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Marine chez Narcisse

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Photo : staffpresi_esj

Dimanche, en attendant l’annonce du nouveau gouvernement, je suis tombé sur Paris Première sur une nouvelle émission « politique » qui entend dépoussiérer les règles du genre. « Mon beau miroir », présentée par le très branché Xavier de Moulins, ex-animateur mondain de Paris Dernière. En tête de gondole, Marine Le Pen. A priori, rien de tel pour ne pas s’ennuyer !
Car comme son nom l’indique, cette tragi-comédie décline son concept narcissique en quatre actes.

1er round : le portrait chinois

En première partie, Xavier de Moulins installe son invitée devant une glace sans tain qui leur permet d‘observer et d’écouter les personnes présentes de l’autre côté du miroir sans être vue ni entendue d’elles. Huit citoyens lambda dûment choisis pour jauger et juger la vedette du jour. À leurs côtés, Yves Bardon d’IPSOS joue au médiateur décontracté, croyant sans doute que son look de play-boy gominé mettra à l’aise ses huit interlocuteurs pétris de trac.

En guise d’amuse-bouche, Bardon demande aux huit membres du panel à quoi ils associent Marine Le Pen. À quels films ? Titanic, Asterix, La Traversée de Paris répondent-ils sans broncher. A quel animal ? Une panthère, une louve, un félin.

En face, Xavier de Moulins interroge une Marine tout sourire qui se définit comme « lucide, courageuse » et mue par un inaltérable « amour de la France ». La mèche grisonnante, Moulins tranche néanmoins avec l’attitude de ses aînés. Nul traitement d’exception ni once d’agressivité. Il fait son travail dans les règles de l’art, traitant l’intervenante comme ce qu’elle est : la représentante d’un parti démocratique et légal, fût-il honni par la quasi-totalité des médias. Devant pareil accueil, Marine ne peut se départir de son sourire. Si elle rassure les vieux grognards du lepénisme en s’identifiant à Jeanne d’Arc, elle prend bien soin de se démarquer de son père, quitte à prendre des accents volontairement sarkozyens. « Je peux être assez imprévisible » ou « même parfois aller trop vite » confesse-t-elle avec volontarisme. Devant le portrait chinois esquissé par le panel, Marine Le Pen s’amuse et enchérit : oui, il lui arrive de griffer lorsqu’on l’attaque !

2e round : l’exhibition biographique

La deuxième partie de l’émission s’avère moins inoffensive. Toujours bâtie sur le principe d’un dialogue unilatéral avec le panel, elle confronte les topoï des sondés au story-telling de l’invitée. Questionnés sur la vie de Marine Le Pen, lesdits citoyens imaginent la biographie d’une petite fille modèle apprenant le latin à six ans (sic !), ostracisée par ses petits camarades à cause des jeux de mots malodorants du papa. Ils s’appesantissent sur les quinze ans d’absence de la mère, la relation filiale au père et l’héritage politique qu’il lui a légué. Xavier de Moulins, lui, oublie soudain le caractère politique du programme pour épouser le costume d’un Ardisson. Questions inquisitrices et délibérément intrusives, pour le plus grand plaisir du téléspectateur avide de détails scabreux. Premier baiser à quel âge ? « Quinze ans », il s’appelait « Nicolas », avant sa « première grande histoire à dix-neuf ans » confie l’invitée, pas une seconde décontenancée par l’impudeur de son intervieweur. Un peu plus et l’on aurait sombré dans le bon vieux « Est-ce que sucer c’est tromper ? » qui fit les grandes heures d’un homme en noir jadis taulier de la télévision publique. Marine se prend au jeu, évoquant le départ de sa mère, ses relations ambivalentes avec Jean-Marie mais aussi le statut à part du Front National dans le Paysage Audiovisuel Français. « Je suis en permanence attaquée, obligée de me justifier » persifle-t-elle en réponse aux interpellations de Moulins qui, revenant sur les propos controversés du père, oblige sa progéniture à se démarquer des errances lepénistes. De « l’inégalité des races » à la « boulette du point de détail » – comme l’appelle complaisamment une grande partie du panel- la prise de distance est nette mais malaisée. Quelques précisions supplémentaires des citoyens sondés en direct complètent le portrait quasi-enamouré de l’héritière : « coquette », « épanouie », « séduisante ». N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Marine se paie même le luxe de marcher sur les plates-bandes de la démagogie féministe. En réponse à Moulins mentionnant avec élégance les onze kilos perdus en cinq ans, elle assène : « Je ne suis pas qu’une femme politique, je suis aussi une maman ». Ségolène, sors de ce corps !

3e round : les convictions cosmétiques

Vient ensuite la question qui tue. « Marine Le Pen, ses idées, pour ou contre ? » demande l’enquêteur IPSOS au panel. Silence de mort. À l’air contrit de certains, on se dit qu’ils auraient préféré témoigner à visage couvert pour mieux exprimer le fond de leur pensée. Mais qu’on ne s’y trompe pas : à aucun moment, Moulin comme Bardon n’effleurent le moindre contenu programmatique du projet de Marine Le Pen. À peu de choses près, tout n’est qu’image, apparence, style et volupté. C’est tout juste si le sondeur au look d’acteur porno sur le retour interroge les huit péquins du public sur la peine de mort, l’avortement, le bio, l’euro ou l’entrée de la Turquie dans l’UE. Euro mis à part, le choix des questions traduit le biais bobo-sociétal de Paris Première. Pas question de mentionner le gros des préoccupations économiques et sociales : sur la chaîne de la mode et du glamour, cela ferait désordre !

Surgit soudain un journaliste « politique » à l’AOC contrôlée, Guillaume Tabard des Echos. On s’attend alors à un entretien plus solennel voire rébarbatif, type Grand Jury ou feu L’heure de vérité. Que nenni, Tabard réprime son talent et s’en tient au cahier des charges de l’émission. Son unique mission : juger la prestation médiatique de l’invitée. S’acquittant de sa tâche ingrate, il souligne avec justesse le décalage persistant entre l’image lénifiante de la femme politique Marine Le Pen et le parfum de soufre qui continue à poursuivre les idées héritées de son père.

4e round : épilogue

Au terme de l’émission, la barrière s’ouvre. Marine Le Pen a enfin sous les yeux le panel de huit personnes qu’elle a écoutées près d’une heure durant. La rencontre est brève, l’échange inexistant. La probable future présidente du FN lâche à dessein: « la politique s’incarne » comme pour mieux mettre en valeur son charisme ravageur. La régie déroule le générique de fin.

… et frustration

Et là, c’est le drame. Une impression de malaise saisit le téléspectateur. Non pas à cause du choix de l’invitée. Ni de l’attitude de l’animateur, Xavier de Moulins s’étant astreint à une sobriété sans failles, on peut difficilement le lui en faire grief.

Non, c’est plutôt la nature exacte de l’émission qui pose question. D’emblée, Moulins la présentait comme « politique ». Lorsqu’aucune question de fond n’a été un tant soit peu abordée, cela laisse un goût de frustration dans la bouche. La politique L’oréal incarnée par le tout-communication n’épuise pas (encore) l’actualité politique.

Personnellement, j’aurais aimé voir l’aisance et le talent journalistique de Xavier de Moulins au service d’une entrevue courtoise mais sans concessions. Qu’il s’agisse de Marine Le Pen ou d’un(e) autre. En l’occurrence, l’animateur n’aurait pas usurpé son titre en interrogeant l’invitée sur ses contradictions. En lui demandant comment elle conciliait l’inconciliable : une rhétorique laïciste avec le voisinage des intégristes cathos (certes majoritairement acquis à son rival Gollnisch), un antifiscalisme poujadiste avec la défense de l’Etat-Providence, ou bien encore un républicanisme d’affichage qui cadre mal avec sa conception essentiellement ethnique de la Nation.

Hélas, malgré la bonne volonté de Moulins, l’émission rivalise avec le confort irénique du divan rouge de Michel Drucker, à la nuance près que l’animateur de Vivement Dimanche ne prétend à aucun quartier de noblesse journalistique.

Frustré et marri, le spectateur féru de politique se désole du numéro de claquettes qui vient de lui être servi. Il se dit que les concepteurs de l’émission ont parfaitement compris le monde postmoderne qu’on nous fabrique, qu’ILS nous fabriquent. Un monde où la politique-spectacle se confond avec la politique, au grand dam des idées.
Dommage, cela avait pourtant bien commencé…

Ministre cht’i, minsistre parti

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Le rattachisme, qui demande à la France d’intégrer la Wallonie, voire Bruxelles, risque de s’étendre bientôt au département du Nord. À cette petite différence que c’est le Nord qui va demander à être rattaché à la Belgique, étant donné le sort fait à ses ressortissants au gouvernement.

En effet, le dernier remaniement a vu les ministres et sous-ministres venant du vieux département industriel disparaître de la liste finale lue par Claude Guéant. Et, au premier chef, Jean-Louis Borloo, ancien maire de Valenciennes. S’il n’est pas, stricto sensu, un Nordiste, sa réussite sur le Valenciennois, que même ses adversaires sont bien obligés de reconnaître, en a fait un enfant du pays. Mais ce n’est pas tout : Valérie Létard, secrétaire d’État à l’Écologie, première adjointe de Borloo, qui n’avait pas démérité lors de régionales où le problème pour l’UMP n’était pas de gagner contre la gauche, mais de ne pas se retrouver derrière le Front national de Marine Le Pen, a elle aussi été priée de dégager. On n’oubliera pas, également, Marc-Philippe Daubresse, maire de Lambersart, banlieue chic de Lille, qui a perdu dans ce remaniement son ministère du Logement et des Solidarités actives.

Quand on sait qu’être de droite dans le Nord-Pas de Calais, c’est comme être communiste à Neuilly-sur-Seine, on se dit que Messieurs Sarkozy et Fillon ont eu bien peu de reconnaissance pour ces missionnaires en terre rouge. À moins qu’ils ne considèrent que, de toute façon, il est inutile de donner des gages puisqu’ils ne seront jamais bienvenus chez les Chti’s.

Chrétiens d’Irak : merci, monsieur Kouchner !

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Ce n’est pas ma coutume, surtout en des temps sombres de corriger l’un de mes coreligionnaires, d’autant que je n’y ai aucune légitimité particulière. Mais puisqu’il me semble que M. Gueydier, que je ne connais pas du tout, a ajouté dans son article aux contresens factuels des injustices relatives aux personnes, je ne peux résister au désir de professer mon humble opinion sur un sujet qui fait plus que nous intéresser ici – qui nous meurtrit.

Les chrétiens d’Irak m’apparaissent en effet immensément touchants dans la situation qui leur est faite aujourd’hui pour au moins trois raisons : la première, strictement personnelle que j’avoue seulement afin que l’on sache d’où je parle, est qu’ils sont chrétiens ; la seconde, plus objectivement intéressante quoique assez banale de nos jours, est qu’ils sont victimes ; la troisième enfin, c’est qu’on ne leur a reconnu cet honneur que très tardivement, c’est ce que note avec justesse M. Gueydier.

Mais où ce monsieur commet un grave impair, c’est lorsqu’il accuse Bernard Kouchner de s’être désintéressé de leur sort, et d’avoir persisté jusqu’à la récente suspension de ses fonctions de Ministre des Affaires Etrangères dans cette voie fausse. Si mes souvenirs sont bons (et autant vous dire que j’ai pris soin de vérifier leur bonté), le Docteur Kouchner – dont l’on ne peut par ailleurs me soupçonner de partager l’éthique générale et la manière – a été le premier politique de son niveau, c’est-à-dire placé à la tête du Quai, à s’être publiquement soucié des brimades dont ces chrétiens étaient les cibles depuis la chute du Raïs de sinistre mémoire, et, plus important, à avoir déployé les moyens adéquats pour les soulager dans leur détresse. En l’occurrence à avoir pris des dispositions pour en accueillir quelques-uns sur le territoire national. Ceci est d’autant plus remarquable que M. Kouchner, on s’en souvient, avait été un fier soutien du Président américain George W. Bush dans sa guerre d’Irak. Donc le complice, sans doute inconscient, du désordre politique qui a laissé sans défense face au chaos notamment la minorité chrétienne.

Son empathie à leur égard se prouve facilement : dès août 2007, soit deux mois après sa prise de fonction, le ministre rencontre à Bagdad le patriarche irakien Emmanuel III Delly, pour annoncer le 10 décembre sa « ferme intention de mettre en place un plan d’accueil des ressortissants irakiens de confession chrétienne » et de faciliter leur installation en France. Sa décision restera en partie lettre morte, parce qu’elle sera contrecarrée par d’autres forces au sein du gouvernement, notamment par Brice Hortefeux élaborant au ministère de l’Intérieur sa nouvelle politique d’immigration.

Le 19 mars 2008, néanmoins, Kouchner revient à la charge : « Nous allons, j’espère, déclare-t-il au micro de RMC, en accueillir près de 500 dans les semaines qui viennent, et on verra après », se justifiant ainsi : « Nous ne refuserons pas d’accueillir des musulmans, mais le problème, c’est que personne n’accueillait les chrétiens ». Il répond ainsi à l’avance aux critiques que l’on a vu surgir ces jours-ci sur le « choix des victimes » qu’opèrerait la France parmi les Irakiens maltraités. On a en effet du mal à imaginer l’Iran ou l’Arabie saoudite ouvrir grande leur porte à des réfugiés irakiens chrétiens dans la situation actuelle. C’est en ceci que la France, comme les autres pays occidentaux, peut se sentir un devoir d’accueillir ces populations dont personne ailleurs ne voudrait. Pour ceci d’abord que nous sommes, dit-on, une nation multiculturelle, et aussi, avouons-le honteusement, pour ce nous avons eu durant vingt petits siècles quelque chose à voir de près avec le christianisme.

Osons un autre parallèle – qui n’est bien entendu pas une comparaison stricte dans les termes, mais une simple analogie : qui pourrait s’émouvoir qu’à l’époque du régime hitlérien, les Juifs aient choisi d’émigrer davantage vers la France, avant qu’elle tombe devant l’armée allemande, vers l’Angleterre ou les Etats-Unis, plutôt que vers la Pologne, la Russie et l’Europe centrale où ils pressentaient étrangement qu’ils ne seraient pas si bien traités que cela ? Les autres pays musulmans du coin – fors la Turquie, qui sert volontiers de plaque tournante à l’évasion des Chaldéens – quand bien même leurs dirigeants font montre de tolérance, demeurent trop perméables au terrorisme islamiste pour que les chrétiens s’y sentent réellement en sécurité. On lira là-dessus avec profit l’incroyable histoire de Joseph Fadelle[1. Le Prix à payer, Joseph Fadelle, L’Oeuvre], descendant chiite de Mahomet converti au catholicisme qui, après avoir subi la torture dans les geôles saddamiques, fut rattrapé par ses propres frères en Jordanie où ils tentèrent de le flinguer pour punir son apostasie.

Pour en revenir à l’article de M. Gueydier, il y erre une seconde fois quand il introduit dans le débat des termes incongrus tels que « nettoyage ethnique ». Outre le fait qu’en droit international, cette qualification est strictement réservée, elle n’a rien à faire ici, où l’on parle d’Irakiens chrétiens, c’est-à-dire, rappelons-le encore une fois, d’Arabes. Loin d’être les descendants de quelques colons que ce soit, ces chrétiens sont présents sur cette terre depuis le commencement de notre ère et il y a tout lieu de croire qu’ils ont subi ethniquement, comme on dit, les mêmes croisements que leurs compatriotes, partie mésopotamiens, partie arabes. Il y a ainsi une homogénéité absolue sur ce plan-là et seule la foi les différencie. Il n’y a donc aucune nécessité, pour s’émouvoir des persécutions qu’ils subissent, de recourir aux grands mots habituels de l’Occident contemporain. Le simple terme de persécution religieuse devrait suffire, et je m’étonne que M. Gueydier, qui par ailleurs plaide pour la reconnaissance des religions sur la place publique, ait besoin de recourir à tel stratagème.

Quant au terme de martyr, si galvaudé aujourd’hui, qui désigne pour le chrétien celui qui a témoigné de sa foi jusqu’à la mort, il n’y a aucune espèce de nécessité de réclamer à un Etat qui comme la France se veut neutre sur le plan religieux de le reconnaître ou de l’employer.
Si en tant que citoyen français l’on peut exiger quelque chose de son pays aujourd’hui, ce serait qu’il plaide par les moyens diplomatiquement adéquats la tolérance auprès du gouvernement irakien ; qu’il l’aide, si celui-ci est faible, à rétablir un ordre minimal ; qu’il lutte de manière intelligente et productive contre les forces terroristes qui ravagent cette partie du monde ; qu’il continue par ailleurs d’accueillir les individus ou les familles qui fuient cette anarchie et qu’il prenne les dispositions nécessaires pour les installer décemment sur le territoire français, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Kouchner dépose les armes

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Et Bernard Kouchner s’en est allé sans avoir fait la guerre. Sans avoir eu « sa » guerre. Quelle déception ! Rappelons-nous son arrivée au quai d’Orsay. Interrogé par France 3 sur la situation en Iran, il déclarait haletant et les joues empourprées qu’il fallait envisager les mesures de rétorsion les plus dures et « se préparer à la guerre, bien sûr ». Nicolas Sarkozy ne l’a pas suivi sur cette voie. Quel dommage pour lui. Quel dommage pour le droit d’ingérence.

Car enfin, il en rêvait. Tous les néo-conservateurs américains, issus de l’extrême gauche comme lui, ont pourtant eu droit à leur guerre. Les Kristol et autres Wolfowitz ont théorisé comme lui le droit à l’ingérence et ils ont pu le mettre en pratique en Irak. Et lui qui a tant fait pour le néo-conservatisme à la française, rien, nada !… Kouchner avait bien adhéré au programme bushien de la guerre en Irak, mais ce n’était pas sa guerre ; il sentait qu’il n’était pas suivi par l’opinion, alors il n’a pas insisté. Avec l’Iran, il tenait enfin un prétexte et un beau. Car enfin, qui allait défendre en France le régime des mollahs ? Et puis non, rien.
Pas la moindre petite escarmouche. Pas le moindre dépôt fictif de WMD (armes de destruction massive) qui aurait permis à Kouchner de jouer les Powell à l’ONU. Pas la moindre sortie de nos Rafales « Nato-compatibles », pas le plus petit bombardement chirurgical, pas le moindre conseil d’état-major interallié qui aurait tant fait vibrer notre « french doctor ». Et Kouchner n’a pas pu ressortir sa saharienne ni ses rangers en nubuck pour une tournée de soutien aux petits gars de la Légion… Comme il doit en vouloir à Sarkozy !

La paix éclate et la flamme du néo-conservatisme s’éteint en France. Bernard Kouchner doit se sentir bien seul aujourd’hui. Entourons-le de toute notre affection.

Résister au « buonisme »

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Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.
Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.

Quel est le point commun entre Eric Woerth et Eva Joly ? Réponse : l’hémiplégie. Lorsque la France connaît un accès de fièvre, ils accusent le thermomètre. Woerth nie l’ampleur de la grogne sociale en l’attribuant à une minorité de syndicalistes agités. Quant à Méluche, il élude des questions aussi incontournables que le néo-communautarisme, la dérive pédagogiste de l’Ecole ou la mainmise des bandes sur des quartiers entiers en les ramenant à de vulgaires histoires de gros sous. Ce regrettable aveuglement porte un nom : le buonisme.

Raffaele Simone[1. Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? Le Débat, Gallimard, 2010.] définit cette dérive libertaire, particulièrement prégnante à gauche, comme « une attitude d’acceptation débonnaire de tout ce qui arrive [qui] soutient que, dans le monde des hommes, rien n’est vraiment dangereux et tordu [et] abomine l’idée même de répression, de fermeté, d’action radicale ». Cette croyance entraîne chez ses pratiquants la « disparition du culte de la fermeté et aussi de la radicalité des décisions ».

Examinons les tables de la loi buonistes.[access capability= »lire_inedits »]

Premier dogme : le réel tu abhorreras.

Pour complaire aux illuminés de l’angélisme, il faut sans cesse réécrire le passé et le présent. Comme dans 1984 d’Orwell, il s’agit de les faire correspondre avec les cadres de l’idéologie dominante. Ainsi, la traite négrière fut le seul fait des Européens et Guy Môquet un résistant (alors qu’il finit en avocat martyr du pacte germano-soviétique !). Au premier qui dit la vérité, l’opprobre est assurée. Pétré-Grenouilleau et Zemmour vous le confirmeront.

Au risque de nier la réalité des faits, l’ange buoniste idéalise les figures des marginaux et des exclus, exaltant l’irrévérence de salon. Il suffit de lire la dernière page de Libé, cette ode quotidienne aux rebellocrates, pour le constater : le réel est populiste. Oublions-le et revenons à l’Homme, le vrai, coulant d’humanitarisme sirupeux !

Deuxième dogme : ton prochain tu idéaliseras.

Il n’y a d’homme que bon. Ainsi pensent ceux qui ont lu mais pas compris Rousseau.

La fleur au fusil (à eau), la gauche sociétale exclut toute idée de rigueur morale prompte à désaliéner l’individu. Comme chez Mao, on condamne le déviationnisme réac. Dans le rôle du coupable parfait, il y avait jadis Georges Marchais, qui déclarait en pleine campagne présidentielle : « Nous posons les problèmes de l’immigration […] Pour la jeunesse, je choisis, moi : oui, je choisis l’étude, le sport, la lutte, et non la drogue ! »

Oui, vous avez bien lu. Aujourd’hui, cette lucidité sur la nocivité des psychotropes lui vaudrait un procès en rouge-brunisme dans lequel il serait accusé de surfer sur les thématiques du Front national. Pourtant, l’ADN de la gauche ne consistait pas à ignorer les préoccupations populaires mais à y répondre par des changements radicaux de structures. On peut penser ce qu’on veut de l’autogestion ou des nationalisations. Il n’empêche : à l’époque, la substantifique moelle du clivage droite/gauche paraissait moins obscure.

Troisième dogme : l’autorité tu abjureras.

La déesse Ouverture serait la solution miracle à tous nos maux ! Dans un irénisme niais, nos amis buonistes supposent l’existence d’une Main invisible apte à réguler tous les conflits. Contrer l’influence des narcotrafiquants en légalisant le cannabis (Europe écologie ©) et anéantir l’exploitation négrière des sans-papiers en les régularisant intégralement (Front de gauche ©, Europe Ecologie © et, plus logiquement, Alain Madelin ©) assureraient le salut de l’humanité.

Plus globalement, les fatwas buonistes entendent détruire les rares obstacles institutionnels qui font encore écran entre l’homo consumans et le marché. N’oublions pas que, depuis 1983, l’idéologie du désir constitue l’horizon de substitution de cette nouvelle gauche oublieuse des rapports de classe. Ayant l’euromondialiste Cohn-Bendit comme parangon, celle-ci communie dans un catéchisme libertaire qui donnerait des boutons aux (vrais) socialistes. De Proudhon à Baudrillard en passant par Sorel, la tradition socialiste française s’est toujours méfiée de l’idéologie du progrès, a fortiori depuis qu’elle a muté en bougisme néolibéral (©Taguieff). Pas besoin d’être Jérémie pour comprendre qu’aller dans le sens du vent et subvertir toutes les valeurs établies favorisent l’expansion du capital.

Jour J de la révolution : détruire les idoles.

Aux yeux des adeptes de la mondialisation heureuse, le consumérisme ne peut être que libérateur. Pour qui a déjà visité un appartement ouvrier équipé d’une TV plasma dernier cri, le doute est permis.

Si la France décidait, un jour, de se doter d’un gouvernement économiquement responsable qui rétablirait les protections douanières aux frontières pour mieux protéger son industrie, une mini-révolution culturelle s’imposerait[2. Au sens originel du terme, c’est-à-dire non maoïste (que les bonnes âmes se rassurent !). ]. Pour peu que l’on rapatrie une bonne partie de l’industrie en France, les citoyens responsables devraient prendre conscience de la valeur d’usage des objets. Revenir à des choses simples, qui avaient l’allure d’évidences dans des temps pas si lointains. Non, on ne doit pas forcément changer de portable tous les ans. Non, le progrès par la croissance ne se fera pas à grands coups d’usine de boulons sans débouchés industriels ou à force de packaging inutile. Corrigé par le populisme, c’est à ces problématiques que doit nous amener le stérile débat croissance/décroissance, trop souvent ramené à une querelle de fétiches.

J + 1 : chasser les marchands du temple.

Comme il existe un bon cholestérol, subsiste un populisme sain. Qui, comme nous le rappelle Alain de Benoist, consiste à faire remonter les demandes du peuple sans parler en son nom. La démocratie directe, honnie des oligarchies financières, échappe au contrôle de la représentation. C’est bien le problème : le peuple pense mal ! Anticonformiste par nature, il rejette le mimétisme idéologique des gouvernants pour lui préférer l’expression brute de son désespoir. Faute de débouché politique cohérent, ce mouvement d’indignation collective restera au stade de l’aboiement. Il y a tout à craindre d’un dialogue de sourds entre une protestation creuse et un élan protestataire qui ne trouverait comme interlocuteur qu’une gauche de jouisseurs consuméristes vautrés dans la fange sociale-démocrate.

Rompant avec les intérêts de classe de la bourgeoisie, la gauche devrait tuer son surmoi libéral. On ne change pas la vie contre le peuple. C’est en substance ce que le socialiste républicain Georges Sarre rappelait, le 14 juillet, en chantant la Marseillaise devant l’Hôtel de Ville de Paris, appelant à renvoyer « dans ses cordes […] cette part de la gauche, qui n’en a que le nom, et qui ne supporte pas la nation citoyenne, alors qu’elle est le dernier rempart contre la mondialisation et l’Europe libérales et leur cortège d’inégalités, de régressions, et d’anomie dans la société ».

Plût au peuple qu’il soit entendu ! [/access]

Pour une décroissance des Verts

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Cet après-midi, j’ai lu ça sur Facebook : « Comment sortir l’union des Verts et d’Europe Ecologie de l’actualité ? Annoncer un remaniement…» Ne riez pas. Les adhérents d’EE, même s’ils sont mes amis, n’ont en général pas d’humour. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas une condition pour adhérer à leur mouvement. Tout comme il faut, semble-t-il, aimer les douches rapides à l’eau froide, les toilettes sèches, ou les biscuits bio au chocolat équitable si on est gourmand. Mais il va falloir arrêter.

Cet aimable folklore écolo aurait donc trouvé naturellement ce week-end sa traduction politique en machine de guerre à faire péter les scores à la présidentielle de 2012, en fusionnant les Verts et Europe Ecologie dans un chouette jamboree festif et équitable. Réunion qui aurait effacé les bouderies entre leur père à tous, Daniel Cohn-Bendit, la petite fille qui trépigne Cécile Duflot, et la grand-mère tape-dur, qui se voit déjà candidate, Eva Joly. Ne me demandez pas pourquoi il y avait des tensions à l’idée de fusionner tout ce beau monde qui, naturellement, ne pense pas pareil, ni n’est d’accord sur rien, je n’en sais que dalle. Histoires de personnes, de chapelles, de stratégie électorale. Querelles d’Allemands aussi pour savoir s’il vaut mieux promouvoir une écologie de la décroissance ou une économie de la sobriété.

« L’écologie, c’est le contraire du populisme. ». Nous y voilà.

Tout ce que j’ai vu, c’est des écolos enthousiastes quand Nicolas Hulot (celui qui faisait reverdir Nicolas Sarkozy) est monté sur scène pour saluer leur nouveau mouvement, sans pour autant annoncer son ralliement. J’ai vu aussi des écolos trépignant de joie quand Daniel Cohn-Bendit leur a annoncé que « l’écologie, c’est le contraire du populisme. » Nous y voilà. L’écologie c’est le contraire du populisme. L’écologie, quand c’est au niveau local, on essaie de te faire rêver avec des menus bios pour les gosses à la cantine ou plus d’espaces verts ou de logements sociaux HQE pour tous.

Quand on arrive en division 1, là c’est pain sec et eau tiède (pas trop, faudrait pas assécher les nappes phréatiques quand même) pour tous. La preuve c’est qu’Eva Joly, la juge intransigeante mais qui n’a jamais vraiment mené à bien une enquête, est d’ores et déjà présentée comme la candidate officielle de ce nouveau chouette rassemblement. Et que promet-elle : une « sobriété joyeuse », une rigueur budgétaire terrible, la justice implacable, la fin des conflits d’intérêts et un Etat-providence au régime sec. Tout pour rêver disons-le. Les écolos ont exigé de sa part un mea culpa en bonne et due forme concernant ses dernières déclarations. Qui ne reflétaient que son état d’esprit et pas la plateforme programmatique des Verts-Europe Ecologie. Fichtre ! À côté les bisbilles du PS concernant « l’égalité réelle » c’est de la petite bière (au houblon sans OGM).

Les Verts-EE ne sont donc pas populistes, ils sont stals. Et de la pire espèce. Ils sont catastrophistes. Ils sont décroissants. Ils sont tristes. Et même si je trie mes déchets, roule en vélo (heureuse bobo que je suis) et ne porte guère de crédit aux élucubrations de Claude Allègre, je ne voterai pas pour eux. Et je serais un travailleur honnête, je ferais pareil. Ils ne font pas de politique, ils font peur. Ne se pensent qu’en terme de force de nuisance (combien de sièges on peut piquer au PS à l’Assemblée, au Conseil Régional, ou n’importe où ailleurs). Et nous promettent des lendemains repeints couleur coulée de boue ou tempête tropicale.

La politique, ce n’est pas ça. Je ne parle même pas d’une campagne électorale. Alors, rassemblés ou pas, arrivés à l’âge de raison politique ou non, en dynamique ou sur le déclin, j’espère juste que la grand-messe de rassemblement entre les Verts et EE siffle la fin de la récré. Qu’on va enfin se rendre compte que les Verts-EE ne méritent pas tant de temps de parole, ni de crédit médiatico-politique. Les Verts ne font pas de politique. EE, qui était un mouvement si j’ai bien suivi et refusait l’étiquette de parti, ne fait pas de politique. Moyennant quoi, de nombreux militants socialistes et même parfois communistes, déçus de ne pas avoir les places qu’ils estimaient mériter, ont rejoint les rangs de ces deux groupes pour espérer se faire élire localement. Quand on pose sur de telles bases sa croissance, son audience et ses futurs succès électoraux, ça fout les jetons. Je dois être bien naïve notez…

Alors que les Verts et EE retournent s’occuper des problèmes locaux, fassent des manifs contre les autoroutes ou les tracés TGV, ce qu’ils font semble-t-il très bien. Mais vu les temps qui s’annoncent, j’aimerais autant qu’on laisse la politique à des gens aussi peu sérieux qu’eux, mais je l’espère moins dangereux. Et qui eux, ne vont pas m’obliger à abandonner ma baignoire ou ne me culpabiliseront pas dès que je laisse la lumière dans le couloir alors que je suis au salon. J’aime bien l’idée de prendre un bain chaud quand la tempête gronde dehors…

Florent Pagny, chanteur dégagé

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Florent Pagny ne veut pas que ses enfants « parlent rebeu ». Il vient donc de rejoindre la longue cohorte des pénitents sommés de faire amende honorable devant le tribunal de la pensée correcte pour avoir dit un mot de travers ou entendu comme tel. Ses excuses avaient été exigées par le Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, qui après un atroce suspense a consenti à les accepter. Selon la formule devenue rituelle, le chanteur est donc désolé s’il a pu peiner ou blesser des gens. La coïncidence avec des formules entendues mille fois n’est nullement fortuite.

Pour le chanteur, cette autocritique était sans doute le seul moyen de ne pas être affublé à vie de l’infamante étiquette de raciste – et, accessoirement de ne pas plomber la promo de son nouvel album. Qu’il ait accepté de la faire n’en est pas moins affligeant. Comme l’observe David Abiker, il a raté une occasion de défendre sa « liberté de penser ». (Pour ceux qui l’ignoraient comme moi il y a deux jours, c’est le titre d’une de ses chansons). Dommage, dans un premier temps, il s’était montré un peu plus combatif, envoyant gentiment balader les petits inquisiteurs du « Grand Journal » de Canal + : « J’ai fait une réflexion un peu bête apparemment, a-t-il reconnu sous le regard outré d’Ali Badou tandis que l’aimable Ariane Massenet tentait de l’amener au repentir préalable à la rédemption. J’ai employé le mot ‘reubeu’ mais ce n’est pas péjoratif, j’ai des potes reubeu, des potes feuj… Le dérapage, il est maintenant parce que c’est en train de partir en vrille ». Cette dernière remarque témoignait au moins, sinon de la profondeur de sa réflexion, d’un certain bon sens.

Si d’aucuns en doutaient, cet épisode montre que désormais, outre chacun d’entre nous, c’est le langage lui-même qui est en liberté surveillée.

Comme l’ami Mandon, je trouve qu’il n’est pas très glorieux d’aller payer ses impôts aux Etats-Unis quand on gagne sa vie grâce au public français. Mais les raisons exposées par Pagny sur Chérie FM, ont plutôt éveillé mon indulgence. Interrogé sur son exil, le chanteur a en effet expliqué qu’il en avait marre d’entendre son fils « parler rebeu ». Bon d’accord, il n’aurait pas dû dire rebeu mais « zyva » ou, s’il s’exprimait lui-même dans le langage châtié qu’il aimerait entendre dans la bouche de ses enfants, « l’argot des cités ». En attendant, tout le monde a compris que cette expression ne visait en rien l’appartenance raciale. Sauf que les professionnels de l’antiracisme ne veulent pas comprendre – on sait bien où ça mène, de comprendre – ils veulent leur raciste de la semaine. Ce qui leur a permis de ne pas entendre la suite, pourtant fort intéressante, des propos de Pagny : « Il y a aussi cette histoire de peur et d’ambiance un peu bizarre où finalement les mômes ils se raccrochent à des codes pour être sûrs de ne pas être emmerdés. » Apparemment, Pagny n’est pas sensible aux charmes du multiculturalisme. Pour Patrick Lozès, le président du CRAN, le crime était constitué : « Voilà que les chanteurs engagés se mettent à parler comme le Front national », s’est-il désolé.

L’ennui, c’est que la plupart de gens partagent le point de vue de Florent Pagny. À commencer par les parents de toutes origines qui vivent dans les « quartiers populaires », terme convenable pour désigner les cités, et qui découvrent un jour que le chérubin qui la veille faisait du coloriage parle comme un charretier et, plus largement, adopte les codes culturels dominants de son entourage. Or, tous les parents de France veulent que leur enfant apprenne le français avant le langage de la rue, tout simplement parce que, comme le note David Abiker « c’est la langue qui dans leur pays, une fois correctement parlée, écrite et lue leur permettra de s’exprimer, de trouver du travail et…justement de savoir apprécier l’argot et « le rebeu ». Qu’il s’agisse de celui de Michel Audiard ou de l’argot des cités. » En somme, avant de faire danser la langue, il faut être capable de la prendre dans ses bras. Si penser ça, c’est mal, il va falloir que le « Grand Journal » organise des olympiades de la repentance.

À s’exciter sur les mots, on perd le sens des choses. Si la remarque de Florent Pagny relève du racisme, nombre de nos concitoyens qui en disent et en entendent bien d’autres, finiront par penser que le racisme, ce n’est pas si grave que ça. Et les antiracistes auront de vrais racistes à se mettre sous la dent. D’ailleurs, c’est ce qu’ils cherchent.

American graffiti

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La nouvelle n’a pas fait couler beaucoup d’encre: on apprend aujourd’hui par un communiqué de la Mairie de Paris que la toile Cadillac Moon 1981, du graffiteur Jean-Michel Basquiat, n’aurait pas été « détériorée » lors de la rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, comme annoncé la semaine dernière. Les ratures de feutre dans le coin inférieur gauche, remarquées par une restauratrice d’œuvres d’art mandatée par le musée, étaient déjà présentes avant l’exposition puisqu’on peut les voir sur une photographie prise lors de la dernière exposition du graffiti original, à la Fondation Beyeler de Bâle, en Suisse.

Nous n’aurons donc pas à supporter les frais de la restauration (rapide ?). De toute façon, ce n’est qu’un juste retour des choses. Quelques années avant de devenir le peintre maudit milliardaire posthume que l’on sait, les mêmes œuvres auraient rapporté à son auteur quelques centaines de dollars d’amende et quinze jours de prison.

La France, mauvaise élève

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Les Chinois triment, les Anglais se serrent la ceinture, les Américains sauvent la démocratie (encore qu’on nous explique maintenant qu’ils sont redevenus d’affreux réacs) et les Français battent le pavé : il paraît que ça fait rigoler la planète entière. « Regardez vos petits camarades, ils ne font pas tant d’histoires. » Cet argument de maîtresse d’école, les princes qui nous gouvernent l’ont ressassé sur tous les tons, comme à chaque fois que ce peuple dont ils ne parlent plus la langue s’énerve d’une façon qu’ils jugent irrationnelle – et qui l’est au demeurant. Sauf qu’il n’y a pas de quoi rigoler. Après tout, cette injonction à entrer dans un monde dans lequel tout le monde fera comme tout le monde n’a rien d’exaltant pour un pays qui se souvient du temps où l’Histoire s’écrivait dans sa langue parce qu’il avait quelque chose à lui dire, au monde. Comme avenir radieux, on a connu mieux que l’adaptation au réel. Certes, ça n’a pas toujours donné des résultats heureux, mais pas non plus toujours aussi désastreux qu’on le dit.[access capability= »lire_inedits »]

Notre dirlo est à Bruxelles

Alors, bien sûr, comme nous le dit la maîtresse qui appelle parfois à la rescousse le dirlo installé à Bruxelles, la « Réforme » est la seule solution raisonnable. On ne peut pas s’endetter indéfiniment, tout cela est irréfutable. Et c’est bien le problème : le beau mot de raison est devenu synonyme de banalisation et le changement est annonciateur du pire. Autrement dit, nous avons troqué l’espérance contre la crainte. Alors, je ne sais pas si nous avons trop dansé mais on comprendra que nous n’ayons pas très envie de chanter.

Autant le dire : la retraite, je n’y pense jamais, même en me brossant les dents. Et je ne crois pas à la jolie fable du peuple d’en bas uni contre l’oligarchie d’en haut que nous ont racontée les médias. L’ambiance de 2010 n’est pas l’esprit de 1995. Ce que l’on appelle mouvement social, désormais, c’est une foire d’empoigne dans laquelle chaque groupe fait prévaloir ses intérêts en fonction de sa capacité de nuisance, la conjonction de colères hétéroclites et souvent rivales dont l’ultime dénominateur commun est la peur d’un avenir sur lequel on n’a plus prise. Ce qu’on reproche aux gouvernants, ce n’est pas d’agir mais de s’être dépouillés de tout moyen d’agir sur le réel, ce n’est pas leur pouvoir exorbitant mais leur impuissance.

Travailler plus sans gagner plus ?

Alors admettons qu’il faut payer la facture et travailler plus même sans gagner plus. Mais la nécessité ne saurait être la seule loi des communautés humaines. La France est une puissance moyenne, soit. Doit-elle se résigner, par surcroît, à ne plus savoir qui elle est ?

Redéfinir cette identité est une tâche d’autant plus périlleuse que le mot et la chose ont été frappés d’interdit. Hasardons une hypothèse : le « modèle français »[1. Terme inadéquat car il suggère une forme de prosélytisme qui n’est plus de saison] n’est pas fondé sur l’état-providence – d’ailleurs inventé par les Allemands – mais sur cette modalité particulière d’accès à l’universel que l’on appelle République. Ce n’est pas la retraite à 62 ans qui le met en péril mais la faillite de l’éducation. En effet, selon le Haut Conseil à l’Intégration, l’école ne sait plus intégrer les enfants d’immigrés. Elle n’est plus l’antidote aux fractures françaises, elle en est le réceptacle et même parfois le laboratoire. Dans les établissements-ghettos où se concentrent les élèves d’origine étrangère, la salle de classe n’est plus le lieu où on se dépouille de ses appartenances particulières pour adhérer au monde commun, mais celui où on les affiche pour récuser ce monde commun. Souvent encouragés par les parents et parfois par les profs, les élèvent invoquent la religion pour refuser d’apprendre. Résultat, un nombre croissant arrive au collège sans savoir lire et écrire et a donc toutes les chances d’en sortir au même niveau. Mais ça, on ne doit pas le dire – ce serait stigmatisant. Il ne faut pas désespérer le 9-3. Sauf qu’envoyer des jeunes poursuivre une pseudo-scolarité où ils n’apprendront rien et empêcheront les autres d’apprendre, c’est les mépriser. Croit-on les enfants de nos banlieues incapables de recevoir ce trésor qu’est la langue française ? Au nom de l’égalité, on accroit les inégalités car les enfants des milieux aisés comptent peu d’illettrés dans leur classe. Mais peut-être faudrait- il, par souci démocratique, ne pas leur apprendre à lire ?

L’éducation pour tous n’est pas un colifichet. S’il est une cause qui devrait nous faire descendre dans la rue, c’est celle-là. Parce que si nous ne renonçons à former des citoyens, un jour, il n’y aura plus de Cité.[/access]

Bye bye, bling-bling!

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Photo : Ammar Abd Rabbo

L’indécrottable provincial que je suis a fait tout son profit de la subtile analyse politique livrée ici même, à chaud, par l’ami Marc Cohen : sa longue fréquentation des hauts lieux de la politique parisienne lui permet quelques entrechats bien enlevés qui nous changent agréablement des gros sabots des commentateurs habituels. Comme lui, je ne mettrais pas un kopeck, même dévalué, sur la capacité du « centre » à se fédérer d’ici le printemps 2012.

Néanmoins, de ma campagne, on peut voir cette affaire de remaniement ministériel dans une autre perspective, celle d’un retour en force des Girondins de la droite, qui s’imposent face aux Jacobins de cette même mouvance (mes excuses au fan-club de Jules Michelet, mais je n’emprunte qu’un instant cette analogie historique pour étayer mon propos en faisant bref…)

Lorsque l’on épluche la liste des nouveaux promus, celle des entrants, celle des partants, on ne peut qu’être frappé par la prééminence prise par les « gaullistes de terrain », ceux qui labourent leur terroir avec constance sur les « vedettes » de la société politico-médiatique de la capitale du style Kouchner, Rama Yade, Fadela Amara, et même Jean-Louis Borloo[1. Jean-Louis Borloo fut jadis un maire de Valenciennes talentueux. Mais la politique locale ne l’amuse plus]. Le seul rescapé de cette escouade reste Frédéric Mitterrand dont on peut remarquer l’étonnante discrétion et la non moins surprenante gestion habile de dossiers généralement producteurs d’enquiquinements, pour ne pas dire plus : intermittents du spectacle, statut de l’Agence France Presse, mendicité chronique des cultureux. Le relatif calme qui règne dans le secteur ne va peut-être pas durer, mais changer le ministre eût peut-être réveillé les braillards habituels. À moins que Carla n’ait menacé de se barrer si on virait son copain Frédo…

Richert aux Collectivités, un signe adressé à l’Alsace

Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est la nomination de Philippe Richert comme ministre chargé des Collectivités territoriales auprès du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. Pour ceux – honte à eux !- qui ne connaissent pas Philippe Richert, précisons qu’il était jusque-là président de la région Alsace, qui est, comme chacun sait, la seule région métropolitaine tenue par la droite. La nomination de Philippe Richert est, certes, un signe adressé aux Alsaciens de droite qui appréciaient moyennement de se voir représentés en haut lieu par un ministre d’ouverture, Jean-Marie Bockel, d’ailleurs régulièrement humilié par ses petits camarades du gouvernement et de l’Elysée.

Mais c’est également une prise de conscience, par les stratèges élyséens, que la France qui gagne ne se limite pas aux patrons du CAC 40 et aux traders fous. Pays de PME, l’Alsace, comme la Haute-Savoie, est un terroir fortement ancré à droite où la prédilection de Nicolas Sarkozy pour les Bernard Arnault, François Pinault et autres Bolloré irritait passablement. Car ce sont, entre autres, ces multinationales françaises qui mettent une pression impitoyable sur ces PME, pour la plupart sous-traitantes des grands groupes en les forçant à réduire leurs marges, voire en les contraignant à délocaliser leur production vers des paradis salariaux toujours plus à l’Est. Ces gens-là, patrons petits ou moyens, sont entre l’arbre et l’écorce, en l’occurrence leurs donneurs d’ordres et leurs salariés.

Leurs élus leur ressemblent : pas bling-bling au Fouquet’s, mais tchin-tchin au Café de la Mairie.
François Fillon a été suffisamment bon communicateur pour cultiver son image d’austère provincial, aisé mais ne faisant montre d’aucune ostentation, ce qui lui a permis de fédérer autour de lui cette droite des terroirs que Jacques Chirac savait admirablement flatter. Pour l’instant, il va mettre ces atouts au service de l’actuel président. Que Sarkozy l’emporte ou perde en 2012, il est gagnant : soit comme chef naturel de l’opposition, soit comme potentiel successeur. On me permettra de ne pas miser sur Jean-François Copé, dont l’activisme intense et l’ambition insolemment affichée fait penser au Sarkozy de 2002. Pour ça, la France a déjà donné.

Comme on s’est aperçu, à l’Elysée qu’on ne pouvait pas gagner en 2012 en faisant du Sarkozy 2007, on a mis en place un dispositif susceptible de faire revenir à lui ces couches sociales qui avaient tendance à s’abstenir, voir à lorgner vers un FN relooké par Marine. Alors, on va dorloter les médecins (Xavier Bertrand), câliner les artisans, chauffeurs de taxis et cabaretiers de toutes tailles et spécialités pour lesquels le pitbull Frédéric Lefebvre est prié de se muer en coach bienveillant. On ne bougera rien qui puisse faire le moindre bobo à l’âme et au portefeuille de ces catégories.

Pour faire du Chirac, c’est-à-dire du clientélisme forcené dans un immobilisme imperturbable, rien ne vaut des chiraquiens bien implantés dans leur coin comme les Juppé, Baroin et Alliot-Marie

À propos, une nouvelle importante n’a pas été, à mon sens suffisamment mise en valeur dans nos gazettes : Bernadette Chirac, 77 ans, sera à nouveau candidate en mars 2011 au poste de conseillère générale du canton de Corrèze, situé dans le département du même nom. Etonnant, non ?

Marine chez Narcisse

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Photo : staffpresi_esj
Photo : staffpresi_esj

Dimanche, en attendant l’annonce du nouveau gouvernement, je suis tombé sur Paris Première sur une nouvelle émission « politique » qui entend dépoussiérer les règles du genre. « Mon beau miroir », présentée par le très branché Xavier de Moulins, ex-animateur mondain de Paris Dernière. En tête de gondole, Marine Le Pen. A priori, rien de tel pour ne pas s’ennuyer !
Car comme son nom l’indique, cette tragi-comédie décline son concept narcissique en quatre actes.

1er round : le portrait chinois

En première partie, Xavier de Moulins installe son invitée devant une glace sans tain qui leur permet d‘observer et d’écouter les personnes présentes de l’autre côté du miroir sans être vue ni entendue d’elles. Huit citoyens lambda dûment choisis pour jauger et juger la vedette du jour. À leurs côtés, Yves Bardon d’IPSOS joue au médiateur décontracté, croyant sans doute que son look de play-boy gominé mettra à l’aise ses huit interlocuteurs pétris de trac.

En guise d’amuse-bouche, Bardon demande aux huit membres du panel à quoi ils associent Marine Le Pen. À quels films ? Titanic, Asterix, La Traversée de Paris répondent-ils sans broncher. A quel animal ? Une panthère, une louve, un félin.

En face, Xavier de Moulins interroge une Marine tout sourire qui se définit comme « lucide, courageuse » et mue par un inaltérable « amour de la France ». La mèche grisonnante, Moulins tranche néanmoins avec l’attitude de ses aînés. Nul traitement d’exception ni once d’agressivité. Il fait son travail dans les règles de l’art, traitant l’intervenante comme ce qu’elle est : la représentante d’un parti démocratique et légal, fût-il honni par la quasi-totalité des médias. Devant pareil accueil, Marine ne peut se départir de son sourire. Si elle rassure les vieux grognards du lepénisme en s’identifiant à Jeanne d’Arc, elle prend bien soin de se démarquer de son père, quitte à prendre des accents volontairement sarkozyens. « Je peux être assez imprévisible » ou « même parfois aller trop vite » confesse-t-elle avec volontarisme. Devant le portrait chinois esquissé par le panel, Marine Le Pen s’amuse et enchérit : oui, il lui arrive de griffer lorsqu’on l’attaque !

2e round : l’exhibition biographique

La deuxième partie de l’émission s’avère moins inoffensive. Toujours bâtie sur le principe d’un dialogue unilatéral avec le panel, elle confronte les topoï des sondés au story-telling de l’invitée. Questionnés sur la vie de Marine Le Pen, lesdits citoyens imaginent la biographie d’une petite fille modèle apprenant le latin à six ans (sic !), ostracisée par ses petits camarades à cause des jeux de mots malodorants du papa. Ils s’appesantissent sur les quinze ans d’absence de la mère, la relation filiale au père et l’héritage politique qu’il lui a légué. Xavier de Moulins, lui, oublie soudain le caractère politique du programme pour épouser le costume d’un Ardisson. Questions inquisitrices et délibérément intrusives, pour le plus grand plaisir du téléspectateur avide de détails scabreux. Premier baiser à quel âge ? « Quinze ans », il s’appelait « Nicolas », avant sa « première grande histoire à dix-neuf ans » confie l’invitée, pas une seconde décontenancée par l’impudeur de son intervieweur. Un peu plus et l’on aurait sombré dans le bon vieux « Est-ce que sucer c’est tromper ? » qui fit les grandes heures d’un homme en noir jadis taulier de la télévision publique. Marine se prend au jeu, évoquant le départ de sa mère, ses relations ambivalentes avec Jean-Marie mais aussi le statut à part du Front National dans le Paysage Audiovisuel Français. « Je suis en permanence attaquée, obligée de me justifier » persifle-t-elle en réponse aux interpellations de Moulins qui, revenant sur les propos controversés du père, oblige sa progéniture à se démarquer des errances lepénistes. De « l’inégalité des races » à la « boulette du point de détail » – comme l’appelle complaisamment une grande partie du panel- la prise de distance est nette mais malaisée. Quelques précisions supplémentaires des citoyens sondés en direct complètent le portrait quasi-enamouré de l’héritière : « coquette », « épanouie », « séduisante ». N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Marine se paie même le luxe de marcher sur les plates-bandes de la démagogie féministe. En réponse à Moulins mentionnant avec élégance les onze kilos perdus en cinq ans, elle assène : « Je ne suis pas qu’une femme politique, je suis aussi une maman ». Ségolène, sors de ce corps !

3e round : les convictions cosmétiques

Vient ensuite la question qui tue. « Marine Le Pen, ses idées, pour ou contre ? » demande l’enquêteur IPSOS au panel. Silence de mort. À l’air contrit de certains, on se dit qu’ils auraient préféré témoigner à visage couvert pour mieux exprimer le fond de leur pensée. Mais qu’on ne s’y trompe pas : à aucun moment, Moulin comme Bardon n’effleurent le moindre contenu programmatique du projet de Marine Le Pen. À peu de choses près, tout n’est qu’image, apparence, style et volupté. C’est tout juste si le sondeur au look d’acteur porno sur le retour interroge les huit péquins du public sur la peine de mort, l’avortement, le bio, l’euro ou l’entrée de la Turquie dans l’UE. Euro mis à part, le choix des questions traduit le biais bobo-sociétal de Paris Première. Pas question de mentionner le gros des préoccupations économiques et sociales : sur la chaîne de la mode et du glamour, cela ferait désordre !

Surgit soudain un journaliste « politique » à l’AOC contrôlée, Guillaume Tabard des Echos. On s’attend alors à un entretien plus solennel voire rébarbatif, type Grand Jury ou feu L’heure de vérité. Que nenni, Tabard réprime son talent et s’en tient au cahier des charges de l’émission. Son unique mission : juger la prestation médiatique de l’invitée. S’acquittant de sa tâche ingrate, il souligne avec justesse le décalage persistant entre l’image lénifiante de la femme politique Marine Le Pen et le parfum de soufre qui continue à poursuivre les idées héritées de son père.

4e round : épilogue

Au terme de l’émission, la barrière s’ouvre. Marine Le Pen a enfin sous les yeux le panel de huit personnes qu’elle a écoutées près d’une heure durant. La rencontre est brève, l’échange inexistant. La probable future présidente du FN lâche à dessein: « la politique s’incarne » comme pour mieux mettre en valeur son charisme ravageur. La régie déroule le générique de fin.

… et frustration

Et là, c’est le drame. Une impression de malaise saisit le téléspectateur. Non pas à cause du choix de l’invitée. Ni de l’attitude de l’animateur, Xavier de Moulins s’étant astreint à une sobriété sans failles, on peut difficilement le lui en faire grief.

Non, c’est plutôt la nature exacte de l’émission qui pose question. D’emblée, Moulins la présentait comme « politique ». Lorsqu’aucune question de fond n’a été un tant soit peu abordée, cela laisse un goût de frustration dans la bouche. La politique L’oréal incarnée par le tout-communication n’épuise pas (encore) l’actualité politique.

Personnellement, j’aurais aimé voir l’aisance et le talent journalistique de Xavier de Moulins au service d’une entrevue courtoise mais sans concessions. Qu’il s’agisse de Marine Le Pen ou d’un(e) autre. En l’occurrence, l’animateur n’aurait pas usurpé son titre en interrogeant l’invitée sur ses contradictions. En lui demandant comment elle conciliait l’inconciliable : une rhétorique laïciste avec le voisinage des intégristes cathos (certes majoritairement acquis à son rival Gollnisch), un antifiscalisme poujadiste avec la défense de l’Etat-Providence, ou bien encore un républicanisme d’affichage qui cadre mal avec sa conception essentiellement ethnique de la Nation.

Hélas, malgré la bonne volonté de Moulins, l’émission rivalise avec le confort irénique du divan rouge de Michel Drucker, à la nuance près que l’animateur de Vivement Dimanche ne prétend à aucun quartier de noblesse journalistique.

Frustré et marri, le spectateur féru de politique se désole du numéro de claquettes qui vient de lui être servi. Il se dit que les concepteurs de l’émission ont parfaitement compris le monde postmoderne qu’on nous fabrique, qu’ILS nous fabriquent. Un monde où la politique-spectacle se confond avec la politique, au grand dam des idées.
Dommage, cela avait pourtant bien commencé…

Ministre cht’i, minsistre parti

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Le rattachisme, qui demande à la France d’intégrer la Wallonie, voire Bruxelles, risque de s’étendre bientôt au département du Nord. À cette petite différence que c’est le Nord qui va demander à être rattaché à la Belgique, étant donné le sort fait à ses ressortissants au gouvernement.

En effet, le dernier remaniement a vu les ministres et sous-ministres venant du vieux département industriel disparaître de la liste finale lue par Claude Guéant. Et, au premier chef, Jean-Louis Borloo, ancien maire de Valenciennes. S’il n’est pas, stricto sensu, un Nordiste, sa réussite sur le Valenciennois, que même ses adversaires sont bien obligés de reconnaître, en a fait un enfant du pays. Mais ce n’est pas tout : Valérie Létard, secrétaire d’État à l’Écologie, première adjointe de Borloo, qui n’avait pas démérité lors de régionales où le problème pour l’UMP n’était pas de gagner contre la gauche, mais de ne pas se retrouver derrière le Front national de Marine Le Pen, a elle aussi été priée de dégager. On n’oubliera pas, également, Marc-Philippe Daubresse, maire de Lambersart, banlieue chic de Lille, qui a perdu dans ce remaniement son ministère du Logement et des Solidarités actives.

Quand on sait qu’être de droite dans le Nord-Pas de Calais, c’est comme être communiste à Neuilly-sur-Seine, on se dit que Messieurs Sarkozy et Fillon ont eu bien peu de reconnaissance pour ces missionnaires en terre rouge. À moins qu’ils ne considèrent que, de toute façon, il est inutile de donner des gages puisqu’ils ne seront jamais bienvenus chez les Chti’s.

Chrétiens d’Irak : merci, monsieur Kouchner !

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Ce n’est pas ma coutume, surtout en des temps sombres de corriger l’un de mes coreligionnaires, d’autant que je n’y ai aucune légitimité particulière. Mais puisqu’il me semble que M. Gueydier, que je ne connais pas du tout, a ajouté dans son article aux contresens factuels des injustices relatives aux personnes, je ne peux résister au désir de professer mon humble opinion sur un sujet qui fait plus que nous intéresser ici – qui nous meurtrit.

Les chrétiens d’Irak m’apparaissent en effet immensément touchants dans la situation qui leur est faite aujourd’hui pour au moins trois raisons : la première, strictement personnelle que j’avoue seulement afin que l’on sache d’où je parle, est qu’ils sont chrétiens ; la seconde, plus objectivement intéressante quoique assez banale de nos jours, est qu’ils sont victimes ; la troisième enfin, c’est qu’on ne leur a reconnu cet honneur que très tardivement, c’est ce que note avec justesse M. Gueydier.

Mais où ce monsieur commet un grave impair, c’est lorsqu’il accuse Bernard Kouchner de s’être désintéressé de leur sort, et d’avoir persisté jusqu’à la récente suspension de ses fonctions de Ministre des Affaires Etrangères dans cette voie fausse. Si mes souvenirs sont bons (et autant vous dire que j’ai pris soin de vérifier leur bonté), le Docteur Kouchner – dont l’on ne peut par ailleurs me soupçonner de partager l’éthique générale et la manière – a été le premier politique de son niveau, c’est-à-dire placé à la tête du Quai, à s’être publiquement soucié des brimades dont ces chrétiens étaient les cibles depuis la chute du Raïs de sinistre mémoire, et, plus important, à avoir déployé les moyens adéquats pour les soulager dans leur détresse. En l’occurrence à avoir pris des dispositions pour en accueillir quelques-uns sur le territoire national. Ceci est d’autant plus remarquable que M. Kouchner, on s’en souvient, avait été un fier soutien du Président américain George W. Bush dans sa guerre d’Irak. Donc le complice, sans doute inconscient, du désordre politique qui a laissé sans défense face au chaos notamment la minorité chrétienne.

Son empathie à leur égard se prouve facilement : dès août 2007, soit deux mois après sa prise de fonction, le ministre rencontre à Bagdad le patriarche irakien Emmanuel III Delly, pour annoncer le 10 décembre sa « ferme intention de mettre en place un plan d’accueil des ressortissants irakiens de confession chrétienne » et de faciliter leur installation en France. Sa décision restera en partie lettre morte, parce qu’elle sera contrecarrée par d’autres forces au sein du gouvernement, notamment par Brice Hortefeux élaborant au ministère de l’Intérieur sa nouvelle politique d’immigration.

Le 19 mars 2008, néanmoins, Kouchner revient à la charge : « Nous allons, j’espère, déclare-t-il au micro de RMC, en accueillir près de 500 dans les semaines qui viennent, et on verra après », se justifiant ainsi : « Nous ne refuserons pas d’accueillir des musulmans, mais le problème, c’est que personne n’accueillait les chrétiens ». Il répond ainsi à l’avance aux critiques que l’on a vu surgir ces jours-ci sur le « choix des victimes » qu’opèrerait la France parmi les Irakiens maltraités. On a en effet du mal à imaginer l’Iran ou l’Arabie saoudite ouvrir grande leur porte à des réfugiés irakiens chrétiens dans la situation actuelle. C’est en ceci que la France, comme les autres pays occidentaux, peut se sentir un devoir d’accueillir ces populations dont personne ailleurs ne voudrait. Pour ceci d’abord que nous sommes, dit-on, une nation multiculturelle, et aussi, avouons-le honteusement, pour ce nous avons eu durant vingt petits siècles quelque chose à voir de près avec le christianisme.

Osons un autre parallèle – qui n’est bien entendu pas une comparaison stricte dans les termes, mais une simple analogie : qui pourrait s’émouvoir qu’à l’époque du régime hitlérien, les Juifs aient choisi d’émigrer davantage vers la France, avant qu’elle tombe devant l’armée allemande, vers l’Angleterre ou les Etats-Unis, plutôt que vers la Pologne, la Russie et l’Europe centrale où ils pressentaient étrangement qu’ils ne seraient pas si bien traités que cela ? Les autres pays musulmans du coin – fors la Turquie, qui sert volontiers de plaque tournante à l’évasion des Chaldéens – quand bien même leurs dirigeants font montre de tolérance, demeurent trop perméables au terrorisme islamiste pour que les chrétiens s’y sentent réellement en sécurité. On lira là-dessus avec profit l’incroyable histoire de Joseph Fadelle[1. Le Prix à payer, Joseph Fadelle, L’Oeuvre], descendant chiite de Mahomet converti au catholicisme qui, après avoir subi la torture dans les geôles saddamiques, fut rattrapé par ses propres frères en Jordanie où ils tentèrent de le flinguer pour punir son apostasie.

Pour en revenir à l’article de M. Gueydier, il y erre une seconde fois quand il introduit dans le débat des termes incongrus tels que « nettoyage ethnique ». Outre le fait qu’en droit international, cette qualification est strictement réservée, elle n’a rien à faire ici, où l’on parle d’Irakiens chrétiens, c’est-à-dire, rappelons-le encore une fois, d’Arabes. Loin d’être les descendants de quelques colons que ce soit, ces chrétiens sont présents sur cette terre depuis le commencement de notre ère et il y a tout lieu de croire qu’ils ont subi ethniquement, comme on dit, les mêmes croisements que leurs compatriotes, partie mésopotamiens, partie arabes. Il y a ainsi une homogénéité absolue sur ce plan-là et seule la foi les différencie. Il n’y a donc aucune nécessité, pour s’émouvoir des persécutions qu’ils subissent, de recourir aux grands mots habituels de l’Occident contemporain. Le simple terme de persécution religieuse devrait suffire, et je m’étonne que M. Gueydier, qui par ailleurs plaide pour la reconnaissance des religions sur la place publique, ait besoin de recourir à tel stratagème.

Quant au terme de martyr, si galvaudé aujourd’hui, qui désigne pour le chrétien celui qui a témoigné de sa foi jusqu’à la mort, il n’y a aucune espèce de nécessité de réclamer à un Etat qui comme la France se veut neutre sur le plan religieux de le reconnaître ou de l’employer.
Si en tant que citoyen français l’on peut exiger quelque chose de son pays aujourd’hui, ce serait qu’il plaide par les moyens diplomatiquement adéquats la tolérance auprès du gouvernement irakien ; qu’il l’aide, si celui-ci est faible, à rétablir un ordre minimal ; qu’il lutte de manière intelligente et productive contre les forces terroristes qui ravagent cette partie du monde ; qu’il continue par ailleurs d’accueillir les individus ou les familles qui fuient cette anarchie et qu’il prenne les dispositions nécessaires pour les installer décemment sur le territoire français, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Kouchner dépose les armes

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Et Bernard Kouchner s’en est allé sans avoir fait la guerre. Sans avoir eu « sa » guerre. Quelle déception ! Rappelons-nous son arrivée au quai d’Orsay. Interrogé par France 3 sur la situation en Iran, il déclarait haletant et les joues empourprées qu’il fallait envisager les mesures de rétorsion les plus dures et « se préparer à la guerre, bien sûr ». Nicolas Sarkozy ne l’a pas suivi sur cette voie. Quel dommage pour lui. Quel dommage pour le droit d’ingérence.

Car enfin, il en rêvait. Tous les néo-conservateurs américains, issus de l’extrême gauche comme lui, ont pourtant eu droit à leur guerre. Les Kristol et autres Wolfowitz ont théorisé comme lui le droit à l’ingérence et ils ont pu le mettre en pratique en Irak. Et lui qui a tant fait pour le néo-conservatisme à la française, rien, nada !… Kouchner avait bien adhéré au programme bushien de la guerre en Irak, mais ce n’était pas sa guerre ; il sentait qu’il n’était pas suivi par l’opinion, alors il n’a pas insisté. Avec l’Iran, il tenait enfin un prétexte et un beau. Car enfin, qui allait défendre en France le régime des mollahs ? Et puis non, rien.
Pas la moindre petite escarmouche. Pas le moindre dépôt fictif de WMD (armes de destruction massive) qui aurait permis à Kouchner de jouer les Powell à l’ONU. Pas la moindre sortie de nos Rafales « Nato-compatibles », pas le plus petit bombardement chirurgical, pas le moindre conseil d’état-major interallié qui aurait tant fait vibrer notre « french doctor ». Et Kouchner n’a pas pu ressortir sa saharienne ni ses rangers en nubuck pour une tournée de soutien aux petits gars de la Légion… Comme il doit en vouloir à Sarkozy !

La paix éclate et la flamme du néo-conservatisme s’éteint en France. Bernard Kouchner doit se sentir bien seul aujourd’hui. Entourons-le de toute notre affection.

Résister au « buonisme »

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Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.
Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.
Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.
Coup d'État des 18-19 brumaire an VIII. François Bouchot, Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799.

Quel est le point commun entre Eric Woerth et Eva Joly ? Réponse : l’hémiplégie. Lorsque la France connaît un accès de fièvre, ils accusent le thermomètre. Woerth nie l’ampleur de la grogne sociale en l’attribuant à une minorité de syndicalistes agités. Quant à Méluche, il élude des questions aussi incontournables que le néo-communautarisme, la dérive pédagogiste de l’Ecole ou la mainmise des bandes sur des quartiers entiers en les ramenant à de vulgaires histoires de gros sous. Ce regrettable aveuglement porte un nom : le buonisme.

Raffaele Simone[1. Le Monstre doux. L’Occident vire-t-il à droite ? Le Débat, Gallimard, 2010.] définit cette dérive libertaire, particulièrement prégnante à gauche, comme « une attitude d’acceptation débonnaire de tout ce qui arrive [qui] soutient que, dans le monde des hommes, rien n’est vraiment dangereux et tordu [et] abomine l’idée même de répression, de fermeté, d’action radicale ». Cette croyance entraîne chez ses pratiquants la « disparition du culte de la fermeté et aussi de la radicalité des décisions ».

Examinons les tables de la loi buonistes.[access capability= »lire_inedits »]

Premier dogme : le réel tu abhorreras.

Pour complaire aux illuminés de l’angélisme, il faut sans cesse réécrire le passé et le présent. Comme dans 1984 d’Orwell, il s’agit de les faire correspondre avec les cadres de l’idéologie dominante. Ainsi, la traite négrière fut le seul fait des Européens et Guy Môquet un résistant (alors qu’il finit en avocat martyr du pacte germano-soviétique !). Au premier qui dit la vérité, l’opprobre est assurée. Pétré-Grenouilleau et Zemmour vous le confirmeront.

Au risque de nier la réalité des faits, l’ange buoniste idéalise les figures des marginaux et des exclus, exaltant l’irrévérence de salon. Il suffit de lire la dernière page de Libé, cette ode quotidienne aux rebellocrates, pour le constater : le réel est populiste. Oublions-le et revenons à l’Homme, le vrai, coulant d’humanitarisme sirupeux !

Deuxième dogme : ton prochain tu idéaliseras.

Il n’y a d’homme que bon. Ainsi pensent ceux qui ont lu mais pas compris Rousseau.

La fleur au fusil (à eau), la gauche sociétale exclut toute idée de rigueur morale prompte à désaliéner l’individu. Comme chez Mao, on condamne le déviationnisme réac. Dans le rôle du coupable parfait, il y avait jadis Georges Marchais, qui déclarait en pleine campagne présidentielle : « Nous posons les problèmes de l’immigration […] Pour la jeunesse, je choisis, moi : oui, je choisis l’étude, le sport, la lutte, et non la drogue ! »

Oui, vous avez bien lu. Aujourd’hui, cette lucidité sur la nocivité des psychotropes lui vaudrait un procès en rouge-brunisme dans lequel il serait accusé de surfer sur les thématiques du Front national. Pourtant, l’ADN de la gauche ne consistait pas à ignorer les préoccupations populaires mais à y répondre par des changements radicaux de structures. On peut penser ce qu’on veut de l’autogestion ou des nationalisations. Il n’empêche : à l’époque, la substantifique moelle du clivage droite/gauche paraissait moins obscure.

Troisième dogme : l’autorité tu abjureras.

La déesse Ouverture serait la solution miracle à tous nos maux ! Dans un irénisme niais, nos amis buonistes supposent l’existence d’une Main invisible apte à réguler tous les conflits. Contrer l’influence des narcotrafiquants en légalisant le cannabis (Europe écologie ©) et anéantir l’exploitation négrière des sans-papiers en les régularisant intégralement (Front de gauche ©, Europe Ecologie © et, plus logiquement, Alain Madelin ©) assureraient le salut de l’humanité.

Plus globalement, les fatwas buonistes entendent détruire les rares obstacles institutionnels qui font encore écran entre l’homo consumans et le marché. N’oublions pas que, depuis 1983, l’idéologie du désir constitue l’horizon de substitution de cette nouvelle gauche oublieuse des rapports de classe. Ayant l’euromondialiste Cohn-Bendit comme parangon, celle-ci communie dans un catéchisme libertaire qui donnerait des boutons aux (vrais) socialistes. De Proudhon à Baudrillard en passant par Sorel, la tradition socialiste française s’est toujours méfiée de l’idéologie du progrès, a fortiori depuis qu’elle a muté en bougisme néolibéral (©Taguieff). Pas besoin d’être Jérémie pour comprendre qu’aller dans le sens du vent et subvertir toutes les valeurs établies favorisent l’expansion du capital.

Jour J de la révolution : détruire les idoles.

Aux yeux des adeptes de la mondialisation heureuse, le consumérisme ne peut être que libérateur. Pour qui a déjà visité un appartement ouvrier équipé d’une TV plasma dernier cri, le doute est permis.

Si la France décidait, un jour, de se doter d’un gouvernement économiquement responsable qui rétablirait les protections douanières aux frontières pour mieux protéger son industrie, une mini-révolution culturelle s’imposerait[2. Au sens originel du terme, c’est-à-dire non maoïste (que les bonnes âmes se rassurent !). ]. Pour peu que l’on rapatrie une bonne partie de l’industrie en France, les citoyens responsables devraient prendre conscience de la valeur d’usage des objets. Revenir à des choses simples, qui avaient l’allure d’évidences dans des temps pas si lointains. Non, on ne doit pas forcément changer de portable tous les ans. Non, le progrès par la croissance ne se fera pas à grands coups d’usine de boulons sans débouchés industriels ou à force de packaging inutile. Corrigé par le populisme, c’est à ces problématiques que doit nous amener le stérile débat croissance/décroissance, trop souvent ramené à une querelle de fétiches.

J + 1 : chasser les marchands du temple.

Comme il existe un bon cholestérol, subsiste un populisme sain. Qui, comme nous le rappelle Alain de Benoist, consiste à faire remonter les demandes du peuple sans parler en son nom. La démocratie directe, honnie des oligarchies financières, échappe au contrôle de la représentation. C’est bien le problème : le peuple pense mal ! Anticonformiste par nature, il rejette le mimétisme idéologique des gouvernants pour lui préférer l’expression brute de son désespoir. Faute de débouché politique cohérent, ce mouvement d’indignation collective restera au stade de l’aboiement. Il y a tout à craindre d’un dialogue de sourds entre une protestation creuse et un élan protestataire qui ne trouverait comme interlocuteur qu’une gauche de jouisseurs consuméristes vautrés dans la fange sociale-démocrate.

Rompant avec les intérêts de classe de la bourgeoisie, la gauche devrait tuer son surmoi libéral. On ne change pas la vie contre le peuple. C’est en substance ce que le socialiste républicain Georges Sarre rappelait, le 14 juillet, en chantant la Marseillaise devant l’Hôtel de Ville de Paris, appelant à renvoyer « dans ses cordes […] cette part de la gauche, qui n’en a que le nom, et qui ne supporte pas la nation citoyenne, alors qu’elle est le dernier rempart contre la mondialisation et l’Europe libérales et leur cortège d’inégalités, de régressions, et d’anomie dans la société ».

Plût au peuple qu’il soit entendu ! [/access]

Pour une décroissance des Verts

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Photo : philipperouget

Cet après-midi, j’ai lu ça sur Facebook : « Comment sortir l’union des Verts et d’Europe Ecologie de l’actualité ? Annoncer un remaniement…» Ne riez pas. Les adhérents d’EE, même s’ils sont mes amis, n’ont en général pas d’humour. D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas une condition pour adhérer à leur mouvement. Tout comme il faut, semble-t-il, aimer les douches rapides à l’eau froide, les toilettes sèches, ou les biscuits bio au chocolat équitable si on est gourmand. Mais il va falloir arrêter.

Cet aimable folklore écolo aurait donc trouvé naturellement ce week-end sa traduction politique en machine de guerre à faire péter les scores à la présidentielle de 2012, en fusionnant les Verts et Europe Ecologie dans un chouette jamboree festif et équitable. Réunion qui aurait effacé les bouderies entre leur père à tous, Daniel Cohn-Bendit, la petite fille qui trépigne Cécile Duflot, et la grand-mère tape-dur, qui se voit déjà candidate, Eva Joly. Ne me demandez pas pourquoi il y avait des tensions à l’idée de fusionner tout ce beau monde qui, naturellement, ne pense pas pareil, ni n’est d’accord sur rien, je n’en sais que dalle. Histoires de personnes, de chapelles, de stratégie électorale. Querelles d’Allemands aussi pour savoir s’il vaut mieux promouvoir une écologie de la décroissance ou une économie de la sobriété.

« L’écologie, c’est le contraire du populisme. ». Nous y voilà.

Tout ce que j’ai vu, c’est des écolos enthousiastes quand Nicolas Hulot (celui qui faisait reverdir Nicolas Sarkozy) est monté sur scène pour saluer leur nouveau mouvement, sans pour autant annoncer son ralliement. J’ai vu aussi des écolos trépignant de joie quand Daniel Cohn-Bendit leur a annoncé que « l’écologie, c’est le contraire du populisme. » Nous y voilà. L’écologie c’est le contraire du populisme. L’écologie, quand c’est au niveau local, on essaie de te faire rêver avec des menus bios pour les gosses à la cantine ou plus d’espaces verts ou de logements sociaux HQE pour tous.

Quand on arrive en division 1, là c’est pain sec et eau tiède (pas trop, faudrait pas assécher les nappes phréatiques quand même) pour tous. La preuve c’est qu’Eva Joly, la juge intransigeante mais qui n’a jamais vraiment mené à bien une enquête, est d’ores et déjà présentée comme la candidate officielle de ce nouveau chouette rassemblement. Et que promet-elle : une « sobriété joyeuse », une rigueur budgétaire terrible, la justice implacable, la fin des conflits d’intérêts et un Etat-providence au régime sec. Tout pour rêver disons-le. Les écolos ont exigé de sa part un mea culpa en bonne et due forme concernant ses dernières déclarations. Qui ne reflétaient que son état d’esprit et pas la plateforme programmatique des Verts-Europe Ecologie. Fichtre ! À côté les bisbilles du PS concernant « l’égalité réelle » c’est de la petite bière (au houblon sans OGM).

Les Verts-EE ne sont donc pas populistes, ils sont stals. Et de la pire espèce. Ils sont catastrophistes. Ils sont décroissants. Ils sont tristes. Et même si je trie mes déchets, roule en vélo (heureuse bobo que je suis) et ne porte guère de crédit aux élucubrations de Claude Allègre, je ne voterai pas pour eux. Et je serais un travailleur honnête, je ferais pareil. Ils ne font pas de politique, ils font peur. Ne se pensent qu’en terme de force de nuisance (combien de sièges on peut piquer au PS à l’Assemblée, au Conseil Régional, ou n’importe où ailleurs). Et nous promettent des lendemains repeints couleur coulée de boue ou tempête tropicale.

La politique, ce n’est pas ça. Je ne parle même pas d’une campagne électorale. Alors, rassemblés ou pas, arrivés à l’âge de raison politique ou non, en dynamique ou sur le déclin, j’espère juste que la grand-messe de rassemblement entre les Verts et EE siffle la fin de la récré. Qu’on va enfin se rendre compte que les Verts-EE ne méritent pas tant de temps de parole, ni de crédit médiatico-politique. Les Verts ne font pas de politique. EE, qui était un mouvement si j’ai bien suivi et refusait l’étiquette de parti, ne fait pas de politique. Moyennant quoi, de nombreux militants socialistes et même parfois communistes, déçus de ne pas avoir les places qu’ils estimaient mériter, ont rejoint les rangs de ces deux groupes pour espérer se faire élire localement. Quand on pose sur de telles bases sa croissance, son audience et ses futurs succès électoraux, ça fout les jetons. Je dois être bien naïve notez…

Alors que les Verts et EE retournent s’occuper des problèmes locaux, fassent des manifs contre les autoroutes ou les tracés TGV, ce qu’ils font semble-t-il très bien. Mais vu les temps qui s’annoncent, j’aimerais autant qu’on laisse la politique à des gens aussi peu sérieux qu’eux, mais je l’espère moins dangereux. Et qui eux, ne vont pas m’obliger à abandonner ma baignoire ou ne me culpabiliseront pas dès que je laisse la lumière dans le couloir alors que je suis au salon. J’aime bien l’idée de prendre un bain chaud quand la tempête gronde dehors…

Florent Pagny, chanteur dégagé

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Florent Pagny ne veut pas que ses enfants « parlent rebeu ». Il vient donc de rejoindre la longue cohorte des pénitents sommés de faire amende honorable devant le tribunal de la pensée correcte pour avoir dit un mot de travers ou entendu comme tel. Ses excuses avaient été exigées par le Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, qui après un atroce suspense a consenti à les accepter. Selon la formule devenue rituelle, le chanteur est donc désolé s’il a pu peiner ou blesser des gens. La coïncidence avec des formules entendues mille fois n’est nullement fortuite.

Pour le chanteur, cette autocritique était sans doute le seul moyen de ne pas être affublé à vie de l’infamante étiquette de raciste – et, accessoirement de ne pas plomber la promo de son nouvel album. Qu’il ait accepté de la faire n’en est pas moins affligeant. Comme l’observe David Abiker, il a raté une occasion de défendre sa « liberté de penser ». (Pour ceux qui l’ignoraient comme moi il y a deux jours, c’est le titre d’une de ses chansons). Dommage, dans un premier temps, il s’était montré un peu plus combatif, envoyant gentiment balader les petits inquisiteurs du « Grand Journal » de Canal + : « J’ai fait une réflexion un peu bête apparemment, a-t-il reconnu sous le regard outré d’Ali Badou tandis que l’aimable Ariane Massenet tentait de l’amener au repentir préalable à la rédemption. J’ai employé le mot ‘reubeu’ mais ce n’est pas péjoratif, j’ai des potes reubeu, des potes feuj… Le dérapage, il est maintenant parce que c’est en train de partir en vrille ». Cette dernière remarque témoignait au moins, sinon de la profondeur de sa réflexion, d’un certain bon sens.

Si d’aucuns en doutaient, cet épisode montre que désormais, outre chacun d’entre nous, c’est le langage lui-même qui est en liberté surveillée.

Comme l’ami Mandon, je trouve qu’il n’est pas très glorieux d’aller payer ses impôts aux Etats-Unis quand on gagne sa vie grâce au public français. Mais les raisons exposées par Pagny sur Chérie FM, ont plutôt éveillé mon indulgence. Interrogé sur son exil, le chanteur a en effet expliqué qu’il en avait marre d’entendre son fils « parler rebeu ». Bon d’accord, il n’aurait pas dû dire rebeu mais « zyva » ou, s’il s’exprimait lui-même dans le langage châtié qu’il aimerait entendre dans la bouche de ses enfants, « l’argot des cités ». En attendant, tout le monde a compris que cette expression ne visait en rien l’appartenance raciale. Sauf que les professionnels de l’antiracisme ne veulent pas comprendre – on sait bien où ça mène, de comprendre – ils veulent leur raciste de la semaine. Ce qui leur a permis de ne pas entendre la suite, pourtant fort intéressante, des propos de Pagny : « Il y a aussi cette histoire de peur et d’ambiance un peu bizarre où finalement les mômes ils se raccrochent à des codes pour être sûrs de ne pas être emmerdés. » Apparemment, Pagny n’est pas sensible aux charmes du multiculturalisme. Pour Patrick Lozès, le président du CRAN, le crime était constitué : « Voilà que les chanteurs engagés se mettent à parler comme le Front national », s’est-il désolé.

L’ennui, c’est que la plupart de gens partagent le point de vue de Florent Pagny. À commencer par les parents de toutes origines qui vivent dans les « quartiers populaires », terme convenable pour désigner les cités, et qui découvrent un jour que le chérubin qui la veille faisait du coloriage parle comme un charretier et, plus largement, adopte les codes culturels dominants de son entourage. Or, tous les parents de France veulent que leur enfant apprenne le français avant le langage de la rue, tout simplement parce que, comme le note David Abiker « c’est la langue qui dans leur pays, une fois correctement parlée, écrite et lue leur permettra de s’exprimer, de trouver du travail et…justement de savoir apprécier l’argot et « le rebeu ». Qu’il s’agisse de celui de Michel Audiard ou de l’argot des cités. » En somme, avant de faire danser la langue, il faut être capable de la prendre dans ses bras. Si penser ça, c’est mal, il va falloir que le « Grand Journal » organise des olympiades de la repentance.

À s’exciter sur les mots, on perd le sens des choses. Si la remarque de Florent Pagny relève du racisme, nombre de nos concitoyens qui en disent et en entendent bien d’autres, finiront par penser que le racisme, ce n’est pas si grave que ça. Et les antiracistes auront de vrais racistes à se mettre sous la dent. D’ailleurs, c’est ce qu’ils cherchent.

American graffiti

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La nouvelle n’a pas fait couler beaucoup d’encre: on apprend aujourd’hui par un communiqué de la Mairie de Paris que la toile Cadillac Moon 1981, du graffiteur Jean-Michel Basquiat, n’aurait pas été « détériorée » lors de la rétrospective au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, comme annoncé la semaine dernière. Les ratures de feutre dans le coin inférieur gauche, remarquées par une restauratrice d’œuvres d’art mandatée par le musée, étaient déjà présentes avant l’exposition puisqu’on peut les voir sur une photographie prise lors de la dernière exposition du graffiti original, à la Fondation Beyeler de Bâle, en Suisse.

Nous n’aurons donc pas à supporter les frais de la restauration (rapide ?). De toute façon, ce n’est qu’un juste retour des choses. Quelques années avant de devenir le peintre maudit milliardaire posthume que l’on sait, les mêmes œuvres auraient rapporté à son auteur quelques centaines de dollars d’amende et quinze jours de prison.

La France, mauvaise élève

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Les Chinois triment, les Anglais se serrent la ceinture, les Américains sauvent la démocratie (encore qu’on nous explique maintenant qu’ils sont redevenus d’affreux réacs) et les Français battent le pavé : il paraît que ça fait rigoler la planète entière. « Regardez vos petits camarades, ils ne font pas tant d’histoires. » Cet argument de maîtresse d’école, les princes qui nous gouvernent l’ont ressassé sur tous les tons, comme à chaque fois que ce peuple dont ils ne parlent plus la langue s’énerve d’une façon qu’ils jugent irrationnelle – et qui l’est au demeurant. Sauf qu’il n’y a pas de quoi rigoler. Après tout, cette injonction à entrer dans un monde dans lequel tout le monde fera comme tout le monde n’a rien d’exaltant pour un pays qui se souvient du temps où l’Histoire s’écrivait dans sa langue parce qu’il avait quelque chose à lui dire, au monde. Comme avenir radieux, on a connu mieux que l’adaptation au réel. Certes, ça n’a pas toujours donné des résultats heureux, mais pas non plus toujours aussi désastreux qu’on le dit.[access capability= »lire_inedits »]

Notre dirlo est à Bruxelles

Alors, bien sûr, comme nous le dit la maîtresse qui appelle parfois à la rescousse le dirlo installé à Bruxelles, la « Réforme » est la seule solution raisonnable. On ne peut pas s’endetter indéfiniment, tout cela est irréfutable. Et c’est bien le problème : le beau mot de raison est devenu synonyme de banalisation et le changement est annonciateur du pire. Autrement dit, nous avons troqué l’espérance contre la crainte. Alors, je ne sais pas si nous avons trop dansé mais on comprendra que nous n’ayons pas très envie de chanter.

Autant le dire : la retraite, je n’y pense jamais, même en me brossant les dents. Et je ne crois pas à la jolie fable du peuple d’en bas uni contre l’oligarchie d’en haut que nous ont racontée les médias. L’ambiance de 2010 n’est pas l’esprit de 1995. Ce que l’on appelle mouvement social, désormais, c’est une foire d’empoigne dans laquelle chaque groupe fait prévaloir ses intérêts en fonction de sa capacité de nuisance, la conjonction de colères hétéroclites et souvent rivales dont l’ultime dénominateur commun est la peur d’un avenir sur lequel on n’a plus prise. Ce qu’on reproche aux gouvernants, ce n’est pas d’agir mais de s’être dépouillés de tout moyen d’agir sur le réel, ce n’est pas leur pouvoir exorbitant mais leur impuissance.

Travailler plus sans gagner plus ?

Alors admettons qu’il faut payer la facture et travailler plus même sans gagner plus. Mais la nécessité ne saurait être la seule loi des communautés humaines. La France est une puissance moyenne, soit. Doit-elle se résigner, par surcroît, à ne plus savoir qui elle est ?

Redéfinir cette identité est une tâche d’autant plus périlleuse que le mot et la chose ont été frappés d’interdit. Hasardons une hypothèse : le « modèle français »[1. Terme inadéquat car il suggère une forme de prosélytisme qui n’est plus de saison] n’est pas fondé sur l’état-providence – d’ailleurs inventé par les Allemands – mais sur cette modalité particulière d’accès à l’universel que l’on appelle République. Ce n’est pas la retraite à 62 ans qui le met en péril mais la faillite de l’éducation. En effet, selon le Haut Conseil à l’Intégration, l’école ne sait plus intégrer les enfants d’immigrés. Elle n’est plus l’antidote aux fractures françaises, elle en est le réceptacle et même parfois le laboratoire. Dans les établissements-ghettos où se concentrent les élèves d’origine étrangère, la salle de classe n’est plus le lieu où on se dépouille de ses appartenances particulières pour adhérer au monde commun, mais celui où on les affiche pour récuser ce monde commun. Souvent encouragés par les parents et parfois par les profs, les élèvent invoquent la religion pour refuser d’apprendre. Résultat, un nombre croissant arrive au collège sans savoir lire et écrire et a donc toutes les chances d’en sortir au même niveau. Mais ça, on ne doit pas le dire – ce serait stigmatisant. Il ne faut pas désespérer le 9-3. Sauf qu’envoyer des jeunes poursuivre une pseudo-scolarité où ils n’apprendront rien et empêcheront les autres d’apprendre, c’est les mépriser. Croit-on les enfants de nos banlieues incapables de recevoir ce trésor qu’est la langue française ? Au nom de l’égalité, on accroit les inégalités car les enfants des milieux aisés comptent peu d’illettrés dans leur classe. Mais peut-être faudrait- il, par souci démocratique, ne pas leur apprendre à lire ?

L’éducation pour tous n’est pas un colifichet. S’il est une cause qui devrait nous faire descendre dans la rue, c’est celle-là. Parce que si nous ne renonçons à former des citoyens, un jour, il n’y aura plus de Cité.[/access]

Bye bye, bling-bling!

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Photo : Ammar Abd Rabbo
Photo : Ammar Abd Rabbo

L’indécrottable provincial que je suis a fait tout son profit de la subtile analyse politique livrée ici même, à chaud, par l’ami Marc Cohen : sa longue fréquentation des hauts lieux de la politique parisienne lui permet quelques entrechats bien enlevés qui nous changent agréablement des gros sabots des commentateurs habituels. Comme lui, je ne mettrais pas un kopeck, même dévalué, sur la capacité du « centre » à se fédérer d’ici le printemps 2012.

Néanmoins, de ma campagne, on peut voir cette affaire de remaniement ministériel dans une autre perspective, celle d’un retour en force des Girondins de la droite, qui s’imposent face aux Jacobins de cette même mouvance (mes excuses au fan-club de Jules Michelet, mais je n’emprunte qu’un instant cette analogie historique pour étayer mon propos en faisant bref…)

Lorsque l’on épluche la liste des nouveaux promus, celle des entrants, celle des partants, on ne peut qu’être frappé par la prééminence prise par les « gaullistes de terrain », ceux qui labourent leur terroir avec constance sur les « vedettes » de la société politico-médiatique de la capitale du style Kouchner, Rama Yade, Fadela Amara, et même Jean-Louis Borloo[1. Jean-Louis Borloo fut jadis un maire de Valenciennes talentueux. Mais la politique locale ne l’amuse plus]. Le seul rescapé de cette escouade reste Frédéric Mitterrand dont on peut remarquer l’étonnante discrétion et la non moins surprenante gestion habile de dossiers généralement producteurs d’enquiquinements, pour ne pas dire plus : intermittents du spectacle, statut de l’Agence France Presse, mendicité chronique des cultureux. Le relatif calme qui règne dans le secteur ne va peut-être pas durer, mais changer le ministre eût peut-être réveillé les braillards habituels. À moins que Carla n’ait menacé de se barrer si on virait son copain Frédo…

Richert aux Collectivités, un signe adressé à l’Alsace

Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est la nomination de Philippe Richert comme ministre chargé des Collectivités territoriales auprès du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. Pour ceux – honte à eux !- qui ne connaissent pas Philippe Richert, précisons qu’il était jusque-là président de la région Alsace, qui est, comme chacun sait, la seule région métropolitaine tenue par la droite. La nomination de Philippe Richert est, certes, un signe adressé aux Alsaciens de droite qui appréciaient moyennement de se voir représentés en haut lieu par un ministre d’ouverture, Jean-Marie Bockel, d’ailleurs régulièrement humilié par ses petits camarades du gouvernement et de l’Elysée.

Mais c’est également une prise de conscience, par les stratèges élyséens, que la France qui gagne ne se limite pas aux patrons du CAC 40 et aux traders fous. Pays de PME, l’Alsace, comme la Haute-Savoie, est un terroir fortement ancré à droite où la prédilection de Nicolas Sarkozy pour les Bernard Arnault, François Pinault et autres Bolloré irritait passablement. Car ce sont, entre autres, ces multinationales françaises qui mettent une pression impitoyable sur ces PME, pour la plupart sous-traitantes des grands groupes en les forçant à réduire leurs marges, voire en les contraignant à délocaliser leur production vers des paradis salariaux toujours plus à l’Est. Ces gens-là, patrons petits ou moyens, sont entre l’arbre et l’écorce, en l’occurrence leurs donneurs d’ordres et leurs salariés.

Leurs élus leur ressemblent : pas bling-bling au Fouquet’s, mais tchin-tchin au Café de la Mairie.
François Fillon a été suffisamment bon communicateur pour cultiver son image d’austère provincial, aisé mais ne faisant montre d’aucune ostentation, ce qui lui a permis de fédérer autour de lui cette droite des terroirs que Jacques Chirac savait admirablement flatter. Pour l’instant, il va mettre ces atouts au service de l’actuel président. Que Sarkozy l’emporte ou perde en 2012, il est gagnant : soit comme chef naturel de l’opposition, soit comme potentiel successeur. On me permettra de ne pas miser sur Jean-François Copé, dont l’activisme intense et l’ambition insolemment affichée fait penser au Sarkozy de 2002. Pour ça, la France a déjà donné.

Comme on s’est aperçu, à l’Elysée qu’on ne pouvait pas gagner en 2012 en faisant du Sarkozy 2007, on a mis en place un dispositif susceptible de faire revenir à lui ces couches sociales qui avaient tendance à s’abstenir, voir à lorgner vers un FN relooké par Marine. Alors, on va dorloter les médecins (Xavier Bertrand), câliner les artisans, chauffeurs de taxis et cabaretiers de toutes tailles et spécialités pour lesquels le pitbull Frédéric Lefebvre est prié de se muer en coach bienveillant. On ne bougera rien qui puisse faire le moindre bobo à l’âme et au portefeuille de ces catégories.

Pour faire du Chirac, c’est-à-dire du clientélisme forcené dans un immobilisme imperturbable, rien ne vaut des chiraquiens bien implantés dans leur coin comme les Juppé, Baroin et Alliot-Marie

À propos, une nouvelle importante n’a pas été, à mon sens suffisamment mise en valeur dans nos gazettes : Bernadette Chirac, 77 ans, sera à nouveau candidate en mars 2011 au poste de conseillère générale du canton de Corrèze, situé dans le département du même nom. Etonnant, non ?