L’antispécisme est un millénarisme. Et ce n’est pas un hasard s’il apparaît aujourd’hui…
«Si la souffrance de la gazelle importe, il y a un problème de solidarité avec la gazelle. Le lion va, au cours de sa vie, tuer des centaines de gazelles. Est-ce qu’il est juste de laisser le lion faire cela ? Soulever ce problème et répondre que : ‘Oui, on devrait dans l’idéal changer la nature (…) dans la mesure du possible’, c’est la seule réponse qui soit crédible et qui permette de montrer que nous prenons réellement au sérieux la question de la souffrance des animaux.» Ces propos sont de David Olivier, coauteur de La révolution antispéciste et cofondateur des Cahiers antispécistes. Dans la même vidéo, circulant sur les réseaux sociaux, il explique que l’on doit garder les chats à l’intérieur pour les empêcher de chasser, estimant qu’il faut mettre en balance les désirs du chat, et ceux des souris qui « ont une fin atroce entre les griffes du chat ».
L’extrême naïveté, la puérilité absolue de cette vision poussent évidemment à un haussement de sourcil ou d’épaules. Mais pour l’historien, il est assez fascinant de voir resurgir un utopisme aussi radical à une époque et dans des sociétés si différentes de celles qui virent jadis émerger ce genre de discours.
La faim des temps
En lisant ces lignes, le lecteur un peu instruit aura sans doute songé, sans nécessairement connaître la référence exacte, à Isaïe 65, 24 : « Le loup et l’agneau paîtront ensemble, Le lion, comme le bœuf, mangera de la paille, Et le serpent aura la poussière pour nourriture. Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte, Dit l’Eternel ». Ce texte biblique est un texte eschatologique, qui décrit la Jérusalem céleste. Ce genre de texte a toujours été interprété comme désignant exclusivement le monde d’après la fin du monde, le Royaume céleste ; par conséquent, tout en étant l’objet de l’espérance des croyants, les choses décrites représentaient également une liste de tout ce qui demeurerait jusqu’à la fin des temps, et qu’il était par conséquent illusoire d’espérer changer ici-bas.
On peut penser que le caractère très répandu de ce type de croyance ne relève pas seulement d’une sorte de puérilité de l’esprit humain, qui se plairait à imaginer un monde sans aucun problème, mais aussi d’une sagesse traditionnelle dissuadant les membres de la société de gaspiller leur énergie, voire de mettre ladite société en péril, en poursuivant des chimères. Les exhortations du Christ sur le fait que les anges de Dieu se chargeront de séparer le bon grain de l’ivraie au Jugement dernier, mais que les hommes ne doivent pas chercher à faire eux-mêmes cette justice absolue, relèvent du même registre.
Le catharisme, l’antispécisme des origines
Or, on assiste précisément, avec ce discours végan et antispéciste radical, à une réémergence d’une forme de millénarisme, cette posture religieuse qui consiste à vouloir hâter la fin des temps, et amener dans notre monde terrestre le monde tel qu’il ne saurait être qu’après l’avènement du royaume divin, et ce au moyen de pratiques sacrificielles extrêmes, qui prennent généralement deux formes : l’ascèse extrême et/ou le massacre des « méchants ». On retrouve aujourd’hui dans l’antispécisme ces deux mamelles du millénarisme : il y a d’une part le régime végan toujours plus exigeant et d’autre part le terrorisme contre les fauteurs du mal qu’il s’agit d’éradiquer.
L’Eglise catholique a toujours condamné le millénarisme (canon 676 du Catéchisme), rangeant notamment sous cette catégorie le « messianisme sécularisé », le communisme au XXe siècle, mais avant cela de nombreuses occurrences historiques avaient pu être observées, des Taborites de Bohême aux Anabaptistes de Munster, toujours à l’origine de nombreux massacres. Mais il est intéressant de noter que l’une des occurrences qui évoquent le plus nos actuels antispécistes sont les fameux cathares du XIIIe siècle, dont la doctrine prônait un respect absolu de toute vie et par conséquent un régime alimentaire exclusivement végétarien – plus encore, certains pratiquaient l’endura, une privation totale de nourriture conduisant à une mort supposée bienheureuse. Par ailleurs, les cathares rejetaient la propriété privée, ce qui est bien souvent le cas de nos antispécistes et végans, souvent proches de l’extrême gauche quand il s’agit de politique. Plus encore, les cathares condamnaient la sexualité et bannissaient la procréation, ce que certains écologistes radicaux tiennent aujourd’hui pour un moyen de « sauver la planète ».
L’homme, un animal comme un autre
Nos antispécistes arrivent à aller plus loin que les cathares sur un point : en abaissant l’homme au niveau des autres animaux – ou en hissant les autres animaux à l’égal de l’homme, comme on voudra. C’est que dans une société déchristianisée, l’idée de Dieu, et d’un homme fait à son image et donc distinct des autres êtres vivants, s’efface naturellement. En écoutant les prêches antispécistes, on pense au curé d’Ars : « Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes ».
Aujourd’hui comme hier, ces chimères sont souvent dangereuses pour la santé, pour certains de leurs membres, et pour tous les autres, auxquels ils auraient la tentation d’imposer leur vision par la violence. On peut par ailleurs penser que, si leur excentricité et leur activisme attirent l’attention des journalistes, leurs idées n’iront jamais très au-delà d’une proportion infime de la population, comme du temps des cathares d’ailleurs : ce genre de vie et d’idées radicales, utopistes, ne sont jamais faites que pour une très petite quantité d’exaltés.
Une (dangereuse) réponse aux excès de notre époque
Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas prendre cette éruption antispéciste au sérieux, comme symptôme d’un mal frappant nos sociétés. Repensons aux cathares : ce n’est pas un hasard si ce courant radicalement antimatérialiste s’est manifesté à l’époque de ce qu’on appelle la théocratie pontificale, l’apogée du pouvoir de l’institution ecclésiastique en Europe médiévale, où le clergé était très riche et sa direction encombrée de préoccupations politiques et matérielles. Aujourd’hui, la poussée antispéciste est sans nul doute à mettre en lien avec l’extrême industrialisation de l’élevage animal, et avec une exploitation du vivant qui, pour n’être pas illégitime, est souvent faite dans des conditions indignes.
Aussi bien se souviendra-t-on que, outre le catharisme, le XIIIe siècle vit également apparaître les ordres mendiants, et notamment celui de saint François d’Assises, qui prôna tout à la fois une pauvreté toute christique et une amitié pour toutes les bêtes, frères et sœurs dans la Création ; c’est sur la base de cet héritage que tous les papes depuis plus d’un siècle ont encouragé la protection et le respect des animaux.
Une réponse équivalente aux questions qui suscitent les crispations antispécistes reste peut-être à inventer.
L’élevage industriel de saumon est un massacre écologique, alimentaire et sanitaire. Horreur, malheur !
S’agissait-il d’un pur concours de circonstances ? Toujours est-il que je n’avais jamais tant entendu parler du saumon d’élevage qu’en ce jour, déjà lointain, de fin d’été.
L’élevage détruit des régions entières
Tout a commencé dès potron-minet, avec la lecture d’un article du Monde Diplomatique de septembre, intitulé « Saumon, du mets de luxe au fléau écologique ». Cela s’est poursuivi en début de soirée avec un autre, celui que j’ai croisé en épluchant le Libé de ce même lundi : « Au Chili, 700 saumons se font la malle, leur proprio sur le grill. » Dans le premier, j’ai découvert que, juste derrière la Norvège, le Chili était actuellement le plus gros producteur au monde de salmonidés, alors même que, il y a moins d’un siècle, il fallait se lever d’aussi bonne heure que moi pour croiser un poisson de ce type aux abords des côtes chiliennes. Dans le second, j’ai appris que 690 000 saumons d’élevage s’étaient échappés de ce qui ressemble à un camp de concentration aquatique, ce qui n’était pas sans augurer de méchantes retombées environnementales.
Est-ce moi qui aie un problème ? En tout cas, j’ai du mal à comprendre : 1/ pourquoi le Chili s’est lancé à corps perdu dans ce type de « production », avec l’appui de politiciens et d’institutions en cheville avec les industriels du secteur ; 2/ pourquoi des hommes a priori doués de raison ont ainsi pris le risque de saccager un peu plus une partie de notre planète, déjà mal en point, malgré les dénégations du Donald et l’inertie générale des gouvernements actuellement en place.
Des chairs cocktails de molécules toxiques
Certes, « ça » – l’élevage industriel – rapporte de l’argent. Mais à bien y regarder, ça n’en rapporte qu’à peu de gens en fait : les propriétaires des moyens de production ; ceux qui en ont déjà sous le matelas souvent : les riches. Certes, cela crée, paraît-il, des dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects. Mais ce sont surtout de mauvais emplois, peu rémunérateurs, qui ne permettent pas à ceux qui les exercent de vivre décemment. Surtout, cela vaut-il le coup de détruire des régions entières, jusque-là préservées de fléaux écologiques, réputées pour leur beauté et la qualité de leurs eaux ? A la limite, les saumons « produits » seraient bons, tant au niveau gustatif que sanitaire, on pourrait peut-être trouver au moins une raison de continuer. Sauf que… ils ne le sont pas. En effet, ils sont saturés d’antibiotiques, administrés massivement pour lutter contre les maladies que favorise la promiscuité dans laquelle se trouvent autant de poissons concentrés en un même lieu. Leur chair, gorgée de pesticides déversés pour lutter contre le « pou du saumon », est un cocktail de molécules toxiques, voire létales pour tout organisme humain qui en absorberait régulièrement.
En résumé, exceptés quelques-uns, toujours les mêmes ou peu s’en faut, cet élevage industriel ne profite à personne, et certainement pas à des saumons au mieux appréhendés comme des biens à disposition de cet homme encouragé par la tradition cartésienne à se rendre « maître et possesseur de la nature ». En réalité, cette façon de « faire du poisson » est un bel exemple de désastre à exécution successive, comme il existe des contrats du même nom. Sauf qu’ici, on chercherait en vain une quelconque forme d’accord préalable entre plusieurs parties. Il n’y a eu qu’une volonté unilatérale, celle manifestée par des rapaces ayant flairé la bonne affaire, qui s’est imposée sans débat, presque subrepticement.
Arrêtons les frais !
A présent que ses conséquences se font cruellement sentir, des voix pourraient s’élever afin d’arrêter là les frais. Ce n’est pourtant pas ce qu’il advient. Au lieu de cela, le saccage continue. Et ce n’est certainement pas demain la veille que les destinataires de cette « nourriture » songeront à s’insurger contre le scandale consistant à exiger de l’argent, donc du temps de travail pour la plupart d’entre nous, afin de l’obtenir.
Sommes-nous donc à ce point idiots ? N’avons-nous donc rien dans la caboche ? Est-il possible que pas un ne se rende compte qu’il y a quelque chose de fondamentalement pourri dans toute cette histoire ?
Certes, des groupes de pêcheurs chiliens, depuis le début, se montrent hostiles et râlent. On ne prendra même pas trop de risques à supputer que les cliques de « consomm’acteurs » hantant les « Croc Nature », « Biocoop » et autres échoppes huilessentialisées à mort, dans la mesure où l’ingestion de tels poiscailles menace de leur fiche la diarrhée ou de nuire à leur « capital santé », boycottent déjà scrupuleusement ces produits, aussi « haram » pour eux que peut l’être un bout de jambon pour un musulman. Mais à part eux, qui tout cela interpelle-t-il vraiment ? Un, deux, peut-être trois couillons comme moi ?
Si tel est le cas, on n’a pas fini d’en bouffer, de la merde. Et nos jours sur cette planète sont d’ores et déjà comptés. Car quand on chie là où l’on mange…
Les violences dont sont victimes profs et élèves à l’école ne sont pas le fait de l’école, mais celui d’une société qui transpire la brutalité.
Dans le domaine éducatif, chacun sait qu’il faut s’y prendre le plus tôt possible, et avec une ferme autorité, pour ancrer dans l’esprit et les pratiques des enfants les habitudes et les réflexes les plus sains et les plus indispensables à la vie commune – familiale, amicale, sociale. Qu’il faille dans le même mouvement respecter la nature singulière de chaque enfant, et ne rien faire qui puisse entraver son adaptation au monde nouveau qui l’attend, est une évidence morale, même si pour les adultes la synthèse relève d’une quasi aporie. Ce défi devient crucial lorsque les enfants prennent le dessus sur les adultes, mais le principe reste déterminant. C’est pourquoi, de toute la profondeur de sa compréhension, Hannah Arendt pouvait porter, dans Reflections on Little Rock, ces jugements objectifs, tranchés et assez cruels :
« L’éducation progressiste, […] en abolissant l’autorité des adultes, nie implicitement leur responsabilité à l’égard du monde dans lequel ils ont fait naître leurs enfants, et refuse le devoir de les guider dans ce monde. »
Et dans La Crise de la culture :
« Avec la conception et la naissance, les parents n’ont pas seulement donné la vie à leurs enfants ; ils les ont en même temps introduits dans un monde. En les éduquant, ils assument la responsabilité de la vie et du développement de l’enfant, mais aussi celle de la continuité du monde. Ces deux responsabilités ne coïncident aucunement et peuvent même entrer en conflit. En un certain sens, cette responsabilité du développement de l’enfant va contre le monde : l’enfant a besoin d’être tout particulièrement protégé et soigné pour éviter que le monde puisse le détruire. Mais ce monde aussi a besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté et détruit par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération. » « L’école n’est en aucune façon le monde », mais « l’institution qui s’intercale entre le monde et le domaine privé que constitue le foyer pour permettre la transition entre la famille et le monde ». « Vis-à-vis des jeunes, les éducateurs font figure de représentants d’un monde dont […] ils doivent assumer la responsabilité, même si, secrètement ou ouvertement, ils le souhaitent différent de ce qu’il est. Cette responsabilité n’est pas imposée arbitrairement aux éducateurs ; elle est implicite du fait que les jeunes sont introduits par les adultes dans un monde en perpétuel changement. Qui refuse d’assumer cette responsabilité du monde ne devrait ni avoir d’enfant, ni avoir le droit de prendre part à leur éducation. »
L’école crève de ses lâchetés…
Durant les quarante-deux années qu’a duré ma carrière professionnelle, j’ai exercé successivement les fonctions de professeur de lettres, de proviseur de cités scolaires, d’inspecteur général, de conseiller de ministre. J’ai beaucoup publié, notamment sur la pratique éthique et professionnelle du chef d’établissement scolaire. J’ai donc eu l’occasion de témoigner de la qualité, de l’écoute et du courage de belles personnalités de notre système éducatif, auxquelles je dois beaucoup, – mais surtout qui ont permis à notre école de résister aux coups de boutoir et aux lâchetés qui ont jalonné son existence, et qui hypothèquent lourdement son avenir. Il s’agit, en particulier, de la dévalorisation et du désinvestissement de la pratique des sanctions, sinon même des obstacles fréquemment mis à leur application par la hiérarchie supérieure, « pour des raisons politiques », comme on me l’a souvent signifié, parfois de façon risible.
Je n’en fournirai ici que deux brèves illustrations, concernant la conduite inadmissible, en l’occurrence, d’adultes en charge d’élèves (l’équivalent se retrouve naturellement quant au comportement d’élèves dans les textes et structures officiels, comme dans les instructions circonstancielles émanant des autorités supérieures).
L’intendant d’un des lycées que j’ai dirigés, homme d’une haute valeur professionnelle et morale, excédé par l’incompétence, la mauvaise volonté et le comportement asocial d’un personnel pourtant essentiel à la bonne marche de son service, rédige à son sujet un rapport parfaitement objectif et circonstancié. Il le signe. J’y ajoute, manuscrite, la mention suivante : « En accord total avec l’ensemble des termes de ce rapport », je contresigne le document et l’adresse à mon supérieur hiérarchique. Ce dernier, quelques jours plus tard, me joint au téléphone et me pose immédiatement la question suivante : « Dites-moi : il est comment, votre intendant ? »
Je résume le deuxième épisode. Pour me faire enfin céder à sa demande de suppression d’un rapport très sévère que j’avais rédigé sur un personnel « protégé » par sa fonction syndicale, mon supérieur hiérarchique me convoque toutes affaires cessantes dans son bureau. Devant mon refus d’obtempérer à son injonction répétée, et faute d’arguments recevables, il me lance tout à coup : « Je sais que vous êtes un proviseur reconnu, mais on me dit que les résultats de votre lycée sont en baisse ! » (ce qui, en l’occurrence, n’était pas le cas)
…qui sont celles de la société
Ce type de comportement, assez induré, peut en partie expliquer l’état de déréliction croissante où se trouve notre système éducatif, quant à son niveau de qualité et de réussite : les comparaisons internationales en fournissent, chaque année davantage, une preuve indiscutable. Mais c’est aussi le cas des questions de sécurité, morale comme physique, et de discipline : la comptabilité officielle des incidents journaliers, par hypothèse incomplète, en atteste amplement. – Et cependant, le fond de la question n’est plus du tout celui-là.
En réalité, dans la période si troublée et désaxée que nous connaissons aujourd’hui, il est proprement impossible, impensable même, que notre école puisse se rétablir par elle-même: cette crise s’inscrit dans un contexte bien plus large. J’aimerais pouvoir dire qu’il y suffirait que n’y soient nommés que des responsables académiques et départementaux, mais d’abord nationaux, hyper déterminés à la redresser, dotés du courage et de l’énergie nécessaires, et surtout soutenus par leur ministre. Ce n’est hélas plus du tout la question ! En effet, l’Education nationale, aujourd’hui, ne constitue plus un domaine séparé, comme par miracle, du reste de la communauté nationale, et de toutes les autres responsabilités de l’Etat ! Si elle l’a jamais été, l’école n’est plus ce lieu quasi sacré, où n’entrent ni les disputes ni la violence de la vie sociale et politique : chaque jour qui passe montre désormais, sur quasiment tous les plans, y compris les plus triviaux, que notre vie sociale et politique et la réalité de notre institution scolaire sont étroitement imbriquées. Et que donc leur destinée même sera conjointe, dans notre pays, pour le pire ou pour le meilleur.
De ce fait fondamental découle une évidence aveuglante. La priorité politique absolue est que l’Etat, sous toutes ses formes et par toutes ses forces, se fasse enfin respecter, sur la totalité des territoires de notre pays, dans tous les domaines de la vie civile et sociale, et y assure l’ordre républicain et la sécurité, matrices de toutes les libertés publiques et privées. Pour nos dirigeants, faire mine d’essayer, ou même essayer loyalement de rétablir, dans la seule éducation, l’ordre et la sécurité nécessaires aux études, comme si cela pouvait s’effectuer indépendamment de ses autres fonctions régaliennes, s’avèrera pour l’école comme pour le pays tout entier d’une parfaite et coûteuse inutilité – temps et énergie gaspillés en pure perte, voire pire. Tant que des voitures seront brûlées sur un terrain vague ou sur un parking en banlieue, que de modestes habitants des cités seront forcés pour rentrer chez eux de montrer patte blanche à des trafiquants de stupéfiants, que la police, les pompiers ou des soignants ne pourront pas pénétrer en sécurité dans ces zones perdues de la République, que le voile féminin intégral sera de facto toléré sur certaines parties du territoire, il serait absolument inutile, et parfaitement ridicule, vaste et vain gaspillage des deniers de l’Etat, comme de la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics, que l’Etat tente, fût-ce à grands frais, de remettre notre école sur la bonne voie : ce serait cataplasme sur jambe de bois.
« L’effondrement de l’autorité n’est-elle pas la vraie et seule crise de civilisation ? »
Sur ce champ crucial, déterminant, je veux citer ces propos de Raymond Aron, comme si souvent d’une clairvoyance et d’une honnêteté intellectuelle hors de pair. Ils pourraient s’appliquer à la très grave situation où se trouvent actuellement la France et notre pauvre Europe :
« Si des pères, des maîtres, des supérieurs hiérarchiques, des prêtres n’inspirent plus de respect, il ne subsiste que la puissance nue ou l’anarchie. »[tooltips content= »Études politiques, 1972, cité par Mathieu Bock-Côté, Raymond Aron, notre contemporain, revue Arguments, 2013. »]1[/tooltips]
« L’effondrement de l’autorité n’est-elle pas la vraie et seule crise de civilisation ? »[tooltips content= »Plaidoyer pour l’Europe décadente,1977. »]2[/tooltips]
Et peut-être surtout ce dur constat, si actuel :
« Pendant ces années de décadence[tooltips content= »Il s’agit ici des années 1930. »]3[/tooltips], […] quel gouvernement pouvait sortir de la compétition entre des partis qui se perdaient dans des intrigues parlementaires et qui refusaient d’ouvrir les yeux ? Baisse de la natalité, baisse de la production, effondrement de la volonté nationale : il m’est arrivé par instants de penser, peut-être de dire tout haut : s’il faut un régime autoritaire pour sauver la France, soit, acceptons-le tout en le détestant. »[tooltips content= »Mémoires. Cité par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Français de l’an 40. »]4[/tooltips]
Pour qu’un esprit tel que Raymond Aron, si affectivement et intellectuellement attaché aux libertés publiques et privées, en vienne à se résoudre, certes douloureusement, à leur réduction, il fallait que la menace fût exceptionnellement grave et imminente. Et elle l’était ! C’est à nous aujourd’hui qu’il incombe de prendre la mesure des dangers que traversent la France et l’Europe, pour les affronter, avec la lucidité, la détermination et les moyens nécessaires.
Dans une tribune censée expliquer « ce qu’est le racisme (pour les nuls) », Rokhaya Diallo tente de montrer que le racisme anti-Blancs n’existe pas. La seule chose qu’elle montre, hélas, c’est qu’elle n’a rien compris à ce qu’est vraiment le racisme.
Rokhaya Diallo n’est pas raciste…
Rendons à César ce qui est à César, et à Rokhaya ce qui lui revient : là où d’autres se contentent d’affirmations péremptoires et d’imprécations, elle analyse et elle argumente. C’est une marque de respect envers ceux qui ne partagent pas son avis. Et il faut reconnaître que son propos est bien plus intéressant que ceux d’Eric Fassin ou de Pierre Liscia chez Ardisson, tous deux négateurs du « racisme anti-Blanc ».
Sa tribune faisant suite à la polémique soulevée par la chanson « Pendez les Blancs », il faut souligner aussi qu’elle en condamne sans la moindre ambiguïté les paroles : « Les propos tenus dans le clip de ce rappeur dont vraisemblablement personne ne connaissait l’existence avant-hier sont d’une violence difficilement soutenable. Si l’auteur invoque la fiction, le renversement du stigmate, j’ai du mal à y voir autre chose que la glaçante mise en scène d’une abominable escalade criminelle. » Quoi que l’on puisse penser de Mme Diallo, de ses convictions et de son action, la moindre des choses est de ne pas lui adresser de reproches infondés.
…mais ne sait pas ce qu’est le racisme
Le problème vient juste après, lorsqu’elle écrit : « Dans tous les cas, et indépendamment de ce clip, une chose est certaine : des personnes noires peuvent nourrir des sentiments de haine à l’égard des Blancs. Pour autant, on ne peut qualifier ce phénomène de racisme. Pourquoi ? Le racisme est un système fruit de l’histoire de dominations multiséculaires. »
Si l’on pousse à bout sa vision biaisée des « dominations multiséculaires », il faut croire que les souverains du Dahomey auraient été opprimés par les paysans européens de la fin du Moyen-Âge, et elle-même serait victime de discriminations de la part des ouvriers de l’usine sidérurgique de Florange. Surtout, Rokhaya Diallo fait deux confusions et une erreur majeures. D’une part, elle confond inégalités et discriminations, tout comme elle confond le racisme, les discriminations motivées par le racisme et la systématisation de discriminations motivées par le racisme: trois choses condamnables mais différentes. D’autre part, elle ne considère que le racisme associé à la couleur de peau, ce qui est aussi réducteur qu’absurde – mais sert évidemment son agenda politique et médiatique.
Or, d’après l’Académie Française, le racisme est un « ensemble de doctrines selon lesquelles les variétés de l’espèce humaine appelées races, principalement distinguées les unes des autres par leur apparence physique, seraient dotées de facultés intellectuelles et morales inégales, directement liées à leur patrimoine génétique. Par extension, un préjugé hostile, méprisant à l’égard des personnes appartenant à d’autres races, à d’autres ethnies. »
Qu’on me permette de reformuler : le racisme est l’idée selon laquelle un individu appartenant à une ethnie donnée aurait inévitablement certains traits de caractère ou certaines infériorités du seul fait de son appartenance à cette ethnie, et ne pourrait en aucun cas échapper à ce déterminisme.
Le racisme est ethnique, pas culturel
Par extension, est raciste toute attitude hostile ou méprisante envers un individu appartenant ou étant supposé appartenir à une ethnie donnée, si (et seulement si) cette attitude est motivée par cette appartenance ethnique réelle ou supposée. C’est dans ce sens-là que le racisme peut être « anti- », que ce soit anti-Blancs, anti-Noirs, anti-Juifs, anti-Arabes, anti-Asiatiques, anti-ce que vous voulez.
Et je précise que le racisme est une question ethnique, et non culturelle. Porter un jugement sur des croyances librement choisies, comme une opinion politique ou une appartenance religieuse, n’est pas du racisme. Porter un jugement sur une culture ou une civilisation dans son ensemble ne l’est pas non plus, tout au plus est-ce parfois arrogant et malvenu – encore que ! Même si certains y verront de l’ethnocentrisme, j’assume le fait que la célébration de sacrifices humains, la pratique de l’esclavage ou celle de l’excision n’aient absolument pas la même valeur à mes yeux que leur abolition et leur ferme condamnation…
Ces Blancs qui n’ont jamais été oppressés…
« Jamais ils [les Blancs] n’ont fait l’objet de théories raciales faisant d’eux des êtres inférieurs et se traduisant dans des pratiques institutionnelles », poursuit Rokhaya Diallo. Allez dire ça aux victimes des massacres entre Serbes, Croates, Bosniaques et Albanais ! Ah, mais pour Madame Diallo ces entreprises atroces de « purification ethnique » ne relèvent pas du racisme, puisqu’elles opposent des groupes ethniques ayant la même couleur de peau.
Car elle écrit aussi que « des Blancs étrangers peuvent être exposés à la xénophobie, des Blancs ont été réduits à l’esclavage par le passé, des Blancs juifs ont vécu la tragédie du génocide et du racisme. Personne ne peut nier ces horreurs. Toutefois, elles n’ont jamais été justifiées du fait de leur couleur de peau blanche, les Juifs n’étant d’ailleurs pas considérés comme des Blancs dans l’idéologie nazie ».
L’idée se précise : pour Rokhaya Diallo, le racisme n’est vraiment raciste que s’il est justifié par la couleur de peau. Et lorsqu’elle ne peut pas nier un racisme par trop évident mais lié à d’autres critères, c’est que les victimes ne sont pas considérées comme « vraiment blanches » par leurs bourreaux ! La pirouette est facile.
Qu’en est-il du Lebensborn ? C’est que la prétendue supériorité de la « race aryenne » n’était pas attachée au seul critère de la couleur de peau, et s’exerçait aussi au détriment des Blancs non-Juifs et non-aryens. Qu’en fait-on alors ? Racisme ou pas ?
Oui, le racisme anti-Blancs existe
Mais ne nous limitons pas aux Blancs ! Ce serait raciste… Que dire du terrible génocide rwandais, et de la haine sanglante et proprement raciste entre Hutus et Tutsis ? Les uns considéraient-ils les autres comme « pas vraiment Noirs » ? Que Mme Diallo quitte donc le confort des tribunes officielles pour accompagner des casques bleus au cœur des guerres ethniques ! Elle verra que malgré le prétendu « racisme d’Etat », les Noirs sont bien mieux traités par les Blancs en France, que ne sont traités les Noirs des ethnies minoritaires par les Noirs des ethnies majoritaires dans bien des pays d’Afrique. Et puisque j’évoque les casques bleus, elle verra peut-être aussi que lorsque certains groupes armés choisissent des cibles, la couleur du casque importe beaucoup plus que la couleur de la peau.
Mais ne nous limitons pas aux Blancs et aux Noirs, ce serait raciste… Rokhaya Diallo a-t-elle une idée de ce que fut en Chine le racisme des Han envers les minorités, de certaines minorités entre elles, ou des Mandchous envers les Han ? Ou de ce qu’a pu être la situation des Aïnous au Japon ? J’arrête là.
Oui, le racisme anti-Blancs existe, et il est l’objet de théories élaborées et structurées. Il n’est qu’à lire Houria Bouteldja ou le « manifeste du racisme anti-Blancs » (également homophobe) pour s’en convaincre. Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’une « blancheur » qui ne serait que symbolique, construction sociale et non ethnique : si c’était vrai, ce n’est pas le terme de « Blancs » qui aurait été choisi pour désigner cette appartenance.
Le véritable racisme…
Mais l’essentiel n’est pas là. Même si le racisme anti-Blancs n’existait pas, limiter le racisme à la question de la couleur de peau resterait la marque d’une profonde ignorance, et l’assimiler à un « système inégalitaire » réel ou supposé demeurerait une terrible erreur, et sans doute même une faute. Car ce n’est pas seulement par ses conséquences, si condamnables soient-elles, que le racisme est grave. C’est dans son fondement même.
Le véritable racisme consiste à prétendre que les convictions devraient être déterminées par les origines, ce qui revient à refuser le libre-arbitre et la liberté de pensée, comme le font par exemple ceux qui traitent Lydia Guirous de « traîtresse » et Patrice Quarteron de « Bounty ».
Le véritable racisme consiste à enfermer les membres des « minorités » dans un rôle préétabli, en affirmant qu’ils devraient se consacrer uniquement aux intérêts de leur « minorité » et ne pourraient pas se soucier de l’intérêt général, ni faire passer des principes éthiques universels avant la recherche d’avantages pour leur communauté d’origine.
Le véritable racisme n’est pas une question de concurrence victimaire, ni de négociations entre des sous-groupes toujours plus fragmentés, ni de rivalité entre majorité et minorités. Le véritable racisme est une négation de l’humanité de l’Homme.
On peut bien rire de ses emportements, sur le fond Jean-Luc Mélenchon a raison: les élus de la République ne doivent pas être traités comme des criminels.
Jean-Luc Mélenchon a raison de s’indigner du traitement qui lui a été infligé par la justice : perquisition au petit matin sans interrogatoire préalable pour un grief qui relève manifestement de la cuisine politique et non du droit commun.
Cette affaire rappelle fâcheusement l’affaire Fillon : un grief mineur largement médiatisé (qui n’a pas eu de suite judiciaire à ce jour) où l’instrumentalisation de la justice (le Parquet financier en l’occurrence) a permis d’éliminer un adversaire de Macron à l’élection présidentielle, tenu pour favori jusque-là. Si, à la lettre, les poursuites contre Fillon n’étaient pas illégales, elles transgressaient, dans leur esprit, un des principes le plus fondamentaux de la tradition républicaine : l’abstention de la justice judiciaire dans les affaires administratives et a fortiori politiques.
Elections sous influence
Aujourd’hui, le risque que la France insoumise passe avant En marche aux prochaines européennes apparait grand, compte tenu du discrédit du président. Il fallait donc casser le chef de cette mouvance comme on a cassé Fillon.
La justice n’a pas procédé autrement avec Marine Le Pen qui risque de ne pas pouvoir présenter une liste aux européennes en raison des sanctions financières infligées par la justice au Front national. Le Modem fait aussi l’objet de poursuites, moins acharnées certes, mais qui empêchent François Bayrou d’entrer au gouvernement, ce qui arrange probablement le président.
Des principaux candidats à la dernière élection présidentielle, seul Macron est exempt de poursuites judiciaires alors même que les obscurités du financement de sa campagne dépassent largement celles de ses rivaux. Plusieurs de ces actions ont été lancées par la présidence du Parlement européen, dont le sens démocratique n’est pas non plus le fort. Que ne dirait-on pas si la justice russe se comportait comme la nôtre ?
Les élus de la République ne sont pas des criminels
Les gens de droite qui se réjouissent assez stupidement des malheurs de Mélenchon n’ont pas compris qu’ils sont embarqués dans la même galère. Mélenchon ne s’est pas non plus beaucoup inquiété des poursuites engagées contre la droite ; mais ce n’est qu’en partie vrai : Clémentine Autain a voté contre la levée de l’immunité judiciaire de Marine Le Pen.
Dans tous les cas évoqués (Fillon, Mélenchon, Le Pen, Bayrou), les poursuites sont liées à l’activité politique ou électorale et non, comme on le laisse entendre à l’opinion, à des agissements crapuleux de droit commun. Le principal grief est l’utilisation d’attachés parlementaires pour le compte de partis politiques. Quant au fond, ce grief est d’autant moins fondé que les fonctions d’attaché parlementaire et de cadre de parti politique sont parfaitement fongibles : il n’y a pas d’un côté les attachés qui assisteraient l’élu dans le noble travail législatif et de l’autre les mauvais permanents au service d’intérêts partisans et donc sordides. Les uns et les autres ont à peu près la même mission : assurer la logistique des élus pour leur permettre d’accomplir leur mission, que ce soit en les documentant, en tenant leur secrétariat et même en préparant les élections notamment par l’élaboration de programmes. Seule une réglementation artificielle marque une limite entre les deux fonctions. Si la limite est franchie, tout au plus pourra-t-on invoquer l’irrégularité comptable mais sûrement pas le délit ou le crime. Les élus ont une tâche lourde et prenante ; il est normal qu’ils soient assistés ; ne pas cloisonner entre les différents aspects de cette assistance, c’est déjà leur faciliter le travail.
Il y a détournement de procédure à utiliser des moyens qui sont manifestement faits pour la répression du grand banditisme et non la correction d’imputations comptables : perquisition au petit matin ou saisie conservatoire des comptes bancaires.
Le grief d’emploi fictif parait plus sérieux mais il est très difficile à établir, comme on l’a vu dans l’affaire Fillon : quand l’épouse du député parle dans une boulangerie avec une électrice qui lui raconte ses malheurs, elle n’est pas en dehors de sa mission d’assistant parlementaire. Et après tout, si un élu veut se priver des services que l’Etat finance, n’en sera-t-il pas le premier puni ? On en dira autant du grief de surfacturation des frais de campagne électorale, lui aussi incertain, invoqué à l’encontre de Mélenchon. Les juges qui s’acharnent sur ce sujet montrent qu’ils ne savent pas ce qu’est une campagne électorale : une épreuve extrêmement intense où du souci d’aller chercher des voix, pas une minute ne saurait être distraite ; aucun candidat vraiment engagé n’a jamais eu le temps d’éplucher les factures au retour d’un grand meeting. S’il s’agit d’argent, une procédure purement administrative et financière devrait suffire.
Quant à l’accusation faite à Marine Le Pen d’incitation aux actions terroristes, qui ne voit combien elle est absurde ? La justice n’a pas craint de se ridiculiser en prescrivant même une expertise psychiatrique. Il est plus qu’évident que si l’élue a publié sur Twitter des scènes d’exécutions de Daech, ce n’était pas pour soutenir le djihadisme mais, comme elle l’a bien dit, pour réfuter les propos de M. Bourdin parlant des « liens » entre Daech et le Front national.
« Méfiez-vous des juges… »
Jean-Luc Mélenchon a aussi raison de clamer que les élus ont quelque chose de sacré. Ils sont déjà protégés de la garde à vue par l’immunité parlementaire. Ce n’est pas pour que, sorti de là, ils ne fassent l’objet d’aucun ménagement. Ils participent à la dimension sacrale du pouvoir. En charge du vote des lois de la Cité, ils méritent des égards, sauf bien entendu s’ils étaient pris en flagrant délit dans un crime de sang ! Qui imagine Léon Blum permettre une perquisition chez Paul Raynaud ? Qui se souvient que le général de Gaulle avait ordonné la suspension des poursuites à l’encontre de François Mitterrand durant la campagne de 1965 ? Même s’ils ne sont pas dans la loi, ces ménagements font partie de ce qu’Orwell appelait la « common decency », une notion que les juges, et pas seulement eux, ont aujourd’hui perdue de vue. Une conception étriquée du droit, souvent à finalité idéologique, s’y est substituée. Encore heureux que les auteurs de perquisitions ne soient pas animés de la jouissance de prendre leur revanche sur les puissants, expression malsaine de l’esprit de ressentiment ou de la vieille « envidia democratica ».
Mitterrand aurait dit lors d’un conseil des ministres : « Méfiez-vous des juges, ils ont tué la monarchie. Ils tueront la République ». Nous y sommes. Mais ne perdons pas de vue que derrière les juges, il y a un exécutif sans scrupules dont la référence aux valeurs républicaines apparait de plus en plus mensongère. Un exécutif qui, c’est un comble, veut effacer de la Constitution, la Cour de justice, seule instance devant laquelle il puisse encore répondre.
Oubliés les héros de la Grande Guerre, notre époque a décidé de faire des « poilus » des victimes. Et Emmanuel Macron, de la victoire française une ode enchanteresse à l’amitié franco-allemande…
En 2014, son portrait dans Libération nous apprenait que Nicolas Offenstadt porte des baskets. A priori, c’est très banal. Sauf que le bonhomme a la cinquantaine et qu’il est maître de conférences à l’université Paris-I. Il est « décalé », et surtout le chef de file d’une école historiographique qui domine aujourd’hui l’interprétation de la Première Guerre mondiale.
Inutile de préciser que Nicolas Offenstadt est de gauche. Comme tous les intellectuels de cette couleur politique, il ne voit pas en quoi ses convictions idéologiques pourraient troubler la scientificité de ses travaux. Les « partisans », c’est ceux d’en face ; en ce qui concerne l’histoire, c’est les Gouguenheim, les Pétré-Grenouilleau contre lesquels leurs collègues, voltairiens mais pas trop, n’hésitent pas à lancer des pétitions, à réclamer – dans le cas du premier, au nom du « vivrensemble », ne l’oublions pas – leur renvoi. Le camp du bien est plein de militants neutres.
Les chantiers de la gloire
La contrainte : voilà la notion autour de laquelle s’articule l’exégèse qu’Offenstadt, ses associés et leurs épigones font de la Grande Guerre. Ils se posent cette question légitime : comment nos arrière-grands-pères ont-ils tenu quatre ans dans les tranchées ? Ils répondent en substance que le bourrage de crâne, la censure et la peur du peloton d’exécution expliquent cette ténacité stupéfiante. Manipulés, surveillés, menacés par la presse et la hiérarchie militaire, les poilus ne pouvaient faire autrement que de combattre. Cette thèse mérite à tout le moins qu’on la discute. Justement, c’est ce que fait l’Historial de Péronne : autour de Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, d’autres historiens ont développé un concept concurrent : le consentement. Pour eux, les hommes de 14-18, s’ils étaient soumis aux phénomènes décrits par Offenstadt, étaient aussi et d’abord de jeunes paysans charnellement attachés à leur terre et patriotes – les hussards noirs avaient bien travaillé.
Au fond, les deux analyses forment une dialectique stimulante. Puisqu’on ne peut sonder le cœur de huit millions d’hommes, subodorons que la plupart d’entre eux subissaient cette guerre qu’ils entendaient « en même temps » remporter. Hélas, dans la sphère médiatique – irriguée par une littérature et un cinéma uniformément antimilitaristes et pacifistes – seule la contrainte a droit de cité. Les soldats de 14-18 sont passés du statut de héros à celui de victimes – en l’occurrence, d’un monstre froid et aveugle, l’État, animé par des passions mauvaises : puissance, prestige, grandeur, indépendance. Incapables de sentiment patriotique, les progressistes d’aujourd’hui ne peuvent imaginer que d’autres avant eux aient pu volontairement se battre et mourir pour leur pays. Conscrit de la Marne et spectateur du Bataclan même combat, en somme, ou plutôt même souffrance, perpétrée par la « société », cet insupportable réel qui pourrait disparaître si, laissant de côté nos différences, nous nous donnions tous la main en chantant du Black M.
La victoire des perdants
On cite ce dernier à dessein. Car il y a une continuité évidente entre François Hollande, son Verdun pour les enfants et le centenaire de l’Armistice pensé par son successeur à l’Élysée. En effet, on apprend qu’Emmanuel Macron désire faire des commémorations à venir une ode à l’amitié franco-allemande. La parade militaire sera la même que d’habitude. Hors de question de commémorer la victoire de nos armes ; le 11 novembre, cette année-là, il n’y avait que des perdants, dit une conseillère du président. Il s’agit de célébrer la réconciliation entre Paris et Berlin, et, plus encore, « la vie ». C’était d’elle que le maire de Verdun, Samuel Hazard, parlait pour justifier, en 2016, la « fête » organisée par ses services, à l’ombre de l’ossuaire de Douaumont, et dont le concert de Black M devait être le climax. Fort heureusement, ce dernier n’a pas eu lieu ; la méchante « fachosphère » avait déterré un texte du troubadour dans lequel il qualifiait la France de « pays de kouffars », c’est-à-dire de mécréants.
Faire la « fête » à Verdun… La solennité, c’est morbide, voyez-vous. On veut des nounours, des câlins et des psys. Notre époque pratique sur le passé un impérialisme émotionnel ; toutes les grandes figures et les grands événements passent par le filtre d’un sentimentalisme digne d’une esthéticienne fan de Cali. Est-ce honorer nos soldats, tombés pour que nous demeurions un peuple libre – rappelons que le Reich prévoyait de dépecer la France –, que de les considérer comme des sortes d’esclaves ? Sans jamais la mentionner, l’État suit l’école de la contrainte ; il fait aujourd’hui siens les principes idéologiquement clairs qui la fondent et l’attisent. Emmanuel Macron, pour qui notre histoire n’est décidément pas un bloc, qui prétend être patriote en liquidant le peu qu’il reste de notre souveraineté – les mots sont tellement vidés de leur substance que cette dérive orwellienne ne choque même pas –, s’inscrit dans ce mouvement déjà ancien de repentir collectif et qui, s’adressant à lui-même et se donnant lui-même l’absolution, n’est en fait que de l’onanisme.
Victimes de notre époque
Les années passent, puis les siècles, et avec eux la mémoire des hommes. Un jour, les soldats du Chemin des Dames n’évoqueront rien de plus que, pour nous, ceux de Salamine. La Grande Guerre est appelée à rejoindre toutes les autres dans l’histoire, ce grand monument de gloire et de douleur. Pour l’heure, il est trop tôt ; Lazare Ponticelli est parti il y a dix ans à peine. Or, pressée d’accaparer ces morts, l’époque les maquille en nous-mêmes et les fait entrer de force dans sa chronologie toujours recommencée. Quel orgueil que celui qui consiste à tout ramener à soi, à trouver des « féministes » au XIIe siècle et des « libertaires » sous Périclès. Comme les autres, les poilus subissent notre expansion temporelle. D’elle, pour le coup, ils sont vraiment victimes.
Corruption, insécurité, attaques contre la famille : le Brésil qui a plébiscité Jair Bolsonaro souffre des années de gestion catastrophique de la gauche. Quoi qu’en dise la presse, aussi injuste avec Bolsonaro que complaisante vis-à-vis de Lula, malgré ses outrances, le nouveau président ne compte pas établir un Reich sud-américain.
La presse occidentale, majoritairement pro-Lula, ne dit presque jamais que le « Parti-Etat PT (Parti des travailleurs) » a plongé le Brésil dans la pire crise économique depuis cinquante ans : chômage de masse, paupérisation, insécurité endémique, méga-corruption et chaos en perspective sur le « modèle » du Venezuela « bolivariste », référence suprême du PT avec Cuba… « On ne veut plus jamais de la gauche, car c’est elle qui a coulé le pays,On est dans la rue parce qu’on souhaite du changement ! », ont crié ces dernières années, mois et semaines des millions de Brésiliens descendus manifester dans les rues leur exaspération.
Comme on pouvait s’y attendre, si cette ébullition nationale anti-PT – qui explique le succès de Bolsonaro – n’a pratiquement pas été relayée dans la presse occidentale, en revanche, les manifestations bien moins massives de la gauche antifa et des anti-Bolsonaro ont été surmédiatisées et commentées positivement. Pourtant, les pancartes et slogans des millions de manifestants pro-Bolsonaro (souvent deux millions rien qu’à Rio de Janeiro) auraient pu donner une indication du « printemps brésilien » aux tonalités « dégagistes » qui allait annoncer la fin du Parti des Travailleurs et donc l’échec cuisant de son candidat, Fernando Haddad : « PT fora » (« PT dehors »). Comme l’illustre bien ce slogan, Bolsonaro incarne moins un « retour de la dictature militaire » – comme l’a écrit la presse européenne – qu’une révolte nationale massive visant à mettre fin au règne sans partage du « Parti-Etat PT » (« Partido-Estado PT »), à sa corruption endémique, à l’insécurité terrifiante (64 000 assassinats annuels) et à la crise économique sans précédent. Ce rejet du Parti des Travailleurs s’est manifesté de façon très nette et massive dès 2014, lorsque des millions de Brésiliens ont exigé la destitution de Dilma Rousseff et l’emprisonnement d’Ignacio Lula da Silva.
Bolsonaro, un «militariste-raciste-fasciste-homophobe-misogyne»?
Certes, le « Trump tropical », tel qu’on nomme souvent Jair Bolsonaro, est coutumier des propos outranciers, notamment lorsqu’il répond aux attaques de ses adversaires, lorsqu’il appelle à « liquiderles criminels », lorsqu’il affirme qu’un « policier qui ne tue pas n’est pas un bon flic », lorsqu’il définit le PT comme le « parti du crime ». En ce sens, il est bien un populiste car ses promesses de campagne visant à abaisser l’âge de la majorité pénale ; à exempter les policiers de poursuites judiciaires quand ils utilisent leurs armes de service et à « dégagerles corrompus, complices du crime », résonnent comme des mesures de salut public pour une majorité de Brésiliens.
Il est vrai que durant cette campagne, pour laquelle le Net et les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial, au moins autant que pour l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, moult fake news et rumeurs violentes ont été lancées de part et d’autre. Toutefois, les médias occidentaux n’ont presque évoqué que celles attribuées au camp « populiste » par le candidat de gauche (PT) Fernando Haddad. Celui-ci a par exemple accusé Bolsonaro d’être « responsable des agressions racistes » qui auraient été commises par certains de ses « supportersnazis » contre des militants de gauche ou LGBT. Or il se trouve que nombre de ces « infos » étaient en fait des montages. On peut citer pour exemple l’affaire (7 octobre 2018) de la jeune militante LGBT qui a accusé des partisans de Jair Bolsonaro de l’avoir agressée avant de lui graver une croix gammée sur le ventre. La police a beau avoir rapidement démontré que la « victime » avait inventé de toutes pièces son agression « nazie » (elle l’a d’ailleurs reconnu), le camp pro-Haddad-PT n’a cessé de dénoncer l’agression « homophobe-nazie »…
Ce type de guerre des représentations consistant à soumettre l’autre à la « reductio ad hitlerum » est d’autant plus stupide en l’espèce que Jair Messias Bolsonaro est connu pour sa judéophilie, sa défense d’Israël et sa proximité avec les lobbies juifs et évangéliques brésiliens les plus philo-sionistes. La presse occidentale a également largement fait état – comme s’il s’agissait d’une évidence – des idées « racistes-anti-noirs et misogynes » de l’ex-capitaine, sans jamais donner la version du camp accusé, et par exemple en omettant soigneusement de rappeler que le candidat le mieux élu à Rio, le célèbre député noir Hélio Fernando Barbosa Lopes, alias « Hélio Negão », qui le soutient corps et âmes et est son ami depuis vingt-trois ans, n’a cessé de réaliser des clips de campagne avec lui et a vivement dénoncé les accusations de racisme visant Bolsonaro.
La fabrique du « dérapage »
On ne rappelle jamais non plus que les deux femmes les mieux élues aux élections législatives de début octobre (en même temps que la présidentielle) sont également membres de son parti : Janaina Pascual, la professeur de droit qui initia la procédure de destitution contre Dilma Rousseff, et Joyce Hasselmann, l’animatrice de la chaîne web politique la plus consultée du pays. Certes, on peut répondre que tout cela ne « prouve rien », et qu’au contraire, la « preuve » de la haine du « capitao » envers les femmes aurait été administrée, vidéo à l’appui, en 2003, lorsqu’il lança à une députée de gauche anti-répression, Maria do Rosario : « Je ne vous violerais jamais car vous ne le méritez pas »… Or, Bolsonaro a dit ces mots malheureux juste après un débat de fond très vif au Parlement, lorsque, en réaction à un terrible viol suivi du meurtre d’une femme par un délinquant mineur, il accusa la gauche et le parti de Mme do Rosario d’être « complices » du crime et des violeurs par leur laxisme judiciaire. Loin d’être favorable au viol des femmes « non moches », l’ex-officier s’en était en fait vivement pris la députée et au PT en raison de leur hostilité à l’abaissement de la majorité pénale et aux doublements de peine (mesures phares de son programme de lutte contre l’insécurité). Et afin de tendre un piège à Bolsonaro, Maria do Rosario l’attendit dans les couloirs du Parlement en l’accusant « d’attiser les violences » par ses mesures répressives, puis d’être lui-même un « violeur », ce à quoi il répondit, hors de lui, la phrase choquante précitée.
Comme l’explique José Carlos Sepúlveda de Fonseca, qui représente l’aile catholique-conservatrice du camp Bolsonaro, lui aussi partisan de peines renforcées en cas de viol, « dans cette élection, on a assisté à des stratégies d’inversions des réalités qui dépassent l’entendement, ceci dans le but d’empêcher le candidat de droite d’arriver au pouvoir afin de maintenir coûte que coûte la mafia du PT au pouvoir, mais le peuple brésilien ne tombe plus dans le piège et aura le dernier mot sur l’oligarchie »…
Mutations d’un démocrate-chrétien
On sait que les antifascistes de profession inventent des nazis quand ils n’en ont pas sous la main, ou quand, heureusement, il n’y en a plus. Toutefois, Bolsonaro, certes, « populiste » et récemment « droitisé », n’a rien d’un SS. Celui qui a quitté depuis 30 ans l’armée en raison de désaccords avec la hiérarchie, a en effet été successivement élu sous les couleurs du Parti démocrate-chrétien, du Parti progressiste réformateur, du Parti progressiste, puis, finalement, du Parti Social-libéral (PSL). Pour ce qui est de sa « nostalgie de la dictature », elle se limite à des propos à l’emporte-pièce, très courants au Brésil, au Chili ou en Argentine, qui consistent à déclarer que sous les militaires, « les gens n’avaient pas peur de rentrer du travail ou d’aller au cinéma le soir ». Ce qui est loin d’être un appel au putsch, d’autant que Bolsonaro n’a cessé de rappeler que toutes ses réformes passeraient par le Parlement afin de restaurer une démocratie confisquée.
Par ailleurs, si les appels à « liquider les criminels » et à « faire le ménage » peuvent choquer, les médias ont bien moins dénoncé le péril, bien réel celui-là, de l’insécurité et de la corruption incroyables qui ont ruiné le pays et en ont fait l’un des plus violents au monde : homicides, braquages collectifs (« arrastào »), viols, kidnappings, etc. Pour prendre conscience du niveau apocalyptique de la violence et de l’insécurité qui traumatisent les Brésiliens quotidiennement, citons les chiffres du rapport « Atlas 2018 de la violence » publié par le Forum brésilien de sécurité publique (FBSP) : 300 000 victimes de meurtres entre 2011 et 2015… soit 160 par jour ; 553 000 assassinats entre 2006 et 2016 (dont 10 % du fait de la police) ; 64 000 homicides rien qu’en 2017… soit plus qu’en Syrie sur une période comparable ! Enfin, à ceux qui estiment que les méthodes radicales prônées par Bolsonaro pour lutter contre ces terribles fléaux sont la marque de fabrique du « fascisme », il faut demander pourquoi n’ont-ils jamais qualifié de « fascistes-nazis » les Castro, les Chavez, les Maduro, Ortega, etc. ?
Par ailleurs, pour comprendre l’indignation de millions de Brésiliens qui pensent que l’insécurité est la conséquence directe du laxisme judiciaire, rappelons seulement qu’au Brésil, les sentences des juges sont dérisoires pour les agressions physiques ; que les mineurs ne sont pas condamnables, ce qui a donné des idées aux syndicats du crime (recruter des tueurs non-majeurs), et que les détenus des prisons reçoivent de l’Etat chaque mois un pécule plus élevé que le salaire minimum brésilien autorisé !
Populisme d’extrême droite ou révolution conservatrice ?
Ceux qui ne connaissent du Brésil que l’image exotique des plages d’Ipanema, du Carnaval de Rio de Janeiro, de la lambada ou de la samba, avec ses corps sensuels et dénudés, ne peuvent comprendre « l’autre Brésil », une société à la fois très conservatrice, foncièrement chrétienne et très européenne, notamment au Sud, peuplée de nombreux Italiens, comme les ancêtres de Jair Bolsonaro, de Gallegos, d’Espagnols ; de Portugais, de Juifs ashkénazes, de Syro-libanais chrétiens (comme le candidat Haddad) et de germaniques, dont nombre de protestants fort austères. Or, depuis trente ans d’hégémonie politique, intellectuelle et médiatique du parti des Travailleurs de Lula da Silva et Dilma Rousseff – qui ont promu le mariage gay, défendu la généralisation du droit à l’avortement (aujourd’hui très restreint), les théories du genre, le Brésil traditionnel a décidé de réagir par une sorte de « printemps conservateur-chrétien ».
Aussi, les très puissantes églises protestantes-évangéliques, qui ont converti ces dernières décennies 35 % de Brésiliens, notamment au sein des milieux modestes, ont joué un rôle majeur dans cette « révolution conservatrice » contre « l’Etat-Parti PT ».
La vraie face pro-totalitaire du PT et du tandem Lula-Roussef
Emprisonné pour corruption mais présenté comme une victime en Occident du fait de son inéligibilité durant la campagne face à Bolsonaro, l’ex-président brésilien Ignacio Lula da Silva, bien moins unanimement aimé au Brésil qu’en Europe, est souvent dépeint comme un « gentil » représentant d’une gauche « réformiste ». Il est généralement crédité du « décollage » du Brésil, élément prometteur des pays émergents dans les années 1990-2000. Toutefois, pour une majorité de Brésiliens scandalisés par la corruption du PT et notamment de Lula, puis traumatisés par l’insécurité, ce « parti-Etat » incarne plutôt une extrême gauche subversive adepte d’un projet révolutionnaire et qui aurait soutenu les pires régimes rouges du Continent. Dilma Rousseff fit elle-même partie dans sa jeunesse d’une organisation terroriste marxiste : le Grupo Vanguardia, qui rêvait de répandre par la force le modèle castriste. Elle s’est certes repentie par la suite et a été présentée comme une victime de la dictature qui a sévèrement réprimé les terroristes d’extrême gauche et l’aurait torturé, mais elle n’est pas plus « modérée » au départ que les dictateurs droitistes qu’elle a combattus au nom d’un modèle totalitaire rouge.
Les partisans du nouveau président brésilien rappellent d’ailleurs que le PT a soutenu, depuis les années 1990, l’ensemble des partis et régimes révolutionnaires violents d’Amérique latine : du Vénézuéla « bolivariste » de Chavez et Maduro, au régime cubain de Castro, sans des formations pro-terroristes liées au crime organisé comme PrimerComando de Capital ou Comando Vermelho. C’est dans ce contexte « révolutionnaire » que la fameuse Banque brésilienne BNDES créée au départ pour financer les petites et moyennes entreprises, fut détournée de ses buts par le PT afin d’investir des milliards non pas au profit des contribuables brésiliens mais pour financer des projets d’infrastructures dans les pays marxistes « amis » comme Cuba ou le Vénézuéla… Les entrepreneurs brésiliens qui ont dû subir une terrible crise économique sans recevoir d’aide de la part de l’Etat, s’en sont souvenus.
Ordre et progrès ?
On peut comprendre bien sûr que les emportements verbaux de l’ex-capitaine – qui promet aux lobbies de l’agro-business que l’on pourra « couper un arbre mort sans attendre dix ans l’autorisation », affirme que «les Indiens n’ont pas besoin de terres mais de dignité », et que les « droits de l’homme sont une invention des communistes et de l’ONU » – choquent les adeptes de la démocratie libérale ouest-européenne. Son slogan de campagne, qui fait écho au modèle des démocraties illibérales à la Orban : « Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous », horrifie les anticléricaux et les anti-nationalistes. Et son autre slogan : « Moins de Brasilia, plus de Brésil », fait quant à lui trembler l’administration centrale qu’il entend dégrossir. Il n’en demeure pas moins que, pour les électeurs du « capitao », la promesse de mettre « dehors » l’omnipotent Parti des travailleurs, d’en finir avec la corruption, la détermination à combattre l’insécurité délirante et l’impunité des criminels, puis la défense des valeurs nationales d’Ordre et de Progrès gravées sur le drapeau national expliquent le succès de Bolsonaro.
Certes, rien n’assure que la promesse « d’éradiquer la corruption » sera tenue par le candidat « populiste » ou sera même seulement possible, étant donné que 40 % des députés est sous enquête et risque la prison ! Seul l’avenir confirmera si cet ex-officier, député depuis 30 ans, qui n’a aucune casserole de corruption, et qui annonce un « gouvernement de techniciens compétents », sera un meilleur président que ses prédécesseurs. Mais le pire n’est pas certain. Il suffit d’observer aux Etats-Unis les succès du « populiste » avant l’heure qu’était Ronald Reagan, puis plus récemment ceux, de Donald Trump. On est d’ailleurs habitué à être rendus « inquiets » dès qu’un « droitiste » émerge, alors que des gouvernements communistes (chinois, chiliens, vénézuéliens, cubains, etc.) sont de coutume traités avec sympathie ou extrême indulgence. Bolsonaro sera-t-il plus raisonnable qu’on le craint, notamment grâce à son conseiller et futur ministre de l’Economie et des Finances, Paulo Guedes et aux milieux d’affaire en général, qui l’ont soutenu eux aussi pour en finir avec la politique économique désastreuse du PT ? Nul ne le sait, mais les Brésiliens sont déterminés à « essayer » Bolsonaro, convaincus qu’ils sont d’avoir touché le fond avec Lula, Rousseff et même avec le président sortant, Michel Temer, lui aussi sous menace de condamnation pénale pour corruption.
Sur BFM TV, Nathalie Lévy avait convié, le 23 octobre, Patrick Weil et Eric Zemmour à débattre. Pour une fois, une émission semblait inviter ce dernier à discuter et non pas à se défendre. Mais ce n’était qu’une apparence…
« Nous avons choisi de proposer pendant une heure cette confrontation d’idées, en prenant le temps, en allant au fond des choses », annonce Nathalie Lévy.
Pour une fois, Eric Zemmour n’était pas sommé de rendre des comptes sur tel texte ou propos jugé « choquant ». Il était invité à débattre et l’on n’avait pas mis en face de lui un éditorialiste ou un lobbyiste excité, mais un historien.
Les apparences de l’équité
Sachons nous réjouir. Cette émission semblait témoigner d’une volonté réelle, de la part de la chaîne, de donner la parole à Eric Zemmour sur des sujets qu’on ne lui offre pas souvent l’occasion d’aborder (si la seconde partie de l’émission parlait plus spécifiquement d’immigration, la première demi-heure abordait des points d’histoire: Napoléon, Guerre de 70, Clemenceau, Pétain/de Gaulle). Il faut même clairement reconnaître qu’avant cette émission, nous ne savions à peu près rien du contenu de son livre, alors qu’il en assure la promo depuis déjà plusieurs semaines. Seulement, les médias ont pris l’habitude d’interroger Zemmour sur Zemmour (c’est-à-dire sur la caricature qu’ils ont eux-mêmes construite) et non sur son livre.
Cette émission semblait également témoigner d’une volonté de reconnaître à Zemmour le statut d’intellectuel (et pas seulement de « polémiste »), non point en soutenant ses idées mais en le mettant sur le même plan de respectabilité que son interlocuteur. En apparence du moins…
Comme un malaise
Bien sûr, on peut critiquer cette émission. On peut le faire d’une manière parfaitement dégueulasse (comme ici) :
Le commentaire, en-dessous de l’image, suggère très explicitement que « juifs » et « Français » sont deux catégories distinctes et non miscibles…
Je renverrai ces gens à un passage du livre d’Eric Zemmour qui explique par quel mouvement historique les Juifs se sont retrouvés à ce point présents dans les professions intellectuelles et le monde de l’argent (et par suite, pourrait-on ajouter, dans la sphère médiatique) :
« Depuis la destruction du temple de Jérusalem, en 70, les juifs ont modifié leur culte, troquant leurs anciens rites sacrificiels pour l’étude et le commentaire de la Torah. Chaque juif a appris à lire pour connaître le texte sacré. Ils sont instruits quand les autres ne le sont pas. Ils sont les seuls à pouvoir rivaliser avec la science livresque des clercs qui impressionne tant leurs ouailles. A oser discuter une parole divine que les chrétiens reçoivent de la hiérarchie ecclésiale sans pouvoir la contester. Si on en croit le travail remarquable de l’historienne italienne Maristella Botticini et de l’économiste israélien Zvi Eckstein, dans leur livre The Chosen Few (Les Quelques élus), cet atout majeur a changé le destin des minorités juives en Europe : beaucoup d’entre eux ont abandonné le travail des champs pour le commerce, la médecine ou la finance. Ils ont voyagé et se sont organisés en réseaux. Ils en ont tiré une rémunération bien supérieure, mais ont suscité la haine inexpiable de leurs créanciers. » (Destin français, p. 83)
Je me permettrai d’ajouter (mais c’est très personnel) que s’il y a un archétype assez répandu qui me sort par les yeux, c’est bien celui du catho-fric qui bosse dans la banque ou pour une compagnie d’assurance et qui se permet de critiquer les Juifs à longueur de conversations, alors qu’il éprouve manifestement vis-à-vis d’eux une forme de désir mimétique. Et qui me reproche d’écrire dans Causeur. Et qui m’explique qu’ « on ne peut pas prétendre faire une vraie critique des médias si on ne commence pas par dire qu’il y a un problème juif ».
Le simple fait qu’un débat sur l’identité française puisse opposer un Zemmour et un Weil n’est-il pas la preuve qu’il n’y a pas de problème juif ? A ceux qui, comme sur le site précité, prétendent que Zemmour est « au service de sa race » et que son rôle est de saper notre moral pour nous tétaniser face au Grand Remplacement et nous rendre incapables d’y résister (ce qu’il faut pas entendre…), je rappellerai que la taqiya ne figure pas dans la loi hébraïque.
Cela étant dit, l’émission présentait tout de même un gros défaut de méthode.
Le tribunal médiatique… en plus subtil
C’est Patrick Weil qui reproche à Zemmour un « défaut de méthode » : Zemmour, dit-il, n’a pas procédé en bon historien.
La supercherie se révèle nettement: si l’on a placé Zemmour face à un historien, ce n’est pas pour le valoriser, c’est pour le rabaisser. On l’a mis face à un vrai historien pour faire apparaître, espère-t-on, son côté amateur. On a voulu le mettre dans la situation de l’élève face au professeur. Ce dernier le reprend systématiquement sur…
Megyn Kelly sait quel déguisement ne surtout pas mettre pour Halloween. La présentatrice de la chaîne NBC n’a pas vu le mal dans le « blackface » et l’a dit à l’antenne. Mal lui en a pris…
Une définition, d’abord. Le « blackface » est une forme théâtrale américaine de grimage ou de maquillage qui fut pratiquée dans les shows télévisés, au théâtre, au cinéma, quand un comédien blanc incarnait une caricature stéréotypée de personne noire. Depuis les années 60, le blackface est tombé en désuétude après les protestations des associations afro-américaines.
« Qu’est-ce qui est raciste ? »
Cette pratique serait donc condamnable. Même pour Halloween quand les enfants se déguisent comme bon leur semble ? Oui, même pour Halloween ! L’une des plus célèbres présentatrices de la télévision américaine en a fait l’amère expérience.
Lors d’une émission consacrée à Halloween, Megyn Kelly s’est interrogée. « Qu’est-ce qui est raciste ? Vous vous attirez des ennuis si vous êtes Blanc et que vous vous grimez en Noir pour Halloween ou si vous êtes Noir et que vous vous maquillez en Blanc pour Halloween… Quand j’étais gamine c’était OK, tant qu’on se déguisait en personnage. »
Que n’avait-elle pas dit là ! Les protestations indignées ont afflué. Et la chaîne NBC, où elle officiait, a immédiatement mis fin à sa participation dans l’émission.
Prévenez vos enfants !
Sa mésaventure donne à réfléchir. Halloween, c’est ce mercredi. Soyez donc très prudent quant au choix du déguisement de vos enfants. Une robe de sorcière, une tenue de diablotin seront les bienvenus et ne poseront pas de problème… Mais ne vous avisez pas de mettre à votre progéniture un masque de Louis Armstrong, de Barack Obama ou de Nelson Mandela. Ça pourrait être mal interprété. À proscrire également, le déguisement en Michael Jackson.
L’Amérique nous donnant toujours l’exemple, il est urgent de revisiter Othello. Il est parfaitement scandaleux que l’assassin de Desdémone soit un homme de couleur. Nous voulons, nous exigeons, un Othello blanc !
Mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire que le Médecin malgré lui, Cyrano de Bergerac, Antigone, soient joués par des acteurs noirs. Ils seront grimés en blanc. Et nous pourrons alors protester contre ce « whiteface ».
Aujourd’hui retraité, le général de gendarmerie nationale Patrice Bayard a vu le profil des cambrioleurs évoluer. Aux traditionnels petits délinquants isolés, se sont adjoints des organisations structurées roms, roumaines ou issues de l’ex-URSS. Cette professionnalisation de la rapine oblige police et justice à s’adapter.
Causeur. Tandis que le terrorisme, les trafics de drogue et les crimes de sang accaparent l’attention médiatique, les 250 000 cambriolages qui ont lieu chaque année en France semblent passer sous les radars. Un cambriolage est-il moins traumatisant qu’une agression ?
Patrice Bayard. Pas du tout. Ce type de délinquance contribue très fortement au sentiment d’insécurité. Au cours de ma carrière, j’ai vu de nombreuses victimes traumatisées longtemps après un cambriolage, souvent bien au-delà du préjudice matériel subi. Les gens sont très choqués que l’on puisse entrer chez eux, fouiller leur maison, y voler des biens, fût-ce de faible valeur.
Qui sont aujourd’hui les cambrioleurs ?
Je distingue deux grandes catégories. D’abord ceux qui ont toujours sévi : jeunes à la dérive, drogués ou individus en quête de petits profits rapides. Ils travaillent sur un petit périmètre, sont souvent interpellés et bien connus par les forces de l’ordre. Ensuite, il y a la délinquance itinérante, parfois organisée, qui a longtemps été sous-estimée. Cette catégorie comporte trois grandes familles : celles qui tournent autour d’un clan rom, des organisations moins structurées typiquement roumaines (et non roms !) et enfin les associations criminelles très structurées autour de chefs qui se projettent sur des territoires très lointains.
Je me souviens d’une petite organisation qui recrutait des jeunes Roumains pour voler dans des exploitations agricoles en France. Leur butin nous semblait de peu de valeur (vieux vélos, tronçonneuses). Ils remplissaient des fourgonnettes entières et repartaient pour la Roumanie pour les revendre sur le marché noir ou sur des sites type Le Bon Coin. Avant qu’on y mette fin, ils ont créé un véritable malaise chez nos agriculteurs.
En France, les organisations les plus structurées sont d’origine géorgienne ou moldave.
Nous avons mis du temps à comprendre cette culture criminelle. On se contentait d’arrêter des petites équipes de cambrioleurs, parfois de deux ou trois membres, sans rien savoir de l’organisation à laquelle ils appartenaient. Sur un même territoire, on peut voir opérer une dizaine d’équipes de cambrioleurs sous les ordres d’un lieutenant, lui-même dirigé par un dirigeant régional, lequel rend des comptes à un grand chef souvent implanté à l’étranger.
Ils obéissent à une sorte de code d’honneur – la loi des voleurs
Ont-ils tous des liens de parenté entre eux ?
Non. Ils sont recrutés et adhèrent à un système de valeurs codifié. Ce sont souvent des organisations créées par d’anciens prisonniers du goulag. Des durs qui ont appris à survivre dans des conditions inimaginables. Les autorités russes, notamment les services spéciaux, ont instrumentalisé ces structures criminelles, leur permettant de perdurer dans le temps. On les appelle d’ailleurs « voleurs dans la loi », car ils obéissent à une sorte de code d’honneur – la loi des voleurs. Cela peut vous sembler relever du fantasme et du cinéma, mais pour avoir été confronté à eux, je peux vous assurer que c’est une réalité bien connue dans les pays de l’Est. Ces structures criminelles exigent des rendements de leurs équipes qui doivent faire jusqu’à cinq ou six cambriolages par jour, parfois plus.
Visent-ils des appartements, des maisons ou des commerces ?
Ils visent principalement des appartements et des maisons individuelles, même s’ils ont aussi des membres spécialisés dans les vols à l’étalage dans les commerces. Les équipes de cambrioleurs proprement dites sont souvent composées de trois ou quatre personnes, dont un serrurier, qui ouvre les portes.
Quel butin recherchent-ils ?
L’image du cambrioleur qui emporte la télévision, la chaîne hi-fi est trompeuse : ils cherchent les bijoux, les montres, et tout ce qui peut se négocier très rapidement, comme les tablettes et les téléphones. Et, bien sûr, le liquide.
Comment est organisé le recel ?
Les receleurs sont souvent français. Tout ce qui est négociable est vendu sur place, le numéraire remonte en haut de la hiérarchie. La particularité de cette organisation, c’est que les voleurs eux-mêmes ne gardent pas leur butin. J’ai le souvenir d’un voleur qui avait gardé pour lui une montre : il a dû faire face à la « justice » de la bande.
En France, les voleurs échappent à de lourdes peines s’il n’y a pas violence
Sont-ils violents ?
Essentiellement entre eux. Pour l’instant, sur le territoire français, on n’observe pas de violence vis-à-vis des personnes. Sachant qu’en France, les voleurs échappent à de lourdes peines s’il n’y a pas violence et si ça se passe bien avec la police, ils font profil bas. Heureusement, nous avons réussi, non sans efforts, à faire comprendre à la police et à la justice qu’il ne s’agissait pas d’individus malheureux, mais de membres d’organisations criminelles. Aussi, les condamnations sont-elles de plus en plus lourdes, car le vol en bande organisée est considéré comme une circonstance aggravante.
Ces groupes de prisonniers étrangers appartenant à des organisations structurées régies par un code d’honneur posent-ils des problèmes particuliers à l’administration pénitentiaire ?
La vie en cellule fait partie du mode de vie normal des voleurs dans la loi. Évidemment, en prison, certaines personnes prennent le pouvoir et peuvent créer des problèmes. Il y a quelques années, il y a eu une confrontation dans une maison d’arrêt du côté de Saint-Étienne entre Géorgiens et Tchétchènes, mais pour le moment ça ne va pas plus loin.
Y a-t-il des passerelles entre cambrioleurs et trafiquants d’armes, de drogue ou d’êtres humains ?
Les cambriolages massifs sont bien souvent la première phase de l’implantation d’une organisation criminelle. Certains cambrioleurs évoluent ensuite avec des commerces, des bars, puis parfois vers la prostitution, le trafic d’armes et de drogue. Quant aux voleurs dans la loi, ils se concentrent sur leur corps de métier : les cambriolages.
Si on maintient la pression comme aujourd’hui, on peut contenir le phénomène
Comment réagissent les réseaux criminels français face à ces nouveaux arrivés ?
Pour l’instant, il y a très peu de conflits, car ces groupes criminels se spécialisent dans des activités peu rentables qui n’intéressent pas le grand banditisme français. Celui-ci préfère le trafic de drogue et la prostitution, et regarde un peu de haut les cambrioleurs. Mais, à terme, de sévères confrontations sont inéluctables. Les nouveaux finiront par déranger.
Quel est votre pronostic pour l’avenir ?
Si on maintient la pression comme aujourd’hui, on peut contenir le phénomène en perturbant et en dérangeant l’implantation des réseaux. Ces derniers recherchent un maximum de profit en prenant un minimum de risques. Ils tournent entre les régions, se déplacent et essayent de s’implanter là où il est plus simple de voler. Si on s’attaque à leurs structures de commandement, cela finira par les décourager et les inciter à aller ailleurs.
La difficulté croissante à utiliser de l’argent liquide a-t-elle un impact sur ce genre de criminalité ?
Bien sûr. C’est notamment vrai pour les réseaux roms spécialisés dans le vol de métaux. Si les acheteurs de métaux respectaient la réglementation et refusaient de payer en cash, cela les gênerait énormément. Nos amis allemands, qui acceptaient le paiement en cash, ont vu les vols de métaux exploser chez eux… mais cela avait aussi un impact dans notre pays, car les Roms continuaient de voler en France pour revendre en Allemagne.
L'antispéciste David Olivier sur Iamvegan TV / Capture d'écran Facebook
L’antispécisme est un millénarisme. Et ce n’est pas un hasard s’il apparaît aujourd’hui…
«Si la souffrance de la gazelle importe, il y a un problème de solidarité avec la gazelle. Le lion va, au cours de sa vie, tuer des centaines de gazelles. Est-ce qu’il est juste de laisser le lion faire cela ? Soulever ce problème et répondre que : ‘Oui, on devrait dans l’idéal changer la nature (…) dans la mesure du possible’, c’est la seule réponse qui soit crédible et qui permette de montrer que nous prenons réellement au sérieux la question de la souffrance des animaux.» Ces propos sont de David Olivier, coauteur de La révolution antispéciste et cofondateur des Cahiers antispécistes. Dans la même vidéo, circulant sur les réseaux sociaux, il explique que l’on doit garder les chats à l’intérieur pour les empêcher de chasser, estimant qu’il faut mettre en balance les désirs du chat, et ceux des souris qui « ont une fin atroce entre les griffes du chat ».
L’extrême naïveté, la puérilité absolue de cette vision poussent évidemment à un haussement de sourcil ou d’épaules. Mais pour l’historien, il est assez fascinant de voir resurgir un utopisme aussi radical à une époque et dans des sociétés si différentes de celles qui virent jadis émerger ce genre de discours.
La faim des temps
En lisant ces lignes, le lecteur un peu instruit aura sans doute songé, sans nécessairement connaître la référence exacte, à Isaïe 65, 24 : « Le loup et l’agneau paîtront ensemble, Le lion, comme le bœuf, mangera de la paille, Et le serpent aura la poussière pour nourriture. Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte, Dit l’Eternel ». Ce texte biblique est un texte eschatologique, qui décrit la Jérusalem céleste. Ce genre de texte a toujours été interprété comme désignant exclusivement le monde d’après la fin du monde, le Royaume céleste ; par conséquent, tout en étant l’objet de l’espérance des croyants, les choses décrites représentaient également une liste de tout ce qui demeurerait jusqu’à la fin des temps, et qu’il était par conséquent illusoire d’espérer changer ici-bas.
On peut penser que le caractère très répandu de ce type de croyance ne relève pas seulement d’une sorte de puérilité de l’esprit humain, qui se plairait à imaginer un monde sans aucun problème, mais aussi d’une sagesse traditionnelle dissuadant les membres de la société de gaspiller leur énergie, voire de mettre ladite société en péril, en poursuivant des chimères. Les exhortations du Christ sur le fait que les anges de Dieu se chargeront de séparer le bon grain de l’ivraie au Jugement dernier, mais que les hommes ne doivent pas chercher à faire eux-mêmes cette justice absolue, relèvent du même registre.
Le catharisme, l’antispécisme des origines
Or, on assiste précisément, avec ce discours végan et antispéciste radical, à une réémergence d’une forme de millénarisme, cette posture religieuse qui consiste à vouloir hâter la fin des temps, et amener dans notre monde terrestre le monde tel qu’il ne saurait être qu’après l’avènement du royaume divin, et ce au moyen de pratiques sacrificielles extrêmes, qui prennent généralement deux formes : l’ascèse extrême et/ou le massacre des « méchants ». On retrouve aujourd’hui dans l’antispécisme ces deux mamelles du millénarisme : il y a d’une part le régime végan toujours plus exigeant et d’autre part le terrorisme contre les fauteurs du mal qu’il s’agit d’éradiquer.
L’Eglise catholique a toujours condamné le millénarisme (canon 676 du Catéchisme), rangeant notamment sous cette catégorie le « messianisme sécularisé », le communisme au XXe siècle, mais avant cela de nombreuses occurrences historiques avaient pu être observées, des Taborites de Bohême aux Anabaptistes de Munster, toujours à l’origine de nombreux massacres. Mais il est intéressant de noter que l’une des occurrences qui évoquent le plus nos actuels antispécistes sont les fameux cathares du XIIIe siècle, dont la doctrine prônait un respect absolu de toute vie et par conséquent un régime alimentaire exclusivement végétarien – plus encore, certains pratiquaient l’endura, une privation totale de nourriture conduisant à une mort supposée bienheureuse. Par ailleurs, les cathares rejetaient la propriété privée, ce qui est bien souvent le cas de nos antispécistes et végans, souvent proches de l’extrême gauche quand il s’agit de politique. Plus encore, les cathares condamnaient la sexualité et bannissaient la procréation, ce que certains écologistes radicaux tiennent aujourd’hui pour un moyen de « sauver la planète ».
L’homme, un animal comme un autre
Nos antispécistes arrivent à aller plus loin que les cathares sur un point : en abaissant l’homme au niveau des autres animaux – ou en hissant les autres animaux à l’égal de l’homme, comme on voudra. C’est que dans une société déchristianisée, l’idée de Dieu, et d’un homme fait à son image et donc distinct des autres êtres vivants, s’efface naturellement. En écoutant les prêches antispécistes, on pense au curé d’Ars : « Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre : on y adorera les bêtes ».
Aujourd’hui comme hier, ces chimères sont souvent dangereuses pour la santé, pour certains de leurs membres, et pour tous les autres, auxquels ils auraient la tentation d’imposer leur vision par la violence. On peut par ailleurs penser que, si leur excentricité et leur activisme attirent l’attention des journalistes, leurs idées n’iront jamais très au-delà d’une proportion infime de la population, comme du temps des cathares d’ailleurs : ce genre de vie et d’idées radicales, utopistes, ne sont jamais faites que pour une très petite quantité d’exaltés.
Une (dangereuse) réponse aux excès de notre époque
Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas prendre cette éruption antispéciste au sérieux, comme symptôme d’un mal frappant nos sociétés. Repensons aux cathares : ce n’est pas un hasard si ce courant radicalement antimatérialiste s’est manifesté à l’époque de ce qu’on appelle la théocratie pontificale, l’apogée du pouvoir de l’institution ecclésiastique en Europe médiévale, où le clergé était très riche et sa direction encombrée de préoccupations politiques et matérielles. Aujourd’hui, la poussée antispéciste est sans nul doute à mettre en lien avec l’extrême industrialisation de l’élevage animal, et avec une exploitation du vivant qui, pour n’être pas illégitime, est souvent faite dans des conditions indignes.
Aussi bien se souviendra-t-on que, outre le catharisme, le XIIIe siècle vit également apparaître les ordres mendiants, et notamment celui de saint François d’Assises, qui prôna tout à la fois une pauvreté toute christique et une amitié pour toutes les bêtes, frères et sœurs dans la Création ; c’est sur la base de cet héritage que tous les papes depuis plus d’un siècle ont encouragé la protection et le respect des animaux.
Une réponse équivalente aux questions qui suscitent les crispations antispécistes reste peut-être à inventer.
Saumon d'élevage écossais. Sipa. Numéro de reportage : 00229865_000005.
L’élevage industriel de saumon est un massacre écologique, alimentaire et sanitaire. Horreur, malheur !
S’agissait-il d’un pur concours de circonstances ? Toujours est-il que je n’avais jamais tant entendu parler du saumon d’élevage qu’en ce jour, déjà lointain, de fin d’été.
L’élevage détruit des régions entières
Tout a commencé dès potron-minet, avec la lecture d’un article du Monde Diplomatique de septembre, intitulé « Saumon, du mets de luxe au fléau écologique ». Cela s’est poursuivi en début de soirée avec un autre, celui que j’ai croisé en épluchant le Libé de ce même lundi : « Au Chili, 700 saumons se font la malle, leur proprio sur le grill. » Dans le premier, j’ai découvert que, juste derrière la Norvège, le Chili était actuellement le plus gros producteur au monde de salmonidés, alors même que, il y a moins d’un siècle, il fallait se lever d’aussi bonne heure que moi pour croiser un poisson de ce type aux abords des côtes chiliennes. Dans le second, j’ai appris que 690 000 saumons d’élevage s’étaient échappés de ce qui ressemble à un camp de concentration aquatique, ce qui n’était pas sans augurer de méchantes retombées environnementales.
Est-ce moi qui aie un problème ? En tout cas, j’ai du mal à comprendre : 1/ pourquoi le Chili s’est lancé à corps perdu dans ce type de « production », avec l’appui de politiciens et d’institutions en cheville avec les industriels du secteur ; 2/ pourquoi des hommes a priori doués de raison ont ainsi pris le risque de saccager un peu plus une partie de notre planète, déjà mal en point, malgré les dénégations du Donald et l’inertie générale des gouvernements actuellement en place.
Des chairs cocktails de molécules toxiques
Certes, « ça » – l’élevage industriel – rapporte de l’argent. Mais à bien y regarder, ça n’en rapporte qu’à peu de gens en fait : les propriétaires des moyens de production ; ceux qui en ont déjà sous le matelas souvent : les riches. Certes, cela crée, paraît-il, des dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects. Mais ce sont surtout de mauvais emplois, peu rémunérateurs, qui ne permettent pas à ceux qui les exercent de vivre décemment. Surtout, cela vaut-il le coup de détruire des régions entières, jusque-là préservées de fléaux écologiques, réputées pour leur beauté et la qualité de leurs eaux ? A la limite, les saumons « produits » seraient bons, tant au niveau gustatif que sanitaire, on pourrait peut-être trouver au moins une raison de continuer. Sauf que… ils ne le sont pas. En effet, ils sont saturés d’antibiotiques, administrés massivement pour lutter contre les maladies que favorise la promiscuité dans laquelle se trouvent autant de poissons concentrés en un même lieu. Leur chair, gorgée de pesticides déversés pour lutter contre le « pou du saumon », est un cocktail de molécules toxiques, voire létales pour tout organisme humain qui en absorberait régulièrement.
En résumé, exceptés quelques-uns, toujours les mêmes ou peu s’en faut, cet élevage industriel ne profite à personne, et certainement pas à des saumons au mieux appréhendés comme des biens à disposition de cet homme encouragé par la tradition cartésienne à se rendre « maître et possesseur de la nature ». En réalité, cette façon de « faire du poisson » est un bel exemple de désastre à exécution successive, comme il existe des contrats du même nom. Sauf qu’ici, on chercherait en vain une quelconque forme d’accord préalable entre plusieurs parties. Il n’y a eu qu’une volonté unilatérale, celle manifestée par des rapaces ayant flairé la bonne affaire, qui s’est imposée sans débat, presque subrepticement.
Arrêtons les frais !
A présent que ses conséquences se font cruellement sentir, des voix pourraient s’élever afin d’arrêter là les frais. Ce n’est pourtant pas ce qu’il advient. Au lieu de cela, le saccage continue. Et ce n’est certainement pas demain la veille que les destinataires de cette « nourriture » songeront à s’insurger contre le scandale consistant à exiger de l’argent, donc du temps de travail pour la plupart d’entre nous, afin de l’obtenir.
Sommes-nous donc à ce point idiots ? N’avons-nous donc rien dans la caboche ? Est-il possible que pas un ne se rende compte qu’il y a quelque chose de fondamentalement pourri dans toute cette histoire ?
Certes, des groupes de pêcheurs chiliens, depuis le début, se montrent hostiles et râlent. On ne prendra même pas trop de risques à supputer que les cliques de « consomm’acteurs » hantant les « Croc Nature », « Biocoop » et autres échoppes huilessentialisées à mort, dans la mesure où l’ingestion de tels poiscailles menace de leur fiche la diarrhée ou de nuire à leur « capital santé », boycottent déjà scrupuleusement ces produits, aussi « haram » pour eux que peut l’être un bout de jambon pour un musulman. Mais à part eux, qui tout cela interpelle-t-il vraiment ? Un, deux, peut-être trois couillons comme moi ?
Si tel est le cas, on n’a pas fini d’en bouffer, de la merde. Et nos jours sur cette planète sont d’ores et déjà comptés. Car quand on chie là où l’on mange…
Violences du 1er mai 2018 à Paris. SIPA. 00857010_000013
Les violences dont sont victimes profs et élèves à l’école ne sont pas le fait de l’école, mais celui d’une société qui transpire la brutalité.
Dans le domaine éducatif, chacun sait qu’il faut s’y prendre le plus tôt possible, et avec une ferme autorité, pour ancrer dans l’esprit et les pratiques des enfants les habitudes et les réflexes les plus sains et les plus indispensables à la vie commune – familiale, amicale, sociale. Qu’il faille dans le même mouvement respecter la nature singulière de chaque enfant, et ne rien faire qui puisse entraver son adaptation au monde nouveau qui l’attend, est une évidence morale, même si pour les adultes la synthèse relève d’une quasi aporie. Ce défi devient crucial lorsque les enfants prennent le dessus sur les adultes, mais le principe reste déterminant. C’est pourquoi, de toute la profondeur de sa compréhension, Hannah Arendt pouvait porter, dans Reflections on Little Rock, ces jugements objectifs, tranchés et assez cruels :
« L’éducation progressiste, […] en abolissant l’autorité des adultes, nie implicitement leur responsabilité à l’égard du monde dans lequel ils ont fait naître leurs enfants, et refuse le devoir de les guider dans ce monde. »
Et dans La Crise de la culture :
« Avec la conception et la naissance, les parents n’ont pas seulement donné la vie à leurs enfants ; ils les ont en même temps introduits dans un monde. En les éduquant, ils assument la responsabilité de la vie et du développement de l’enfant, mais aussi celle de la continuité du monde. Ces deux responsabilités ne coïncident aucunement et peuvent même entrer en conflit. En un certain sens, cette responsabilité du développement de l’enfant va contre le monde : l’enfant a besoin d’être tout particulièrement protégé et soigné pour éviter que le monde puisse le détruire. Mais ce monde aussi a besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté et détruit par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération. » « L’école n’est en aucune façon le monde », mais « l’institution qui s’intercale entre le monde et le domaine privé que constitue le foyer pour permettre la transition entre la famille et le monde ». « Vis-à-vis des jeunes, les éducateurs font figure de représentants d’un monde dont […] ils doivent assumer la responsabilité, même si, secrètement ou ouvertement, ils le souhaitent différent de ce qu’il est. Cette responsabilité n’est pas imposée arbitrairement aux éducateurs ; elle est implicite du fait que les jeunes sont introduits par les adultes dans un monde en perpétuel changement. Qui refuse d’assumer cette responsabilité du monde ne devrait ni avoir d’enfant, ni avoir le droit de prendre part à leur éducation. »
L’école crève de ses lâchetés…
Durant les quarante-deux années qu’a duré ma carrière professionnelle, j’ai exercé successivement les fonctions de professeur de lettres, de proviseur de cités scolaires, d’inspecteur général, de conseiller de ministre. J’ai beaucoup publié, notamment sur la pratique éthique et professionnelle du chef d’établissement scolaire. J’ai donc eu l’occasion de témoigner de la qualité, de l’écoute et du courage de belles personnalités de notre système éducatif, auxquelles je dois beaucoup, – mais surtout qui ont permis à notre école de résister aux coups de boutoir et aux lâchetés qui ont jalonné son existence, et qui hypothèquent lourdement son avenir. Il s’agit, en particulier, de la dévalorisation et du désinvestissement de la pratique des sanctions, sinon même des obstacles fréquemment mis à leur application par la hiérarchie supérieure, « pour des raisons politiques », comme on me l’a souvent signifié, parfois de façon risible.
Je n’en fournirai ici que deux brèves illustrations, concernant la conduite inadmissible, en l’occurrence, d’adultes en charge d’élèves (l’équivalent se retrouve naturellement quant au comportement d’élèves dans les textes et structures officiels, comme dans les instructions circonstancielles émanant des autorités supérieures).
L’intendant d’un des lycées que j’ai dirigés, homme d’une haute valeur professionnelle et morale, excédé par l’incompétence, la mauvaise volonté et le comportement asocial d’un personnel pourtant essentiel à la bonne marche de son service, rédige à son sujet un rapport parfaitement objectif et circonstancié. Il le signe. J’y ajoute, manuscrite, la mention suivante : « En accord total avec l’ensemble des termes de ce rapport », je contresigne le document et l’adresse à mon supérieur hiérarchique. Ce dernier, quelques jours plus tard, me joint au téléphone et me pose immédiatement la question suivante : « Dites-moi : il est comment, votre intendant ? »
Je résume le deuxième épisode. Pour me faire enfin céder à sa demande de suppression d’un rapport très sévère que j’avais rédigé sur un personnel « protégé » par sa fonction syndicale, mon supérieur hiérarchique me convoque toutes affaires cessantes dans son bureau. Devant mon refus d’obtempérer à son injonction répétée, et faute d’arguments recevables, il me lance tout à coup : « Je sais que vous êtes un proviseur reconnu, mais on me dit que les résultats de votre lycée sont en baisse ! » (ce qui, en l’occurrence, n’était pas le cas)
…qui sont celles de la société
Ce type de comportement, assez induré, peut en partie expliquer l’état de déréliction croissante où se trouve notre système éducatif, quant à son niveau de qualité et de réussite : les comparaisons internationales en fournissent, chaque année davantage, une preuve indiscutable. Mais c’est aussi le cas des questions de sécurité, morale comme physique, et de discipline : la comptabilité officielle des incidents journaliers, par hypothèse incomplète, en atteste amplement. – Et cependant, le fond de la question n’est plus du tout celui-là.
En réalité, dans la période si troublée et désaxée que nous connaissons aujourd’hui, il est proprement impossible, impensable même, que notre école puisse se rétablir par elle-même: cette crise s’inscrit dans un contexte bien plus large. J’aimerais pouvoir dire qu’il y suffirait que n’y soient nommés que des responsables académiques et départementaux, mais d’abord nationaux, hyper déterminés à la redresser, dotés du courage et de l’énergie nécessaires, et surtout soutenus par leur ministre. Ce n’est hélas plus du tout la question ! En effet, l’Education nationale, aujourd’hui, ne constitue plus un domaine séparé, comme par miracle, du reste de la communauté nationale, et de toutes les autres responsabilités de l’Etat ! Si elle l’a jamais été, l’école n’est plus ce lieu quasi sacré, où n’entrent ni les disputes ni la violence de la vie sociale et politique : chaque jour qui passe montre désormais, sur quasiment tous les plans, y compris les plus triviaux, que notre vie sociale et politique et la réalité de notre institution scolaire sont étroitement imbriquées. Et que donc leur destinée même sera conjointe, dans notre pays, pour le pire ou pour le meilleur.
De ce fait fondamental découle une évidence aveuglante. La priorité politique absolue est que l’Etat, sous toutes ses formes et par toutes ses forces, se fasse enfin respecter, sur la totalité des territoires de notre pays, dans tous les domaines de la vie civile et sociale, et y assure l’ordre républicain et la sécurité, matrices de toutes les libertés publiques et privées. Pour nos dirigeants, faire mine d’essayer, ou même essayer loyalement de rétablir, dans la seule éducation, l’ordre et la sécurité nécessaires aux études, comme si cela pouvait s’effectuer indépendamment de ses autres fonctions régaliennes, s’avèrera pour l’école comme pour le pays tout entier d’une parfaite et coûteuse inutilité – temps et énergie gaspillés en pure perte, voire pire. Tant que des voitures seront brûlées sur un terrain vague ou sur un parking en banlieue, que de modestes habitants des cités seront forcés pour rentrer chez eux de montrer patte blanche à des trafiquants de stupéfiants, que la police, les pompiers ou des soignants ne pourront pas pénétrer en sécurité dans ces zones perdues de la République, que le voile féminin intégral sera de facto toléré sur certaines parties du territoire, il serait absolument inutile, et parfaitement ridicule, vaste et vain gaspillage des deniers de l’Etat, comme de la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics, que l’Etat tente, fût-ce à grands frais, de remettre notre école sur la bonne voie : ce serait cataplasme sur jambe de bois.
« L’effondrement de l’autorité n’est-elle pas la vraie et seule crise de civilisation ? »
Sur ce champ crucial, déterminant, je veux citer ces propos de Raymond Aron, comme si souvent d’une clairvoyance et d’une honnêteté intellectuelle hors de pair. Ils pourraient s’appliquer à la très grave situation où se trouvent actuellement la France et notre pauvre Europe :
« Si des pères, des maîtres, des supérieurs hiérarchiques, des prêtres n’inspirent plus de respect, il ne subsiste que la puissance nue ou l’anarchie. »[tooltips content= »Études politiques, 1972, cité par Mathieu Bock-Côté, Raymond Aron, notre contemporain, revue Arguments, 2013. »]1[/tooltips]
« L’effondrement de l’autorité n’est-elle pas la vraie et seule crise de civilisation ? »[tooltips content= »Plaidoyer pour l’Europe décadente,1977. »]2[/tooltips]
Et peut-être surtout ce dur constat, si actuel :
« Pendant ces années de décadence[tooltips content= »Il s’agit ici des années 1930. »]3[/tooltips], […] quel gouvernement pouvait sortir de la compétition entre des partis qui se perdaient dans des intrigues parlementaires et qui refusaient d’ouvrir les yeux ? Baisse de la natalité, baisse de la production, effondrement de la volonté nationale : il m’est arrivé par instants de penser, peut-être de dire tout haut : s’il faut un régime autoritaire pour sauver la France, soit, acceptons-le tout en le détestant. »[tooltips content= »Mémoires. Cité par Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Français de l’an 40. »]4[/tooltips]
Pour qu’un esprit tel que Raymond Aron, si affectivement et intellectuellement attaché aux libertés publiques et privées, en vienne à se résoudre, certes douloureusement, à leur réduction, il fallait que la menace fût exceptionnellement grave et imminente. Et elle l’était ! C’est à nous aujourd’hui qu’il incombe de prendre la mesure des dangers que traversent la France et l’Europe, pour les affronter, avec la lucidité, la détermination et les moyens nécessaires.
Rokhaya Diallo. Sipa. Numéro de reportage : 00881837_000033.
Dans une tribune censée expliquer « ce qu’est le racisme (pour les nuls) », Rokhaya Diallo tente de montrer que le racisme anti-Blancs n’existe pas. La seule chose qu’elle montre, hélas, c’est qu’elle n’a rien compris à ce qu’est vraiment le racisme.
Rokhaya Diallo n’est pas raciste…
Rendons à César ce qui est à César, et à Rokhaya ce qui lui revient : là où d’autres se contentent d’affirmations péremptoires et d’imprécations, elle analyse et elle argumente. C’est une marque de respect envers ceux qui ne partagent pas son avis. Et il faut reconnaître que son propos est bien plus intéressant que ceux d’Eric Fassin ou de Pierre Liscia chez Ardisson, tous deux négateurs du « racisme anti-Blanc ».
Sa tribune faisant suite à la polémique soulevée par la chanson « Pendez les Blancs », il faut souligner aussi qu’elle en condamne sans la moindre ambiguïté les paroles : « Les propos tenus dans le clip de ce rappeur dont vraisemblablement personne ne connaissait l’existence avant-hier sont d’une violence difficilement soutenable. Si l’auteur invoque la fiction, le renversement du stigmate, j’ai du mal à y voir autre chose que la glaçante mise en scène d’une abominable escalade criminelle. » Quoi que l’on puisse penser de Mme Diallo, de ses convictions et de son action, la moindre des choses est de ne pas lui adresser de reproches infondés.
…mais ne sait pas ce qu’est le racisme
Le problème vient juste après, lorsqu’elle écrit : « Dans tous les cas, et indépendamment de ce clip, une chose est certaine : des personnes noires peuvent nourrir des sentiments de haine à l’égard des Blancs. Pour autant, on ne peut qualifier ce phénomène de racisme. Pourquoi ? Le racisme est un système fruit de l’histoire de dominations multiséculaires. »
Si l’on pousse à bout sa vision biaisée des « dominations multiséculaires », il faut croire que les souverains du Dahomey auraient été opprimés par les paysans européens de la fin du Moyen-Âge, et elle-même serait victime de discriminations de la part des ouvriers de l’usine sidérurgique de Florange. Surtout, Rokhaya Diallo fait deux confusions et une erreur majeures. D’une part, elle confond inégalités et discriminations, tout comme elle confond le racisme, les discriminations motivées par le racisme et la systématisation de discriminations motivées par le racisme: trois choses condamnables mais différentes. D’autre part, elle ne considère que le racisme associé à la couleur de peau, ce qui est aussi réducteur qu’absurde – mais sert évidemment son agenda politique et médiatique.
Or, d’après l’Académie Française, le racisme est un « ensemble de doctrines selon lesquelles les variétés de l’espèce humaine appelées races, principalement distinguées les unes des autres par leur apparence physique, seraient dotées de facultés intellectuelles et morales inégales, directement liées à leur patrimoine génétique. Par extension, un préjugé hostile, méprisant à l’égard des personnes appartenant à d’autres races, à d’autres ethnies. »
Qu’on me permette de reformuler : le racisme est l’idée selon laquelle un individu appartenant à une ethnie donnée aurait inévitablement certains traits de caractère ou certaines infériorités du seul fait de son appartenance à cette ethnie, et ne pourrait en aucun cas échapper à ce déterminisme.
Le racisme est ethnique, pas culturel
Par extension, est raciste toute attitude hostile ou méprisante envers un individu appartenant ou étant supposé appartenir à une ethnie donnée, si (et seulement si) cette attitude est motivée par cette appartenance ethnique réelle ou supposée. C’est dans ce sens-là que le racisme peut être « anti- », que ce soit anti-Blancs, anti-Noirs, anti-Juifs, anti-Arabes, anti-Asiatiques, anti-ce que vous voulez.
Et je précise que le racisme est une question ethnique, et non culturelle. Porter un jugement sur des croyances librement choisies, comme une opinion politique ou une appartenance religieuse, n’est pas du racisme. Porter un jugement sur une culture ou une civilisation dans son ensemble ne l’est pas non plus, tout au plus est-ce parfois arrogant et malvenu – encore que ! Même si certains y verront de l’ethnocentrisme, j’assume le fait que la célébration de sacrifices humains, la pratique de l’esclavage ou celle de l’excision n’aient absolument pas la même valeur à mes yeux que leur abolition et leur ferme condamnation…
Ces Blancs qui n’ont jamais été oppressés…
« Jamais ils [les Blancs] n’ont fait l’objet de théories raciales faisant d’eux des êtres inférieurs et se traduisant dans des pratiques institutionnelles », poursuit Rokhaya Diallo. Allez dire ça aux victimes des massacres entre Serbes, Croates, Bosniaques et Albanais ! Ah, mais pour Madame Diallo ces entreprises atroces de « purification ethnique » ne relèvent pas du racisme, puisqu’elles opposent des groupes ethniques ayant la même couleur de peau.
Car elle écrit aussi que « des Blancs étrangers peuvent être exposés à la xénophobie, des Blancs ont été réduits à l’esclavage par le passé, des Blancs juifs ont vécu la tragédie du génocide et du racisme. Personne ne peut nier ces horreurs. Toutefois, elles n’ont jamais été justifiées du fait de leur couleur de peau blanche, les Juifs n’étant d’ailleurs pas considérés comme des Blancs dans l’idéologie nazie ».
L’idée se précise : pour Rokhaya Diallo, le racisme n’est vraiment raciste que s’il est justifié par la couleur de peau. Et lorsqu’elle ne peut pas nier un racisme par trop évident mais lié à d’autres critères, c’est que les victimes ne sont pas considérées comme « vraiment blanches » par leurs bourreaux ! La pirouette est facile.
Qu’en est-il du Lebensborn ? C’est que la prétendue supériorité de la « race aryenne » n’était pas attachée au seul critère de la couleur de peau, et s’exerçait aussi au détriment des Blancs non-Juifs et non-aryens. Qu’en fait-on alors ? Racisme ou pas ?
Oui, le racisme anti-Blancs existe
Mais ne nous limitons pas aux Blancs ! Ce serait raciste… Que dire du terrible génocide rwandais, et de la haine sanglante et proprement raciste entre Hutus et Tutsis ? Les uns considéraient-ils les autres comme « pas vraiment Noirs » ? Que Mme Diallo quitte donc le confort des tribunes officielles pour accompagner des casques bleus au cœur des guerres ethniques ! Elle verra que malgré le prétendu « racisme d’Etat », les Noirs sont bien mieux traités par les Blancs en France, que ne sont traités les Noirs des ethnies minoritaires par les Noirs des ethnies majoritaires dans bien des pays d’Afrique. Et puisque j’évoque les casques bleus, elle verra peut-être aussi que lorsque certains groupes armés choisissent des cibles, la couleur du casque importe beaucoup plus que la couleur de la peau.
Mais ne nous limitons pas aux Blancs et aux Noirs, ce serait raciste… Rokhaya Diallo a-t-elle une idée de ce que fut en Chine le racisme des Han envers les minorités, de certaines minorités entre elles, ou des Mandchous envers les Han ? Ou de ce qu’a pu être la situation des Aïnous au Japon ? J’arrête là.
Oui, le racisme anti-Blancs existe, et il est l’objet de théories élaborées et structurées. Il n’est qu’à lire Houria Bouteldja ou le « manifeste du racisme anti-Blancs » (également homophobe) pour s’en convaincre. Et que l’on ne vienne pas me dire qu’il s’agit d’une « blancheur » qui ne serait que symbolique, construction sociale et non ethnique : si c’était vrai, ce n’est pas le terme de « Blancs » qui aurait été choisi pour désigner cette appartenance.
Le véritable racisme…
Mais l’essentiel n’est pas là. Même si le racisme anti-Blancs n’existait pas, limiter le racisme à la question de la couleur de peau resterait la marque d’une profonde ignorance, et l’assimiler à un « système inégalitaire » réel ou supposé demeurerait une terrible erreur, et sans doute même une faute. Car ce n’est pas seulement par ses conséquences, si condamnables soient-elles, que le racisme est grave. C’est dans son fondement même.
Le véritable racisme consiste à prétendre que les convictions devraient être déterminées par les origines, ce qui revient à refuser le libre-arbitre et la liberté de pensée, comme le font par exemple ceux qui traitent Lydia Guirous de « traîtresse » et Patrice Quarteron de « Bounty ».
Le véritable racisme consiste à enfermer les membres des « minorités » dans un rôle préétabli, en affirmant qu’ils devraient se consacrer uniquement aux intérêts de leur « minorité » et ne pourraient pas se soucier de l’intérêt général, ni faire passer des principes éthiques universels avant la recherche d’avantages pour leur communauté d’origine.
Le véritable racisme n’est pas une question de concurrence victimaire, ni de négociations entre des sous-groupes toujours plus fragmentés, ni de rivalité entre majorité et minorités. Le véritable racisme est une négation de l’humanité de l’Homme.
Jean-Luc Mélenchon, mai 2018. SIPA. 00859488_000027
On peut bien rire de ses emportements, sur le fond Jean-Luc Mélenchon a raison: les élus de la République ne doivent pas être traités comme des criminels.
Jean-Luc Mélenchon a raison de s’indigner du traitement qui lui a été infligé par la justice : perquisition au petit matin sans interrogatoire préalable pour un grief qui relève manifestement de la cuisine politique et non du droit commun.
Cette affaire rappelle fâcheusement l’affaire Fillon : un grief mineur largement médiatisé (qui n’a pas eu de suite judiciaire à ce jour) où l’instrumentalisation de la justice (le Parquet financier en l’occurrence) a permis d’éliminer un adversaire de Macron à l’élection présidentielle, tenu pour favori jusque-là. Si, à la lettre, les poursuites contre Fillon n’étaient pas illégales, elles transgressaient, dans leur esprit, un des principes le plus fondamentaux de la tradition républicaine : l’abstention de la justice judiciaire dans les affaires administratives et a fortiori politiques.
Elections sous influence
Aujourd’hui, le risque que la France insoumise passe avant En marche aux prochaines européennes apparait grand, compte tenu du discrédit du président. Il fallait donc casser le chef de cette mouvance comme on a cassé Fillon.
La justice n’a pas procédé autrement avec Marine Le Pen qui risque de ne pas pouvoir présenter une liste aux européennes en raison des sanctions financières infligées par la justice au Front national. Le Modem fait aussi l’objet de poursuites, moins acharnées certes, mais qui empêchent François Bayrou d’entrer au gouvernement, ce qui arrange probablement le président.
Des principaux candidats à la dernière élection présidentielle, seul Macron est exempt de poursuites judiciaires alors même que les obscurités du financement de sa campagne dépassent largement celles de ses rivaux. Plusieurs de ces actions ont été lancées par la présidence du Parlement européen, dont le sens démocratique n’est pas non plus le fort. Que ne dirait-on pas si la justice russe se comportait comme la nôtre ?
Les élus de la République ne sont pas des criminels
Les gens de droite qui se réjouissent assez stupidement des malheurs de Mélenchon n’ont pas compris qu’ils sont embarqués dans la même galère. Mélenchon ne s’est pas non plus beaucoup inquiété des poursuites engagées contre la droite ; mais ce n’est qu’en partie vrai : Clémentine Autain a voté contre la levée de l’immunité judiciaire de Marine Le Pen.
Dans tous les cas évoqués (Fillon, Mélenchon, Le Pen, Bayrou), les poursuites sont liées à l’activité politique ou électorale et non, comme on le laisse entendre à l’opinion, à des agissements crapuleux de droit commun. Le principal grief est l’utilisation d’attachés parlementaires pour le compte de partis politiques. Quant au fond, ce grief est d’autant moins fondé que les fonctions d’attaché parlementaire et de cadre de parti politique sont parfaitement fongibles : il n’y a pas d’un côté les attachés qui assisteraient l’élu dans le noble travail législatif et de l’autre les mauvais permanents au service d’intérêts partisans et donc sordides. Les uns et les autres ont à peu près la même mission : assurer la logistique des élus pour leur permettre d’accomplir leur mission, que ce soit en les documentant, en tenant leur secrétariat et même en préparant les élections notamment par l’élaboration de programmes. Seule une réglementation artificielle marque une limite entre les deux fonctions. Si la limite est franchie, tout au plus pourra-t-on invoquer l’irrégularité comptable mais sûrement pas le délit ou le crime. Les élus ont une tâche lourde et prenante ; il est normal qu’ils soient assistés ; ne pas cloisonner entre les différents aspects de cette assistance, c’est déjà leur faciliter le travail.
Il y a détournement de procédure à utiliser des moyens qui sont manifestement faits pour la répression du grand banditisme et non la correction d’imputations comptables : perquisition au petit matin ou saisie conservatoire des comptes bancaires.
Le grief d’emploi fictif parait plus sérieux mais il est très difficile à établir, comme on l’a vu dans l’affaire Fillon : quand l’épouse du député parle dans une boulangerie avec une électrice qui lui raconte ses malheurs, elle n’est pas en dehors de sa mission d’assistant parlementaire. Et après tout, si un élu veut se priver des services que l’Etat finance, n’en sera-t-il pas le premier puni ? On en dira autant du grief de surfacturation des frais de campagne électorale, lui aussi incertain, invoqué à l’encontre de Mélenchon. Les juges qui s’acharnent sur ce sujet montrent qu’ils ne savent pas ce qu’est une campagne électorale : une épreuve extrêmement intense où du souci d’aller chercher des voix, pas une minute ne saurait être distraite ; aucun candidat vraiment engagé n’a jamais eu le temps d’éplucher les factures au retour d’un grand meeting. S’il s’agit d’argent, une procédure purement administrative et financière devrait suffire.
Quant à l’accusation faite à Marine Le Pen d’incitation aux actions terroristes, qui ne voit combien elle est absurde ? La justice n’a pas craint de se ridiculiser en prescrivant même une expertise psychiatrique. Il est plus qu’évident que si l’élue a publié sur Twitter des scènes d’exécutions de Daech, ce n’était pas pour soutenir le djihadisme mais, comme elle l’a bien dit, pour réfuter les propos de M. Bourdin parlant des « liens » entre Daech et le Front national.
« Méfiez-vous des juges… »
Jean-Luc Mélenchon a aussi raison de clamer que les élus ont quelque chose de sacré. Ils sont déjà protégés de la garde à vue par l’immunité parlementaire. Ce n’est pas pour que, sorti de là, ils ne fassent l’objet d’aucun ménagement. Ils participent à la dimension sacrale du pouvoir. En charge du vote des lois de la Cité, ils méritent des égards, sauf bien entendu s’ils étaient pris en flagrant délit dans un crime de sang ! Qui imagine Léon Blum permettre une perquisition chez Paul Raynaud ? Qui se souvient que le général de Gaulle avait ordonné la suspension des poursuites à l’encontre de François Mitterrand durant la campagne de 1965 ? Même s’ils ne sont pas dans la loi, ces ménagements font partie de ce qu’Orwell appelait la « common decency », une notion que les juges, et pas seulement eux, ont aujourd’hui perdue de vue. Une conception étriquée du droit, souvent à finalité idéologique, s’y est substituée. Encore heureux que les auteurs de perquisitions ne soient pas animés de la jouissance de prendre leur revanche sur les puissants, expression malsaine de l’esprit de ressentiment ou de la vieille « envidia democratica ».
Mitterrand aurait dit lors d’un conseil des ministres : « Méfiez-vous des juges, ils ont tué la monarchie. Ils tueront la République ». Nous y sommes. Mais ne perdons pas de vue que derrière les juges, il y a un exécutif sans scrupules dont la référence aux valeurs républicaines apparait de plus en plus mensongère. Un exécutif qui, c’est un comble, veut effacer de la Constitution, la Cour de justice, seule instance devant laquelle il puisse encore répondre.
Cérémonie du 11 Novembre 2017 sous l'Arc de Triomphe à Paris en présence du président de la République, Emmanuel Macron. SIPA. 00831568_000038
Oubliés les héros de la Grande Guerre, notre époque a décidé de faire des « poilus » des victimes. Et Emmanuel Macron, de la victoire française une ode enchanteresse à l’amitié franco-allemande…
En 2014, son portrait dans Libération nous apprenait que Nicolas Offenstadt porte des baskets. A priori, c’est très banal. Sauf que le bonhomme a la cinquantaine et qu’il est maître de conférences à l’université Paris-I. Il est « décalé », et surtout le chef de file d’une école historiographique qui domine aujourd’hui l’interprétation de la Première Guerre mondiale.
Inutile de préciser que Nicolas Offenstadt est de gauche. Comme tous les intellectuels de cette couleur politique, il ne voit pas en quoi ses convictions idéologiques pourraient troubler la scientificité de ses travaux. Les « partisans », c’est ceux d’en face ; en ce qui concerne l’histoire, c’est les Gouguenheim, les Pétré-Grenouilleau contre lesquels leurs collègues, voltairiens mais pas trop, n’hésitent pas à lancer des pétitions, à réclamer – dans le cas du premier, au nom du « vivrensemble », ne l’oublions pas – leur renvoi. Le camp du bien est plein de militants neutres.
Les chantiers de la gloire
La contrainte : voilà la notion autour de laquelle s’articule l’exégèse qu’Offenstadt, ses associés et leurs épigones font de la Grande Guerre. Ils se posent cette question légitime : comment nos arrière-grands-pères ont-ils tenu quatre ans dans les tranchées ? Ils répondent en substance que le bourrage de crâne, la censure et la peur du peloton d’exécution expliquent cette ténacité stupéfiante. Manipulés, surveillés, menacés par la presse et la hiérarchie militaire, les poilus ne pouvaient faire autrement que de combattre. Cette thèse mérite à tout le moins qu’on la discute. Justement, c’est ce que fait l’Historial de Péronne : autour de Jean-Jacques Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, d’autres historiens ont développé un concept concurrent : le consentement. Pour eux, les hommes de 14-18, s’ils étaient soumis aux phénomènes décrits par Offenstadt, étaient aussi et d’abord de jeunes paysans charnellement attachés à leur terre et patriotes – les hussards noirs avaient bien travaillé.
Au fond, les deux analyses forment une dialectique stimulante. Puisqu’on ne peut sonder le cœur de huit millions d’hommes, subodorons que la plupart d’entre eux subissaient cette guerre qu’ils entendaient « en même temps » remporter. Hélas, dans la sphère médiatique – irriguée par une littérature et un cinéma uniformément antimilitaristes et pacifistes – seule la contrainte a droit de cité. Les soldats de 14-18 sont passés du statut de héros à celui de victimes – en l’occurrence, d’un monstre froid et aveugle, l’État, animé par des passions mauvaises : puissance, prestige, grandeur, indépendance. Incapables de sentiment patriotique, les progressistes d’aujourd’hui ne peuvent imaginer que d’autres avant eux aient pu volontairement se battre et mourir pour leur pays. Conscrit de la Marne et spectateur du Bataclan même combat, en somme, ou plutôt même souffrance, perpétrée par la « société », cet insupportable réel qui pourrait disparaître si, laissant de côté nos différences, nous nous donnions tous la main en chantant du Black M.
La victoire des perdants
On cite ce dernier à dessein. Car il y a une continuité évidente entre François Hollande, son Verdun pour les enfants et le centenaire de l’Armistice pensé par son successeur à l’Élysée. En effet, on apprend qu’Emmanuel Macron désire faire des commémorations à venir une ode à l’amitié franco-allemande. La parade militaire sera la même que d’habitude. Hors de question de commémorer la victoire de nos armes ; le 11 novembre, cette année-là, il n’y avait que des perdants, dit une conseillère du président. Il s’agit de célébrer la réconciliation entre Paris et Berlin, et, plus encore, « la vie ». C’était d’elle que le maire de Verdun, Samuel Hazard, parlait pour justifier, en 2016, la « fête » organisée par ses services, à l’ombre de l’ossuaire de Douaumont, et dont le concert de Black M devait être le climax. Fort heureusement, ce dernier n’a pas eu lieu ; la méchante « fachosphère » avait déterré un texte du troubadour dans lequel il qualifiait la France de « pays de kouffars », c’est-à-dire de mécréants.
Faire la « fête » à Verdun… La solennité, c’est morbide, voyez-vous. On veut des nounours, des câlins et des psys. Notre époque pratique sur le passé un impérialisme émotionnel ; toutes les grandes figures et les grands événements passent par le filtre d’un sentimentalisme digne d’une esthéticienne fan de Cali. Est-ce honorer nos soldats, tombés pour que nous demeurions un peuple libre – rappelons que le Reich prévoyait de dépecer la France –, que de les considérer comme des sortes d’esclaves ? Sans jamais la mentionner, l’État suit l’école de la contrainte ; il fait aujourd’hui siens les principes idéologiquement clairs qui la fondent et l’attisent. Emmanuel Macron, pour qui notre histoire n’est décidément pas un bloc, qui prétend être patriote en liquidant le peu qu’il reste de notre souveraineté – les mots sont tellement vidés de leur substance que cette dérive orwellienne ne choque même pas –, s’inscrit dans ce mouvement déjà ancien de repentir collectif et qui, s’adressant à lui-même et se donnant lui-même l’absolution, n’est en fait que de l’onanisme.
Victimes de notre époque
Les années passent, puis les siècles, et avec eux la mémoire des hommes. Un jour, les soldats du Chemin des Dames n’évoqueront rien de plus que, pour nous, ceux de Salamine. La Grande Guerre est appelée à rejoindre toutes les autres dans l’histoire, ce grand monument de gloire et de douleur. Pour l’heure, il est trop tôt ; Lazare Ponticelli est parti il y a dix ans à peine. Or, pressée d’accaparer ces morts, l’époque les maquille en nous-mêmes et les fait entrer de force dans sa chronologie toujours recommencée. Quel orgueil que celui qui consiste à tout ramener à soi, à trouver des « féministes » au XIIe siècle et des « libertaires » sous Périclès. Comme les autres, les poilus subissent notre expansion temporelle. D’elle, pour le coup, ils sont vraiment victimes.
Manifestation anti-Bolsonaro, Paris, octobre 2018. Sipa. Numéro de reportage : 00881203_000005
Corruption, insécurité, attaques contre la famille : le Brésil qui a plébiscité Jair Bolsonaro souffre des années de gestion catastrophique de la gauche. Quoi qu’en dise la presse, aussi injuste avec Bolsonaro que complaisante vis-à-vis de Lula, malgré ses outrances, le nouveau président ne compte pas établir un Reich sud-américain.
La presse occidentale, majoritairement pro-Lula, ne dit presque jamais que le « Parti-Etat PT (Parti des travailleurs) » a plongé le Brésil dans la pire crise économique depuis cinquante ans : chômage de masse, paupérisation, insécurité endémique, méga-corruption et chaos en perspective sur le « modèle » du Venezuela « bolivariste », référence suprême du PT avec Cuba… « On ne veut plus jamais de la gauche, car c’est elle qui a coulé le pays,On est dans la rue parce qu’on souhaite du changement ! », ont crié ces dernières années, mois et semaines des millions de Brésiliens descendus manifester dans les rues leur exaspération.
Comme on pouvait s’y attendre, si cette ébullition nationale anti-PT – qui explique le succès de Bolsonaro – n’a pratiquement pas été relayée dans la presse occidentale, en revanche, les manifestations bien moins massives de la gauche antifa et des anti-Bolsonaro ont été surmédiatisées et commentées positivement. Pourtant, les pancartes et slogans des millions de manifestants pro-Bolsonaro (souvent deux millions rien qu’à Rio de Janeiro) auraient pu donner une indication du « printemps brésilien » aux tonalités « dégagistes » qui allait annoncer la fin du Parti des Travailleurs et donc l’échec cuisant de son candidat, Fernando Haddad : « PT fora » (« PT dehors »). Comme l’illustre bien ce slogan, Bolsonaro incarne moins un « retour de la dictature militaire » – comme l’a écrit la presse européenne – qu’une révolte nationale massive visant à mettre fin au règne sans partage du « Parti-Etat PT » (« Partido-Estado PT »), à sa corruption endémique, à l’insécurité terrifiante (64 000 assassinats annuels) et à la crise économique sans précédent. Ce rejet du Parti des Travailleurs s’est manifesté de façon très nette et massive dès 2014, lorsque des millions de Brésiliens ont exigé la destitution de Dilma Rousseff et l’emprisonnement d’Ignacio Lula da Silva.
Bolsonaro, un «militariste-raciste-fasciste-homophobe-misogyne»?
Certes, le « Trump tropical », tel qu’on nomme souvent Jair Bolsonaro, est coutumier des propos outranciers, notamment lorsqu’il répond aux attaques de ses adversaires, lorsqu’il appelle à « liquiderles criminels », lorsqu’il affirme qu’un « policier qui ne tue pas n’est pas un bon flic », lorsqu’il définit le PT comme le « parti du crime ». En ce sens, il est bien un populiste car ses promesses de campagne visant à abaisser l’âge de la majorité pénale ; à exempter les policiers de poursuites judiciaires quand ils utilisent leurs armes de service et à « dégagerles corrompus, complices du crime », résonnent comme des mesures de salut public pour une majorité de Brésiliens.
Il est vrai que durant cette campagne, pour laquelle le Net et les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial, au moins autant que pour l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, moult fake news et rumeurs violentes ont été lancées de part et d’autre. Toutefois, les médias occidentaux n’ont presque évoqué que celles attribuées au camp « populiste » par le candidat de gauche (PT) Fernando Haddad. Celui-ci a par exemple accusé Bolsonaro d’être « responsable des agressions racistes » qui auraient été commises par certains de ses « supportersnazis » contre des militants de gauche ou LGBT. Or il se trouve que nombre de ces « infos » étaient en fait des montages. On peut citer pour exemple l’affaire (7 octobre 2018) de la jeune militante LGBT qui a accusé des partisans de Jair Bolsonaro de l’avoir agressée avant de lui graver une croix gammée sur le ventre. La police a beau avoir rapidement démontré que la « victime » avait inventé de toutes pièces son agression « nazie » (elle l’a d’ailleurs reconnu), le camp pro-Haddad-PT n’a cessé de dénoncer l’agression « homophobe-nazie »…
Ce type de guerre des représentations consistant à soumettre l’autre à la « reductio ad hitlerum » est d’autant plus stupide en l’espèce que Jair Messias Bolsonaro est connu pour sa judéophilie, sa défense d’Israël et sa proximité avec les lobbies juifs et évangéliques brésiliens les plus philo-sionistes. La presse occidentale a également largement fait état – comme s’il s’agissait d’une évidence – des idées « racistes-anti-noirs et misogynes » de l’ex-capitaine, sans jamais donner la version du camp accusé, et par exemple en omettant soigneusement de rappeler que le candidat le mieux élu à Rio, le célèbre député noir Hélio Fernando Barbosa Lopes, alias « Hélio Negão », qui le soutient corps et âmes et est son ami depuis vingt-trois ans, n’a cessé de réaliser des clips de campagne avec lui et a vivement dénoncé les accusations de racisme visant Bolsonaro.
La fabrique du « dérapage »
On ne rappelle jamais non plus que les deux femmes les mieux élues aux élections législatives de début octobre (en même temps que la présidentielle) sont également membres de son parti : Janaina Pascual, la professeur de droit qui initia la procédure de destitution contre Dilma Rousseff, et Joyce Hasselmann, l’animatrice de la chaîne web politique la plus consultée du pays. Certes, on peut répondre que tout cela ne « prouve rien », et qu’au contraire, la « preuve » de la haine du « capitao » envers les femmes aurait été administrée, vidéo à l’appui, en 2003, lorsqu’il lança à une députée de gauche anti-répression, Maria do Rosario : « Je ne vous violerais jamais car vous ne le méritez pas »… Or, Bolsonaro a dit ces mots malheureux juste après un débat de fond très vif au Parlement, lorsque, en réaction à un terrible viol suivi du meurtre d’une femme par un délinquant mineur, il accusa la gauche et le parti de Mme do Rosario d’être « complices » du crime et des violeurs par leur laxisme judiciaire. Loin d’être favorable au viol des femmes « non moches », l’ex-officier s’en était en fait vivement pris la députée et au PT en raison de leur hostilité à l’abaissement de la majorité pénale et aux doublements de peine (mesures phares de son programme de lutte contre l’insécurité). Et afin de tendre un piège à Bolsonaro, Maria do Rosario l’attendit dans les couloirs du Parlement en l’accusant « d’attiser les violences » par ses mesures répressives, puis d’être lui-même un « violeur », ce à quoi il répondit, hors de lui, la phrase choquante précitée.
Comme l’explique José Carlos Sepúlveda de Fonseca, qui représente l’aile catholique-conservatrice du camp Bolsonaro, lui aussi partisan de peines renforcées en cas de viol, « dans cette élection, on a assisté à des stratégies d’inversions des réalités qui dépassent l’entendement, ceci dans le but d’empêcher le candidat de droite d’arriver au pouvoir afin de maintenir coûte que coûte la mafia du PT au pouvoir, mais le peuple brésilien ne tombe plus dans le piège et aura le dernier mot sur l’oligarchie »…
Mutations d’un démocrate-chrétien
On sait que les antifascistes de profession inventent des nazis quand ils n’en ont pas sous la main, ou quand, heureusement, il n’y en a plus. Toutefois, Bolsonaro, certes, « populiste » et récemment « droitisé », n’a rien d’un SS. Celui qui a quitté depuis 30 ans l’armée en raison de désaccords avec la hiérarchie, a en effet été successivement élu sous les couleurs du Parti démocrate-chrétien, du Parti progressiste réformateur, du Parti progressiste, puis, finalement, du Parti Social-libéral (PSL). Pour ce qui est de sa « nostalgie de la dictature », elle se limite à des propos à l’emporte-pièce, très courants au Brésil, au Chili ou en Argentine, qui consistent à déclarer que sous les militaires, « les gens n’avaient pas peur de rentrer du travail ou d’aller au cinéma le soir ». Ce qui est loin d’être un appel au putsch, d’autant que Bolsonaro n’a cessé de rappeler que toutes ses réformes passeraient par le Parlement afin de restaurer une démocratie confisquée.
Par ailleurs, si les appels à « liquider les criminels » et à « faire le ménage » peuvent choquer, les médias ont bien moins dénoncé le péril, bien réel celui-là, de l’insécurité et de la corruption incroyables qui ont ruiné le pays et en ont fait l’un des plus violents au monde : homicides, braquages collectifs (« arrastào »), viols, kidnappings, etc. Pour prendre conscience du niveau apocalyptique de la violence et de l’insécurité qui traumatisent les Brésiliens quotidiennement, citons les chiffres du rapport « Atlas 2018 de la violence » publié par le Forum brésilien de sécurité publique (FBSP) : 300 000 victimes de meurtres entre 2011 et 2015… soit 160 par jour ; 553 000 assassinats entre 2006 et 2016 (dont 10 % du fait de la police) ; 64 000 homicides rien qu’en 2017… soit plus qu’en Syrie sur une période comparable ! Enfin, à ceux qui estiment que les méthodes radicales prônées par Bolsonaro pour lutter contre ces terribles fléaux sont la marque de fabrique du « fascisme », il faut demander pourquoi n’ont-ils jamais qualifié de « fascistes-nazis » les Castro, les Chavez, les Maduro, Ortega, etc. ?
Par ailleurs, pour comprendre l’indignation de millions de Brésiliens qui pensent que l’insécurité est la conséquence directe du laxisme judiciaire, rappelons seulement qu’au Brésil, les sentences des juges sont dérisoires pour les agressions physiques ; que les mineurs ne sont pas condamnables, ce qui a donné des idées aux syndicats du crime (recruter des tueurs non-majeurs), et que les détenus des prisons reçoivent de l’Etat chaque mois un pécule plus élevé que le salaire minimum brésilien autorisé !
Populisme d’extrême droite ou révolution conservatrice ?
Ceux qui ne connaissent du Brésil que l’image exotique des plages d’Ipanema, du Carnaval de Rio de Janeiro, de la lambada ou de la samba, avec ses corps sensuels et dénudés, ne peuvent comprendre « l’autre Brésil », une société à la fois très conservatrice, foncièrement chrétienne et très européenne, notamment au Sud, peuplée de nombreux Italiens, comme les ancêtres de Jair Bolsonaro, de Gallegos, d’Espagnols ; de Portugais, de Juifs ashkénazes, de Syro-libanais chrétiens (comme le candidat Haddad) et de germaniques, dont nombre de protestants fort austères. Or, depuis trente ans d’hégémonie politique, intellectuelle et médiatique du parti des Travailleurs de Lula da Silva et Dilma Rousseff – qui ont promu le mariage gay, défendu la généralisation du droit à l’avortement (aujourd’hui très restreint), les théories du genre, le Brésil traditionnel a décidé de réagir par une sorte de « printemps conservateur-chrétien ».
Aussi, les très puissantes églises protestantes-évangéliques, qui ont converti ces dernières décennies 35 % de Brésiliens, notamment au sein des milieux modestes, ont joué un rôle majeur dans cette « révolution conservatrice » contre « l’Etat-Parti PT ».
La vraie face pro-totalitaire du PT et du tandem Lula-Roussef
Emprisonné pour corruption mais présenté comme une victime en Occident du fait de son inéligibilité durant la campagne face à Bolsonaro, l’ex-président brésilien Ignacio Lula da Silva, bien moins unanimement aimé au Brésil qu’en Europe, est souvent dépeint comme un « gentil » représentant d’une gauche « réformiste ». Il est généralement crédité du « décollage » du Brésil, élément prometteur des pays émergents dans les années 1990-2000. Toutefois, pour une majorité de Brésiliens scandalisés par la corruption du PT et notamment de Lula, puis traumatisés par l’insécurité, ce « parti-Etat » incarne plutôt une extrême gauche subversive adepte d’un projet révolutionnaire et qui aurait soutenu les pires régimes rouges du Continent. Dilma Rousseff fit elle-même partie dans sa jeunesse d’une organisation terroriste marxiste : le Grupo Vanguardia, qui rêvait de répandre par la force le modèle castriste. Elle s’est certes repentie par la suite et a été présentée comme une victime de la dictature qui a sévèrement réprimé les terroristes d’extrême gauche et l’aurait torturé, mais elle n’est pas plus « modérée » au départ que les dictateurs droitistes qu’elle a combattus au nom d’un modèle totalitaire rouge.
Les partisans du nouveau président brésilien rappellent d’ailleurs que le PT a soutenu, depuis les années 1990, l’ensemble des partis et régimes révolutionnaires violents d’Amérique latine : du Vénézuéla « bolivariste » de Chavez et Maduro, au régime cubain de Castro, sans des formations pro-terroristes liées au crime organisé comme PrimerComando de Capital ou Comando Vermelho. C’est dans ce contexte « révolutionnaire » que la fameuse Banque brésilienne BNDES créée au départ pour financer les petites et moyennes entreprises, fut détournée de ses buts par le PT afin d’investir des milliards non pas au profit des contribuables brésiliens mais pour financer des projets d’infrastructures dans les pays marxistes « amis » comme Cuba ou le Vénézuéla… Les entrepreneurs brésiliens qui ont dû subir une terrible crise économique sans recevoir d’aide de la part de l’Etat, s’en sont souvenus.
Ordre et progrès ?
On peut comprendre bien sûr que les emportements verbaux de l’ex-capitaine – qui promet aux lobbies de l’agro-business que l’on pourra « couper un arbre mort sans attendre dix ans l’autorisation », affirme que «les Indiens n’ont pas besoin de terres mais de dignité », et que les « droits de l’homme sont une invention des communistes et de l’ONU » – choquent les adeptes de la démocratie libérale ouest-européenne. Son slogan de campagne, qui fait écho au modèle des démocraties illibérales à la Orban : « Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous », horrifie les anticléricaux et les anti-nationalistes. Et son autre slogan : « Moins de Brasilia, plus de Brésil », fait quant à lui trembler l’administration centrale qu’il entend dégrossir. Il n’en demeure pas moins que, pour les électeurs du « capitao », la promesse de mettre « dehors » l’omnipotent Parti des travailleurs, d’en finir avec la corruption, la détermination à combattre l’insécurité délirante et l’impunité des criminels, puis la défense des valeurs nationales d’Ordre et de Progrès gravées sur le drapeau national expliquent le succès de Bolsonaro.
Certes, rien n’assure que la promesse « d’éradiquer la corruption » sera tenue par le candidat « populiste » ou sera même seulement possible, étant donné que 40 % des députés est sous enquête et risque la prison ! Seul l’avenir confirmera si cet ex-officier, député depuis 30 ans, qui n’a aucune casserole de corruption, et qui annonce un « gouvernement de techniciens compétents », sera un meilleur président que ses prédécesseurs. Mais le pire n’est pas certain. Il suffit d’observer aux Etats-Unis les succès du « populiste » avant l’heure qu’était Ronald Reagan, puis plus récemment ceux, de Donald Trump. On est d’ailleurs habitué à être rendus « inquiets » dès qu’un « droitiste » émerge, alors que des gouvernements communistes (chinois, chiliens, vénézuéliens, cubains, etc.) sont de coutume traités avec sympathie ou extrême indulgence. Bolsonaro sera-t-il plus raisonnable qu’on le craint, notamment grâce à son conseiller et futur ministre de l’Economie et des Finances, Paulo Guedes et aux milieux d’affaire en général, qui l’ont soutenu eux aussi pour en finir avec la politique économique désastreuse du PT ? Nul ne le sait, mais les Brésiliens sont déterminés à « essayer » Bolsonaro, convaincus qu’ils sont d’avoir touché le fond avec Lula, Rousseff et même avec le président sortant, Michel Temer, lui aussi sous menace de condamnation pénale pour corruption.
Eric Zemmour face à Patrick Weil, le 23 octobre 2018, sur BFM TV / Capture d'écran BFM TV
Sur BFM TV, Nathalie Lévy avait convié, le 23 octobre, Patrick Weil et Eric Zemmour à débattre. Pour une fois, une émission semblait inviter ce dernier à discuter et non pas à se défendre. Mais ce n’était qu’une apparence…
« Nous avons choisi de proposer pendant une heure cette confrontation d’idées, en prenant le temps, en allant au fond des choses », annonce Nathalie Lévy.
Pour une fois, Eric Zemmour n’était pas sommé de rendre des comptes sur tel texte ou propos jugé « choquant ». Il était invité à débattre et l’on n’avait pas mis en face de lui un éditorialiste ou un lobbyiste excité, mais un historien.
Les apparences de l’équité
Sachons nous réjouir. Cette émission semblait témoigner d’une volonté réelle, de la part de la chaîne, de donner la parole à Eric Zemmour sur des sujets qu’on ne lui offre pas souvent l’occasion d’aborder (si la seconde partie de l’émission parlait plus spécifiquement d’immigration, la première demi-heure abordait des points d’histoire: Napoléon, Guerre de 70, Clemenceau, Pétain/de Gaulle). Il faut même clairement reconnaître qu’avant cette émission, nous ne savions à peu près rien du contenu de son livre, alors qu’il en assure la promo depuis déjà plusieurs semaines. Seulement, les médias ont pris l’habitude d’interroger Zemmour sur Zemmour (c’est-à-dire sur la caricature qu’ils ont eux-mêmes construite) et non sur son livre.
Cette émission semblait également témoigner d’une volonté de reconnaître à Zemmour le statut d’intellectuel (et pas seulement de « polémiste »), non point en soutenant ses idées mais en le mettant sur le même plan de respectabilité que son interlocuteur. En apparence du moins…
Comme un malaise
Bien sûr, on peut critiquer cette émission. On peut le faire d’une manière parfaitement dégueulasse (comme ici) :
Le commentaire, en-dessous de l’image, suggère très explicitement que « juifs » et « Français » sont deux catégories distinctes et non miscibles…
Je renverrai ces gens à un passage du livre d’Eric Zemmour qui explique par quel mouvement historique les Juifs se sont retrouvés à ce point présents dans les professions intellectuelles et le monde de l’argent (et par suite, pourrait-on ajouter, dans la sphère médiatique) :
« Depuis la destruction du temple de Jérusalem, en 70, les juifs ont modifié leur culte, troquant leurs anciens rites sacrificiels pour l’étude et le commentaire de la Torah. Chaque juif a appris à lire pour connaître le texte sacré. Ils sont instruits quand les autres ne le sont pas. Ils sont les seuls à pouvoir rivaliser avec la science livresque des clercs qui impressionne tant leurs ouailles. A oser discuter une parole divine que les chrétiens reçoivent de la hiérarchie ecclésiale sans pouvoir la contester. Si on en croit le travail remarquable de l’historienne italienne Maristella Botticini et de l’économiste israélien Zvi Eckstein, dans leur livre The Chosen Few (Les Quelques élus), cet atout majeur a changé le destin des minorités juives en Europe : beaucoup d’entre eux ont abandonné le travail des champs pour le commerce, la médecine ou la finance. Ils ont voyagé et se sont organisés en réseaux. Ils en ont tiré une rémunération bien supérieure, mais ont suscité la haine inexpiable de leurs créanciers. » (Destin français, p. 83)
Je me permettrai d’ajouter (mais c’est très personnel) que s’il y a un archétype assez répandu qui me sort par les yeux, c’est bien celui du catho-fric qui bosse dans la banque ou pour une compagnie d’assurance et qui se permet de critiquer les Juifs à longueur de conversations, alors qu’il éprouve manifestement vis-à-vis d’eux une forme de désir mimétique. Et qui me reproche d’écrire dans Causeur. Et qui m’explique qu’ « on ne peut pas prétendre faire une vraie critique des médias si on ne commence pas par dire qu’il y a un problème juif ».
Le simple fait qu’un débat sur l’identité française puisse opposer un Zemmour et un Weil n’est-il pas la preuve qu’il n’y a pas de problème juif ? A ceux qui, comme sur le site précité, prétendent que Zemmour est « au service de sa race » et que son rôle est de saper notre moral pour nous tétaniser face au Grand Remplacement et nous rendre incapables d’y résister (ce qu’il faut pas entendre…), je rappellerai que la taqiya ne figure pas dans la loi hébraïque.
Cela étant dit, l’émission présentait tout de même un gros défaut de méthode.
Le tribunal médiatique… en plus subtil
C’est Patrick Weil qui reproche à Zemmour un « défaut de méthode » : Zemmour, dit-il, n’a pas procédé en bon historien.
La supercherie se révèle nettement: si l’on a placé Zemmour face à un historien, ce n’est pas pour le valoriser, c’est pour le rabaisser. On l’a mis face à un vrai historien pour faire apparaître, espère-t-on, son côté amateur. On a voulu le mettre dans la situation de l’élève face au professeur. Ce dernier le reprend systématiquement sur…
La présentatrice Megyn Kelly, avril 2018. SIPA. AP22189415_000300
Megyn Kelly sait quel déguisement ne surtout pas mettre pour Halloween. La présentatrice de la chaîne NBC n’a pas vu le mal dans le « blackface » et l’a dit à l’antenne. Mal lui en a pris…
Une définition, d’abord. Le « blackface » est une forme théâtrale américaine de grimage ou de maquillage qui fut pratiquée dans les shows télévisés, au théâtre, au cinéma, quand un comédien blanc incarnait une caricature stéréotypée de personne noire. Depuis les années 60, le blackface est tombé en désuétude après les protestations des associations afro-américaines.
« Qu’est-ce qui est raciste ? »
Cette pratique serait donc condamnable. Même pour Halloween quand les enfants se déguisent comme bon leur semble ? Oui, même pour Halloween ! L’une des plus célèbres présentatrices de la télévision américaine en a fait l’amère expérience.
Lors d’une émission consacrée à Halloween, Megyn Kelly s’est interrogée. « Qu’est-ce qui est raciste ? Vous vous attirez des ennuis si vous êtes Blanc et que vous vous grimez en Noir pour Halloween ou si vous êtes Noir et que vous vous maquillez en Blanc pour Halloween… Quand j’étais gamine c’était OK, tant qu’on se déguisait en personnage. »
Que n’avait-elle pas dit là ! Les protestations indignées ont afflué. Et la chaîne NBC, où elle officiait, a immédiatement mis fin à sa participation dans l’émission.
Prévenez vos enfants !
Sa mésaventure donne à réfléchir. Halloween, c’est ce mercredi. Soyez donc très prudent quant au choix du déguisement de vos enfants. Une robe de sorcière, une tenue de diablotin seront les bienvenus et ne poseront pas de problème… Mais ne vous avisez pas de mettre à votre progéniture un masque de Louis Armstrong, de Barack Obama ou de Nelson Mandela. Ça pourrait être mal interprété. À proscrire également, le déguisement en Michael Jackson.
L’Amérique nous donnant toujours l’exemple, il est urgent de revisiter Othello. Il est parfaitement scandaleux que l’assassin de Desdémone soit un homme de couleur. Nous voulons, nous exigeons, un Othello blanc !
Mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire que le Médecin malgré lui, Cyrano de Bergerac, Antigone, soient joués par des acteurs noirs. Ils seront grimés en blanc. Et nous pourrons alors protester contre ce « whiteface ».
La police intervient après un cambriolage à Paris, janvier 2018. SIPA. 00839092_000006
Aujourd’hui retraité, le général de gendarmerie nationale Patrice Bayard a vu le profil des cambrioleurs évoluer. Aux traditionnels petits délinquants isolés, se sont adjoints des organisations structurées roms, roumaines ou issues de l’ex-URSS. Cette professionnalisation de la rapine oblige police et justice à s’adapter.
Causeur. Tandis que le terrorisme, les trafics de drogue et les crimes de sang accaparent l’attention médiatique, les 250 000 cambriolages qui ont lieu chaque année en France semblent passer sous les radars. Un cambriolage est-il moins traumatisant qu’une agression ?
Patrice Bayard. Pas du tout. Ce type de délinquance contribue très fortement au sentiment d’insécurité. Au cours de ma carrière, j’ai vu de nombreuses victimes traumatisées longtemps après un cambriolage, souvent bien au-delà du préjudice matériel subi. Les gens sont très choqués que l’on puisse entrer chez eux, fouiller leur maison, y voler des biens, fût-ce de faible valeur.
Qui sont aujourd’hui les cambrioleurs ?
Je distingue deux grandes catégories. D’abord ceux qui ont toujours sévi : jeunes à la dérive, drogués ou individus en quête de petits profits rapides. Ils travaillent sur un petit périmètre, sont souvent interpellés et bien connus par les forces de l’ordre. Ensuite, il y a la délinquance itinérante, parfois organisée, qui a longtemps été sous-estimée. Cette catégorie comporte trois grandes familles : celles qui tournent autour d’un clan rom, des organisations moins structurées typiquement roumaines (et non roms !) et enfin les associations criminelles très structurées autour de chefs qui se projettent sur des territoires très lointains.
Je me souviens d’une petite organisation qui recrutait des jeunes Roumains pour voler dans des exploitations agricoles en France. Leur butin nous semblait de peu de valeur (vieux vélos, tronçonneuses). Ils remplissaient des fourgonnettes entières et repartaient pour la Roumanie pour les revendre sur le marché noir ou sur des sites type Le Bon Coin. Avant qu’on y mette fin, ils ont créé un véritable malaise chez nos agriculteurs.
En France, les organisations les plus structurées sont d’origine géorgienne ou moldave.
Nous avons mis du temps à comprendre cette culture criminelle. On se contentait d’arrêter des petites équipes de cambrioleurs, parfois de deux ou trois membres, sans rien savoir de l’organisation à laquelle ils appartenaient. Sur un même territoire, on peut voir opérer une dizaine d’équipes de cambrioleurs sous les ordres d’un lieutenant, lui-même dirigé par un dirigeant régional, lequel rend des comptes à un grand chef souvent implanté à l’étranger.
Ils obéissent à une sorte de code d’honneur – la loi des voleurs
Ont-ils tous des liens de parenté entre eux ?
Non. Ils sont recrutés et adhèrent à un système de valeurs codifié. Ce sont souvent des organisations créées par d’anciens prisonniers du goulag. Des durs qui ont appris à survivre dans des conditions inimaginables. Les autorités russes, notamment les services spéciaux, ont instrumentalisé ces structures criminelles, leur permettant de perdurer dans le temps. On les appelle d’ailleurs « voleurs dans la loi », car ils obéissent à une sorte de code d’honneur – la loi des voleurs. Cela peut vous sembler relever du fantasme et du cinéma, mais pour avoir été confronté à eux, je peux vous assurer que c’est une réalité bien connue dans les pays de l’Est. Ces structures criminelles exigent des rendements de leurs équipes qui doivent faire jusqu’à cinq ou six cambriolages par jour, parfois plus.
Visent-ils des appartements, des maisons ou des commerces ?
Ils visent principalement des appartements et des maisons individuelles, même s’ils ont aussi des membres spécialisés dans les vols à l’étalage dans les commerces. Les équipes de cambrioleurs proprement dites sont souvent composées de trois ou quatre personnes, dont un serrurier, qui ouvre les portes.
Quel butin recherchent-ils ?
L’image du cambrioleur qui emporte la télévision, la chaîne hi-fi est trompeuse : ils cherchent les bijoux, les montres, et tout ce qui peut se négocier très rapidement, comme les tablettes et les téléphones. Et, bien sûr, le liquide.
Comment est organisé le recel ?
Les receleurs sont souvent français. Tout ce qui est négociable est vendu sur place, le numéraire remonte en haut de la hiérarchie. La particularité de cette organisation, c’est que les voleurs eux-mêmes ne gardent pas leur butin. J’ai le souvenir d’un voleur qui avait gardé pour lui une montre : il a dû faire face à la « justice » de la bande.
En France, les voleurs échappent à de lourdes peines s’il n’y a pas violence
Sont-ils violents ?
Essentiellement entre eux. Pour l’instant, sur le territoire français, on n’observe pas de violence vis-à-vis des personnes. Sachant qu’en France, les voleurs échappent à de lourdes peines s’il n’y a pas violence et si ça se passe bien avec la police, ils font profil bas. Heureusement, nous avons réussi, non sans efforts, à faire comprendre à la police et à la justice qu’il ne s’agissait pas d’individus malheureux, mais de membres d’organisations criminelles. Aussi, les condamnations sont-elles de plus en plus lourdes, car le vol en bande organisée est considéré comme une circonstance aggravante.
Ces groupes de prisonniers étrangers appartenant à des organisations structurées régies par un code d’honneur posent-ils des problèmes particuliers à l’administration pénitentiaire ?
La vie en cellule fait partie du mode de vie normal des voleurs dans la loi. Évidemment, en prison, certaines personnes prennent le pouvoir et peuvent créer des problèmes. Il y a quelques années, il y a eu une confrontation dans une maison d’arrêt du côté de Saint-Étienne entre Géorgiens et Tchétchènes, mais pour le moment ça ne va pas plus loin.
Y a-t-il des passerelles entre cambrioleurs et trafiquants d’armes, de drogue ou d’êtres humains ?
Les cambriolages massifs sont bien souvent la première phase de l’implantation d’une organisation criminelle. Certains cambrioleurs évoluent ensuite avec des commerces, des bars, puis parfois vers la prostitution, le trafic d’armes et de drogue. Quant aux voleurs dans la loi, ils se concentrent sur leur corps de métier : les cambriolages.
Si on maintient la pression comme aujourd’hui, on peut contenir le phénomène
Comment réagissent les réseaux criminels français face à ces nouveaux arrivés ?
Pour l’instant, il y a très peu de conflits, car ces groupes criminels se spécialisent dans des activités peu rentables qui n’intéressent pas le grand banditisme français. Celui-ci préfère le trafic de drogue et la prostitution, et regarde un peu de haut les cambrioleurs. Mais, à terme, de sévères confrontations sont inéluctables. Les nouveaux finiront par déranger.
Quel est votre pronostic pour l’avenir ?
Si on maintient la pression comme aujourd’hui, on peut contenir le phénomène en perturbant et en dérangeant l’implantation des réseaux. Ces derniers recherchent un maximum de profit en prenant un minimum de risques. Ils tournent entre les régions, se déplacent et essayent de s’implanter là où il est plus simple de voler. Si on s’attaque à leurs structures de commandement, cela finira par les décourager et les inciter à aller ailleurs.
La difficulté croissante à utiliser de l’argent liquide a-t-elle un impact sur ce genre de criminalité ?
Bien sûr. C’est notamment vrai pour les réseaux roms spécialisés dans le vol de métaux. Si les acheteurs de métaux respectaient la réglementation et refusaient de payer en cash, cela les gênerait énormément. Nos amis allemands, qui acceptaient le paiement en cash, ont vu les vols de métaux exploser chez eux… mais cela avait aussi un impact dans notre pays, car les Roms continuaient de voler en France pour revendre en Allemagne.