Jeudi soir, TF1 diffusait l’un des grands classiques des fêtes de Noël, Love actually, le film choral de Richard Curtis, sorti en 2003 sur les écrans. Occasion pour une certaine Hélène Marzolf de conspuer cette daube sexiste, grossophobe, anti-diversité-racisée-LGBT — bref, tout ce que représente pour Télérama, le journal télé des élites qui votent Sandrine Rousseau, Danièle Obono et Aymeric Caron, la pensée franchouillarde d’extrême-droite des boomers fatigués — étant entendu que tous ces mots sont synonymes. Notre chroniqueur en a fait ses choux gras.
Roland Barthes, dans les années 1950, qualifiait le journal Elle de « véritable trésor mythologique ». Le bâton de maréchal des idées reçues et de la bien-pensance est désormais passé à Télérama, que les édiles parisiens dépouillent chaque semaine pour rester au niveau intellectuel de leurs électeurs — c’est-à-dire au ras du sol.
Le romantisme, c’est réac
Jeudi soir passait sur TF1 le joli film de Richard Curtis, Love actually. Télérama en a profité pour nous infliger une leçon magistrale de wokisme et d’intersectionnalité.
Le film serait donc devenu le « rituel doudou de Noël » — qui nous protège de la réalité saumâtre de ce monde injuste où Lucie Castets n’est pas encore Premier ministre. Vingt ans après sa sortie, « la sucrerie a pris un bon coup de pelle ». C’est si vrai que son réalisateur, Richard Curtis, « a fait son mea-culpa. Épinglé par sa fille, qui reproche à son œuvre son manque de diversité et sa grossophobie, le scénariste de Quatre Mariages et un enterrement, Bridget Jones et Coup de foudre à Notting Hill a reconnu qu’il faisait des films de boomeurs ». Crime suprême que de s’adresser aux plus de cinquante ans, avec un navet à « diversité quasi nulle, romantisme réac et ultra genré, et léger relent de xénophobie en prime ».
Voilà les futurs metteurs en scène prévenus. Blanche-Neige doit être noire et gouine pour plaire à Télérama, et les coups de foudre n’existent pas pour une nouvelle génération qui vit ses amours dans l’équité, le respect de l’autre (« puis-je dégrafer ton soutif, chérie ? ») et la haine instinctive de l’infidélité (beurk !), de la reproduction (re-beurk) et de la domination paternaliste. Richard Curtis, auteur de ce « rêve du macho de base », est prié de faire contrition publique, comme ces gamines blondes qui aux Etats-Unis, baisaient les pieds des footballeurs de couleur, après l’affaire George Floyd en 2020.
La bibliothèque idéale de Caroline de Haas
L’homosexualité (4,5% de la population, selon toutes les statistiques fiables) est désormais une référence obligée de toute histoire d’amour : « Difficile, explique Hélène Marzolf, de ne pas voir que le film a oublié un autre truc. L’amour entre personnes du même sexe… Oups ! »
Oui. Dans La Princesse de Clèves, Manon Lescaut, Madame Bovary, il n’y en a pas non plus. Vite, dépêchons Caroline de Haas dans nos bibliothèques pour les purger de ces brûlots sexistes.
À noter que dans Quatre Mariages et un enterrement, Richard Curtis avait inséré l’une des plus belles scènes d’amour et de mort, à l’occasion du décès du compagnon de l’un des protagonistes. Alors, homophobe un jour, mais pas homophobe toujours ?
Je n’ai pas besoin de réalisateurs et d’auteurs contemporains pour me faire des leçons sur l’homosexualité sous toutes ses formes. Il me suffit de relire La Recherche du temps perdu — mais Hélène Marzolf sait-elle vraiment lire, hors Annie Ernaux, Edouard Louis et Virginie Despentes, trinité sainte de la nullité littéraire ?
Jusqu’à quand tolèrerons-nous les diktats d’une élite auto-proclamée qui ne représente qu’elle-même ? Les journaux de la Gauche bien-pensante ne sont même pas arrivés à analyser la victoire de Trump comme une défaite générale du wokisme personnifié par Kamala Harris. Ils ne saisissent pas que #MeToo, par ses excès et ses préjugés, fait désormais horreur à une majorité de Français : tant pis pour celles et ceux qui ont réellement été violés. Ils plaident pour Lucie Castets, qui coche au moins la case « lesbienne », ou pour Mathilde Panot, idole de ces décervelés… L’une et l’autre se distinguent par une bêtise massive à laquelle s’identifient, sans doute, des électeurs de Gauche de moins de quarante ans formés par Philippe Meirieu, pape de l’analphabétisme contemporain, comme le souligne par ailleurs Didier Desrimais.
Désabonnez-vous de Télérama, et abonnez-vous à Causeur, c’est moins cher et plus intelligent. Et hurlez chaque fois que le wokisme pousse ses feux : c’est sur le terrain de l’idéologie (et pas de l’économie !) que se dérouleront les prochaines élections.
Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité, relançant les débats sur l’intervention de la justice en politique. De son côté, l’ancien ministre Éric Dupond-Moretti avait été relaxé malgré des accusations de prise illégale d’intérêt. Quant à Nicolas Sarkozy, il contestera sa scandaleuse condamnation définitive devant la Cour européenne des droits de l’homme. Trois illustrations récentes de l’inquiétante pénalisation de la vie publique en France
Bien que reléguée au rang d’autorité et non de pouvoir, l’institution judiciaire investit désormais le domaine politique, jusqu’à défier la doctrine classique de la séparation des pouvoirs. Le juge ne serait-il donc plus la simple « bouche qui prononce les paroles de loi » (Montesquieu, De l’esprit des lois) ?
Polémique sur la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen
En requérant l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité contre Marine Le Pen, le Parquet de Paris ouvre une nouvelle controverse sur l’immixtion de l’autorité judiciaire dans la sphère politique. L’exécution provisoire vise à empêcher la candidate naturelle du RN de se présenter à l’élection présidentielle. Pour quels motifs ? Le détournement de fonds publics du Parlement européen reproché est exempt de tout enrichissement personnel et de tout emploi fictif. Le grief en cause est lié à l’emploi des crédits, que le FN aurait affectés à l’action nationale du parti au lieu d’une affectation à son action européenne. S’agissant de la peine d’inéligibilité, en principe obligatoire, le tribunal n’est pas tenu de prononcer son exécution provisoire. Le primat du suffrage universel et la raison juridique commandent que ce dispositif soit exécutoire pour une condamnation définitive.
Les parlementaires, à la différence des ministres qui répondent devant la Cour de Justice de la République (CJR), sont justiciables des juridictions ordinaires, même pour les actes accomplis dans l’exerce de leurs mandats. Soit. Mais, l’ingérence de l’autorité judiciaire dans le pouvoir législatif est le fruit d’une construction jurisprudentielle par laquelle, les juges interprètent, audacieusement ici, le « détournement de fonds publics » dont dispose l’article 432-15 du Code pénal. Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, est même d’avis que cette disposition « n’est pas conçue pour s’appliquer aux conditions d’emploi d’un assistant parlementaire, car les fonctions d’un parlementaire (national ou européen) sont des fonctions institutionnelles, des fonctions de souveraineté… »[1]. Mais nous savons avec Giraudoux que « le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité »[2] ! Les actes politiques appellent donc une responsabilité politique. Les juridictions de droit commun connaissent des infractions de droit commun. Mais tel n’est pas le cas, en l’espèce, à la différence d’un député pris en flagrant délit d’achat de drogue (on pense au LFI Andy Kerbrat) ou de tout autre délit ou crime détachable de la fonction comme celui par exemple le délit d’apologie de terrorisme qui n’a pas pour support nécessaire l’exercice du mandat…
C’est donc la seconde fois depuis l’affaire Fillon que l’autorité judiciaire interfère dans l’élection présidentielle. L’autorité judiciaire a pourtant une lecture vétilleuse de la séparation des pouvoirs lorsqu’elle estime que son indépendance est menacée. Elle s’est montrée courroucée en 2006 au moment de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la Justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement…
La prise illégale d’intérêt devant la Cour de justice de la République
En juin 2020, l’hebdomadaire Le Point révélait l’existence de l’enquête préliminaire parallèle ouverte par le Parquet national financier (PNF) le 3 mars 2014 sur les faits présumés de violation du secret de l’instruction visant à débusquer « la taupe » soupçonnée d’avoir prévenu l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, et son avocat, Thierry Herzog, que leur ligne secrète était surveillée. C’était l’affaire dans l’affaire dite « Bismuth ».
À cette occasion, les factures détaillées ou « fadettes » des avocats, amis et relations de maître Herzog ont été épluchées. Ces investigations sont à l’origine du conflit entre les magistrats et l’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti qui, lorsqu’il était avocat, avait déposé plainte pour atteinte à la vie privée (plainte retirée au moment de sa prise de fonction). L’enquête administrative visant trois magistrats du PNF avec lesquels il avait été en opposition en tant qu’avocat, provoqua la mise en examen du garde des Sceaux du chef de délit de prise illégale d’intérêt, et à son renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR). Pour rappel, cette enquête était demandée à la suite du rapport de l’Inspection générale de la justice sur le fonctionnement du PNF. Le 29 novembre 2023, la Cour prononça la relaxe en jugeant que le ministre était certes « en situation objective de conflits d’intérêts » et que ses décisions étaient matériellement constitutives de prises illégales d’intérêt, mais qu’il ne le savait pas. L’élément intentionnel faisait donc défaut pour que l’infraction soit constituée. Le Parquet avait requis un an de prison assorti du sursis, ce qui aurait contraint le garde des Sceaux à la démission.
L’USM, syndicat majoritaire, qualifiait la nomination d’Éric Dupond-Moretti de « déclaration de guerre à la magistrature ».
La condamnation définitive de Nicolas Sarkozy dans l’affaire « Bismuth »
La Cour de cassation vient de confirmer la condamnation de l’ancien président de la République pour corruption active et trafic d’influence, à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique (arrêt du 18 décembre 2024). Il lui est reproché d’avoir tenté d’obtenir des informations auprès d’un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, sur l’instance relative à sa demande de restitution des agendas présidentiels, saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt pour laquelle M. Sarkozy fut d’ailleurs relaxé, en échange d’une promotion de ce magistrat à Monaco. L’affaire, montée au moyen d’écoutes téléphoniques entre un avocat et son client, retranscrites dans le cadre de l’affaire dite du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, viole manifestement les droits de la défense. Il s’agit de sept mois d’interception qui, selon des juristes les mieux avisés (Jean-Eric Schoettl) n’établissent pas de preuves solides, ni même un faisceau d’indices graves et concordants susceptibles de fonder une condamnation aussi infamante. La loyauté des débats est sujette à caution : l’ancien président n’eut officiellement connaissance de ces écoutes que postérieurement à la clôture de l’instruction. Il ne pouvait donc invoquer leur nullité puisque l’article 385 alinéa 1er du code de procédure pénale prévoyait l’obligation de purger les nullités de procédure avant la clôture. Or, cette disposition fut déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel comme portant atteinte au droit d’exercer un recours effectif et aux droits de la défense (Décision QPC du 28 septembre 2023). L’ancien chef de l’Etat a donc décidé de se pourvoir devant la Cour européenne des droits de l’homme qui a déjà jugé contraire au secret professionnel et aux droits de la défense le fait de retenir à la charge d’une personne la retranscription d’un échange avec son avocat (arrêt du 16 juin 2016, Affaire Buffalo Grill).
L’ascension de l’autorité judiciaire a déséquilibrée la séparation des pouvoirs. Montesquieu préconisait ceci : pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Le temps est venu à bien des égards de limiter l’emprise des autorités judiciaires sur le système politique. Le temps est venu de convoquer un « lit de justice ». Le retour à l’étiage juridictionnel sera plus conforme à l’épure de la séparation des pouvoirs.
[1] Le parquet de Paris veut-il exclure Marine Le Pen du jeu démocratique ? », Le Figaro14/11/2024
Ceux qui ont critiqué le film Vaincre ou mourir et ont des boutons à l’évocation d’un éventuel « génocide vendéen », seraient-ils les mêmes que ceux qui veulent absolument voir un « génocide » à Gaza, par hasard ? Le billet de Dominique Labarrière.
Il y a deux semaines, la chaîne de télévision C8 diffusait le film Vaincre ou Mourir, de Vincent Mottez et Paul Mignot. Ce long métrage retrace l’épopée du peuple vendéen dressé sous la bannière royaliste face aux armées de la Révolution. Le chevalier François Athanase Charrette de la Contrie conduit aux combats ces gueux magnifiques. Gueux et autres que gueux, d’ailleurs. Tous paieront au prix fort cette révolte certes désespérée, mais héroïque. Deux cent mille tués. Quarante mille massacrés par les vingt-quatre colonnes infernales de Turreau à qui le Comité de Salut public a donné pour consigne – sobre et claire – de les « exterminer tous. »
Un film qui n’a pas un parti-pris de gauche, vous imaginez l’Histoire…
Je voulais revoir ce film. Premièrement pour l’intérêt que je lui porte mais aussi pour la présentation qui en était faite dans l’hebdomadaire de télévision populaire entre tous, Télé 7 jours. Très brève présentation sous la signature du critique Julien Barcilon. Je cite : « Produit par le Puy du Fou, ce film aux allures de docu-fiction militant est aussi maladroit sur la forme que contestable sur le fond tant le manichéisme et l’idéologie sont aux commandes. » Ayant lu ces lignes et, m’étant d’autant plus résolu à revoir le film, j’en suis arrivé à la conclusion que cet expert ès productions télévisuelles ne l’avait pas vu, lui, ou qu’il ne connaissait pas bien l’histoire. Probablement les deux. Le dénigrement tiendra donc lieu ici de culture et de méthode. Travers fort répandu de nos jours, nul ne l’ignore. D’entrée, nous l’avons vu, le rédacteur tient à préciser que le Puy du Fou est le producteur. Indéniablement, il s’agit ici, par ces simples mots, de donner à penser au lecteur qu’il ne peut s’agir que d’un infâme brouet de la droite extrême. Brouet « militant », est-il précisé. Puis viennent les termes finement choisis de « manichéisme » et « d’idéologie ». Choix très intéressant. Ce que notre plume distinguée appelle manichéisme n’est autre que le parti pris assumé, annoncé d’emblée, d’un angle, d’un point de vue, de l’expression d’une sensibilité particulière, orientée – oui orientée. Orientée, mais précisément non manichéenne dans son traitement.
Ce que ce critique aurait certainement débusqué en prêtant au film un soupçon d’attention soutenue. Orientée tout simplement parce que ce film est un film de convictions. Mais manifestement l’auteur a du mal à différencier convictions et idéologie. Pour l’y aider, nous pourrions glisser que son petit texte, lui, est tout entier frappé d’idéologie. Mais passons. Convictions elles aussi, répétons-le, annoncées et assumées. Le spectateur sait donc à quoi s’attendre. C’est ce qui différencie aussi l’idéologie de la conviction. La conviction propose, l’idéologie impose et s’impose.
Obsession exterminatrice
Enfin, j’ai osé en sous-titre le mot génocide. À mon tour d’assumer. Oui, j’assume. Nous avons maintes fois entendu les tenants du même politiquement correct beugler à l’envi qu’il ne pouvait s’agir de cela, d’un génocide, le Vendéen n’étant pas véritablement une race. Courte vue, pauvre analyse ! Pour ma part (en compagnie de bien d’autres par bonheur) je tiens et affirme que le Vendéen est bel et bien une race. Qu’importe que les critères anthropologiques, ethnologiques, etc. réfutent cette affirmation. Il s’agit d’une tout autre justification qui, je l’avoue me ravit tant elle est cruelle pour ceux qui s’obstinent dans le déni. Ce qui fait que la Vendée est une race, ce n’est ni la physiologie, la génétique ou que sais-je encore, ce sont tout simplement les décrets de la Convention.
Assurément, c’est l’obsession exterminatrice du Comité de Salut public – la même, rigoureusement la même, que celle du Hamas le 7 octobre 2023 contre le peuple juif – qui par une violente mais gratifiante malignité des choses exhausse ce peuple martyr à la dignité de race.
Avec Harold Hyman, Eliott Mamane, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.
Le Monde est-il un nid d’islamo-gauchistes? Voilà ce que suggèrent les révélations d’Eugénie Bastié dans Le Figaro. Y a-t-il déjà en cours des négociations entre Washington, Kiev et Moscou? Quel est le poids de l’Europe et de la France sur la scène internationale aujourd’hui? Donald Trump s’immisce dans la vie politique canadienne.
Dans cette tribune, le Républicain Mansour Kamardine, ancien député, rappelle la nécessité urgente de maîtriser l’immigration irrégulière à Mayotte, obstacle majeur au développement durable du 101e département français. Il appelle à des mesures strictes, et estime qu’il faut orienter les investissements étatiques vers les priorités des Mahorais.
La 1ère priorité, incontournable, doit donc être de maîtriser les frontières notamment en coupant toutes les pompes aspirantes de l’immigration irrégulière (droit du sol, accès gratuit et illimité aux soins, obligation de scolariser même lorsqu’il manque, comme actuellement, 1200 classes de primaire dans le département, droits individuels des personnes étrangères supérieurs à la notion l’intérêt général).
La 2ème priorité, concomitante, doit être la mise en œuvre dans les meilleurs délais de la loi d’urgence pour Mayotte annoncée par le président de la République.
Il est impératif, comme le propose Emmanuel Macron, qu’elle allège les procédures de gestion de la dévastation et de reconstruction de Mayotte, comme ce fut le cas pour l’organisation des Jeux olympiques et la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Elle devra également – ce sera une nouveauté – prendre en compte les priorités des Mahorais dans les nécessaires investissements de l’Etat concernant les infrastructures de développement du 101ème département.
Parmi les priorités des Mahorais, il y a en particulier :
– L’impossibilité de régulariser les personnes arrivées clandestinement à Mayotte ;
– L’entrave systématique et immédiate à la construction d’habitations informelles et de bidonvilles ;
– L’abandon de la construction d’habitations destinées prioritairement à des personnes étrangères arrivées en situation irrégulière (500 millions d’euros dans le dernier contrat de plan État-Région).
Si les « bonnes âmes » immigrationnistes avaient l’indignité de protester, nous ne manquerions pas de leur rappeler la très lourde responsabilité de leur idéologie mortifère dans le bilan humain qui s’annonce effroyable et qui me peine tant.
Certains ont voulu en faire le procès de tous les hommes. D’autres ont estimé qu’il illustrait la nécessité de légiférer sur le « consentement ». Mais, le procès des viols de Mazan demeure le procès particulier d’hommes pervers particuliers, dans une société particulière – la nôtre.
Le 19 décembre 2024, la cour criminelle du Vaucluse a rendu son verdict dans l’affaire des viols de Mazan, un dossier glaçant impliquant Dominique Pelicot et cinquante coaccusés. Dominique Pelicot, principal accusé, a été condamné à la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle pour viols aggravés sur son épouse, Gisèle. Pendant une décennie, il l’a droguée et livrée à des dizaines d’hommes. Sa condamnation, assortie de deux tiers de peine de sûreté, garantit qu’il purgera au moins 13 ans avant tout aménagement de peine. Les cinquante autres accusés ont également été reconnus coupables, écopant de peines allant de trois à 15 ans de prison, en fonction de leur degré d’implication.
Tous coupables ou tous malades ?
Ce procès a mis en lumière une réalité de plus en plus évoquée : la banalité du mal. Parmi les accusés, des hommes ordinaires, des « monsieur-tout-le-monde », occupant des fonctions respectées : commerçants, cadres, retraités. Comme si cette révélation devait encore surprendre. Mais que révèle-t-elle au juste ? Combien d’artistes exposent des photographies de femmes nues et endormies ? Combien de sites pornographiques, accessibles à tous, y compris aux enfants, glorifient la soumission des femmes, parfois violées dans leur sommeil ? Et ce qu’il est interdit de dire : combien de femmes ont des fantasmes de viol ?
À Joigny, petite ville de Bourgogne, un stand de marché propose des bandes dessinées illustrant des supplices inimaginables : femmes violées, éventrées, les entrailles à l’air, parfois décapitées. Ces ouvrages, imprimés en Italie, trouvent leur public. « Elles se vendent comme des petits pains », me confie le vendeur. « Les gens viennent les acheter, les emprunter, toujours à la recherche de nouvelles séries. » À Joigny, paisible bourgade provinciale…
Les malades mentaux visibles, enfermés dans des institutions psychiatriques, ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Une multitude de fous, bien habillés et en apparence fonctionnels, déambulent librement. Pervers narcissiques, sociopathes, paranoïaques, dépressifs chroniques : ils sont parmi nous. Leur langage commun ? La violence, qu’elle prenne la forme de maltraitances, d’humiliations, d’abandons ou de culpabilisations.
Indignations
Mais reconnaissons-le : cette folie n’est pas un mal extérieur. Elle vit en chacun de nous, prête à surgir, attisée par nos peurs ou nos frustrations face aux défis de l’existence. Nous portons tous des cicatrices, issues de notre enfance ou de nos interactions sociales. Certains réussissent à s’en relever, progressant maladroitement mais avec résilience. D’autres, hélas, s’enferment dans un cercle vicieux de haine et de ressentiment, infligeant à leur entourage les blessures qu’ils n’ont pu guérir. Ils brutalisent leurs enfants, les manipulent, les abandonnent. Ces enfants, à leur tour, perpétuent ce cycle de violence, oscillant entre soumission et agressivité, entre manque d’amour-propre et narcissisme maladif.
Il serait naïf de croire que la réussite sociale ou matérielle protège de cette aliénation. Bien au contraire, les postes de pouvoir, en politique ou dans l’entreprise, attirent souvent des individus au profil psychopathe. Ces séducteurs narcissiques fascinent des foules en quête de figures à idolâtrer, projetant sur eux leurs propres rêves inassouvis. Ainsi se déploie l’irrationalité des dynamiques sociales, où se mêlent intimidation et soumission, égoïsme brutal et philanthropie feinte, violence gratuite et adhésion aveugle aux idéologies les plus insensées.
L’indignation suscitée par les violeurs de Gisèle Pelicot est légitime, mais elle masque une réalité plus vaste. Ces hommes ne sont que les symptômes d’une société profondément malade. Une société déréglée, où les limites s’effacent, où les fantasmes et les pulsions individuelles trouvent libre cours, alimentés par les réseaux sociaux et l’absence de repères.
Ce n’est pas le patriarcat qui est ici à l’œuvre. Bien au contraire, l’affaire Pelicot illustre l’avènement d’une société sans pères, une société qui, selon Alexandre Mitscherlich dans Vers une société sans pères (1963), se prive des cadres structurants qu’incarnait autrefois l’autorité paternelle. Or, sans ces figures d’autorité capables d’imposer des limites, les individus se retrouvent livrés à eux-mêmes, pris au piège de leurs pulsions et de leurs fragilités.
Il est nécessaire que la justice sanctionne des coupables mais cette affaire nous force à interroger notre responsabilité collective. Elle révèle une culture permissive qui, sous prétexte de libération, abandonne tout effort pour canaliser les instincts destructeurs de l’être humain.
L’élection de Donald Trump représente-t-elle une aberration extraordinaire dans l’histoire des États-Unis, ou constitue-t-elle un tournant politique majeur, à l’image du New Deal de Franklin D. Roosevelt dans les années 1930, qui a profondément modifié le rapport des Américains à l’État ? Pour le correspondant permanent de la chaîne d’information continue Newsmax à la Maison-Blanche, cet événement décoiffant est d’abord la marque d’un pays pragmatique.
La victoire de Donald Trump lors du dernier scrutin présidentiel américain est tout simplement le plus grand come-back politique de l’histoire. Ni Richard Nixon, qui a essuyé deux défaites électorales majeures avant de gagner la course à la Maison-Blanche, ni Juan Perón, qui a vécu en exil pendant dix ans avant de reconquérir le pouvoir en Argentine, ni Winston Churchill, qui a été « congédié, écarté, abandonné, rejeté et détesté» avant de revenir aux affaires en 1940, ni Charles de Gaulle passé lui aussi par une longue traversée du désert avant de fonder la Ve République, n’ont rencontré autant d’obstacles que Trump ces quatre dernières années.
Après avoir quitté Washington dans la disgrâce en janvier 2020, puis avoir été tenu responsable des violences commises lors de l’attaque du Capitole, Trump a dû surmonter deux mises en accusation (« impeachments ») au Sénat, deux tentatives d’assassinat, quatre procès criminels et une condamnation pénale pour 34 chefs d’accusation dans l’affaire Stormy Daniels, où il a été convaincu, en première instance, de falsification de documents aux fins de dissimuler des paiements lui ayant permis d’acheter le silence de cette actrice pornographique.
Son élection est un triomphe. Trump a non seulement obtenu la majorité du suffrage populaire (une première pour un candidat républicain depuis vingt ans), mais aussi remporté 31 États sur 50, et raflé 312 voix au collège électoral contre 226 pour son adversaire Kamala Harris. Les chiffres révèlent en outre la transformation de l’électorat du « Grand Old Party ». À la surprise de nombreux commentateurs, Trump a engrangé 20 % des votes afro-américains (il faut remonter à Richard Nixon en 1960 pour retrouver un tel résultat pour un candidat républicain), mais aussi 39 % des votes hispaniques (meilleur score républicain depuis George W. Bush en 2004), et 32 % des votes juifs (seul Ronald Reagan a fait mieux chez les républicains, en 1980). Il a également récolté un tiers des votes musulmans.
La « cerise sur le gâteau » de cette élection est la prise de contrôle du Sénat par les partisans de Trump, ainsi que le maintien de leur majorité à la Chambre des représentants. Le président élu devrait ainsi avoir les mains libres pour faire adopter son programme au Congrès. Comment expliquer un tel succès ? Par un fait crucial : le retour de l’inflation qui a mis à mal l’économie du pays durant le mandat de Joe Biden. Résultat, nombre d’Américains, qui se souviennent d’une période plus prospère sous l’administration précédente, ont choisi de pardonner ses erreurs passées à l’ex-président républicain et d’adhérer à son slogan de campagne : « Trump can fix it » (« Trump peut réparer ça »).
Les propos du candidat républicain sur l’immigration illégale ont aussi joué un rôle majeur dans sa victoire. Ce phénomène massif (on dénombre 11 millions de clandestins aux États-Unis) est perçu par beaucoup d’électeurs comme une menace pour l’identité et la sécurité nationale. Aussi, Trump n’a pas rebuté sa base quand, lors de la campagne, il a par exemple affirmé qu’en Amérique du Sud et au Proche-Orient, certains pays hostiles aux États-Unis s’apprêtaient à « ouvrir leurs hôpitaux psychiatriques » pour y libérer des malades mentaux aussi dangereux qu’Hannibal Lecter (le criminel cannibale du film Le Silence des agneaux) et les envoyer aux États-Unis.
Trump a en outre été aidé par Kamala Harris, qui n’est pas parvenue à faire oublier son soutien passé à des causes absconses, comme celle des transgenres, de nature à aliéner au Parti démocrate sa base traditionnelle, notamment parmi les ouvriers.
Propulsée en première ligne suite au brusque désistement de Biden, Harris est, depuis 1952, la première candidate à une présidentielle américaine à avoir reçu l’investiture d’un parti sans avoir participé à sa primaire ni obtenu le soutien officiel d’un seul délégué. « La marque démocrate est en piteux état », a commenté, quelques jours après l’annonce des résultats, Matt Bennett, dirigeant de Third Way, une organisation démocrate centriste. « Le pays a beaucoup basculé à droite… Les électeurs que nous avons perdus ont observé les démocrates et ont dit : “Ils ne comprennent pas ma vie. Je ne veux pas qu’ils me représentent.” »
Harris a également fait un faux pas majeur dans le talk-show « The View » sur la chaîne ABC. On lui demande de lister les sujets sur lesquels elle n’était pas d’accord avec l’impopulaire Biden. Sa réponse : « Rien ne me vient à l’esprit… J’ai été impliquée dans la plupart des décisions ayant eu un impact. » De plus, elle a commis l’erreur majeure de prendre le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, comme colistier plutôt que Josh Shapiro, gouverneur de Pennsylvanie, beaucoup plus qualifié. Accusé d’avoir exagéré ses exploits militaires et d’avoir menti sur sa présence en Chine lors du massacre de la place Tiananmen en 1989 (en réalité, il s’y est rendu plusieurs mois après), Walz n’a guère brillé lors de son débat télévisé face au colistier de Trump, J. D. Vance.
On pourrait recenser longtemps les nombreuses erreurs stratégiques commises par les démocrates, et analyser les choix judicieux opérés au contraire par le Parti républicain, notamment en optant pour davantage de populisme et de nationalisme. Mais une autre hypothèse permet peut-être de comprendre ce qui vient de se produire : malgré tous les défauts du personnage, les Américains ont été, à ce moment précis de leur histoire, davantage séduits par l’homme Trump.
Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui aspirent à être gouvernés par un leader à poigne. Auteur d’un essai à succès justement consacré à ce sujet, The Age of the Strongman (« L’Âge de l’homme fort »), paru en 2022, le journaliste britannique Gideon Rachman a mis en exergue un sondage de l’institut Pew, selon lequel 32 % des Américains souhaitent que le détenteur du pouvoir exécutif n’ait pas les mains liées par la justice ni par le Parlement. Un autre sondage, publié l’an dernier, montre que 38 % des Américains, et parmi eux 48 % des électeurs républicains, pensent que leur pays a besoin d’un dirigeant prêt à « enfreindre certaines règles, si c’est nécessaire pour améliorer les choses ».
À l’époque actuelle, l’idée que nous avons besoin pour nous gouverner d’un « éléphant possédant sa propre boutique de porcelaine » – mot de Winston Churchill à propos du secrétaire d’État américain John Foster Dulles – n’est pas propre à Trump ou au peuple américain. Au cours des douze derniers mois, des mouvements et des partis similaires – que ce soit le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, le Parti de la liberté (FPÖ) de Herbert Kickl en Autriche, le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders aux Pays-Bas, ou le très controversé parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) – ont connu un succès immense et sans précédent lors d’élections en Europe.
Dès qu’un nouveau leader, porteur d’une idéologie peu orthodoxe, arrive au pouvoir, se pose la question de son aptitude à gouverner. Donald Trump et le Parti républicain ont été confrontés à cette interrogation en 2016 lorsqu’ils ont remporté de justesse une élection qu’ils ne s’attendaient pas à gagner. À l’époque, le président a nommé comme ministres et conseillers des individus qu’il n’avait rencontrés qu’une ou deux fois dans sa vie, et qui, dans de nombreux cas, étaient des survivants de l’« establishment » républicain de George W. Bush et Mitt Romney. Les « relations de travail » avec eux se sont avérées difficiles.
Trump a ainsi changé quatre fois en quatre ans de chef de cabinet et de conseiller à la sécurité nationale. Il a aussi licencié son premier secrétaire d’État ainsi que son secrétaire à la Défense. Déçus et en colère, plusieurs vétérans de sa première administration ont annoncé cette année qu’ils ne voteraient pas pour lui. Certains ont même rejoint le mouvement des « Républicains pour Harris ».
Trump ne commettra pas la même erreur dans la composition de la future administration. Au lieu d’une « équipe de rivaux » (c’est ainsi qu’on a baptisé en 1861 le premier cabinet d’Abraham Lincoln, qui s’était entouré d’ennemis internes à son parti), il s’agira davantage d’une « équipe de convenance », comme celle formée en 1933 par Franklin D. Roosevelt, avec des proches et des alliés politiques, mais aucun poids lourd de son mouvement.
Jusqu’à présent, le président élu a nommé des personnes à même de le suivre sur son programme et avec lesquelles il a déjà travaillé. Le sénateur Marco Rubio, de Floride, désigné comme secrétaire d’État, et Pete Hegseth, animateur de Fox News, choisi comme secrétaire à la Défense, ont collaboré avec lui pendant des années. Ils savent anticiper ses attentes et gérer son caractère.
Il en va de même pour la future cheffe de cabinet de la Maison-Blanche, Susie Wiles, qui, en tant que responsable de la campagne victorieuse de Trump, connaît mieux que quiconque les caprices et les humeurs de son patron. À 67 ans, Wiles aura pour tâche de surveiller l’accès au président, de le protéger des personnes susceptibles de le distraire ou de lui donner de mauvais conseils. « Contrairement aux présidents précédents, Trump laissait la porte du bureau ovale ouverte pendant la journée, et n’importe qui le connaissant pouvait entrer, rapporte un vétéran des années 2016-2020 sous couvert d’anonymat. Il pouvait être au téléphone avec, disons, Poutine, et quelqu’un qu’il connaissait de la côte Est pouvait entrer dans la pièce. Il disait : “Attends un instant, Vladimir, Dan du New Jersey vient d’arriver.” » Dans l’entourage de Wiles, on affirme que cela ne se produira pas cette fois-ci. Une source a confié à CNN : « Avec Wiles, le cirque n’aura plus accès à la Maison-Blanche quand il veut. Et Trump est d’accord avec elle. »
Dans un article paru dans le Financial Times juste après l’élection, le politologue américain Francis Fukuyama estime que « la victoire écrasante de Donald Trump et des républicains entraînera des changements majeurs dans des domaines politiques importants, de l’immigration à l’Ukraine. »
Les attentes immédiates des Américains sont d’abord intérieures. Elles concernent en premier lieu l’inflation et la dépense publique. Même si Trump n’est pas un anti-étatiste pur et dur (puisqu’il a exprimé son souhait de maintenir la Sécurité sociale), il a demandé au milliardaire libertarien Elon Musk de diriger un nouveau « département de l’efficacité gouvernementale », dont l’objectif sera de réduire la réglementation et l’inefficacité des services publics.
Trump envisage aussi d’instaurer des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les biens produits à l’étranger. Une décision qui pourrait entraîner, selon Fukuyama, des « représailles massives » de la part de divers pays et avoir des effets négatifs sur « l’inflation, la productivité et l’emploi ». Libre-échangistes par conviction, de nombreux élus républicains à la Chambre des représentants et au Sénat risquent de se montrer très réticents sur ce volet de la politique trumpiste.
Autre point clé du programme du président élu : la fermeture des frontières et l’expulsion d’un maximum d’immigrants illégaux. Il n’est toutefois pas exclu que, par réalisme, Trump finisse par demander que l’on se contente de punir les employeurs recrutant des travailleurs sans papiers, ce qui est déjà prévu par la loi, mais guère appliqué.
Enfin, c’est en politique étrangère que l’on peut s’attendre aux plus grands changements. Opposé depuis longtemps à ce qu’il appelle les « guerres sans fin », Trump cherchera probablement à négocier un accord entre Moscou et Kiev – en proposant peut-être un retrait russe contre l’engagement de l’Ukraine de ne pas rejoindre l’OTAN. De même, il est possible que sa réticence à déployer des forces américaines à l’étranger profite au dirigeant chinois Xi Jinping et à son projet d’absorber Taïwan dans la « mère patrie ». En revanche, le président élu sera, selon Fukuyama, « entièrement favorable aux guerres de Benjamin Nétanyahou contre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran ».
Le collectif Au nom du peuple est composé de magistrats judiciaires du siège et du parquet en exercice. Ne se reconnaissant pas dans la communication officielle du ministère de la Justice et des syndicats, son objectif est d’apporter au grand public des réponses concrètes aux questions que le fonctionnement de la Justice pose.
Ami magistrat, de France ou de Navarre, jeune juge fringant tout juste sorti de l’école ou vieux briscard des parquets, si toi aussi tu as chaque jour le sentiment de vivre dans une dimension parallèle et que tu hésites entre le fou rire et te rouler par terre en pleurant quand tu entends le garde des Sceaux prendre la parole en ton nom dans les médias, cette chronique est pour toi.
Tu as compris depuis longtemps que ton ministère est avant tout celui de la caution morale et des demi-vérités ; que son activité principale est de noyer la réalité dans des termes techniques abscons et des statistiques incomplètes ou obscures ; que son objectif premier est que ni la presse, ni les élus, ni surtout ceux que nous appelons du vocable barbare de justiciables – le peuple français, donc – ne comprennent un traître mot de ce qui se passe dans les tribunaux.
Tu as tantôt honte d’appartenir à cette machine à fumée, tantôt envie de démissionner, tantôt la conviction que rester à ton poste est le meilleur moyen de limiter la casse et de sauver par ta petite action quelques dossiers, par-ci par-là, de temps en temps, en les soustrayant à l’effrayante inertie de la Machine.
Dura lex sed lex
Mais surtout, ami magistrat, tu en as assez que ton ministre[1] raconte n’importe quoi.
Tu voudrais pouvoir dire : bien sûr que la Justice est laxiste !
Elle l’est parce que la loi lui demande de l’être, qu’elle lui interdit de ne pas l’être et qu’elle exige des tombereaux de justifications lorsqu’on souhaiterait déroger à ce courant dominant.
Elle l’est parce que l’objet principal du Livre premier du Code pénal est d’expliquer comment ne pas prononcer puis comment ne pas appliquer les peines prévues par les quatre livres suivants.
Elle l’est parce que le législateur permet qu’on prononce un travail d’intérêt général pour un trafic de stupéfiants en récidive et un emprisonnement avec sursis pour un viol.
Elle l’est parce que le droit positif prévoit une paperasse invraisemblable pour justifier de la peut-être éventuelle nécessité d’incarcérer un délinquant multirécidiviste.
Elle l’est parce que si par miracle ce délinquant multirécidiviste est poursuivi par le Parquet, incarcéré par le Tribunal correctionnel ou la Cour d’assises et maintenu en détention par la Cour d’appel, il pourra compter sur le juge d’application des peines pour lui octroyer une réduction de peine et/ou la possibilité d’effectuer sa peine chez lui – réduisant à néant la décision des multiples magistrats intervenus avec lui, dans la passivité et l’indifférence les plus totales de ces derniers – ami magistrat, ne souffrirais-tu pas d’un syndrome de Stockholm ?
Elle l’est car même quand tu voudrais, ami magistrat, t’extraire de ce courant dominant qui t’incite à la clémence et à la mollesse, tu pourras compter sur tes estimés collègues, juges des libertés et de la détention, juges correctionnels, présidents et assesseurs de Cour d’assises, juges des enfants, juges d’application des peines, pétrifiés par leur lâcheté ou confits dans leur idéologie, pour libérer délinquants et criminels.
S’opposer aux décisions qui libèrent les criminels et ridiculisent la Justice
Tant et si bien que tu finis toi aussi par céder à la facilité du conformisme judiciaire, parce que c’est tellement plus rapide et que tu manques de temps, parce que c’est tellement plus simple et que tes collègues sont aussi tes amis, parce que c’est mal vu de passer pour le répressif de service pendant les délibérés, parce que tu n’as pas envie de déjeuner seul pendant les trente prochaines années, parce que la période de mutation arrive et que tu aimerais éviter de rester encore deux ans à Lons-le-Saunier[2] parce que tu auras commis un crime de lèse-pensée.
La vérité, ami magistrat, c’est que tu vis dans la peur d’être démasqué, identifié, minoritaire. Oh ! tu te doutes bien qu’en sachant ce que nous savons et en voyant ce que nous voyons tu n’es probablement pas le seul à te dire que quand même les Français ont peut-être raison de nous considérer comme des grands seigneurs mous et condescendants à qui on ne peut pas faire confiance pour les protéger. Mais comment se dévoiler sans s’exposer ? Comment renoncer à cette taqiya professionnelle adoptée dès l’École et qui est devenue comme une seconde nature ?
Alors tu vis dans la honte et le dégoût d’être associé à ces décisions qui libèrent les criminels, ridiculisent la Justice, violentent les victimes et blessent la société. Dans la honte d’être représenté médiatiquement par un ministre et des syndicats autoproclamés représentatifs qui mentent aux Français en leur disant que tout va bien, que le système fonctionne et que les magistrats ont toujours raison, et que quand ils ont peut-être éventuellement exceptionnellement eu tort ce n’est pas vraiment leur faute mais la faute au manque de moyens…
Tu voudrais dire, toi, que la loi est mal fichue, qu’elle est du côté du crime et non des victimes, que la moitié de la magistrature passe son temps à défaire ce que l’autre moitié a fait, que le système est lent et paresseux malgré les bonnes volontés et qu’il pourrait faire bien mieux avec un peu de courage et d’ancrage. Qu’une partie des juges rend une justice de bourgeois paisibles, qu’ils refusent de punir car ils ne sentent pas concernés, qu’il suffit d’un peu de volonté politique pour leur forcer la main et leur faire appliquer la loi du peuple, seule source de leur légitimité de super fonctionnaires non élus et choisis par personne sinon le système lui-même.
Ami magistrat, si toi aussi tu as foi en ton service, si tu veux rendre la justice dignement et assumer que punir pour réparer est une mission noble, si tu veux cesser de te cacher, si tu veux pouvoir te regarder en face et regarder la société que tu sers dans les yeux : sois rassuré, tu n’es pas seul !
Ce collectif anonyme proposera son analyse Emprisonnement : l’exécution à la peine dans nos colonnes, la semaine prochaine NDLR.
[1] Le ministre évoqué dans cette tribune est la figure du ministre de la Justice telle qu’elle a été incarnée ces dernières décennies. Cette formule ne vise pas spécifiquement l’actuel garde des Sceaux, qui s’inscrit néanmoins sur ce point dans la droite et navrante ligne des prédécesseurs qu’il s’est lui-même désignés.
[2] Nous affirmons ici une affection profonde et sincère pour l’Est de la France, trop souvent et injustement décrit dans le monde de la magistrature comme un no man’s land inhabitable et destiné aux derniers du classement de sortie de l’École. Néanmoins, nous ne pouvons que constater qu’un maintien à long terme à Lons-le-Saunier serait considéré par une majorité des magistrats comme une quasi sanction disciplinaire.
Tsahal a ciblé les infrastructures portuaires des Houthis au Yémen cette nuit
L’attaque menée par l’armée de l’Air israélienne dans la nuit de mercredi à jeudi au Yémen (opération « Ville Blanche ») a infligé un coup important, principalement économique, au régime houthi. Cette opération marque une étape significative : pour la première fois, Israël ne s’est pas limité à frapper les ports yéménites, mais a ciblé des infrastructures électriques essentielles à Sanaa, la capitale et principal bastion des Houthis (force politique et militaire dominante au Yémen). Cette offensive visait directement le prestige du régime. Toutefois, il est déjà clair que cette opération ne dissuadera pas les Houthis, dont la détermination et la capacité à poursuivre le lancement de missiles et de drones vers Israël restent intactes.
Le transport maritime très perturbé depuis un an
Les Houthis poursuivront probablement leurs attaques contre la navigation commerciale et militaire dans la mer Rouge, ce qui continuera de provoquer d’importantes perturbations économiques, notamment dans le transport énergétique, un problème qui perdure depuis plus d’un an.
Les Houthis, un groupe jihadiste chiite à la fois ethnique et religieux, cherchent à prouver qu’ils sont une force intacte et déterminée, à la différence du Hezbollah, du Hamas et même de l’Iran. Ils se présentent comme des soutiens de Gaza face aux offensives israéliennes. Leur récente intensification des attaques laisse penser qu’ils anticipent une trêve imminente à Gaza. Leur idéologie islamiste radicale, amplifiée par une euphorie de victoire (ils ont été capables de perturber durablement la navigation civile et le transport pétrolier entre le Golfe persique et l’Europe ces derniers mois) les pousse actuellement à intensifier leurs efforts pour être perçus comme les véritables vainqueurs de l’Occident et d’Israël.
Une menace mondiale
Depuis 2015, ce groupe s’est renforcé malgré les pertes humaines massives subies par la population yéménite. Sous la pression américaine, l’Arabie saoudite et ses alliés ont été contraints de réduire leurs opérations militaires, et les Houthis ont été retirés de la liste des organisations terroristes par l’administration Biden. Ce retrait a permis l’accès de l’aide humanitaire via le port stratégique de Hodeïda, une infrastructure frappée à plusieurs reprises par l’armée israélienne, mais toujours fonctionnelle.
Les Houthis représentent une menace stratégique mondiale. Ils ont commencé comme une petite milice installée dans les montagnes du nord du Yémen. Grâce au soutien logistique et technique de l’Iran et du Hezbollah, ils sont devenus un acteur militaire sophistiqué. Malgré les efforts des États-Unis et de leurs alliés pour intercepter les approvisionnements iraniens, la contrebande de drones et de missiles en pièces détachées par voie maritime et terrestre se poursuit sans interruption.
Depuis octobre 2023, les Houthis ont lancé une campagne régionale offensive, en coordination avec l’Iran et ses milices alliées, comme le Hamas et le Hezbollah. En réponse, les États-Unis ont adopté une posture défensive visant à « éviter l’escalade », une stratégie qui s’est révélée inefficace. Les frappes israéliennes et américaines n’ont pas encore sérieusement endommagé leurs capacités militaires ni modifié leur stratégie.
Pour contrer cette menace, une réponse militaire décisive est nécessaire. Une telle réponse devrait inclure des frappes massives sur leurs infrastructures militaires et économiques, ainsi que sur des sites stratégiques comme Saada. Par ailleurs, il est crucial de cibler leurs dirigeants pour perturber leur chaîne de commandement. Ces actions doivent s’accompagner d’un renforcement des capacités de renseignement afin de localiser avec précision leurs sites de production et de lancement de missiles.
La lutte contre les Houthis ne peut plus se limiter à des interceptions défensives. Tant que leurs infrastructures ne seront pas détruites et leurs capacités militaires systématiquement perturbées, ils continueront de représenter une menace persistante pour la sécurité régionale et mondiale. Une action coordonnée et déterminée est essentielle pour neutraliser cette menace durablement.
Selon Jean Baudrillard (1929-2007), la société de consommation a « maquillé » l’homme et a détruit en lui tout ce qu’il y a de véritable. Deux ouvrages récents reviennent sur sa pensée et notamment sur ses analyses concernant l’architecture.
En octobre dernier, l’écrin arboré, discret, quasi monacal de l’antenne parisienne de la Columbia University, rue de Chevreuse, dans le 6ème arrondissement de Paris, abritait autour de sa veuve Marine, sous l’intitulé Penser Baudrillard un conclave de vieux amis, savants exégètes et autres passeurs de la pensée de ce grand iconoclaste devant l’Eternel. Plus de quinze ans après la mort de l’impertinent métaphysicien de la « Réalité intégrale », poète et photographe à ses heures, il n’était pas inutile, dans cet entre-soi détendu, de prendre toute la mesure de la portée visionnaire de L’Echange symbolique et la mort, Cool memories (I, II, III, IV), La Transparence du Mal, LeCrime parfait et j’en passe… Films, table ronde, performance, intervenants, cocktail… Du philosophe François L’Yvonnet (qui en 2004 dirigea le Cahier de L’Herne Baudrillard) à Marc Guillaume, Françoise Gaillard ou Benoît Heilbrunn, ce petit monde a ravivé la flamme.
Version 1.0.0
Précoces intuitions
Parmi ces aficionados de la première heure, l’excellent Ludovic Leonelli. Sous les auspices des Beaux-Arts de Paris, éditeur, à la marge, d’une collection baptisée « D’art en questions » – au pluriel -, cet ancien étudiant de Baudrillard à l’Université de Nanterre et historien de formation, interroge sans flagornerie aucune mais tout au contraire avec une singulière liberté d’esprit, assortie d’une impeccable clarté d’expression, ce qui, en 2024, rendent tellement stimulantes les précoces intuitions de Jean Baudrillard (1929-2007). Loin de paraphraser l’écriture imagée, radicalement originale du théoricien, son Baudrillard Spirit a le mérite de dégager, dans une remarquable synthèse critique, les lignes de force qui font rétrospectivement de cette œuvre une grille de lecture salutaire du monde tel qu’il va.
De fait, ce que Baudrillard, au fil de ses ouvrages, a nommé tour à tour « Simulacre », « Virtuel », « Réalité Intégrale », est advenu bel et bien. Le « Système », ou la « Matrice » est en place. Pour reprendre l’intitulé d’un des chapitres de cet essai : « L’au-delà est ici ». C’est-à-dire que les formes de l’échange social sont désormais parfaitement dévitalisées, le politique vidé de sa substance, la sexualité veuve de sa finalité, l’art dit « contemporain » congédié de toute visée transcendante, le « peuple », désormais remplacé par « les masses », privé de la moindre once de souveraineté – les derniers soubresauts des carpes agonisantes dans le marigot élyséen en sont la preuve ! Le « pouvoir » n’offre plus que le visage de sa propre caricature dans le miroir déformant des médias. A l’heure de l’histrionisme généralisé et de la surenchère dans l’abjection, les analyses de Baudrillard demeurent de saison, plus que jamais.
Le portable, comble de l’obscénité
Pour autant, comme l’observe l’auteur à juste titre, « les écrits de Baudrillard (…) n’ont de valeur que conjointement aux autres discours en place. C’est exactement l’inverse d’un discours de vérité. Ceux qui n’y voient que sentences et énoncés performatifs sont, disons-le clairement, totalement à côté de la plaque ». Comme le dit très bien Léonelli, « nous sommes là au cœur d’une singularité du système baudrillardien : penser systématiquement deux hypothèses contradictoires […], ne pas les annuler, mais au contraire les enrichir par effet de frottement et de contamination ».
Ainsi « la Réalité Intégrale, c’est lorsque les techniques de représentation ne renvoient plus qu’à elles-mêmes » […] « le smartphone en est la figure exemplaire : c’est le premier média qui abolit la frontière entre envoyeur et destinataire, entre public, privé et intime. Mieux : c’est un outil qui permet à chacun de devenir le propre média de soi-même. Ce qui pour Baudrillard est le comble de l’obscénité ». Le « mécréant radical », comme Leonelli titre un chapitre de son volume, n’ignore pas que « face à cette réalité intégrale, nous n’avons plus de position critique, nous décodons. […] Court- circuit sidérant. Le terrorisme en est la terrible illustration [qui] n’est que la visibilité monstrueuse de cette coagulation entre l’événement et sa représentation ».
La posture décidément très « abrasive » de Baudrillard sur les questions tournant autour du rapport de la civilisation occidentale aux « sociétés primitives » (les « peuples du Miroir » dans le vocabulaire baudrillardien) tout comme aux peuples anciennement colonisés serait-elle recevable aujourd’hui, tant l’opinion publique est soumise à la terreur du politiquement correct ? Pour Baudrillard, l’assimilation est un leurre. « ‘’L’exotisme radical contre le proxénétisme de la différence’’ – telle est sa conviction fondamentale », commente Leonelli, sur la foi de citations qu’en 2024 on ne proférerait plus qu’à grand risque – l’autocensure bâillonne, et les tribunaux veillent ! Tel cet article de 2005 où Baudrillard assure qu’« une société elle-même en voie de désintégration n’a aucune chance de pouvoir intégrer ses immigrés […] je ne suis pas sûr, poursuit-il, qu’ils aient comme nous l’espérons, tellement envie d’être réintégrés ni pris en charge […] Nous ferions bien de revoir notre psychologie humanitaire ».
Ironie mordante
Baudrillard n’est ni glamour, ni œcuménique. Son ironie mordante à l’endroit des bonnes intentions « droits-de-l’hommistes » s’attaque de la même manière à toutes les disciplines patentées : économie, psychanalyse, anthropologie, philosophie, histoire de l’art et Histoire tout court… Pour lui, « ce ne sont que des métalangages autistes dont les effets de vérité n’ont de valeur que par rapport à leurs propres postulats ». Ceux qui assignent Baudrillard à la corporation des « sociologues » se trompent d’aiguillage : au sociologue, « aucun privilège d’extériorité ne doit lui être réservé » ; la même endogamie lie sa parole à l’objet de son étude ; ce n’est jamais que la sociologie qui invente le « social ».
De La Guerre du Golfe n’aura pas lieu à L’Esprit du terrorisme en passant par La transparence du Mal et jusqu’à L’Echange impossible, Baudrillard oppose systématiquement l’ordre symbolique à la réalité tangible. Mais alors, le penseur ne graviterait-il lui-même que dans sa propre bulle théorique ? Leonelli est bien obligé d’admettre que « JB fait défiler toutes les hypothèses, les plus contradictoires et les plus paradoxales, dans un gigantesque festival pyrotechnique de la pensée où le lecteur médusé ne cherche plus le sens de l’événement, dont Baudrillard l’a délivré, mais la fulgurance des concepts qui éclairent de mille feux le ciel des idées ».
Délirante ? Chimérique, cette pensée, alors ? Hors norme en tous cas reste « celui qui a si bien décrypté notre société » dont il anticipe les plans de campagne de façon si percutante par le sortilège de sa plume : clonage, contagion virale, pandémie de la numérisation, servitude du smart et du selfie, déréalisation du sexe, despotisme du féminisme, obscénité des prétendues formes de libération, vacuité du politique, mirage de l’exponentiel (l’IA) sous le signe du virtuel, etc., etc. Opposant ses intuitions conceptuelles à la rationalité philistine, Jean Baudrillard sidère, avant que de chercher à tout prix à convaincre. En fin connaisseur de son œuvre, Ludovic Leonelli restitue l’auteur de l’ouvrage De la séduction à ce qui, précisément, fait l’attrait incomparable de cette langue : son élégance, son acidité, son efficacité dans la formulation des paradoxes les plus radicaux.
Chose plaisante, c’est à un sociologue de profession, spécialiste reconnu de l’architecture qu’on doit, presque concomitante avec l’éclairant Baudrillard Spirit de Ludovic Leonelli, la parution d’un autre essai : Baudrillard et le monstre (l’architecture) – signé Jean-Louis Violeau. Touffu, digressif, abondamment illustré de photos d’édifices, de projets d’urbanisme, de vignettes exhumant publications ou hautes figures du métier, tel l’ami Jean Nouvel, le texte envisage l’œuvre entier de J.B. au prisme de l’architecture, mais avec les lunettes du sociologue.
Erudit, extrêmement documenté, le texte traverse la création architecturale et urbanistique contemporaine avec une faconde réjouissante. Ce qui est un peu gênant, dans cet ouvrage, c’est qu’au lieu de dispenser un commentaire critique qui renvoie à Baudrillard selon la posture modestement effacée de l’exégète par rapport à son objet d’étude, le style logorrhéique, abscons par moments, de Jean-Louis Violeau, scandé en courts chapitres numérotés de1 à… 37,2 (sic), aux intitulés gourmands (par exemple : 7, la valeur ; 21, la transparence monstrueuse ou le rachat d’un concept en perdition ; 34, renverser le mythe de l’auteur pour redonner vie à l’architecture…) égare le lecteur dans un labyrinthe de considérations et d’aperçus foisonnants, en soi fort intéressants, mais dont Baudrillard paraît davantage l’alibi que le sujet.
Si l’auteur admet que Baudrillard fut « seulement un interprète qui s’amusait à tirer les pointillés du présent, surenchérissant pour tendre régulièrement vers le paroxysme – et sans vraiment chercher à clarifier quoique ce soit, ce n’était pas son problème », et s’il est vrai que « Baudrillard était un critique d’architecture qui ne s’intéressait pas à l’architecture, mais qui prenait le réel pour une œuvre d’architecture tout en l’étoffant de considérations finalement métaphysiques », alors ce mince fil conducteur est vite enfoui sous la quantité d’aperçus adventices dont ce petit livre de 140 pages est chargé. Cela dit, ce « monstre » nous réserve quelques pages assez succulentes sur Disney, par exemple, ou encore sur le fameux projet avorté d’EuropaCity lancé par l’agence BIG du jeune ambitieux Bjarke Ingels… Le style fleuri de Violeau déshabille la profession avec la verve d’un pamphlétaire qui parodierait Baudrillard. Comme quoi la réversibilité – maître-mot du penseur regretté – est toujours à l’œuvre.
Baudrillard Spirit, par Ludovic Leonelli. Collection D’art en questions. Beaux-Arts de Paris éditions. 237p.
Jeudi soir, TF1 diffusait l’un des grands classiques des fêtes de Noël, Love actually, le film choral de Richard Curtis, sorti en 2003 sur les écrans. Occasion pour une certaine Hélène Marzolf de conspuer cette daube sexiste, grossophobe, anti-diversité-racisée-LGBT — bref, tout ce que représente pour Télérama, le journal télé des élites qui votent Sandrine Rousseau, Danièle Obono et Aymeric Caron, la pensée franchouillarde d’extrême-droite des boomers fatigués — étant entendu que tous ces mots sont synonymes. Notre chroniqueur en a fait ses choux gras.
Roland Barthes, dans les années 1950, qualifiait le journal Elle de « véritable trésor mythologique ». Le bâton de maréchal des idées reçues et de la bien-pensance est désormais passé à Télérama, que les édiles parisiens dépouillent chaque semaine pour rester au niveau intellectuel de leurs électeurs — c’est-à-dire au ras du sol.
Le romantisme, c’est réac
Jeudi soir passait sur TF1 le joli film de Richard Curtis, Love actually. Télérama en a profité pour nous infliger une leçon magistrale de wokisme et d’intersectionnalité.
Le film serait donc devenu le « rituel doudou de Noël » — qui nous protège de la réalité saumâtre de ce monde injuste où Lucie Castets n’est pas encore Premier ministre. Vingt ans après sa sortie, « la sucrerie a pris un bon coup de pelle ». C’est si vrai que son réalisateur, Richard Curtis, « a fait son mea-culpa. Épinglé par sa fille, qui reproche à son œuvre son manque de diversité et sa grossophobie, le scénariste de Quatre Mariages et un enterrement, Bridget Jones et Coup de foudre à Notting Hill a reconnu qu’il faisait des films de boomeurs ». Crime suprême que de s’adresser aux plus de cinquante ans, avec un navet à « diversité quasi nulle, romantisme réac et ultra genré, et léger relent de xénophobie en prime ».
Voilà les futurs metteurs en scène prévenus. Blanche-Neige doit être noire et gouine pour plaire à Télérama, et les coups de foudre n’existent pas pour une nouvelle génération qui vit ses amours dans l’équité, le respect de l’autre (« puis-je dégrafer ton soutif, chérie ? ») et la haine instinctive de l’infidélité (beurk !), de la reproduction (re-beurk) et de la domination paternaliste. Richard Curtis, auteur de ce « rêve du macho de base », est prié de faire contrition publique, comme ces gamines blondes qui aux Etats-Unis, baisaient les pieds des footballeurs de couleur, après l’affaire George Floyd en 2020.
La bibliothèque idéale de Caroline de Haas
L’homosexualité (4,5% de la population, selon toutes les statistiques fiables) est désormais une référence obligée de toute histoire d’amour : « Difficile, explique Hélène Marzolf, de ne pas voir que le film a oublié un autre truc. L’amour entre personnes du même sexe… Oups ! »
Oui. Dans La Princesse de Clèves, Manon Lescaut, Madame Bovary, il n’y en a pas non plus. Vite, dépêchons Caroline de Haas dans nos bibliothèques pour les purger de ces brûlots sexistes.
À noter que dans Quatre Mariages et un enterrement, Richard Curtis avait inséré l’une des plus belles scènes d’amour et de mort, à l’occasion du décès du compagnon de l’un des protagonistes. Alors, homophobe un jour, mais pas homophobe toujours ?
Je n’ai pas besoin de réalisateurs et d’auteurs contemporains pour me faire des leçons sur l’homosexualité sous toutes ses formes. Il me suffit de relire La Recherche du temps perdu — mais Hélène Marzolf sait-elle vraiment lire, hors Annie Ernaux, Edouard Louis et Virginie Despentes, trinité sainte de la nullité littéraire ?
Jusqu’à quand tolèrerons-nous les diktats d’une élite auto-proclamée qui ne représente qu’elle-même ? Les journaux de la Gauche bien-pensante ne sont même pas arrivés à analyser la victoire de Trump comme une défaite générale du wokisme personnifié par Kamala Harris. Ils ne saisissent pas que #MeToo, par ses excès et ses préjugés, fait désormais horreur à une majorité de Français : tant pis pour celles et ceux qui ont réellement été violés. Ils plaident pour Lucie Castets, qui coche au moins la case « lesbienne », ou pour Mathilde Panot, idole de ces décervelés… L’une et l’autre se distinguent par une bêtise massive à laquelle s’identifient, sans doute, des électeurs de Gauche de moins de quarante ans formés par Philippe Meirieu, pape de l’analphabétisme contemporain, comme le souligne par ailleurs Didier Desrimais.
Désabonnez-vous de Télérama, et abonnez-vous à Causeur, c’est moins cher et plus intelligent. Et hurlez chaque fois que le wokisme pousse ses feux : c’est sur le terrain de l’idéologie (et pas de l’économie !) que se dérouleront les prochaines élections.
Marine Le Pen risque une peine d’inéligibilité, relançant les débats sur l’intervention de la justice en politique. De son côté, l’ancien ministre Éric Dupond-Moretti avait été relaxé malgré des accusations de prise illégale d’intérêt. Quant à Nicolas Sarkozy, il contestera sa scandaleuse condamnation définitive devant la Cour européenne des droits de l’homme. Trois illustrations récentes de l’inquiétante pénalisation de la vie publique en France
Bien que reléguée au rang d’autorité et non de pouvoir, l’institution judiciaire investit désormais le domaine politique, jusqu’à défier la doctrine classique de la séparation des pouvoirs. Le juge ne serait-il donc plus la simple « bouche qui prononce les paroles de loi » (Montesquieu, De l’esprit des lois) ?
Polémique sur la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen
En requérant l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité contre Marine Le Pen, le Parquet de Paris ouvre une nouvelle controverse sur l’immixtion de l’autorité judiciaire dans la sphère politique. L’exécution provisoire vise à empêcher la candidate naturelle du RN de se présenter à l’élection présidentielle. Pour quels motifs ? Le détournement de fonds publics du Parlement européen reproché est exempt de tout enrichissement personnel et de tout emploi fictif. Le grief en cause est lié à l’emploi des crédits, que le FN aurait affectés à l’action nationale du parti au lieu d’une affectation à son action européenne. S’agissant de la peine d’inéligibilité, en principe obligatoire, le tribunal n’est pas tenu de prononcer son exécution provisoire. Le primat du suffrage universel et la raison juridique commandent que ce dispositif soit exécutoire pour une condamnation définitive.
Les parlementaires, à la différence des ministres qui répondent devant la Cour de Justice de la République (CJR), sont justiciables des juridictions ordinaires, même pour les actes accomplis dans l’exerce de leurs mandats. Soit. Mais, l’ingérence de l’autorité judiciaire dans le pouvoir législatif est le fruit d’une construction jurisprudentielle par laquelle, les juges interprètent, audacieusement ici, le « détournement de fonds publics » dont dispose l’article 432-15 du Code pénal. Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, est même d’avis que cette disposition « n’est pas conçue pour s’appliquer aux conditions d’emploi d’un assistant parlementaire, car les fonctions d’un parlementaire (national ou européen) sont des fonctions institutionnelles, des fonctions de souveraineté… »[1]. Mais nous savons avec Giraudoux que « le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité »[2] ! Les actes politiques appellent donc une responsabilité politique. Les juridictions de droit commun connaissent des infractions de droit commun. Mais tel n’est pas le cas, en l’espèce, à la différence d’un député pris en flagrant délit d’achat de drogue (on pense au LFI Andy Kerbrat) ou de tout autre délit ou crime détachable de la fonction comme celui par exemple le délit d’apologie de terrorisme qui n’a pas pour support nécessaire l’exercice du mandat…
C’est donc la seconde fois depuis l’affaire Fillon que l’autorité judiciaire interfère dans l’élection présidentielle. L’autorité judiciaire a pourtant une lecture vétilleuse de la séparation des pouvoirs lorsqu’elle estime que son indépendance est menacée. Elle s’est montrée courroucée en 2006 au moment de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la Justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement…
La prise illégale d’intérêt devant la Cour de justice de la République
En juin 2020, l’hebdomadaire Le Point révélait l’existence de l’enquête préliminaire parallèle ouverte par le Parquet national financier (PNF) le 3 mars 2014 sur les faits présumés de violation du secret de l’instruction visant à débusquer « la taupe » soupçonnée d’avoir prévenu l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, et son avocat, Thierry Herzog, que leur ligne secrète était surveillée. C’était l’affaire dans l’affaire dite « Bismuth ».
À cette occasion, les factures détaillées ou « fadettes » des avocats, amis et relations de maître Herzog ont été épluchées. Ces investigations sont à l’origine du conflit entre les magistrats et l’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti qui, lorsqu’il était avocat, avait déposé plainte pour atteinte à la vie privée (plainte retirée au moment de sa prise de fonction). L’enquête administrative visant trois magistrats du PNF avec lesquels il avait été en opposition en tant qu’avocat, provoqua la mise en examen du garde des Sceaux du chef de délit de prise illégale d’intérêt, et à son renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR). Pour rappel, cette enquête était demandée à la suite du rapport de l’Inspection générale de la justice sur le fonctionnement du PNF. Le 29 novembre 2023, la Cour prononça la relaxe en jugeant que le ministre était certes « en situation objective de conflits d’intérêts » et que ses décisions étaient matériellement constitutives de prises illégales d’intérêt, mais qu’il ne le savait pas. L’élément intentionnel faisait donc défaut pour que l’infraction soit constituée. Le Parquet avait requis un an de prison assorti du sursis, ce qui aurait contraint le garde des Sceaux à la démission.
L’USM, syndicat majoritaire, qualifiait la nomination d’Éric Dupond-Moretti de « déclaration de guerre à la magistrature ».
La condamnation définitive de Nicolas Sarkozy dans l’affaire « Bismuth »
La Cour de cassation vient de confirmer la condamnation de l’ancien président de la République pour corruption active et trafic d’influence, à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique (arrêt du 18 décembre 2024). Il lui est reproché d’avoir tenté d’obtenir des informations auprès d’un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, sur l’instance relative à sa demande de restitution des agendas présidentiels, saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt pour laquelle M. Sarkozy fut d’ailleurs relaxé, en échange d’une promotion de ce magistrat à Monaco. L’affaire, montée au moyen d’écoutes téléphoniques entre un avocat et son client, retranscrites dans le cadre de l’affaire dite du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, viole manifestement les droits de la défense. Il s’agit de sept mois d’interception qui, selon des juristes les mieux avisés (Jean-Eric Schoettl) n’établissent pas de preuves solides, ni même un faisceau d’indices graves et concordants susceptibles de fonder une condamnation aussi infamante. La loyauté des débats est sujette à caution : l’ancien président n’eut officiellement connaissance de ces écoutes que postérieurement à la clôture de l’instruction. Il ne pouvait donc invoquer leur nullité puisque l’article 385 alinéa 1er du code de procédure pénale prévoyait l’obligation de purger les nullités de procédure avant la clôture. Or, cette disposition fut déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel comme portant atteinte au droit d’exercer un recours effectif et aux droits de la défense (Décision QPC du 28 septembre 2023). L’ancien chef de l’Etat a donc décidé de se pourvoir devant la Cour européenne des droits de l’homme qui a déjà jugé contraire au secret professionnel et aux droits de la défense le fait de retenir à la charge d’une personne la retranscription d’un échange avec son avocat (arrêt du 16 juin 2016, Affaire Buffalo Grill).
L’ascension de l’autorité judiciaire a déséquilibrée la séparation des pouvoirs. Montesquieu préconisait ceci : pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Le temps est venu à bien des égards de limiter l’emprise des autorités judiciaires sur le système politique. Le temps est venu de convoquer un « lit de justice ». Le retour à l’étiage juridictionnel sera plus conforme à l’épure de la séparation des pouvoirs.
[1] Le parquet de Paris veut-il exclure Marine Le Pen du jeu démocratique ? », Le Figaro14/11/2024
Ceux qui ont critiqué le film Vaincre ou mourir et ont des boutons à l’évocation d’un éventuel « génocide vendéen », seraient-ils les mêmes que ceux qui veulent absolument voir un « génocide » à Gaza, par hasard ? Le billet de Dominique Labarrière.
Il y a deux semaines, la chaîne de télévision C8 diffusait le film Vaincre ou Mourir, de Vincent Mottez et Paul Mignot. Ce long métrage retrace l’épopée du peuple vendéen dressé sous la bannière royaliste face aux armées de la Révolution. Le chevalier François Athanase Charrette de la Contrie conduit aux combats ces gueux magnifiques. Gueux et autres que gueux, d’ailleurs. Tous paieront au prix fort cette révolte certes désespérée, mais héroïque. Deux cent mille tués. Quarante mille massacrés par les vingt-quatre colonnes infernales de Turreau à qui le Comité de Salut public a donné pour consigne – sobre et claire – de les « exterminer tous. »
Un film qui n’a pas un parti-pris de gauche, vous imaginez l’Histoire…
Je voulais revoir ce film. Premièrement pour l’intérêt que je lui porte mais aussi pour la présentation qui en était faite dans l’hebdomadaire de télévision populaire entre tous, Télé 7 jours. Très brève présentation sous la signature du critique Julien Barcilon. Je cite : « Produit par le Puy du Fou, ce film aux allures de docu-fiction militant est aussi maladroit sur la forme que contestable sur le fond tant le manichéisme et l’idéologie sont aux commandes. » Ayant lu ces lignes et, m’étant d’autant plus résolu à revoir le film, j’en suis arrivé à la conclusion que cet expert ès productions télévisuelles ne l’avait pas vu, lui, ou qu’il ne connaissait pas bien l’histoire. Probablement les deux. Le dénigrement tiendra donc lieu ici de culture et de méthode. Travers fort répandu de nos jours, nul ne l’ignore. D’entrée, nous l’avons vu, le rédacteur tient à préciser que le Puy du Fou est le producteur. Indéniablement, il s’agit ici, par ces simples mots, de donner à penser au lecteur qu’il ne peut s’agir que d’un infâme brouet de la droite extrême. Brouet « militant », est-il précisé. Puis viennent les termes finement choisis de « manichéisme » et « d’idéologie ». Choix très intéressant. Ce que notre plume distinguée appelle manichéisme n’est autre que le parti pris assumé, annoncé d’emblée, d’un angle, d’un point de vue, de l’expression d’une sensibilité particulière, orientée – oui orientée. Orientée, mais précisément non manichéenne dans son traitement.
Ce que ce critique aurait certainement débusqué en prêtant au film un soupçon d’attention soutenue. Orientée tout simplement parce que ce film est un film de convictions. Mais manifestement l’auteur a du mal à différencier convictions et idéologie. Pour l’y aider, nous pourrions glisser que son petit texte, lui, est tout entier frappé d’idéologie. Mais passons. Convictions elles aussi, répétons-le, annoncées et assumées. Le spectateur sait donc à quoi s’attendre. C’est ce qui différencie aussi l’idéologie de la conviction. La conviction propose, l’idéologie impose et s’impose.
Obsession exterminatrice
Enfin, j’ai osé en sous-titre le mot génocide. À mon tour d’assumer. Oui, j’assume. Nous avons maintes fois entendu les tenants du même politiquement correct beugler à l’envi qu’il ne pouvait s’agir de cela, d’un génocide, le Vendéen n’étant pas véritablement une race. Courte vue, pauvre analyse ! Pour ma part (en compagnie de bien d’autres par bonheur) je tiens et affirme que le Vendéen est bel et bien une race. Qu’importe que les critères anthropologiques, ethnologiques, etc. réfutent cette affirmation. Il s’agit d’une tout autre justification qui, je l’avoue me ravit tant elle est cruelle pour ceux qui s’obstinent dans le déni. Ce qui fait que la Vendée est une race, ce n’est ni la physiologie, la génétique ou que sais-je encore, ce sont tout simplement les décrets de la Convention.
Assurément, c’est l’obsession exterminatrice du Comité de Salut public – la même, rigoureusement la même, que celle du Hamas le 7 octobre 2023 contre le peuple juif – qui par une violente mais gratifiante malignité des choses exhausse ce peuple martyr à la dignité de race.
Emmanuel Macron, Donald Trump et Volodymyr Zelensky à l'Elysée le 7 décembre 2024
JEANNE ACCORSINI/SIPA
Avec Harold Hyman, Eliott Mamane, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.
Le Monde est-il un nid d’islamo-gauchistes? Voilà ce que suggèrent les révélations d’Eugénie Bastié dans Le Figaro. Y a-t-il déjà en cours des négociations entre Washington, Kiev et Moscou? Quel est le poids de l’Europe et de la France sur la scène internationale aujourd’hui? Donald Trump s’immisce dans la vie politique canadienne.
Dans cette tribune, le Républicain Mansour Kamardine, ancien député, rappelle la nécessité urgente de maîtriser l’immigration irrégulière à Mayotte, obstacle majeur au développement durable du 101e département français. Il appelle à des mesures strictes, et estime qu’il faut orienter les investissements étatiques vers les priorités des Mahorais.
La 1ère priorité, incontournable, doit donc être de maîtriser les frontières notamment en coupant toutes les pompes aspirantes de l’immigration irrégulière (droit du sol, accès gratuit et illimité aux soins, obligation de scolariser même lorsqu’il manque, comme actuellement, 1200 classes de primaire dans le département, droits individuels des personnes étrangères supérieurs à la notion l’intérêt général).
La 2ème priorité, concomitante, doit être la mise en œuvre dans les meilleurs délais de la loi d’urgence pour Mayotte annoncée par le président de la République.
Il est impératif, comme le propose Emmanuel Macron, qu’elle allège les procédures de gestion de la dévastation et de reconstruction de Mayotte, comme ce fut le cas pour l’organisation des Jeux olympiques et la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Elle devra également – ce sera une nouveauté – prendre en compte les priorités des Mahorais dans les nécessaires investissements de l’Etat concernant les infrastructures de développement du 101ème département.
Parmi les priorités des Mahorais, il y a en particulier :
– L’impossibilité de régulariser les personnes arrivées clandestinement à Mayotte ;
– L’entrave systématique et immédiate à la construction d’habitations informelles et de bidonvilles ;
– L’abandon de la construction d’habitations destinées prioritairement à des personnes étrangères arrivées en situation irrégulière (500 millions d’euros dans le dernier contrat de plan État-Région).
Si les « bonnes âmes » immigrationnistes avaient l’indignité de protester, nous ne manquerions pas de leur rappeler la très lourde responsabilité de leur idéologie mortifère dans le bilan humain qui s’annonce effroyable et qui me peine tant.
Certains ont voulu en faire le procès de tous les hommes. D’autres ont estimé qu’il illustrait la nécessité de légiférer sur le « consentement ». Mais, le procès des viols de Mazan demeure le procès particulier d’hommes pervers particuliers, dans une société particulière – la nôtre.
Le 19 décembre 2024, la cour criminelle du Vaucluse a rendu son verdict dans l’affaire des viols de Mazan, un dossier glaçant impliquant Dominique Pelicot et cinquante coaccusés. Dominique Pelicot, principal accusé, a été condamné à la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle pour viols aggravés sur son épouse, Gisèle. Pendant une décennie, il l’a droguée et livrée à des dizaines d’hommes. Sa condamnation, assortie de deux tiers de peine de sûreté, garantit qu’il purgera au moins 13 ans avant tout aménagement de peine. Les cinquante autres accusés ont également été reconnus coupables, écopant de peines allant de trois à 15 ans de prison, en fonction de leur degré d’implication.
Tous coupables ou tous malades ?
Ce procès a mis en lumière une réalité de plus en plus évoquée : la banalité du mal. Parmi les accusés, des hommes ordinaires, des « monsieur-tout-le-monde », occupant des fonctions respectées : commerçants, cadres, retraités. Comme si cette révélation devait encore surprendre. Mais que révèle-t-elle au juste ? Combien d’artistes exposent des photographies de femmes nues et endormies ? Combien de sites pornographiques, accessibles à tous, y compris aux enfants, glorifient la soumission des femmes, parfois violées dans leur sommeil ? Et ce qu’il est interdit de dire : combien de femmes ont des fantasmes de viol ?
À Joigny, petite ville de Bourgogne, un stand de marché propose des bandes dessinées illustrant des supplices inimaginables : femmes violées, éventrées, les entrailles à l’air, parfois décapitées. Ces ouvrages, imprimés en Italie, trouvent leur public. « Elles se vendent comme des petits pains », me confie le vendeur. « Les gens viennent les acheter, les emprunter, toujours à la recherche de nouvelles séries. » À Joigny, paisible bourgade provinciale…
Les malades mentaux visibles, enfermés dans des institutions psychiatriques, ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Une multitude de fous, bien habillés et en apparence fonctionnels, déambulent librement. Pervers narcissiques, sociopathes, paranoïaques, dépressifs chroniques : ils sont parmi nous. Leur langage commun ? La violence, qu’elle prenne la forme de maltraitances, d’humiliations, d’abandons ou de culpabilisations.
Indignations
Mais reconnaissons-le : cette folie n’est pas un mal extérieur. Elle vit en chacun de nous, prête à surgir, attisée par nos peurs ou nos frustrations face aux défis de l’existence. Nous portons tous des cicatrices, issues de notre enfance ou de nos interactions sociales. Certains réussissent à s’en relever, progressant maladroitement mais avec résilience. D’autres, hélas, s’enferment dans un cercle vicieux de haine et de ressentiment, infligeant à leur entourage les blessures qu’ils n’ont pu guérir. Ils brutalisent leurs enfants, les manipulent, les abandonnent. Ces enfants, à leur tour, perpétuent ce cycle de violence, oscillant entre soumission et agressivité, entre manque d’amour-propre et narcissisme maladif.
Il serait naïf de croire que la réussite sociale ou matérielle protège de cette aliénation. Bien au contraire, les postes de pouvoir, en politique ou dans l’entreprise, attirent souvent des individus au profil psychopathe. Ces séducteurs narcissiques fascinent des foules en quête de figures à idolâtrer, projetant sur eux leurs propres rêves inassouvis. Ainsi se déploie l’irrationalité des dynamiques sociales, où se mêlent intimidation et soumission, égoïsme brutal et philanthropie feinte, violence gratuite et adhésion aveugle aux idéologies les plus insensées.
L’indignation suscitée par les violeurs de Gisèle Pelicot est légitime, mais elle masque une réalité plus vaste. Ces hommes ne sont que les symptômes d’une société profondément malade. Une société déréglée, où les limites s’effacent, où les fantasmes et les pulsions individuelles trouvent libre cours, alimentés par les réseaux sociaux et l’absence de repères.
Ce n’est pas le patriarcat qui est ici à l’œuvre. Bien au contraire, l’affaire Pelicot illustre l’avènement d’une société sans pères, une société qui, selon Alexandre Mitscherlich dans Vers une société sans pères (1963), se prive des cadres structurants qu’incarnait autrefois l’autorité paternelle. Or, sans ces figures d’autorité capables d’imposer des limites, les individus se retrouvent livrés à eux-mêmes, pris au piège de leurs pulsions et de leurs fragilités.
Il est nécessaire que la justice sanctionne des coupables mais cette affaire nous force à interroger notre responsabilité collective. Elle révèle une culture permissive qui, sous prétexte de libération, abandonne tout effort pour canaliser les instincts destructeurs de l’être humain.
L’élection de Donald Trump représente-t-elle une aberration extraordinaire dans l’histoire des États-Unis, ou constitue-t-elle un tournant politique majeur, à l’image du New Deal de Franklin D. Roosevelt dans les années 1930, qui a profondément modifié le rapport des Américains à l’État ? Pour le correspondant permanent de la chaîne d’information continue Newsmax à la Maison-Blanche, cet événement décoiffant est d’abord la marque d’un pays pragmatique.
La victoire de Donald Trump lors du dernier scrutin présidentiel américain est tout simplement le plus grand come-back politique de l’histoire. Ni Richard Nixon, qui a essuyé deux défaites électorales majeures avant de gagner la course à la Maison-Blanche, ni Juan Perón, qui a vécu en exil pendant dix ans avant de reconquérir le pouvoir en Argentine, ni Winston Churchill, qui a été « congédié, écarté, abandonné, rejeté et détesté» avant de revenir aux affaires en 1940, ni Charles de Gaulle passé lui aussi par une longue traversée du désert avant de fonder la Ve République, n’ont rencontré autant d’obstacles que Trump ces quatre dernières années.
Après avoir quitté Washington dans la disgrâce en janvier 2020, puis avoir été tenu responsable des violences commises lors de l’attaque du Capitole, Trump a dû surmonter deux mises en accusation (« impeachments ») au Sénat, deux tentatives d’assassinat, quatre procès criminels et une condamnation pénale pour 34 chefs d’accusation dans l’affaire Stormy Daniels, où il a été convaincu, en première instance, de falsification de documents aux fins de dissimuler des paiements lui ayant permis d’acheter le silence de cette actrice pornographique.
Son élection est un triomphe. Trump a non seulement obtenu la majorité du suffrage populaire (une première pour un candidat républicain depuis vingt ans), mais aussi remporté 31 États sur 50, et raflé 312 voix au collège électoral contre 226 pour son adversaire Kamala Harris. Les chiffres révèlent en outre la transformation de l’électorat du « Grand Old Party ». À la surprise de nombreux commentateurs, Trump a engrangé 20 % des votes afro-américains (il faut remonter à Richard Nixon en 1960 pour retrouver un tel résultat pour un candidat républicain), mais aussi 39 % des votes hispaniques (meilleur score républicain depuis George W. Bush en 2004), et 32 % des votes juifs (seul Ronald Reagan a fait mieux chez les républicains, en 1980). Il a également récolté un tiers des votes musulmans.
La « cerise sur le gâteau » de cette élection est la prise de contrôle du Sénat par les partisans de Trump, ainsi que le maintien de leur majorité à la Chambre des représentants. Le président élu devrait ainsi avoir les mains libres pour faire adopter son programme au Congrès. Comment expliquer un tel succès ? Par un fait crucial : le retour de l’inflation qui a mis à mal l’économie du pays durant le mandat de Joe Biden. Résultat, nombre d’Américains, qui se souviennent d’une période plus prospère sous l’administration précédente, ont choisi de pardonner ses erreurs passées à l’ex-président républicain et d’adhérer à son slogan de campagne : « Trump can fix it » (« Trump peut réparer ça »).
Les propos du candidat républicain sur l’immigration illégale ont aussi joué un rôle majeur dans sa victoire. Ce phénomène massif (on dénombre 11 millions de clandestins aux États-Unis) est perçu par beaucoup d’électeurs comme une menace pour l’identité et la sécurité nationale. Aussi, Trump n’a pas rebuté sa base quand, lors de la campagne, il a par exemple affirmé qu’en Amérique du Sud et au Proche-Orient, certains pays hostiles aux États-Unis s’apprêtaient à « ouvrir leurs hôpitaux psychiatriques » pour y libérer des malades mentaux aussi dangereux qu’Hannibal Lecter (le criminel cannibale du film Le Silence des agneaux) et les envoyer aux États-Unis.
Trump a en outre été aidé par Kamala Harris, qui n’est pas parvenue à faire oublier son soutien passé à des causes absconses, comme celle des transgenres, de nature à aliéner au Parti démocrate sa base traditionnelle, notamment parmi les ouvriers.
Propulsée en première ligne suite au brusque désistement de Biden, Harris est, depuis 1952, la première candidate à une présidentielle américaine à avoir reçu l’investiture d’un parti sans avoir participé à sa primaire ni obtenu le soutien officiel d’un seul délégué. « La marque démocrate est en piteux état », a commenté, quelques jours après l’annonce des résultats, Matt Bennett, dirigeant de Third Way, une organisation démocrate centriste. « Le pays a beaucoup basculé à droite… Les électeurs que nous avons perdus ont observé les démocrates et ont dit : “Ils ne comprennent pas ma vie. Je ne veux pas qu’ils me représentent.” »
Harris a également fait un faux pas majeur dans le talk-show « The View » sur la chaîne ABC. On lui demande de lister les sujets sur lesquels elle n’était pas d’accord avec l’impopulaire Biden. Sa réponse : « Rien ne me vient à l’esprit… J’ai été impliquée dans la plupart des décisions ayant eu un impact. » De plus, elle a commis l’erreur majeure de prendre le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, comme colistier plutôt que Josh Shapiro, gouverneur de Pennsylvanie, beaucoup plus qualifié. Accusé d’avoir exagéré ses exploits militaires et d’avoir menti sur sa présence en Chine lors du massacre de la place Tiananmen en 1989 (en réalité, il s’y est rendu plusieurs mois après), Walz n’a guère brillé lors de son débat télévisé face au colistier de Trump, J. D. Vance.
On pourrait recenser longtemps les nombreuses erreurs stratégiques commises par les démocrates, et analyser les choix judicieux opérés au contraire par le Parti républicain, notamment en optant pour davantage de populisme et de nationalisme. Mais une autre hypothèse permet peut-être de comprendre ce qui vient de se produire : malgré tous les défauts du personnage, les Américains ont été, à ce moment précis de leur histoire, davantage séduits par l’homme Trump.
Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui aspirent à être gouvernés par un leader à poigne. Auteur d’un essai à succès justement consacré à ce sujet, The Age of the Strongman (« L’Âge de l’homme fort »), paru en 2022, le journaliste britannique Gideon Rachman a mis en exergue un sondage de l’institut Pew, selon lequel 32 % des Américains souhaitent que le détenteur du pouvoir exécutif n’ait pas les mains liées par la justice ni par le Parlement. Un autre sondage, publié l’an dernier, montre que 38 % des Américains, et parmi eux 48 % des électeurs républicains, pensent que leur pays a besoin d’un dirigeant prêt à « enfreindre certaines règles, si c’est nécessaire pour améliorer les choses ».
À l’époque actuelle, l’idée que nous avons besoin pour nous gouverner d’un « éléphant possédant sa propre boutique de porcelaine » – mot de Winston Churchill à propos du secrétaire d’État américain John Foster Dulles – n’est pas propre à Trump ou au peuple américain. Au cours des douze derniers mois, des mouvements et des partis similaires – que ce soit le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, le Parti de la liberté (FPÖ) de Herbert Kickl en Autriche, le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders aux Pays-Bas, ou le très controversé parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) – ont connu un succès immense et sans précédent lors d’élections en Europe.
Dès qu’un nouveau leader, porteur d’une idéologie peu orthodoxe, arrive au pouvoir, se pose la question de son aptitude à gouverner. Donald Trump et le Parti républicain ont été confrontés à cette interrogation en 2016 lorsqu’ils ont remporté de justesse une élection qu’ils ne s’attendaient pas à gagner. À l’époque, le président a nommé comme ministres et conseillers des individus qu’il n’avait rencontrés qu’une ou deux fois dans sa vie, et qui, dans de nombreux cas, étaient des survivants de l’« establishment » républicain de George W. Bush et Mitt Romney. Les « relations de travail » avec eux se sont avérées difficiles.
Trump a ainsi changé quatre fois en quatre ans de chef de cabinet et de conseiller à la sécurité nationale. Il a aussi licencié son premier secrétaire d’État ainsi que son secrétaire à la Défense. Déçus et en colère, plusieurs vétérans de sa première administration ont annoncé cette année qu’ils ne voteraient pas pour lui. Certains ont même rejoint le mouvement des « Républicains pour Harris ».
Trump ne commettra pas la même erreur dans la composition de la future administration. Au lieu d’une « équipe de rivaux » (c’est ainsi qu’on a baptisé en 1861 le premier cabinet d’Abraham Lincoln, qui s’était entouré d’ennemis internes à son parti), il s’agira davantage d’une « équipe de convenance », comme celle formée en 1933 par Franklin D. Roosevelt, avec des proches et des alliés politiques, mais aucun poids lourd de son mouvement.
Jusqu’à présent, le président élu a nommé des personnes à même de le suivre sur son programme et avec lesquelles il a déjà travaillé. Le sénateur Marco Rubio, de Floride, désigné comme secrétaire d’État, et Pete Hegseth, animateur de Fox News, choisi comme secrétaire à la Défense, ont collaboré avec lui pendant des années. Ils savent anticiper ses attentes et gérer son caractère.
Il en va de même pour la future cheffe de cabinet de la Maison-Blanche, Susie Wiles, qui, en tant que responsable de la campagne victorieuse de Trump, connaît mieux que quiconque les caprices et les humeurs de son patron. À 67 ans, Wiles aura pour tâche de surveiller l’accès au président, de le protéger des personnes susceptibles de le distraire ou de lui donner de mauvais conseils. « Contrairement aux présidents précédents, Trump laissait la porte du bureau ovale ouverte pendant la journée, et n’importe qui le connaissant pouvait entrer, rapporte un vétéran des années 2016-2020 sous couvert d’anonymat. Il pouvait être au téléphone avec, disons, Poutine, et quelqu’un qu’il connaissait de la côte Est pouvait entrer dans la pièce. Il disait : “Attends un instant, Vladimir, Dan du New Jersey vient d’arriver.” » Dans l’entourage de Wiles, on affirme que cela ne se produira pas cette fois-ci. Une source a confié à CNN : « Avec Wiles, le cirque n’aura plus accès à la Maison-Blanche quand il veut. Et Trump est d’accord avec elle. »
Dans un article paru dans le Financial Times juste après l’élection, le politologue américain Francis Fukuyama estime que « la victoire écrasante de Donald Trump et des républicains entraînera des changements majeurs dans des domaines politiques importants, de l’immigration à l’Ukraine. »
Les attentes immédiates des Américains sont d’abord intérieures. Elles concernent en premier lieu l’inflation et la dépense publique. Même si Trump n’est pas un anti-étatiste pur et dur (puisqu’il a exprimé son souhait de maintenir la Sécurité sociale), il a demandé au milliardaire libertarien Elon Musk de diriger un nouveau « département de l’efficacité gouvernementale », dont l’objectif sera de réduire la réglementation et l’inefficacité des services publics.
Trump envisage aussi d’instaurer des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les biens produits à l’étranger. Une décision qui pourrait entraîner, selon Fukuyama, des « représailles massives » de la part de divers pays et avoir des effets négatifs sur « l’inflation, la productivité et l’emploi ». Libre-échangistes par conviction, de nombreux élus républicains à la Chambre des représentants et au Sénat risquent de se montrer très réticents sur ce volet de la politique trumpiste.
Autre point clé du programme du président élu : la fermeture des frontières et l’expulsion d’un maximum d’immigrants illégaux. Il n’est toutefois pas exclu que, par réalisme, Trump finisse par demander que l’on se contente de punir les employeurs recrutant des travailleurs sans papiers, ce qui est déjà prévu par la loi, mais guère appliqué.
Enfin, c’est en politique étrangère que l’on peut s’attendre aux plus grands changements. Opposé depuis longtemps à ce qu’il appelle les « guerres sans fin », Trump cherchera probablement à négocier un accord entre Moscou et Kiev – en proposant peut-être un retrait russe contre l’engagement de l’Ukraine de ne pas rejoindre l’OTAN. De même, il est possible que sa réticence à déployer des forces américaines à l’étranger profite au dirigeant chinois Xi Jinping et à son projet d’absorber Taïwan dans la « mère patrie ». En revanche, le président élu sera, selon Fukuyama, « entièrement favorable aux guerres de Benjamin Nétanyahou contre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran ».
Le collectif Au nom du peuple est composé de magistrats judiciaires du siège et du parquet en exercice. Ne se reconnaissant pas dans la communication officielle du ministère de la Justice et des syndicats, son objectif est d’apporter au grand public des réponses concrètes aux questions que le fonctionnement de la Justice pose.
Ami magistrat, de France ou de Navarre, jeune juge fringant tout juste sorti de l’école ou vieux briscard des parquets, si toi aussi tu as chaque jour le sentiment de vivre dans une dimension parallèle et que tu hésites entre le fou rire et te rouler par terre en pleurant quand tu entends le garde des Sceaux prendre la parole en ton nom dans les médias, cette chronique est pour toi.
Tu as compris depuis longtemps que ton ministère est avant tout celui de la caution morale et des demi-vérités ; que son activité principale est de noyer la réalité dans des termes techniques abscons et des statistiques incomplètes ou obscures ; que son objectif premier est que ni la presse, ni les élus, ni surtout ceux que nous appelons du vocable barbare de justiciables – le peuple français, donc – ne comprennent un traître mot de ce qui se passe dans les tribunaux.
Tu as tantôt honte d’appartenir à cette machine à fumée, tantôt envie de démissionner, tantôt la conviction que rester à ton poste est le meilleur moyen de limiter la casse et de sauver par ta petite action quelques dossiers, par-ci par-là, de temps en temps, en les soustrayant à l’effrayante inertie de la Machine.
Dura lex sed lex
Mais surtout, ami magistrat, tu en as assez que ton ministre[1] raconte n’importe quoi.
Tu voudrais pouvoir dire : bien sûr que la Justice est laxiste !
Elle l’est parce que la loi lui demande de l’être, qu’elle lui interdit de ne pas l’être et qu’elle exige des tombereaux de justifications lorsqu’on souhaiterait déroger à ce courant dominant.
Elle l’est parce que l’objet principal du Livre premier du Code pénal est d’expliquer comment ne pas prononcer puis comment ne pas appliquer les peines prévues par les quatre livres suivants.
Elle l’est parce que le législateur permet qu’on prononce un travail d’intérêt général pour un trafic de stupéfiants en récidive et un emprisonnement avec sursis pour un viol.
Elle l’est parce que le droit positif prévoit une paperasse invraisemblable pour justifier de la peut-être éventuelle nécessité d’incarcérer un délinquant multirécidiviste.
Elle l’est parce que si par miracle ce délinquant multirécidiviste est poursuivi par le Parquet, incarcéré par le Tribunal correctionnel ou la Cour d’assises et maintenu en détention par la Cour d’appel, il pourra compter sur le juge d’application des peines pour lui octroyer une réduction de peine et/ou la possibilité d’effectuer sa peine chez lui – réduisant à néant la décision des multiples magistrats intervenus avec lui, dans la passivité et l’indifférence les plus totales de ces derniers – ami magistrat, ne souffrirais-tu pas d’un syndrome de Stockholm ?
Elle l’est car même quand tu voudrais, ami magistrat, t’extraire de ce courant dominant qui t’incite à la clémence et à la mollesse, tu pourras compter sur tes estimés collègues, juges des libertés et de la détention, juges correctionnels, présidents et assesseurs de Cour d’assises, juges des enfants, juges d’application des peines, pétrifiés par leur lâcheté ou confits dans leur idéologie, pour libérer délinquants et criminels.
S’opposer aux décisions qui libèrent les criminels et ridiculisent la Justice
Tant et si bien que tu finis toi aussi par céder à la facilité du conformisme judiciaire, parce que c’est tellement plus rapide et que tu manques de temps, parce que c’est tellement plus simple et que tes collègues sont aussi tes amis, parce que c’est mal vu de passer pour le répressif de service pendant les délibérés, parce que tu n’as pas envie de déjeuner seul pendant les trente prochaines années, parce que la période de mutation arrive et que tu aimerais éviter de rester encore deux ans à Lons-le-Saunier[2] parce que tu auras commis un crime de lèse-pensée.
La vérité, ami magistrat, c’est que tu vis dans la peur d’être démasqué, identifié, minoritaire. Oh ! tu te doutes bien qu’en sachant ce que nous savons et en voyant ce que nous voyons tu n’es probablement pas le seul à te dire que quand même les Français ont peut-être raison de nous considérer comme des grands seigneurs mous et condescendants à qui on ne peut pas faire confiance pour les protéger. Mais comment se dévoiler sans s’exposer ? Comment renoncer à cette taqiya professionnelle adoptée dès l’École et qui est devenue comme une seconde nature ?
Alors tu vis dans la honte et le dégoût d’être associé à ces décisions qui libèrent les criminels, ridiculisent la Justice, violentent les victimes et blessent la société. Dans la honte d’être représenté médiatiquement par un ministre et des syndicats autoproclamés représentatifs qui mentent aux Français en leur disant que tout va bien, que le système fonctionne et que les magistrats ont toujours raison, et que quand ils ont peut-être éventuellement exceptionnellement eu tort ce n’est pas vraiment leur faute mais la faute au manque de moyens…
Tu voudrais dire, toi, que la loi est mal fichue, qu’elle est du côté du crime et non des victimes, que la moitié de la magistrature passe son temps à défaire ce que l’autre moitié a fait, que le système est lent et paresseux malgré les bonnes volontés et qu’il pourrait faire bien mieux avec un peu de courage et d’ancrage. Qu’une partie des juges rend une justice de bourgeois paisibles, qu’ils refusent de punir car ils ne sentent pas concernés, qu’il suffit d’un peu de volonté politique pour leur forcer la main et leur faire appliquer la loi du peuple, seule source de leur légitimité de super fonctionnaires non élus et choisis par personne sinon le système lui-même.
Ami magistrat, si toi aussi tu as foi en ton service, si tu veux rendre la justice dignement et assumer que punir pour réparer est une mission noble, si tu veux cesser de te cacher, si tu veux pouvoir te regarder en face et regarder la société que tu sers dans les yeux : sois rassuré, tu n’es pas seul !
Ce collectif anonyme proposera son analyse Emprisonnement : l’exécution à la peine dans nos colonnes, la semaine prochaine NDLR.
[1] Le ministre évoqué dans cette tribune est la figure du ministre de la Justice telle qu’elle a été incarnée ces dernières décennies. Cette formule ne vise pas spécifiquement l’actuel garde des Sceaux, qui s’inscrit néanmoins sur ce point dans la droite et navrante ligne des prédécesseurs qu’il s’est lui-même désignés.
[2] Nous affirmons ici une affection profonde et sincère pour l’Est de la France, trop souvent et injustement décrit dans le monde de la magistrature comme un no man’s land inhabitable et destiné aux derniers du classement de sortie de l’École. Néanmoins, nous ne pouvons que constater qu’un maintien à long terme à Lons-le-Saunier serait considéré par une majorité des magistrats comme une quasi sanction disciplinaire.
Tsahal a ciblé les infrastructures portuaires des Houthis au Yémen cette nuit
L’attaque menée par l’armée de l’Air israélienne dans la nuit de mercredi à jeudi au Yémen (opération « Ville Blanche ») a infligé un coup important, principalement économique, au régime houthi. Cette opération marque une étape significative : pour la première fois, Israël ne s’est pas limité à frapper les ports yéménites, mais a ciblé des infrastructures électriques essentielles à Sanaa, la capitale et principal bastion des Houthis (force politique et militaire dominante au Yémen). Cette offensive visait directement le prestige du régime. Toutefois, il est déjà clair que cette opération ne dissuadera pas les Houthis, dont la détermination et la capacité à poursuivre le lancement de missiles et de drones vers Israël restent intactes.
Le transport maritime très perturbé depuis un an
Les Houthis poursuivront probablement leurs attaques contre la navigation commerciale et militaire dans la mer Rouge, ce qui continuera de provoquer d’importantes perturbations économiques, notamment dans le transport énergétique, un problème qui perdure depuis plus d’un an.
Les Houthis, un groupe jihadiste chiite à la fois ethnique et religieux, cherchent à prouver qu’ils sont une force intacte et déterminée, à la différence du Hezbollah, du Hamas et même de l’Iran. Ils se présentent comme des soutiens de Gaza face aux offensives israéliennes. Leur récente intensification des attaques laisse penser qu’ils anticipent une trêve imminente à Gaza. Leur idéologie islamiste radicale, amplifiée par une euphorie de victoire (ils ont été capables de perturber durablement la navigation civile et le transport pétrolier entre le Golfe persique et l’Europe ces derniers mois) les pousse actuellement à intensifier leurs efforts pour être perçus comme les véritables vainqueurs de l’Occident et d’Israël.
Une menace mondiale
Depuis 2015, ce groupe s’est renforcé malgré les pertes humaines massives subies par la population yéménite. Sous la pression américaine, l’Arabie saoudite et ses alliés ont été contraints de réduire leurs opérations militaires, et les Houthis ont été retirés de la liste des organisations terroristes par l’administration Biden. Ce retrait a permis l’accès de l’aide humanitaire via le port stratégique de Hodeïda, une infrastructure frappée à plusieurs reprises par l’armée israélienne, mais toujours fonctionnelle.
Les Houthis représentent une menace stratégique mondiale. Ils ont commencé comme une petite milice installée dans les montagnes du nord du Yémen. Grâce au soutien logistique et technique de l’Iran et du Hezbollah, ils sont devenus un acteur militaire sophistiqué. Malgré les efforts des États-Unis et de leurs alliés pour intercepter les approvisionnements iraniens, la contrebande de drones et de missiles en pièces détachées par voie maritime et terrestre se poursuit sans interruption.
Depuis octobre 2023, les Houthis ont lancé une campagne régionale offensive, en coordination avec l’Iran et ses milices alliées, comme le Hamas et le Hezbollah. En réponse, les États-Unis ont adopté une posture défensive visant à « éviter l’escalade », une stratégie qui s’est révélée inefficace. Les frappes israéliennes et américaines n’ont pas encore sérieusement endommagé leurs capacités militaires ni modifié leur stratégie.
Pour contrer cette menace, une réponse militaire décisive est nécessaire. Une telle réponse devrait inclure des frappes massives sur leurs infrastructures militaires et économiques, ainsi que sur des sites stratégiques comme Saada. Par ailleurs, il est crucial de cibler leurs dirigeants pour perturber leur chaîne de commandement. Ces actions doivent s’accompagner d’un renforcement des capacités de renseignement afin de localiser avec précision leurs sites de production et de lancement de missiles.
La lutte contre les Houthis ne peut plus se limiter à des interceptions défensives. Tant que leurs infrastructures ne seront pas détruites et leurs capacités militaires systématiquement perturbées, ils continueront de représenter une menace persistante pour la sécurité régionale et mondiale. Une action coordonnée et déterminée est essentielle pour neutraliser cette menace durablement.
Selon Jean Baudrillard (1929-2007), la société de consommation a « maquillé » l’homme et a détruit en lui tout ce qu’il y a de véritable. Deux ouvrages récents reviennent sur sa pensée et notamment sur ses analyses concernant l’architecture.
En octobre dernier, l’écrin arboré, discret, quasi monacal de l’antenne parisienne de la Columbia University, rue de Chevreuse, dans le 6ème arrondissement de Paris, abritait autour de sa veuve Marine, sous l’intitulé Penser Baudrillard un conclave de vieux amis, savants exégètes et autres passeurs de la pensée de ce grand iconoclaste devant l’Eternel. Plus de quinze ans après la mort de l’impertinent métaphysicien de la « Réalité intégrale », poète et photographe à ses heures, il n’était pas inutile, dans cet entre-soi détendu, de prendre toute la mesure de la portée visionnaire de L’Echange symbolique et la mort, Cool memories (I, II, III, IV), La Transparence du Mal, LeCrime parfait et j’en passe… Films, table ronde, performance, intervenants, cocktail… Du philosophe François L’Yvonnet (qui en 2004 dirigea le Cahier de L’Herne Baudrillard) à Marc Guillaume, Françoise Gaillard ou Benoît Heilbrunn, ce petit monde a ravivé la flamme.
Version 1.0.0
Précoces intuitions
Parmi ces aficionados de la première heure, l’excellent Ludovic Leonelli. Sous les auspices des Beaux-Arts de Paris, éditeur, à la marge, d’une collection baptisée « D’art en questions » – au pluriel -, cet ancien étudiant de Baudrillard à l’Université de Nanterre et historien de formation, interroge sans flagornerie aucune mais tout au contraire avec une singulière liberté d’esprit, assortie d’une impeccable clarté d’expression, ce qui, en 2024, rendent tellement stimulantes les précoces intuitions de Jean Baudrillard (1929-2007). Loin de paraphraser l’écriture imagée, radicalement originale du théoricien, son Baudrillard Spirit a le mérite de dégager, dans une remarquable synthèse critique, les lignes de force qui font rétrospectivement de cette œuvre une grille de lecture salutaire du monde tel qu’il va.
De fait, ce que Baudrillard, au fil de ses ouvrages, a nommé tour à tour « Simulacre », « Virtuel », « Réalité Intégrale », est advenu bel et bien. Le « Système », ou la « Matrice » est en place. Pour reprendre l’intitulé d’un des chapitres de cet essai : « L’au-delà est ici ». C’est-à-dire que les formes de l’échange social sont désormais parfaitement dévitalisées, le politique vidé de sa substance, la sexualité veuve de sa finalité, l’art dit « contemporain » congédié de toute visée transcendante, le « peuple », désormais remplacé par « les masses », privé de la moindre once de souveraineté – les derniers soubresauts des carpes agonisantes dans le marigot élyséen en sont la preuve ! Le « pouvoir » n’offre plus que le visage de sa propre caricature dans le miroir déformant des médias. A l’heure de l’histrionisme généralisé et de la surenchère dans l’abjection, les analyses de Baudrillard demeurent de saison, plus que jamais.
Le portable, comble de l’obscénité
Pour autant, comme l’observe l’auteur à juste titre, « les écrits de Baudrillard (…) n’ont de valeur que conjointement aux autres discours en place. C’est exactement l’inverse d’un discours de vérité. Ceux qui n’y voient que sentences et énoncés performatifs sont, disons-le clairement, totalement à côté de la plaque ». Comme le dit très bien Léonelli, « nous sommes là au cœur d’une singularité du système baudrillardien : penser systématiquement deux hypothèses contradictoires […], ne pas les annuler, mais au contraire les enrichir par effet de frottement et de contamination ».
Ainsi « la Réalité Intégrale, c’est lorsque les techniques de représentation ne renvoient plus qu’à elles-mêmes » […] « le smartphone en est la figure exemplaire : c’est le premier média qui abolit la frontière entre envoyeur et destinataire, entre public, privé et intime. Mieux : c’est un outil qui permet à chacun de devenir le propre média de soi-même. Ce qui pour Baudrillard est le comble de l’obscénité ». Le « mécréant radical », comme Leonelli titre un chapitre de son volume, n’ignore pas que « face à cette réalité intégrale, nous n’avons plus de position critique, nous décodons. […] Court- circuit sidérant. Le terrorisme en est la terrible illustration [qui] n’est que la visibilité monstrueuse de cette coagulation entre l’événement et sa représentation ».
La posture décidément très « abrasive » de Baudrillard sur les questions tournant autour du rapport de la civilisation occidentale aux « sociétés primitives » (les « peuples du Miroir » dans le vocabulaire baudrillardien) tout comme aux peuples anciennement colonisés serait-elle recevable aujourd’hui, tant l’opinion publique est soumise à la terreur du politiquement correct ? Pour Baudrillard, l’assimilation est un leurre. « ‘’L’exotisme radical contre le proxénétisme de la différence’’ – telle est sa conviction fondamentale », commente Leonelli, sur la foi de citations qu’en 2024 on ne proférerait plus qu’à grand risque – l’autocensure bâillonne, et les tribunaux veillent ! Tel cet article de 2005 où Baudrillard assure qu’« une société elle-même en voie de désintégration n’a aucune chance de pouvoir intégrer ses immigrés […] je ne suis pas sûr, poursuit-il, qu’ils aient comme nous l’espérons, tellement envie d’être réintégrés ni pris en charge […] Nous ferions bien de revoir notre psychologie humanitaire ».
Ironie mordante
Baudrillard n’est ni glamour, ni œcuménique. Son ironie mordante à l’endroit des bonnes intentions « droits-de-l’hommistes » s’attaque de la même manière à toutes les disciplines patentées : économie, psychanalyse, anthropologie, philosophie, histoire de l’art et Histoire tout court… Pour lui, « ce ne sont que des métalangages autistes dont les effets de vérité n’ont de valeur que par rapport à leurs propres postulats ». Ceux qui assignent Baudrillard à la corporation des « sociologues » se trompent d’aiguillage : au sociologue, « aucun privilège d’extériorité ne doit lui être réservé » ; la même endogamie lie sa parole à l’objet de son étude ; ce n’est jamais que la sociologie qui invente le « social ».
De La Guerre du Golfe n’aura pas lieu à L’Esprit du terrorisme en passant par La transparence du Mal et jusqu’à L’Echange impossible, Baudrillard oppose systématiquement l’ordre symbolique à la réalité tangible. Mais alors, le penseur ne graviterait-il lui-même que dans sa propre bulle théorique ? Leonelli est bien obligé d’admettre que « JB fait défiler toutes les hypothèses, les plus contradictoires et les plus paradoxales, dans un gigantesque festival pyrotechnique de la pensée où le lecteur médusé ne cherche plus le sens de l’événement, dont Baudrillard l’a délivré, mais la fulgurance des concepts qui éclairent de mille feux le ciel des idées ».
Délirante ? Chimérique, cette pensée, alors ? Hors norme en tous cas reste « celui qui a si bien décrypté notre société » dont il anticipe les plans de campagne de façon si percutante par le sortilège de sa plume : clonage, contagion virale, pandémie de la numérisation, servitude du smart et du selfie, déréalisation du sexe, despotisme du féminisme, obscénité des prétendues formes de libération, vacuité du politique, mirage de l’exponentiel (l’IA) sous le signe du virtuel, etc., etc. Opposant ses intuitions conceptuelles à la rationalité philistine, Jean Baudrillard sidère, avant que de chercher à tout prix à convaincre. En fin connaisseur de son œuvre, Ludovic Leonelli restitue l’auteur de l’ouvrage De la séduction à ce qui, précisément, fait l’attrait incomparable de cette langue : son élégance, son acidité, son efficacité dans la formulation des paradoxes les plus radicaux.
Chose plaisante, c’est à un sociologue de profession, spécialiste reconnu de l’architecture qu’on doit, presque concomitante avec l’éclairant Baudrillard Spirit de Ludovic Leonelli, la parution d’un autre essai : Baudrillard et le monstre (l’architecture) – signé Jean-Louis Violeau. Touffu, digressif, abondamment illustré de photos d’édifices, de projets d’urbanisme, de vignettes exhumant publications ou hautes figures du métier, tel l’ami Jean Nouvel, le texte envisage l’œuvre entier de J.B. au prisme de l’architecture, mais avec les lunettes du sociologue.
Erudit, extrêmement documenté, le texte traverse la création architecturale et urbanistique contemporaine avec une faconde réjouissante. Ce qui est un peu gênant, dans cet ouvrage, c’est qu’au lieu de dispenser un commentaire critique qui renvoie à Baudrillard selon la posture modestement effacée de l’exégète par rapport à son objet d’étude, le style logorrhéique, abscons par moments, de Jean-Louis Violeau, scandé en courts chapitres numérotés de1 à… 37,2 (sic), aux intitulés gourmands (par exemple : 7, la valeur ; 21, la transparence monstrueuse ou le rachat d’un concept en perdition ; 34, renverser le mythe de l’auteur pour redonner vie à l’architecture…) égare le lecteur dans un labyrinthe de considérations et d’aperçus foisonnants, en soi fort intéressants, mais dont Baudrillard paraît davantage l’alibi que le sujet.
Si l’auteur admet que Baudrillard fut « seulement un interprète qui s’amusait à tirer les pointillés du présent, surenchérissant pour tendre régulièrement vers le paroxysme – et sans vraiment chercher à clarifier quoique ce soit, ce n’était pas son problème », et s’il est vrai que « Baudrillard était un critique d’architecture qui ne s’intéressait pas à l’architecture, mais qui prenait le réel pour une œuvre d’architecture tout en l’étoffant de considérations finalement métaphysiques », alors ce mince fil conducteur est vite enfoui sous la quantité d’aperçus adventices dont ce petit livre de 140 pages est chargé. Cela dit, ce « monstre » nous réserve quelques pages assez succulentes sur Disney, par exemple, ou encore sur le fameux projet avorté d’EuropaCity lancé par l’agence BIG du jeune ambitieux Bjarke Ingels… Le style fleuri de Violeau déshabille la profession avec la verve d’un pamphlétaire qui parodierait Baudrillard. Comme quoi la réversibilité – maître-mot du penseur regretté – est toujours à l’œuvre.
Baudrillard Spirit, par Ludovic Leonelli. Collection D’art en questions. Beaux-Arts de Paris éditions. 237p.