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Le RSA Jeune, une mesure contre l’emploi

Dans la torpeur de l’été, Matignon a annoncé un nouveau dispositif redistributif et ciblé : le RSA « jeune » ou, pour reprendre la terminologie officielle, la «garantie jeune ».

En clair, 100 000 jeunes « précaires » (entendre par précaire : moins de 25 ans et sans emploi depuis deux ans) recevront l’équivalent d’un RSA, sous réserve de la « signature d’un contrat d’engagements réciproques avec une mission locale et un accompagnement pour s’insérer dans la vie professionnelle ». Défense de rire !

Cette mesure « généreuse » met spectaculairement en lumière virage idéologique à 180 degrés opéré par la gauche modernisée.

À l’origine, le socialisme glorifiait le travail et le travailleur, méprisant les oisifs et les rentiers. Confrontée à son impossibilité d’agir sur le niveau du chômage, la gauche a choisi de l’aménager en fonction de ses intérêts immédiats: puisque toutes les solutions ont échoué, alors finançons l’oisiveté !

Les petits boulots ne sont certes pas une panacée ou un idéal de vie. Mal payés, mal considérés, souvent pénibles, ils trouveront encore moins de candidats. Pourquoi aller se faire suer dans la cambuse du McDo quand le RSA jeune est là ?

Pourtant, depuis des générations, y compris durant les Trente glorieuses, les plus jeunes ont fait leur entrée dans la vie en étant les plus exploités. Oui, pour s’intégrer au monde salarié, il faut apprendre à travailler en équipe, à respecter des horaires, à faire des compromis avec une hiérarchie. Avec en point de mire, pour les plus volontaires ou les plus visionnaires, la perspective de dépasser sa propre condition pour gravir des échelons.

Eh bien non, se schéma sans doute ringard n’intéresse pas le gouvernement. Après tout, un jeune subventionné votera plus correctement qu’un jeune entrepreneur ou un jeune travailleur, ces derniers acceptant moins facilement d’être sans cesse ponctionnés d’impôts toujours plus massifs. De quoi faire monter l’exaspération de ceux qui ont le sentiment de se lever tôt pour financer ceux qui se lèvent tard.

 

 

Drôle de démocratie à la Ligue de football

football thiriez qatar

En 1999, des joueurs de football serbes du championnat de France, afin de protester contre les bombardements de l’OTAN dans leur pays, portaient sous leur maillot un tee-shirt siglé « NO BOMB ». Lorsqu’il leur arrivait de marquer un but, ils se précipitaient alors vers une caméra pour montrer ce slogan et exprimer ainsi leur opposition à l’opération otanienne, à laquelle la France participait. Les autorités du football, en accord avec l’Etat, n’ont pas toléré longtemps ce genre de manifestation politique. La menace s’est précisée : ceux qui se prêteraient à de telles pratiques seraient immédiatement sanctionnés d’un avertissement.

Depuis, la jurisprudence « NO BOMB » reste en vigueur dans les championnats professionnels de football. Des joueurs, elle s’est ensuite étendue aux tribunes. Après quelques déploiements de banderoles de mauvais goût, comme celles des supporteurs parisiens accueillant un club du Nord (« Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les Ch’tis »), les clubs ont très vite été encouragés à faire la police dans les travées, allant même au-delà des mesures prévues par le règlement de la Ligue (article 520[1. Toute expression orale, visuelle pouvant provoquer haine ou violence à l’égard de toute personne ou groupe de personnes est prohibée. L’introduction et la détention dans l’enceinte du stade de tous les objets qui pourraient y concourir sont placées sous la responsabilité du club visité.]). Dans un article du Huffington post, le directeur de communication du club de Troyes explique : « Les choses n’ont guère évolué. Il y a peut-être plus de dialogue entre clubs de supporteurs et dirigeants de clubs, mais on voit toujours des banderoles limites dans les stades. Quitte à exercer une forme de censure, les clubs préfèrent désormais contrôler les banderoles avant de les laisser passer en tribunes. C’est mieux que d’avoir à sanctionner quand il est trop tard. »

Le 6 août dernier, le président de la Ligue professionnelle de football Frédéric Thiriez est allé encore plus loin. Dans une lettre adressée aux présidents de clubs, que notre confrère So Foot s’est procurée, il s’est plaint du fait que « des banderoles de revendication émanant du collectif SOS Ligue 2 ont été déployées et ce, dans la plupart des stades. Des slogans hostiles à beIN Sport ont été également relevés dans de nombreuses enceintes. » En conclusion, il menace : «  J’attends donc désormais des clubs de Ligue 2 qu’ils en fassent de même et veillent scrupuleusement à ce qu’aucune banderole hostile aux horaires de programmation ne soit déployée dans leur stade.
Faute de quoi, la Commission de discipline appréciera les suites qu’il conviendra de réserver aux infractions constatées. »
 Précisons qu’un conflit oppose depuis l’an dernier les supporteurs des clubs évoluant en Ligue 2 à propos de la tenue le vendredi soir à 18h45 des matches de leurs équipes, à une heure où la plupart d’entre eux travaillent.

Grâce à la mobilisation de leurs supporteurs, souvent soutenus par des édiles, ils avaient obtenu un petit geste de la part de la Ligue en janvier, l’horaire du match étant repoussé à 20h, mais maintenu  le vendredi. En réparation, la Ligue professionnelle de football avait dû indemniser le diffuseur BeIn Sport, propriété de l’émir du Qatar, titulaire des droits de retransmission. Que la ligue préfère donner priorité à la rémunération des droits télé et continue de mépriser le supporteur qui se rend au stade, nous l’avions déjà déploré en compagnie du camarade Leroy. Mais que Frédéric Thiriez méconnaisse à ce point le droit, lui qui est pourtant avocat au conseil d’Etat, et piétine le règlement de l’instance qu’il préside, cela devient beaucoup plus préoccupant. Car comme indiqué dans l’article 520 susnommé, seules les expressions incitant à la haine ou à la violence sont prohibées dans les stades. Le droit de critiquer les décisions du président de la LFP n’est pas davantage mentionné que les attaques contre une chaîne de télévision.

Un tel règlement, d’ailleurs, serait très vite censuré par le juge administratif. Il n’est pas indifférent, d’ailleurs, que ce soit ce magistrat et non le juge judiciaire qui ait à connaître des conflits concernant les fédérations et ligues sportives. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt de 1991 sur la descente en deuxième division du club des Girondins de Bordeaux, avait expressément expliqué que ces dernières exerçaient par délégation une mission de service public.

Il serait bon que Maître Thiriez s’en souvienne, plutôt que de se muer en ministre chargé de la police des travées et des banderoles, auprès de l’émir du Qatar.

 

 

Mourir à Marseille

marseille insecurité valls

En France, l’été est meurtrier, particulièrement à Marseille. Trois jeunes hommes sont morts de mort violente en quelques semaines. Le 9 août, un étudiant est égorgé, probablement pour un téléphone portable. Le 18 août, c’est un petit voyou qui meurt de ses blessures après une « rixe », comme on dit dans les journaux, l’opposant à d’autres petits voyous à la sortie d’une boîte de nuit. Agresseurs qui avaient d’ailleurs continué d’agresser en allant se faire soigner à l’hôpital où ils ont blessé, toujours à l’arme blanche, un infirmier des urgences. Pour finir, le lendemain, 19 août, c’est un jeune homme de 25 ans qui est abattu de plusieurs balles de 9mm dans le quartier de l’Estaque pourtant plus connu pour sa douceur de vivre ouvrière façon Marius et Jeannette que comme annexe du Chicago. Lui aussi n’était pas un « inconnu des services de police », comme on dit encore dans les journaux, puisqu’il s’agissait d’un règlement de comptes.

L’émotion est vive, bien entendu. On envoie des excellences et quelques moyens. On débattra de la nécessité du tout-répressif, du tout-préventif ou d’un mélange intelligent des deux. La droite – qui sait par infusion de la Grâce ce qu’est la sécurité, même quand elle supprimait des postes de policiers à la pelle au nom de la RGPP – attaquera la gauche pour angélisme quand bien même Valls et sa rhétorique sarkozyste font plus penser à Jules Moch qu’à Saint François d’Assise[1. Je me souviens d’un temps pas si lointain où la droite fustigeait « l’angélisme » de Jospin. Aujourd’hui, Valls critique reprend les mêmes mots pour critiquer l’inefficacité du maire UMP de Marseille. Ce dernier se dit « stupéfait » de ces procès en laxisme, dont la droite est d’habitude si friande. Bref, le scénario est écrit d’avance…].

Mais j’ai l’impression que d’autres choses, plus profondément enfouies dans ces faits divers, interrogent de manière différente qui veut s’en donner la peine.

La jeunesse des victimes, la concentration dans la même ville, et sans doute plus diffuse mais prégnante, l’impression d’absurdité de voir la mort honorer de tels  rendez-vous alors que c’est l’été radieux, que la grande bleue est là et que tout devrait inciter, au contraire, à une sorte d’utopie balnéaire. On pourra relire à ce propos les pages d’Albert Camus sur L’été à Alger dans Noces : « à Alger, pour qui est jeune et vivant, tout est refuge et prétextes à triomphes : la baie, le soleil, les jeux en rouge et blanc des terrasses vers la mer, les fleurs et les stades, les filles aux jambes fraîches. » Ce n’était pas il y a mille ans, c’est en 1950, dans une ville où la Casbah de Pépé le Moko valait bien les Quartiers Nord de Marseille.

Et puis, en plus, on se tue et on tue pour des motifs dérisoires. On dirait que la hiérarchie des sanctions mises en place par la société qui d’ailleurs refuse désormais d’appliquer la peine de mort n’a plus cours chez les délinquants et les criminels qui forment une contre-société, un double en négatif de la nôtre. Il y eut un temps où elle avait aussi, cette contre-société, des règles et des lois à elle, des gradations dans les sanctions. Il ne s’agit pas de mythifier un quelconque âge d’or de la truanderie, spécialité bien française, qui aurait eu son code de l’honneur et autre billevesées. Un maquereau, un dealer ou un braqueur même idéalisés sous les traits de Bernard Blier, Lino Ventura ou Jean Gabin dans un film de Jacques Becker restaient des maquereaux, des dealers et des braqueurs. Mais, tout de même, ils ne défouraillaient pas pour un rien.

Il faut croire que le crime qui sera toujours présent dans la plus idéale des sociétés ressemble en fait à cette société. Une société en bonne santé a un crime en bonne santé. Entendons-nous bien, un crime en bonne santé reste criminel mais ne sombre pas dans la sauvagerie dérégulée. Et une société en mauvaise santé, sans repère, dévastée par des plaies économiques de plus en plus suppurantes aura un crime en mauvaise santé qui lui renverra un reflet d’elle-même particulièrement désagréable.

Motifs dérisoires à ces crimes, disions-nous. Oui, mais il y a encore des motifs. Ce n’est déjà plus le cas aux USA qu’il ne faut jamais regarder comme un voisin dans l’espace mais comme notre futur de plus en plus immédiat. Dans la ville de Duncan, en Oklahoma (là on n’est plus chez Albert Simonin, mais chez Jim Thompson, le Céline américain), deux adolescents de 15 et 16 ans, dans une voiture conduite par un troisième de 17 ans ont tué un jogger australien de 22 ans en vacances chez sa petite amie en lui tirant dans le dos.

La déclaration du chef de la police de Duncan, après cette mort, nous promet de beaux jours qui feront paraître Marseille presque aimable : « Ils s’ennuyaient et voulaient simplement tuer quelqu’un. »

*Photo : Banlieue 13.

Merci Marion, mais ne reviens pas !

Marion Bartoli s’en est allée, elle a quitté le monde du tennis professionnel. C’est fini. Elle arrête sur un titre à Wimbledon, lieu sacré du tennis. Quoi de mieux pour tirer sa révérence ? Nothing. Aujourd’hui, Bartoli est encensée dans tous les médias, mêmes généralistes, qui ne s’intéressent à la petite balle jaune que quelques jours par an, à l’occasion de Roland-Garros, ou de victoires françaises à l’étranger. Oui, ce fut elle la star des petits écrans, l’espace de quelques jours, zappant la morosité ambiante de l’information au creux de l’été. Mais Marion, ce n’est pas que Wimbledon et ses Louboutins sur ses photos Twitter, non, c’est du travail depuis son plus jeune âge, de la sueur, des larmes (beaucoup), des railleries (trop) et un amour pour sa famille et les gens qui l’entourent.

Oui, tout ne fut pas aussi rose tout au long de ces années, Marion a été raillée, moquée, presque enterrée quand les résultats ne suivaient pas. Non, elle n’a pas le physique d’une Sharapova ou assimilée. Marion, c’est une silhouette loin des standards et un charisme quasi nul, mais c’est une fille, une vraie. À 28 ans, on la découvre. Enfin ! Fini la pression du résultat, son grand Chelem, elle l’a ! Ouf ! Merci les dieux du tennis, elle le méritait tellement. Adieu donc les raccourcis faciles sur son surpoids ou le chemin de croix pour trouver un sponsor pendant des années – Lotto, qui l’a rejoint depuis quelques mois, se frotte d’ailleurs les mains – alors qu’elle achetait ses tenues elles-mêmes, un comble pour une joueuse dans le Top 10 mondial. Adieu aussi les entraînements sans fin, adieu le circuit WTA qui ne laisse que trop peu de répit entre les saisons… Bonjour la nouvelle vie, sa nouvelle vie, qui va la rendre heureuse auprès de ses proches et de ceux que sa carrière lui a fait trop souvent quitter.

Mais un conseil Marion, surtout, ne reviens pas, ta décision, tu l’as prise avec ton coeur et ton corps qui t’ont dit stop. Pas de come-back, tu aurais trop à y perdre, d’autres avant toi s’y sont brulé les ailes. Alors bravo, et bon vent !

L’UMP obsédée par sa déringardisation

ump cope fillon

« Dans la suite des événements de 68 on voyait s’opérer une rencontre contre nature entre une droite qui, ne jurant que par la modernité internationale, s’apprêtait à bâtir le Centre Pompidou et une nouvelle gauche prompte à dénoncer le vieux discours patriotique.» Cette passion de la droite française pour la modernité américano-mondialiste, ici dépeinte par Jean Clair[1. La responsabilité de l’artiste. Les avant-gardes entre terreur et raison, 1997, Gallimard.], ne s’est guère amenuisée avec le temps. En effet, malgré un vote quasi-unanime contre le mariage homosexuel au Parlement, malgré un programme présidentiel prévoyant de réduire de moitié les flux d’immigration, l’UMP n’a de cesse de vouloir apparaître « moderne ». Partant, les références au conservatisme sont bannies du discours des hommes politiques de droite, tandis que celles à la modernité ou au Progrès abondent.

NKM, bien sûr, considère que « sa » droite n’est pas conservatrice, et laisse « le conservatisme à la gauche, qui en a à revendre ». Elle est loin d’être seule à tenir ce type de langage à l’UMP. Le gaulliste Alain Juppé, par exemple, accuse Eric Zemmour d’être « un peu conservateur » (ce à quoi l’intéressé, insensible à la pique, lui rétorque qu’il est même carrément réactionnaire). Xavier Bertrand juge que «  toute l’histoire des peuples, toute l’histoire du monde va vers le progrès », et préfère la « civilisation du progrès » à celle de la « régression ». Plus fort : François Fillon s’est mis en tête de faire du Progrès l’instrument du renouveau de la France – lequel Progrès ne s’oppose pas seulement à l’archaïsme technologique, mais également au « repli sur soi » et au « nationalisme », ce qui lui confère une dimension politique. Jean-François Copé et Laurent Wauquiez ont chacun, fin 2011, cherché à auréoler de modernité leur point de vue sur le protectionnisme européen. L’actuel président de l’UMP, dont les prises de position sont jugées si réacs par ses adversaires, trouve dérisoire « le regret du passé » et abhorre la « fausse modernité » – pour mieux réhabiliter la vraie.

Pire, le mot « conservatisme » n’est employé dans le discours UMP que dans sa définition simpliste, péjorative, synonyme de frilosité ou de sclérose. Le conservatisme en tant que référence idéologique n’est jamais mobilisé, par peur certainement de confusion avec cette définition vulgaire du terme. Mais par crainte, aussi, de prêter le flanc aux critiques morales des médias et de la gauche, du type : « conservateur = réactionnaire = vichyste/maurassien/fasciste = méchant ». De sorte que, lorsqu’il est accusé de conservatisme, de goût pour le passé, de sympathie pour l’immuable, l’homme de droite se sent obligé de se justifier, puis s’efforce de renvoyer le stigmate à son adversaire, plutôt que d’assumer ses couleurs et d’en démontrer la valeur.

Pour des hommes politiques de droite en quête désespérée d’une image djeune et cool, toute référence porteuse de relents passéistes, d’exhalaisons surannées, s’avère détestable. Les ministres de l’ère Sarkozy, dans l’espoir de paraître dans le vent, n’ont-ils pas été jusqu’à faire les zouaves pour le lipdub des jeunes UMP ? Ces derniers n’ont-ils pas récidivé en cédant à la mode du Harlem shake qui polluait les pages d’accueil facebook l’hiver dernier ? Nadine Morano n’a-t-elle pas adoubé, en 2009, des jeunes militants qui s’étaient présentés à elle avec des T-shirts frappés du minable slogan « I think, I work, I dance » ? Raffarin, en son temps, ne parlait-il pas avec gourmandise de la « positive attitude » de Lorie ? L’UMP toutefois est loin de régner en maître sur ce continent honteux.

Cette stratégie de communication, visant à revêtir toutes les idées de droite de modernité, à embaumer tous les projets conservateurs de senteurs progressistes, à donner, enfin, à l’appareil politique un air « stylé » – avec toute la hideur à laquelle ce terme renvoie dans la bouche des jeunes fans de Steve Jobs et du Petit Journal – semble périlleuse. La droite ne pourra que difficilement user des concepts de modernité et de Progrès avec autant de crédibilité et de légitimité que le PS[1. Citons « le changement c’est maintenant » de 2012, le « H for Hope » des goodies François Hollande, le « What would Jaurès do ? » ou encore le « laisse pas crier ton fils » d’une Martine Aubry s’improvisant amatrice de rap…]   – ni surpasser ce dernier dans l’art de la niaiserie jeuniste.

*Photo: Lipdub de l’UMP

Égypte : le problème copte est central

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coptes egypte morsi

Depuis le 14 août, date de l’évacuation forcée de plusieurs places publiques des partisans de Mohamed Morsi, le président déposé, l’Égypte sombre dans le chaos. On déplore des centaines de morts. Par ailleurs, les chrétiens sont particulièrement ciblés par les islamistes en colère. Des dizaines d’églises, surtout coptes, mais aussi grecques, évangéliques ou encore catholiques ont été incendiées, apparemment par des pro-Morsi. Une situation qui démultiplie les risques encourus par les chrétiens déjà attaqués par le passé.

Le 30 juin dernier, entre 14 et 17 millions d’Égyptiens avaient manifesté pour obtenir le départ de Morsi, élu un an auparavant par un peu plus de 13, 2 millions de voix, soit 51,73% des électeurs. Un chiffre qui pourrait correspondre à l’opposition populaire d’alors, augmentée des déçus des Frères musulmans. Et l’armée avait appuyé la révolte en destituant le Président le 3 juillet. Depuis, la tension est à son comble dans le pays, plus encore que lors des jours précédant la chute du régime de Hosni Moubarak, et les chrétiens sont ciblés.

Le mercredi 14 août, déjà surnommé « Mercredi noir », ordre a été donné à l’armée de disperser les pro-Morsi qui occupaient diverses places cairotes depuis six semaines. L’opération qui devait se dérouler avec le minimum de force a débouché sur un bain de sang. Pour la seule journée du 14, il y a eu 525 morts, dont 43 policiers, à travers le pays, selon le ministère de la Santé. Plus de 200 personnes auraient perdu la vie sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda, dans la capitale. Les Frères musulmans ont annoncé, eux, 2 200 morts et 10 000 blessés pour la même journée. En représailles, les musulmans radicaux ont accentué leurs attaques à l’endroit des chrétiens.

Le jour des affrontements avec les forces de l’ordre, les partisans du président déchu ont incendié des églises. Si l’on en a d’abord répertorié trois dans le centre du pays, très vite le mouvement a pris de l’ampleur, avec finalement plus de soixante attaques le même jour , pour la plupart incendiaires, contre des bâtiments cultuels de toutes dénominations chrétiennes, des écoles confessionnelles, des habitations privées, des commerces ainsi que la Holy Bible Society à Fayoum.

Sur son site Internet, le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, a condamné les attaques contre les Coptes, leurs églises et propriétés individuelles ou commerciales. La confrérie affirme que « Bien que des dirigeants coptes aient pu soutenir le coup d’État du 3 juillet, voire y participer, pour une raison ou une autre, de telles attaques ne sont pas justifiables. » Le PLJ assure que sa révolution est non violente et qu’il continuera à occuper les rues sans user de la force. D’après lui, « les actes de vandalisme ont pour finalité d’endommager [sa] réputation, diaboliser sa révolution pacifique et trouver des justifications » à la destitution de Morsi. Des propos qui rappellent les discours officiels bienveillants des Frères musulmans envers les Coptes avant l’élection de Morsi.

Si une grande partie du peuple a manifesté pour le départ des Frères musulmans, c’est aussi parce que ces derniers n’ont accepté la démocratie que pour accéder au pouvoir. Une fois installés, les libertés publiques ont été bafouées, les islamistes se sont sentis encouragés à menacer ouvertement leurs opposants, appeler publiquement à tuer des chrétiens en fixant même une mosquée comme lieu de rendez-vous pour s’y préparer. L’un des points culminants de la « chasse aux sorcières » a été la crucifixion de journalistes par des Frères musulmans, rapportée par plusieurs médias arabes, aux abords du palais présidentiel. Les gardes de la présidence ne sont pas intervenus, à la demande de Morsi, selon l’Union des avocats d’Égypte.

Chercheur au Collège de France, spécialiste du monde arabe, Tewfik Aclimandos, qui rappelle ces pratiques extrémistes, estime que « Dans n’importe quel pays démocratique, face à une telle situation, on aurait légitimement décrété l’état d’urgence. » D’après lui, les Frères musulmans ne seraient plus en mesure d’obtenir 25% des voix, comme au premier tour de la présidentielle de juillet 2012 : il estime leur perte électorale potentielle au tiers sinon à la moitié de ces derniers résultats. Dans ce contexte, le rôle de l’armée semble rassurer. Elle a d’ailleurs pris soin d’assurer qu’elle reconstruirait les églises détruites.

Le nouveau pouvoir est en quête de reconnaissance internationale, alors que des critiques fusaient dès la chute de Morsi. Fin juillet encore, le chef de la diplomatie Européenne, Catherine Ashton, avait appelé à associer les Frères musulmans au processus politique. La Maison Blanche avait condamné le coup d’État tout en se gardant d’utiliser ce terme, une loi de 1961 réduisant les possibilités des Etats-Unis d’aider un gouvernement succédant à un autre par un coup d’État. Dernièrement, Barack Obama a décidé d’annuler des manœuvres militaires qui devaient avoir lieu avec l’armée égyptienne en septembre prochain. Si Washington semblait trouver un intérêt à assurer la présence des Frères musulmans au pouvoir, à en croire un document publié par les médias égyptiens, contesté ni par le Bureau ovale ni par la confrérie, l’aide américaine pourrait être redéfinie. Pour garder des chances de recevoir la manne américaine, ainsi qu’une approbation internationale, le pouvoir actuel ne peut se permettre de laisser massacrer les Coptes, il lui faut montrer ostensiblement qu’il désapprouve leur persécution, et que les Frères musulmans ne sont pas compatibles avec la démocratie libérale. Dans cette perspective, reconstruire des églises importe.

Pourtant, en février 2011, l’armée avait, elle aussi, attaqué des monastères, tirant à balles réelles sur ses occupants. Cinq chars, autres véhicules blindés et bulldozers avaient été employés pour détruire la barrière de protection du monastère Saint-Bishoy de Wadi el-Natroun. Et le 9 octobre 2011, une violente charge de l’armée sur les Coptes qui réclamaient notamment la fin des persécutions à leur endroit après l’incendie d’une église dans le Gouvernorat d’Assouan, avait fait 24 morts et plus 329 blessés parmi les chrétiens. Une dizaine de Coptes avaient été écrasés par des soldats fonçant dans la foule. Un changement d’attitude aujourd’hui qui vise probablement à se concilier les Coptes et présenter un visage diplomatique convenable.

Il faut toutefois noter que le ministère de la Défense justifie ces reconstructions d’églises « en signe de reconnaissance des mérites historiques et patriotiques des frères coptes », ce qui n’inclut pas les autres confessions frappées. Mais le parquet militaire semble disposé à protéger les chrétiens en poursuivant les 84 personnes arrêtées pour meurtres de chrétiens et attaques contre les églises.

Si ce soutien aux Coptes recèle une part de calcul, il ressemble à celui des Frères musulmans à ces mêmes Coptes entre la chute de Moubarak et l’élection de Morsi. La confrérie avait très manifestement apporté son soutien aux Coptes persécutés par les salafistes, islamistes mais ennemis jurés des Frères musulmans An-Nour, le Parti de la Lumière, qui regroupe les salafistes, exigeait clairement la fin de toute présence chrétienne en Égypte, et soutenait des attaques à leur encontre, tandis que le PLJ tolère officiellement les chrétiens du pays. L’un de ses vice-présidents, Rafik Habib, est même un Copte de confession protestante. Mais le discours officieux rejoint presque la radicalité de celui des salafistes, d’après l’Observatoire du Moyen-Orient qui rapporte que Morsi a déclaré aux islamistes durant la campagne : « Les chrétiens devront se convertir, payer la jizya (un impôt sur les non-musulmans) ou émigrer. » De fait, les discours et les actes publics à destination des Coptes sont aussi des attitudes politiquement intéressées sur le plan international. Qu’ils viennent des Frères musulmans en campagne ou de l’armée.

En mars 2011, les Coptes avaient insisté avec succès pour que l’armée reconstruise une église détruite par des musulmans. Les militaires avaient alors également annoncé l’ouverture d’une enquête concernant l’incendie. Si le sort des chrétiens est davantage rassurant sous un pouvoir non islamiste, il reste que ces croyants ne sont pas considérés avant tout pour eux-mêmes mais comme une démonstration de la capacité des différentes parties à afficher leur acceptation du jeu démocratique quand la reconnaissance internationale n’est pas encore acquise. Les islamistes s’en prenant aux chrétiens, d’autant qu’ils sont convaincus de la responsabilité des Coptes dans la chute de Morsi – puisque ces derniers dénonçaient les atteintes croissantes à leur sécurité -, l’armée ne peut que prendre leur contre-pied, craignons-le, sans autre conviction que celle de la stratégie politique. La seule quasi-certitude, c’est que le joug imposé par cette dernière aux chrétiens a toujours été moins pesant que celui des Frères musulmans.

*Photo : Talk Radio News Service.

Erdogan : un complot judéo-sioniste sinon rien !

Curieux hasard ? Le jour même où le roi Abdallah de Jordanie met en garde contre les divisions ethniques et religieuses qui risquent de « détruire le monde musulman », le premier ministre turc  Recep Tayip Erdogan prend pour cible l’ennemi commun à toutes les factions, courants et mouvements de la région : le complot sioniste !

Rarement pris en défaut sur ce terrain, Erdogan vient de récidiver. Non content d’imputer la responsabilité des émeutes populaires printanières à la microscopique communauté juive locale, le fondateur du parti islamiste AKP, au pouvoir depuis 2002 à Istanbul, où son éclat commence à pâlir, nous livre aujourd’hui son interprétation du coup d’Etat militaire égyptien.  Avec un gros scoop à la clé : Israël serait à la manœuvre,  le scénario l’éviction du président frère musulman Mohamed Morsi ayant été échafaudé dès 2011 entre le ministre de la justice de l’Etat hébreu et… « un intellectuel juif français » (sic). À ceux que cette théorie conspirationniste en diable défrise, Erdogan explique avoir des preuves. Du lourd, du solide, puisque ledit intellectuel, dont le nom, contrairement à la confession, n’a pas encore été divulgué, aurait déclaré : « Les Frères Musulmans ne seront pas au pouvoir même s’ils gagnent les élections. Car la démocratie ne se résume pas aux urnes. »  Parions que ce n’est qu’un début, quelques prélèvements ADN, le podcast d’une émission de radio ou la photographie d’un serrage de mains devraient logiquement alourdir le passif du suspect mis en cause par l’inspecteur Erdogan.

Depuis le fameux printemps arabe, dont les bourgeons semblent aujourd’hui cramoisis, la bonne vieille méthode consistant à jeter le discrédit sur son adversaire politique en l’accusant d’être à la solde d’Israël prospère comme jamais. A Benghazi, Alep, et au Caire, adversaires comme farouches opposants aux régimes en place incriminent le camp d’en face : pions du Mossad, suppôts de Tsahal, plus si affinités…

Beaucoup pourraient croire ces inepties insignifiantes. Mais loin de se cantonner au théâtre burlesque, ce genre d’allégations rencontre un vif écho, notamment parmi les classes moyennes pieuses qui forment la base électorale d’Erdogan. Son complotisme aux relents antisémites pourrait bien devenir le dernier dénominateur commun de sociétés arabo-musulmanes profondément déchirées par les luttes de puissance et les tensions interconfessionnelles. William Hague, chef de la diplomatie britannique, annonce des décennies de discorde au Moyen-Orient. On n’a donc pas fini de rire jaune.

Manif pour tous : Après le temps de la rue, le temps des urnes !

guillaume peltier mariage pour tous umpPropos recueillis par Jacques de Guillebon et Élisabeth Lévy

Causeur. Avons-nous assisté, avec les Manifs pour tous, à la naissance d’une nouvelle droite ?
Guillaume Peltier[1. Ancien militant du Front national de la jeunesse (1998), puis du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers (2001-2007), Guillaume Peltier est aujourd’hui vice-président de l’UMP et l’un des fondateurs de « La Droite forte », motion arrivée en tête avec 28 % des suffrages lors du vote de novembre 2012.].En tout cas, au réveil d’une nouvelle génération, raison pour laquelle j’ai parlé de « Mai-68 de droite ». Il y a une droite des valeurs qui se substitue à la droite des intérêts, et c’est elle qui se mobilise, comme elle l’a fait en juin 1968 et en 1984.

Vous savez bien, pourtant, que les « valeurs de 68 » ont pénétré l’ensemble de la société – jusqu’à Causeur, c’est dire…
Les « valeurs de 68 » ne sont pas le sujet en tant que tel. Cette nouvelle génération se mobilise pour réhabiliter le patriotisme, le mérite, l’effort, l’entreprise, la famille – notions jusque-là tenues pour ringardes. Les responsables de la MPT que j’ai rencontrés n’ont pas l’intention de se laisser dicter ce qu’ils pensent par le pouvoir. Ils croient à la conception naturelle de la famille, c’est-à-dire au droit pour chaque enfant d’avoir un père et une mère. N’oubliez pas que, depuis quarante ans, cette génération paye la négation de ces évidences.

Évidences, c’est vous qui le dites ! Le « droit de l’enfant » à avoir des parents, c’est assez rhétorique – et passablement « soixante-huitard ». 
Disons qu’on a droit à l’idée d’un père et d’une mère. Et c’est cette idée qu’on a voulu abîmer de façon quasi totalitaire.

« Totalitaire », comme vous y allez ! Cette inflation verbale ne contribue pas à la compréhension.
Alors, disons « autoritaire ». En ignorant un authentique mouvement populaire, le pouvoir actuel nie la démocratie. C’est son mépris pour les manifestants, et plus encore pour les organisateurs, qui a entraîné la radicalisation, ultra-minoritaire au demeurant. Mais l’UMP n’a pas cherché à récupérer le mouvement mais l’a accompagné.

Amusant : ce sont exactement les mots de Marion Maréchal-Le Pen…
Peut-être, mais on n’a pas vu Marine Le Pen, alors que Jean-François Copé a été aux côtés des manifestants tout le temps. Nous devons faire comprendre à cette jeunesse qu’après le temps de la rue vient celui des urnes : la protestation d’un hiver et d’un printemps ne peut se concrétiser que dans un engagement civique et politique. Si nous ne voulons pas nous contenter de nous réveiller à la veille du vote de lois qui nous déplaisent, il faut que ce printemps 2013 ait, comme en 1968, un prolongement électoral. Aujourd’hui, le pouvoir n’a plus le pouvoir. Il s’agit justement de le rendre au peuple car c’est à lui de fixer le cap. C’est pourquoi nous devrons organiser des référendums sur tous les grands sujets qui, bien au-delà de la famille, ont été des moteurs du mouvement : l’Europe, l’École, la valeur-travail,…

Totalitaire ou impuissant, il faudrait choisir. Passons. La radicalisation a été, dites-vous, ultra-minoritaire. Si vous pensez à la violence, c’est indéniable ; il y a eu, à la fin du mouvement, une sorte de raidissement conservateur. C’est ainsi que Frigide Barjot, qui avait réussi à fédérer des gens représentant un très large spectre  d’opinions et d’options existentielles, a été mise sur la touche.
Je répète que l’État doit garantir le bien-être des enfants, mais chacun doit pouvoir vivre comme il l’entend. [access capability= »lire_inedits »] Nous devons donc nous méfier de l’instinct de revanche et nous montrer très vigilants à l’égard de toute manifestation d’homophobie. C’est par le débat d’idées qu’on désamorcera toute forme de violence.

Le mouvement a t-il basculé vers le populisme ou vers l’extrême droite ?
Pour moi le terme « populiste » n’a rien à voir avec l’extrémisme politique, ni avec la stigmatisation de telle ou telle partie de la population : il se réfère au « peuple de France ». Cela signifie qu’il faut se tenir sur une ligne de crête entre une gauche culturellement coupée du peuple, qui nous dit « il n’y a pas de problème », et le Front national, qui pointe les problèmes mais leur apporte des réponses caricaturales. Par exemple, nous devons affirmer en même temps que nous n’avons rien contre l’islam, mais que chacun doit respecter nos valeurs et nos coutumes, autre évidence niée par les élites. Sur ce socle commun, nous ne lâcherons rien car, pour reprendre un slogan de ce printemps, « nous sommes la France ».

Encore faut-il, justement, être clair sur ce « nous ». Cette France représentée par les Manifs pour tous est-elle chrétienne ?
Culturellement, oui, comme en  témoignent nos 36 000 clochers. Je préfère le Puy du Fou à Disneyland.

Mais le catholicisme doit-il être l’une des « identités » qui composent la diversité française ?
La communautarisation est effectivement le principal danger. Ce mouvement porteur d’espoir est un message d’alerte lancé à la droite française. Mais il ne faut pas que ceux qui se sont mobilisés se replient dans leurs écoles, leurs paroisses, leurs familles. Nous ne sommes pas une partie de la France, nous sommes la France. Nous devons, donc, la porter dans son intégralité, avec ses racines chrétiennes et avec sa laïcité, qui garantit la saine distinction entre le politique et le religieux.

Reste à faire vivre ensemble, avec ou sans tiret, deux France, mais aussi au moins deux droites. Culturellement, vous êtes assez éloigné de NKM…
Permettez-moi d’abord de rectifier ce qu’on a dit partout : je n’ai jamais appelé à battre NKM, j’ai exprimé une préférence, ce qui, me semble-t-il, est l’objet d’une primaire. Maintenant qu’elle est désignée, je la soutiendrai sans arrière-pensées. Pour autant, je suis convaincu que les valeurs que je porte sont aujourd’hui majoritaires et que nombre de nos difficultés s’expliquent par le divorce entre une élite microcosmique et le peuple de France.

La boboïsation va bien au-delà des élites : encore une fois, l’individualisme libéral a gagné l’ensemble de la société, donc de la droite.
Je crois au contraire que cette droite, qui vit dans les grands centres urbains, attend de nous un autre discours que celui de la gauche bobo. Par exemple, elle veut qu’on réhabilite le Paris des artisans, des familles, des entrepreneurs et de la voiture. Nous ne gagnerons pas avec « les rappeurs et les webdesigners », comme dit quelqu’un de chez vous [2. Cette heureuse formule sort du sémillant cerveau du non moins sémillant Marc Cohen.]. De moins en moins de Français croient que la mondialisation et le tout-permissif issus de 1968 conduisent au bonheur. La France, dans ses profondeurs, bascule. Chacun ressent l’angoisse identitaire, économique et sociale qui monte dans notre pays.

Donc, vous ne craignez pas d’être entraîné vers des positions réactionnaires au sens strict comme celles du Printemps français ?
La France aigrie ne me parle pas. Ce qui m’intéresse, c’est la France d’après, à condition qu’elle sache puiser dans une histoire bimillénaire. C’est cela qui rend libre. Or, aujourd’hui, sur cinquante livres d’histoire en circulation dans les écoles, cinq ou six, peut-être, parlent de Clovis et de Jeanne d’Arc. Pour autant, je ne crois pas à une société figée. L’avenir, ce sont « des racines et des ailes ».

Certains maires proclament leur refus d’appliquer la loi Taubira. Approuvez-vous la désobéissance civile ?
Depuis le débat entre Antigone et Créon, au Ve siècle avant Jésus-Christ, nous savons que la conscience a des droits contre les lois quand elles sont iniques. Pour autant, le principe de la désobéissance dérange le républicain que je suis. Nous avons toujours dit qu’après le vote de la loi, la manifestation du 26 mai devait être la dernière. Aux manifestants de continuer à se mobiliser pour que nous puissions la réécrire une fois au pouvoir. Je répète que, dès l’été 2017, nous devrons organiser un référendum sur cette question.

Éclairez notre lanterne : vous abrogez ou vous réécrivez ?
Nous proposerons une union civile qui offre aux couples homosexuels tous les droits et protections afférents au mariage, à l’exception de la filiation et de l’adoption qui doivent rester réservés aux couples formés d’un homme et d’une femme. Que je sache, la gauche ne se gêne pas pour détricoter toutes les lois que nous avons votées. Jusque-là, nous n’osions pas faire la même chose. Cette fois-ci, nous ne serons pas frileux. Mais pour que la droite ose être forte, ceux qui ont milité dans la Manif pour tous doivent se battre à nos côtés.

Laissez venir à moi les petits électeurs… Seulement, si les manifestants n’étaient pas de gauche, dans leur immense majorité, êtes-vous sûrs qu’ils sont de droite ? 
De fait, beaucoup détestent les idées de la gauche mais ne croient pas encore à l’existence d’une force de droite qui les représente. À nous de les convaincre que nous pouvons redevenir une droite d’idées et de valeurs. Plusieurs responsables de la MPT nous ont déjà rejoints. Les portes de l’UMP leur sont grand ouvertes ! Il appartient à chacun de construire la droite de demain, de préparer l’alternance et de changer la vie. C’est le défi intime et civique posé à chacun de nos compatriotes. Nul ne peut s’alarmer de la situation de notre pays s’il ne s’engage pas dans la Cité.[/access]

Égypte : Un coup d’État mais avec l’assentiment d’une majorité du peuple

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prazan egypte morsi

Daoud Boughezala : Michaël Prazan, vous avez réalisé La Confrérie, un documentaire sur les Frères musulmans égyptiens, après une longue immersion sur le terrain. Êtes-vous surpris par l’affrontement armé entre les militaires et les membres de la confrérie islamiste auquel nous assistons ?

Michaël Prazan : Oui et non. Oui, parce que le général Abdel-Fatah al-Sissi était censé être l’homme des Frères musulmans. En arrivant au pouvoir, Mohamed Morsi et la Confrérie ont voulu reproduire ce qu’a fait l’AKP en Turquie, où l’armée y occupait un rôle assez comparable à celui qu’elle occupe en Egypte – une stratégie inspirée, d’ailleurs par celle des Frères de l’époque de Nasser -, il s’agissait de remplacer les hommes de l’ancien régime par des militaires membres de la confrérie, et pouvoir ainsi se faire de l’armée un allié indéfectible. Al-Sissi a été nommé par Morsi dans ce but, et il aurait dû être le symbole de la mainmise de la confrérie sur l’armée. Force est de constater que cette stratégie a échoué ! Al-Sissi est un militaire avant tout, c’est-à-dire un nationaliste (l’antithèse de l’idéologie frériste) ; ce qu’ont toujours représenté les militaires et l’armée en Égypte depuis Nasser. C’est pourquoi, d’un autre côté, je ne suis pas surpris que ce ressort nationaliste, disons patriotique, que symbolise l’armée pour les Égyptiens, ait pu entrer en connexion avec la révolte du 30 juin. C’est ce que réclamait une très grande partie de la population qui, bien que très religieuse, n’en demeure pas moins très patriote. Les Égyptiens n’avaient que faire des projets de reconstruction du califat ou du port de la barbe dans la police. Ce qu’ils voulaient, c’est un pays qui fonctionne correctement, qui sorte de la faillite et de la pénurie, et qui regagne son statut de puissance régionale. Cela, les Frères ne l’ont pas compris, et cela, c’est ce que représente l’armée pour les Égyptiens. C’est ainsi, également, qu’elle se perçoit elle-même.

Les témoignages de vos amis égyptiens confirment-ils votre analyse ? 

Tous les témoignages de mes amis et de mes contacts sur place décrivent un affrontement armé, violent, de part et d’autre, plutôt qu’un massacre aveugle, tel qu’on veut nous le faire croire. Les Frères et l’armée se connaissent très bien et depuis très longtemps. Chacun sait exactement à quoi s’en tenir et à quoi il s’expose dans ce face à face.

Certes, chacun campe sur ses positions. Toujours est-il que Morsi a été démocratiquement élu, de même que le Parlement à très large majorité islamiste, que la magistrature égyptienne a suspendu. Partant,  peut-on raisonnablement qualifier la destitution du 30 juillet de « coup d’Etat démocratique » ?

La démocratie ne se décrète ni par un vote populaire, ni sous la pression révolutionnaire. C’est avant tout une affaire de mentalité. Et cette mentalité n’est certainement pas celle des Frères musulmans. Ils n’ont tenu aucune de leurs promesses de campagne. Ils ont décapité toutes les institutions, les médias, les administrations pour y placer leurs hommes, Morsi s’est arrogé les pleins pouvoirs, le parlement s’est transformé en cirque. Ce n’était plus la démocratie, si tant est qu’elle ait jamais existé. La démocratie, c’est faire confiance à la société civile pour qu’elle s’organise afin de défendre par elle-même ses intérêts, c’est accepter une opposition forte et contradictoire, la critique des médias, l’autonomie de la justice, le dialogue, le compromis, etc. Rien de tout cela n’est compatible avec le logiciel frériste, et rien de tout cela n’a eu lieu sous leur pouvoir. Alors, y a-t-il eu coup d’Etat ? Sans doute, mais avec l’assentiment d’une très grande majorité des Égyptiens, ce qui est tout de même inédit. Et l’armée, si elle avait certainement des arrières pensées, n’a pas été que cynique. Souvenez-vous : le QG de la Confrérie a été incendié, ainsi que la maison du Guide suprême et que celle du vice-Guide suprême, le 1er juillet. Il y a eu des morts. Le risque de guerre civile, c’était à ce moment-là, quand le peuple était face au peuple – pas quand l’armée affronte la confrérie ; et l’armée s’est sincèrement sentie investie, à l’appel des manifestants, du devoir d’intervenir, de siffler la fin de la partie.

Pendant que l’armée égyptienne affronte des Frères musulmans armés, au prix de plusieurs centaines de morts, des églises sont incendiées. Doit-on y voir une forme de vengeance après le soutien indéfectible qu’a apporté le patriarche copte à la troupe égyptienne ?

Quelle vengeance ? La discrimination des Coptes ne date pas du mois de juillet ! Les églises n’ont pas attendues que les médias se penchent sur elles pour être incendiées. Elles le sont très régulièrement depuis un an. Dès que quelque chose cloche en Égypte, les Frères déclenchent des pogroms et détruisent des églises. 400 000 Coptes ont fui le pays sous le règne de la confrérie ! Ils ont remplacé les juifs qui ont quitté le pays en 1956 dans le rôle de bouc émissaire des islamistes. C’est parce que leur vie était devenue intenable qu’ils ont soutenu le « coup d’Etat ». Mais ils étaient aussi très présents dans les manifestations qui ont fait chuter Moubarak. Ce ne sont pas des alliés des militaires par principe, loin de là. Mais ils aimeraient pouvoir être en sécurité et être tenus pour ce qu’ils sont : des Égyptiens.

Tariq Ramadan prétend que la responsabilité des islamistes dans les attaques antichrétiennes n’a jamais été prouvée et met en cause l’armée, qui attiserait ainsi les tensions pour faire accuser les Frères… Cette hypothèse est-elle complètement farfelue ?

Évidemment, et ces déclarations sont scandaleuses. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les sites internet de la confrérie pour lire ce qui se dit des Coptes et sur leurs appels au meurtre. Les Coptes, eux, qui sont sur place, savent très bien d’où viennent ces attaques, croyez-moi !

 

*Photo : Al Jazeera.

Lacan, Dieu et moi

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Nous sommes en 2010, et je participe à un séminaire sur Lacan et la religion en compagnie des frères franciscains et de quelques versaillaises habillées d’une jupe droite et d’un col claudine. Lacan et la religion ? Rapport subtil, puisque Lacan est un ennemi de toutes les prêcheries comme de cette équipée samaritaine plus connue sous le nom d’humanisme. Mais c’est aussi un grand lecteur de la théologie. Et pour cause, puisque le théologien essaie d’articuler quelque chose d’impossible à dire. Il va sans dire que le moindre quidam ne fait pas autre chose, surtout lorsqu’il veut témoigner de son désir pour quelqu’un, ou, plus dur encore, pour quelqu’une.

Bref, nous passons tous un moment sympathique à papoter sur l’Impossible lorsque le colloque dérive, subitement, vers la question que je déteste. « Croyez-vous en Dieu ? » me demande, d’ailleurs assez froidement, une dame au premier rang. « Je crois que Dieu me récompensera après ma mort pour avoir eu la force de rester un athée toute ma vie, ai-je répondu. J’ai la faiblesse de penser que cette croyance en vaut une autre ». Mais elle n’a pas du tout apprécié cette réponse, et j’ai dû m’excuser sur le champ.

 

Le RSA Jeune, une mesure contre l’emploi

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Dans la torpeur de l’été, Matignon a annoncé un nouveau dispositif redistributif et ciblé : le RSA « jeune » ou, pour reprendre la terminologie officielle, la «garantie jeune ».

En clair, 100 000 jeunes « précaires » (entendre par précaire : moins de 25 ans et sans emploi depuis deux ans) recevront l’équivalent d’un RSA, sous réserve de la « signature d’un contrat d’engagements réciproques avec une mission locale et un accompagnement pour s’insérer dans la vie professionnelle ». Défense de rire !

Cette mesure « généreuse » met spectaculairement en lumière virage idéologique à 180 degrés opéré par la gauche modernisée.

À l’origine, le socialisme glorifiait le travail et le travailleur, méprisant les oisifs et les rentiers. Confrontée à son impossibilité d’agir sur le niveau du chômage, la gauche a choisi de l’aménager en fonction de ses intérêts immédiats: puisque toutes les solutions ont échoué, alors finançons l’oisiveté !

Les petits boulots ne sont certes pas une panacée ou un idéal de vie. Mal payés, mal considérés, souvent pénibles, ils trouveront encore moins de candidats. Pourquoi aller se faire suer dans la cambuse du McDo quand le RSA jeune est là ?

Pourtant, depuis des générations, y compris durant les Trente glorieuses, les plus jeunes ont fait leur entrée dans la vie en étant les plus exploités. Oui, pour s’intégrer au monde salarié, il faut apprendre à travailler en équipe, à respecter des horaires, à faire des compromis avec une hiérarchie. Avec en point de mire, pour les plus volontaires ou les plus visionnaires, la perspective de dépasser sa propre condition pour gravir des échelons.

Eh bien non, se schéma sans doute ringard n’intéresse pas le gouvernement. Après tout, un jeune subventionné votera plus correctement qu’un jeune entrepreneur ou un jeune travailleur, ces derniers acceptant moins facilement d’être sans cesse ponctionnés d’impôts toujours plus massifs. De quoi faire monter l’exaspération de ceux qui ont le sentiment de se lever tôt pour financer ceux qui se lèvent tard.

 

 

Drôle de démocratie à la Ligue de football

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football thiriez qatar

football thiriez qatar

En 1999, des joueurs de football serbes du championnat de France, afin de protester contre les bombardements de l’OTAN dans leur pays, portaient sous leur maillot un tee-shirt siglé « NO BOMB ». Lorsqu’il leur arrivait de marquer un but, ils se précipitaient alors vers une caméra pour montrer ce slogan et exprimer ainsi leur opposition à l’opération otanienne, à laquelle la France participait. Les autorités du football, en accord avec l’Etat, n’ont pas toléré longtemps ce genre de manifestation politique. La menace s’est précisée : ceux qui se prêteraient à de telles pratiques seraient immédiatement sanctionnés d’un avertissement.

Depuis, la jurisprudence « NO BOMB » reste en vigueur dans les championnats professionnels de football. Des joueurs, elle s’est ensuite étendue aux tribunes. Après quelques déploiements de banderoles de mauvais goût, comme celles des supporteurs parisiens accueillant un club du Nord (« Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue chez les Ch’tis »), les clubs ont très vite été encouragés à faire la police dans les travées, allant même au-delà des mesures prévues par le règlement de la Ligue (article 520[1. Toute expression orale, visuelle pouvant provoquer haine ou violence à l’égard de toute personne ou groupe de personnes est prohibée. L’introduction et la détention dans l’enceinte du stade de tous les objets qui pourraient y concourir sont placées sous la responsabilité du club visité.]). Dans un article du Huffington post, le directeur de communication du club de Troyes explique : « Les choses n’ont guère évolué. Il y a peut-être plus de dialogue entre clubs de supporteurs et dirigeants de clubs, mais on voit toujours des banderoles limites dans les stades. Quitte à exercer une forme de censure, les clubs préfèrent désormais contrôler les banderoles avant de les laisser passer en tribunes. C’est mieux que d’avoir à sanctionner quand il est trop tard. »

Le 6 août dernier, le président de la Ligue professionnelle de football Frédéric Thiriez est allé encore plus loin. Dans une lettre adressée aux présidents de clubs, que notre confrère So Foot s’est procurée, il s’est plaint du fait que « des banderoles de revendication émanant du collectif SOS Ligue 2 ont été déployées et ce, dans la plupart des stades. Des slogans hostiles à beIN Sport ont été également relevés dans de nombreuses enceintes. » En conclusion, il menace : «  J’attends donc désormais des clubs de Ligue 2 qu’ils en fassent de même et veillent scrupuleusement à ce qu’aucune banderole hostile aux horaires de programmation ne soit déployée dans leur stade.
Faute de quoi, la Commission de discipline appréciera les suites qu’il conviendra de réserver aux infractions constatées. »
 Précisons qu’un conflit oppose depuis l’an dernier les supporteurs des clubs évoluant en Ligue 2 à propos de la tenue le vendredi soir à 18h45 des matches de leurs équipes, à une heure où la plupart d’entre eux travaillent.

Grâce à la mobilisation de leurs supporteurs, souvent soutenus par des édiles, ils avaient obtenu un petit geste de la part de la Ligue en janvier, l’horaire du match étant repoussé à 20h, mais maintenu  le vendredi. En réparation, la Ligue professionnelle de football avait dû indemniser le diffuseur BeIn Sport, propriété de l’émir du Qatar, titulaire des droits de retransmission. Que la ligue préfère donner priorité à la rémunération des droits télé et continue de mépriser le supporteur qui se rend au stade, nous l’avions déjà déploré en compagnie du camarade Leroy. Mais que Frédéric Thiriez méconnaisse à ce point le droit, lui qui est pourtant avocat au conseil d’Etat, et piétine le règlement de l’instance qu’il préside, cela devient beaucoup plus préoccupant. Car comme indiqué dans l’article 520 susnommé, seules les expressions incitant à la haine ou à la violence sont prohibées dans les stades. Le droit de critiquer les décisions du président de la LFP n’est pas davantage mentionné que les attaques contre une chaîne de télévision.

Un tel règlement, d’ailleurs, serait très vite censuré par le juge administratif. Il n’est pas indifférent, d’ailleurs, que ce soit ce magistrat et non le juge judiciaire qui ait à connaître des conflits concernant les fédérations et ligues sportives. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt de 1991 sur la descente en deuxième division du club des Girondins de Bordeaux, avait expressément expliqué que ces dernières exerçaient par délégation une mission de service public.

Il serait bon que Maître Thiriez s’en souvienne, plutôt que de se muer en ministre chargé de la police des travées et des banderoles, auprès de l’émir du Qatar.

 

 

Mourir à Marseille

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marseille insecurité valls

marseille insecurité valls

En France, l’été est meurtrier, particulièrement à Marseille. Trois jeunes hommes sont morts de mort violente en quelques semaines. Le 9 août, un étudiant est égorgé, probablement pour un téléphone portable. Le 18 août, c’est un petit voyou qui meurt de ses blessures après une « rixe », comme on dit dans les journaux, l’opposant à d’autres petits voyous à la sortie d’une boîte de nuit. Agresseurs qui avaient d’ailleurs continué d’agresser en allant se faire soigner à l’hôpital où ils ont blessé, toujours à l’arme blanche, un infirmier des urgences. Pour finir, le lendemain, 19 août, c’est un jeune homme de 25 ans qui est abattu de plusieurs balles de 9mm dans le quartier de l’Estaque pourtant plus connu pour sa douceur de vivre ouvrière façon Marius et Jeannette que comme annexe du Chicago. Lui aussi n’était pas un « inconnu des services de police », comme on dit encore dans les journaux, puisqu’il s’agissait d’un règlement de comptes.

L’émotion est vive, bien entendu. On envoie des excellences et quelques moyens. On débattra de la nécessité du tout-répressif, du tout-préventif ou d’un mélange intelligent des deux. La droite – qui sait par infusion de la Grâce ce qu’est la sécurité, même quand elle supprimait des postes de policiers à la pelle au nom de la RGPP – attaquera la gauche pour angélisme quand bien même Valls et sa rhétorique sarkozyste font plus penser à Jules Moch qu’à Saint François d’Assise[1. Je me souviens d’un temps pas si lointain où la droite fustigeait « l’angélisme » de Jospin. Aujourd’hui, Valls critique reprend les mêmes mots pour critiquer l’inefficacité du maire UMP de Marseille. Ce dernier se dit « stupéfait » de ces procès en laxisme, dont la droite est d’habitude si friande. Bref, le scénario est écrit d’avance…].

Mais j’ai l’impression que d’autres choses, plus profondément enfouies dans ces faits divers, interrogent de manière différente qui veut s’en donner la peine.

La jeunesse des victimes, la concentration dans la même ville, et sans doute plus diffuse mais prégnante, l’impression d’absurdité de voir la mort honorer de tels  rendez-vous alors que c’est l’été radieux, que la grande bleue est là et que tout devrait inciter, au contraire, à une sorte d’utopie balnéaire. On pourra relire à ce propos les pages d’Albert Camus sur L’été à Alger dans Noces : « à Alger, pour qui est jeune et vivant, tout est refuge et prétextes à triomphes : la baie, le soleil, les jeux en rouge et blanc des terrasses vers la mer, les fleurs et les stades, les filles aux jambes fraîches. » Ce n’était pas il y a mille ans, c’est en 1950, dans une ville où la Casbah de Pépé le Moko valait bien les Quartiers Nord de Marseille.

Et puis, en plus, on se tue et on tue pour des motifs dérisoires. On dirait que la hiérarchie des sanctions mises en place par la société qui d’ailleurs refuse désormais d’appliquer la peine de mort n’a plus cours chez les délinquants et les criminels qui forment une contre-société, un double en négatif de la nôtre. Il y eut un temps où elle avait aussi, cette contre-société, des règles et des lois à elle, des gradations dans les sanctions. Il ne s’agit pas de mythifier un quelconque âge d’or de la truanderie, spécialité bien française, qui aurait eu son code de l’honneur et autre billevesées. Un maquereau, un dealer ou un braqueur même idéalisés sous les traits de Bernard Blier, Lino Ventura ou Jean Gabin dans un film de Jacques Becker restaient des maquereaux, des dealers et des braqueurs. Mais, tout de même, ils ne défouraillaient pas pour un rien.

Il faut croire que le crime qui sera toujours présent dans la plus idéale des sociétés ressemble en fait à cette société. Une société en bonne santé a un crime en bonne santé. Entendons-nous bien, un crime en bonne santé reste criminel mais ne sombre pas dans la sauvagerie dérégulée. Et une société en mauvaise santé, sans repère, dévastée par des plaies économiques de plus en plus suppurantes aura un crime en mauvaise santé qui lui renverra un reflet d’elle-même particulièrement désagréable.

Motifs dérisoires à ces crimes, disions-nous. Oui, mais il y a encore des motifs. Ce n’est déjà plus le cas aux USA qu’il ne faut jamais regarder comme un voisin dans l’espace mais comme notre futur de plus en plus immédiat. Dans la ville de Duncan, en Oklahoma (là on n’est plus chez Albert Simonin, mais chez Jim Thompson, le Céline américain), deux adolescents de 15 et 16 ans, dans une voiture conduite par un troisième de 17 ans ont tué un jogger australien de 22 ans en vacances chez sa petite amie en lui tirant dans le dos.

La déclaration du chef de la police de Duncan, après cette mort, nous promet de beaux jours qui feront paraître Marseille presque aimable : « Ils s’ennuyaient et voulaient simplement tuer quelqu’un. »

*Photo : Banlieue 13.

Merci Marion, mais ne reviens pas !

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Marion Bartoli s’en est allée, elle a quitté le monde du tennis professionnel. C’est fini. Elle arrête sur un titre à Wimbledon, lieu sacré du tennis. Quoi de mieux pour tirer sa révérence ? Nothing. Aujourd’hui, Bartoli est encensée dans tous les médias, mêmes généralistes, qui ne s’intéressent à la petite balle jaune que quelques jours par an, à l’occasion de Roland-Garros, ou de victoires françaises à l’étranger. Oui, ce fut elle la star des petits écrans, l’espace de quelques jours, zappant la morosité ambiante de l’information au creux de l’été. Mais Marion, ce n’est pas que Wimbledon et ses Louboutins sur ses photos Twitter, non, c’est du travail depuis son plus jeune âge, de la sueur, des larmes (beaucoup), des railleries (trop) et un amour pour sa famille et les gens qui l’entourent.

Oui, tout ne fut pas aussi rose tout au long de ces années, Marion a été raillée, moquée, presque enterrée quand les résultats ne suivaient pas. Non, elle n’a pas le physique d’une Sharapova ou assimilée. Marion, c’est une silhouette loin des standards et un charisme quasi nul, mais c’est une fille, une vraie. À 28 ans, on la découvre. Enfin ! Fini la pression du résultat, son grand Chelem, elle l’a ! Ouf ! Merci les dieux du tennis, elle le méritait tellement. Adieu donc les raccourcis faciles sur son surpoids ou le chemin de croix pour trouver un sponsor pendant des années – Lotto, qui l’a rejoint depuis quelques mois, se frotte d’ailleurs les mains – alors qu’elle achetait ses tenues elles-mêmes, un comble pour une joueuse dans le Top 10 mondial. Adieu aussi les entraînements sans fin, adieu le circuit WTA qui ne laisse que trop peu de répit entre les saisons… Bonjour la nouvelle vie, sa nouvelle vie, qui va la rendre heureuse auprès de ses proches et de ceux que sa carrière lui a fait trop souvent quitter.

Mais un conseil Marion, surtout, ne reviens pas, ta décision, tu l’as prise avec ton coeur et ton corps qui t’ont dit stop. Pas de come-back, tu aurais trop à y perdre, d’autres avant toi s’y sont brulé les ailes. Alors bravo, et bon vent !

L’UMP obsédée par sa déringardisation

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ump cope fillon

ump cope fillon

« Dans la suite des événements de 68 on voyait s’opérer une rencontre contre nature entre une droite qui, ne jurant que par la modernité internationale, s’apprêtait à bâtir le Centre Pompidou et une nouvelle gauche prompte à dénoncer le vieux discours patriotique.» Cette passion de la droite française pour la modernité américano-mondialiste, ici dépeinte par Jean Clair[1. La responsabilité de l’artiste. Les avant-gardes entre terreur et raison, 1997, Gallimard.], ne s’est guère amenuisée avec le temps. En effet, malgré un vote quasi-unanime contre le mariage homosexuel au Parlement, malgré un programme présidentiel prévoyant de réduire de moitié les flux d’immigration, l’UMP n’a de cesse de vouloir apparaître « moderne ». Partant, les références au conservatisme sont bannies du discours des hommes politiques de droite, tandis que celles à la modernité ou au Progrès abondent.

NKM, bien sûr, considère que « sa » droite n’est pas conservatrice, et laisse « le conservatisme à la gauche, qui en a à revendre ». Elle est loin d’être seule à tenir ce type de langage à l’UMP. Le gaulliste Alain Juppé, par exemple, accuse Eric Zemmour d’être « un peu conservateur » (ce à quoi l’intéressé, insensible à la pique, lui rétorque qu’il est même carrément réactionnaire). Xavier Bertrand juge que «  toute l’histoire des peuples, toute l’histoire du monde va vers le progrès », et préfère la « civilisation du progrès » à celle de la « régression ». Plus fort : François Fillon s’est mis en tête de faire du Progrès l’instrument du renouveau de la France – lequel Progrès ne s’oppose pas seulement à l’archaïsme technologique, mais également au « repli sur soi » et au « nationalisme », ce qui lui confère une dimension politique. Jean-François Copé et Laurent Wauquiez ont chacun, fin 2011, cherché à auréoler de modernité leur point de vue sur le protectionnisme européen. L’actuel président de l’UMP, dont les prises de position sont jugées si réacs par ses adversaires, trouve dérisoire « le regret du passé » et abhorre la « fausse modernité » – pour mieux réhabiliter la vraie.

Pire, le mot « conservatisme » n’est employé dans le discours UMP que dans sa définition simpliste, péjorative, synonyme de frilosité ou de sclérose. Le conservatisme en tant que référence idéologique n’est jamais mobilisé, par peur certainement de confusion avec cette définition vulgaire du terme. Mais par crainte, aussi, de prêter le flanc aux critiques morales des médias et de la gauche, du type : « conservateur = réactionnaire = vichyste/maurassien/fasciste = méchant ». De sorte que, lorsqu’il est accusé de conservatisme, de goût pour le passé, de sympathie pour l’immuable, l’homme de droite se sent obligé de se justifier, puis s’efforce de renvoyer le stigmate à son adversaire, plutôt que d’assumer ses couleurs et d’en démontrer la valeur.

Pour des hommes politiques de droite en quête désespérée d’une image djeune et cool, toute référence porteuse de relents passéistes, d’exhalaisons surannées, s’avère détestable. Les ministres de l’ère Sarkozy, dans l’espoir de paraître dans le vent, n’ont-ils pas été jusqu’à faire les zouaves pour le lipdub des jeunes UMP ? Ces derniers n’ont-ils pas récidivé en cédant à la mode du Harlem shake qui polluait les pages d’accueil facebook l’hiver dernier ? Nadine Morano n’a-t-elle pas adoubé, en 2009, des jeunes militants qui s’étaient présentés à elle avec des T-shirts frappés du minable slogan « I think, I work, I dance » ? Raffarin, en son temps, ne parlait-il pas avec gourmandise de la « positive attitude » de Lorie ? L’UMP toutefois est loin de régner en maître sur ce continent honteux.

Cette stratégie de communication, visant à revêtir toutes les idées de droite de modernité, à embaumer tous les projets conservateurs de senteurs progressistes, à donner, enfin, à l’appareil politique un air « stylé » – avec toute la hideur à laquelle ce terme renvoie dans la bouche des jeunes fans de Steve Jobs et du Petit Journal – semble périlleuse. La droite ne pourra que difficilement user des concepts de modernité et de Progrès avec autant de crédibilité et de légitimité que le PS[1. Citons « le changement c’est maintenant » de 2012, le « H for Hope » des goodies François Hollande, le « What would Jaurès do ? » ou encore le « laisse pas crier ton fils » d’une Martine Aubry s’improvisant amatrice de rap…]   – ni surpasser ce dernier dans l’art de la niaiserie jeuniste.

*Photo: Lipdub de l’UMP

Égypte : le problème copte est central

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coptes egypte morsi

coptes egypte morsi

Depuis le 14 août, date de l’évacuation forcée de plusieurs places publiques des partisans de Mohamed Morsi, le président déposé, l’Égypte sombre dans le chaos. On déplore des centaines de morts. Par ailleurs, les chrétiens sont particulièrement ciblés par les islamistes en colère. Des dizaines d’églises, surtout coptes, mais aussi grecques, évangéliques ou encore catholiques ont été incendiées, apparemment par des pro-Morsi. Une situation qui démultiplie les risques encourus par les chrétiens déjà attaqués par le passé.

Le 30 juin dernier, entre 14 et 17 millions d’Égyptiens avaient manifesté pour obtenir le départ de Morsi, élu un an auparavant par un peu plus de 13, 2 millions de voix, soit 51,73% des électeurs. Un chiffre qui pourrait correspondre à l’opposition populaire d’alors, augmentée des déçus des Frères musulmans. Et l’armée avait appuyé la révolte en destituant le Président le 3 juillet. Depuis, la tension est à son comble dans le pays, plus encore que lors des jours précédant la chute du régime de Hosni Moubarak, et les chrétiens sont ciblés.

Le mercredi 14 août, déjà surnommé « Mercredi noir », ordre a été donné à l’armée de disperser les pro-Morsi qui occupaient diverses places cairotes depuis six semaines. L’opération qui devait se dérouler avec le minimum de force a débouché sur un bain de sang. Pour la seule journée du 14, il y a eu 525 morts, dont 43 policiers, à travers le pays, selon le ministère de la Santé. Plus de 200 personnes auraient perdu la vie sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda, dans la capitale. Les Frères musulmans ont annoncé, eux, 2 200 morts et 10 000 blessés pour la même journée. En représailles, les musulmans radicaux ont accentué leurs attaques à l’endroit des chrétiens.

Le jour des affrontements avec les forces de l’ordre, les partisans du président déchu ont incendié des églises. Si l’on en a d’abord répertorié trois dans le centre du pays, très vite le mouvement a pris de l’ampleur, avec finalement plus de soixante attaques le même jour , pour la plupart incendiaires, contre des bâtiments cultuels de toutes dénominations chrétiennes, des écoles confessionnelles, des habitations privées, des commerces ainsi que la Holy Bible Society à Fayoum.

Sur son site Internet, le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, a condamné les attaques contre les Coptes, leurs églises et propriétés individuelles ou commerciales. La confrérie affirme que « Bien que des dirigeants coptes aient pu soutenir le coup d’État du 3 juillet, voire y participer, pour une raison ou une autre, de telles attaques ne sont pas justifiables. » Le PLJ assure que sa révolution est non violente et qu’il continuera à occuper les rues sans user de la force. D’après lui, « les actes de vandalisme ont pour finalité d’endommager [sa] réputation, diaboliser sa révolution pacifique et trouver des justifications » à la destitution de Morsi. Des propos qui rappellent les discours officiels bienveillants des Frères musulmans envers les Coptes avant l’élection de Morsi.

Si une grande partie du peuple a manifesté pour le départ des Frères musulmans, c’est aussi parce que ces derniers n’ont accepté la démocratie que pour accéder au pouvoir. Une fois installés, les libertés publiques ont été bafouées, les islamistes se sont sentis encouragés à menacer ouvertement leurs opposants, appeler publiquement à tuer des chrétiens en fixant même une mosquée comme lieu de rendez-vous pour s’y préparer. L’un des points culminants de la « chasse aux sorcières » a été la crucifixion de journalistes par des Frères musulmans, rapportée par plusieurs médias arabes, aux abords du palais présidentiel. Les gardes de la présidence ne sont pas intervenus, à la demande de Morsi, selon l’Union des avocats d’Égypte.

Chercheur au Collège de France, spécialiste du monde arabe, Tewfik Aclimandos, qui rappelle ces pratiques extrémistes, estime que « Dans n’importe quel pays démocratique, face à une telle situation, on aurait légitimement décrété l’état d’urgence. » D’après lui, les Frères musulmans ne seraient plus en mesure d’obtenir 25% des voix, comme au premier tour de la présidentielle de juillet 2012 : il estime leur perte électorale potentielle au tiers sinon à la moitié de ces derniers résultats. Dans ce contexte, le rôle de l’armée semble rassurer. Elle a d’ailleurs pris soin d’assurer qu’elle reconstruirait les églises détruites.

Le nouveau pouvoir est en quête de reconnaissance internationale, alors que des critiques fusaient dès la chute de Morsi. Fin juillet encore, le chef de la diplomatie Européenne, Catherine Ashton, avait appelé à associer les Frères musulmans au processus politique. La Maison Blanche avait condamné le coup d’État tout en se gardant d’utiliser ce terme, une loi de 1961 réduisant les possibilités des Etats-Unis d’aider un gouvernement succédant à un autre par un coup d’État. Dernièrement, Barack Obama a décidé d’annuler des manœuvres militaires qui devaient avoir lieu avec l’armée égyptienne en septembre prochain. Si Washington semblait trouver un intérêt à assurer la présence des Frères musulmans au pouvoir, à en croire un document publié par les médias égyptiens, contesté ni par le Bureau ovale ni par la confrérie, l’aide américaine pourrait être redéfinie. Pour garder des chances de recevoir la manne américaine, ainsi qu’une approbation internationale, le pouvoir actuel ne peut se permettre de laisser massacrer les Coptes, il lui faut montrer ostensiblement qu’il désapprouve leur persécution, et que les Frères musulmans ne sont pas compatibles avec la démocratie libérale. Dans cette perspective, reconstruire des églises importe.

Pourtant, en février 2011, l’armée avait, elle aussi, attaqué des monastères, tirant à balles réelles sur ses occupants. Cinq chars, autres véhicules blindés et bulldozers avaient été employés pour détruire la barrière de protection du monastère Saint-Bishoy de Wadi el-Natroun. Et le 9 octobre 2011, une violente charge de l’armée sur les Coptes qui réclamaient notamment la fin des persécutions à leur endroit après l’incendie d’une église dans le Gouvernorat d’Assouan, avait fait 24 morts et plus 329 blessés parmi les chrétiens. Une dizaine de Coptes avaient été écrasés par des soldats fonçant dans la foule. Un changement d’attitude aujourd’hui qui vise probablement à se concilier les Coptes et présenter un visage diplomatique convenable.

Il faut toutefois noter que le ministère de la Défense justifie ces reconstructions d’églises « en signe de reconnaissance des mérites historiques et patriotiques des frères coptes », ce qui n’inclut pas les autres confessions frappées. Mais le parquet militaire semble disposé à protéger les chrétiens en poursuivant les 84 personnes arrêtées pour meurtres de chrétiens et attaques contre les églises.

Si ce soutien aux Coptes recèle une part de calcul, il ressemble à celui des Frères musulmans à ces mêmes Coptes entre la chute de Moubarak et l’élection de Morsi. La confrérie avait très manifestement apporté son soutien aux Coptes persécutés par les salafistes, islamistes mais ennemis jurés des Frères musulmans An-Nour, le Parti de la Lumière, qui regroupe les salafistes, exigeait clairement la fin de toute présence chrétienne en Égypte, et soutenait des attaques à leur encontre, tandis que le PLJ tolère officiellement les chrétiens du pays. L’un de ses vice-présidents, Rafik Habib, est même un Copte de confession protestante. Mais le discours officieux rejoint presque la radicalité de celui des salafistes, d’après l’Observatoire du Moyen-Orient qui rapporte que Morsi a déclaré aux islamistes durant la campagne : « Les chrétiens devront se convertir, payer la jizya (un impôt sur les non-musulmans) ou émigrer. » De fait, les discours et les actes publics à destination des Coptes sont aussi des attitudes politiquement intéressées sur le plan international. Qu’ils viennent des Frères musulmans en campagne ou de l’armée.

En mars 2011, les Coptes avaient insisté avec succès pour que l’armée reconstruise une église détruite par des musulmans. Les militaires avaient alors également annoncé l’ouverture d’une enquête concernant l’incendie. Si le sort des chrétiens est davantage rassurant sous un pouvoir non islamiste, il reste que ces croyants ne sont pas considérés avant tout pour eux-mêmes mais comme une démonstration de la capacité des différentes parties à afficher leur acceptation du jeu démocratique quand la reconnaissance internationale n’est pas encore acquise. Les islamistes s’en prenant aux chrétiens, d’autant qu’ils sont convaincus de la responsabilité des Coptes dans la chute de Morsi – puisque ces derniers dénonçaient les atteintes croissantes à leur sécurité -, l’armée ne peut que prendre leur contre-pied, craignons-le, sans autre conviction que celle de la stratégie politique. La seule quasi-certitude, c’est que le joug imposé par cette dernière aux chrétiens a toujours été moins pesant que celui des Frères musulmans.

*Photo : Talk Radio News Service.

Erdogan : un complot judéo-sioniste sinon rien !

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Curieux hasard ? Le jour même où le roi Abdallah de Jordanie met en garde contre les divisions ethniques et religieuses qui risquent de « détruire le monde musulman », le premier ministre turc  Recep Tayip Erdogan prend pour cible l’ennemi commun à toutes les factions, courants et mouvements de la région : le complot sioniste !

Rarement pris en défaut sur ce terrain, Erdogan vient de récidiver. Non content d’imputer la responsabilité des émeutes populaires printanières à la microscopique communauté juive locale, le fondateur du parti islamiste AKP, au pouvoir depuis 2002 à Istanbul, où son éclat commence à pâlir, nous livre aujourd’hui son interprétation du coup d’Etat militaire égyptien.  Avec un gros scoop à la clé : Israël serait à la manœuvre,  le scénario l’éviction du président frère musulman Mohamed Morsi ayant été échafaudé dès 2011 entre le ministre de la justice de l’Etat hébreu et… « un intellectuel juif français » (sic). À ceux que cette théorie conspirationniste en diable défrise, Erdogan explique avoir des preuves. Du lourd, du solide, puisque ledit intellectuel, dont le nom, contrairement à la confession, n’a pas encore été divulgué, aurait déclaré : « Les Frères Musulmans ne seront pas au pouvoir même s’ils gagnent les élections. Car la démocratie ne se résume pas aux urnes. »  Parions que ce n’est qu’un début, quelques prélèvements ADN, le podcast d’une émission de radio ou la photographie d’un serrage de mains devraient logiquement alourdir le passif du suspect mis en cause par l’inspecteur Erdogan.

Depuis le fameux printemps arabe, dont les bourgeons semblent aujourd’hui cramoisis, la bonne vieille méthode consistant à jeter le discrédit sur son adversaire politique en l’accusant d’être à la solde d’Israël prospère comme jamais. A Benghazi, Alep, et au Caire, adversaires comme farouches opposants aux régimes en place incriminent le camp d’en face : pions du Mossad, suppôts de Tsahal, plus si affinités…

Beaucoup pourraient croire ces inepties insignifiantes. Mais loin de se cantonner au théâtre burlesque, ce genre d’allégations rencontre un vif écho, notamment parmi les classes moyennes pieuses qui forment la base électorale d’Erdogan. Son complotisme aux relents antisémites pourrait bien devenir le dernier dénominateur commun de sociétés arabo-musulmanes profondément déchirées par les luttes de puissance et les tensions interconfessionnelles. William Hague, chef de la diplomatie britannique, annonce des décennies de discorde au Moyen-Orient. On n’a donc pas fini de rire jaune.

Manif pour tous : Après le temps de la rue, le temps des urnes !

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guillaume peltier mariage pour tous ump

guillaume peltier mariage pour tous umpPropos recueillis par Jacques de Guillebon et Élisabeth Lévy

Causeur. Avons-nous assisté, avec les Manifs pour tous, à la naissance d’une nouvelle droite ?
Guillaume Peltier[1. Ancien militant du Front national de la jeunesse (1998), puis du Mouvement pour la France de Philippe de Villiers (2001-2007), Guillaume Peltier est aujourd’hui vice-président de l’UMP et l’un des fondateurs de « La Droite forte », motion arrivée en tête avec 28 % des suffrages lors du vote de novembre 2012.].En tout cas, au réveil d’une nouvelle génération, raison pour laquelle j’ai parlé de « Mai-68 de droite ». Il y a une droite des valeurs qui se substitue à la droite des intérêts, et c’est elle qui se mobilise, comme elle l’a fait en juin 1968 et en 1984.

Vous savez bien, pourtant, que les « valeurs de 68 » ont pénétré l’ensemble de la société – jusqu’à Causeur, c’est dire…
Les « valeurs de 68 » ne sont pas le sujet en tant que tel. Cette nouvelle génération se mobilise pour réhabiliter le patriotisme, le mérite, l’effort, l’entreprise, la famille – notions jusque-là tenues pour ringardes. Les responsables de la MPT que j’ai rencontrés n’ont pas l’intention de se laisser dicter ce qu’ils pensent par le pouvoir. Ils croient à la conception naturelle de la famille, c’est-à-dire au droit pour chaque enfant d’avoir un père et une mère. N’oubliez pas que, depuis quarante ans, cette génération paye la négation de ces évidences.

Évidences, c’est vous qui le dites ! Le « droit de l’enfant » à avoir des parents, c’est assez rhétorique – et passablement « soixante-huitard ». 
Disons qu’on a droit à l’idée d’un père et d’une mère. Et c’est cette idée qu’on a voulu abîmer de façon quasi totalitaire.

« Totalitaire », comme vous y allez ! Cette inflation verbale ne contribue pas à la compréhension.
Alors, disons « autoritaire ». En ignorant un authentique mouvement populaire, le pouvoir actuel nie la démocratie. C’est son mépris pour les manifestants, et plus encore pour les organisateurs, qui a entraîné la radicalisation, ultra-minoritaire au demeurant. Mais l’UMP n’a pas cherché à récupérer le mouvement mais l’a accompagné.

Amusant : ce sont exactement les mots de Marion Maréchal-Le Pen…
Peut-être, mais on n’a pas vu Marine Le Pen, alors que Jean-François Copé a été aux côtés des manifestants tout le temps. Nous devons faire comprendre à cette jeunesse qu’après le temps de la rue vient celui des urnes : la protestation d’un hiver et d’un printemps ne peut se concrétiser que dans un engagement civique et politique. Si nous ne voulons pas nous contenter de nous réveiller à la veille du vote de lois qui nous déplaisent, il faut que ce printemps 2013 ait, comme en 1968, un prolongement électoral. Aujourd’hui, le pouvoir n’a plus le pouvoir. Il s’agit justement de le rendre au peuple car c’est à lui de fixer le cap. C’est pourquoi nous devrons organiser des référendums sur tous les grands sujets qui, bien au-delà de la famille, ont été des moteurs du mouvement : l’Europe, l’École, la valeur-travail,…

Totalitaire ou impuissant, il faudrait choisir. Passons. La radicalisation a été, dites-vous, ultra-minoritaire. Si vous pensez à la violence, c’est indéniable ; il y a eu, à la fin du mouvement, une sorte de raidissement conservateur. C’est ainsi que Frigide Barjot, qui avait réussi à fédérer des gens représentant un très large spectre  d’opinions et d’options existentielles, a été mise sur la touche.
Je répète que l’État doit garantir le bien-être des enfants, mais chacun doit pouvoir vivre comme il l’entend. [access capability= »lire_inedits »] Nous devons donc nous méfier de l’instinct de revanche et nous montrer très vigilants à l’égard de toute manifestation d’homophobie. C’est par le débat d’idées qu’on désamorcera toute forme de violence.

Le mouvement a t-il basculé vers le populisme ou vers l’extrême droite ?
Pour moi le terme « populiste » n’a rien à voir avec l’extrémisme politique, ni avec la stigmatisation de telle ou telle partie de la population : il se réfère au « peuple de France ». Cela signifie qu’il faut se tenir sur une ligne de crête entre une gauche culturellement coupée du peuple, qui nous dit « il n’y a pas de problème », et le Front national, qui pointe les problèmes mais leur apporte des réponses caricaturales. Par exemple, nous devons affirmer en même temps que nous n’avons rien contre l’islam, mais que chacun doit respecter nos valeurs et nos coutumes, autre évidence niée par les élites. Sur ce socle commun, nous ne lâcherons rien car, pour reprendre un slogan de ce printemps, « nous sommes la France ».

Encore faut-il, justement, être clair sur ce « nous ». Cette France représentée par les Manifs pour tous est-elle chrétienne ?
Culturellement, oui, comme en  témoignent nos 36 000 clochers. Je préfère le Puy du Fou à Disneyland.

Mais le catholicisme doit-il être l’une des « identités » qui composent la diversité française ?
La communautarisation est effectivement le principal danger. Ce mouvement porteur d’espoir est un message d’alerte lancé à la droite française. Mais il ne faut pas que ceux qui se sont mobilisés se replient dans leurs écoles, leurs paroisses, leurs familles. Nous ne sommes pas une partie de la France, nous sommes la France. Nous devons, donc, la porter dans son intégralité, avec ses racines chrétiennes et avec sa laïcité, qui garantit la saine distinction entre le politique et le religieux.

Reste à faire vivre ensemble, avec ou sans tiret, deux France, mais aussi au moins deux droites. Culturellement, vous êtes assez éloigné de NKM…
Permettez-moi d’abord de rectifier ce qu’on a dit partout : je n’ai jamais appelé à battre NKM, j’ai exprimé une préférence, ce qui, me semble-t-il, est l’objet d’une primaire. Maintenant qu’elle est désignée, je la soutiendrai sans arrière-pensées. Pour autant, je suis convaincu que les valeurs que je porte sont aujourd’hui majoritaires et que nombre de nos difficultés s’expliquent par le divorce entre une élite microcosmique et le peuple de France.

La boboïsation va bien au-delà des élites : encore une fois, l’individualisme libéral a gagné l’ensemble de la société, donc de la droite.
Je crois au contraire que cette droite, qui vit dans les grands centres urbains, attend de nous un autre discours que celui de la gauche bobo. Par exemple, elle veut qu’on réhabilite le Paris des artisans, des familles, des entrepreneurs et de la voiture. Nous ne gagnerons pas avec « les rappeurs et les webdesigners », comme dit quelqu’un de chez vous [2. Cette heureuse formule sort du sémillant cerveau du non moins sémillant Marc Cohen.]. De moins en moins de Français croient que la mondialisation et le tout-permissif issus de 1968 conduisent au bonheur. La France, dans ses profondeurs, bascule. Chacun ressent l’angoisse identitaire, économique et sociale qui monte dans notre pays.

Donc, vous ne craignez pas d’être entraîné vers des positions réactionnaires au sens strict comme celles du Printemps français ?
La France aigrie ne me parle pas. Ce qui m’intéresse, c’est la France d’après, à condition qu’elle sache puiser dans une histoire bimillénaire. C’est cela qui rend libre. Or, aujourd’hui, sur cinquante livres d’histoire en circulation dans les écoles, cinq ou six, peut-être, parlent de Clovis et de Jeanne d’Arc. Pour autant, je ne crois pas à une société figée. L’avenir, ce sont « des racines et des ailes ».

Certains maires proclament leur refus d’appliquer la loi Taubira. Approuvez-vous la désobéissance civile ?
Depuis le débat entre Antigone et Créon, au Ve siècle avant Jésus-Christ, nous savons que la conscience a des droits contre les lois quand elles sont iniques. Pour autant, le principe de la désobéissance dérange le républicain que je suis. Nous avons toujours dit qu’après le vote de la loi, la manifestation du 26 mai devait être la dernière. Aux manifestants de continuer à se mobiliser pour que nous puissions la réécrire une fois au pouvoir. Je répète que, dès l’été 2017, nous devrons organiser un référendum sur cette question.

Éclairez notre lanterne : vous abrogez ou vous réécrivez ?
Nous proposerons une union civile qui offre aux couples homosexuels tous les droits et protections afférents au mariage, à l’exception de la filiation et de l’adoption qui doivent rester réservés aux couples formés d’un homme et d’une femme. Que je sache, la gauche ne se gêne pas pour détricoter toutes les lois que nous avons votées. Jusque-là, nous n’osions pas faire la même chose. Cette fois-ci, nous ne serons pas frileux. Mais pour que la droite ose être forte, ceux qui ont milité dans la Manif pour tous doivent se battre à nos côtés.

Laissez venir à moi les petits électeurs… Seulement, si les manifestants n’étaient pas de gauche, dans leur immense majorité, êtes-vous sûrs qu’ils sont de droite ? 
De fait, beaucoup détestent les idées de la gauche mais ne croient pas encore à l’existence d’une force de droite qui les représente. À nous de les convaincre que nous pouvons redevenir une droite d’idées et de valeurs. Plusieurs responsables de la MPT nous ont déjà rejoints. Les portes de l’UMP leur sont grand ouvertes ! Il appartient à chacun de construire la droite de demain, de préparer l’alternance et de changer la vie. C’est le défi intime et civique posé à chacun de nos compatriotes. Nul ne peut s’alarmer de la situation de notre pays s’il ne s’engage pas dans la Cité.[/access]

Égypte : Un coup d’État mais avec l’assentiment d’une majorité du peuple

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prazan egypte morsi

prazan egypte morsi

Daoud Boughezala : Michaël Prazan, vous avez réalisé La Confrérie, un documentaire sur les Frères musulmans égyptiens, après une longue immersion sur le terrain. Êtes-vous surpris par l’affrontement armé entre les militaires et les membres de la confrérie islamiste auquel nous assistons ?

Michaël Prazan : Oui et non. Oui, parce que le général Abdel-Fatah al-Sissi était censé être l’homme des Frères musulmans. En arrivant au pouvoir, Mohamed Morsi et la Confrérie ont voulu reproduire ce qu’a fait l’AKP en Turquie, où l’armée y occupait un rôle assez comparable à celui qu’elle occupe en Egypte – une stratégie inspirée, d’ailleurs par celle des Frères de l’époque de Nasser -, il s’agissait de remplacer les hommes de l’ancien régime par des militaires membres de la confrérie, et pouvoir ainsi se faire de l’armée un allié indéfectible. Al-Sissi a été nommé par Morsi dans ce but, et il aurait dû être le symbole de la mainmise de la confrérie sur l’armée. Force est de constater que cette stratégie a échoué ! Al-Sissi est un militaire avant tout, c’est-à-dire un nationaliste (l’antithèse de l’idéologie frériste) ; ce qu’ont toujours représenté les militaires et l’armée en Égypte depuis Nasser. C’est pourquoi, d’un autre côté, je ne suis pas surpris que ce ressort nationaliste, disons patriotique, que symbolise l’armée pour les Égyptiens, ait pu entrer en connexion avec la révolte du 30 juin. C’est ce que réclamait une très grande partie de la population qui, bien que très religieuse, n’en demeure pas moins très patriote. Les Égyptiens n’avaient que faire des projets de reconstruction du califat ou du port de la barbe dans la police. Ce qu’ils voulaient, c’est un pays qui fonctionne correctement, qui sorte de la faillite et de la pénurie, et qui regagne son statut de puissance régionale. Cela, les Frères ne l’ont pas compris, et cela, c’est ce que représente l’armée pour les Égyptiens. C’est ainsi, également, qu’elle se perçoit elle-même.

Les témoignages de vos amis égyptiens confirment-ils votre analyse ? 

Tous les témoignages de mes amis et de mes contacts sur place décrivent un affrontement armé, violent, de part et d’autre, plutôt qu’un massacre aveugle, tel qu’on veut nous le faire croire. Les Frères et l’armée se connaissent très bien et depuis très longtemps. Chacun sait exactement à quoi s’en tenir et à quoi il s’expose dans ce face à face.

Certes, chacun campe sur ses positions. Toujours est-il que Morsi a été démocratiquement élu, de même que le Parlement à très large majorité islamiste, que la magistrature égyptienne a suspendu. Partant,  peut-on raisonnablement qualifier la destitution du 30 juillet de « coup d’Etat démocratique » ?

La démocratie ne se décrète ni par un vote populaire, ni sous la pression révolutionnaire. C’est avant tout une affaire de mentalité. Et cette mentalité n’est certainement pas celle des Frères musulmans. Ils n’ont tenu aucune de leurs promesses de campagne. Ils ont décapité toutes les institutions, les médias, les administrations pour y placer leurs hommes, Morsi s’est arrogé les pleins pouvoirs, le parlement s’est transformé en cirque. Ce n’était plus la démocratie, si tant est qu’elle ait jamais existé. La démocratie, c’est faire confiance à la société civile pour qu’elle s’organise afin de défendre par elle-même ses intérêts, c’est accepter une opposition forte et contradictoire, la critique des médias, l’autonomie de la justice, le dialogue, le compromis, etc. Rien de tout cela n’est compatible avec le logiciel frériste, et rien de tout cela n’a eu lieu sous leur pouvoir. Alors, y a-t-il eu coup d’Etat ? Sans doute, mais avec l’assentiment d’une très grande majorité des Égyptiens, ce qui est tout de même inédit. Et l’armée, si elle avait certainement des arrières pensées, n’a pas été que cynique. Souvenez-vous : le QG de la Confrérie a été incendié, ainsi que la maison du Guide suprême et que celle du vice-Guide suprême, le 1er juillet. Il y a eu des morts. Le risque de guerre civile, c’était à ce moment-là, quand le peuple était face au peuple – pas quand l’armée affronte la confrérie ; et l’armée s’est sincèrement sentie investie, à l’appel des manifestants, du devoir d’intervenir, de siffler la fin de la partie.

Pendant que l’armée égyptienne affronte des Frères musulmans armés, au prix de plusieurs centaines de morts, des églises sont incendiées. Doit-on y voir une forme de vengeance après le soutien indéfectible qu’a apporté le patriarche copte à la troupe égyptienne ?

Quelle vengeance ? La discrimination des Coptes ne date pas du mois de juillet ! Les églises n’ont pas attendues que les médias se penchent sur elles pour être incendiées. Elles le sont très régulièrement depuis un an. Dès que quelque chose cloche en Égypte, les Frères déclenchent des pogroms et détruisent des églises. 400 000 Coptes ont fui le pays sous le règne de la confrérie ! Ils ont remplacé les juifs qui ont quitté le pays en 1956 dans le rôle de bouc émissaire des islamistes. C’est parce que leur vie était devenue intenable qu’ils ont soutenu le « coup d’Etat ». Mais ils étaient aussi très présents dans les manifestations qui ont fait chuter Moubarak. Ce ne sont pas des alliés des militaires par principe, loin de là. Mais ils aimeraient pouvoir être en sécurité et être tenus pour ce qu’ils sont : des Égyptiens.

Tariq Ramadan prétend que la responsabilité des islamistes dans les attaques antichrétiennes n’a jamais été prouvée et met en cause l’armée, qui attiserait ainsi les tensions pour faire accuser les Frères… Cette hypothèse est-elle complètement farfelue ?

Évidemment, et ces déclarations sont scandaleuses. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les sites internet de la confrérie pour lire ce qui se dit des Coptes et sur leurs appels au meurtre. Les Coptes, eux, qui sont sur place, savent très bien d’où viennent ces attaques, croyez-moi !

 

*Photo : Al Jazeera.

Lacan, Dieu et moi

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Nous sommes en 2010, et je participe à un séminaire sur Lacan et la religion en compagnie des frères franciscains et de quelques versaillaises habillées d’une jupe droite et d’un col claudine. Lacan et la religion ? Rapport subtil, puisque Lacan est un ennemi de toutes les prêcheries comme de cette équipée samaritaine plus connue sous le nom d’humanisme. Mais c’est aussi un grand lecteur de la théologie. Et pour cause, puisque le théologien essaie d’articuler quelque chose d’impossible à dire. Il va sans dire que le moindre quidam ne fait pas autre chose, surtout lorsqu’il veut témoigner de son désir pour quelqu’un, ou, plus dur encore, pour quelqu’une.

Bref, nous passons tous un moment sympathique à papoter sur l’Impossible lorsque le colloque dérive, subitement, vers la question que je déteste. « Croyez-vous en Dieu ? » me demande, d’ailleurs assez froidement, une dame au premier rang. « Je crois que Dieu me récompensera après ma mort pour avoir eu la force de rester un athée toute ma vie, ai-je répondu. J’ai la faiblesse de penser que cette croyance en vaut une autre ». Mais elle n’a pas du tout apprécié cette réponse, et j’ai dû m’excuser sur le champ.