’appuyant sur leur violence pour parvenir au pouvoir. Entreprise vouée à l’échec. Les barbares qui embrasent la France ces derniers jours n’ont pas besoin des gauchistes pour structurer leur contre-société et justifier leurs razzias : ils disposent déjà d’un livre saint dont une sourate s’intitule « le butin » : tout un programme…

« La course camarguaise mêle archaïsme et raffinement »

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Joachim Cadenas et le taureau Ursule de la manade Cuillé, dans les arènes du Grau-du-Roi, mars 2023. Photographie de Jean-Paul Chambon. © Jean-Paul Chambon.

Si dans la course camarguaise, la star est le taureau Camargue, l’autre protagoniste est l’homme qui l’affronte : le raseteur. Et chaque génération a son raseteur emblématique. Pour la nôtre, c’est Joachim Cadenas. Rencontre avec l’actuel prince du raset.


Causeur. En quelques mots, décrivez-nous la course camarguaise ?

Joachim Cadenas. Pour certains c’est un sport, mais ce n’est pas ma philosophie et ce n’est pas ainsi que je la pratique. Je la définirai comme un art. Premièrement, pour moi, c’est le contact avec le sacré, avec le Mythe qu’est le taureau. Lors d’une course, le raseteur va devoir s’approcher au plus près de ce dieu. On provoque sa charge puis, à l’aide d’un crochet dans la main, on doit lui décrocher les attributs dont on l’a décoré : la cocarde sur son front, les deux pompons blancs à la base de chaque corne et la ficelle enroulée autour de sa corne. Cette action, c’est ce qu’on appelle un raset. Chaque attribut décroché par le raseteur lui vaudra une prime financière.

Numéro 91 de Causeur.

Au-delà de l’exploit physique et sportif, l’attrait du raset, c’est l’émotion que provoque la fusion du taureau et de l’homme au moment de la charge de la bête. C’est la beauté des gestes dans la manière de cueillir l’attribut, dans la manière de déclencher la charge du taureau et dans la manière de s’en dégager. Les gestes, le style, j’y pense beaucoup. C’est ce qui m’obsède. Il y a quelque chose qui mêle l’archaïsme et le raffinement. Affronter un taureau comme on le fait, c’est à la fois primitif et sophistiqué. Ce qui en fait un art, c’est aussi la quête de la perfection tout en la sachant impossible à atteindre totalement. Mais, moi en tout cas, je tente de l’approcher, le plus près possible.

Quel est cet idéal que vous cherchez à approcher ?

L’Idéal… c’est le raset de mes rêves. La forme parfaite, le taureau parfait, la beauté du geste, le temps parfait, tout cela réuni, l’impossible quoi. C’est aussi trouver, le plus souvent possible, le terrain capable de faire naître l’émotion. Je parle du terrain du taureau sur lequel aller. C’est quelque chose d’inexplicable. Il faut trouver l’endroit parfait ou se mettre, pour que notre rapport à l’animal crée l’émotion, pour que la fusion soit totale. C’est le terrain de la vérité. C’est difficile à expliquer, pour sentir cela il faut vraiment venir dans les arènes.

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Quelle a été votre enfance ? Comment le taureau est-il entré dans votre vie ?

Je suis né en Camargue, à Mas Thibert. Au milieu des taureaux donc. Mon père, espagnol, travaillait comme soudeur à l’usine. Ma mère, d’origine algérienne, était femme au foyer. Enfant, comme beaucoup de copains, je jouais aux taureaux (imaginaires ! pas avec des vrais). Mes parents m’emmenaient à la corrida et à la course camarguaise. C’était le rendez-vous. Ils n’étaient pas aficionados purs et durs, mais c’était le grand divertissement. Mes parents étaient très à cheval sur l’éducation. Ils voulaient que je fasse des études, que j’aie un bon métier, comme architecte. Ils avaient souffert et ne voulaient pas que ce soit mon cas. Par conséquent, ils ne voulaient pas que j’entre dans la tauromachie. Aucun parent, ou presque, ne souhaite cela à ses enfants. C’est bien normal.

Côté études, je suis allé jusqu’en première littéraire. Mais la passion du taureau montait en moi. Elle prenait toutes mes pensées. J’avais de très bonnes notes en cours, mais ça ne m’intéressait pas. Les livres qui m’intéressaient, c’était les livres de taureaux. Je n’aimais pas lire pourtant. Ce sont les taureaux qui m’ont fait lire. Mon premier livre, c’était celui de Dominique Lapierre, Ou tu porteras mon deuil…, sur l’histoire du matador El Cordobés. Un classique ! Ensuite le livre d’Alain Montcouquiol, Recouvre-le de lumière, sur la tragique histoire de son frère Nimeño II, dont la vie fut brisée par un taureau dans les arènes d’Arles. Et tout s’est enchaîné. Ce sont les taureaux qui m’ont élevé, qui m’ont ouvert l’esprit. Pour tout apprendre d’eux, je me suis mis à fréquenter des gens beaucoup plus âgés que moi. Des anciens. Je voulais tout savoir du taureau et de la culture qui l’entoure. Je voulais en savoir la grande histoire et les petites anecdotes.

Joachim Cadenas et le taureau Milan de la manade du Brestalou, mars 2023. Photographie de Cathy Cohen-Solal.

Comment s’est fait le choix de la course camarguaise plutôt que celui de la corrida ?

Au début, j’aimais les deux. Enfant puis adolescent, à Arles, je fréquentais les jeunes toreros du moment. Il y avait Marco Leal, Mehdi Savalli, Román Pérez, Rafael Viotti. Je les suivais. Ils me faisaient toréer et raseter. Mais, pour en revenir à votre question, moi, je n’avais pas envie de tuer le taureau. Pour moi, c’était inconcevable, je l’aimais trop. C’est pour cela que j’ai fait le choix de la course camarguaise et que je suis devenu raseteur. Mais quelques années plus tard, avec plus de maturité, et après de longues réflexions, mon avis a évolué. Je concevais d’aimer le taureau et de le tuer.

Il y a quelques années, j’ai toréé et tué un taureau espagnol. Ce jour-là, l’appréhension était intense. Je m’étais entraîné. Mon sentiment était étrange. Lors d’une histoire d’amour avec une femme, il y a toujours la crainte que ça se termine mal. Avec le taureau – ça peut paraître étrange –, j’avais l’impression de commencer une histoire d’amour, j’apprenais à le connaître au fur et à mesure que je le toréais, et j’avais la certitude que cette d’histoire d’amour se finirait bien. Alors que cette fin, c’était la mort, inévitablement. La mort n’était pas une fin négative, mais positive, et presque rassurante. Comme si on scellait quelque chose de beau.

La course camarguaise est-elle un facteur d’intégration sociale ?

C’est certain. Déjà, les origines des raseteurs ont souvent correspondu aux vagues d’immigration. Il y a eu les Italiens, les Espagnols, les Portugais et aujourd’hui les Maghrébins. Dans ma jeunesse, la grande figure des raseteurs, c’était Sabri Allouani. Les raseteurs sont rarement des fils à papa. Le taureau, c’est une porte ouverte vers la société. Face à lui, on prouve notre courage, on peut émouvoir les gens, les faire vibrer, et gagner sa vie. On gagne aussi le respect et on s’intègre à la vie sociale. Quel que soit notre origine ou notre milieu. Et puis, lorsqu’on veut devenir raseteur, on entre dans une éducation à l’ancienne. On est en contact avec des personnes plus âgées, on les respecte, on les écoute. Il y a une hiérarchie. On est obligé d’obéir à des règles. Et ce ne sont pas des règles écrites qu’on suit bêtement. Non ! Ce sont les règles et les codes d’une tradition. On s’intègre à une histoire. Aujourd’hui, tous les jeunes raseteurs issus de l’immigration sont avant tout des raseteurs, des Camarguais, des gens du peuple du taureau, des héritiers du marquis de Baroncelli et de l’histoire d’une partie géographique de la France : la Camargue. Et tous ces jeunes raseteurs sont suivis par leurs copains. Les arènes sont pleines de jeunes. Toute la diversité de notre pays est réunie dans les arènes. La figure du raseteur est très populaire ici.

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Les raseteurs sont-ils professionnels ? Vivent-ils de la course ?

Certains le sont, d’autres travaillent à côté. Mais à un certain niveau, il est tout à fait possible de bien gagner sa vie avec.

En ce qui concerne la douleur et les blessures, sont-elles aussi présentes que chez les matadors ?

Oui. Le taureau Camargue est un animal redoutable, dangereux. Dans les blessures, j’ai eu de tout : genou cassé, coups de corne à côté du cœur, dans la cuisse, etc. Au début de ma carrière, je rêvais de prendre un coup de corne. J’avais très envie de voir ce que ça faisait. J’étais impatient. Chez nous, on dit que le premier coup de corne nous fait partir le mauvais sang, et qu’il ne nous reste ensuite que le bon. Ce premier coup, je l’ai reçu en 2013, j’avais 16 ans. C’était un coup de corne dans le bras sur plusieurs centimètres. Sur le moment, j’étais content. Mais derrière, ce qui m’importait le plus, quand même, c’était de savoir dans combien de temps j’allais pouvoir raseter de nouveau.

Dans quel état êtes-vous avant une course ?

Dans ces moments, l’appréhension et la peur sont présentes. Car je sais que je risque ma vie. Car je sais que l’animal que je vais affronter va vouloir ma mort. La veille, dans mon lit, je ne pense qu’à une chose : le taureau de demain. La nuit qui précède la course, je ne fais que de penser à ce taureau-là. À me demander comment il va réagir, comment il va charger. D’autant plus que, parfois, c’est un taureau que j’ai déjà affronté précédemment. Un taureau que je connais.

Et puis, il y a certains élevages qu’on craint plus que d’autres. Toute la nuit, l’imagination travaille. Tout cela fait monter la peur. Mais cette pression-là est nécessaire, il faut savoir la dompter et en faire en faire quelque chose de positif. Dans notre art, on dompte les éléments hostiles, la peur comme le taureau, pour en faire quelque chose de beau.

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« La course camarguaise, c’est une messe! »

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Course camaraguaise, le Grau du roi (30), mars 2023 © Photo: Cathy Cohen-Solal

Pour le peintre Lilian Euzéby, cette course est un hommage aux « dieux sombres » que sont ces taureaux indomptables. Il puise son inspiration dans ce rite mêlant couleurs et émotions.



Causeur. Votre travail laisse une place importante à la figure du taureau. Qu’est ce qui, chez cet animal et dans le monde de la bouvine, inspire tant le peintre que vous êtes ?

Lilian Euzéby. Ce qui m’intéresse, c’est le sacré. La course camarguaise est liée aux fêtes votives des villages, encore aujourd’hui. Il y a quelque chose de religieux. Les grands-parents y amènent les petits-enfants. C’est une affaire de transmission. Les courses camarguaises se sont ensuite retrouvées dans les grandes arènes, mais sont toujours restées populaires. C’est la fête du peuple. Et puis, il y a le mystère. La plupart des courses camarguaises n’avaient pas lieu dans la Camargue, mais autour, dans des endroits ou ne vivaient pas les taureaux.

Lorsque j’étais enfant, dans mon village de Russan, à une heure et demie de la Camargue, nous attendions l’arrivée de ces animaux étranges avec émotion et impatience. Toute l’année nous attendions. C’était le seul moment où nous allions les voir, les admirer et les craindre. On nous apportait dans nos villages un petit morceau du mystère de cette Camargue sauvage qui résidait dans ces monstres mythologiques – peut-être échappés de Crète – au pelage sombre. Et puis la course camarguaise, c’est un rite, toujours le même. Les mêmes couleurs, les mêmes bruits, les mêmes odeurs. Le sable beige illuminé par le soleil, les ombrages des feuilles des platanes alentour qui se posent dessus. Barrière rouge. Taureau noir. Ce taureau qui, bien que différent à chaque fois, est au fond toujours le même. Le Taureau, sacré. Le taureau qui sort éternellement du toril et vient poser sa tache noire sur le sable beige sous un soleil de plomb. Lorsque je vois les raseteurs arriver sur la place, se changer, se vêtir de blanc pour aller officier, une émotion intense me submerge. C’est comme des prêtres. Et ces hommes sont des enfants du peuple ! Dans ma jeunesse c’était des maçons, des éboueurs… certains étaient de vraies idoles.

Pour aller voir des corridas espagnoles, où l’on tue le toro, il fallait aller dans les grandes villes comme Nîmes ou Arles. La course camarguaise, elle, se faisait dans les plus petits villages. C’est aussi cela qui en faisait une fête populaire dans les campagnes. Mais je le répète, il y avait avant tout le mystère de ces animaux indomptables sortis du fond des âges. Et puis l’événement furtif et miraculeux où l’homme touche le taureau, lié à l’événement de la fête. C’est le jour où l’on rompt le quotidien. Aujourd’hui encore, c’est cela que je dessine. Des dieux sombres. Des statues de dieux. Des mystères. Lorsqu’on lâche les taureaux dans les villages pour les abrivades, aujourd’hui encore, les gamins se battent pour courir à côté du taureau, pour le toucher et avoir un peu de son odeur dans la paume de la main. C’est charnel. Nous sommes attirés par lui. Et pour sacrer tout cela, la course camarguaise est la messe. Le taureau est le Dieu, le raseteur le prêtre. Voilà ce qui, dans cette course, me bouleverse et m’inspire. Le sacré avec le regard de l’enfant, éternellement.

Félicien Marceau, Capri petite île

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felicien marceau francis bergeron
L'écrivain et académicien Félicien Marceau (1913-2012) photographié en 1993 © ANDERSEN ULF/SIPA

En 1951, l’écrivain décrivait le farniente d’une société cosmopolite européenne, dans un roman où les paysages magnifiques de l’île italienne sont le principal personnage…


Né en 1913 en Belgique, ayant traversé la guerre avec peine, Félicien Marceau fut un auteur à la réputation brouillée, mais qui n’eut jamais qu’un souci principal : exprimer la vérité de la société, pour en jouir pleinement. Après une « échappée belle » de plus d’une décennie en Italie et en France, cet écrivain subtil et discret se voit offrir par le général de Gaulle, en 1959, la nationalité française. Sa nouvelle vie d’homme de lettres peut alors se poursuivre avec des œuvres variées (romans, théâtre, essais), qu’il colore souvent d’une délicieuse nonchalance.

L’esprit français

Les difficultés rencontrées par Marceau dans son existence n’affectèrent pas son goût pour une légèreté bien française. Ses romans portent souvent des titres dignes de ce XVIIIe siècle qu’il affectionnait tant (il a écrit deux essais sur Casanova). Capri petite île résume à lui seul cette vision épicurienne du monde, avec des personnages oisifs qui tentent de donner un sens à leur existence par la seule contemplation d’une nature sublime. Nous allons voir que telle fut l’obsession secrète de l’écrivain, dans ce cadre de l’île de Capri, microcosme privilégié d’un désœuvrement essentiel, mais périlleux.

Ancienne affiche publicitaire pour le tourisme Image: Wilimedia commons

J’ai lu ce roman la première fois à l’âge de quatorze ans. Je l’avais trouvé par hasard dans la bibliothèque de mes parents. Tout de suite, il m’avait attiré. C’était un livre pour moi, comme si j’étais le seul à même d’en comprendre le sens caché. Un désir d’Italie de ma part, peut-être, en tout cas une aspiration au repos et, certainement, à la paresse. Nous étions le dimanche soir, et le lendemain il y avait école. Je n’avais pas appris ma leçon de géographie. J’avais bien ouvert le manuel, mais impossible de fixer mon attention sur ces paragraphes oiseux et très mal écrits. Eh bien, tant pis, j’aurais encore une mauvaise note. C’est alors que je pris le volume de Capri petite île, et que je me mis à le lire passionnément comme une délivrance. Ce jour-là, j’effectuais très certainement, grâce à cette lecture de Marceau, ce qu’on pourrait appeler une expérience intime de désœuvrement. Elle est restée gravée en moi.

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Douce oisiveté

Capri petite île fut écrit par Félicien Marceau en 1951. Son action se situe juste dans l’après-guerre. Le personnage d’Andrassy est un jeune Hongrois, qui a quitté son pays pour tenter sa chance dans un pays libre. Il a survécu dans un camp de transit en Italie, et a la chance d’être choisi par un riche oisif de Capri, Forstetner, pour devenir son secrétaire. L’occasion est belle, pour Andrassy, en attendant que lui soit délivré son permis de séjour, de pénétrer dans les milieux cosmopolites et huppés de l’île. Au début, il est plein de fougue et d’ambition, il tombe même amoureux d’une jeune fille du cru, avec qui il veut refaire sa vie. Mais, peu à peu, sous l’influence de ses nouveaux amis, et de son patron lui-même, prenant goût à cette ambiance empoisonnée de farniente continu, de « douce oisiveté », il renoncera à ses ambitions. Capri l’aura vaincu.

Félicien Marceau distille ce désœuvrement dans les paysages de Capri, à travers d’abord cette chaleur lourde qui s’abat sur les habitants et leur donne envie de ne plus rien faire. Décrivant l’église près de la place, par exemple, il note : « Quelques marches y conduisent où généralement sont assis quelques indigènes, à prendre le soleil, à godersela, à se la couler douce. » Marceau consacre de belles pages aux bains de mer, dans l’eau transparente de Capri. La mer est l’élément originel : « Cette eau, dit Mafalda, une amie d’Andrassy. Quel miracle ! » Ils passent tous, après le bain, de longues heures à brûler au soleil, leur seul et unique dieu. Marceau nous commente joliment cette bulle d’éternité dans leur vie : « Posé à la limite du temps et de l’espace, de l’être et du néant, un moment lentement se dissolvait dans l’azur – et avec lui tous ces corps étendus, abandonnés, voguant à la dérive, si près de sombrer. »

Une société décadente

Sur le point de « sombrer » ? La sexualité des protagonistes, par exemple, est étrange. L’hétérosexualité se décompose et mène à l’abstinence (abstention parfaite), alors que l’homosexualité (la « pédérastie » dit le texte), toujours latente, servira de faux-semblant. Cette dernière se présente comme un symptôme de décadence, et non quelque chose de naturel. Le vieux Forstetner aimerait, de la sorte, faire accroire qu’il a une relation particulière avec son secrétaire. Andrassy accepte cet arrangement. Une phrase de conclusion, vers la fin, m’avait frappé par son fatalisme, lors de ma première lecture à quatorze ans, je m’en souviens très bien : « Forstetner est là aussi, régulièrement. De temps en temps, de préférence lorsque quelqu’un le regarde, il se penche vers Andressy, lui pose la main sur le bras. Docilement, Andressy sourit. » Cette fin m’avait paru désolante.

A lire aussi : En français dans le texte !

Dans Capri petite île, l’image de l’âne surgit deux fois, comme le symbole néfaste de la fainéantise. « Un âne ? écrit Félicien Marceau. Il y a quelque chose au-delà des ânes. Un âne ? Ce mot ouvert… » Le romancier n’ajoutera pas d’autres explications, laissant au lecteur le soin d’apprécier seul les grandeurs et, parfois, les faillites de l’abstention ou de l’inertie.

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Quand l’extrême gauche française tombe d’accord avec Erdogan

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La Secrétaire nationale d'Europe Ecologie les Verts Marine Tondelier, photgraphiée à Douai (59) le 24 juin 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

La haine de la France, à la source des émeutes, fait bien le lien entre violence et immigration, n’en déplaise à la gauche. La posture politicienne scandaleuse adoptée par Jean-Luc Mélenchon ne doit pas occulter les propos tout aussi problématiques tenus ailleurs par d’autres membres de la Nupes. Quant au gouvernement, il donne l’impression de vouloir gagner du temps face à ce séparatisme qui s’aggrave, observe notre chroniqueuse.


« La fin justifie les moyens » selon Alma Dufour, députée insoumise de Seine-Maritime, venant au secours des pillards qui ont mis le feu à la France. « Et si le pillage avait à voir avec la pauvreté ? Les marques avec le sentiment de relégation » gémit Sandrine Rousseau, ressortant des placards la vieille culture de l’excuse. « Sans justice, il n’y aura pas de paix, ce n’est pas une menace, ce sont des faits » explique doctement Marine Tondelier. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il dénonce : « les chiens de garde nous ordonnent d’appeler au calme. Nous appelons à la Justice ». Le problème, c’est que ces belles déclarations ne témoignent pas de l’émotion ressentie face à la mort d’un jeune délinquant de 17 ans, mais sont tenues alors que la France est mise à sac par des jeunes émeutiers qui utilisent un fait divers pour laisser libre cours à leur haine de la France et à leur sauvagerie.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Émeutes: Mélenchon, Panot, Autain… Ils sont prêts à tout pour accéder au pouvoir

Et c’est bien ce qui fascine Jean-Luc Mélenchon et les insoumis. Tout à leur rêve de révolution, ils jettent de l’huile sur le feu car la seule chose qui les intéresse est la mise en cause systématique de la police et la déstabilisation du pouvoir. Il faut donc entendre l’appel à la justice du chef de file des insoumis comme un permis de ravager le pays au nom d’une oppression subie.

Les émeutes : une réponse au racisme systémique selon la gauche

En effet, selon la gauche, les émeutes sont une réponse au racisme de la police et à la persécution des musulmans dans le pays. Exactement le narratif des Frères musulmans comme le président turc, Erdogan, qui  accuse la France « d’une oppression constante exercée sur des populations majoritairement musulmanes ». Le président algérien n’est pas en reste ; il demande à la France d’assurer la protection de ses ressortissants… Le pompon est décroché par les Iraniens, qui, entre deux pendaisons, trouvent le temps de demander au gouvernement français de « mettre fin au traitement violent de sa population » ! Il faut rappeler que ces pays travaillent activement à des politiques de déstabilisation des pays européens et de la France au premier lieu. Erdogan, parce qu’en tant que frère musulman, il obéit à l’agenda de la confrérie tout en poursuivant son rêve d’empire. Quant à l’Algérie, elle n’arrive pas à exister sans se confronter à son ancien colonisateur, car c’est la France qui a fait d’une sorte de colonie ottomane composée d’un agrégat de tribus rivales, un État cohérent. Ces pays ont une influence forte sur leurs ressortissants et les travaillent au cœur pour empêcher toute intégration. L’acceptation de la culture et des mœurs françaises étant incompatible avec le normatif islamique, ils utilisent le discours d’une fausse persécution pour ancrer leurs ressortissants dans le refus de l’assimilation. Ce faisant, ils les condamnent à être de nulle part, un moyen habile d’en faire les futurs chair à canon de la déstabilisation politique qui vient. Au-delà de l’agacement que peut susciter leur ingérence dans les affaires de la France, ils ont une vraie influence sur le comportement de leur communauté et ils sèment les graines de la violence que nous subissons.

La députée Mathilde Panot, marche pour Nahel, Nanterre, 29 juin 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Des Français choqués par la haine de la France exprimée par les émeutiers

Les Français, eux, sont surtout inquiets de voir la France ravagée par des bandes de pilleurs, pratiquant razzia et politique de la terre brûlée. Ils voient avec stupéfaction cette violence être cautionnée par une partie de la gauche. Et surtout, ils sont confrontés une fois de plus au déni de leurs dirigeants qui refusent de faire le lien entre politique d’immigration et émeutes. Or quelque chose a cédé. Non seulement aujourd’hui il n’y a plus de frontières symboliques et les hordes de pillards déferlent dans les centres-villes, mais tout le territoire est touché : plus personne ne se sent à l’abri. Les Français sentent bien qu’émeutes et pillages se renouvelleront au moindre incident et que force n’est pas restée à la loi. Ils anticipent le fait que bien peu d’émeutiers paieront pour leurs actes et que les familles qui exhibent sur internet le produit de leurs pillages ne seront pas sanctionnées.

Nanterre, 29 juin 2023 © Michel Euler/AP/SIPA

De l’assignation à l’émotion collective… à la manifestation du refus de celle-ci (l’exemple de la cagnotte)

Ils ont vu la haine de ces émeutiers contre ce qu’ils sont, leur absence de limites et l’impossibilité d’intervention. Ils ont bien compris que les politiques étaient terrorisés à l’idée qu’un émeutier meurt, tant ils appréhendent la violence des banlieues. Car il y a quelque chose d’effrayant dans le soulèvement communautariste auquel nous avons assisté, c’est qu’il dit clairement qu’aujourd’hui, selon la prédiction de Gérard Collomb, ancien ministre de l’Intérieur, nous sommes passés de « côte à côte » à « face à face ». Et l’affaire des cagnottes l’illustre. La cagnotte pour la famille du policier auteur du coup de feu a dépassé toutes les espérances. Elle a agi comme un référendum et les Français ont manifesté leur soutien aux policiers, une façon en creux d’indiquer leur rejet des émeutes, leur sentiment que celles-ci étaient illégitimes mais aussi leur refus de faire du jeune délinquant tué, un George Floyd français. En participant massivement à la cagnotte ils ont indiqué qu’ils refusaient de s’associer à une émotion collective qu’ils ne ressentaient pas mais qui était impossible à contester sauf à passer pour un monstre.

A lire aussi, Jonathan Sturel: La guerre des cagnottes

D’abord parce que lorsqu’on voit la vidéo, on peut comprendre le tir. Les deux policiers sont plaqués contre un mur, le conducteur a commis plusieurs infractions et a un comportement dangereux, si on se projette dans la situation on ressent le danger. On n’a pas le sentiment d’être face à un crime raciste ou une bavure manifeste, mais face à une tragédie qui aurait pu être évitée, dans laquelle chacun des protagonistes porte une part de responsabilité. Un jeune homme de 17 ans est mort et c’est toujours regrettable, mais, pour éviter d’autres décès, ne vaudrait-il pas mieux indiquer qu’en refusant d’obtempérer et en conduisant comme un chauffard on prend des risques certains, plutôt que de faire passer un petit délinquant pour un martyr du racisme systémique ?

La dimension communautaire des émeutes

On peut aussi s’interroger sur ces explosions de violence transformées en appel à la justice alors que face à de vraies injustices, jamais les banlieues ne se révoltent : Mohammed Merah a tué des enfants innocents, à bout portant, dans une école. Et pourtant rien ne s’est passé ! Le meurtre de Samuel Paty n’a pas déclenché de tels émois. On peut brûler une jeune fille enceinte dans un terrain vague et invoquer une forme de crime d’honneur, cela ne dérange pas grand monde non plus. Non : pour qu’une certaine France s’embrase, il faut que le mort soit musulman et mâle si possible et le coupable présumé, un policier. On est dans de la vengeance communautaire et non dans la réclamation de la justice. Car les émeutiers n’avaient rien à réclamer : le policier a été arrêté et inculpé et le président l’avait même déjà condamné au mépris de toute justice justement en espérant qu’une forfaiture empêcherait l’émeute… Il aura perdu ainsi son honneur et aura vu la France ravagée quand même.

Le refus de regarder en face la signification de cet épisode

De ce triste épisode, il semble qu’aucune leçon ne sera tirée. Le refus de faire le lien entre immigration et violence communautariste, le refus même de qualifier la dimension communautaire de ces émeutes est en soi révélatrice. Or le problème est important. Si seuls 10% des émeutiers sont étrangers, selon Gérald Darmanin, la majeure partie est française. Mais celle-ci est issue de cette immigration africaine et maghrébine dont une partie, hélas pas si minoritaire, n’a pas été intégrée et ne partage ni nos mœurs, ni nos principes ni notre culture. Leur tradition n’est pas la maîtrise et le refus de la violence mais au contraire le culte de la virilité et de la force. Refuser les valeurs de la France est devenue un mode d’affirmation de soi chez certains et cette affirmation passe par la revendication ethnico-religieuse. Or notre façon d’être une nation, de faire nation exige un dépassement des origines pour se fondre dans une histoire, des valeurs et un projet commun. C’est exactement ce que refuse une partie de la population dûment munie de papiers français. Elle théorise le refus de la France au nom de la fidélité aux origines et à l’appartenance à l’oumma. Un refus qui va jusqu’à la haine. Face à ce constat, nos politiques paraissent vouloir gagner du temps.

A lire aussi, Aurélien Marq: Le sabre et le goupillon, version gauchiste

Sauf que ces faits sont à la fois sus et tus depuis 30 ans, que la situation ne cesse de se dégrader et qu’aucune mesure forte n’est prise. Or il y a des pistes de clarification. Cela passe par la suspension du droit du sol, le refus de la double nationalité et donc l’obligation de choisir à quel monde on souhaite appartenir (celui où les hommes sont considérés comme égaux ou celui où certains sont infériorisés parce que femmes, trop noirs, ou non musulmans comme dans les pays où règne l’islam), des sanctions fortes contre délinquants et émeutiers qui les privent de la solidarité nationale, le refus automatique de renouvellement de carte de séjour ou d’accès à la nationalité en cas de participation à des émeutes, la perte de son logement HLM… Toutes ces pistes devraient pouvoir être discutées.

Car le pire dans cette histoire est qu’il y a, dans les cités, des gens qui souhaitent s’intégrer et d’autres, parfaitement assimilés, qui vont pâtir de l’image désastreuse que donnent d’eux les émeutiers.

Le refus du gouvernement de faire une loi immigration courageuse et répondant aux enjeux actuels montre une fois de plus que les voyous ont gagné : au terme de ce déchainement de violence nos dirigeants refusent toujours de regarder la situation en face. Rendez-vous aux prochaines émeutes.

Mort de Nahel: R. Diallo et J. Branco imposent leur vision racialiste de la société française à l’étranger

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D.R.

Ces dix derniers jours, les médias européens et américains avaient tous leurs caméras braquées sur Nanterre et les banlieues françaises. Malheureusement, deux commentateurs phares se sont distingués, Rokhaya Diallo et Juan Branco, qui ont imposé leur interprétation woke des émeutes au monde entier.


La mort de Nahel, et les émeutes (depuis, enfin apaisées), ont provoqué d’innombrables réactions sur les grandes chaînes d’infos en continu du monde entier : CNN, Channel 4, Sky News, ou encore la BBC. D’abord factuelles au lendemain du déclenchement des émeutes, ces médias sont rapidement tombés dans l’interprétation racialiste de l’évènement, interprétation devenue si courante depuis la mort de George Floyd aux États-Unis. Racisme « institutionnel et systémique », racisme de la police… ces arguments bien connus sont ressassés par nos confrères avec une facilité déconcertante. En même temps, les figures de la France insoumise, en premier lieu Jean-Luc Mélenchon, défendant ou justifiant les agissements des émeutiers, étaient mis en minorité par l’ensemble de la classe politique nationale. Pourquoi donc un tel évènement s’est-il produit ? Pourquoi une grande partie de l’opinion publique anglo-saxonne n’a-t-elle pas pu être informée autrement ? Ce n’est pas parce que les médias britanniques et américains ont nécessairement recherché les comparaisons avec l’affaire Floyd. Non, la seule raison est que les journalistes français ne parlent pas bien anglais et sont souvent peu connus à l’étranger ! La conséquence, nous la voyons déjà : les seuls militants ou journalistes ayant un réseau suffisant pour être invités sur les chaînes internationales furent Rokhaya Diallo et Juan Branco.

« Racisme systémique »

Invitée de CNN, le 2 juillet, Rokhaya Diallo a ressorti ses marottes habituelles pour expliquer les émeutes, « résultat d’un processus lié au racisme systémique. La police vise essentiellement de jeunes hommes de couleur. Les manifestations révèlent un sentiment de désespoir et de colère. De nombreuses personnes ont crû qu’elles pourraient être Nahel, ce qui explique pourquoi elles étaient si mécontentes. » Argument bien facile, qui justifie tout :  les actes de pillage qui pour beaucoup ne seront pas sanctionnés, les tirs de mortier quand ce n’est pas à balles réelles sur la police ou encore l’incendie de bus et des trams. Et, bien sûr, si ces émeutes surgissent, à en croire Mme Diallo, c’est parce que les jeunes de banlieue « sont considérés comme des citoyens de seconde zone, ce qui explique que la police peut encore parler d’eux comme s’ils étaient toujours colonisés, comme s’ils étaient des animaux. » Une dialectique absurde reprise même – quoique plus modérément – par le quotidien conservateur britannique du Daily Telegraph. Cela sans rappeler bien sûr les dizaines de milliards d’euros déversés dans les banlieues depuis les années 1980 par le contribuable, pour construire écoles, bibliothèques, hôpitaux… S’il y a bien des problèmes dans les banlieues, ils sont d’abord sociaux et éducatifs et ces problèmes-là ne se règlent pas uniquement à coup de milliards.

A relire : Rokhaya Diallo: “Cher.e.s lectrices et lecteurs de Causeur…”

« La France : pays de ségrégation »

Juan Branco n’a pas mâché ses mots lui non plus en parlant des émeutes. Invité par la chaîne britannique, Channel 4, il a justifié les actes des émeutiers, qui, par leurs actions, manifestaient leur rejet de la « ségrégation » qu’ils subissaient de la part des populations « conservatrices et privilégiées du centre de Paris » et des autres villes françaises. Pour rappel, les grandes villes françaises (Bordeaux, Lyon, Marseille, Rennes) sont toutes tenues par la gauche, qui, historiquement, lorsqu’elle est aux responsabilités, est pourtant de loin la plus généreuse dans l’attribution de subventions aux banlieues défavorisées. Or, ce sont dans ces villes-là que les violences furent les plus importantes. Interrogé ensuite sur l’ampleur de l’émotion au sein de la population française face à la mort de Nahel, l’avocat / essayiste / activiste a regretté que cela n’affecte « qu’une partie de la population » et s’est inquiété qu’une « importante partie de la population française ait été élevée et nourrie par un discours raciste et discriminatoire qui considère que ce crime était justifié ». Encore faudrait-il qu’il donne des exemples : moi, je ne m’y reconnais pas – et lui non-plus sans doute. Si la gauche woke raffole bien d’une chose, ce sont des généralisations abusives et de la remise en cause des structures. Ces accusations sottes sont en outre très faciles à ânonner sur une chaîne britannique, où les questions liées au racisme sont encore beaucoup plus sensibles qu’ici. Il est certain en tout cas qu’elles n’auront en rien contribué à améliorer l’image de la France à l’étranger. Le mal est fait, désormais, et ne sera pas rattrapable de sitôt. Heureusement qu’en France, les débats furent quand même plus diversifiés…

L’Amérique en pétard

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New York, mars 2023 © RETMEN/SIPA PRESS

Dans de nombreux États, la dépénalisation du cannabis permet aux consommateurs de ne plus se cacher, mais elle n’empêche pas le fléau des drogues de synthèse de se propager.


Des 50 États des États-Unis, 22 ont légalisé l’usage récréatif du cannabis et neuf l’ont décriminalisé. Dans la plupart, la distribution commerciale est légale, mais aussi la culture pour usage personnel. Dans les Dakota, nord et sud, et dans l’Arkansas, l’électorat vient de rejeter la dépénalisation par référendum. Conformément à la tribalité politique typique de l’Amérique, les États qui maintiennent la prohibition, comme le Texas ou le Tennessee, sont souvent ceux qui interdisent l’avortement.

Un grand changement

Depuis novembre 2022, le président Biden pousse le Congrès à révoquer la loi fédérale interdisant l’usage du cannabis. Étant donné que l’État fédéral n’est responsable que de 5% des poursuites judiciaires et que, dans ce domaine, la juridiction fédérale se limite à des parcs naturels et à des installations aéroportuaires et militaires, il s’agit d’une action symbolique destinée à séduire les électorats de couleur, puisque, selon Biden, la proportion de Noirs condamnés pour usage du cannabis est « nettement plus élevée que pour les Blancs ». Il a signé un décret pour gracier tous les condamnés pour possession de marijuana. Leur casier judiciaire réduisant les chances des Noirs de trouver un emploi, le président peut prétendre avoir fait œuvre de justice raciale.

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Un argument courant en faveur de la dépénalisation est le fait que le cannabis ne soit plus considéré comme une drogue d’introduction. Après des années de disputes à coups d’études et de contre-études scientifiques, il est désormais accepté que la légalisation du cannabis récréatif n’entraîne pas une montée de la consommation de drogues dures chez les adultes. Le pétard pourrait même diminuer la consommation excessive d’alcool !

Crack, héroïne et fentanyl inquiètent autrement les autorités

La dépénalisation représente-t-elle un grand changement ? En Californie, où elle a eu lieu en 2016, la réponse est non. Toute répression a cessé, la culture personnelle est tolérée, et les fermes de cannabis sont entrées dans une étrange semi-légalité. L’usage médical est admis dans 38 États. Il sert comme analgésique ou calmant sous forme de feuilles à fumer ou de pommade à enduire. Selon les statistiques officielles, 78 millions d’Américains ont recours au cannabis, dont 55 millions régulièrement. Le grand changement, c’est que les bobos n’ont plus besoin de cachotteries pour acheter leur dose aux dealers de rue.

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En revanche, rien ne change pour les toxicos, surtout des SDF, qui envahissent aujourd’hui les centres-villes de San Francisco, San Diego, Los Angeles, Boston ou Baltimore. Ils sont accros à d’autres drogues comme le crack, l’héroïne et le fentanyl. Le pays croule sous une épidémie de toxicomanie, malgré les efforts de l’État fédéral qui subventionne des programmes de sevrage par méthadone. La légalisation du cannabis permettra-t-elle au moins d’arracher le trafic au crime organisé ? C’est peu probable. Comme les cartels dominent actuellement le commerce, ils seront à même de concurrencer les vendeurs légaux en inondant le marché avec du cannabis illégal à bas prix.

Darmanin: quel aveu d’échec!

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Le ministre de l'Intérieur à Evry Courcouronnes (91), le 30 juin 2023 © STEFANO RELLANDINI-POOL/SIPA

Selon le ministre de l’Intérieur, les émeutiers ont une origine France garantie… Il jette même les noms des coupables en pâture devant les sénateurs: Matteo et Kevin!


Notre ministre de l’Intérieur voit loin. Son regard se tourne manifestement à présent vers les élections présidentielles de 2027. Il est vrai qu’il vient d’engranger une assez jolie moisson de satisfécits venus de la droite pour sa gestion du maintien de l’ordre durant les quelques jours de festivités ébouriffantes auxquels nous venons d’assister. Mais, fine mouche, ce politicien né se sera dit qu’il ne serait pas mal venu d’aller aussi à la pêche aux compliments de l’autre bord, la gauche. Cela bien évidemment dans la perspective de la conquête politique majeure. Son but à peine caché. Un coup à droite, un coup à gauche, balle au centre. Air connu. Depuis des décennies les postulants à la magistrature suprême nous jouent régulièrement cette partition. La fois prochaine, la stratégie du louvoiement se révèlera-t-elle payante ? Les citoyens-électeurs marcheront-ils encore en 2027 dans la combine du « en même temps » ? À l’évidence, l’ambitieux Gérald Darmanin, lui, en est convaincu. D’où le déroutant changement de pied auquel nous avons assisté lors de son audition devant la commission parlementaire du Sénat portant sur les émeutes récentes et leur gestion. L’auditionné, très à l’aise, s’est livré de bonne grâce à l’exercice, prenant  un plaisir visible à occuper le rang médiatico-politique qui lui est réservé depuis une huitaine, le tout premier. Le premier devant madame la Première ministre, devant aussi – c’est à peine croyable ! – le président de la République soi-même. On ne veut voir et entendre que lui, l’homme de l’Intérieur, le deus ex machina du maintien de l’ordre, le chef aux quarante-cinq mille hommes déployés sur un simple ordre tombé de sa bouche. Ivresse du pouvoir à la clef. De quoi se sentir grandi, c’est sûr.

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Maudits Français de souche !

Je vous le disais, à droite, on a apprécié et certains ne s’en cachent pas. Mais à gauche, ne risque-t-on pas de regarder tant d’autorité et surtout tant de louanges venues du camp de la réaction comme une compromission – forcément rédhibitoire – avec les forces les plus obscures de la République ? Donc, disais-je, le rusé ministre a mis à profit sa prestation devant la Haute Assemblée pour corriger le tir et caresser le camp du bien dans le sens du poil. Ainsi, pour plaire à la droite, la mobilisation sécuritaire. Pour amadouer la gauche, la contorsion idéologique. Les émeutes des deniers jours auraient-elles quelque chose à voir avec l’immigration ? Serait-on fondé à y déceler ne serait-ce qu’un soupçon de ressentiment identitaire ? Que nenni, certifie l’intéressé avec cette tranquille assurance dans le mensonge qui demeure, qu’on le veuille ou non, l’apanage et la marque des politiciens de race. L’argumentation suit la dénégation. En grande majorité, les fouteurs de merde, les pilleurs de boutiques, les incendiaires d’écoles, de bibliothèques, de mairies, les caillasseurs de flics, les agresseurs d’élus, n’auraient guère à voir avec l’immigration et ses conséquence, guère à voir non plus avec de quelconques revendications identitaires. Voilà la vérité lénifiante assénée par le déposant. Et voici à présent la preuve qu’il livre en appui : les Matteo et les Kevin, autrement dit des Français de France, seraient en nombre, voire largement majoritaires, parmi les émeutiers. Fort bien.

Et si c’était vrai ?

Faisons alors un effort – effort considérable, j’en suis conscient – et admettons que le ministre ait raison, supposons que son propos soit conforme à la réalité, que pour l’essentiel ce soit des gamins garantis d’origine France, des Matteo et Kevin donc, qui aient mené la danse ces interminables nuits de chaos. Alors, problème ! Gros problème. Car si tel est le cas, il faut bien convenir que Monsieur le ministre n’a fait, devant mesdames et messieurs des sénateurs, que se fendre d’un extraordinaire aveu d’échec. Échec politique de première grandeur et de première gravité. Si la jeunesse certifiée française elle-même se met à détester le pays au point d’envisager d’un cœur léger de le saccager, c’est que la situation est encore plus pourrie, plus désespérée, et le mal plus profond qu’on ne pouvait l’imaginer.

A lire ensuite, Ivan Rioufol: Et, soudain, cette honte d’être Français…

Si la France voit effectivement ses propres enfants se retourner contre elle, la haïr, la mépriser, la rejeter,  alors l’avenir est sombre, très sombre. Pire, il n’y a plus d’avenir…

Aussi, parce que nous sommes, nous, lucides et raisonnables, nous préférerons considérer que le diagnostic de M. Darmanin n’est en fait qu’un artifice de tactique électoraliste, une manœuvre de basse politique. Rien de plus. Pour une fois, nous aurions donc tout lieu de nous réjouir qu’on nous balade. Quant à ce fin politicien, il ne lui resterait plus dès lors qu’à méditer la pique que le cardinal de Retz destinait à Mazarin : « Il sied encore plus mal à un ministre de dire des sottises que d’en faire. »

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Elisabeth Lévy : une déclaration aussi surprenante qu’exaspérante !

Qui sont les vrais rebelles?

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Clémentine Autain et ses consoeurs de la Nupes arrivent débraillées à l'Assemblée Nationale. Facebook

Partant d’un constat de Régis Debray, notre chroniqueur nous livre une vision de la rébellion et de ses biais ostentatoires…


On me pardonnera de quitter, le temps d’un billet, les émeutes, la mort de Nahel, la police… J’ai d’autant moins de scrupule à le faire que le dernier livre de Régis Debray, Où de vivants piliers, à la fois un exercice d’admiration et de suprême intelligence, m’a inspiré cette analyse.


Évoquant Julien Gracq, ce grand écrivain ayant été professeur d’Histoire et de géographie et demeurant à Saint-Florent-le-Vieil, Régis Debray analyse sa profonde discrétion de la manière suivante : «…Une rébellion, moins elle est à l’affiche, mieux elle tient la route… Les vrais dissidents n’ont pas l’injure à la bouche… Quand l’époque est à l’hirsute, le rebelle est boutonné… Ce n’est d’ailleurs pas une mauvaise opération : troquer une intime extravagance contre un anonymat social… ». Cette analyse distinguant l’apparence et les tréfonds est fine et pertinente. J’ai été d’autant plus touché par ces fortes observations qu’elles rejoignent une conviction qui ne m’a jamais quitté. J’ai toujours perçu à quel point les singularités visibles, outrancières, ostentatoires n’étaient pas forcément le signe d’une authentique rébellion, mais représentaient au contraire une manière facile et confortable de laisser croire à son existence. Mon expérience – qu’elle résulte de l’introspection ou de l’observation des autres – m’a enseigné que les troubles, les désordres, la dissidence, la révolte, les pensées non conformes, la volonté de fuir les sentiers battus n’avaient pas besoin d’un affichage extravagant mais étaient d’autant plus intensément ancrés dans les êtres qu’ils étaient inscrits dans l’intimité. Ils étaient généralement invisibles si on ne se fiait qu’à la surface des personnalités et des comportements.

A lire aussi : Fachos vs antifas à Angers: «Les médias de gauche sont tombés sur la seule occasion possible pour dire que la violence venait en fait des militants d’extrême droite !»

C’est sans doute à cause de cette certitude que l’exhibitionnisme humain, social et intellectuel m’a souvent mis si mal à l’aise. Comme s’il était la preuve, précisément, d’un manque profond, comme si le dévoilement complaisant et narcissique de soi et de ses prétendues différences par rapport à la normalité, constituait la plus éclatante démonstration de la pauvreté de cette singularité. Ce qui est caché et n’éprouve pas l’envie d’avoir à faire constamment ses preuves, portes et fenêtres ouvertes, est le gage d’une irrigation authentique de la personnalité par la tentation de la rébellion, la fascination de l’opposition et la puissance de la surprise. Ce qui se montre à chaque instant en incitant quasiment autrui à être le voyeur de sa propre existence laisse passer à mon sens un message artificiel, comme une forme de simulacre. On affiche et on s’affiche pour dissimuler au fond qu’on n’a rien d’essentiel à préserver et à protéger, à mettre à l’abri. De la même manière que le profil des émeutiers souvent très jeunes les situe aux antipodes d’une rébellion consciente parce que « leurs actes ne sont ni réfléchis ni contextualisés » [1], ainsi, dans l’univers politique, notamment au sein du groupe parlementaire LFI, il y a des postures qui sont tellement caricaturales, offertes pour la façade, qu’elles peuvent légitimement faire douter de la sincérité de l’esprit collectif qui paraît les susciter. Quel parcours à partir de Julien Gracq, en passant modestement par moi, pour aller jusqu’à LFI ! L’apparence débraillée, pour faire peuple ou révolutionnaire, l’extériorisation vulgaire de conflits et de transgressions chroniques et la forme qui insulte sont des oripeaux qui ne démontrent rien d’autre qu’une rébellion à la recherche désespérée d’elle-même.

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[1] https://www.la-croix.com/France/Violences-urbaines-tete-emeutiers-2023-07-04-1201274152

Auto-annulation

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La romancière Elizabeth Gilbert. Née en 1969, elle est l'auteur du best-seller "Mange, prie, aime". Photo: Wikimedia Commons

La romancière américaine à succès Elizabeth Gilbert renonce à publier son nouveau livre, à cause de la guerre en Ukraine. Voici pourquoi.


Les écrivains sont souvent victimes de la cancel culture, leur éditeur cédant à la pression des lecteurs ou de ses propres salariés pour annuler un contrat d’édition.
En 2020, Hachette a subi une telle pression pour ne pas publier l’autobiographie de Woody Allen, Soit dit en passant, et le conte pour enfants de J. K. Rowling, L’Ickabog. Dans le cas d’Allen, la maison a capitulé, mais dans celui de Rowling, elle a tenu bon.
Quand l’auteur lui-même prend l’initiative, c’est plus insolite. L’Américaine Elizabeth Gilbert vient d’annuler un roman qui devait sortir en février 2024. Elle est l’auteur de best-sellers internationaux, dont cinq romans, mais surtout de Mange, prie, aime (2006), un récit autobiographique qui raconte sa quête de paix intérieure après son divorce, lors d’un voyage à travers l’Italie, l’Inde et Bali. Ce titre a eu un beau succès auprès des femmes divorcées.

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Son prochain livre avait pour titre The Snow Forest (« La Forêt enneigée »). Il raconte l’histoire d’une famille d’intégristes religieux qui, dans les années 1930, se retire au fin fond de la Sibérie pour fuir à la fois le communisme soviétique et la vie moderne. Le récit aurait véhiculé un message sur l’écologie et la spiritualité apte à plaire au lectorat habituel de Gilbert. Mais, dans une vidéo postée le 11 juin, elle déclare : « Ce n’est pas le moment de publier ce livre. » Ce week-end-là, le titre avait subi un certain nombre d’attaques sur le site Goodread. Ses critiques, qui n’avaient pas lu l’ouvrage encore inédit, ont accusé Gilbert de promouvoir une vision romantique de la Russie tout à fait inacceptable en temps de guerre en Ukraine ! On se souvient de l’inanité de ceux qui voulaient annuler Dostoïevski ou Tchaïkovski. Pourquoi Gilbert s’est-elle inclinée, elle qui a publié Comme par magie, un livre de développement personnel pour créateurs où elle prêche l’individualisme ? Sûrement parce que, comme ses lectrices, elle ne veut pas avoir l’air d’une « Karen », ces femmes blanches d’un certain âge qui manquent d’empathie pour les minorités et les victimes…

Le sabre et le goupillon, version gauchiste

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Jean-Luc Mélenchon sur LCI, dimanche 2 juillet 2023 © D.R.

Jean-Luc Mélenchon n’a pas appelé au calme pendant les émeutes. Au micro de LCI, il délire et s’enfonce: « Les riches, les puissants, se sont ensauvagés ». Mais personne n’est dupe, et tous les citoyens ont bien fait le lien entre émeutes et immigration mal assimilée. Un billet d’Aurélien Marq.


Prenant prétexte de la mort d’un adolescent, les enclaves barbares organisent des razzias et envoient des adolescents en première ligne, sachant pouvoir compter sur la justice des mineurs pour s’en tirer à bon compte. Et une bonne partie de la gauche, enivrée de ses rêves de Grand Soir, ne prend même plus la peine de dissimuler sa jubilation, encourage l’explosion, et multiplie les invocations des théories sociologiques les plus alambiquées pour ne surtout pas voir l’évidence simple : nous assistons au pillage méthodique de la France par des bandes étrangères – qui se revendiquent étrangères à la France, que des pays étrangers revendiquent comme leurs (le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien est significatif), et dont les mœurs et les univers symboliques sont radicalement étrangers à la France et même à l’Europe. Seule référence, chez certains, à une nationalité réduite à sa dimension administrative : réclamer toujours plus d’aides sociales, de subventions clientélistes, de milliards pour la politique de la ville. En somme, profiter de cette démonstration de force pour exiger que la France verse aux barbares un tribut de plus en plus lourd dans l’espoir qu’ils attendent encore un peu avant d’achever de la mettre à sac.

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Mais l’extrême-gauche les invite à s’enfoncer toujours plus profondément dans le territoire français lors de leurs razzias, de manière à profiter des pillages pour terroriser et paralyser le bourgeois, et brûler tous les symboles de la France, perçue et présentée sur son propre sol comme une puissance coloniale. Si les barbares sont le sabre – et les Antifas y voient des renforts tombés du ciel – les ténors de LFI, d’EELV et consorts espèrent devenir le goupillon, clergé fanatique canalisant les appétits des pillards et s’appuyant sur leur violence pour parvenir au pouvoir. Entreprise vouée à l’échec. Les barbares qui embrasent la France ces derniers jours n’ont pas besoin des gauchistes pour structurer leur contre-société et justifier leurs razzias : ils disposent déjà d’un livre saint dont une sourate s’intitule « le butin » : tout un programme…