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Wael Ghonim, héros malgré nous


Peuples sans légende, nous ne sommes pas encore morts de froid comme le prédisaient Patrice de La Tour du Pin et Claude Allègre après lui, mais ça ne saurait tarder.

En effet, se déroulent en ce moment outre-Méditerranée les révolutions que vous savez et, fors Bouazizi dont − paix à son âme −, le patronyme fait rire dans les cours de récré, le temps a passé longtemps sur ces foules mues par le désir de liberté avant qu’on parvienne à en détacher un ou deux visages.

Pendant un mois, en Tunisie comme en Égypte, de Megara à Charm-el-Cheikh, pas d’Ernesto Guevara, pas de Dany le rouge, pas de Camille Desmoulins, pas de Gavroche, pas de Lacenaire ni même de Garcia Lorca. Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ et tous les super-héros sont occupés. Tous ? Non, car le 8 février surgit sur nos ordis, nos journaux papier et nos écrans télé Wael Ghonim.[access capability= »lire_inedits »]

À vrai dire, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un nouveau soldat de Tsahal capturé par le Hamas. Mais non. Il est vrai que je ne brille pas par mon érudition en onomastique proche-orientale. Wael Ghonim n’est pas non plus OSS 117, même s’il fait maintenant partie du gratin cairote. Qui est-il alors, ce chevalier blanc, ce preux, ce héros sans peur et sans reproche, cette légende vivante, ce comandante du Nil ?

Je vous le donne en mille : le directeur marketing de Google au Proche-Orient. Rien de moins. Et surtout rien de plus. Il n’y a pas de sot métier, sauf banquier, je vous l’accorde. Mais attendez : qu’a donc fait notre Hô Chi Minh en herbe pour que, suivant les gazettes, la place Al-Tahrir entière l’acclame comme une réincarnation du Mahdi ? Eh bien, il a créé sur Facebook le groupe « Nous sommes tous des Khaled Saïd » – jeune assassiné par la police d’État égyptienne dont on ignorait jusque-là qu’il fût un juif allemand.

Après ce coup d’éclat menaçant pour la sécurité publique, le Julien Coupat des pyramides a été raflé au hasard dans les rues du Caire avec cent autres. Ensuite, les geôles, la torture et le reste. Mais le pire, c’est que Wael Ghonim a subi le supplice de la privation d’Internet pendant douze jours. Heureusement, il en est ressorti vivant.

Il faut reconnaître que, place Al-Tahrir, devant la foule en délire, il a su raison garder : non, je ne serai pas votre chef, a-t-il dit, vous êtes les vrais héros. Mais je m’en voudrais de ne pas vous faire part de son premier message sur Twitter: « La liberté est une bénédiction qui mérite qu’on se batte pour elle. »[/access]

Mars 2011 · N°33

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste et essayiste.

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