Marsactu, un site d’information continue marseillais a eu l’heureuse idée de proposer un petit quizz impromptu aux candidats des élections cantonales des 20 et 27 mars prochains pour le canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille. Deuxième au premier tour avec 22.3% des suffrages exprimés, madame Mireille Barde, candidate du Front National, s’est prêté de bonne grâce à l’exercice. Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir…
Résumons donc : madame Barde ne sait pas combien il y a de cantons à Marseille ni combien sont renouvelables, elle ne connait pas le montant du budget du conseil général en 2010 et ignore de toute manière à quoi sert un conseil général, évalue le montant du RSA à 1 150 euros par mois, ne sait pas combien de collèges ni combien d’habitants il y a dans le canton et n’a pas la moindre idée du nom des quartiers qui le composent.
De toute évidence, lors de ce premier tour, 22.3% des habitants du canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille se sont fait couillonner comme on dit chez nous.
On rappellera, à cette occasion, une vieille maxime bien de chez nous : il vaut mieux se taire et donner l’impression d’être un imbécile que de l’ouvrir et en donner la certitude.
Quand le gouvernement américain nationalise de fait Freddie Mac et Fannie Mae, le 6 septembre 2008, les deux government-sponsored enterprises (GSE)[1. Mot pour mot : « Entreprises parrainées par le gouvernement »] détiennent ou garantissent, au travers de mortgage-backed securities (MBS)[2. Les MBS sont des paquets de crédits immobiliers revendus sur les marchés financiers sous forme d’obligations], l’équivalent de 5,2 trillions de dollars, soit environ 40% du marché des crédits immobiliers américains (mortgages)[3. Les « mortgages » sont des crédits hypothécaires (la forme classique d’un prêt immobilier aux États-Unis)]. La situation de Freddie et de Fannie est si catastrophique et leur taille tellement gigantesque que le Trésor des États-Unis et la Federal Reserve doivent s’engager à rembourser jusqu’à 200 milliards de dollars à leurs créanciers, leur racheter plus de 1,3 trillion de dollars de MBS et acquérir en urgence
leurs dettes pour 132 milliards de dollars.
Toute cette histoire avait pourtant commencé avec de bonnes intentions… mais vous savez ce qu’on dit de l’enfer et des bonnes intentions.[access capability= »lire_inedits »]
Au lendemain de la Grande Dépression de 1929, Herbert Clark Hoover puis Franklin Delano Roosevelt décident de faire en sorte que le plus grand nombre possible d’Américains puissent devenir propriétaires de leur résidence principale. C’est le Federal Home Loan Bank Act de 1932 et la naissance, en 1938, de la Federal National Mortgage Association, plus connue sous le nom de « Fannie Mae ». Fannie est une agence fédérale chargée de racheter les mortgages des banques. En 1968, sous l’administration Johnson, Fannie Mae est privatisée mais garde sa mission de service public et devient officiellement une government-sponsored enterprise. Deux ans plus tard, le Congrès des États-Unis donne à Fannie un petit frère − Freddie Mac − qui recevra les mêmes missions et le même statut que sa grande sœur.
Les GSE sont donc nées d’un deal entre l’« Oncle Sam » et des actionnaires privés. La charte de Fannie et de Freddie leur impose d’acheter ou de garantir le plus grand nombre possible de mortgages − et notamment des crédits accordés à des familles à faibles revenus − en contrepartie de quoi le gouvernement fédéral accorde à ses deux poulains une série d’avantages sonnants et trébuchants. Jugez plutôt : les GSE disposent d’une ligne de financement directe auprès du Trésor ; leurs obligations ont le même statut que celles des agences fédérales ; elles ont des avantages fiscaux, une réglementation prudentielle des plus accommodantes et le gouvernement fédéral les protège de toute forme de concurrence. En conséquence, le monde entier considère que prêter à Freddie et à Fannie, c’est prêter de l’argent à l’Oncle Sam lui-même… et la suite prouvera que le monde entier avait raison. Les deux entreprises bénéficient ainsi d’un avantage notable: elles peuvent s’endetter dans des proportions absolument gigantesques à un coût qui défie toute concurrence − à peine plus élevé que celui qui est imposé au gouvernement fédéral lui-même. L’Oncle Sam y gagne car il peut désormais canaliser l’épargne américaine vers le marché immobilier sans intervenir officiellement (puisque les GSE sont officiellement des entreprises privées) et les actionnaires y gagnent… beaucoup d’argent. Wayne Passmore − l’un des directeurs associés de la recherche de la « Fed » − évalue ,dans un article publié en janvier 2005, le bénéfice de ces relations ambiguës entre les GSE et l’État fédéral à 147 millions de dollars, dont 72 millions tombent directement dans les poches des actionnaires. L’Oncle Sam sait se montrer généreux avec ceux qui le servent …
Dès 1968, Freddie et Fannie passent sous l’autorité du Department of Housing and Urban Development (HUD) qui leur fixe des objectifs chiffrés de prêts à accorder aux familles modestes. En 1992, le HUD précise et augmente ces objectifs : les GSE devront affecter au moins 30% de leurs achats à des mortgages accordés à des familles pauvres ou modestes (définies comme des familles dont les revenus sont inférieurs au revenu médian de la région dans laquelle elles vivent). Avec la réélection de Bill Clinton en 1996, cet objectif passe à 40% et le HUD impose aux GSE d’acheter au moins 12% de crédits accordés à des familles vivant avec moins de 60% du revenu médian de leur région (c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté). Dans les années qui suivent, ces objectifs seront régulièrement revus à la hausse pour atteindre 55% et 25% en 2007.
Soucieuses de préserver leurs avantages, Fannie et Freddie doivent donc racheter des mortgages accordés à des ménages modestes et pauvres. Elles se tournent donc vers les banques et, bien sûr, les banques fournissent − après tout, elles gagnent de l’argent et c’est l’Oncle Sam qui régale. Les banques se mettent donc à accorder des crédits sans trop se soucier des risques puisque Fannie et Freddie les rachètent dans la foulée et qu’elles en revendent une partie aux marchés financiers avec la garantie (implicite) de l’État. Dès cette époque, plusieurs observateurs s’en inquiètent, comme le journaliste Steven Holmes qui note, en septembre 1999 dans le New York Times, que « Fannie Mae prend significativement plus de risques » et que « l’entreprise pourrait avoir des problèmes en cas de crise économique, provoquant un sauvetage gouvernemental similaire à celui de l’industrie des saving and loans dans les années 1980 »[4. Ah ? Vous pensiez que c’était la première fois ? On y reviendra une autre fois…].
Rien n’y fait : le HUD continue à augmenter les objectifs des GSE pour le plus grand bonheur des banques qui poussent à la roue, trop contentes de ce regain d’acticité hautement patriotique. De 2004 à 2006, Freddie et Fannie achètent pour 434 milliards de dollars de mortgage-backed securities adossées à des crédits subprimes (c’est-à-dire plus risqués) et créent littéralement un marché pour ce que nous connaissons aujourd’hui sous le doux nom d’« actifs toxiques ». Au cours de la seule année 2007, les deux entreprises vont acheter pour 1,5 trillion de mortgages et de mortgage-backed securities, dont environ 450 milliards servaient à financer les investissements immobiliers de familles modestes et environ 375 milliards ceux de familles vivant carrément sous le seuil de pauvreté. On ne sait pas exactement quelle proportion des crédits immobiliers détenus ou garantis par les GSE était constituée de subprimes, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition claire de ce qu’est un crédit subprime. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’en 2008, Freddie et Fannie détiennent ou garantissent 40% des crédits immobiliers américains à elles seules et que, depuis 1992, elles ont régulièrement et considérablement assoupli leurs critères d’achat et inondé les marchés de MBS avec la bénédiction et la garantie implicite de l’Oncle Sam. Ce que l’on sait aussi, c’est que c’est précisément ce genre de produits − des MBS adossés à des crédits risqués − qui se sont retrouvés dans les bilans des banques du monde entier (avec les encouragements sonnants et trébuchants de la réglementation bancaire − on en reparlera) et qui, un beau matin du 15 septembre 2008, ont déclenché rien de moins qu’une des plus violentes récessions depuis les années 1930.
La commission d’enquête sur la crise financière mise en place par le Congrès des États-Unis devrait bientôt rendre son rapport. On sait déjà que Fannie, Freddie et les administrations successives seront blanchies de toute responsabilité dans ce gigantesque fiasco[5. Non, sérieusement, vous les imaginez nous avouer officiellement qu’ils sont à l’origine de cet énorme merdier planétaire ?]. Mais j’ai quand même une question à leur poser : s’il n’y avait pas de problème avec ces entreprises protégées par l’État, pourquoi avez-vous eu besoin de plus de 1500 milliards de dollars américains pour les sauver ?[/access]
Imaginons un instant que le prochain président de la République française, disposant d’une majorité de 3/5ème du Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) décide de faire adopter une nouvelle Constitution à son goût qui commencerait par ce préambule : « Nous, membres de la Nation française à l’orée de ce nouveau millénaire et au nom de tous les Français déclarons solennellement :
Nous sommes fiers que Clovis ait posé, voici mille cinq cents ans les fondements de l’Etat français en faisant entrer notre nation dans l’Europe chrétienne.
Nous reconnaissons, pour notre nation la vertu unificatrice de la chrétienté. Nous respectons les diverses traditions religieuses pratiquées dans notre pays.
Nous affirmons que les cadres essentiels de notre vivre-ensemble sont la famille et la nation et que nos valeurs fondamentales sont la fidélité, la foi et l’amour… »
Il suffit de remplacer « France » par « Hongrie », « Français » par « Hongrois » et « Clovis » par « le roi saint Étienne » et on obtient le préambule du projet de nouvelle Constitution proposée au Parlement de Budapest par le Premier ministre Viktor Orban, chef de la coalition nationale-conservatrice arrivée au pouvoir le 25 avril 2010.
Orban peut tout, et il ose tout
Cette nouvelle Constitution qui doit remplacer la précédente, établie par le régime communiste en 1949 et « nettoyée » de ses scories marxistes en 1990, devrait être adoptée par le Parlement le 25 avril prochain, à l’occasion du premier anniversaire de la victoire électorale du Fidesz, le parti de Viktor Orban. Or, pour lui, son retour au pouvoir – il avait déjà exercé les fonctions de Premier ministre de 1998 à 2002 – n’est pas une simple alternance démocratique, mais une « révolution par les urnes ».
Fort d’une majorité des deux tiers au Parlement monocaméral, Orban peut tout, et il ose tout.
Le seul obstacle potentiel à la mise en œuvre de son programme, qui conjugue nationalisme exacerbé, cléricalisme revendiqué et populisme sans complexe, réside dans la vigilance – tout aussi potentielle – de l’Union européenne. Celle-ci était d’autant plus nécessaire que la Hongrie assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, depuis le 1er Janvier 2011. Viktor Orban a certes subi quelques interpellations musclées au Parlement européen où Daniel Cohn-Bendit l’a comparé à Hugo Chavez, mais rien de bien grave, car le soutien du principal parti de l’Assemblée de Strasbourg, le PPE (démocrates-chrétiens et conservateurs), dont le Fidesz est membre, lui est acquis.
La Commission, en revanche est parvenue à le faire reculer partiellement à propos de la nouvelle loi sur la presse, qui enjoignait les médias de procéder à un « traitement équilibré » de l’actualité politique, sous peine d’amendes énormes infligées par un « Conseil supérieur des médias » entièrement composé de fidèles de Viktor Orban. L’exigence du « traitement équilibré » a été mise entre parenthèses jusqu’à la fin de la présidence hongroise de l’UE, mais les opposants craignent qu’elle revienne par la fenêtre dès le mois de juillet prochain.
Criminalisation des opposants
L’autre héritage « révolutionnaire » cher à Viktor Orban est la criminalisation des opposants. Et les procès n’ont pas seulement lieu devant le tribunal médiatique. Le raz-de-marée électoral en faveur du Fidesz et la déroute des socialistes sont la conséquence de la gestion calamiteuse de l’économie par ces derniers qui a mis le pays au bord de la faillite, le contraignant à appeler l’UE et le FMI à l’aide. Mais ces milliards perdus n’ont pas fini dans leur poche… Une commission d’investigation a pourtant été mise en place pour établir un dossier permettant de traduire en justice les anciens dirigeants, au premier rang desquels figure l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Ce dernier avait eu le malheur de déclarer, en petit comité, au lendemain de victoire électorale d’avril 2006 : « Nous avons merdé (…). Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (…). Il est évident que nous avons menti tout au long des derniers dix-huit mois. » Cette confession, subrepticement enregistrée et diffusée à la radio, a provoqué de très violentes manifestations et la montée en puissance d’un nouveau parti d’extrême droite le Jobbik, ultranationaliste et ouvertement antisémite[1. Pour s’en persuader, il suffit de lire l’entretien accordé au prochain numéro de la revue Politique Internationale par Marton Gyöngyösi, dirigeant du Jobbik et vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement.].
Le complot des universitaires
Mais les politiques ne sont pas seuls dans le collimateur judiciaire de Viktor Orban. Une campagne de presse, alimentée par l’entourage du Premier ministre, s’en est pris à une demi-douzaine d’universitaires hongrois, dont des philosophes de réputation internationale, comme Agnès Heller[2. Agnès Heller a publié une tribune dans Le Monde à propos de cette affaire]. Ces derniers sont accusés d’avoir détourné l’équivalent de 1,8 millions d’euros des fonds de la recherche scientifique. Cette crapoteuse affaire ne repose que sur la dénonciation calomnieuse et à forte connotation antisémite d’un membre de l’Institut de philosophie, promu depuis directeur-adjoint du département.
La communauté internationale des archivistes et des historiens s’émeut également du projet du gouvernement hongrois de retirer des archives nationales les documents produits par les « organes » du régime communiste sur les individus. La loi prévoit que les personnes concernées par ces archives auront la possibilité d’en demander la destruction, ce qui obère le travail des futurs historiens de cette période. Accessoirement, cela peut permettre à quelques amis d’Orban quelque peu mouillés dans l’ancien régime de se refaire une virginité éternelle…
Conception ethnique de la nation
Le projet de nouvelle Constitution repose sur une conception ethnique de la nation, excluant implicitement les non-magyars de la communauté nationale et y incluant tout aussi implicitement, mais sans équivoque les quelques deux millions de Hongrois citoyens des pays voisins (Roumanie, Slovaquie, Serbie). Elle ouvre la porte au « révisionnisme » des frontières établies en 1920 par le traité de Trianon, pour le cas où le dogme de l’intangibilité des frontières au sein de l’UE se voit remis en question, par exemple par la scission de la Belgique… L’évocation rituelle de ce traité de Trianon, il est vrai fort injuste pour les Magyars, sert de piqure de rappel nationaliste lorsque les dirigeants politiques veulent détourner l’attention des citoyens de leur mauvaise gestion. Pour l’instant, Viktor Orban se contente de proposer l’attribution de la nationalité à tout Magyar « hors frontières » qui en ferait la demande et évoque la possibilité de leur accorder le droit de vote aux législatives…
L’autre bouc émissaire de la colère des Hongrois est la communauté Rom (ou Tziganes), qui constitue 7 % de la population du pays et vit dans sa très grande majorité dans un état de misère et de déréliction totales. Des « milices citoyennes », noyautées par le Jobbik ont récemment opéré des descentes dans les quartiers roms de villes moyennes, pour intimider cette population accusée de vivre de rapines.
La présidence de l’UE a été l’occasion pour la Hongrie de se livrer à une sorte de chantage vis-à-vis de ses partenaires européens : aidez- nous à financer les programmes d’éducation, de santé, de formation professionnelle pour nos Roms sédentarisés, sinon ils vont se mettre en mouvement vers des pays plus riches et plus généreux en matière de prestations sociales…
Viktor Orban n’a pourtant pas trop mauvaise presse chez nous, car il a trouvé le filon pour se faire bien voir : refuser tout entretien avec des journalistes qui connaissent un peu la question, et privilégier la presse « people ». C’est ainsi que Paris-Match s’est récemment offert un de nos meilleurs esprits pour faire l’éloge du jeune Premier ministre et de sa petite famille sur quatre pages avec plein de jolies photos.
Les 3200 salariés de Toyota Onnaing, près de Valenciennes étaient déjà soumis aux joies du management à la japonaise qui ne diffère de l’esclavage au temps des Pharaons que par des détails minimes (pas ou peu de mises à mort sur le lieu de travail.) En revanche, il y a des peurs que même un encadrement nippon dans une région désindustrialisée, où il mise sur la fierté liée au travail pour imposer des conditions sociales d’une incroyable dureté, ne peut juguler. L’ensemble des syndicats a demandé la convocation d’un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) extraordinaire pour faire le point sur les risques réels de radioactivité des nombreuses pièces et matériels importés du Japon.
En effet, comme à son habitude, la direction japonaise qui a une conception des plus élastiques du droit du travail s’est assez peu exprimée sur la situation, indiquant dans un bref communiqué qu’un organisme indépendant s’était livré à des mesures, qu’il n’y avait pas de problèmes et qu’il n’y avait donc pas lieu… de donner les résultats. Les salariés d’Onnaing gagnent en moyenne 900 euros pas mois. Ils doivent penser que ce n’est pas une raison, en plus, pour qu’on les repère la nuit au premier coup d’œil parce qu’ils seront phosphorescents.
Les cantonales, ont achevé le processus de schizophrénisation générale des partis politiques, à l’exception des deux Fronts, celui de gauche et le front « national » – ou qui s’affirme comme tel, car je ne vois pas pourquoi il faudrait laisser le monopole du national à Marine Le Pen, étant entendu que tout ce qui est national est nôtre, à gauche, puisque c’est nous qui l’avons inventée, la nation, quelque part entre 1789 et 1792. Et c’est nous qui l’avons revivifiée à travers deux siècles de conquêtes sociales, une bonne demi-douzaine de révolutions souvent matées dans le sang par la bourgeoisie sous le regard bienveillant d’une puissance étrangère comme ce fut le cas de la Commune de Paris dont on fête, hélas avec une discrétion de violette, le cent quarantième anniversaire en ce mois de mars 2011.
Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de voter pour des partis schizophrènes. L’abstention n’est pas seulement due à une paresse intellectuelle de type poujadiste, « tous les mêmes, tous pourris », mais aussi à une certaine réticence à voter pour des familles politiques qui comme certains grands malades mentaux souffrent de personnalités multiples.
Revue de détail :
Je désire voter calmement à gauche : j’ai le choix entre les écologistes et les socialistes. On a l’impression, comme ça, que ce sont des gens sérieux. En plus, ils ont l’air capable de s’entendre. Bon, pour l’instant, ils sont surtout capable de s’entendre pour présenter des candidats uniques dans les deux derniers conseils généraux tenus par des communistes, l’Allier et le Val de Marne, manip qui d’ailleurs semble avoir échoué.
Donc, je décide de voter socialiste et là, problème, je m’aperçois que le Parti socialiste n’existe plus depuis qu’en 2005, ses électeurs comme ses responsables se sont partagés sur le referendum pour le TCE. Depuis, pour des raisons de mode de scrutin qui ne permet pas, sauf à risquer la modémisation, de créer son propre parti, le PS survit surtout comme cartel électoral. Parce que si vous enfermez dans une même pièce Valls et Gérard Collomb d’un côté, Hamon et Fabius de l’autre, vous allez vite comprendre ce que signifient « divergences idéologiques insurmontables. » Comme le PS a tendance à gagner, cette fois-ci encore, toutes les élections intermédiaires, ça ne se voit pas trop. Mais il risque d’y avoir du sport quand un Emmanuelli verra débarquer en sauveur suprême Dominique Strauss-Kahn.
Bon, vous choisissez alors de voter écologiste parce que vous avez les tympans résistants à la voix de Cécile Duflot et que vous n’avez pas peur de vous enrhumer quand vous vous approchez d’Eva Joly. Là, à nouveau, se pose un problème. Pour quel écologiste votez-vous ? Le représentant des classes supérieures aisées, soucieuses de leur bilans carbone, qui ont les moyens d’installer une pompe à chaleur dans la copropriété et des panneaux solaires dans la maison secondaire du Lubéron ou pour un type du genre d’Yves Cochet, malthusien décroissant, qui promet un monde formidablement joyeux de carottes râpées, d’enfants uniques et de douches de cinq minutes. Voter Vert aujourd’hui, est-ce voter pour une nouvelle bourgeoisie dont le souci pour l’environnement est surtout ornemental ou pour des ayatollahs de la décroissance ? Est-ce voter pour ceux qui sont vraiment contre le nucléaire ou ceux qui se diront que Paris vaut bien une messe et un maroquin un réacteur EPR ?
Laissons la gauche et imaginons-nous un instant dans la peau d’un électeur de la droite ou du centre.
Je ne suis pas très content du virage moyennement humaniste de l’UMP de Guéant et de Chantal Brunel, je n’aime pas que l’Etat organise et instrumentalise des débats sur l’islam et l’identité nationale, je suis attaché à une certaine décence dans le comportement des hommes de pouvoir et il n’est pas certain qu’un vieux fond catholique en moi ne se soit durablement hérissé pendant « l’été rom » ou à la lecture de certains articles (d’ailleurs retoqués par le Conseil Constitutionnel) de la loi Loppsi 2 comme les peines planchers pour les mineurs. Je vais donc voter au Centre.
Mais là aussi, de quel centriste parle-t-on, à quelle mouvance, tendance, groupe appartient mon candidat centriste ? L’infiniment petit a autant de variété que l’infiniment grand nous a appris Pascal. Mon centriste est-il du Modem, c’est à dire plus à gauche que certains socialistes ? Est-il un partisan de Jean Arthuis, c’est-à-dire plus monétariste qu’un banquier européen ? Est-il pour Hervé Morin, c’est-à-dire un « nouveau centriste » vexé par le mépris de l’UMP ? Est-il enfin pour Borloo dont l’OPA sur la maison radicale valoisienne semble avoir été essentiellement motivée par la déception de ne pas avoir eu Matignon ?
Non, tournons-nous franchement vers la droite et vers l’UMP. L’UMP est le parti unique de la droite, c’est bien connu depuis Juppé. À condition d’oublier qu’il y a dans son organigramme une bonne demi-douzaine de formations « associées » et que coexistent des sensibilités qui vont des vestiges du gaullisme social à la volonté de moins en moins cachée de faire alliance avec le Front National, du colbertisme traditionnel en matière économique à des fanatiques de la dérégulation. C’est vrai, quoi, qui se cache vraiment derrière cette bonne tête de notable qui n’ose d’ailleurs même plus mettre le sigle UMP sur son affiche et se contente d’un vague « Majorité présidentielle », qui se cache vraiment ? Un fan de Copé pour qui PS et FN, c’est pareil ou un partisan de NKM ou de Fillon qui restent profondément allergiques à un certain ethnopopulisme, actuellement en vogue à l’UMP pour contrer le FN avec le succès que l’on sait ?
Non décidément, il ne restait que deux partis possible pour l’électeur qui voulait être sûr du corpus idéologique de son candidat.
Le Front national d’abord. Bien entendu, dans 90% des cantons, personne ne connaissait localement son candidat. Mais enfin, mettez la tête de Marine Le Pen sur la profession de foi, comme sur n’importe quel news, et un manche à balai parachuté est certain de faire un score à deux chiffres et de pouvoir se maintenir au second tour dans quatre cents cantons, rien que ça… Mais le programme est clair : national et social. Oxymore, chimère ? En tout cas, ça fait voter dans les quartiers populaires et plutôt en nombre. On reprend timidement les chemins de l’isoloir comme pour espérer encore.
Heureusement, il y a aussi, gardons le meilleur pour la fin, le Front de gauche. Vous ne le savez pas, mais pour monsieur Guéant comme pour les plateaux télé, le Front de gauche n’existe pas, contrairement au Front National. Car c’est une coalition. C’est tout de même ennuyeux parce que le Front de Gauche a doublé les écologistes, fait 9% et un score à deux chiffres si on le rapporte aux cantons où il était présent. Le Front de gauche, composé du PCF (enfin, je crois), du PG et de la Gauche unitaire, quand on le laisse parler, a un programme aussi clair que radicalement opposé à celui du Front national. Comme les mots ont leur importance, le Front de gauche n’est pas la gauche de la gauche, ni même l’extrême gauche, ce qui ne veut rien dire mais l’autre gauche. C’est à dire une gauche de rupture mais en mesure, demain, s’il le faut, de prendre le pouvoir avec les gens qu’il faut aux places qu’il faut. (Pas sûr que le FN puisse pour l’instant se targuer d’un tel réservoir de compétences, mais bon…)
L’air de rien, dimanche prochain, il y aura plusieurs dizaines de cantons où le second tour sera un duel entre Front national et Front de gauche. Ces cantons, souvent populaires, seront très intéressants à observer. Méfiants par rapport à une économie de marché qui les paupérise chaque jour un peu plus, hostiles à un libre-échangisme dont décidément ils ne voient pas ce qu’il leur apporte à part une précarité toujours plus grande et le partage, comme pour l’eau ou la santé, entre quelques opérateurs privés qui vont leur vendre ce qui était déjà à eux, ils vont voter pour les deux seules forces cohérentes, celles qui veulent changer la vie.
Ou si vous préférez, pour celles qui font de la politique, de la vraie. Pour le meilleur et pour le pire.
Jé apprit une nouvaile bien triste enlisant Coser se matain: Mètre Kapello hait more.
Quen j’aité petit, défoua, ont me léssé regardé lé jeut de 20H. C’été sur la troit. Cé pa aitonnan que ce jeux est disparut dant les anné 80 car c’été de la kulture général, sa se passé ché lé plouque de provaince, ont gagné pas bôcou d’arjant donc cété plus à la maude. Mètre Kapello ossi il avé un kôté oldskool come dise les anglaits mé cé normale kar il été hagraigé d’anglait a ces daibut. Parfoua, il fesé des maux flaiché pour Tailé 7 jour ôssi.
Il avé 88 an é il n’été pas partysant de la maithode glaubal.
Peuples sans légende, nous ne sommes pas encore morts de froid comme le prédisaient Patrice de La Tour du Pin et Claude Allègre après lui, mais ça ne saurait tarder.
En effet, se déroulent en ce moment outre-Méditerranée les révolutions que vous savez et, fors Bouazizi dont − paix à son âme −, le patronyme fait rire dans les cours de récré, le temps a passé longtemps sur ces foules mues par le désir de liberté avant qu’on parvienne à en détacher un ou deux visages.
Pendant un mois, en Tunisie comme en Égypte, de Megara à Charm-el-Cheikh, pas d’Ernesto Guevara, pas de Dany le rouge, pas de Camille Desmoulins, pas de Gavroche, pas de Lacenaire ni même de Garcia Lorca. Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ et tous les super-héros sont occupés. Tous ? Non, car le 8 février surgit sur nos ordis, nos journaux papier et nos écrans télé Wael Ghonim.[access capability= »lire_inedits »]
À vrai dire, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un nouveau soldat de Tsahal capturé par le Hamas. Mais non. Il est vrai que je ne brille pas par mon érudition en onomastique proche-orientale. Wael Ghonim n’est pas non plus OSS 117, même s’il fait maintenant partie du gratin cairote. Qui est-il alors, ce chevalier blanc, ce preux, ce héros sans peur et sans reproche, cette légende vivante, ce comandante du Nil ?
Je vous le donne en mille : le directeur marketing de Google au Proche-Orient. Rien de moins. Et surtout rien de plus. Il n’y a pas de sot métier, sauf banquier, je vous l’accorde. Mais attendez : qu’a donc fait notre Hô Chi Minh en herbe pour que, suivant les gazettes, la place Al-Tahrir entière l’acclame comme une réincarnation du Mahdi ? Eh bien, il a créé sur Facebook le groupe « Nous sommes tous des Khaled Saïd » – jeune assassiné par la police d’État égyptienne dont on ignorait jusque-là qu’il fût un juif allemand.
Après ce coup d’éclat menaçant pour la sécurité publique, le Julien Coupat des pyramides a été raflé au hasard dans les rues du Caire avec cent autres. Ensuite, les geôles, la torture et le reste. Mais le pire, c’est que Wael Ghonim a subi le supplice de la privation d’Internet pendant douze jours. Heureusement, il en est ressorti vivant.
Il faut reconnaître que, place Al-Tahrir, devant la foule en délire, il a su raison garder : non, je ne serai pas votre chef, a-t-il dit, vous êtes les vrais héros. Mais je m’en voudrais de ne pas vous faire part de son premier message sur Twitter: « La liberté est une bénédiction qui mérite qu’on se batte pour elle. »[/access]
À part quand il s’agit d’une administration, d’un huissier ou d’une emmerderesse, j’aime bien qu’on s’intéresse à moi en particulier. J’aime aussi qu’on s’intéresse à moi en général et même en généralités et quand je suis le type d’un sociologue, loin de me sentir réduit, je suis attentif et curieux comme une femme chez l’astrologue.
J’ai donc lu avec intérêt l’entretien de Daoud avec le politologue et militant politique Gaël Brustier qui parle de « droitisation » quand « les enfants des soixante-huitards veulent, comme leurs parents, jouir sans entraves mais sous la protection d’un arsenal sécuritaire renforcé ». Je dois reconnaître que « l’hédoniste sécuritaire », c’est assez moi. Je vais tâcher de m’expliquer sur cet oxymore et de répondre à cette question qui reste d’actualité sur de nombreux sujets : à qui la faute ?
Je suis un héritier de mai 68, c’est incontestable. Je ne jouis pas tout à fait sans entraves, j’ai mes limites et je suis attaché au consentement de ma partenaire comme je suis soucieux du respect des humains qui m’environnent ainsi que des lois et des codes culturels en vigueur, mais ceci étant dit, je l’avoue, je vis à la recherche de mon plaisir. Je tiens, entre autres, pour un précieux acquis de notre civilisation la libération sexuelle et même les discours les plus réacs n’ont pas réussi à me convaincre que la France, c’était mieux avant les filles faciles. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir à une époque sans pilule et sans mini-jupes. J’aime par exemple croiser dans le RER des femmes légèrement vêtues. Or nous voyons et ce , de plus en plus, que sans arsenal sécuritaire renforcé dans les trains qui traversent nos villes et nos banlieues, nous, Occidentaux de tous les sexes, ne pourrions jouir de cette liberté des femmes d’occuper l’espace public sans être obligées de s’habiller comme des sacs. L’hédoniste que je suis y tient beaucoup alors le sécuritaire y veille.
Les soixante-huitards criaient : « CRS=SS » et nous, comme les collégiens qui sont poignardés dans leurs écoles mais à la différence de leurs professeurs libertaires, nous voulons plus de police. On peut toujours nous prendre pour ces cochons de bourgeois de la chanson de Brel devenus vieux et cons. Il faut bien constater que les lois, les flics et les délinquants aussi ont changé.
Aujourd’hui, la justice ne poursuit plus les homos mais les auteurs d’agressions homophobes, elle ne sanctionne plus le blasphème mais son censeur menaçant ou terroriste, elle ne condamne plus les femmes adultères mais leurs maris cogneurs et défend les « salopes » qui avortent contre les anti-IVG qui les importunent.
La police ne réprime plus les manifestations, elle les encadre et, en protégeant une jeunesse étudiante et pacifique contre une autre qui l’est moins, elle garantit le droit des jeunes à nous rejouer 68 pour un oui et surtout pour un non. Les flics des mœurs ou des stups qui tracassaient nos parents soixante-huitards pour des broutilles ont d’autres chats à fouetter quand ils interviennent en banlieue pour tenter de défendre le droit du plus faible et quand les CRS sont autorisés à matraquer des jeunes qui leur tirent dessus, c’est parfois pour empêcher l’incendie de bibliothèques.
Même la délinquance a changé. Une violence d’une nature nouvelle menace les plus vulnérables d’entre nous. Les jeunes, les femmes ou les personnes âgées peuvent être frappés à mort pour un i-phone ou un sac à main. Hier, il arrivait que l’on tire du haut d’un balcon sur des jeunes trop bruyants, aujourd’hui, on peut se faire tabasser quand on ose réclamer un peu de silence. La gauche a longtemps dénoncé l’autodéfense, à présent, on ne tue plus pour défendre son autoradio mais on peut en mourir.
Le ré-ensauvagement du monde n’est pas un fantasme délirant ou une hallucination collective, c’est une dérive bien réelle à laquelle tous les enfants, tous les parents et tous les amants un peu lucides, responsables et inquiets font face en appelant la police. Dans notre État de droit, la sécurité n’est pas assurée par la Sécuritate, elle est la condition incontournable de l’exercice et de la jouissance de nos nombreuses libertés. Dans une société où les caméras de surveillance n’espionnent pas les dissidents mais identifient les violeurs et où les flics de la droite protègent les acquis libertaires de la gauche, je réponds à Gaël Brustier que j’assume sans complexe mon « hédonisme sécuritaire ». Je parlerais plutôt d’art de vivre sécurisé mais après tout, je ne déteste pas les termes polémiques. Si on ne se taquine pas un peu de gauche à droite et de droite à gauche, on finira par ne plus se parler.
Selon Gaël Brustier, outre un désir suspect de sécurité qui pousse vers la « droitisation », un vent de « paniques morales » souffle sur les peuples d’Europe, les entraînant dans un « délire islamophobe, différentialiste et occidentaliste ». Je dois reconnaitre que là aussi, je me suis reconnu.
D’abord, je ne vois personne céder à la panique même morale et quand des Européens estiment que les valeurs de l’Occident sont menacées, ils n’occupent pas les rues et ne tirent pas en l’air, ils votent, ce qui est une réaction aussi éloignée que possible de la panique. L’islam et les transformations que son essor implique dans nos sociétés m’inquiète et, en digne héritier de 68, ce n’est pas tant le changement qui m’effraie que la régression. Je suis ravi que les cultures française et européenne aient été enrichies dans les années 1960 par le western et le rock’n’roll venus d’outre-Atlantique. Si quelques irréductibles Gaulois préfèrent Louis la brocante et Nolwen qui chante la Bretagne de papa, grand bien leur fasse, moi je vibre avec John Wayne et Elvis Presley, et même avec Chuck Norris mais le problème n’est pas là.
Toujours est-il que je ne me sens pas particulièrement conservateur, je reste plutôt ouvert aux autres cultures mais pas à toutes. Qu’on me pardonne, je suis difficile, exigeant, je fais le tri, en un mot, je discrimine.
Islamophobe ? Passons sur les groupuscules islamistes et sectaires sur lesquels nous sommes tous d’accord. Plus généralement, dans les territoires d’Europe où les populations musulmanes sont majoritaires, un islam communautaire liberticide, régressif et parfois violent règne sur les individus. Avec lui, les conquêtes de notre civilisation sont contestées, l’égalité entre les sexes, la liberté des mœurs, la tolérance à la critique et le récit de notre histoire. Alors que le western est un monde de gentlemen bourrus à l’esprit chevaleresque et le rock’n’roll un truc sexuel, transgressif et libérateur, la culture des nouveaux arrivants pourrait nous ramener à un Moyen âge étranger à l’amour courtois.
Différentialiste, sûrement pas. L’islam ne regarde que les musulmans et je ne veux voir que des Français. Je ne veux aucun différentialisme, ni positif, ni négatif et je ne veux pas de différences dans la loi, à l’école, à la piscine ou à la cantine. Ce n’est pas moi qui assigne certains Français à résidence identitaire. La République ne reconnaît aucune communauté mais tous ses citoyens et la France est une chance pour l’émancipation des individus et un modèle pour les révolutions.
Occidentaliste, je veux bien. What else ? Pour la culture, le bilan des peuples de l’ouest est globalement positif. Si l’Eurovision et le carré VIIIP nous désolent, le cinéma bollywoodien, la musique asiatique, la production littéraire arabe et les brevets scientifiques africains nous consolent. Et puis j’aime imaginer ce que la civilisation occidentale, ses valeurs, sa démocratie sociale de marché pourraient produire sur le développement de l’Afrique, l’économie russe, les droits de l’homme asiatique ou de la femme arabe. L’Occident reste un phare pour le monde et le sens des migrations le montre bien alors si les peuples sont occidentalistes, pourquoi pas moi ?
Peut-on, avec tout ça, parler de « paniques morales » ? Je ne sais pas mais de résistances sûrement, et tout ce qu’il y a de plus morales. Alors va pour islamophobe et occidentaliste. Parce que je veux ce qu’il y a de mieux pour mes amis comme pour mes ennemis.
Les temps sont durs, faut pas gâcher. Aussi quand l’ami Miclo m’a suggéré et pour tout dire offert l’excellent titre « My Taylor is dead », au cas ou je ferais une brève sur le décès d’icelle, hier à 79 ans, je me suis senti obligé de la faire cette brève, ne serait-ce que pour sauver le titre.
Sauf que Liz Taylor n’étant ni Bette Davis, ni Audrey Hepburn, ni Greta Garbo, ni Frances McDormand, ni Joan Crawford, ni Gena Rowlands, ni Melanie Griffith, ni Sigourney Weaver ni Jodie Foster ni aucune autre des centaines d’actrices hollywoodiennes que j’adore, et bien je n’ai pas grand chose à en dire.
Allons y tout net : en vrai je n’ai carrément rien à dire sur Liz Taylor, ses yeux violets, ses scènes de ménage[1. Ne le répétez pas, mais j’ai quand même adoré leur Mégère apprivoisée] avec Richard Burton, son Michael Jackson de compagnie, sa Virginia Woolf à faire peur ou sa chatte sur un toit brûlant…
En revanche, je suis très très touché, et attristé par la mort, dimanche dernier, à 88 ans de Maître Capello. Ce type avait la classe mondiale, et si un jour le service le service public nous propose une émission de divertissement du niveau du Francophonissime[2. Spécial dédicace à Robert Rocca, Paule Herreman, Maurice Biraud, Anne-Marie Carrière, Jean Valton et Michel Dénériaz], alors je renoncerai peut-être à prendre ma retraite à Miami Beach, La Havane ou Nathanya
S’il est trop tôt pour spéculer sur la logique géostratégique à l’œuvre derrière l’attentat de cet après-midi à Jérusalem, il y a de moins en moins de doutes sur celle qui anime le Hamas : il s’agit de faire l’union sacrée du monde arabe contre Israël. On connaît le scénario, huilé comme un billard à deux bandes. En 1991, Saddam Hussein lançait des Scuds sur Israël mais la véritable cible de ses missiles était l’alliance formée par Bush père pour le bouter hors du Koweït. À l’époque, des troupes syriennes et égyptiennes sous mandat onusien se battaient aux côtés des Britanniques et des Américains et le président irakien voulait faire croire aux opinions publiques arabes que Damas et le Caire font le sale boulot des sionistes.
Aujourd’hui, il s’agit entre autres de détourner l’attention, pendant que les Occidentaux jouent contre la montre en Libye et que les Syriens font le sale boulot chez eux où la répression a déjà fait une dizaine de morts. Ce sont les Palestiniens les plus radicaux – Hamas en tête – qui attaquent Israël avec le même but stratégique : présenter l’Etat hébreu comme le cœur des tous les problèmes et faire voler en éclats la coalition qui se bat actuellement en Libye. Quant à la tactique, elle vise à provoquer une réaction en chaîne : provocation, riposte de Tsahal (avec l’espoir d’une bavure sanglante), images choc en boucle sur les écrans, indignation en Occident et colère dans le monde arabe, écroulement de la coalition. Cela n’a pas marché en Irak mais la fragilité de l’alliance qui opère en Libye et les buts plutôt mouvants de cette intervention pourraient laisser croire aux stratèges du Hamas et autres partisans palestiniens de la lutte armée que le coup mérite d’être tenté.
Pour les islamistes de Gaza sont vitaux : si la Syrie tombe, le Hamas perdra son principal soutien dans la région et ses dirigeants devront déménager en urgence.
Fidèle à la stratégie de son père, Bachar el-Assad a un seul crédo: je nuis, donc je suis. Empêcher toute avancée et mettre des bâtons dans toutes les roues pour vendre ensuite chèrement sa « bonne volonté » – c’est-à-dire la mise en veilleuse provisoire de sa mauvaise volonté -, voilà l’essentiel de la politique syrienne depuis quarante ans. Concrètement, cela signifie étouffer le Liban, encourager le Hezbollah à se maintenir en tant que force armée, mener un jeu trouble en Irak et sponsoriser les mouvements palestiniens les plus intransigeants.
Le président syrien ne cache pas son jeu, il en est même très fier. Dans une interview accordée au Wall Street Journal quand il se croyait à l’abri de mouvements comparables à ceux qui emportaient Ben Ali et Moubarak, il a revendiqué cette politique centrée sur l’hostilité à « l’entité sioniste » conforme, selon lui, aux croyances profondes du peuple. Autrement dit, sa ligne politique repose sur la conviction que, pour les Arabes, la haine d’Israël est plus importante que l’aspiration à une vie meilleure et aux libertés civiles. C’est-à-dire exactement le contraire de ce que pensent les Occidentaux.
Dans cette perspective, la Syrie est devenue la pièce-maîtresse du dispositif iranien au Moyen-Orient et – comme l’ont prouvé récemment une belle capture de la marine israélienne et les soupçons croissants des douaniers turcs sur certains vols Téhéran-Damas – une plaque tournante dans le trafic d’armes vers le Liban et le Gaza.
Avec Assad, c’est tout l’édifice stratégique du Hamas et consorts qui pourrait trembler comme une tour de Tokyo pendant un séisme. Un changement d’enseigne en Syrie pourrait engendrer un Liban indépendant et une Autorité palestinienne libérée de la surenchère idéologique islamiste. C’est aussi l’Iran qui pourrait perdre pied en Méditerranée quelques semaines seulement après les y avoir trempés pour la première fois – lorsque les navires de guerre de la République islamique ont franchi le Canal de Suez.
Pour Téhéran et Gaza, ce scénario est un cauchemar stratégique. Il est donc urgent de provoquer Israël en espérant que la riposte sera suffisamment musclée pour donner la victoire cathodique à ces pauvres islamistes innocents victimes de la barbarie sioniste. Peu importent quelques morts, y compris dans leur propre camp : il faut à tout prix sauver le soldat Bachar el-Assad ! Quant à la liberté, Palestiniens et Iraniens la défendent avec enthousiasme en Egypte où ils ont des comptes à régler et des bénéfices stratégiques à empocher.
Quand il s’agit de leurs intérêts vitaux, c’est une autre affaire. Voilà donc Gaza et Téhéran confrontées au même dilemme que les Occidentaux, face aux révoltes du Yémen et de Bahreïn. Curieusement, j’ai comme le sentiment que les premiers ont beaucoup moins d’états d’âme que les seconds. Mais cela doit être de la mauvaise foi sioniste.
Marsactu, un site d’information continue marseillais a eu l’heureuse idée de proposer un petit quizz impromptu aux candidats des élections cantonales des 20 et 27 mars prochains pour le canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille. Deuxième au premier tour avec 22.3% des suffrages exprimés, madame Mireille Barde, candidate du Front National, s’est prêté de bonne grâce à l’exercice. Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir…
Résumons donc : madame Barde ne sait pas combien il y a de cantons à Marseille ni combien sont renouvelables, elle ne connait pas le montant du budget du conseil général en 2010 et ignore de toute manière à quoi sert un conseil général, évalue le montant du RSA à 1 150 euros par mois, ne sait pas combien de collèges ni combien d’habitants il y a dans le canton et n’a pas la moindre idée du nom des quartiers qui le composent.
De toute évidence, lors de ce premier tour, 22.3% des habitants du canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille se sont fait couillonner comme on dit chez nous.
On rappellera, à cette occasion, une vieille maxime bien de chez nous : il vaut mieux se taire et donner l’impression d’être un imbécile que de l’ouvrir et en donner la certitude.
Quand le gouvernement américain nationalise de fait Freddie Mac et Fannie Mae, le 6 septembre 2008, les deux government-sponsored enterprises (GSE)[1. Mot pour mot : « Entreprises parrainées par le gouvernement »] détiennent ou garantissent, au travers de mortgage-backed securities (MBS)[2. Les MBS sont des paquets de crédits immobiliers revendus sur les marchés financiers sous forme d’obligations], l’équivalent de 5,2 trillions de dollars, soit environ 40% du marché des crédits immobiliers américains (mortgages)[3. Les « mortgages » sont des crédits hypothécaires (la forme classique d’un prêt immobilier aux États-Unis)]. La situation de Freddie et de Fannie est si catastrophique et leur taille tellement gigantesque que le Trésor des États-Unis et la Federal Reserve doivent s’engager à rembourser jusqu’à 200 milliards de dollars à leurs créanciers, leur racheter plus de 1,3 trillion de dollars de MBS et acquérir en urgence
leurs dettes pour 132 milliards de dollars.
Toute cette histoire avait pourtant commencé avec de bonnes intentions… mais vous savez ce qu’on dit de l’enfer et des bonnes intentions.[access capability= »lire_inedits »]
Au lendemain de la Grande Dépression de 1929, Herbert Clark Hoover puis Franklin Delano Roosevelt décident de faire en sorte que le plus grand nombre possible d’Américains puissent devenir propriétaires de leur résidence principale. C’est le Federal Home Loan Bank Act de 1932 et la naissance, en 1938, de la Federal National Mortgage Association, plus connue sous le nom de « Fannie Mae ». Fannie est une agence fédérale chargée de racheter les mortgages des banques. En 1968, sous l’administration Johnson, Fannie Mae est privatisée mais garde sa mission de service public et devient officiellement une government-sponsored enterprise. Deux ans plus tard, le Congrès des États-Unis donne à Fannie un petit frère − Freddie Mac − qui recevra les mêmes missions et le même statut que sa grande sœur.
Les GSE sont donc nées d’un deal entre l’« Oncle Sam » et des actionnaires privés. La charte de Fannie et de Freddie leur impose d’acheter ou de garantir le plus grand nombre possible de mortgages − et notamment des crédits accordés à des familles à faibles revenus − en contrepartie de quoi le gouvernement fédéral accorde à ses deux poulains une série d’avantages sonnants et trébuchants. Jugez plutôt : les GSE disposent d’une ligne de financement directe auprès du Trésor ; leurs obligations ont le même statut que celles des agences fédérales ; elles ont des avantages fiscaux, une réglementation prudentielle des plus accommodantes et le gouvernement fédéral les protège de toute forme de concurrence. En conséquence, le monde entier considère que prêter à Freddie et à Fannie, c’est prêter de l’argent à l’Oncle Sam lui-même… et la suite prouvera que le monde entier avait raison. Les deux entreprises bénéficient ainsi d’un avantage notable: elles peuvent s’endetter dans des proportions absolument gigantesques à un coût qui défie toute concurrence − à peine plus élevé que celui qui est imposé au gouvernement fédéral lui-même. L’Oncle Sam y gagne car il peut désormais canaliser l’épargne américaine vers le marché immobilier sans intervenir officiellement (puisque les GSE sont officiellement des entreprises privées) et les actionnaires y gagnent… beaucoup d’argent. Wayne Passmore − l’un des directeurs associés de la recherche de la « Fed » − évalue ,dans un article publié en janvier 2005, le bénéfice de ces relations ambiguës entre les GSE et l’État fédéral à 147 millions de dollars, dont 72 millions tombent directement dans les poches des actionnaires. L’Oncle Sam sait se montrer généreux avec ceux qui le servent …
Dès 1968, Freddie et Fannie passent sous l’autorité du Department of Housing and Urban Development (HUD) qui leur fixe des objectifs chiffrés de prêts à accorder aux familles modestes. En 1992, le HUD précise et augmente ces objectifs : les GSE devront affecter au moins 30% de leurs achats à des mortgages accordés à des familles pauvres ou modestes (définies comme des familles dont les revenus sont inférieurs au revenu médian de la région dans laquelle elles vivent). Avec la réélection de Bill Clinton en 1996, cet objectif passe à 40% et le HUD impose aux GSE d’acheter au moins 12% de crédits accordés à des familles vivant avec moins de 60% du revenu médian de leur région (c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté). Dans les années qui suivent, ces objectifs seront régulièrement revus à la hausse pour atteindre 55% et 25% en 2007.
Soucieuses de préserver leurs avantages, Fannie et Freddie doivent donc racheter des mortgages accordés à des ménages modestes et pauvres. Elles se tournent donc vers les banques et, bien sûr, les banques fournissent − après tout, elles gagnent de l’argent et c’est l’Oncle Sam qui régale. Les banques se mettent donc à accorder des crédits sans trop se soucier des risques puisque Fannie et Freddie les rachètent dans la foulée et qu’elles en revendent une partie aux marchés financiers avec la garantie (implicite) de l’État. Dès cette époque, plusieurs observateurs s’en inquiètent, comme le journaliste Steven Holmes qui note, en septembre 1999 dans le New York Times, que « Fannie Mae prend significativement plus de risques » et que « l’entreprise pourrait avoir des problèmes en cas de crise économique, provoquant un sauvetage gouvernemental similaire à celui de l’industrie des saving and loans dans les années 1980 »[4. Ah ? Vous pensiez que c’était la première fois ? On y reviendra une autre fois…].
Rien n’y fait : le HUD continue à augmenter les objectifs des GSE pour le plus grand bonheur des banques qui poussent à la roue, trop contentes de ce regain d’acticité hautement patriotique. De 2004 à 2006, Freddie et Fannie achètent pour 434 milliards de dollars de mortgage-backed securities adossées à des crédits subprimes (c’est-à-dire plus risqués) et créent littéralement un marché pour ce que nous connaissons aujourd’hui sous le doux nom d’« actifs toxiques ». Au cours de la seule année 2007, les deux entreprises vont acheter pour 1,5 trillion de mortgages et de mortgage-backed securities, dont environ 450 milliards servaient à financer les investissements immobiliers de familles modestes et environ 375 milliards ceux de familles vivant carrément sous le seuil de pauvreté. On ne sait pas exactement quelle proportion des crédits immobiliers détenus ou garantis par les GSE était constituée de subprimes, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition claire de ce qu’est un crédit subprime. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’en 2008, Freddie et Fannie détiennent ou garantissent 40% des crédits immobiliers américains à elles seules et que, depuis 1992, elles ont régulièrement et considérablement assoupli leurs critères d’achat et inondé les marchés de MBS avec la bénédiction et la garantie implicite de l’Oncle Sam. Ce que l’on sait aussi, c’est que c’est précisément ce genre de produits − des MBS adossés à des crédits risqués − qui se sont retrouvés dans les bilans des banques du monde entier (avec les encouragements sonnants et trébuchants de la réglementation bancaire − on en reparlera) et qui, un beau matin du 15 septembre 2008, ont déclenché rien de moins qu’une des plus violentes récessions depuis les années 1930.
La commission d’enquête sur la crise financière mise en place par le Congrès des États-Unis devrait bientôt rendre son rapport. On sait déjà que Fannie, Freddie et les administrations successives seront blanchies de toute responsabilité dans ce gigantesque fiasco[5. Non, sérieusement, vous les imaginez nous avouer officiellement qu’ils sont à l’origine de cet énorme merdier planétaire ?]. Mais j’ai quand même une question à leur poser : s’il n’y avait pas de problème avec ces entreprises protégées par l’État, pourquoi avez-vous eu besoin de plus de 1500 milliards de dollars américains pour les sauver ?[/access]
Imaginons un instant que le prochain président de la République française, disposant d’une majorité de 3/5ème du Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) décide de faire adopter une nouvelle Constitution à son goût qui commencerait par ce préambule : « Nous, membres de la Nation française à l’orée de ce nouveau millénaire et au nom de tous les Français déclarons solennellement :
Nous sommes fiers que Clovis ait posé, voici mille cinq cents ans les fondements de l’Etat français en faisant entrer notre nation dans l’Europe chrétienne.
Nous reconnaissons, pour notre nation la vertu unificatrice de la chrétienté. Nous respectons les diverses traditions religieuses pratiquées dans notre pays.
Nous affirmons que les cadres essentiels de notre vivre-ensemble sont la famille et la nation et que nos valeurs fondamentales sont la fidélité, la foi et l’amour… »
Il suffit de remplacer « France » par « Hongrie », « Français » par « Hongrois » et « Clovis » par « le roi saint Étienne » et on obtient le préambule du projet de nouvelle Constitution proposée au Parlement de Budapest par le Premier ministre Viktor Orban, chef de la coalition nationale-conservatrice arrivée au pouvoir le 25 avril 2010.
Orban peut tout, et il ose tout
Cette nouvelle Constitution qui doit remplacer la précédente, établie par le régime communiste en 1949 et « nettoyée » de ses scories marxistes en 1990, devrait être adoptée par le Parlement le 25 avril prochain, à l’occasion du premier anniversaire de la victoire électorale du Fidesz, le parti de Viktor Orban. Or, pour lui, son retour au pouvoir – il avait déjà exercé les fonctions de Premier ministre de 1998 à 2002 – n’est pas une simple alternance démocratique, mais une « révolution par les urnes ».
Fort d’une majorité des deux tiers au Parlement monocaméral, Orban peut tout, et il ose tout.
Le seul obstacle potentiel à la mise en œuvre de son programme, qui conjugue nationalisme exacerbé, cléricalisme revendiqué et populisme sans complexe, réside dans la vigilance – tout aussi potentielle – de l’Union européenne. Celle-ci était d’autant plus nécessaire que la Hongrie assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, depuis le 1er Janvier 2011. Viktor Orban a certes subi quelques interpellations musclées au Parlement européen où Daniel Cohn-Bendit l’a comparé à Hugo Chavez, mais rien de bien grave, car le soutien du principal parti de l’Assemblée de Strasbourg, le PPE (démocrates-chrétiens et conservateurs), dont le Fidesz est membre, lui est acquis.
La Commission, en revanche est parvenue à le faire reculer partiellement à propos de la nouvelle loi sur la presse, qui enjoignait les médias de procéder à un « traitement équilibré » de l’actualité politique, sous peine d’amendes énormes infligées par un « Conseil supérieur des médias » entièrement composé de fidèles de Viktor Orban. L’exigence du « traitement équilibré » a été mise entre parenthèses jusqu’à la fin de la présidence hongroise de l’UE, mais les opposants craignent qu’elle revienne par la fenêtre dès le mois de juillet prochain.
Criminalisation des opposants
L’autre héritage « révolutionnaire » cher à Viktor Orban est la criminalisation des opposants. Et les procès n’ont pas seulement lieu devant le tribunal médiatique. Le raz-de-marée électoral en faveur du Fidesz et la déroute des socialistes sont la conséquence de la gestion calamiteuse de l’économie par ces derniers qui a mis le pays au bord de la faillite, le contraignant à appeler l’UE et le FMI à l’aide. Mais ces milliards perdus n’ont pas fini dans leur poche… Une commission d’investigation a pourtant été mise en place pour établir un dossier permettant de traduire en justice les anciens dirigeants, au premier rang desquels figure l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Ce dernier avait eu le malheur de déclarer, en petit comité, au lendemain de victoire électorale d’avril 2006 : « Nous avons merdé (…). Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (…). Il est évident que nous avons menti tout au long des derniers dix-huit mois. » Cette confession, subrepticement enregistrée et diffusée à la radio, a provoqué de très violentes manifestations et la montée en puissance d’un nouveau parti d’extrême droite le Jobbik, ultranationaliste et ouvertement antisémite[1. Pour s’en persuader, il suffit de lire l’entretien accordé au prochain numéro de la revue Politique Internationale par Marton Gyöngyösi, dirigeant du Jobbik et vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement.].
Le complot des universitaires
Mais les politiques ne sont pas seuls dans le collimateur judiciaire de Viktor Orban. Une campagne de presse, alimentée par l’entourage du Premier ministre, s’en est pris à une demi-douzaine d’universitaires hongrois, dont des philosophes de réputation internationale, comme Agnès Heller[2. Agnès Heller a publié une tribune dans Le Monde à propos de cette affaire]. Ces derniers sont accusés d’avoir détourné l’équivalent de 1,8 millions d’euros des fonds de la recherche scientifique. Cette crapoteuse affaire ne repose que sur la dénonciation calomnieuse et à forte connotation antisémite d’un membre de l’Institut de philosophie, promu depuis directeur-adjoint du département.
La communauté internationale des archivistes et des historiens s’émeut également du projet du gouvernement hongrois de retirer des archives nationales les documents produits par les « organes » du régime communiste sur les individus. La loi prévoit que les personnes concernées par ces archives auront la possibilité d’en demander la destruction, ce qui obère le travail des futurs historiens de cette période. Accessoirement, cela peut permettre à quelques amis d’Orban quelque peu mouillés dans l’ancien régime de se refaire une virginité éternelle…
Conception ethnique de la nation
Le projet de nouvelle Constitution repose sur une conception ethnique de la nation, excluant implicitement les non-magyars de la communauté nationale et y incluant tout aussi implicitement, mais sans équivoque les quelques deux millions de Hongrois citoyens des pays voisins (Roumanie, Slovaquie, Serbie). Elle ouvre la porte au « révisionnisme » des frontières établies en 1920 par le traité de Trianon, pour le cas où le dogme de l’intangibilité des frontières au sein de l’UE se voit remis en question, par exemple par la scission de la Belgique… L’évocation rituelle de ce traité de Trianon, il est vrai fort injuste pour les Magyars, sert de piqure de rappel nationaliste lorsque les dirigeants politiques veulent détourner l’attention des citoyens de leur mauvaise gestion. Pour l’instant, Viktor Orban se contente de proposer l’attribution de la nationalité à tout Magyar « hors frontières » qui en ferait la demande et évoque la possibilité de leur accorder le droit de vote aux législatives…
L’autre bouc émissaire de la colère des Hongrois est la communauté Rom (ou Tziganes), qui constitue 7 % de la population du pays et vit dans sa très grande majorité dans un état de misère et de déréliction totales. Des « milices citoyennes », noyautées par le Jobbik ont récemment opéré des descentes dans les quartiers roms de villes moyennes, pour intimider cette population accusée de vivre de rapines.
La présidence de l’UE a été l’occasion pour la Hongrie de se livrer à une sorte de chantage vis-à-vis de ses partenaires européens : aidez- nous à financer les programmes d’éducation, de santé, de formation professionnelle pour nos Roms sédentarisés, sinon ils vont se mettre en mouvement vers des pays plus riches et plus généreux en matière de prestations sociales…
Viktor Orban n’a pourtant pas trop mauvaise presse chez nous, car il a trouvé le filon pour se faire bien voir : refuser tout entretien avec des journalistes qui connaissent un peu la question, et privilégier la presse « people ». C’est ainsi que Paris-Match s’est récemment offert un de nos meilleurs esprits pour faire l’éloge du jeune Premier ministre et de sa petite famille sur quatre pages avec plein de jolies photos.
Les 3200 salariés de Toyota Onnaing, près de Valenciennes étaient déjà soumis aux joies du management à la japonaise qui ne diffère de l’esclavage au temps des Pharaons que par des détails minimes (pas ou peu de mises à mort sur le lieu de travail.) En revanche, il y a des peurs que même un encadrement nippon dans une région désindustrialisée, où il mise sur la fierté liée au travail pour imposer des conditions sociales d’une incroyable dureté, ne peut juguler. L’ensemble des syndicats a demandé la convocation d’un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) extraordinaire pour faire le point sur les risques réels de radioactivité des nombreuses pièces et matériels importés du Japon.
En effet, comme à son habitude, la direction japonaise qui a une conception des plus élastiques du droit du travail s’est assez peu exprimée sur la situation, indiquant dans un bref communiqué qu’un organisme indépendant s’était livré à des mesures, qu’il n’y avait pas de problèmes et qu’il n’y avait donc pas lieu… de donner les résultats. Les salariés d’Onnaing gagnent en moyenne 900 euros pas mois. Ils doivent penser que ce n’est pas une raison, en plus, pour qu’on les repère la nuit au premier coup d’œil parce qu’ils seront phosphorescents.
Les cantonales, ont achevé le processus de schizophrénisation générale des partis politiques, à l’exception des deux Fronts, celui de gauche et le front « national » – ou qui s’affirme comme tel, car je ne vois pas pourquoi il faudrait laisser le monopole du national à Marine Le Pen, étant entendu que tout ce qui est national est nôtre, à gauche, puisque c’est nous qui l’avons inventée, la nation, quelque part entre 1789 et 1792. Et c’est nous qui l’avons revivifiée à travers deux siècles de conquêtes sociales, une bonne demi-douzaine de révolutions souvent matées dans le sang par la bourgeoisie sous le regard bienveillant d’une puissance étrangère comme ce fut le cas de la Commune de Paris dont on fête, hélas avec une discrétion de violette, le cent quarantième anniversaire en ce mois de mars 2011.
Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de voter pour des partis schizophrènes. L’abstention n’est pas seulement due à une paresse intellectuelle de type poujadiste, « tous les mêmes, tous pourris », mais aussi à une certaine réticence à voter pour des familles politiques qui comme certains grands malades mentaux souffrent de personnalités multiples.
Revue de détail :
Je désire voter calmement à gauche : j’ai le choix entre les écologistes et les socialistes. On a l’impression, comme ça, que ce sont des gens sérieux. En plus, ils ont l’air capable de s’entendre. Bon, pour l’instant, ils sont surtout capable de s’entendre pour présenter des candidats uniques dans les deux derniers conseils généraux tenus par des communistes, l’Allier et le Val de Marne, manip qui d’ailleurs semble avoir échoué.
Donc, je décide de voter socialiste et là, problème, je m’aperçois que le Parti socialiste n’existe plus depuis qu’en 2005, ses électeurs comme ses responsables se sont partagés sur le referendum pour le TCE. Depuis, pour des raisons de mode de scrutin qui ne permet pas, sauf à risquer la modémisation, de créer son propre parti, le PS survit surtout comme cartel électoral. Parce que si vous enfermez dans une même pièce Valls et Gérard Collomb d’un côté, Hamon et Fabius de l’autre, vous allez vite comprendre ce que signifient « divergences idéologiques insurmontables. » Comme le PS a tendance à gagner, cette fois-ci encore, toutes les élections intermédiaires, ça ne se voit pas trop. Mais il risque d’y avoir du sport quand un Emmanuelli verra débarquer en sauveur suprême Dominique Strauss-Kahn.
Bon, vous choisissez alors de voter écologiste parce que vous avez les tympans résistants à la voix de Cécile Duflot et que vous n’avez pas peur de vous enrhumer quand vous vous approchez d’Eva Joly. Là, à nouveau, se pose un problème. Pour quel écologiste votez-vous ? Le représentant des classes supérieures aisées, soucieuses de leur bilans carbone, qui ont les moyens d’installer une pompe à chaleur dans la copropriété et des panneaux solaires dans la maison secondaire du Lubéron ou pour un type du genre d’Yves Cochet, malthusien décroissant, qui promet un monde formidablement joyeux de carottes râpées, d’enfants uniques et de douches de cinq minutes. Voter Vert aujourd’hui, est-ce voter pour une nouvelle bourgeoisie dont le souci pour l’environnement est surtout ornemental ou pour des ayatollahs de la décroissance ? Est-ce voter pour ceux qui sont vraiment contre le nucléaire ou ceux qui se diront que Paris vaut bien une messe et un maroquin un réacteur EPR ?
Laissons la gauche et imaginons-nous un instant dans la peau d’un électeur de la droite ou du centre.
Je ne suis pas très content du virage moyennement humaniste de l’UMP de Guéant et de Chantal Brunel, je n’aime pas que l’Etat organise et instrumentalise des débats sur l’islam et l’identité nationale, je suis attaché à une certaine décence dans le comportement des hommes de pouvoir et il n’est pas certain qu’un vieux fond catholique en moi ne se soit durablement hérissé pendant « l’été rom » ou à la lecture de certains articles (d’ailleurs retoqués par le Conseil Constitutionnel) de la loi Loppsi 2 comme les peines planchers pour les mineurs. Je vais donc voter au Centre.
Mais là aussi, de quel centriste parle-t-on, à quelle mouvance, tendance, groupe appartient mon candidat centriste ? L’infiniment petit a autant de variété que l’infiniment grand nous a appris Pascal. Mon centriste est-il du Modem, c’est à dire plus à gauche que certains socialistes ? Est-il un partisan de Jean Arthuis, c’est-à-dire plus monétariste qu’un banquier européen ? Est-il pour Hervé Morin, c’est-à-dire un « nouveau centriste » vexé par le mépris de l’UMP ? Est-il enfin pour Borloo dont l’OPA sur la maison radicale valoisienne semble avoir été essentiellement motivée par la déception de ne pas avoir eu Matignon ?
Non, tournons-nous franchement vers la droite et vers l’UMP. L’UMP est le parti unique de la droite, c’est bien connu depuis Juppé. À condition d’oublier qu’il y a dans son organigramme une bonne demi-douzaine de formations « associées » et que coexistent des sensibilités qui vont des vestiges du gaullisme social à la volonté de moins en moins cachée de faire alliance avec le Front National, du colbertisme traditionnel en matière économique à des fanatiques de la dérégulation. C’est vrai, quoi, qui se cache vraiment derrière cette bonne tête de notable qui n’ose d’ailleurs même plus mettre le sigle UMP sur son affiche et se contente d’un vague « Majorité présidentielle », qui se cache vraiment ? Un fan de Copé pour qui PS et FN, c’est pareil ou un partisan de NKM ou de Fillon qui restent profondément allergiques à un certain ethnopopulisme, actuellement en vogue à l’UMP pour contrer le FN avec le succès que l’on sait ?
Non décidément, il ne restait que deux partis possible pour l’électeur qui voulait être sûr du corpus idéologique de son candidat.
Le Front national d’abord. Bien entendu, dans 90% des cantons, personne ne connaissait localement son candidat. Mais enfin, mettez la tête de Marine Le Pen sur la profession de foi, comme sur n’importe quel news, et un manche à balai parachuté est certain de faire un score à deux chiffres et de pouvoir se maintenir au second tour dans quatre cents cantons, rien que ça… Mais le programme est clair : national et social. Oxymore, chimère ? En tout cas, ça fait voter dans les quartiers populaires et plutôt en nombre. On reprend timidement les chemins de l’isoloir comme pour espérer encore.
Heureusement, il y a aussi, gardons le meilleur pour la fin, le Front de gauche. Vous ne le savez pas, mais pour monsieur Guéant comme pour les plateaux télé, le Front de gauche n’existe pas, contrairement au Front National. Car c’est une coalition. C’est tout de même ennuyeux parce que le Front de Gauche a doublé les écologistes, fait 9% et un score à deux chiffres si on le rapporte aux cantons où il était présent. Le Front de gauche, composé du PCF (enfin, je crois), du PG et de la Gauche unitaire, quand on le laisse parler, a un programme aussi clair que radicalement opposé à celui du Front national. Comme les mots ont leur importance, le Front de gauche n’est pas la gauche de la gauche, ni même l’extrême gauche, ce qui ne veut rien dire mais l’autre gauche. C’est à dire une gauche de rupture mais en mesure, demain, s’il le faut, de prendre le pouvoir avec les gens qu’il faut aux places qu’il faut. (Pas sûr que le FN puisse pour l’instant se targuer d’un tel réservoir de compétences, mais bon…)
L’air de rien, dimanche prochain, il y aura plusieurs dizaines de cantons où le second tour sera un duel entre Front national et Front de gauche. Ces cantons, souvent populaires, seront très intéressants à observer. Méfiants par rapport à une économie de marché qui les paupérise chaque jour un peu plus, hostiles à un libre-échangisme dont décidément ils ne voient pas ce qu’il leur apporte à part une précarité toujours plus grande et le partage, comme pour l’eau ou la santé, entre quelques opérateurs privés qui vont leur vendre ce qui était déjà à eux, ils vont voter pour les deux seules forces cohérentes, celles qui veulent changer la vie.
Ou si vous préférez, pour celles qui font de la politique, de la vraie. Pour le meilleur et pour le pire.
Jé apprit une nouvaile bien triste enlisant Coser se matain: Mètre Kapello hait more.
Quen j’aité petit, défoua, ont me léssé regardé lé jeut de 20H. C’été sur la troit. Cé pa aitonnan que ce jeux est disparut dant les anné 80 car c’été de la kulture général, sa se passé ché lé plouque de provaince, ont gagné pas bôcou d’arjant donc cété plus à la maude. Mètre Kapello ossi il avé un kôté oldskool come dise les anglaits mé cé normale kar il été hagraigé d’anglait a ces daibut. Parfoua, il fesé des maux flaiché pour Tailé 7 jour ôssi.
Il avé 88 an é il n’été pas partysant de la maithode glaubal.
Peuples sans légende, nous ne sommes pas encore morts de froid comme le prédisaient Patrice de La Tour du Pin et Claude Allègre après lui, mais ça ne saurait tarder.
En effet, se déroulent en ce moment outre-Méditerranée les révolutions que vous savez et, fors Bouazizi dont − paix à son âme −, le patronyme fait rire dans les cours de récré, le temps a passé longtemps sur ces foules mues par le désir de liberté avant qu’on parvienne à en détacher un ou deux visages.
Pendant un mois, en Tunisie comme en Égypte, de Megara à Charm-el-Cheikh, pas d’Ernesto Guevara, pas de Dany le rouge, pas de Camille Desmoulins, pas de Gavroche, pas de Lacenaire ni même de Garcia Lorca. Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ et tous les super-héros sont occupés. Tous ? Non, car le 8 février surgit sur nos ordis, nos journaux papier et nos écrans télé Wael Ghonim.[access capability= »lire_inedits »]
À vrai dire, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un nouveau soldat de Tsahal capturé par le Hamas. Mais non. Il est vrai que je ne brille pas par mon érudition en onomastique proche-orientale. Wael Ghonim n’est pas non plus OSS 117, même s’il fait maintenant partie du gratin cairote. Qui est-il alors, ce chevalier blanc, ce preux, ce héros sans peur et sans reproche, cette légende vivante, ce comandante du Nil ?
Je vous le donne en mille : le directeur marketing de Google au Proche-Orient. Rien de moins. Et surtout rien de plus. Il n’y a pas de sot métier, sauf banquier, je vous l’accorde. Mais attendez : qu’a donc fait notre Hô Chi Minh en herbe pour que, suivant les gazettes, la place Al-Tahrir entière l’acclame comme une réincarnation du Mahdi ? Eh bien, il a créé sur Facebook le groupe « Nous sommes tous des Khaled Saïd » – jeune assassiné par la police d’État égyptienne dont on ignorait jusque-là qu’il fût un juif allemand.
Après ce coup d’éclat menaçant pour la sécurité publique, le Julien Coupat des pyramides a été raflé au hasard dans les rues du Caire avec cent autres. Ensuite, les geôles, la torture et le reste. Mais le pire, c’est que Wael Ghonim a subi le supplice de la privation d’Internet pendant douze jours. Heureusement, il en est ressorti vivant.
Il faut reconnaître que, place Al-Tahrir, devant la foule en délire, il a su raison garder : non, je ne serai pas votre chef, a-t-il dit, vous êtes les vrais héros. Mais je m’en voudrais de ne pas vous faire part de son premier message sur Twitter: « La liberté est une bénédiction qui mérite qu’on se batte pour elle. »[/access]
À part quand il s’agit d’une administration, d’un huissier ou d’une emmerderesse, j’aime bien qu’on s’intéresse à moi en particulier. J’aime aussi qu’on s’intéresse à moi en général et même en généralités et quand je suis le type d’un sociologue, loin de me sentir réduit, je suis attentif et curieux comme une femme chez l’astrologue.
J’ai donc lu avec intérêt l’entretien de Daoud avec le politologue et militant politique Gaël Brustier qui parle de « droitisation » quand « les enfants des soixante-huitards veulent, comme leurs parents, jouir sans entraves mais sous la protection d’un arsenal sécuritaire renforcé ». Je dois reconnaître que « l’hédoniste sécuritaire », c’est assez moi. Je vais tâcher de m’expliquer sur cet oxymore et de répondre à cette question qui reste d’actualité sur de nombreux sujets : à qui la faute ?
Je suis un héritier de mai 68, c’est incontestable. Je ne jouis pas tout à fait sans entraves, j’ai mes limites et je suis attaché au consentement de ma partenaire comme je suis soucieux du respect des humains qui m’environnent ainsi que des lois et des codes culturels en vigueur, mais ceci étant dit, je l’avoue, je vis à la recherche de mon plaisir. Je tiens, entre autres, pour un précieux acquis de notre civilisation la libération sexuelle et même les discours les plus réacs n’ont pas réussi à me convaincre que la France, c’était mieux avant les filles faciles. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir à une époque sans pilule et sans mini-jupes. J’aime par exemple croiser dans le RER des femmes légèrement vêtues. Or nous voyons et ce , de plus en plus, que sans arsenal sécuritaire renforcé dans les trains qui traversent nos villes et nos banlieues, nous, Occidentaux de tous les sexes, ne pourrions jouir de cette liberté des femmes d’occuper l’espace public sans être obligées de s’habiller comme des sacs. L’hédoniste que je suis y tient beaucoup alors le sécuritaire y veille.
Les soixante-huitards criaient : « CRS=SS » et nous, comme les collégiens qui sont poignardés dans leurs écoles mais à la différence de leurs professeurs libertaires, nous voulons plus de police. On peut toujours nous prendre pour ces cochons de bourgeois de la chanson de Brel devenus vieux et cons. Il faut bien constater que les lois, les flics et les délinquants aussi ont changé.
Aujourd’hui, la justice ne poursuit plus les homos mais les auteurs d’agressions homophobes, elle ne sanctionne plus le blasphème mais son censeur menaçant ou terroriste, elle ne condamne plus les femmes adultères mais leurs maris cogneurs et défend les « salopes » qui avortent contre les anti-IVG qui les importunent.
La police ne réprime plus les manifestations, elle les encadre et, en protégeant une jeunesse étudiante et pacifique contre une autre qui l’est moins, elle garantit le droit des jeunes à nous rejouer 68 pour un oui et surtout pour un non. Les flics des mœurs ou des stups qui tracassaient nos parents soixante-huitards pour des broutilles ont d’autres chats à fouetter quand ils interviennent en banlieue pour tenter de défendre le droit du plus faible et quand les CRS sont autorisés à matraquer des jeunes qui leur tirent dessus, c’est parfois pour empêcher l’incendie de bibliothèques.
Même la délinquance a changé. Une violence d’une nature nouvelle menace les plus vulnérables d’entre nous. Les jeunes, les femmes ou les personnes âgées peuvent être frappés à mort pour un i-phone ou un sac à main. Hier, il arrivait que l’on tire du haut d’un balcon sur des jeunes trop bruyants, aujourd’hui, on peut se faire tabasser quand on ose réclamer un peu de silence. La gauche a longtemps dénoncé l’autodéfense, à présent, on ne tue plus pour défendre son autoradio mais on peut en mourir.
Le ré-ensauvagement du monde n’est pas un fantasme délirant ou une hallucination collective, c’est une dérive bien réelle à laquelle tous les enfants, tous les parents et tous les amants un peu lucides, responsables et inquiets font face en appelant la police. Dans notre État de droit, la sécurité n’est pas assurée par la Sécuritate, elle est la condition incontournable de l’exercice et de la jouissance de nos nombreuses libertés. Dans une société où les caméras de surveillance n’espionnent pas les dissidents mais identifient les violeurs et où les flics de la droite protègent les acquis libertaires de la gauche, je réponds à Gaël Brustier que j’assume sans complexe mon « hédonisme sécuritaire ». Je parlerais plutôt d’art de vivre sécurisé mais après tout, je ne déteste pas les termes polémiques. Si on ne se taquine pas un peu de gauche à droite et de droite à gauche, on finira par ne plus se parler.
Selon Gaël Brustier, outre un désir suspect de sécurité qui pousse vers la « droitisation », un vent de « paniques morales » souffle sur les peuples d’Europe, les entraînant dans un « délire islamophobe, différentialiste et occidentaliste ». Je dois reconnaitre que là aussi, je me suis reconnu.
D’abord, je ne vois personne céder à la panique même morale et quand des Européens estiment que les valeurs de l’Occident sont menacées, ils n’occupent pas les rues et ne tirent pas en l’air, ils votent, ce qui est une réaction aussi éloignée que possible de la panique. L’islam et les transformations que son essor implique dans nos sociétés m’inquiète et, en digne héritier de 68, ce n’est pas tant le changement qui m’effraie que la régression. Je suis ravi que les cultures française et européenne aient été enrichies dans les années 1960 par le western et le rock’n’roll venus d’outre-Atlantique. Si quelques irréductibles Gaulois préfèrent Louis la brocante et Nolwen qui chante la Bretagne de papa, grand bien leur fasse, moi je vibre avec John Wayne et Elvis Presley, et même avec Chuck Norris mais le problème n’est pas là.
Toujours est-il que je ne me sens pas particulièrement conservateur, je reste plutôt ouvert aux autres cultures mais pas à toutes. Qu’on me pardonne, je suis difficile, exigeant, je fais le tri, en un mot, je discrimine.
Islamophobe ? Passons sur les groupuscules islamistes et sectaires sur lesquels nous sommes tous d’accord. Plus généralement, dans les territoires d’Europe où les populations musulmanes sont majoritaires, un islam communautaire liberticide, régressif et parfois violent règne sur les individus. Avec lui, les conquêtes de notre civilisation sont contestées, l’égalité entre les sexes, la liberté des mœurs, la tolérance à la critique et le récit de notre histoire. Alors que le western est un monde de gentlemen bourrus à l’esprit chevaleresque et le rock’n’roll un truc sexuel, transgressif et libérateur, la culture des nouveaux arrivants pourrait nous ramener à un Moyen âge étranger à l’amour courtois.
Différentialiste, sûrement pas. L’islam ne regarde que les musulmans et je ne veux voir que des Français. Je ne veux aucun différentialisme, ni positif, ni négatif et je ne veux pas de différences dans la loi, à l’école, à la piscine ou à la cantine. Ce n’est pas moi qui assigne certains Français à résidence identitaire. La République ne reconnaît aucune communauté mais tous ses citoyens et la France est une chance pour l’émancipation des individus et un modèle pour les révolutions.
Occidentaliste, je veux bien. What else ? Pour la culture, le bilan des peuples de l’ouest est globalement positif. Si l’Eurovision et le carré VIIIP nous désolent, le cinéma bollywoodien, la musique asiatique, la production littéraire arabe et les brevets scientifiques africains nous consolent. Et puis j’aime imaginer ce que la civilisation occidentale, ses valeurs, sa démocratie sociale de marché pourraient produire sur le développement de l’Afrique, l’économie russe, les droits de l’homme asiatique ou de la femme arabe. L’Occident reste un phare pour le monde et le sens des migrations le montre bien alors si les peuples sont occidentalistes, pourquoi pas moi ?
Peut-on, avec tout ça, parler de « paniques morales » ? Je ne sais pas mais de résistances sûrement, et tout ce qu’il y a de plus morales. Alors va pour islamophobe et occidentaliste. Parce que je veux ce qu’il y a de mieux pour mes amis comme pour mes ennemis.
Les temps sont durs, faut pas gâcher. Aussi quand l’ami Miclo m’a suggéré et pour tout dire offert l’excellent titre « My Taylor is dead », au cas ou je ferais une brève sur le décès d’icelle, hier à 79 ans, je me suis senti obligé de la faire cette brève, ne serait-ce que pour sauver le titre.
Sauf que Liz Taylor n’étant ni Bette Davis, ni Audrey Hepburn, ni Greta Garbo, ni Frances McDormand, ni Joan Crawford, ni Gena Rowlands, ni Melanie Griffith, ni Sigourney Weaver ni Jodie Foster ni aucune autre des centaines d’actrices hollywoodiennes que j’adore, et bien je n’ai pas grand chose à en dire.
Allons y tout net : en vrai je n’ai carrément rien à dire sur Liz Taylor, ses yeux violets, ses scènes de ménage[1. Ne le répétez pas, mais j’ai quand même adoré leur Mégère apprivoisée] avec Richard Burton, son Michael Jackson de compagnie, sa Virginia Woolf à faire peur ou sa chatte sur un toit brûlant…
En revanche, je suis très très touché, et attristé par la mort, dimanche dernier, à 88 ans de Maître Capello. Ce type avait la classe mondiale, et si un jour le service le service public nous propose une émission de divertissement du niveau du Francophonissime[2. Spécial dédicace à Robert Rocca, Paule Herreman, Maurice Biraud, Anne-Marie Carrière, Jean Valton et Michel Dénériaz], alors je renoncerai peut-être à prendre ma retraite à Miami Beach, La Havane ou Nathanya
S’il est trop tôt pour spéculer sur la logique géostratégique à l’œuvre derrière l’attentat de cet après-midi à Jérusalem, il y a de moins en moins de doutes sur celle qui anime le Hamas : il s’agit de faire l’union sacrée du monde arabe contre Israël. On connaît le scénario, huilé comme un billard à deux bandes. En 1991, Saddam Hussein lançait des Scuds sur Israël mais la véritable cible de ses missiles était l’alliance formée par Bush père pour le bouter hors du Koweït. À l’époque, des troupes syriennes et égyptiennes sous mandat onusien se battaient aux côtés des Britanniques et des Américains et le président irakien voulait faire croire aux opinions publiques arabes que Damas et le Caire font le sale boulot des sionistes.
Aujourd’hui, il s’agit entre autres de détourner l’attention, pendant que les Occidentaux jouent contre la montre en Libye et que les Syriens font le sale boulot chez eux où la répression a déjà fait une dizaine de morts. Ce sont les Palestiniens les plus radicaux – Hamas en tête – qui attaquent Israël avec le même but stratégique : présenter l’Etat hébreu comme le cœur des tous les problèmes et faire voler en éclats la coalition qui se bat actuellement en Libye. Quant à la tactique, elle vise à provoquer une réaction en chaîne : provocation, riposte de Tsahal (avec l’espoir d’une bavure sanglante), images choc en boucle sur les écrans, indignation en Occident et colère dans le monde arabe, écroulement de la coalition. Cela n’a pas marché en Irak mais la fragilité de l’alliance qui opère en Libye et les buts plutôt mouvants de cette intervention pourraient laisser croire aux stratèges du Hamas et autres partisans palestiniens de la lutte armée que le coup mérite d’être tenté.
Pour les islamistes de Gaza sont vitaux : si la Syrie tombe, le Hamas perdra son principal soutien dans la région et ses dirigeants devront déménager en urgence.
Fidèle à la stratégie de son père, Bachar el-Assad a un seul crédo: je nuis, donc je suis. Empêcher toute avancée et mettre des bâtons dans toutes les roues pour vendre ensuite chèrement sa « bonne volonté » – c’est-à-dire la mise en veilleuse provisoire de sa mauvaise volonté -, voilà l’essentiel de la politique syrienne depuis quarante ans. Concrètement, cela signifie étouffer le Liban, encourager le Hezbollah à se maintenir en tant que force armée, mener un jeu trouble en Irak et sponsoriser les mouvements palestiniens les plus intransigeants.
Le président syrien ne cache pas son jeu, il en est même très fier. Dans une interview accordée au Wall Street Journal quand il se croyait à l’abri de mouvements comparables à ceux qui emportaient Ben Ali et Moubarak, il a revendiqué cette politique centrée sur l’hostilité à « l’entité sioniste » conforme, selon lui, aux croyances profondes du peuple. Autrement dit, sa ligne politique repose sur la conviction que, pour les Arabes, la haine d’Israël est plus importante que l’aspiration à une vie meilleure et aux libertés civiles. C’est-à-dire exactement le contraire de ce que pensent les Occidentaux.
Dans cette perspective, la Syrie est devenue la pièce-maîtresse du dispositif iranien au Moyen-Orient et – comme l’ont prouvé récemment une belle capture de la marine israélienne et les soupçons croissants des douaniers turcs sur certains vols Téhéran-Damas – une plaque tournante dans le trafic d’armes vers le Liban et le Gaza.
Avec Assad, c’est tout l’édifice stratégique du Hamas et consorts qui pourrait trembler comme une tour de Tokyo pendant un séisme. Un changement d’enseigne en Syrie pourrait engendrer un Liban indépendant et une Autorité palestinienne libérée de la surenchère idéologique islamiste. C’est aussi l’Iran qui pourrait perdre pied en Méditerranée quelques semaines seulement après les y avoir trempés pour la première fois – lorsque les navires de guerre de la République islamique ont franchi le Canal de Suez.
Pour Téhéran et Gaza, ce scénario est un cauchemar stratégique. Il est donc urgent de provoquer Israël en espérant que la riposte sera suffisamment musclée pour donner la victoire cathodique à ces pauvres islamistes innocents victimes de la barbarie sioniste. Peu importent quelques morts, y compris dans leur propre camp : il faut à tout prix sauver le soldat Bachar el-Assad ! Quant à la liberté, Palestiniens et Iraniens la défendent avec enthousiasme en Egypte où ils ont des comptes à régler et des bénéfices stratégiques à empocher.
Quand il s’agit de leurs intérêts vitaux, c’est une autre affaire. Voilà donc Gaza et Téhéran confrontées au même dilemme que les Occidentaux, face aux révoltes du Yémen et de Bahreïn. Curieusement, j’ai comme le sentiment que les premiers ont beaucoup moins d’états d’âme que les seconds. Mais cela doit être de la mauvaise foi sioniste.