Il y a du Stavisky dans cette affaire. Je fais ici allusion au fait divers qui a failli emporter la IIIème République en 1934. À propos de DSK, on a sans doute raison de parler de séisme, mais on sait désormais qu’après le séisme vient le tsunami qui peut être plus dévastateur que le séisme lui-même.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement de la faillite des élites.
Ceux qui croient pouvoir exonérer la droite se trompent lourdement. Nicolas Sarkozy confiait en privé à qui voulait l’entendre qu’il ne craignait absolument pas DSK comme challenger car il était certain qu’une affaire de mœurs sérieuse ruinerait son image avant la fin de son mandat au FMI. En plus de témoignages directs, le Président disposait sans doute de fiches des RG étayant sa conviction. Et sachant cela, il a tout fait pour faciliter sa nomination au FMI ? On mesure aujourd’hui toutes les conséquences de cette irresponsabilité: le spectacle atterrant du Directeur général du FMI menotté et encadré par deux policiers est une humiliation ressentie par tous les Français.
Venons-en aux hiérarques de gauche. « Ça ne ressemble absolument pas à DSK », « ce ne correspond absolument pas au Dominique que nous connaissons » . Ces phrases tournent en boucle depuis dimanche dans le logiciel socialiste. Or il semble bien que, justement, « ça ressemble à DSK » ! Ça lui ressemble même tellement que depuis plusieurs années, de nombreuses affaires allant du harcèlement à la tentative de viol pur et simple sont connues de tous. C’est précisément à ces affaires que faisait allusion Sarkozy dans ses conversations privées. Sans savoir exactement, personne ne les ignorait complètement, mais nous étions tous complices, soulagés de nous soumettre à la chape de plomb imposée. Au nom du sacro-saint respect de la vie privée. Mais s’agissait-il de vie privée ou d’affaires délictueuses voire criminelles ?
On ne saurait, enfin, disculper les médias qui n’ont jamais enquêté sérieusement sur ces affaires. Cette discrétion de violette ne s’explique pas seulement par le respect dû à la vie privée, surtout en France, mais aussi par une espèce de gauloiserie qui voit en tout dragueur un champion potentiel sans admettre qu’au-delà de la drague, certains comportements relèvent de soins intensifs en établissement psychiatrique.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous ne savons pas ce qui s’est passé dans la chambre 2806 du Sofitel de Manhattan. Mais la probabilité pour que quelque chose de grave ait eu lieu est franchement élevée. Il y a quelques mois, DSK déclarait aux journalistes de Libé qu’il s’attendait à toute provocation de cette nature du fait de sa réputation sulfureuse, ce qui prouve qu’il lui arrivait d’être lucide. Mais d’où venait cette réputation, d’un complot ? Cette fumée était-elle née par génération spontanée en l’absence du moindre feu ? Et puisqu’il se savait attendu au tournant, n’aurait-il pas dû se montrer plus irréprochable que la femme de César elle-même ? En supposant même qu’il soit tombé dans un piège, cela prouve au minimum son incapacité à maîtriser sa propre destinée. Un acte manqué en quelque sorte. Selon l’hypothèse la plus extrême (et probable), DSK aurait cédé à une pulsion incontrôlable et commis l’irréparable. Dans tous les cas on tremble à l’idée que cet homme aurait pu devenir Président le République. Et on se félicite que la pulsion ait contrarié l’ambition à temps.
Le bilan est pour le moins atterrant. Voilà donc des mois que le microcosme médiatico-politique fabrique un champion présidentiel présenté comme le Messie venu nous délivrer du sarkozysme. Les sondages lui promettent une élection à 60 % des voix, on vante son action exemplaire au FMI, on salue sa vision d’une gauche moderne et rénovatrice… Depuis Jacques Delors, on n’avait pas vu un tel engouement. Bref, on était au nirvana et on se retrouve avec un psychopathe présumé complètement irresponsable. Et tous savaient au moins que le « terrain DSK » était complètement miné et que chacune de ces mines pouvait nous péter à la gueule à tout instant. L’explosion a eu lieu samedi et elle détruit tout sur son passage.
Comment ne pas comprendre que cette duperie va provoquer des ravages énormes dans une opinion déjà travaillée par le populisme, et favoriser la montée en puissance de Marine Le Pen ? Elle a été la première à comprendre tout le parti qu’elle pouvait tirer de ce scandale planétaire. Le tsunami travaille aujourd’hui dans les profondeurs de la société. Où s’arrêtera-t-il ?
Il votera sans doute Mélenchon à la présidentielle. Christian Claudon est le prototype du prolo perdu par les socialistes mais pas gagné par le Front national. « Je comprends bien les gens qui ont envie de voter pour Marine Le Pen ; moi, bizarrement, ça ne me dit rien. » Il n’a pas tellement plus d’explications que ça à donner. « Ça ne lui dit rien », l’expression revient souvent.
« Personne ne défend l’ouvrier aujourd’hui, tout le monde s’en fout. » Il évoque une grève pour les salaires et contre le licenciement de certains intérimaires menée dans une grande boîte américaine implantée près d’Épinal, qu’il suit de près dans le journal parce que lui-même y a travaillé. « Le tribunal vient de dire que leur grève est illégale, s’énerve-t-il en buvant son café. « Illégale« , qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’on est juste bon à fermer sa gueule quand on a du travail ? » Il s’estime verni : à 59 ans, il « profite » d’une retraite anticipée de la métallurgie. « J’ai commencé jeune, à 15 ans, c’était normal que je parte plus tôt, non ? » Normal, mais pas si confortable que ça. Comme tout le monde dans ce coin des Vosges, il « bricole » pour arrondir les fins de mois : on échange des œufs contre des légumes avec ceux qui « font du jardin ». On fait du bois l’hiver, des travaux l’été. « Je ne me plains pas, j’en suis sorti, moi. Les gosses, c’est pas pareil. »[access capability= »lire_inedits »]
Ses enfants ont un métier : son fils est maçon ; sa fille, elle, enchaîne les contrats précaires dans une maison de retraite. « Ils ne se plaignent pas, ils ont pu acheter une maison, une voiture, et ne sont pas malheureux. » Tous les jeunes, autour de lui, jonglent de boulot en boulot, en croisant les doigts pour ne pas rester trop longtemps au chômage: « C’est la nouvelle mentalité. Quand je me souviens qu’on avait juste à se baisser pour trouver du travail, j’ai l’impression de parler du Moyen-âge. Parfois, je me demande si ça a vraiment existé : d’ailleurs, aucun politique ne dit que ça pourrait revenir ».
Lui n’a connu le chômage qu’une fois, après la faillite de l’entreprise où il travaillait : « On nous prenait pour des imbéciles : dans la cellule de reconversion, on voulait nous faire faire des stages, écrire des CV. J’ai fait comme les autres, j’ai claqué la porte, j’ai retrouvé du boulot en faisant le tour des boîtes dans la zone industrielle d’Épinal. » C’était en 1989. « Je me doute que ça ne marche plus comme ça, mais on laisse les patrons faire tout ce qu’ils veulent. Ils réclament des sous pour investir, puis ils partent à l’étranger et personne ne dit rien. Tout le monde a la trouille. »
Christian a vaguement acheté des timbres CGT dans les années 1970, a fait toutes les grèves pour les salaires, les conditions de travail, l’emploi. Et puis il a laissé tomber. « J’ai vu que les syndicalistes devenaient des hommes politiques comme les autres et s’inquiétaient plus de leur carrière que de l’usine. C’est pour ça que je ne suis pas allé manifester contre la réforme des retraites : se retrouver à 100 péquins à Épinal devant la préfecture, ça ne fait pas très envie. »
La politique, c’est pareil, ça le décourage : « Je vais voter, c’est le seul truc qui nous reste à nous, les petits. Mais parfois, je me demande à quoi ça sert. » L’abstention ne le surprend pas, le vote FN non plus : « Tant qu’ils continueront, tous, à ne pas s’occuper des problèmes des gens, rien ne changera. L’essence trop chère, le fioul hors de prix, l’euro, la viande, les légumes, les impôts, les riches, rien ne change. C’est pourtant pas compliqué de voir ce qui intéresse les gens non ? Les socialistes ont l’air de s’en foutre et moi, je ne voterai pas pour DSK. Autant élire un patron direct. »
Alors Mélenchon ? « Il gueule, il n’a pas peur des autres, je crois qu’il défendra l’ouvrier et les petits. Moi j’aime ça, les gens pas content. Franchement il n’y a aucune raison d’être content aujourd’hui. » Il met au crédit du candidat du Parti de gauche son changement de pied sur l’Europe : « Lui, au moins, il avoue qu’il s’est planté en votant pour Maastricht. On voit bien que c’est le problème : regardez sur les routes tous ces camions roumains, slovènes ou pire qui roulent jour et nuit et cassent les prix. Comment voulez-vous protéger votre industrie, si les Européens eux-mêmes ne respectent pas les règles ? Voilà à quoi ça sert, l’Europe : tirer tout le monde vers le bas… »
Bizarrement, il trouve que Marine Le Pen ne « gueule » pas assez : « Elle dit des trucs vrais, comme sur l’euro ou sur les « gros » qui se goinfrent. Mais j’ai l’impression qu’elle veut juste le pouvoir pour le pouvoir, et qu’elle ne fera pas tout péter. Au point où on en est, c’est bien ça qu’il faut, non ? » Ses voisins, qui ont voté Sarkozy en 2007, le font rigoler. « Ils se sont bien fait avoir en croyant qu’un ouvrier pouvait voter pour la droite, mais la droite, c’est pas pour nous. J’espère qu’ils ne se feront pas avoir une deuxième fois. » Pourtant, l’élection a beau approcher, Christian et ses proches ne parlent pas trop de politique : « C’est un coup à se fâcher, les gens sont trop énervés, et en même temps on ne voit pas de solution. »[/access]
Interrogé ce matin sur LCI sur les derniers développements de l’Affaire, le n°2 en titre du PS en a appelé à qui de droit : »Je souhaiterais que le président de la République, comme il l’a fait pour d’autres Français, qui ont été pris dans des affaires judiciaires à l’étranger (…) fasse en sorte notamment, par exemple, que Dominique Strauss-Kahn puisse organiser sa défense d’une façon décente« .
Au cas ou l’on aurait pas compris Harlem faisait là référence à l’intervention de l’Elysée en faveur de Florence Cassez, et il n’a même pas peur de le dire : « Nous le faisons quand il s’agit de nos compatriotes au Mexique ou dans d’autres pays, nous pouvons quand même faire valoir qu’il y a un traitement digne qui doit être réservé à nos compatriotes« .
Devrais-je rappeler à Harlem qu’on voit mal ce qui pourrait arriver de pire à DSK qu’un bis repetita du scénario Cassez ? Certes l’Elysée en a fait des tonnes. Résultat des courses, Mlle Cassez a l’air bien partie pour passer les soixante prochaines années en prison. Si c’est ça qu’Harlem réclame pour son « ami »…
La chrétienté est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux seuls chrétiens. Longtemps, l’Occident a été défendu contre les invasions barbares par des soldats du Christ qui ne s’embarrassaient pas trop de charité. Aujourd’hui, une partie des chrétiens, disons la partie de gauche, revenue à une interprétation plus littérale des Evangiles, semble être devenue incapable de défendre notre monde. La frontière est vue comme un obstacle à l’accueil de l’étranger dans son altérité et le soutien aux sans-papiers comme une expiation. À l’écoute des autorités ecclésiastiques qui désapprouvent systématiquement toute tentative pour protéger les peuples et les cultures contre les immigrations massives, les bons samaritains ouvrent leurs cœurs à la substitution démographique en cours. Ils pourraient ramener la gauche au pouvoir et en avant pour plus de tolérance, d’ouverture et de régularisation massive.
Si on ne peut pas trop compter sur ces « cathos Télérama » pour nous sortir d’affaire, il nous reste les chrétiens de droite. Fermes défenseurs de la civilisation de leurs ancêtres, ils rechignent à tendre l’autre joue et semblent prêts à lancer la reconquête des territoires et de la courtoisie perdus. Mais il y a un hic. Tenants d’un ordre moral catholique pour qui hors de l’église, il n’y a point de France et point de sexe, ceux-là pourraient, en pesant à droite, obtenir des lois instaurant l’emmerdement maximum pour tous.
Chrétien débridé du cœur ou le catho coincé du cul ?
Et moi dans tout ça ? Sur lequel de ces deux citoyens puis-je compter pour sauver la République et la France ? Celui qui veut accueillir, partager, métisser, régénérer le pays dans un échange multiculturel sans tabous, ou cet autre qui rêve de régenter la vie sexuelle des Français comme s’il avait oublié son adolescence et la trique de ses dix-sept ans ? Le chrétien débridé du cœur ou le catho coincé du cul ?
Il faut lire la presse de droite catho et Causeur dans ses jours réacs, pour comprendre que l’ordre moral, comme Jésus-Christ, n’est pas mort et qu’il bande encore. Si vous l’ignoriez, le Christ est vivant, ce n’est pas moi qui le dis et si ça dépasse votre entendement, laissez tomber, c’est que vous n’avez que votre raison pour raisonner.
Un peu de morale ne nuit pas, mais que l’ordre se contente d’être public et qu’on nous laisse nos désordres privés. Au sujet de l’accès à la contraception dans les lycées, contrairement à François Taillandier, je doute qu’on puisse répondre romantisme et abstinence à des adolescents qui n’attendront pas de savoir comment ça marche pour jouir de la plus vieille liberté du monde. On peut toujours comme le suggère mon camarade, (je n’ose pas écrire confrère, il n’est pas plus menuisier que je ne suis académicien), les prendre par les sentiments et leur échanger du rêve contre leur réalité. Je crains que ce ne soit d’aucun secours pour tempérer les érections, principales causes d’échecs scolaires, selon une étude menée sur un collégien : moi. La jeunesse veut baiser sans conséquences et je ne vois pas bien en quoi un accès aux pilules ou aux capotes pose problème. Personne n’est obligé d’en croquer.
Le sexe, le plus beau cadeau du singe à l’homme
On peut imaginer un monde sans internet, sans Ipad, sans nucléaire et même sans mondialisation mais sans sexe, cela relève de l’utopie la plus délirante et le meilleur moyen d’éviter de tomber dans une sexualité déviante, c’est encore d’en avoir une. Les prêtres que dieu a soumis à la tentation mais que la police et la prison ont délivrés du mal en sont des exemples vivants. Après tout, le sexe n’est-il pas le plus beau cadeau que le singe ait légué à l’homme ou que, selon le mythe judéo-chrétien, le bon dieu lui ait donné ? À lui et à la femme si je me fie à ce que j’entends. Pourquoi diable empêcher des jeunes gens débordant de sains appétits sexuels de jouer avec leur corps par simple recherche du plaisir, sans chercher à se reproduire ou à se marier comme des animaux ou des fondamentalistes ?
Mais le pire, pour les curés de tous poils, dans la série de pêchés qui contrarient la conception, après la masturbation et la contraception, c’est l’avortement. Comme François Taillandier, les chrétiens les plus révoltés par ce « meurtre de masse » qualifient allègrement l’IVG de « boucherie ». On se demande comment on nommait cette opération avant l’époque bénie de sa légalisation et de sa médicalisation, quand la clandestinité de la chose jetait des pauvresses sur les tables des faiseuses d’anges, pour qui la calotte ne débordait pas de charité chrétienne puisqu’on leur coupait la tête sous Pétain, qui devait sauver la France, au bras du clergé et au nom du Sacré Cœur.
Et ta sœur, Zemmour ?
À coté du principe moral, il arrive que l’argument démographique soit avancé pour dénoncer ce déficit de petits Français que les « salopes » creusent et que l’immigration comble joyeusement grâce aux allocations indigènes, (Ici, c’est nous). Il faut rappeler à ces fins stratèges qui veulent faire de la politique avec le ventre des femmes comme de vulgaires islamistes qu’on aura beau enfermer dans des usines à pondeuses toutes les femelles occidentales, on ne fera pas le poids face au tiers-monde. Zemmour l’a assez répété, il n’est pas humain de mettre son frère de civilisation en concurrence avec le travailleur pauvre. Et ta sœur, Eric ?
Enfin, chacun fait ce qu’il veut mais ça ne plait pas à tout le monde. Tant que la pilule ou l’IVG ne sont pas obligatoires et que la fellation ne figure pas parmi les épreuves du bac, je ne comprends pas pourquoi les cathos grimpent au rideau dès qu’on envisage de nous faciliter la vie sexuelle, ou plutôt je comprends avec Léo Ferré que « Le problème avec la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres ». Nous faisons tous des choses qui en choquent ou en dégoutent d’autres. Les Anglais ne nous empêchent pas de manger des escargots, nous pouvons tolérer que des moustachus se roulent des pelles le jour de leur mariage, tant qu’ils ne nous obligent pas à proclamer que c’est l’avenir et le progrès. C’est aussi ça la laïcité.
La liberté des mœurs, fleuron de l’identité française
Le mois dernier, un dossier de Valeurs Actuelles apportait sa contribution au débat sur la laïcité en nous faisant bouffer de la chrétienté par la racine jusqu’à épuisement. Il est sûrement nécessaire de rappeler aux nouveaux citoyens qui se croient en pays conquis « Les racines chrétiennes de la France » mais il n’est pas inutile de préciser que l’arbre français est aujourd’hui républicain et laïque. Si nous sommes tous émerveillés par le patrimoine hérité du Moyen-âge, nous sommes tout autant décidés à ne pas ressusciter l’esprit de ce temps. Sommes-nous condamnés, pour résister à l’islamisation, cet archaïsme d’importation, à faire revivre un obscurantisme local qu’on croyait mort de sa belle mort, obsolète et dépassé ? Les églises se vident depuis que le bonheur, cette idée neuve de deux siècles en Europe, a fait son chemin et ce n’est pas en rappelant les Français à la messe qu’on les mobilisera. La liberté des mœurs acquise ne rentrera pas dans le tube catholique, elle s’épanouira dans le cadre laïque. Elle est un fleuron de l’identité française, un bien plus précieux qu’un souvenir de communion et peut être un rempart contre l’invasion de cultures liberticides et régressives. Enfin, l’intégration n’est pas seulement une contrainte, elle est aussi une main tendue. Dans notre affaire de contraception au lycée, la jeune fille musulmane, pour vivre comme ses copines sans gêner ses parents, a moins besoin de racines chrétiennes que d’une pilule laïque et républicaine.
Nous sommes le monde libre et libérateur. La fille aînée de l’église est une sainte-nitouche au grand cœur, Marianne une femme libre, alors en amant passionné de la liberté, j’affirme, avec mon compagnon Jean (on s’appelle comme ça entre anarchistes) : « L’ordre moral mon cul, la liberté m’habite!»
Le Festival de Cannes se déroule cette année à Manhattan et DSK aura le grand prix d’interprétation masculine. J’ai toujours pensé qu’il avait une gueule et une dégaine d’acteur. Il manquait le scénario. L’injustice est réparée. La mise en scène, expressionniste à souhait, aurait plu à Fritz Lang. Il n’aurait pas manqué de faire remarquer combien le personnage incarné par DSK lui rappelait son « Docteur Mabuse le joueur ». Il l’avait tourné en 1922 à Berlin et à Paris dans les milieux de la haute finance et du pouvoir politique. DSK n’en était pas loin à la tête du FMI.
Évidemment, on soupçonnait Mabuse des plus noirs desseins et il n’avait pas l’habileté de se réclamer d’un parti politique luttant pour la dignité des femmes et des pauvres. Sur ce point, ce remake du docteur Mabuse, grommelait Fritz Lang, est plus subtil. Et il ne pouvait avoir pour cadre que New York et Paris pour le chœur des pleureuses.
Le Docteur Mabuse est un maître des échecs, ce qui signifie qu’il n’abandonne jamais. Il peut croupir dans un pénitencier, mais il en sortira. Il y aura d’autres épisodes. Ne croyez surtout pas qu’il est suicidaire : il sait parfaitement ce qu’il fait et il fait ce qu’il veut.
Peu importe qu’un autre acteur incarne Mabuse, mais le scénario est déjà écrit. On regretterait néanmoins que DSK ne poursuive pas une carrière cinématographique si brillamment entamée.
Kiosque à journaux, Grèce. image : la règle du jeu
Après tout, il n’y a pas de raison, moi aussi, je sors du silence. J’ai été violé par Dominique Strauss-Kahn. D’accord, je ne suis pas une femme, je suis un archétype. Il n’empêche, je ne peux demeurer silencieux plus longtemps. J’ai été violé par les oreilles et par l’esprit. Et ce, depuis des mois, des années et avec la complicité active d’une part des médias et même d’hommes politiques de droite.
Je suis un électeur de gauche. Voilà, c’est dit.
Parfois je suis communiste, parfois je suis écologiste mais le plus souvent je suis socialiste. Par exemple, je pense que le périmètre du marché doit être limité et que l’éducation, la santé, l’énergie, voire une partie du crédit doivent en être exclus. Je suis partisan d’un niveau de protection sociale très élevé qui permettent de réduire les inégalités et de donner aux gens l’impression qu’ils vivent en société et non dans le fameux poulailler libre visité régulièrement par des renards libres.
Il arrive qu’on m’appelle le peuple de gauche, l’appellation a ressurgi avec les célébrations de ce 10 mai 1981 qui semble si lointain aujourd’hui. On se demande où je suis passé. Certains me repèrent dans la foule des abstentionnistes, d’autres m’identifient chez les sympathisants de Marine Le Pen. Et ça ne va pas s’arranger, surtout si la campagne présidentielle se met à ressembler à une série policière du dimanche après-midi, en vertu de la spécialité très américaine qui fait que l’image du réel est plus réelle que le réel – ainsi, en banalisant la torture à l’écran, Jack Bauer a-t-il préparé le public à Guantanamo.
Je vous dois une précision : je suis un électeur de gauche resté à gauche. Un vrai. Pas un adhérent à 20 euros du PS cuvée 2007, quand Ségolène était la candidate favorite de la droite et des sondages.
Et je maintiens mes déclarations. J’ai été violé par DSK. Parfois, il y avait Moscovici avec lui et puis aussi un certain Cambadélis. Un jeune brun aussi s’y mettait, Manuel Valls. Il y en avait un autre, mais comme il trouvait qu’on n’allait pas assez loin avec moi et que ça ne ressemblait pas assez à du porno-gonzo idéologique, il est allé voir en face. Jean-Marie Bockel, il s’appelait. Au moins, il m’a laissé tranquille. Il est allé draguer l’électeur de droite, ce n’est plus mon problème.
En attendant, vous ne pouvez pas vous imaginer ce que j’ai subi comme attouchements législatifs, toutes ces années, avec cette bande de pervers, ces obsédés prêts à toutes les pratiques sociales libérales, sans oublier les privatisations sans vaseline. Et que je te mets la main à l’Etat-Providence, et que je te touche les acquis sociaux, et que je te bascule sur le lit du sécuritarisme, et que du temps de Jospin (qui faisait semblant de ne rien voir), et je te promène mon Comité d’Orientations des Retraites et ma LOLF devant le visage, et que je te fouette à coups de RGPP, ce qui va bien aider les autres à « réformer » comme ils disent ou à te faire bosser sur le trottoir patronal jusqu’à 67 ans et plus.
Cela ne s’est pas passé dans la chambre d’un hôtel new-yorkais, il n’empêche que j’ai été coincé et séquestré – et dans mon cas, il y a des témoins parce que ça s’est passé à l’échelle d’un pays, que dis-je, d’un continent. Et quand, en 2005, j’ai hurlé que ça faisait trop mal et que j’ai dit « non », eh bien DSK et les autres, ils ont fait semblant d’entendre « oui ». D’accord, ce coup-là, ce n’était pas DSK, c’était Sarkozy. Mais ils rigolaient bien, les salauds, de voir ma tête. Quand ils veulent quelque chose, rien ne les arrête.
Le problème, c’est que DSK appartient à mon camp. En théorie tout au moins. Me faire ça à moi, son électeur naturel, c’est quand même scandaleux. Et j’ai dû supporter, moi la victime, d’entendre célébrer sur tous les tons les mérites de mon tortionnaire : « DSK, La meilleure chance de la gauche » par-ci, « DSK, le sauveur du PS » par-là. Qui me croyait, moi, l’électeur de gauche quand je disais qu’il n’était pas ou plus de gauche ? On m’accusait de vouloir salir la réputation d’un homme responsable, moderne, bien sous tous rapports et on répétait que c’était moi le pleurnichard archaïque qui ne voulait pas me laisser faire alors que c’était si bon, mais si, mais si, j’allais voir, d’être moderne.
Le pire, avec DSK, c’est que l’on finit par aimer son bourreau. Le syndrome de Stockholm, ça s’appelle. Eh bien oui, j’avoue : malgré les sévices et les humiliations, je m’apprêtais à voter pour lui au second tour de la présidentielle, toute honte bue. Pour le passé, pour les promesses, pour la gauche dont il m’aurait murmuré le nom à l’oreille, le temps d’une campagne, avant, à peine élu, de recommencer à me la faire à l’envers.
Après Cécile Duflot lundi, c’est à Gisèle Halimi de tenter de réveiller la gauche quant au droit des victimes d’agressions sexuelles, et de sauver son honneur au passage (en fait le leur : le sien propre et celui de la gauche).
Apparemment, ce n’est pas une mission facile, elle a du sortir le bazooka, ce matin dans Le Parisien, pour déciller ses camarades. Pour cette féministe historique « déçue par la gauche » , il est clair que « le respect des femmes » doit » prévaloir sur l’amitié et l’esprit de clan « .
Au cas, où l’on ne l’aurait pas bien comprise, l’avocate, qui a maintes fois défendu des victimes de viol, met les points sur les i . Pour elle, la femme de chambre « a osé parler. Mais bientôt, on va fouiller dans sa vie privée (…) J’ai commencé à lire ici ou là des dénigrements. Mises en cause, ces femmes finissent par sombrer dans une dépression et regrettent d’avoir porté plainte« , note l’avocate, en concluant que « l’objectif est, bien sûr, de les contraindre au silence« .
Certes on est pas obligé de dire, comme Gisèle Halimi : « Comment voulez-vous croire qu’une simple femme de ménage, noire, mère célibataire de surcroît, ne dise pas la vérité ? Quel serait son intérêt ? »
Mais on ne pourra s’empêcher de trouver son cri du cœur plus inspiré que celui du néo-conspirationniste Jack Lang qui a expliqué au JT de David Pujadas « On a envie de se payer un Français influent » avant d’expliquer sans complexes que son ami DSK n’aurait jamais dû être emprisonné « alors qu’il n’y a pas mort d’homme »…
Jusqu’ici, tout va bien. Le climat d’irréalité qui règne sur la question des dettes publiques européennes rappelle fâcheusement celui qui prévalait peu de temps avant que n’éclate la crise dite du « subprime rate », révélatrice du surendettement des ménages américains. Le scénario de dirigeants impuissants face à une catastrophe annoncée semble voué à se répéter.
Lorsque les premiers signaux d’alarme retentissent, les autorités publiques − monétaires et gouvernementales − s’acharnent à persuader les populations que la situation est, sinon maîtrisée, au moins maîtrisable. Ainsi a-t-il fallu quinze mois, entre le 22 juin 2007 et le 14 septembre 2008, pour aboutir au désastre financier qui a bouleversé le paysage économique de l’Occident. Aujourd’hui, cela fait quinze mois que la crise de la dette publique grecque a éclaté, donc quinze mois que les dirigeants européens tentent, dans la confusion, de remédier à la défiance qui mine le crédit public au sein de la zone euro à partir de sa périphérie.[access capability= »lire_inedits »]
Il ne s’agit pas d’une discussion de salon mais d’une question fondamentale pour nos sociétés. Le tsunami de la dette privée américaine qui a dévasté l’Occident sera-t-il suivi d’un tsunami de la dette publique européenne qui dévastera à nouveau des économies aujourd’hui en phase de rémission ? Si cela devait être le cas, tous les efforts accomplis pour panser les plaies et relancer nos organismes affaiblis seraient ruinés. Nous entrerions en dépression.
Pour formuler le meilleur énoncé possible du problème, il faut partir de trois étrangetés. Pourquoi la défiance à l’égard du crédit des États est-elle apparue d’abord en Europe, alors que la crise financière avait les Etats-Unis pour épicentre et que la dette publique américaine a atteint, en parallèle, un montant alarmant ? Comment cette défiance a-t-elle pu s’installer après quelque dix années durant lesquelles ces États avaient joui d’une confiance sans précédent, y compris dans les moments les plus critiques de la crise du « subprime rate » ? Comment l’euro, proclamé comme le bouclier monétaire du Vieux Continent, est-il devenu le premier sujet d’inquiétude ? Ces questions qui fâchent et qui fatiguent, les médias préfèrent les ignorer avec l’espoir qu’elles seront oubliées par des esprits déjà accaparés − et on s’y emploie − par une campagne présidentielle qui devient, pour le coup, une campagne providentielle.
L’impact dévastateur de la « Grande récession »
Les États-Unis portent la responsabilité écrasante d’avoir provoqué ce que les Américains appellent eux-mêmes la « Grande récession ». Les économies occidentales ont subi une chute de la production et une hémorragie de l’emploi qui, quoique inférieurs à ceux enregistrés dans les années trente, sont sans précédent depuis la Deuxième guerre mondiale. Même la plus rude des crises du pétrole, celle de 1980, n’a pas créé de dommages comparables à ceux qui nous ont été infligés depuis 2008. Asphyxiés par des dettes disproportionnées, les Américains ont réduit leurs achats et, dans leur sillage, les entreprises d’Amérique, d’Europe, voire de certains pays d’Asie ont annulé ou reporté leurs programmes d’investissement. Un peu partout, les stocks excédentaires ont été liquidés, des unités de production, des lignes de production ont été arrêtées. Pour aggraver le repli spontané de la production, les banques commerciales ont restreint leurs crédits, malgré le soutien massif des banques centrales : le crédit au logement s’est contracté, le crédit à l’import-export s’est tari. Il a d’ailleurs fallu, pour échapper à la dépression qui commençait à s’installer, que le FMI se mue, à partir du printemps 2009, en banquier spécialisé dans le financement de l’import-export.
Dans ce contexte d’activité affaiblie, il était prévisible que les États n’y retrouveraient pas leur compte. Certains ont pris sur eux de tenter des relances partielles à partir de commandes publiques, d’autres ont volé au secours des banques en faillite en endossant, en leur lieu et place, le rôle du débiteur vis-à-vis des créanciers. Mais tous ont subi l’hémorragie de leurs recettes fiscales. Telle est l’origine principale de la déshérence financière des grands États occidentaux : taxes sur la consommation, impôts sur les revenus des particuliers et des entreprises, charges sociales sur les salaires quand elles existent, tous ces prélèvements, vitaux pour la survie financière des systèmes publics, ont enregistré des baisses prononcées. Bien entendu, les apôtres de la rigueur, revenus à la charge avec tambours et trompettes, ont oublié de relever ce point décisif, se complaisant à stigmatiser, encore et encore, le laxisme présumé des gestionnaires publics.
La montée en flèche des déficits et des dettes, produit direct de la « Grande récession », a projeté les États dans une nasse financière. Les dettes souveraines se sont accrues de 20, 30, 50 voire 100 ou 300 % (c’est le cas de l’Irlande) selon les pays. Pour la France, l’impact se monte à 400 milliards d’euros, soit 20 % du PIB.
Or, les stratégies de rigueur plus ou moins prononcées, mises en place ici et là en Europe, sous la pression des marchés du crédit, risquent de se révéler pires que le mal dès lors qu’elles pèsent sur la demande intérieure de toutes les économies : du coup, aucune ne peut espérer se réajuster en profitant de la demande des autres. De surcroît, les mesures mises en œuvre sont mathématiquement insuffisantes pour réduire le montant des dettes publiques ou même empêcher leur aggravation spontanée.
Enfin, les États les plus atteints par la crise de défiance, comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, sont étouffés par les intérêts exorbitants – entre 7 % et 11 % courant avril − que leur réclament ceux des prêteurs qui veulent bien encore souscrire leurs emprunts. À ces conditions, l’accroissement spontané de la dette compense, et au-delà, les effets des mesures d’ajustement sur les dépenses et les recettes, même les plus sévères. L’effet boule de neige, bien connu des financiers, est à l’œuvre. Pour les pays déjà entraînés dans la tourmente, l’espoir n’est plus de mise. Désormais, il faut se demander quels pays vont entrer à leur tour dans l’œil du cyclone d’une part et, d’autre part, si l’euro est encore viable alors que la gangrène financière atteint ou menace ses membres.
Les agences de notation se trompent toujours
À l’automne 2008 encore, au beau milieu de la tornade qui balayait le système bancaire occidental, les marchés du crédit public de la zone euro affichaient une sérénité olympienne. Tous les Trésors concernés pouvaient émettre leurs emprunts hebdomadaires au même taux, ou presque, que le Trésor allemand. En 2006 et 2007, l’État espagnol et l’État irlandais s’étaient même offert le luxe d’émettre à des taux inférieurs aux taux concédés par la RFA. L’euro semblait jouer pleinement le rôle de bouclier qui lui avait été assigné à l’origine.
Le renversement qui s’est opéré entre l’automne 2008 et l’hiver 2010, début de la tragédie grecque, peut surprendre à trois égards.
Premièrement, il révèle la cécité de tous les agents financiers qui avaient souscrit les emprunts des pays aujourd’hui en faillite non déclarée. Comment, en effet, les banques françaises, allemandes, anglaises, américaines ont-elles pu accumuler des centaines de milliards d’euros de titres des pays de la périphérie, et ce, en plein cœur de la récession qui détruisait les bases financières des États ?
Deuxièmement, il incrimine l’action nuisible des agences de notation. Les agences de notation se trompent toujours. Après avoir honoré les entreprises, les banques et les États des notes les plus flatteuses, sans examen approfondi de leur capacité économique et financière, elles procèdent à leur jeu de massacre usuel dès que le contexte se dégrade. Le cas des banques irlandaises et espagnoles illustre leur aveuglement. Le rythme totalement disproportionné des emprunts contractés par les premières, des crédits accordés par les secondes, ne pouvait que laisser présager des lendemains de fête douloureux pour les appareils bancaires de Dublin et de Madrid.
Troisièmement, il disqualifie les autorités européennes de Bruxelles et de Francfort, dont on attend toujours que l’impéritie soit dénoncée. La Commission européenne et la BCE ont fait l’impasse sur la question des dettes privées. Résultat, l’accroissement de celles-ci, particulièrement marquée en Espagne et en Irlande, qu’il s’agisse des particuliers, des banques et des entreprises, est demeurée inaperçue.
La gouvernance de l’Europe doit changer. Radicalement
Il est donc urgent, à supposer qu’il en soit encore temps, de changer radicalement la gouvernance de la zone euro et de l’Europe, ce qui suppose de changer tout aussi radicalement les schémas d’analyse et d’en adopter de nouveaux qui tiennent compte des événements récents. C’est d’autant plus nécessaire que − dernier grand enseignement de la crise financière qui affecte le Vieux Continent −, l’Europe a révélé le caractère hétéroclite de son assemblage économique. Qu’y a-t-il de commun en effet entre l’Allemagne industrielle surpuissante et la Grèce, cantonnée au tourisme et au transport maritime ? Quelle symbiose peut-on imaginer entre l’Irlande, paradis fiscal, et la Finlande dotée, en dépit de sa taille modeste, d’un véritable appareil de production ?
Comment a-t-on pu donner en exemple à la France, comme l’ont fait Ségolène Royal et Michel Sapin, porte-parole économique du PS, une économie espagnole en proie au démon de la dette ? Il faudrait encore, pour compléter le tableau, évoquer la divergence démographique qui mine l’avenir de l’Europe. Les Français de moins de 20 ans sont aujourd’hui plus nombreux que les Allemands de la même catégorie d’âge. Tandis que l’Espagne, l’Italie et l’Espagne connaissent une dépression démographique, deux autres grands pays, le Royaume-Uni et la France, affichent un taux de fécondité suffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Or, le facteur aggravant, c’est que pendant toute cette période où les divergences économiques et démographiques se sont accentuées, l’euro, hélas, a servi de leurre. Même s’il survit, dans une configuration modifiée, il nous laisse désarmés ou presque devant la tâche nouvelle qui s’impose.
Sauver l’euro ou sauver les Européens
Cela s’est fait en un éclair. Il y a un an, la communication des dirigeants européens a basculé : « L’euro nous protège » a cédé la place à « Protégeons l’euro ». Le fétiche a changé de statut. Le bouclier s’est transmué en relique. Souscrire à cette nouvelle présentation serait une forme de démission intellectuelle. Rien n’est moins sacré que la monnaie dans les économies modernes. Toute monnaie doit être considérée comme un outil d’action économique, ni plus, ni moins. C’est à la lumière de ce préalable que nous pouvons esquisser quelques pistes permettant d’envisager pour l’avenir monétaire de l’Europe.
La première piste consiste à entériner les divergences économiques, en organisant la sortie ordonnée de l’euro de tous les États qui se trouvent dans l’incapacité de relever le défi d’une monnaie ajustée sur l’industrie exportatrice de l’Allemagne, à savoir les États dits de la « périphérie », mais aussi l’Italie, et peut-être la Belgique et la France. Ces États rétabliraient des monnaies nationales, donc des politiques monétaires et de changes nationales. Cette solution imparable sur le papier se heurte à deux difficultés financières majeures. Comment, en effet, les États séparatistes feraient-ils pour honorer des dettes fortement accrues du fait qu’elles ont été contractées en euros, alors que les « nouvelles » devises accuseraient une dépréciation de 20, 25, voire 50 % vis-à-vis de l’euro maintenu ? Une réduction autoritaire des dettes semble inévitable. Mais alors, comment éviter que les pertes enregistrées par les détenteurs de titres en euros suscitent à leur tour une crise de défiance nous conduisant à une récidive de la tornade financière de 2008 ?
Une deuxième piste est de transformer la monnaie unique en monnaie commune, servant seulement aux transactions entre les pays-membres, qui se verraient tous dotés d’une monnaie propre, y compris l’Allemagne dont le mark pourrait être défini comme un clone de l’euro actuel. Les États en difficulté bénéficieraient de la dépréciation de leurs monnaies nationales pour retrouver la compétitivité qui leur fait défaut, mais leurs engagements en euros seraient maintenus. Il leur faudrait cependant absorber une inflation temporaire, liée à la dévaluation monétaire, tout en contrôlant leurs coûts de production et, en même temps, trouver les moyens de financer les investissements publics et privés sur ressources propres alors que les prêteurs étrangers demeureraient sur l’Aventin, dans l’attente de leur rétablissement.
La troisième piste, enfin, serait de tenter de sauver l’euro au prix d’un changement drastique de la stratégie monétaire et financière en vigueur. Pour remédier à la crise de défiance, la Banque centrale européenne achèterait une fraction des titres émis. Simultanément, les nouveaux emprunts seraient émis par les États sous forme de dettes à durée indéterminée, permettant de ne payer que les intérêts pour se réserver la faculté de rembourser le capital dans une conjoncture favorable : ils seraient par ailleurs offerts à la souscription prioritaire des particuliers épargnants de la zone. Par ailleurs, des fonds stratégiques, dotés de ressources émises dans les mêmes conditions que les nouveaux emprunts d’État, viendraient épauler les investissements publics et privés. Parallèlement, les pays les moins productifs mettraient l’accent sur la productivité et les plus productifs, tels que l’Allemagne, libéreraient leur demande intérieure artificiellement comprimée.
Le problème, c’est que le temps manque, et que les dirigeants semblent toujours refuser d’engager la réflexion indispensable à toute action salvatrice. Who knows ?[/access]
Après avoir fait la une de la presse nationale et internationale, enflammée le web et monopolisée les conversations de bureau et de bistrot, il était on ne peut plus prévisible que Yves Calvi consacre son émission « Mots Croisés » à l’affaire DSK.
Il y avait donc sur le plateau, la politologue spécialiste des Etats-Unis, Nicole Bacharan et un avocat pénaliste au barreau de New York et de Paris, Alexis Werl, pour parler du système judiciaire américain et mieux faire comprendre la procédure accusatoire que doit subir n’importe quel accusé inculpé aux Etats-Unis. Etaient également conviés, pour avoir fréquenté et étudié de près le patron du FMI, son bienveillant biographe, Michel Taubmann et son ami Jean-François Kahn. Et enfin, étaient également présents, la plume du Point, Sylvie Pierre Brossolette, qui fut de loin la plus objective de la soirée, et le numéro 2 du PS, Harlem Désir qui a rejoué la partition doloriste du PS bouleversé par l’image, jugée indigne et humiliante, de l’arrestation menottée de l’ex challenger de Nicolas Sarkozy.
Ainsi, le spectateur a eu droit à un peu de pédagogie avec une analyse juridique de l’affaire, un dose de stratégie avec les enjeux politiques que pose l’éviction de DSK aux primaires socialistes et à l’élection présidentielle et aux parti pris de certains des invités prêts à accorder plus de crédit à l’hypothèse d’une machination qu’à celle d’un éventuel moment de folie sexuelle.
Belle brochette d’experts, donc, mais il en manquait un qui aurait été pourtant bien utile pour comprendre comment quelqu’un d’aussi important politiquement et brillant intellectuellement aurait pu céder aussi facilement à ses pulsions ou bien tomber dans le soi-disant piège tramé par des instances obscures. Si les zones d’ombre de l’enquête ont été évoquées, comme le changement de l’heure à laquelle la femme de chambre est entrée dans la suite, l’évocation de la possible part maudite de DSK a été soigneusement mise de côté. Il a fallu attendre la toute fin de l’émission pour que soit abordée cette hypothèse dont le tout Paris bruissait depuis bien longtemps.
Convier un médecin psychiatre, spécialiste des addictions sexuelles, aurait très certainement mis le doigt là où ça fait mal en expliquant que la pulsion est par essence immaîtrisable et qu’il faut bien dissocier le DSK politique rationnel du DSK pulsionnel. Certes, la présence de ce psychiatre aurait semé le trouble en confrontant les invités à la possible réalité des chefs d’inculpations, mais elle aurait surtout attiré les foudres du PS qui ne se serait pas privé d’accuser Yves Calvi de lancer une curée médiatique contre un homme encore innocent.
Or, changeons le scénario et mettons à la place de DSK, Nicolas Sarkozy : vous pariez qu’on aurait vu défiler sur les plateaux des myriades de psys en tout genre ? Pour le patron du FMI, y aurait-il, au pays de la sacro-sainte égalité, comme un traitement de faveur ?
Il y a du Stavisky dans cette affaire. Je fais ici allusion au fait divers qui a failli emporter la IIIème République en 1934. À propos de DSK, on a sans doute raison de parler de séisme, mais on sait désormais qu’après le séisme vient le tsunami qui peut être plus dévastateur que le séisme lui-même.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement de la faillite des élites.
Ceux qui croient pouvoir exonérer la droite se trompent lourdement. Nicolas Sarkozy confiait en privé à qui voulait l’entendre qu’il ne craignait absolument pas DSK comme challenger car il était certain qu’une affaire de mœurs sérieuse ruinerait son image avant la fin de son mandat au FMI. En plus de témoignages directs, le Président disposait sans doute de fiches des RG étayant sa conviction. Et sachant cela, il a tout fait pour faciliter sa nomination au FMI ? On mesure aujourd’hui toutes les conséquences de cette irresponsabilité: le spectacle atterrant du Directeur général du FMI menotté et encadré par deux policiers est une humiliation ressentie par tous les Français.
Venons-en aux hiérarques de gauche. « Ça ne ressemble absolument pas à DSK », « ce ne correspond absolument pas au Dominique que nous connaissons » . Ces phrases tournent en boucle depuis dimanche dans le logiciel socialiste. Or il semble bien que, justement, « ça ressemble à DSK » ! Ça lui ressemble même tellement que depuis plusieurs années, de nombreuses affaires allant du harcèlement à la tentative de viol pur et simple sont connues de tous. C’est précisément à ces affaires que faisait allusion Sarkozy dans ses conversations privées. Sans savoir exactement, personne ne les ignorait complètement, mais nous étions tous complices, soulagés de nous soumettre à la chape de plomb imposée. Au nom du sacro-saint respect de la vie privée. Mais s’agissait-il de vie privée ou d’affaires délictueuses voire criminelles ?
On ne saurait, enfin, disculper les médias qui n’ont jamais enquêté sérieusement sur ces affaires. Cette discrétion de violette ne s’explique pas seulement par le respect dû à la vie privée, surtout en France, mais aussi par une espèce de gauloiserie qui voit en tout dragueur un champion potentiel sans admettre qu’au-delà de la drague, certains comportements relèvent de soins intensifs en établissement psychiatrique.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous ne savons pas ce qui s’est passé dans la chambre 2806 du Sofitel de Manhattan. Mais la probabilité pour que quelque chose de grave ait eu lieu est franchement élevée. Il y a quelques mois, DSK déclarait aux journalistes de Libé qu’il s’attendait à toute provocation de cette nature du fait de sa réputation sulfureuse, ce qui prouve qu’il lui arrivait d’être lucide. Mais d’où venait cette réputation, d’un complot ? Cette fumée était-elle née par génération spontanée en l’absence du moindre feu ? Et puisqu’il se savait attendu au tournant, n’aurait-il pas dû se montrer plus irréprochable que la femme de César elle-même ? En supposant même qu’il soit tombé dans un piège, cela prouve au minimum son incapacité à maîtriser sa propre destinée. Un acte manqué en quelque sorte. Selon l’hypothèse la plus extrême (et probable), DSK aurait cédé à une pulsion incontrôlable et commis l’irréparable. Dans tous les cas on tremble à l’idée que cet homme aurait pu devenir Président le République. Et on se félicite que la pulsion ait contrarié l’ambition à temps.
Le bilan est pour le moins atterrant. Voilà donc des mois que le microcosme médiatico-politique fabrique un champion présidentiel présenté comme le Messie venu nous délivrer du sarkozysme. Les sondages lui promettent une élection à 60 % des voix, on vante son action exemplaire au FMI, on salue sa vision d’une gauche moderne et rénovatrice… Depuis Jacques Delors, on n’avait pas vu un tel engouement. Bref, on était au nirvana et on se retrouve avec un psychopathe présumé complètement irresponsable. Et tous savaient au moins que le « terrain DSK » était complètement miné et que chacune de ces mines pouvait nous péter à la gueule à tout instant. L’explosion a eu lieu samedi et elle détruit tout sur son passage.
Comment ne pas comprendre que cette duperie va provoquer des ravages énormes dans une opinion déjà travaillée par le populisme, et favoriser la montée en puissance de Marine Le Pen ? Elle a été la première à comprendre tout le parti qu’elle pouvait tirer de ce scandale planétaire. Le tsunami travaille aujourd’hui dans les profondeurs de la société. Où s’arrêtera-t-il ?
Il votera sans doute Mélenchon à la présidentielle. Christian Claudon est le prototype du prolo perdu par les socialistes mais pas gagné par le Front national. « Je comprends bien les gens qui ont envie de voter pour Marine Le Pen ; moi, bizarrement, ça ne me dit rien. » Il n’a pas tellement plus d’explications que ça à donner. « Ça ne lui dit rien », l’expression revient souvent.
« Personne ne défend l’ouvrier aujourd’hui, tout le monde s’en fout. » Il évoque une grève pour les salaires et contre le licenciement de certains intérimaires menée dans une grande boîte américaine implantée près d’Épinal, qu’il suit de près dans le journal parce que lui-même y a travaillé. « Le tribunal vient de dire que leur grève est illégale, s’énerve-t-il en buvant son café. « Illégale« , qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’on est juste bon à fermer sa gueule quand on a du travail ? » Il s’estime verni : à 59 ans, il « profite » d’une retraite anticipée de la métallurgie. « J’ai commencé jeune, à 15 ans, c’était normal que je parte plus tôt, non ? » Normal, mais pas si confortable que ça. Comme tout le monde dans ce coin des Vosges, il « bricole » pour arrondir les fins de mois : on échange des œufs contre des légumes avec ceux qui « font du jardin ». On fait du bois l’hiver, des travaux l’été. « Je ne me plains pas, j’en suis sorti, moi. Les gosses, c’est pas pareil. »[access capability= »lire_inedits »]
Ses enfants ont un métier : son fils est maçon ; sa fille, elle, enchaîne les contrats précaires dans une maison de retraite. « Ils ne se plaignent pas, ils ont pu acheter une maison, une voiture, et ne sont pas malheureux. » Tous les jeunes, autour de lui, jonglent de boulot en boulot, en croisant les doigts pour ne pas rester trop longtemps au chômage: « C’est la nouvelle mentalité. Quand je me souviens qu’on avait juste à se baisser pour trouver du travail, j’ai l’impression de parler du Moyen-âge. Parfois, je me demande si ça a vraiment existé : d’ailleurs, aucun politique ne dit que ça pourrait revenir ».
Lui n’a connu le chômage qu’une fois, après la faillite de l’entreprise où il travaillait : « On nous prenait pour des imbéciles : dans la cellule de reconversion, on voulait nous faire faire des stages, écrire des CV. J’ai fait comme les autres, j’ai claqué la porte, j’ai retrouvé du boulot en faisant le tour des boîtes dans la zone industrielle d’Épinal. » C’était en 1989. « Je me doute que ça ne marche plus comme ça, mais on laisse les patrons faire tout ce qu’ils veulent. Ils réclament des sous pour investir, puis ils partent à l’étranger et personne ne dit rien. Tout le monde a la trouille. »
Christian a vaguement acheté des timbres CGT dans les années 1970, a fait toutes les grèves pour les salaires, les conditions de travail, l’emploi. Et puis il a laissé tomber. « J’ai vu que les syndicalistes devenaient des hommes politiques comme les autres et s’inquiétaient plus de leur carrière que de l’usine. C’est pour ça que je ne suis pas allé manifester contre la réforme des retraites : se retrouver à 100 péquins à Épinal devant la préfecture, ça ne fait pas très envie. »
La politique, c’est pareil, ça le décourage : « Je vais voter, c’est le seul truc qui nous reste à nous, les petits. Mais parfois, je me demande à quoi ça sert. » L’abstention ne le surprend pas, le vote FN non plus : « Tant qu’ils continueront, tous, à ne pas s’occuper des problèmes des gens, rien ne changera. L’essence trop chère, le fioul hors de prix, l’euro, la viande, les légumes, les impôts, les riches, rien ne change. C’est pourtant pas compliqué de voir ce qui intéresse les gens non ? Les socialistes ont l’air de s’en foutre et moi, je ne voterai pas pour DSK. Autant élire un patron direct. »
Alors Mélenchon ? « Il gueule, il n’a pas peur des autres, je crois qu’il défendra l’ouvrier et les petits. Moi j’aime ça, les gens pas content. Franchement il n’y a aucune raison d’être content aujourd’hui. » Il met au crédit du candidat du Parti de gauche son changement de pied sur l’Europe : « Lui, au moins, il avoue qu’il s’est planté en votant pour Maastricht. On voit bien que c’est le problème : regardez sur les routes tous ces camions roumains, slovènes ou pire qui roulent jour et nuit et cassent les prix. Comment voulez-vous protéger votre industrie, si les Européens eux-mêmes ne respectent pas les règles ? Voilà à quoi ça sert, l’Europe : tirer tout le monde vers le bas… »
Bizarrement, il trouve que Marine Le Pen ne « gueule » pas assez : « Elle dit des trucs vrais, comme sur l’euro ou sur les « gros » qui se goinfrent. Mais j’ai l’impression qu’elle veut juste le pouvoir pour le pouvoir, et qu’elle ne fera pas tout péter. Au point où on en est, c’est bien ça qu’il faut, non ? » Ses voisins, qui ont voté Sarkozy en 2007, le font rigoler. « Ils se sont bien fait avoir en croyant qu’un ouvrier pouvait voter pour la droite, mais la droite, c’est pas pour nous. J’espère qu’ils ne se feront pas avoir une deuxième fois. » Pourtant, l’élection a beau approcher, Christian et ses proches ne parlent pas trop de politique : « C’est un coup à se fâcher, les gens sont trop énervés, et en même temps on ne voit pas de solution. »[/access]
Interrogé ce matin sur LCI sur les derniers développements de l’Affaire, le n°2 en titre du PS en a appelé à qui de droit : »Je souhaiterais que le président de la République, comme il l’a fait pour d’autres Français, qui ont été pris dans des affaires judiciaires à l’étranger (…) fasse en sorte notamment, par exemple, que Dominique Strauss-Kahn puisse organiser sa défense d’une façon décente« .
Au cas ou l’on aurait pas compris Harlem faisait là référence à l’intervention de l’Elysée en faveur de Florence Cassez, et il n’a même pas peur de le dire : « Nous le faisons quand il s’agit de nos compatriotes au Mexique ou dans d’autres pays, nous pouvons quand même faire valoir qu’il y a un traitement digne qui doit être réservé à nos compatriotes« .
Devrais-je rappeler à Harlem qu’on voit mal ce qui pourrait arriver de pire à DSK qu’un bis repetita du scénario Cassez ? Certes l’Elysée en a fait des tonnes. Résultat des courses, Mlle Cassez a l’air bien partie pour passer les soixante prochaines années en prison. Si c’est ça qu’Harlem réclame pour son « ami »…
La chrétienté est une affaire trop sérieuse pour être confiée aux seuls chrétiens. Longtemps, l’Occident a été défendu contre les invasions barbares par des soldats du Christ qui ne s’embarrassaient pas trop de charité. Aujourd’hui, une partie des chrétiens, disons la partie de gauche, revenue à une interprétation plus littérale des Evangiles, semble être devenue incapable de défendre notre monde. La frontière est vue comme un obstacle à l’accueil de l’étranger dans son altérité et le soutien aux sans-papiers comme une expiation. À l’écoute des autorités ecclésiastiques qui désapprouvent systématiquement toute tentative pour protéger les peuples et les cultures contre les immigrations massives, les bons samaritains ouvrent leurs cœurs à la substitution démographique en cours. Ils pourraient ramener la gauche au pouvoir et en avant pour plus de tolérance, d’ouverture et de régularisation massive.
Si on ne peut pas trop compter sur ces « cathos Télérama » pour nous sortir d’affaire, il nous reste les chrétiens de droite. Fermes défenseurs de la civilisation de leurs ancêtres, ils rechignent à tendre l’autre joue et semblent prêts à lancer la reconquête des territoires et de la courtoisie perdus. Mais il y a un hic. Tenants d’un ordre moral catholique pour qui hors de l’église, il n’y a point de France et point de sexe, ceux-là pourraient, en pesant à droite, obtenir des lois instaurant l’emmerdement maximum pour tous.
Chrétien débridé du cœur ou le catho coincé du cul ?
Et moi dans tout ça ? Sur lequel de ces deux citoyens puis-je compter pour sauver la République et la France ? Celui qui veut accueillir, partager, métisser, régénérer le pays dans un échange multiculturel sans tabous, ou cet autre qui rêve de régenter la vie sexuelle des Français comme s’il avait oublié son adolescence et la trique de ses dix-sept ans ? Le chrétien débridé du cœur ou le catho coincé du cul ?
Il faut lire la presse de droite catho et Causeur dans ses jours réacs, pour comprendre que l’ordre moral, comme Jésus-Christ, n’est pas mort et qu’il bande encore. Si vous l’ignoriez, le Christ est vivant, ce n’est pas moi qui le dis et si ça dépasse votre entendement, laissez tomber, c’est que vous n’avez que votre raison pour raisonner.
Un peu de morale ne nuit pas, mais que l’ordre se contente d’être public et qu’on nous laisse nos désordres privés. Au sujet de l’accès à la contraception dans les lycées, contrairement à François Taillandier, je doute qu’on puisse répondre romantisme et abstinence à des adolescents qui n’attendront pas de savoir comment ça marche pour jouir de la plus vieille liberté du monde. On peut toujours comme le suggère mon camarade, (je n’ose pas écrire confrère, il n’est pas plus menuisier que je ne suis académicien), les prendre par les sentiments et leur échanger du rêve contre leur réalité. Je crains que ce ne soit d’aucun secours pour tempérer les érections, principales causes d’échecs scolaires, selon une étude menée sur un collégien : moi. La jeunesse veut baiser sans conséquences et je ne vois pas bien en quoi un accès aux pilules ou aux capotes pose problème. Personne n’est obligé d’en croquer.
Le sexe, le plus beau cadeau du singe à l’homme
On peut imaginer un monde sans internet, sans Ipad, sans nucléaire et même sans mondialisation mais sans sexe, cela relève de l’utopie la plus délirante et le meilleur moyen d’éviter de tomber dans une sexualité déviante, c’est encore d’en avoir une. Les prêtres que dieu a soumis à la tentation mais que la police et la prison ont délivrés du mal en sont des exemples vivants. Après tout, le sexe n’est-il pas le plus beau cadeau que le singe ait légué à l’homme ou que, selon le mythe judéo-chrétien, le bon dieu lui ait donné ? À lui et à la femme si je me fie à ce que j’entends. Pourquoi diable empêcher des jeunes gens débordant de sains appétits sexuels de jouer avec leur corps par simple recherche du plaisir, sans chercher à se reproduire ou à se marier comme des animaux ou des fondamentalistes ?
Mais le pire, pour les curés de tous poils, dans la série de pêchés qui contrarient la conception, après la masturbation et la contraception, c’est l’avortement. Comme François Taillandier, les chrétiens les plus révoltés par ce « meurtre de masse » qualifient allègrement l’IVG de « boucherie ». On se demande comment on nommait cette opération avant l’époque bénie de sa légalisation et de sa médicalisation, quand la clandestinité de la chose jetait des pauvresses sur les tables des faiseuses d’anges, pour qui la calotte ne débordait pas de charité chrétienne puisqu’on leur coupait la tête sous Pétain, qui devait sauver la France, au bras du clergé et au nom du Sacré Cœur.
Et ta sœur, Zemmour ?
À coté du principe moral, il arrive que l’argument démographique soit avancé pour dénoncer ce déficit de petits Français que les « salopes » creusent et que l’immigration comble joyeusement grâce aux allocations indigènes, (Ici, c’est nous). Il faut rappeler à ces fins stratèges qui veulent faire de la politique avec le ventre des femmes comme de vulgaires islamistes qu’on aura beau enfermer dans des usines à pondeuses toutes les femelles occidentales, on ne fera pas le poids face au tiers-monde. Zemmour l’a assez répété, il n’est pas humain de mettre son frère de civilisation en concurrence avec le travailleur pauvre. Et ta sœur, Eric ?
Enfin, chacun fait ce qu’il veut mais ça ne plait pas à tout le monde. Tant que la pilule ou l’IVG ne sont pas obligatoires et que la fellation ne figure pas parmi les épreuves du bac, je ne comprends pas pourquoi les cathos grimpent au rideau dès qu’on envisage de nous faciliter la vie sexuelle, ou plutôt je comprends avec Léo Ferré que « Le problème avec la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres ». Nous faisons tous des choses qui en choquent ou en dégoutent d’autres. Les Anglais ne nous empêchent pas de manger des escargots, nous pouvons tolérer que des moustachus se roulent des pelles le jour de leur mariage, tant qu’ils ne nous obligent pas à proclamer que c’est l’avenir et le progrès. C’est aussi ça la laïcité.
La liberté des mœurs, fleuron de l’identité française
Le mois dernier, un dossier de Valeurs Actuelles apportait sa contribution au débat sur la laïcité en nous faisant bouffer de la chrétienté par la racine jusqu’à épuisement. Il est sûrement nécessaire de rappeler aux nouveaux citoyens qui se croient en pays conquis « Les racines chrétiennes de la France » mais il n’est pas inutile de préciser que l’arbre français est aujourd’hui républicain et laïque. Si nous sommes tous émerveillés par le patrimoine hérité du Moyen-âge, nous sommes tout autant décidés à ne pas ressusciter l’esprit de ce temps. Sommes-nous condamnés, pour résister à l’islamisation, cet archaïsme d’importation, à faire revivre un obscurantisme local qu’on croyait mort de sa belle mort, obsolète et dépassé ? Les églises se vident depuis que le bonheur, cette idée neuve de deux siècles en Europe, a fait son chemin et ce n’est pas en rappelant les Français à la messe qu’on les mobilisera. La liberté des mœurs acquise ne rentrera pas dans le tube catholique, elle s’épanouira dans le cadre laïque. Elle est un fleuron de l’identité française, un bien plus précieux qu’un souvenir de communion et peut être un rempart contre l’invasion de cultures liberticides et régressives. Enfin, l’intégration n’est pas seulement une contrainte, elle est aussi une main tendue. Dans notre affaire de contraception au lycée, la jeune fille musulmane, pour vivre comme ses copines sans gêner ses parents, a moins besoin de racines chrétiennes que d’une pilule laïque et républicaine.
Nous sommes le monde libre et libérateur. La fille aînée de l’église est une sainte-nitouche au grand cœur, Marianne une femme libre, alors en amant passionné de la liberté, j’affirme, avec mon compagnon Jean (on s’appelle comme ça entre anarchistes) : « L’ordre moral mon cul, la liberté m’habite!»
Le Festival de Cannes se déroule cette année à Manhattan et DSK aura le grand prix d’interprétation masculine. J’ai toujours pensé qu’il avait une gueule et une dégaine d’acteur. Il manquait le scénario. L’injustice est réparée. La mise en scène, expressionniste à souhait, aurait plu à Fritz Lang. Il n’aurait pas manqué de faire remarquer combien le personnage incarné par DSK lui rappelait son « Docteur Mabuse le joueur ». Il l’avait tourné en 1922 à Berlin et à Paris dans les milieux de la haute finance et du pouvoir politique. DSK n’en était pas loin à la tête du FMI.
Évidemment, on soupçonnait Mabuse des plus noirs desseins et il n’avait pas l’habileté de se réclamer d’un parti politique luttant pour la dignité des femmes et des pauvres. Sur ce point, ce remake du docteur Mabuse, grommelait Fritz Lang, est plus subtil. Et il ne pouvait avoir pour cadre que New York et Paris pour le chœur des pleureuses.
Le Docteur Mabuse est un maître des échecs, ce qui signifie qu’il n’abandonne jamais. Il peut croupir dans un pénitencier, mais il en sortira. Il y aura d’autres épisodes. Ne croyez surtout pas qu’il est suicidaire : il sait parfaitement ce qu’il fait et il fait ce qu’il veut.
Peu importe qu’un autre acteur incarne Mabuse, mais le scénario est déjà écrit. On regretterait néanmoins que DSK ne poursuive pas une carrière cinématographique si brillamment entamée.
Kiosque à journaux, Grèce. image : la règle du jeu
Après tout, il n’y a pas de raison, moi aussi, je sors du silence. J’ai été violé par Dominique Strauss-Kahn. D’accord, je ne suis pas une femme, je suis un archétype. Il n’empêche, je ne peux demeurer silencieux plus longtemps. J’ai été violé par les oreilles et par l’esprit. Et ce, depuis des mois, des années et avec la complicité active d’une part des médias et même d’hommes politiques de droite.
Je suis un électeur de gauche. Voilà, c’est dit.
Parfois je suis communiste, parfois je suis écologiste mais le plus souvent je suis socialiste. Par exemple, je pense que le périmètre du marché doit être limité et que l’éducation, la santé, l’énergie, voire une partie du crédit doivent en être exclus. Je suis partisan d’un niveau de protection sociale très élevé qui permettent de réduire les inégalités et de donner aux gens l’impression qu’ils vivent en société et non dans le fameux poulailler libre visité régulièrement par des renards libres.
Il arrive qu’on m’appelle le peuple de gauche, l’appellation a ressurgi avec les célébrations de ce 10 mai 1981 qui semble si lointain aujourd’hui. On se demande où je suis passé. Certains me repèrent dans la foule des abstentionnistes, d’autres m’identifient chez les sympathisants de Marine Le Pen. Et ça ne va pas s’arranger, surtout si la campagne présidentielle se met à ressembler à une série policière du dimanche après-midi, en vertu de la spécialité très américaine qui fait que l’image du réel est plus réelle que le réel – ainsi, en banalisant la torture à l’écran, Jack Bauer a-t-il préparé le public à Guantanamo.
Je vous dois une précision : je suis un électeur de gauche resté à gauche. Un vrai. Pas un adhérent à 20 euros du PS cuvée 2007, quand Ségolène était la candidate favorite de la droite et des sondages.
Et je maintiens mes déclarations. J’ai été violé par DSK. Parfois, il y avait Moscovici avec lui et puis aussi un certain Cambadélis. Un jeune brun aussi s’y mettait, Manuel Valls. Il y en avait un autre, mais comme il trouvait qu’on n’allait pas assez loin avec moi et que ça ne ressemblait pas assez à du porno-gonzo idéologique, il est allé voir en face. Jean-Marie Bockel, il s’appelait. Au moins, il m’a laissé tranquille. Il est allé draguer l’électeur de droite, ce n’est plus mon problème.
En attendant, vous ne pouvez pas vous imaginer ce que j’ai subi comme attouchements législatifs, toutes ces années, avec cette bande de pervers, ces obsédés prêts à toutes les pratiques sociales libérales, sans oublier les privatisations sans vaseline. Et que je te mets la main à l’Etat-Providence, et que je te touche les acquis sociaux, et que je te bascule sur le lit du sécuritarisme, et que du temps de Jospin (qui faisait semblant de ne rien voir), et je te promène mon Comité d’Orientations des Retraites et ma LOLF devant le visage, et que je te fouette à coups de RGPP, ce qui va bien aider les autres à « réformer » comme ils disent ou à te faire bosser sur le trottoir patronal jusqu’à 67 ans et plus.
Cela ne s’est pas passé dans la chambre d’un hôtel new-yorkais, il n’empêche que j’ai été coincé et séquestré – et dans mon cas, il y a des témoins parce que ça s’est passé à l’échelle d’un pays, que dis-je, d’un continent. Et quand, en 2005, j’ai hurlé que ça faisait trop mal et que j’ai dit « non », eh bien DSK et les autres, ils ont fait semblant d’entendre « oui ». D’accord, ce coup-là, ce n’était pas DSK, c’était Sarkozy. Mais ils rigolaient bien, les salauds, de voir ma tête. Quand ils veulent quelque chose, rien ne les arrête.
Le problème, c’est que DSK appartient à mon camp. En théorie tout au moins. Me faire ça à moi, son électeur naturel, c’est quand même scandaleux. Et j’ai dû supporter, moi la victime, d’entendre célébrer sur tous les tons les mérites de mon tortionnaire : « DSK, La meilleure chance de la gauche » par-ci, « DSK, le sauveur du PS » par-là. Qui me croyait, moi, l’électeur de gauche quand je disais qu’il n’était pas ou plus de gauche ? On m’accusait de vouloir salir la réputation d’un homme responsable, moderne, bien sous tous rapports et on répétait que c’était moi le pleurnichard archaïque qui ne voulait pas me laisser faire alors que c’était si bon, mais si, mais si, j’allais voir, d’être moderne.
Le pire, avec DSK, c’est que l’on finit par aimer son bourreau. Le syndrome de Stockholm, ça s’appelle. Eh bien oui, j’avoue : malgré les sévices et les humiliations, je m’apprêtais à voter pour lui au second tour de la présidentielle, toute honte bue. Pour le passé, pour les promesses, pour la gauche dont il m’aurait murmuré le nom à l’oreille, le temps d’une campagne, avant, à peine élu, de recommencer à me la faire à l’envers.
Après Cécile Duflot lundi, c’est à Gisèle Halimi de tenter de réveiller la gauche quant au droit des victimes d’agressions sexuelles, et de sauver son honneur au passage (en fait le leur : le sien propre et celui de la gauche).
Apparemment, ce n’est pas une mission facile, elle a du sortir le bazooka, ce matin dans Le Parisien, pour déciller ses camarades. Pour cette féministe historique « déçue par la gauche » , il est clair que « le respect des femmes » doit » prévaloir sur l’amitié et l’esprit de clan « .
Au cas, où l’on ne l’aurait pas bien comprise, l’avocate, qui a maintes fois défendu des victimes de viol, met les points sur les i . Pour elle, la femme de chambre « a osé parler. Mais bientôt, on va fouiller dans sa vie privée (…) J’ai commencé à lire ici ou là des dénigrements. Mises en cause, ces femmes finissent par sombrer dans une dépression et regrettent d’avoir porté plainte« , note l’avocate, en concluant que « l’objectif est, bien sûr, de les contraindre au silence« .
Certes on est pas obligé de dire, comme Gisèle Halimi : « Comment voulez-vous croire qu’une simple femme de ménage, noire, mère célibataire de surcroît, ne dise pas la vérité ? Quel serait son intérêt ? »
Mais on ne pourra s’empêcher de trouver son cri du cœur plus inspiré que celui du néo-conspirationniste Jack Lang qui a expliqué au JT de David Pujadas « On a envie de se payer un Français influent » avant d’expliquer sans complexes que son ami DSK n’aurait jamais dû être emprisonné « alors qu’il n’y a pas mort d’homme »…
Jusqu’ici, tout va bien. Le climat d’irréalité qui règne sur la question des dettes publiques européennes rappelle fâcheusement celui qui prévalait peu de temps avant que n’éclate la crise dite du « subprime rate », révélatrice du surendettement des ménages américains. Le scénario de dirigeants impuissants face à une catastrophe annoncée semble voué à se répéter.
Lorsque les premiers signaux d’alarme retentissent, les autorités publiques − monétaires et gouvernementales − s’acharnent à persuader les populations que la situation est, sinon maîtrisée, au moins maîtrisable. Ainsi a-t-il fallu quinze mois, entre le 22 juin 2007 et le 14 septembre 2008, pour aboutir au désastre financier qui a bouleversé le paysage économique de l’Occident. Aujourd’hui, cela fait quinze mois que la crise de la dette publique grecque a éclaté, donc quinze mois que les dirigeants européens tentent, dans la confusion, de remédier à la défiance qui mine le crédit public au sein de la zone euro à partir de sa périphérie.[access capability= »lire_inedits »]
Il ne s’agit pas d’une discussion de salon mais d’une question fondamentale pour nos sociétés. Le tsunami de la dette privée américaine qui a dévasté l’Occident sera-t-il suivi d’un tsunami de la dette publique européenne qui dévastera à nouveau des économies aujourd’hui en phase de rémission ? Si cela devait être le cas, tous les efforts accomplis pour panser les plaies et relancer nos organismes affaiblis seraient ruinés. Nous entrerions en dépression.
Pour formuler le meilleur énoncé possible du problème, il faut partir de trois étrangetés. Pourquoi la défiance à l’égard du crédit des États est-elle apparue d’abord en Europe, alors que la crise financière avait les Etats-Unis pour épicentre et que la dette publique américaine a atteint, en parallèle, un montant alarmant ? Comment cette défiance a-t-elle pu s’installer après quelque dix années durant lesquelles ces États avaient joui d’une confiance sans précédent, y compris dans les moments les plus critiques de la crise du « subprime rate » ? Comment l’euro, proclamé comme le bouclier monétaire du Vieux Continent, est-il devenu le premier sujet d’inquiétude ? Ces questions qui fâchent et qui fatiguent, les médias préfèrent les ignorer avec l’espoir qu’elles seront oubliées par des esprits déjà accaparés − et on s’y emploie − par une campagne présidentielle qui devient, pour le coup, une campagne providentielle.
L’impact dévastateur de la « Grande récession »
Les États-Unis portent la responsabilité écrasante d’avoir provoqué ce que les Américains appellent eux-mêmes la « Grande récession ». Les économies occidentales ont subi une chute de la production et une hémorragie de l’emploi qui, quoique inférieurs à ceux enregistrés dans les années trente, sont sans précédent depuis la Deuxième guerre mondiale. Même la plus rude des crises du pétrole, celle de 1980, n’a pas créé de dommages comparables à ceux qui nous ont été infligés depuis 2008. Asphyxiés par des dettes disproportionnées, les Américains ont réduit leurs achats et, dans leur sillage, les entreprises d’Amérique, d’Europe, voire de certains pays d’Asie ont annulé ou reporté leurs programmes d’investissement. Un peu partout, les stocks excédentaires ont été liquidés, des unités de production, des lignes de production ont été arrêtées. Pour aggraver le repli spontané de la production, les banques commerciales ont restreint leurs crédits, malgré le soutien massif des banques centrales : le crédit au logement s’est contracté, le crédit à l’import-export s’est tari. Il a d’ailleurs fallu, pour échapper à la dépression qui commençait à s’installer, que le FMI se mue, à partir du printemps 2009, en banquier spécialisé dans le financement de l’import-export.
Dans ce contexte d’activité affaiblie, il était prévisible que les États n’y retrouveraient pas leur compte. Certains ont pris sur eux de tenter des relances partielles à partir de commandes publiques, d’autres ont volé au secours des banques en faillite en endossant, en leur lieu et place, le rôle du débiteur vis-à-vis des créanciers. Mais tous ont subi l’hémorragie de leurs recettes fiscales. Telle est l’origine principale de la déshérence financière des grands États occidentaux : taxes sur la consommation, impôts sur les revenus des particuliers et des entreprises, charges sociales sur les salaires quand elles existent, tous ces prélèvements, vitaux pour la survie financière des systèmes publics, ont enregistré des baisses prononcées. Bien entendu, les apôtres de la rigueur, revenus à la charge avec tambours et trompettes, ont oublié de relever ce point décisif, se complaisant à stigmatiser, encore et encore, le laxisme présumé des gestionnaires publics.
La montée en flèche des déficits et des dettes, produit direct de la « Grande récession », a projeté les États dans une nasse financière. Les dettes souveraines se sont accrues de 20, 30, 50 voire 100 ou 300 % (c’est le cas de l’Irlande) selon les pays. Pour la France, l’impact se monte à 400 milliards d’euros, soit 20 % du PIB.
Or, les stratégies de rigueur plus ou moins prononcées, mises en place ici et là en Europe, sous la pression des marchés du crédit, risquent de se révéler pires que le mal dès lors qu’elles pèsent sur la demande intérieure de toutes les économies : du coup, aucune ne peut espérer se réajuster en profitant de la demande des autres. De surcroît, les mesures mises en œuvre sont mathématiquement insuffisantes pour réduire le montant des dettes publiques ou même empêcher leur aggravation spontanée.
Enfin, les États les plus atteints par la crise de défiance, comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, sont étouffés par les intérêts exorbitants – entre 7 % et 11 % courant avril − que leur réclament ceux des prêteurs qui veulent bien encore souscrire leurs emprunts. À ces conditions, l’accroissement spontané de la dette compense, et au-delà, les effets des mesures d’ajustement sur les dépenses et les recettes, même les plus sévères. L’effet boule de neige, bien connu des financiers, est à l’œuvre. Pour les pays déjà entraînés dans la tourmente, l’espoir n’est plus de mise. Désormais, il faut se demander quels pays vont entrer à leur tour dans l’œil du cyclone d’une part et, d’autre part, si l’euro est encore viable alors que la gangrène financière atteint ou menace ses membres.
Les agences de notation se trompent toujours
À l’automne 2008 encore, au beau milieu de la tornade qui balayait le système bancaire occidental, les marchés du crédit public de la zone euro affichaient une sérénité olympienne. Tous les Trésors concernés pouvaient émettre leurs emprunts hebdomadaires au même taux, ou presque, que le Trésor allemand. En 2006 et 2007, l’État espagnol et l’État irlandais s’étaient même offert le luxe d’émettre à des taux inférieurs aux taux concédés par la RFA. L’euro semblait jouer pleinement le rôle de bouclier qui lui avait été assigné à l’origine.
Le renversement qui s’est opéré entre l’automne 2008 et l’hiver 2010, début de la tragédie grecque, peut surprendre à trois égards.
Premièrement, il révèle la cécité de tous les agents financiers qui avaient souscrit les emprunts des pays aujourd’hui en faillite non déclarée. Comment, en effet, les banques françaises, allemandes, anglaises, américaines ont-elles pu accumuler des centaines de milliards d’euros de titres des pays de la périphérie, et ce, en plein cœur de la récession qui détruisait les bases financières des États ?
Deuxièmement, il incrimine l’action nuisible des agences de notation. Les agences de notation se trompent toujours. Après avoir honoré les entreprises, les banques et les États des notes les plus flatteuses, sans examen approfondi de leur capacité économique et financière, elles procèdent à leur jeu de massacre usuel dès que le contexte se dégrade. Le cas des banques irlandaises et espagnoles illustre leur aveuglement. Le rythme totalement disproportionné des emprunts contractés par les premières, des crédits accordés par les secondes, ne pouvait que laisser présager des lendemains de fête douloureux pour les appareils bancaires de Dublin et de Madrid.
Troisièmement, il disqualifie les autorités européennes de Bruxelles et de Francfort, dont on attend toujours que l’impéritie soit dénoncée. La Commission européenne et la BCE ont fait l’impasse sur la question des dettes privées. Résultat, l’accroissement de celles-ci, particulièrement marquée en Espagne et en Irlande, qu’il s’agisse des particuliers, des banques et des entreprises, est demeurée inaperçue.
La gouvernance de l’Europe doit changer. Radicalement
Il est donc urgent, à supposer qu’il en soit encore temps, de changer radicalement la gouvernance de la zone euro et de l’Europe, ce qui suppose de changer tout aussi radicalement les schémas d’analyse et d’en adopter de nouveaux qui tiennent compte des événements récents. C’est d’autant plus nécessaire que − dernier grand enseignement de la crise financière qui affecte le Vieux Continent −, l’Europe a révélé le caractère hétéroclite de son assemblage économique. Qu’y a-t-il de commun en effet entre l’Allemagne industrielle surpuissante et la Grèce, cantonnée au tourisme et au transport maritime ? Quelle symbiose peut-on imaginer entre l’Irlande, paradis fiscal, et la Finlande dotée, en dépit de sa taille modeste, d’un véritable appareil de production ?
Comment a-t-on pu donner en exemple à la France, comme l’ont fait Ségolène Royal et Michel Sapin, porte-parole économique du PS, une économie espagnole en proie au démon de la dette ? Il faudrait encore, pour compléter le tableau, évoquer la divergence démographique qui mine l’avenir de l’Europe. Les Français de moins de 20 ans sont aujourd’hui plus nombreux que les Allemands de la même catégorie d’âge. Tandis que l’Espagne, l’Italie et l’Espagne connaissent une dépression démographique, deux autres grands pays, le Royaume-Uni et la France, affichent un taux de fécondité suffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Or, le facteur aggravant, c’est que pendant toute cette période où les divergences économiques et démographiques se sont accentuées, l’euro, hélas, a servi de leurre. Même s’il survit, dans une configuration modifiée, il nous laisse désarmés ou presque devant la tâche nouvelle qui s’impose.
Sauver l’euro ou sauver les Européens
Cela s’est fait en un éclair. Il y a un an, la communication des dirigeants européens a basculé : « L’euro nous protège » a cédé la place à « Protégeons l’euro ». Le fétiche a changé de statut. Le bouclier s’est transmué en relique. Souscrire à cette nouvelle présentation serait une forme de démission intellectuelle. Rien n’est moins sacré que la monnaie dans les économies modernes. Toute monnaie doit être considérée comme un outil d’action économique, ni plus, ni moins. C’est à la lumière de ce préalable que nous pouvons esquisser quelques pistes permettant d’envisager pour l’avenir monétaire de l’Europe.
La première piste consiste à entériner les divergences économiques, en organisant la sortie ordonnée de l’euro de tous les États qui se trouvent dans l’incapacité de relever le défi d’une monnaie ajustée sur l’industrie exportatrice de l’Allemagne, à savoir les États dits de la « périphérie », mais aussi l’Italie, et peut-être la Belgique et la France. Ces États rétabliraient des monnaies nationales, donc des politiques monétaires et de changes nationales. Cette solution imparable sur le papier se heurte à deux difficultés financières majeures. Comment, en effet, les États séparatistes feraient-ils pour honorer des dettes fortement accrues du fait qu’elles ont été contractées en euros, alors que les « nouvelles » devises accuseraient une dépréciation de 20, 25, voire 50 % vis-à-vis de l’euro maintenu ? Une réduction autoritaire des dettes semble inévitable. Mais alors, comment éviter que les pertes enregistrées par les détenteurs de titres en euros suscitent à leur tour une crise de défiance nous conduisant à une récidive de la tornade financière de 2008 ?
Une deuxième piste est de transformer la monnaie unique en monnaie commune, servant seulement aux transactions entre les pays-membres, qui se verraient tous dotés d’une monnaie propre, y compris l’Allemagne dont le mark pourrait être défini comme un clone de l’euro actuel. Les États en difficulté bénéficieraient de la dépréciation de leurs monnaies nationales pour retrouver la compétitivité qui leur fait défaut, mais leurs engagements en euros seraient maintenus. Il leur faudrait cependant absorber une inflation temporaire, liée à la dévaluation monétaire, tout en contrôlant leurs coûts de production et, en même temps, trouver les moyens de financer les investissements publics et privés sur ressources propres alors que les prêteurs étrangers demeureraient sur l’Aventin, dans l’attente de leur rétablissement.
La troisième piste, enfin, serait de tenter de sauver l’euro au prix d’un changement drastique de la stratégie monétaire et financière en vigueur. Pour remédier à la crise de défiance, la Banque centrale européenne achèterait une fraction des titres émis. Simultanément, les nouveaux emprunts seraient émis par les États sous forme de dettes à durée indéterminée, permettant de ne payer que les intérêts pour se réserver la faculté de rembourser le capital dans une conjoncture favorable : ils seraient par ailleurs offerts à la souscription prioritaire des particuliers épargnants de la zone. Par ailleurs, des fonds stratégiques, dotés de ressources émises dans les mêmes conditions que les nouveaux emprunts d’État, viendraient épauler les investissements publics et privés. Parallèlement, les pays les moins productifs mettraient l’accent sur la productivité et les plus productifs, tels que l’Allemagne, libéreraient leur demande intérieure artificiellement comprimée.
Le problème, c’est que le temps manque, et que les dirigeants semblent toujours refuser d’engager la réflexion indispensable à toute action salvatrice. Who knows ?[/access]
Après avoir fait la une de la presse nationale et internationale, enflammée le web et monopolisée les conversations de bureau et de bistrot, il était on ne peut plus prévisible que Yves Calvi consacre son émission « Mots Croisés » à l’affaire DSK.
Il y avait donc sur le plateau, la politologue spécialiste des Etats-Unis, Nicole Bacharan et un avocat pénaliste au barreau de New York et de Paris, Alexis Werl, pour parler du système judiciaire américain et mieux faire comprendre la procédure accusatoire que doit subir n’importe quel accusé inculpé aux Etats-Unis. Etaient également conviés, pour avoir fréquenté et étudié de près le patron du FMI, son bienveillant biographe, Michel Taubmann et son ami Jean-François Kahn. Et enfin, étaient également présents, la plume du Point, Sylvie Pierre Brossolette, qui fut de loin la plus objective de la soirée, et le numéro 2 du PS, Harlem Désir qui a rejoué la partition doloriste du PS bouleversé par l’image, jugée indigne et humiliante, de l’arrestation menottée de l’ex challenger de Nicolas Sarkozy.
Ainsi, le spectateur a eu droit à un peu de pédagogie avec une analyse juridique de l’affaire, un dose de stratégie avec les enjeux politiques que pose l’éviction de DSK aux primaires socialistes et à l’élection présidentielle et aux parti pris de certains des invités prêts à accorder plus de crédit à l’hypothèse d’une machination qu’à celle d’un éventuel moment de folie sexuelle.
Belle brochette d’experts, donc, mais il en manquait un qui aurait été pourtant bien utile pour comprendre comment quelqu’un d’aussi important politiquement et brillant intellectuellement aurait pu céder aussi facilement à ses pulsions ou bien tomber dans le soi-disant piège tramé par des instances obscures. Si les zones d’ombre de l’enquête ont été évoquées, comme le changement de l’heure à laquelle la femme de chambre est entrée dans la suite, l’évocation de la possible part maudite de DSK a été soigneusement mise de côté. Il a fallu attendre la toute fin de l’émission pour que soit abordée cette hypothèse dont le tout Paris bruissait depuis bien longtemps.
Convier un médecin psychiatre, spécialiste des addictions sexuelles, aurait très certainement mis le doigt là où ça fait mal en expliquant que la pulsion est par essence immaîtrisable et qu’il faut bien dissocier le DSK politique rationnel du DSK pulsionnel. Certes, la présence de ce psychiatre aurait semé le trouble en confrontant les invités à la possible réalité des chefs d’inculpations, mais elle aurait surtout attiré les foudres du PS qui ne se serait pas privé d’accuser Yves Calvi de lancer une curée médiatique contre un homme encore innocent.
Or, changeons le scénario et mettons à la place de DSK, Nicolas Sarkozy : vous pariez qu’on aurait vu défiler sur les plateaux des myriades de psys en tout genre ? Pour le patron du FMI, y aurait-il, au pays de la sacro-sainte égalité, comme un traitement de faveur ?