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Traitement de faveur pour DSK ?

Après avoir fait la une de la presse nationale et internationale, enflammée le web et monopolisée les conversations de bureau et de bistrot, il était on ne peut plus prévisible que Yves Calvi consacre son émission « Mots Croisés » à l’affaire DSK.

Il y avait donc sur le plateau, la politologue spécialiste des Etats-Unis, Nicole Bacharan et un avocat pénaliste au barreau de New York et de Paris, Alexis Werl, pour parler du système judiciaire américain et mieux faire comprendre la procédure accusatoire que doit subir n’importe quel accusé inculpé aux Etats-Unis. Etaient également conviés, pour avoir fréquenté et étudié de près le patron du FMI, son bienveillant biographe, Michel Taubmann et son ami Jean-François Kahn. Et enfin, étaient également présents, la plume du Point, Sylvie Pierre Brossolette, qui fut de loin la plus objective de la soirée, et le numéro 2 du PS, Harlem Désir qui a rejoué la partition doloriste du PS bouleversé par l’image, jugée indigne et humiliante, de l’arrestation menottée de l’ex challenger de Nicolas Sarkozy.

Ainsi, le spectateur a eu droit à un peu de pédagogie avec une analyse juridique de l’affaire, un dose de stratégie avec les enjeux politiques que pose l’éviction de DSK aux primaires socialistes et à l’élection présidentielle et aux parti pris de certains des invités prêts à accorder plus de crédit à l’hypothèse d’une machination qu’à celle d’un éventuel moment de folie sexuelle.

Belle brochette d’experts, donc, mais il en manquait un qui aurait été pourtant bien utile pour comprendre comment quelqu’un d’aussi important politiquement et brillant intellectuellement aurait pu céder aussi facilement à ses pulsions ou bien tomber dans le soi-disant piège tramé par des instances obscures. Si les zones d’ombre de l’enquête ont été évoquées, comme le changement de l’heure à laquelle la femme de chambre est entrée dans la suite, l’évocation de la possible part maudite de DSK a été soigneusement mise de côté. Il a fallu attendre la toute fin de l’émission pour que soit abordée cette hypothèse dont le tout Paris bruissait depuis bien longtemps.

Convier un médecin psychiatre, spécialiste des addictions sexuelles, aurait très certainement mis le doigt là où ça fait mal en expliquant que la pulsion est par essence immaîtrisable et qu’il faut bien dissocier le DSK politique rationnel du DSK pulsionnel. Certes, la présence de ce psychiatre aurait semé le trouble en confrontant les invités à la possible réalité des chefs d’inculpations, mais elle aurait surtout attiré les foudres du PS qui ne se serait pas privé d’accuser Yves Calvi de lancer une curée médiatique contre un homme encore innocent.

Or, changeons le scénario et mettons à la place de DSK, Nicolas Sarkozy : vous pariez qu’on aurait vu défiler sur les plateaux des myriades de psys en tout genre ? Pour le patron du FMI, y aurait-il, au pays de la sacro-sainte égalité, comme un traitement de faveur ?

Cyrus Vance Jr, bourreau de DSK ?

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Cyrus Roberts Vance Jr.

Le traitement réservé à Dominique Strauss-Kahn par la police et la justice de New York a provoqué un traumatisme dans les profondeurs de l’âme française. Exhibé les mains menottées dans le dos, encadré par plusieurs policiers visiblement satisfaits d’avoir accroché un si gros gibier à leur tableau de chasse, DSK nous faisait découvrir l’horreur du pilori mondialisé dont les Américains font un usage immodéré. La honte en rejaillissait sur nous tous.

Deux de ses plus proches amis, BHL et Robert Badinter, sont allés crier leur indignation à ce propos mardi matin sur France-Inter. Ils ne pouvaient faire moins, sinon à quoi serviraient des amis ?

Vu de notre fenêtre hexagonale, on ne peut qu’être horrifié par des méthodes qui sont l’équivalent moderne des pratiques médiévales d’exposition des présumés coupables au mépris et à la colère des foules rameutées pour l’occasion.
En revanche, dans le contexte new yorkais, cette mise en scène de la chute d’un grand de ce monde n’a provoqué aucun émoi : même le très libéral New York Times ne voit pas là matière à publier l’un de ses éditoriaux brillants, concis et assassins dont il a le secret. Seule une lettre de lecteur évoque l’affaire en page « op-ed », pour se réjouir de l’évolution d’une justice qui prend au sérieux la plainte d’une femme de chambre contre un homme de pouvoir.

Pour le reste, ce journal tente d’expliquer à ses lecteurs les mœurs étranges de ce pays d’outre-Atlantique où les journalistes pratiquent une omerta sans faille ou presque sur les turpitudes sexuelles des hommes politiques. À New York, un traitement discret et feutré de l’affaire du Sofitel aurait été perçu comme un privilège judiciaire indûment offert à DSK et à tous les présumés criminels de son genre, et par conséquent, comme une grave injustice pour la victime. En France, le prurit égalitaire se manifeste dans le domaine économique, mais on ne s’offusque pas, par exemple, de l’existence de quartiers dits VIP dans les prisons françaises les plus sordides. Aux Etats-Unis, cette exigence d’égalité se manifeste dans le domaine pénal avec une telle force que les gens riches, puissants et célèbres se retrouvent dans une situation impossible dès qu’ils ont le malheur de tomber dans les filets de la police et de la justice. Michael Jackson, Roman Polanski, Mike Tyson en ont fait la cruelle expérience.

Cette forme d’injustice, qui fait que les jugements de cour rendent les puissants plus noirs que les misérables et rend BHL fou de colère, se fonde sur la conviction, bien ancrée chez les descendants des Puritains du Mayflower, que ceux à qui Dieu a fait l’offrande de la richesse et du pouvoir ont le devoir de s’en montrer dignes. Les comportements éthiques que l’on exige d’eux sont plus rigoureux, car ils ont reçu une forme d’élection. Cela, nous avons du mal, parfois, à le comprendre.

Les procureurs (District attorney ou DA) des districts judiciaires des Etats-Unis sont élus par le peuple et doivent régulièrement remettre leur mandat en jeu. Certes, cela leur permet d’être indépendants du pouvoir politique et insensibles aux éventuelles pressions, mais en même temps, cela les oblige à être attentifs aux réactions de l’opinion publique. On ne juge pas de la même manière au Texas ou à New York, et les politiques pénales varient en fonction du contexte propre à chaque Etat, et même de chaque comté.

On a peu parlé du procureur du district de Manhattan qui supervise l’affaire DSK. C’est pourtant un personnage intéressant, dont la personnalité et les inclinations morales et politiques vont sans doute jouer un rôle non négligeable dans la procédure judiciaire à laquelle le directeur général du FMI va être soumis. Agé de 57 ans, Cyrus Vance Junior a été élu à ce poste en février 2009 – « Junior » car son père, Cyrus Vance, décédé en 2002, fut dans les années 60 à 80, une grande figure de la politique américaine. Secrétaire à la défense de John Kennedy et Lyndon Johnson, il termina sa carrière comme secrétaire d’Etat de Jimmy Carter. Elevé dans le bain de la haute politique, Cyrus Jr est donc parfaitement conscient des conséquences de ses actes dans l’affaire qui nous concerne aujourd’hui.

Dans sa jeunesse, il refusa de se lancer dans la politique à New York, pour ne pas donner prise au soupçon de népotisme dans une ville où son père était l’un des principaux dirigeants du Parti démocrate. Après avoir réussi une carrière d’avocat dans l’Ouest, il revient dans sa ville natale, et occupe le poste de procureur-adjoint au bureau du légendaire Robert Morgenthau. Ce dernier, lui-même issu d’une célèbre lignée de diplomates, occupa sans discontinuer le poste de DA de Manhattan de 1975 à 2009, ne consentant à passer la main qu’à l’âge de 90 ans !

Cyrus Vance Jr l’emporta largement sur ses concurrents, avec le soutien unanime de la presse de New York, des tabloïds jusqu’au New York Times. Dans les critères de la politique française, il pourrait être considéré comme un juge de gauche, à tout le moins de centre-gauche : soucieux de rapprocher la machine policière et judiciaire des citoyens, il a lancé le programme « community based justice », une sorte de justice de proximité fondée sur l’étroite coopération des magistrats, policiers et travailleurs sociaux à l’échelle du quartier. Il s’est également préoccupé d’améliorer les droits à la défense des indigents et s’est montré rigoureux et ferme dans la poursuite de la délinquance en col blanc, notamment à Wall Street.

Tel est donc l’homme qui sera, en dernier ressort, le principal accusateur de DSK, même si les réquisitions sont prononcées, lors du procès, par l’un de ses adjoints.

La première phase de la mise en accusation de notre éminent compatriote a peut-être été brutale et sauvage. Mais on ne saurait, au stade actuel de la procédure, faire un procès d’intention à la justice de New York. Elle a droit, elle aussi, à la présomption d’équité.

Jack Lang, témoin de moralité de DSK ?

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En écoutant Jack Lang chez Jean-Pierre Elkabbach hier matin défendre avec fougue la présomption d’innocence et dénoncer l’acharnement et le lynchage dont DSK serait victime, je me suis souvenu d’une lettre. Un article de La dépêche, encore en ligne, explique la triste histoire d’un homme dont l’honneur et la réputation ont été réduits à néant. Cette lettre a donc été adressée à l’été 2001 aux parents d’élèves de l’école de Bucquoy (Gers). Elle était signée du ministre de l’Education Nationale et dénonçait, alors que rien n’était encore jugé, « les actes scandaleux et odieux commis par l’époux de la directrice de l’école maternelle ». Plus de cinq ans plus tard, cet homme, blanchi par la Justice, a finalement reçu les plates excuses de Jack Lang. Ce dernier y reconnaissait sa faute.

Certains diront qu’il était chevaleresque d’adresser ainsi ses excuses alors que tant s’en dispensent dans les mêmes circonstances ; d’autres rétorqueront que c’était tout de même le service minimum. Mais une chose est sûre, Jack Lang n’est pas le moins doté en culot de nos personnalités politiques pour se faire un si ardent avocat de la présomption d’innocence avec un tel poids accroché à ses chevilles.

Les primaires ou le cercueil

photo : Mouvement des Jeunes Socialistes

Reconnaissons-le, c’est une question annexe. Mais une question quand même : que faire des primaires socialistes, alors que le favori des sondages est embastillé aux Etats-Unis et que la présidentielle ne s’adaptera sans doute pas à son agenda judiciaire ?

Pour l’instant, aucun socialiste ne veut vraiment répondre. On en est à l’épisode «stupeur et tremblements». Mais il va falloir se décider, et fissa; le calendrier en vigueur prévoit un dépôt des candidatures entre le 28 juin et le 13 juillet, puis deux tours populaires et ouverts en octobre. J’ai, à de nombreuses reprises ici, critiqué les primaires, et même avancé que si ça se trouve, elles n’auraient pas lieu. Je considère toujours qu’un système de plébiscite populaire des sondages maquillé en désignation démocratique est a priori absurde et contreproductif. Mais vu les circonstances et la nouvelle donne venue de NYC, je crois que le PS devrait finalement s’accrocher à son concours de beauté : si les socialistes veulent sortir la tête de l’eau et renvoyer le dossier DSK à ce qu’il est – une affaire judiciaire – il faut des primaires, en dépit des flopées d’éditorialistes qui exigent leur immersion immédiate.

Il faudrait annuler les primaires, nous dit-on, parce que le champion désigné par les sondages n’est plus en mesure de concourir. L’argument a le mérite d’être clair : pour maints oracles journalistiques, DSK devait gagner coûte que coûte, et même si François Hollande fait office de chouchou supplétif, le scénario était déjà écrit. Voilà donc la haute estime dans laquelle les plus ardents défendeurs du système à l’américaine portent la démocratie : oui au vote, surtout quand on est convaincu que le verdict des urnes sera conforme à ce qu’on en espère. Ce doit être la jurisprudence TCE… Evidemment, imaginer que le militant socialiste aurait pu choisir quelqu’un d’autre est absurde. Surtout si ce quelqu’un n’est pas suffisamment disons, raisonnable.

L’autre argument avancé tient en deux mots : si la direction du PS maintient son système de désignation, la compétition va être terrible – bien entendu, elle ne l’aurait pas été si ce fichu dimanche n’avait pas eu lieu. Dévastatrice, elle sera, nous met-on en garde, parce que François Hollande, Martine Aubry et Ségolène Royal auraient le même programme, les mêmes options rigoureuses pour le gouvernement de la France à venir. On notera au passage que ceux qui pensent un poil autrement, Valls et Montebourg au hasard, ne sont pas considérés comme crédibles pour proposer des solutions pour ce vieux pays. Mais revenons aux candidats autorisés : puisqu’ils pensent pareil, ils vont, nous dit-on, se déchirer pour des raisons personnelles, sur fond de rancunes qui n’ont rien de politiques. Comble de l’angoisse, un second tour en octobre opposant François Hollande à Ségolène Royal, troisième tour du divorce de 2007. J’en frémis d’avance…

Et si justement, les primaires étaient l’occasion de montrer qu’il y a des options politiques propres à chaque prétendant socialiste, ou, a minima, des manières de faire différentes ? Allez savoir, le candidat socialiste et l’électeur pourraient se révéler moins idiots que le rubricard accrédité à Solferino qui va ramener ça à Machine a dit que Chose était un neuneu, ou Bidule a fait une blague sur le nouveau régime de Truc.

Enfin, mettons-nous à la place du militant de base: il y a une semaine, il fêtait la victoire de la gauche en 1981. Depuis dimanche, il se dit qu’il n’aura peut-être même pas l’occasion d’avoir des regrets en mai 2012. Que c’est fini avant d’avoir commencé. Veut-on vraiment lui imposer ce calvaire (vu les circonstance newyorkaises, on n’ose parler de douche froide) ?

Je serais dirigeant socialiste, je me dirais que je ne peux pas indéfiniment porter des badges François Mitterrand pour me souvenir qu’un jour, le PS a vraiment été au pouvoir. Je bazarderais la cargaison sur eBay et je lancerais les primaires, droit dans la pente.

Normale sup’ : feu sur le quartier général !

image : LATUFF

Le 19 avril, la direction de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm a fait évacuer par la police une douzaine d’étudiants de cette école qui occupaient le bureau de la directrice et la bibliothèque de ce prestigieux établissement.
Cette action militante était organisée par une poignée de « néo-maos » pour appuyer les « précaires » de la cantine de l’École, en grève depuis plus de trois mois pour exiger leur titularisation. Nous voilà donc revenus au temps où les disciples de Louis Althusser transformaient la rue d’Ulm en « base rouge », saccageaient le monument aux anciens élèves morts des deux guerres et s’apprêtaient à plonger au cœur du prolétariat en allant « s’établir » dans les lieux d’exploitation de l’homme par l’homme.[access capability= »lire_inedits »]

Badiou a succédé à Althusser comme gourou d’une jeunesse aussi avide de savoir que de victoires symboliques contre le néo-libéralisme, incarné localement par Monique Canto-Sperber, directrice de l’École depuis 2005.

L’épisode des maos des années 1970 relevait déjà de ce bégaiement de l’Histoire, évoqué par Marx, dégradant en comédie le mimétisme d’une tragédie antérieure. Certains de ses protagonistes en ont très bien parlé[1. Jean-Claude Milner, Olivier Rolin et Morgan Sportes, parmi d’autres…]. Le bégaiement d’un bégaiement transforme une comédie en farce, et c’est pourquoi, dans un souci de sauver cette belle jeunesse du ridicule, je me permets de lui faire quelques suggestions pour sortir du mauvais pas où elle s’est fourrée.

Les conditions de vie et de travail des précaires de la cantine sont, certes, déplorables. La compassion éprouvée à leur égard par l’avant-garde des étudiants progressistes témoigne d’un haut degré de moralité de cette dernière.

L’implacable RGPP (Révision générale des politiques publiques) place Mme Canto-Sperber face à un cruel dilemme : si elle demande des postes d’agents titulaires pour la cantine et le ménage, cela fera autant de postes d’enseignants ou de bibliothécaires en moins….
Il y a pourtant une mine de postes de fonctionnaires dans lequel il serait très facile de puiser, si nos néo-maos à keffieh étaient conséquents.

Dès leur entrée dans les ENS, les heureux reçus passent du statut d’étudiant à celui d’élèves-professeurs. Cela leur vaut quelques avantages, comme un logement à bas prix dans l’un des quartiers les plus huppés de Paris, une cantine bon marché et un traitement mensuel se montant à environ 1300 euros net. Dans aucun pays comparable à la France, on ne constate une telle disparité entre les étudiants dits d’élite et les étudiants « ordinaires ». À Harvard, Oxford ou Tübingen, universités sélectives s’il en est, le soutien public ou accordé par des fondations est réservé aux brillants sujets issus de milieux défavorisés. Or, le recrutement actuel des ENS révèle que, dans leur grande majorité, les élèves reçus sont issus de familles appartenant aux classes supérieures ou moyennes-supérieures, de l’aristocratie du pouvoir ou du savoir. Ils ont certes mérité, par leur intelligence et leur travail, qu’on leur offre les meilleurs professeurs, les meilleurs laboratoires, des voyages d’étude au bout du monde. Mais pourquoi leur conférer le statut de fonctionnaires avant qu’ils soient en mesure de contribuer au service de la collectivité ? L’argument selon lequel le traitement versé pendant leur scolarité est la contrepartie d’un engagement à servir l’Etat pendant dix ans (en fait sept, car le temps passé à l’École est compté) se révèle fallacieux : très rares sont aujourd’hui les normaliens frais émoulus qui vont, comme jadis, enseigner dans le secondaire au fond des provinces de France et encore moins dans les zones dites « sensibles ». Ils font, pour la plupart, une thèse dont le temps d’élaboration est décompté de leur engagement. Enfin, on ne voit pas bien qui, en dehors de l’Etat, est en mesure aujourd’hui d’assurer l’avenir professionnel de philosophes, d’historiens, de spécialistes pointus des langues anciennes ou des mathématiques fondamentales…

Alors, chers néo-maos de la rue d’Ulm, encore un effort pour être révolutionnaires ! Vous avez jusqu’au 4 août prochain pour brûler vos bulletins de salaire dans la Cour aux Ernests[2. Cour centrale de l’ENS de la rue d’Ulm. Les « Ernests » sont , dans le jargon normalien, les poissons rouges du bassin de cette cour introduits par l’ancien directeur Ernest Bersot] ![/access]

DSK : mépris de (première) classe

L’affaire DSK n’a pas fini de rebondir. Après l’échec de leur première stratégie de défense, basée sur l’heure du méfait présumé, les avocats du directeur général du FMI se pencheraient désormais sur le profil de la plaignante. On susurre qu’Ophelia, 33 ans, femme de chambre au Sofitel de Times Square et mère d’une fille de quinze ans, gagnerait « matériellement » à diffamer l’ex-futur hôte de l’Elysée. Les fuites rapportées par la presse française évoquent en outre une employée modèle dont le physique disgracieux laisserait insensible jusqu’au plus priapique des obsédés.

En s’emparant de ces arguments, les défenseurs de DSK mettent en cause la véracité de son témoignage et donc du crime sexuel : la présomption d’innocence de l’un sert ici de prétexte à un prolo-bashing de l’autre, digne des meilleures universités d’été du MEDEF. Dans leur très grande maladresse, la plupart des strauss-kahniens hésitent donc entre le délit de sale gueule et le haine de classe. Si leur projet politique ne servait pas l’intérêt des élites mondiales, on mettrait cela sur le compte de l’émotion (légitime).

Voila sans doute le vrai fond scandaleux de « l’affaire DSK ». Que l’accusatrice soit une victime ou une affabulatrice ne changera rien au péché capital des sociaux-démocrates : leur mépris du peuple.

Il n’y a pas d’affaire France Trésor

assigant, an III de la République

Nicolas Dupont-Aignan a récemment dénoncé sur Causeur le « scandale France Trésor » qu’il a, précise-t-il, « découvert sur internet ». Comme j’ai moi-même découvert un certain nombre de scandales sur internet – l’homme n’a jamais mis le pied sur la lune, le monde est en réalité dirigé par une secte extraterrestre et, pire encore, Elvis Presley n’est pas mort – je me fais un devoir de vérifier les assertions de ceux qui les dénoncent, en particulier, quand le « scandale » en question fleure la théorie du complot à plein nez.

L’Agence France Trésor (AFT), donc, est une agence gouvernementale française dont le métier consiste à gérer la dette et la trésorerie de l’Etat[1. Ce que monsieur Dupont-Aignan appelle improprement « la dette de la France » ; tombant ainsi dans le vieux travers socialiste qui consiste à confondre la Société et l’Etat] – à laquelle monsieur Dupont-Aignan reproche d’être conseillée – pas dirigée – par un comité stratégique « composé de banquiers internationaux qui sont aussi les bénéficiaires des placements qu’ils conseillent ». Traduction : l’AFT, dont le métier consiste à emprunter de l’argent sur les marchés financiers pour le compte de l’Etat, est (plus ou moins) dirigée par des banquiers privés (apatrides et avides de profits comme il se doit) qui ont tout intérêt à nous faire payer le plus possible d’intérêts puisque ce sont leurs banques qui achètent la dette de l’Etat. D’où l’« énorme conflit d’intérêt », d’où le scandale.

Le comité stratégique existe bel est bien et il n’a effectivement qu’un rôle de conseil – l’AFT étant, bien évidemment, dirigée par des représentant de l’Etat à commencer par monsieur Philippe Mills, son directeur général et monsieur Anthony Requin, son adjoint. Par ailleurs, le comité stratégique est composé de dix membres [2. Donc vous trouverez la liste ici] parmi lesquels seuls deux correspondent vaguement à ce que monsieur Dupont-Aignan appelle des « banquiers internationaux » – messieurs de Larosière (ancien gouverneur de la Banque de France et conseiller du président BNP Paribas) et Hau (membre du directoire de la Compagnie Financière Edmond de Rothschild) – à moins que l’on ne considère BlackRock (qui est une société de gestion), la Banque nationale suisse (qui est la banque centrale de nos voisins helvètes) et la BEI (qui est un organisme public de l’Union Européenne) comme des « banques internationales » ; ce qui amènerait – en tirant bien par les cheveux – la proportion de « banquiers internationaux » à cinquante pour cent de l’effectif. Passons.

Pour illustrer le scandale de ce « racket de la richesse nationale », monsieur Dupont-Aignan affirme que « la Banque centrale européenne prête aux banques au taux de 1%, et celles-ci prêtent à la France à 3% ». Il faudrait un volume d’introduction à l’économie pour expliquer à quel point cette affirmation est ridicule mais restons simples : 1%, c’est le taux que payent les banques commerciales à la BCE pour des emprunts sur une journée (c’est un taux « au jour-le-jour ») et 3%, c’est le taux que paye l’Etat pour des emprunts à dix ans. Avec un minimum de culture économique, monsieur Dupont-Aignan aurait certainement cherché à comparer des choses plus comparables : par exemple, pas plus tard que le 9 mai 2011, alors que le « taux refi » de la BCE (c’est-à-dire le taux auquel les banques commerciales empruntent de l’argent à la BCE) était à 1,25%, l’AFT a emprunté 4 milliards d’euros sur 3 mois à un taux de… 1,02% ; soit 0,23% de moins [3. Si, comme Nicolas Dupont-Aignan, vous avez internet chez vous : vous pouvez vérifier ici].

Ajoutons que la dette de l’Etat français est majoritairement détenue par des compagnies d’assurance, des fonds d’investissement ou des organismes de retraite c’est-à-dire – in fine – par d’honnêtes gens qui ont placé les économies d’une vie de travail dans des contrats d’assurance-vie, des OPCVMs ou des plans de retraite complémentaire. Les banques ne détiennent vraisemblablement pas beaucoup plus d’un dixième de notre dette publique et – mieux encore – ne le font que parce que la réglementation bancaire les y incite fortement ! C’est une simple question de bon sens : quel intérêt pourrait bien avoir une banque à prêter de l’argent à un Etat qui, par définition, paie des taux moins élevés qu’elle, si on ne l’y a pas incité par voie réglementaire ?

Enfin, juste pour le principe, cette accusation portée contre les instigateurs de cette fameuse loi de 1973 – aussi connue chez ses détracteurs sous le nom de « loi Rothschild » – relève non seulement de l’analphabétisme économique mais surtout du procès d’intention, voire de la théorie complotiste. Puis-je suggérer à monsieur Dupont-Aignan de mieux sélectionner ses sources à l’avenir et, par la même occasion, de se fendre d’une lettre d’excuses adressée à l’équipe de l’AFT ?

Cette loi de 1973, votée sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, est l’un des derniers garde-fous dont nous disposons pour empêcher des politiciens incompétents de financer leurs lubies en dévaluant massivement la valeur de nos économies et le niveau de nos salaires réels. Depuis quand les politiciens sont-ils plus compétents que les gens dont c’est le métier – et par ailleurs l’intérêt bien compris – pour savoir combien et où investir ? Qui peut être assez naïf pour croire qu’il suffit de faire « tourner la planche à billets » pour créer de véritables richesses ? À combien d’expériences désastreuses – comme celle de la république de Weimar en 1923 ou les imbécilités de Robert Mugabe plus récemment – faudra-t-il que nous assistions pour comprendre que la création de richesse, l’innovation et – finalement – le bien-être des gens ne se planifie pas ? L’alternative de Nicolas Dupont-Aignan ressemble à celles que nous proposent Marine le Pen ou Jean-Luc Mélenchon : le suicide collectif.

DSK, politique prisonnier

photo : World Bank Photo Collection

Nous étions partis pour écrire un billet léger, avec une attaque humoristique, appelant le lecteur à fredonner une chanson impérissable, composée par une nonne belge, connue sous son nom d’artiste : Sœur sourire. Le succès de la jolie ritournelle, qui parle d’un certain Dominique, fut planétaire, mais le sort de son infortunée auteur-compositeur-interprète, désespérant ! Toujours est-il que, jeune scout de France, le mollet ferme, le col ouvert, nous aussi, nous allâmes par les chemins, déchiffrant les signes de piste, et chantant à tue-tête, avec la patrouille : « Dominique, nique, nique… ». Le brave aumônier, qui accompagnait nos pérégrinations (ce n’était pas l’abbé Cottard), n’y voyait pas malice, et reprenait au refrain, de sa belle voix de baryton Martin : « nique, nique ». Le soir, sous la tente, nous échangions des histoires sales…

Bref, nous souhaitions rire, malgré tout, de la très vilaine affaire, qui vient de salir la réputation, jusque-là flatteuse, du mâle français, passé brutalement du niveau d’un Don Juan aimable, à celui d’un prédateur de la domesticité hôtelière. Mais le cœur n’y est plus ! L’image de Dominique S-K, sortant d’un commissariat de Harlem, le visage exsangue, menotté dans le dos, a refroidi notre causticité naturelle.

Cependant, comme demeurait en nous, inassouvi, le désir de nuire à nos contemporains, nous avons pensé, avec un lâche soulagement, aux très nombreux affligés et affligeants personnages, qui se succèdent depuis dimanche matin, sur les plateaux des chaînes de télévision. Voyez Martine Aubry, par exemple : elle devrait absolument postuler à un rôle de figuration, dans la prochaine adaptation cinématographique de « L’attaque des robots », tant elle nous paraît incarner la formule, fameuse, du regretté Henri Bergson, à propos du processus comique : du mécanique plaqué sur du vivant. Comme figée dans la représentation idéale de l’accablement humain, Mme Aubry, plus « mère » de Lille que jamais, semblait contempler le spectacle d’une désolation intérieure, à côté de laquelle le dernier tsunami japonais est une vaguelette de baignoire ! Dans sa grave déclaration, elle appela « à la décence nécessaire », pria les socialistes de « rester unis et responsables », puis rassura les Français : « Nous sommes là, les socialistes, pour [vous] entendre, pour [vous] comprendre, pour apporter des réponses à [vos] problèmes. ». Faut-il commenter cet effrayant maternalisme ?

La palme de l’accusation radicale, de l’exécution en place publique, revient à Bernard Debré. Sur son blog, le député parisien dénonce DSK avec une brutalité de type vichinskien[1. Andréï Vichinsky (1902-1954) fut le plus redouté des procureurs, sous le règne de Staline] : « […] c’est un homme peu recommandable […] ». Puis, s’adressant au réprouvé de Harlem (sans désir) : « Vous allez peut-être être condamné à une peine de prison. Bravo ! ».

Certes, les journalistes « spécialisés » n’ont pas déçu nos espérances ! Tous annoncèrent la probable absence, dans la course à l’Élysée, du candidat de la « fabrique ». Poursuivant leur chimère d’une République entièrement sous contrôle, ils formèrent le chœur de la déploration : ils se lamentèrent sur la probable absence du favori des sondages, du héros de la classe médiatique. Ils persistèrent dans l’idée que l’homme de Washington devait passer triomphalement les médiocres obstacles du suffrage universel. Sourds et aveugles, ils encensèrent une pure abstraction, une créature numérisée, imaginée par une officine de communicants, servie par des apparatchiks, affamés de postes et de prébendes.

Nous retiendrons, évidemment, les prestations des excellences du Parti socialiste. Sans aucun doute « briefées » tôt dans la matinée, elles présentaient toutes le masque de stupeur de ben Laden, au moment où les navy seals s’invitèrent dans sa chambre à coucher. Elles allaient répétant que ce qu’elles savaient du comportement privé de leur champion, le plaçait naturellement au-dessus de tout soupçon. Le présumé « Harlem globe niqueur » était donc la victime, sinon la dupe, d’une manière de complot, fomenté par l’Internationale des droites !

Mais le meilleur de tous, selon nous, fut l’ineffable Bruno Roger-Petit. Dimanche soir, il démontra, devant un journaliste du Figaro, à i-Télé, une mansuétude, à laquelle ses billets vengeurs et très bêtes du Post.fr ne nous avaient pas accoutumés ! Il en appela à la prudence, à l’examen minutieux des faits, aux possibles rebondissements. Il s’offusqua de l’hallali, il railla l’opprobre, il s’indigna de l’anathème. Fort bien ! Nous invitons simplement Roger-Petit à s’appliquer à lui-même ces excellents préceptes. Que ne les a-t-il suivis, lorsqu’il lançait, chaque jour, des accusations venimeuses contre Éric Woerth, alors qu’il ignorait tout du degré de culpabilité de ce dernier dans les affaires où il était mis en cause. S’est-il découvert une vocation de moraliste ? Il convient de démontrer, dans cette discipline de l’esprit, un talent qu’il ne possède point. En revanche, il a toutes les qualités d’un moralisateur. Bas de gamme.

Divorce en vue à Londres?

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photo : Manic Street Preacher

Il y a tout juste un an, David Cameron et Nick Clegg tenaient leur première conférence de presse commune. Tapes sur l’épaule, confidences susurrées à l’oreille, Cameron et son vice-premier ministre libéral-démocrate rivalisaient de minauderies, trop heureux d’avoir fait son affaire à ce ronchon de Gordon Brown. Good bye le Labour, pourtant traditionnel allié des Libéraux-démocrates. Intronisés couple de l’année, Nick et David semblaient indispensables l’un à l’autre. Issus des mêmes écoles et du même milieu, les deux jeunes loups éclaboussaient les spectateurs de leur beauté so british.

À l’époque, Cameron avait manqué de peu la majorité alors que Clegg voulait faire passer à toute force la réforme du système électoral censée lui ouvrir les portes du pouvoir. Leur marché se voulait avant tout pragmatique : « grâce à moi tu deviens Prime Minister ; en retour tu m’offres sur un plateau le référendum qui renverra aux oubliettes de l’histoire le plus vieux système électoral du monde, le First Past The Post (FPTP) ». Dix candidats, celui qui arrive en tête rafle tout, quel que soit son score. Pas très démocratique, mais diablement efficace. Résultat de ce scrutin ultra-majoritaire : depuis Mathusalem ou presque, deux partis se partagent le pouvoir au Royaume-Uni.

Clegg le trouble-fête

Un an et un mariage princier plus tard, le jardin de roses du Ten Downing street résonne encore des embrassades du tandem gouvernemental. L’exécutif au beau fixe ? Ce serait sans compter avec l’arrivée tonitruante de Nick Clegg, ce roi médiatique à la couronne d’épines.
Pendant la dernière campagne législative, le temps de trois débats télévisés, le sémillant lib-dem avait réussi à brouiller les cartes à coups de sourires cajoleurs, de petites phrases piquées à Barack Obama et de discours simples ponctué de « them ». Eux, les rancis, les produits périmés de la vie politique britannique tranchaient avec « me », mes dents blanches, mon idéalisme de bon aloi et le vent de fraîche folie que je faisais souffler sur l’élection.

Les Brits en avaient fait l’arbitre des élégances. Très habilement, avec un zeste de cynisme bonhomme qui laissait présager un sacré métier derrière l’apparence lisse de gendre idéal, Clegg avait tranquillement fait monter les enchères. En échange du soutien des députés libéraux, le nouveau premier ministre conservateur avait concédé un poste de Deputy Prime Minister[1. Equivalent britannique de vice-premier ministre] à Clegg, des ministères-clés pour ses amis et surtout l’assurance d’un référendum sur le système électoral.

L’annus horribilis de Clegg

Depuis, les roses se sont fanées. Consternés par ses reniements permanents, son aplomb à la limite de l’impudence et ses erreurs de jugement monumentales, les Anglais ont à 70% rejeté le référendum dont Clegg avait fait la clé de son avenir. Autrement dit, il vient de perdre son pari, et d’humiliante façon. Le « vote alternatif » introduisant une forte dose de proportionnelle ne passera pas. Plus qu’un homme, la vox populi britannique a rejeté un texte. À l’instar du Traité Constitutionnel Européen, le projet proposé était lourd, obscur et compliqué à mettre un œuvre. À tel point qu’un esprit chagrin ou mal tourné n’hésiterait pas à accuser David Cameron d’avoir intentionnellement fait rédiger par ses services ce condensé indigeste. Honni soit qui mal y pense, bien sûr. En tout cas, le changement attendra.

Que croyez-vous que fit l’inénarrable Clegg après cette claque monumentale ? Il démissionna ? Vous n’y êtes pas du tout. Whitehall vaut bien une messe. Nick a décidé de se « radicaliser » en s’opposant par tous les moyens à la réforme du système de santé porté par Cameron. Partout Clegg s’effondre, rendant illusoire la pérennisation d’une coalition de centre-droit modéré qui n’a jamais existé ailleurs que dans les rêves du Guardian. Cameron et Clegg n’avaient d’ailleurs pas un seul point d’accord idéologique. Tout les séparait et tout les sépare encore : l’avenir des établissements financiers et la scission entre banques d’affaires et de dépôt, l’environnement (les Lib-dems sont des écolos convaincus), la charte des droits fondamentaux, la réforme cruciale du système de santé où Cameron voudrait introduire une forte dose de choix et de concurrence entre les médecins, le nucléaire, l’immigration, la guerre en Libye…. N’en jetez plus.

Cameron : la force tranquille

On peut apprécier ou non le programme des Conservateurs, mais force est de constater que le chef des tories tient le cap au 10 Downing Street. Tranquillement, il avance ses pions avec une assez redoutable maîtrise. Le Premier ministre n’a pas besoin d’une crise politique en ce moment. Ni d’élections anticipées. Assurés d’être battus ou sérieusement mis en danger, les parlementaires lib-dem n’ont d’autre choix que de le suivre. Bravo Maestro. À cynique, cynique et demi.

David Cameron dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Elu pour assainir les finances et tailler dans les dépenses publiques, il assainit et taille. Bon an mal an, les Anglais suivent, serrant les dents et leur ceinture en silence. Un coup à hue, un coup à dia, Clegg qui avait promis de ne pas toucher aux droits d’inscription à l’université accepte leur triplement au motif « qu’il ne connaissait pas la réalité ». Tout en prononçant une diatribe enflammée contre le nucléaire après Fukushima, alors que Cameron vient de commander de nouvelles centrales à Areva pour assurer l’indépendance énergétique du Royaume-Uni… Finalement, en politique, l’amateurisme et le cynisme peuvent aussi se payer cash.

Et pendant ce temps…

Et le Labour, le grand parti d’opposition ? Favorable à la réforme électorale… mais hostile à Clegg, il peine à trouver place et arguments. Dans son fief écossais, à l’occasion des élections municipales organisées en même temps que le référendum, le Scottish national party d’Alex Salmond a raflé la mise, faisant craindre une sécession dans la foulée des flons-flons nationalistes du mariage royal. Un comble. Certes, le Royaume en a vu d’autres, mais l’opposition travailliste peine à retrouver son assise populaire.

Quand il l’estimera opportun, David Cameron appellera les électeurs aux urnes et se débarrassera facilement de son embarrassant allié. Si… les Brits ont encore un ou deux crans à leur ceinture.

Mirbeau, Buñuel et DSK

Il ne faut jamais laisser l’actualité nous empêcher de relire ou revoir un bon classique. On se reportera donc avec bonheur au Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau (1900), un des grands écorchés de notre littérature de la fin du XIXème siècle, et trop peu lu à notre goût.

Gourmont disait de lui qu’il se réveillait en colère et se couchait furieux, un peu sans doute comme quelqu’un, ces jours-ci, qui aimerait la vie politique comme école de civisme et de dignité. Le roman montrait la propension de la grande bourgeoisie et d’une certaine aristocratie décavée à baiser systématiquement la bonne comme moyen ultime de marquer sa domination de classe, que ce soit pour faire sauter la capsule de l’ainé des garçons ou assurer une manustupration rapide au grand père qui fétichisait sur les bottines cirées.

On pourra compléter cette lecture par le visionnage de son adaptation cinématographique par Luis Buñuel en 1964 avec Jeanne Moreau dans le rôle de la bonne du Sofitel, euh pardon de la femme de chambre d’une gentilhommière normande.

Traitement de faveur pour DSK ?

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Après avoir fait la une de la presse nationale et internationale, enflammée le web et monopolisée les conversations de bureau et de bistrot, il était on ne peut plus prévisible que Yves Calvi consacre son émission « Mots Croisés » à l’affaire DSK.

Il y avait donc sur le plateau, la politologue spécialiste des Etats-Unis, Nicole Bacharan et un avocat pénaliste au barreau de New York et de Paris, Alexis Werl, pour parler du système judiciaire américain et mieux faire comprendre la procédure accusatoire que doit subir n’importe quel accusé inculpé aux Etats-Unis. Etaient également conviés, pour avoir fréquenté et étudié de près le patron du FMI, son bienveillant biographe, Michel Taubmann et son ami Jean-François Kahn. Et enfin, étaient également présents, la plume du Point, Sylvie Pierre Brossolette, qui fut de loin la plus objective de la soirée, et le numéro 2 du PS, Harlem Désir qui a rejoué la partition doloriste du PS bouleversé par l’image, jugée indigne et humiliante, de l’arrestation menottée de l’ex challenger de Nicolas Sarkozy.

Ainsi, le spectateur a eu droit à un peu de pédagogie avec une analyse juridique de l’affaire, un dose de stratégie avec les enjeux politiques que pose l’éviction de DSK aux primaires socialistes et à l’élection présidentielle et aux parti pris de certains des invités prêts à accorder plus de crédit à l’hypothèse d’une machination qu’à celle d’un éventuel moment de folie sexuelle.

Belle brochette d’experts, donc, mais il en manquait un qui aurait été pourtant bien utile pour comprendre comment quelqu’un d’aussi important politiquement et brillant intellectuellement aurait pu céder aussi facilement à ses pulsions ou bien tomber dans le soi-disant piège tramé par des instances obscures. Si les zones d’ombre de l’enquête ont été évoquées, comme le changement de l’heure à laquelle la femme de chambre est entrée dans la suite, l’évocation de la possible part maudite de DSK a été soigneusement mise de côté. Il a fallu attendre la toute fin de l’émission pour que soit abordée cette hypothèse dont le tout Paris bruissait depuis bien longtemps.

Convier un médecin psychiatre, spécialiste des addictions sexuelles, aurait très certainement mis le doigt là où ça fait mal en expliquant que la pulsion est par essence immaîtrisable et qu’il faut bien dissocier le DSK politique rationnel du DSK pulsionnel. Certes, la présence de ce psychiatre aurait semé le trouble en confrontant les invités à la possible réalité des chefs d’inculpations, mais elle aurait surtout attiré les foudres du PS qui ne se serait pas privé d’accuser Yves Calvi de lancer une curée médiatique contre un homme encore innocent.

Or, changeons le scénario et mettons à la place de DSK, Nicolas Sarkozy : vous pariez qu’on aurait vu défiler sur les plateaux des myriades de psys en tout genre ? Pour le patron du FMI, y aurait-il, au pays de la sacro-sainte égalité, comme un traitement de faveur ?

Cyrus Vance Jr, bourreau de DSK ?

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Cyrus Roberts Vance Jr.

Le traitement réservé à Dominique Strauss-Kahn par la police et la justice de New York a provoqué un traumatisme dans les profondeurs de l’âme française. Exhibé les mains menottées dans le dos, encadré par plusieurs policiers visiblement satisfaits d’avoir accroché un si gros gibier à leur tableau de chasse, DSK nous faisait découvrir l’horreur du pilori mondialisé dont les Américains font un usage immodéré. La honte en rejaillissait sur nous tous.

Deux de ses plus proches amis, BHL et Robert Badinter, sont allés crier leur indignation à ce propos mardi matin sur France-Inter. Ils ne pouvaient faire moins, sinon à quoi serviraient des amis ?

Vu de notre fenêtre hexagonale, on ne peut qu’être horrifié par des méthodes qui sont l’équivalent moderne des pratiques médiévales d’exposition des présumés coupables au mépris et à la colère des foules rameutées pour l’occasion.
En revanche, dans le contexte new yorkais, cette mise en scène de la chute d’un grand de ce monde n’a provoqué aucun émoi : même le très libéral New York Times ne voit pas là matière à publier l’un de ses éditoriaux brillants, concis et assassins dont il a le secret. Seule une lettre de lecteur évoque l’affaire en page « op-ed », pour se réjouir de l’évolution d’une justice qui prend au sérieux la plainte d’une femme de chambre contre un homme de pouvoir.

Pour le reste, ce journal tente d’expliquer à ses lecteurs les mœurs étranges de ce pays d’outre-Atlantique où les journalistes pratiquent une omerta sans faille ou presque sur les turpitudes sexuelles des hommes politiques. À New York, un traitement discret et feutré de l’affaire du Sofitel aurait été perçu comme un privilège judiciaire indûment offert à DSK et à tous les présumés criminels de son genre, et par conséquent, comme une grave injustice pour la victime. En France, le prurit égalitaire se manifeste dans le domaine économique, mais on ne s’offusque pas, par exemple, de l’existence de quartiers dits VIP dans les prisons françaises les plus sordides. Aux Etats-Unis, cette exigence d’égalité se manifeste dans le domaine pénal avec une telle force que les gens riches, puissants et célèbres se retrouvent dans une situation impossible dès qu’ils ont le malheur de tomber dans les filets de la police et de la justice. Michael Jackson, Roman Polanski, Mike Tyson en ont fait la cruelle expérience.

Cette forme d’injustice, qui fait que les jugements de cour rendent les puissants plus noirs que les misérables et rend BHL fou de colère, se fonde sur la conviction, bien ancrée chez les descendants des Puritains du Mayflower, que ceux à qui Dieu a fait l’offrande de la richesse et du pouvoir ont le devoir de s’en montrer dignes. Les comportements éthiques que l’on exige d’eux sont plus rigoureux, car ils ont reçu une forme d’élection. Cela, nous avons du mal, parfois, à le comprendre.

Les procureurs (District attorney ou DA) des districts judiciaires des Etats-Unis sont élus par le peuple et doivent régulièrement remettre leur mandat en jeu. Certes, cela leur permet d’être indépendants du pouvoir politique et insensibles aux éventuelles pressions, mais en même temps, cela les oblige à être attentifs aux réactions de l’opinion publique. On ne juge pas de la même manière au Texas ou à New York, et les politiques pénales varient en fonction du contexte propre à chaque Etat, et même de chaque comté.

On a peu parlé du procureur du district de Manhattan qui supervise l’affaire DSK. C’est pourtant un personnage intéressant, dont la personnalité et les inclinations morales et politiques vont sans doute jouer un rôle non négligeable dans la procédure judiciaire à laquelle le directeur général du FMI va être soumis. Agé de 57 ans, Cyrus Vance Junior a été élu à ce poste en février 2009 – « Junior » car son père, Cyrus Vance, décédé en 2002, fut dans les années 60 à 80, une grande figure de la politique américaine. Secrétaire à la défense de John Kennedy et Lyndon Johnson, il termina sa carrière comme secrétaire d’Etat de Jimmy Carter. Elevé dans le bain de la haute politique, Cyrus Jr est donc parfaitement conscient des conséquences de ses actes dans l’affaire qui nous concerne aujourd’hui.

Dans sa jeunesse, il refusa de se lancer dans la politique à New York, pour ne pas donner prise au soupçon de népotisme dans une ville où son père était l’un des principaux dirigeants du Parti démocrate. Après avoir réussi une carrière d’avocat dans l’Ouest, il revient dans sa ville natale, et occupe le poste de procureur-adjoint au bureau du légendaire Robert Morgenthau. Ce dernier, lui-même issu d’une célèbre lignée de diplomates, occupa sans discontinuer le poste de DA de Manhattan de 1975 à 2009, ne consentant à passer la main qu’à l’âge de 90 ans !

Cyrus Vance Jr l’emporta largement sur ses concurrents, avec le soutien unanime de la presse de New York, des tabloïds jusqu’au New York Times. Dans les critères de la politique française, il pourrait être considéré comme un juge de gauche, à tout le moins de centre-gauche : soucieux de rapprocher la machine policière et judiciaire des citoyens, il a lancé le programme « community based justice », une sorte de justice de proximité fondée sur l’étroite coopération des magistrats, policiers et travailleurs sociaux à l’échelle du quartier. Il s’est également préoccupé d’améliorer les droits à la défense des indigents et s’est montré rigoureux et ferme dans la poursuite de la délinquance en col blanc, notamment à Wall Street.

Tel est donc l’homme qui sera, en dernier ressort, le principal accusateur de DSK, même si les réquisitions sont prononcées, lors du procès, par l’un de ses adjoints.

La première phase de la mise en accusation de notre éminent compatriote a peut-être été brutale et sauvage. Mais on ne saurait, au stade actuel de la procédure, faire un procès d’intention à la justice de New York. Elle a droit, elle aussi, à la présomption d’équité.

Jack Lang, témoin de moralité de DSK ?

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En écoutant Jack Lang chez Jean-Pierre Elkabbach hier matin défendre avec fougue la présomption d’innocence et dénoncer l’acharnement et le lynchage dont DSK serait victime, je me suis souvenu d’une lettre. Un article de La dépêche, encore en ligne, explique la triste histoire d’un homme dont l’honneur et la réputation ont été réduits à néant. Cette lettre a donc été adressée à l’été 2001 aux parents d’élèves de l’école de Bucquoy (Gers). Elle était signée du ministre de l’Education Nationale et dénonçait, alors que rien n’était encore jugé, « les actes scandaleux et odieux commis par l’époux de la directrice de l’école maternelle ». Plus de cinq ans plus tard, cet homme, blanchi par la Justice, a finalement reçu les plates excuses de Jack Lang. Ce dernier y reconnaissait sa faute.

Certains diront qu’il était chevaleresque d’adresser ainsi ses excuses alors que tant s’en dispensent dans les mêmes circonstances ; d’autres rétorqueront que c’était tout de même le service minimum. Mais une chose est sûre, Jack Lang n’est pas le moins doté en culot de nos personnalités politiques pour se faire un si ardent avocat de la présomption d’innocence avec un tel poids accroché à ses chevilles.

Les primaires ou le cercueil

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photo : Mouvement des Jeunes Socialistes

Reconnaissons-le, c’est une question annexe. Mais une question quand même : que faire des primaires socialistes, alors que le favori des sondages est embastillé aux Etats-Unis et que la présidentielle ne s’adaptera sans doute pas à son agenda judiciaire ?

Pour l’instant, aucun socialiste ne veut vraiment répondre. On en est à l’épisode «stupeur et tremblements». Mais il va falloir se décider, et fissa; le calendrier en vigueur prévoit un dépôt des candidatures entre le 28 juin et le 13 juillet, puis deux tours populaires et ouverts en octobre. J’ai, à de nombreuses reprises ici, critiqué les primaires, et même avancé que si ça se trouve, elles n’auraient pas lieu. Je considère toujours qu’un système de plébiscite populaire des sondages maquillé en désignation démocratique est a priori absurde et contreproductif. Mais vu les circonstances et la nouvelle donne venue de NYC, je crois que le PS devrait finalement s’accrocher à son concours de beauté : si les socialistes veulent sortir la tête de l’eau et renvoyer le dossier DSK à ce qu’il est – une affaire judiciaire – il faut des primaires, en dépit des flopées d’éditorialistes qui exigent leur immersion immédiate.

Il faudrait annuler les primaires, nous dit-on, parce que le champion désigné par les sondages n’est plus en mesure de concourir. L’argument a le mérite d’être clair : pour maints oracles journalistiques, DSK devait gagner coûte que coûte, et même si François Hollande fait office de chouchou supplétif, le scénario était déjà écrit. Voilà donc la haute estime dans laquelle les plus ardents défendeurs du système à l’américaine portent la démocratie : oui au vote, surtout quand on est convaincu que le verdict des urnes sera conforme à ce qu’on en espère. Ce doit être la jurisprudence TCE… Evidemment, imaginer que le militant socialiste aurait pu choisir quelqu’un d’autre est absurde. Surtout si ce quelqu’un n’est pas suffisamment disons, raisonnable.

L’autre argument avancé tient en deux mots : si la direction du PS maintient son système de désignation, la compétition va être terrible – bien entendu, elle ne l’aurait pas été si ce fichu dimanche n’avait pas eu lieu. Dévastatrice, elle sera, nous met-on en garde, parce que François Hollande, Martine Aubry et Ségolène Royal auraient le même programme, les mêmes options rigoureuses pour le gouvernement de la France à venir. On notera au passage que ceux qui pensent un poil autrement, Valls et Montebourg au hasard, ne sont pas considérés comme crédibles pour proposer des solutions pour ce vieux pays. Mais revenons aux candidats autorisés : puisqu’ils pensent pareil, ils vont, nous dit-on, se déchirer pour des raisons personnelles, sur fond de rancunes qui n’ont rien de politiques. Comble de l’angoisse, un second tour en octobre opposant François Hollande à Ségolène Royal, troisième tour du divorce de 2007. J’en frémis d’avance…

Et si justement, les primaires étaient l’occasion de montrer qu’il y a des options politiques propres à chaque prétendant socialiste, ou, a minima, des manières de faire différentes ? Allez savoir, le candidat socialiste et l’électeur pourraient se révéler moins idiots que le rubricard accrédité à Solferino qui va ramener ça à Machine a dit que Chose était un neuneu, ou Bidule a fait une blague sur le nouveau régime de Truc.

Enfin, mettons-nous à la place du militant de base: il y a une semaine, il fêtait la victoire de la gauche en 1981. Depuis dimanche, il se dit qu’il n’aura peut-être même pas l’occasion d’avoir des regrets en mai 2012. Que c’est fini avant d’avoir commencé. Veut-on vraiment lui imposer ce calvaire (vu les circonstance newyorkaises, on n’ose parler de douche froide) ?

Je serais dirigeant socialiste, je me dirais que je ne peux pas indéfiniment porter des badges François Mitterrand pour me souvenir qu’un jour, le PS a vraiment été au pouvoir. Je bazarderais la cargaison sur eBay et je lancerais les primaires, droit dans la pente.

Normale sup’ : feu sur le quartier général !

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image : LATUFF

Le 19 avril, la direction de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm a fait évacuer par la police une douzaine d’étudiants de cette école qui occupaient le bureau de la directrice et la bibliothèque de ce prestigieux établissement.
Cette action militante était organisée par une poignée de « néo-maos » pour appuyer les « précaires » de la cantine de l’École, en grève depuis plus de trois mois pour exiger leur titularisation. Nous voilà donc revenus au temps où les disciples de Louis Althusser transformaient la rue d’Ulm en « base rouge », saccageaient le monument aux anciens élèves morts des deux guerres et s’apprêtaient à plonger au cœur du prolétariat en allant « s’établir » dans les lieux d’exploitation de l’homme par l’homme.[access capability= »lire_inedits »]

Badiou a succédé à Althusser comme gourou d’une jeunesse aussi avide de savoir que de victoires symboliques contre le néo-libéralisme, incarné localement par Monique Canto-Sperber, directrice de l’École depuis 2005.

L’épisode des maos des années 1970 relevait déjà de ce bégaiement de l’Histoire, évoqué par Marx, dégradant en comédie le mimétisme d’une tragédie antérieure. Certains de ses protagonistes en ont très bien parlé[1. Jean-Claude Milner, Olivier Rolin et Morgan Sportes, parmi d’autres…]. Le bégaiement d’un bégaiement transforme une comédie en farce, et c’est pourquoi, dans un souci de sauver cette belle jeunesse du ridicule, je me permets de lui faire quelques suggestions pour sortir du mauvais pas où elle s’est fourrée.

Les conditions de vie et de travail des précaires de la cantine sont, certes, déplorables. La compassion éprouvée à leur égard par l’avant-garde des étudiants progressistes témoigne d’un haut degré de moralité de cette dernière.

L’implacable RGPP (Révision générale des politiques publiques) place Mme Canto-Sperber face à un cruel dilemme : si elle demande des postes d’agents titulaires pour la cantine et le ménage, cela fera autant de postes d’enseignants ou de bibliothécaires en moins….
Il y a pourtant une mine de postes de fonctionnaires dans lequel il serait très facile de puiser, si nos néo-maos à keffieh étaient conséquents.

Dès leur entrée dans les ENS, les heureux reçus passent du statut d’étudiant à celui d’élèves-professeurs. Cela leur vaut quelques avantages, comme un logement à bas prix dans l’un des quartiers les plus huppés de Paris, une cantine bon marché et un traitement mensuel se montant à environ 1300 euros net. Dans aucun pays comparable à la France, on ne constate une telle disparité entre les étudiants dits d’élite et les étudiants « ordinaires ». À Harvard, Oxford ou Tübingen, universités sélectives s’il en est, le soutien public ou accordé par des fondations est réservé aux brillants sujets issus de milieux défavorisés. Or, le recrutement actuel des ENS révèle que, dans leur grande majorité, les élèves reçus sont issus de familles appartenant aux classes supérieures ou moyennes-supérieures, de l’aristocratie du pouvoir ou du savoir. Ils ont certes mérité, par leur intelligence et leur travail, qu’on leur offre les meilleurs professeurs, les meilleurs laboratoires, des voyages d’étude au bout du monde. Mais pourquoi leur conférer le statut de fonctionnaires avant qu’ils soient en mesure de contribuer au service de la collectivité ? L’argument selon lequel le traitement versé pendant leur scolarité est la contrepartie d’un engagement à servir l’Etat pendant dix ans (en fait sept, car le temps passé à l’École est compté) se révèle fallacieux : très rares sont aujourd’hui les normaliens frais émoulus qui vont, comme jadis, enseigner dans le secondaire au fond des provinces de France et encore moins dans les zones dites « sensibles ». Ils font, pour la plupart, une thèse dont le temps d’élaboration est décompté de leur engagement. Enfin, on ne voit pas bien qui, en dehors de l’Etat, est en mesure aujourd’hui d’assurer l’avenir professionnel de philosophes, d’historiens, de spécialistes pointus des langues anciennes ou des mathématiques fondamentales…

Alors, chers néo-maos de la rue d’Ulm, encore un effort pour être révolutionnaires ! Vous avez jusqu’au 4 août prochain pour brûler vos bulletins de salaire dans la Cour aux Ernests[2. Cour centrale de l’ENS de la rue d’Ulm. Les « Ernests » sont , dans le jargon normalien, les poissons rouges du bassin de cette cour introduits par l’ancien directeur Ernest Bersot] ![/access]

DSK : mépris de (première) classe

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L’affaire DSK n’a pas fini de rebondir. Après l’échec de leur première stratégie de défense, basée sur l’heure du méfait présumé, les avocats du directeur général du FMI se pencheraient désormais sur le profil de la plaignante. On susurre qu’Ophelia, 33 ans, femme de chambre au Sofitel de Times Square et mère d’une fille de quinze ans, gagnerait « matériellement » à diffamer l’ex-futur hôte de l’Elysée. Les fuites rapportées par la presse française évoquent en outre une employée modèle dont le physique disgracieux laisserait insensible jusqu’au plus priapique des obsédés.

En s’emparant de ces arguments, les défenseurs de DSK mettent en cause la véracité de son témoignage et donc du crime sexuel : la présomption d’innocence de l’un sert ici de prétexte à un prolo-bashing de l’autre, digne des meilleures universités d’été du MEDEF. Dans leur très grande maladresse, la plupart des strauss-kahniens hésitent donc entre le délit de sale gueule et le haine de classe. Si leur projet politique ne servait pas l’intérêt des élites mondiales, on mettrait cela sur le compte de l’émotion (légitime).

Voila sans doute le vrai fond scandaleux de « l’affaire DSK ». Que l’accusatrice soit une victime ou une affabulatrice ne changera rien au péché capital des sociaux-démocrates : leur mépris du peuple.

Il n’y a pas d’affaire France Trésor

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assigant, an III de la République

Nicolas Dupont-Aignan a récemment dénoncé sur Causeur le « scandale France Trésor » qu’il a, précise-t-il, « découvert sur internet ». Comme j’ai moi-même découvert un certain nombre de scandales sur internet – l’homme n’a jamais mis le pied sur la lune, le monde est en réalité dirigé par une secte extraterrestre et, pire encore, Elvis Presley n’est pas mort – je me fais un devoir de vérifier les assertions de ceux qui les dénoncent, en particulier, quand le « scandale » en question fleure la théorie du complot à plein nez.

L’Agence France Trésor (AFT), donc, est une agence gouvernementale française dont le métier consiste à gérer la dette et la trésorerie de l’Etat[1. Ce que monsieur Dupont-Aignan appelle improprement « la dette de la France » ; tombant ainsi dans le vieux travers socialiste qui consiste à confondre la Société et l’Etat] – à laquelle monsieur Dupont-Aignan reproche d’être conseillée – pas dirigée – par un comité stratégique « composé de banquiers internationaux qui sont aussi les bénéficiaires des placements qu’ils conseillent ». Traduction : l’AFT, dont le métier consiste à emprunter de l’argent sur les marchés financiers pour le compte de l’Etat, est (plus ou moins) dirigée par des banquiers privés (apatrides et avides de profits comme il se doit) qui ont tout intérêt à nous faire payer le plus possible d’intérêts puisque ce sont leurs banques qui achètent la dette de l’Etat. D’où l’« énorme conflit d’intérêt », d’où le scandale.

Le comité stratégique existe bel est bien et il n’a effectivement qu’un rôle de conseil – l’AFT étant, bien évidemment, dirigée par des représentant de l’Etat à commencer par monsieur Philippe Mills, son directeur général et monsieur Anthony Requin, son adjoint. Par ailleurs, le comité stratégique est composé de dix membres [2. Donc vous trouverez la liste ici] parmi lesquels seuls deux correspondent vaguement à ce que monsieur Dupont-Aignan appelle des « banquiers internationaux » – messieurs de Larosière (ancien gouverneur de la Banque de France et conseiller du président BNP Paribas) et Hau (membre du directoire de la Compagnie Financière Edmond de Rothschild) – à moins que l’on ne considère BlackRock (qui est une société de gestion), la Banque nationale suisse (qui est la banque centrale de nos voisins helvètes) et la BEI (qui est un organisme public de l’Union Européenne) comme des « banques internationales » ; ce qui amènerait – en tirant bien par les cheveux – la proportion de « banquiers internationaux » à cinquante pour cent de l’effectif. Passons.

Pour illustrer le scandale de ce « racket de la richesse nationale », monsieur Dupont-Aignan affirme que « la Banque centrale européenne prête aux banques au taux de 1%, et celles-ci prêtent à la France à 3% ». Il faudrait un volume d’introduction à l’économie pour expliquer à quel point cette affirmation est ridicule mais restons simples : 1%, c’est le taux que payent les banques commerciales à la BCE pour des emprunts sur une journée (c’est un taux « au jour-le-jour ») et 3%, c’est le taux que paye l’Etat pour des emprunts à dix ans. Avec un minimum de culture économique, monsieur Dupont-Aignan aurait certainement cherché à comparer des choses plus comparables : par exemple, pas plus tard que le 9 mai 2011, alors que le « taux refi » de la BCE (c’est-à-dire le taux auquel les banques commerciales empruntent de l’argent à la BCE) était à 1,25%, l’AFT a emprunté 4 milliards d’euros sur 3 mois à un taux de… 1,02% ; soit 0,23% de moins [3. Si, comme Nicolas Dupont-Aignan, vous avez internet chez vous : vous pouvez vérifier ici].

Ajoutons que la dette de l’Etat français est majoritairement détenue par des compagnies d’assurance, des fonds d’investissement ou des organismes de retraite c’est-à-dire – in fine – par d’honnêtes gens qui ont placé les économies d’une vie de travail dans des contrats d’assurance-vie, des OPCVMs ou des plans de retraite complémentaire. Les banques ne détiennent vraisemblablement pas beaucoup plus d’un dixième de notre dette publique et – mieux encore – ne le font que parce que la réglementation bancaire les y incite fortement ! C’est une simple question de bon sens : quel intérêt pourrait bien avoir une banque à prêter de l’argent à un Etat qui, par définition, paie des taux moins élevés qu’elle, si on ne l’y a pas incité par voie réglementaire ?

Enfin, juste pour le principe, cette accusation portée contre les instigateurs de cette fameuse loi de 1973 – aussi connue chez ses détracteurs sous le nom de « loi Rothschild » – relève non seulement de l’analphabétisme économique mais surtout du procès d’intention, voire de la théorie complotiste. Puis-je suggérer à monsieur Dupont-Aignan de mieux sélectionner ses sources à l’avenir et, par la même occasion, de se fendre d’une lettre d’excuses adressée à l’équipe de l’AFT ?

Cette loi de 1973, votée sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, est l’un des derniers garde-fous dont nous disposons pour empêcher des politiciens incompétents de financer leurs lubies en dévaluant massivement la valeur de nos économies et le niveau de nos salaires réels. Depuis quand les politiciens sont-ils plus compétents que les gens dont c’est le métier – et par ailleurs l’intérêt bien compris – pour savoir combien et où investir ? Qui peut être assez naïf pour croire qu’il suffit de faire « tourner la planche à billets » pour créer de véritables richesses ? À combien d’expériences désastreuses – comme celle de la république de Weimar en 1923 ou les imbécilités de Robert Mugabe plus récemment – faudra-t-il que nous assistions pour comprendre que la création de richesse, l’innovation et – finalement – le bien-être des gens ne se planifie pas ? L’alternative de Nicolas Dupont-Aignan ressemble à celles que nous proposent Marine le Pen ou Jean-Luc Mélenchon : le suicide collectif.

DSK, politique prisonnier

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photo : World Bank Photo Collection

Nous étions partis pour écrire un billet léger, avec une attaque humoristique, appelant le lecteur à fredonner une chanson impérissable, composée par une nonne belge, connue sous son nom d’artiste : Sœur sourire. Le succès de la jolie ritournelle, qui parle d’un certain Dominique, fut planétaire, mais le sort de son infortunée auteur-compositeur-interprète, désespérant ! Toujours est-il que, jeune scout de France, le mollet ferme, le col ouvert, nous aussi, nous allâmes par les chemins, déchiffrant les signes de piste, et chantant à tue-tête, avec la patrouille : « Dominique, nique, nique… ». Le brave aumônier, qui accompagnait nos pérégrinations (ce n’était pas l’abbé Cottard), n’y voyait pas malice, et reprenait au refrain, de sa belle voix de baryton Martin : « nique, nique ». Le soir, sous la tente, nous échangions des histoires sales…

Bref, nous souhaitions rire, malgré tout, de la très vilaine affaire, qui vient de salir la réputation, jusque-là flatteuse, du mâle français, passé brutalement du niveau d’un Don Juan aimable, à celui d’un prédateur de la domesticité hôtelière. Mais le cœur n’y est plus ! L’image de Dominique S-K, sortant d’un commissariat de Harlem, le visage exsangue, menotté dans le dos, a refroidi notre causticité naturelle.

Cependant, comme demeurait en nous, inassouvi, le désir de nuire à nos contemporains, nous avons pensé, avec un lâche soulagement, aux très nombreux affligés et affligeants personnages, qui se succèdent depuis dimanche matin, sur les plateaux des chaînes de télévision. Voyez Martine Aubry, par exemple : elle devrait absolument postuler à un rôle de figuration, dans la prochaine adaptation cinématographique de « L’attaque des robots », tant elle nous paraît incarner la formule, fameuse, du regretté Henri Bergson, à propos du processus comique : du mécanique plaqué sur du vivant. Comme figée dans la représentation idéale de l’accablement humain, Mme Aubry, plus « mère » de Lille que jamais, semblait contempler le spectacle d’une désolation intérieure, à côté de laquelle le dernier tsunami japonais est une vaguelette de baignoire ! Dans sa grave déclaration, elle appela « à la décence nécessaire », pria les socialistes de « rester unis et responsables », puis rassura les Français : « Nous sommes là, les socialistes, pour [vous] entendre, pour [vous] comprendre, pour apporter des réponses à [vos] problèmes. ». Faut-il commenter cet effrayant maternalisme ?

La palme de l’accusation radicale, de l’exécution en place publique, revient à Bernard Debré. Sur son blog, le député parisien dénonce DSK avec une brutalité de type vichinskien[1. Andréï Vichinsky (1902-1954) fut le plus redouté des procureurs, sous le règne de Staline] : « […] c’est un homme peu recommandable […] ». Puis, s’adressant au réprouvé de Harlem (sans désir) : « Vous allez peut-être être condamné à une peine de prison. Bravo ! ».

Certes, les journalistes « spécialisés » n’ont pas déçu nos espérances ! Tous annoncèrent la probable absence, dans la course à l’Élysée, du candidat de la « fabrique ». Poursuivant leur chimère d’une République entièrement sous contrôle, ils formèrent le chœur de la déploration : ils se lamentèrent sur la probable absence du favori des sondages, du héros de la classe médiatique. Ils persistèrent dans l’idée que l’homme de Washington devait passer triomphalement les médiocres obstacles du suffrage universel. Sourds et aveugles, ils encensèrent une pure abstraction, une créature numérisée, imaginée par une officine de communicants, servie par des apparatchiks, affamés de postes et de prébendes.

Nous retiendrons, évidemment, les prestations des excellences du Parti socialiste. Sans aucun doute « briefées » tôt dans la matinée, elles présentaient toutes le masque de stupeur de ben Laden, au moment où les navy seals s’invitèrent dans sa chambre à coucher. Elles allaient répétant que ce qu’elles savaient du comportement privé de leur champion, le plaçait naturellement au-dessus de tout soupçon. Le présumé « Harlem globe niqueur » était donc la victime, sinon la dupe, d’une manière de complot, fomenté par l’Internationale des droites !

Mais le meilleur de tous, selon nous, fut l’ineffable Bruno Roger-Petit. Dimanche soir, il démontra, devant un journaliste du Figaro, à i-Télé, une mansuétude, à laquelle ses billets vengeurs et très bêtes du Post.fr ne nous avaient pas accoutumés ! Il en appela à la prudence, à l’examen minutieux des faits, aux possibles rebondissements. Il s’offusqua de l’hallali, il railla l’opprobre, il s’indigna de l’anathème. Fort bien ! Nous invitons simplement Roger-Petit à s’appliquer à lui-même ces excellents préceptes. Que ne les a-t-il suivis, lorsqu’il lançait, chaque jour, des accusations venimeuses contre Éric Woerth, alors qu’il ignorait tout du degré de culpabilité de ce dernier dans les affaires où il était mis en cause. S’est-il découvert une vocation de moraliste ? Il convient de démontrer, dans cette discipline de l’esprit, un talent qu’il ne possède point. En revanche, il a toutes les qualités d’un moralisateur. Bas de gamme.

Divorce en vue à Londres?

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photo : Manic Street Preacher

Il y a tout juste un an, David Cameron et Nick Clegg tenaient leur première conférence de presse commune. Tapes sur l’épaule, confidences susurrées à l’oreille, Cameron et son vice-premier ministre libéral-démocrate rivalisaient de minauderies, trop heureux d’avoir fait son affaire à ce ronchon de Gordon Brown. Good bye le Labour, pourtant traditionnel allié des Libéraux-démocrates. Intronisés couple de l’année, Nick et David semblaient indispensables l’un à l’autre. Issus des mêmes écoles et du même milieu, les deux jeunes loups éclaboussaient les spectateurs de leur beauté so british.

À l’époque, Cameron avait manqué de peu la majorité alors que Clegg voulait faire passer à toute force la réforme du système électoral censée lui ouvrir les portes du pouvoir. Leur marché se voulait avant tout pragmatique : « grâce à moi tu deviens Prime Minister ; en retour tu m’offres sur un plateau le référendum qui renverra aux oubliettes de l’histoire le plus vieux système électoral du monde, le First Past The Post (FPTP) ». Dix candidats, celui qui arrive en tête rafle tout, quel que soit son score. Pas très démocratique, mais diablement efficace. Résultat de ce scrutin ultra-majoritaire : depuis Mathusalem ou presque, deux partis se partagent le pouvoir au Royaume-Uni.

Clegg le trouble-fête

Un an et un mariage princier plus tard, le jardin de roses du Ten Downing street résonne encore des embrassades du tandem gouvernemental. L’exécutif au beau fixe ? Ce serait sans compter avec l’arrivée tonitruante de Nick Clegg, ce roi médiatique à la couronne d’épines.
Pendant la dernière campagne législative, le temps de trois débats télévisés, le sémillant lib-dem avait réussi à brouiller les cartes à coups de sourires cajoleurs, de petites phrases piquées à Barack Obama et de discours simples ponctué de « them ». Eux, les rancis, les produits périmés de la vie politique britannique tranchaient avec « me », mes dents blanches, mon idéalisme de bon aloi et le vent de fraîche folie que je faisais souffler sur l’élection.

Les Brits en avaient fait l’arbitre des élégances. Très habilement, avec un zeste de cynisme bonhomme qui laissait présager un sacré métier derrière l’apparence lisse de gendre idéal, Clegg avait tranquillement fait monter les enchères. En échange du soutien des députés libéraux, le nouveau premier ministre conservateur avait concédé un poste de Deputy Prime Minister[1. Equivalent britannique de vice-premier ministre] à Clegg, des ministères-clés pour ses amis et surtout l’assurance d’un référendum sur le système électoral.

L’annus horribilis de Clegg

Depuis, les roses se sont fanées. Consternés par ses reniements permanents, son aplomb à la limite de l’impudence et ses erreurs de jugement monumentales, les Anglais ont à 70% rejeté le référendum dont Clegg avait fait la clé de son avenir. Autrement dit, il vient de perdre son pari, et d’humiliante façon. Le « vote alternatif » introduisant une forte dose de proportionnelle ne passera pas. Plus qu’un homme, la vox populi britannique a rejeté un texte. À l’instar du Traité Constitutionnel Européen, le projet proposé était lourd, obscur et compliqué à mettre un œuvre. À tel point qu’un esprit chagrin ou mal tourné n’hésiterait pas à accuser David Cameron d’avoir intentionnellement fait rédiger par ses services ce condensé indigeste. Honni soit qui mal y pense, bien sûr. En tout cas, le changement attendra.

Que croyez-vous que fit l’inénarrable Clegg après cette claque monumentale ? Il démissionna ? Vous n’y êtes pas du tout. Whitehall vaut bien une messe. Nick a décidé de se « radicaliser » en s’opposant par tous les moyens à la réforme du système de santé porté par Cameron. Partout Clegg s’effondre, rendant illusoire la pérennisation d’une coalition de centre-droit modéré qui n’a jamais existé ailleurs que dans les rêves du Guardian. Cameron et Clegg n’avaient d’ailleurs pas un seul point d’accord idéologique. Tout les séparait et tout les sépare encore : l’avenir des établissements financiers et la scission entre banques d’affaires et de dépôt, l’environnement (les Lib-dems sont des écolos convaincus), la charte des droits fondamentaux, la réforme cruciale du système de santé où Cameron voudrait introduire une forte dose de choix et de concurrence entre les médecins, le nucléaire, l’immigration, la guerre en Libye…. N’en jetez plus.

Cameron : la force tranquille

On peut apprécier ou non le programme des Conservateurs, mais force est de constater que le chef des tories tient le cap au 10 Downing Street. Tranquillement, il avance ses pions avec une assez redoutable maîtrise. Le Premier ministre n’a pas besoin d’une crise politique en ce moment. Ni d’élections anticipées. Assurés d’être battus ou sérieusement mis en danger, les parlementaires lib-dem n’ont d’autre choix que de le suivre. Bravo Maestro. À cynique, cynique et demi.

David Cameron dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Elu pour assainir les finances et tailler dans les dépenses publiques, il assainit et taille. Bon an mal an, les Anglais suivent, serrant les dents et leur ceinture en silence. Un coup à hue, un coup à dia, Clegg qui avait promis de ne pas toucher aux droits d’inscription à l’université accepte leur triplement au motif « qu’il ne connaissait pas la réalité ». Tout en prononçant une diatribe enflammée contre le nucléaire après Fukushima, alors que Cameron vient de commander de nouvelles centrales à Areva pour assurer l’indépendance énergétique du Royaume-Uni… Finalement, en politique, l’amateurisme et le cynisme peuvent aussi se payer cash.

Et pendant ce temps…

Et le Labour, le grand parti d’opposition ? Favorable à la réforme électorale… mais hostile à Clegg, il peine à trouver place et arguments. Dans son fief écossais, à l’occasion des élections municipales organisées en même temps que le référendum, le Scottish national party d’Alex Salmond a raflé la mise, faisant craindre une sécession dans la foulée des flons-flons nationalistes du mariage royal. Un comble. Certes, le Royaume en a vu d’autres, mais l’opposition travailliste peine à retrouver son assise populaire.

Quand il l’estimera opportun, David Cameron appellera les électeurs aux urnes et se débarrassera facilement de son embarrassant allié. Si… les Brits ont encore un ou deux crans à leur ceinture.

Mirbeau, Buñuel et DSK

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Il ne faut jamais laisser l’actualité nous empêcher de relire ou revoir un bon classique. On se reportera donc avec bonheur au Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau (1900), un des grands écorchés de notre littérature de la fin du XIXème siècle, et trop peu lu à notre goût.

Gourmont disait de lui qu’il se réveillait en colère et se couchait furieux, un peu sans doute comme quelqu’un, ces jours-ci, qui aimerait la vie politique comme école de civisme et de dignité. Le roman montrait la propension de la grande bourgeoisie et d’une certaine aristocratie décavée à baiser systématiquement la bonne comme moyen ultime de marquer sa domination de classe, que ce soit pour faire sauter la capsule de l’ainé des garçons ou assurer une manustupration rapide au grand père qui fétichisait sur les bottines cirées.

On pourra compléter cette lecture par le visionnage de son adaptation cinématographique par Luis Buñuel en 1964 avec Jeanne Moreau dans le rôle de la bonne du Sofitel, euh pardon de la femme de chambre d’une gentilhommière normande.

Le Journal d'une femme de chambre

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