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Egon Schiele, enfer et passion

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Le billet du vaurien


Aucun peintre ne m’a autant bouleversé durant mon adolescence viennoise qu’Egon Schiele. Il a laissé des traces profondes en moi, autant esthétiques qu’érotiques. Nul n’ignore qu’il est mort à l’âge de vingt-huit ans fauché au faîte de sa gloire par la grippe espagnole. On sait moins – ou on ne veut pas savoir – qu’il passa vingt-quatre jours dans la prison de Neulengbach – dénoncé par de zélés mouchards pour outrage aux bonnes mœurs, ce qu’on qualifierait aujourd’hui de pédophilie.

Les bonnes mœurs et l’art font rarement bon ménage

De sa cellule, il écrit à Arthur Roessler, un critique d’art qui le soutiendra mordicus : « Je suis obligé d’habiter avec mes propres excréments, de respirer un air suffocant, délétère. Je ne suis pas rasé – je ne peux même pas me laver correctement. » Il doit récurer le plancher de sa cellule : ses doigts sont meurtris, ses ongles cassés. Humilié sans même avoir été condamné. « La castration érigée en institution ! » écrit-il encore à l’adresse de ceux qui courent les musées en quête de beauté, des ordures qui désavouent le sexe.

Il est soumis à des interrogatoires. D’autant plus troublants, que la procédure concernant le « détournement de mineure avec viol » ne tient pas, même si Tatjana von Mossig, fille d’un haut fonctionnaire, n’a que quatorze ans. Les juges s’acharnent alors sur ses dessins pornographiques. Le marchand d’art Grünewald est lui aussi impliqué, accusé d’avoir propagé des reproductions des dessins de Schiele.

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À l’opposé des éditeurs français, qui ne sont pas à une lâcheté près et qui laissent tomber Gabriel Matzneff, Grünewald défendra becs et ongles le grand peintre Egon Schiele. Le procès a lieu à Vienne en septembre 1923. Le procureur demande et obtient le huis clos. Grünewald sortira libre du tribunal, mais deux cents lithos reproduisant des œuvres de Schiele seront brûlées. On sait par des témoignages qu’à sa sortie de prison, Egon Schiele s’enferma dans un silence obstiné et qu’il eut le plus grand mal à reprendre son travail. Les bonnes mœurs et l’art ne font jamais bon ménage.

Enfer et passion, film introuvable

Même si Herbert Vesely ne compte pas parmi les grands metteurs en scène viennois, le film qu’il a consacré en 1980 au destin tourmenté d’Egon Schiele et que la critique française a jugé malsain (Il a pour titre : « Enfer et Passion » et il est, bien évidemment, introuvable) mérite le détour, ne serait-ce que pour le charme vénéneux qu’il dégage et la nostalgie de la Vienne impériale qu’il inspire. Jane Birkin y est en outre délicieusement perverse. Que peut-on espérer de plus ?

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Sandra Muller balance tout… sauf la vérité

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Mercredi 27 janvier, l’instigatrice du mouvement “Balance ton porc” était jugée en appel à Paris. En septembre 2019, elle avait été condamnée en première instance à payer 15 000€ de dommages à Éric Brion, et à supprimer le message le diffamant sur Twitter. Causeur était présent à l’audience de ce procès emblématique de deux phénomènes préoccupants: le néoféminisme revanchard et la violence sur les réseaux sociaux.


On connait le célèbre tweet de la journaliste Sandra Muller : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. Éric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc ». Publié sur un coup tête le 13 octobre 2017 depuis New-York, il déclenche la vague accusatrice que l’on sait. De nombreuses têtes tombent. Mille torts sont reprochés aux hommes. Pour les rares pourfendeurs du mouvement, comme Catherine Deneuve, Balancetonporc c’était la délation en ligne dans tout ce qu’elle a de plus sale. Pour tous les autres, qui ont patiemment travaillé l’opinion publique à accepter de tels procès virtuels, c’était l’expression légitime de la parole “libérée” des femmes.

Tout l’enjeu du procès est de savoir si la nature des propos prêtés à Éric Brion[tooltips content= »Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse. »](1)[/tooltips] justifie que celui qui les aurait prononcés porte à vie l’étiquette infamante de harceleur sexuel. Et, si tel n’est pas le cas, de définir comment réparer l’injustice faite à celui dont des mots malheureux colportés ont valu la mort sociale.

Suite au tweet de Madame Muller, un million de messages ont été publiés avec le fameux hashtag “balance ton porc” sur Internet, et pas moins de 900 articles de presse ont relaté l’affaire en trois jours.

Éric Brion ne supporte plus le doute dans le regard des gens

Évidemment, les propos reproduits par Sandra Muller sont moches. C’est ce qu’il ne faut surtout pas dire quand on veut avoir de la classe. C’est ce qu’il ne faut surtout plus dire quand le néoféminisme victimaire est exalté par la classe politique et les médias.

Éric Brion se présente à la barre. Il sort de dépression, il a pris jusqu’à 20 kilos. Calme mais visiblement ému, il témoigne : “À partir de la publication de ce tweet, ma vie a été complètement brisée, réduite en miettes. J’ai perdu mon travail, ma compagne, ma réputation, le pire étant ce que mon entourage a subi, notamment mes deux filles. D’un seul coup, toutes les portes se sont fermées. Ma jeune société de conseil dans l’audiovisuel a perdu toutes ses missions.” Il se considère comme un pestiféré, un paria, Sandra Muller s’étant soigneusement acharnée sur lui des semaines durant, le qualifiant de “dommage collatéral d’une cause” dans un livre publié en 2018 ou le requalifiant de prédateur sexuel.

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La veille des faits qui lui sont reprochés, Sandra Muller a pu lire dans le Parisien le premier article de presse française qualifiant de “porc” le producteur Harvey Weinstein, reconnu coupable de viols. Le 13 octobre, avant de s’en prendre à Brion, Muller avait écrit sur Twitter « .#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Si ce premier message ne rencontre pas de succès, la délation, elle, paie. Quand Muller jette en pâture le nom de Brion dans le message suivant bien connu, il est partagé massivement. Enfin ! En écrivant “toi aussi” sur Twitter, puis en accolant au hashtag Balancetonporc le nom de Brion, nul doute que la journaliste amalgame volontairement Brion au producteur coupable de violences sexuelles.

Brion reconnait avoir pu retravailler “en pointillés” après le premier jugement, ce qui lui a redonné un peu d’espoir. Il s’adresse aux juges: “Je vous demande de confirmer le premier jugement pour lever définitivement le doute que je vois dans le regard des gens”.

Sandra Muller ne confond-elle pas drague lourde et harcèlement?

Curieusement, l’avocat François Baroin qui défendait l’accusée en première instance, s’il suit toujours le dossier, ne plaide plus pour elle et n’est pas présent à l’audience. L’accusée non plus ne s’est pas déplacée : elle est à New York. Rétrospectivement, son tweet cinglant apparait comme savamment préparé pour faire du mal, il était calibré pour générer un “buzz” revanchard sur les réseaux sociaux.

Mais la défense de Madame Muller demande la relaxe. Pour y parvenir, le ténor du barreau Francis Szpiner se grime en grand défenseur de la cause des femmes ! Parlons vrai: il en fait des caisses. Son emphase cocasse est à la mesure du degré de ridicule des propos grivois qu’aurait tenus Brion en 2017, et qui tout compte fait n’étaient pas grand-chose. Cependant, quand les questions sociétales ont pris l’ascendant sur le politique – Emmanuel Macron n’a-t-il pas fait des femmes la grande cause de son quinquennat ? – un procès comme celui-ci est de facto un procès politique. Selon Maître Jade Dousselin, avocate proche des Insoumis, Madame Muller serait injustement reconnue “coupable de s’être libérée et d’avoir manqué de prudence” en ne consultant pas le code pénal avant d’accuser Brion de harcèlement sexuel. On pourrait lui rétorquer que nul n’est censé ignorer la loi… Mais comme on l’a dit, c’est un procès politique, cela ne compte pas. Me Dousselin puis Me Szpiner invitent ainsi le tribunal à retracer la faute de Muller dans une “perspective plus large”. Muller ne peut pas être condamnée, le “progrès nous y oblige” affirme Me Dousselin.

Me Szpiner se fait menaçant : si le tribunal condamnait Sandra Muller en se bornant à suivre la jurisprudence sur les limites de la liberté d’expression, il ferait preuve d’un raisonnement simpliste qui ignorerait le “contexte dans lequel se trouve la société”…  “Vous allez débouter M. Brion, et ce sera justice” affirme-t-il. Selon les avocats de la défense, la Cour devrait ni plus ni moins comprendre le “ressenti des jeunes générations qui ne supportent plus ce genre de comportements et ne veulent plus se taire”. Une allusion au cas de Camille Kouchner est faite opportunément.

Décision le 31 mars

Mais quid des rumeurs et calomnies diverses relayées pendant des jours par Madame Muller ? Quid de cette fameuse “faille spatio-temporelle” évoquée un temps ?[tooltips content= »Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance. »](2)[/tooltips] Et où sont tous les témoignages d’autres femmes ayant à se plaindre de Monsieur Brion, un temps évoqués par Madame Muller, ailleurs que dans son imagination ?

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Madame Marie Burguburu, l’avocate de Brion, a rappelé qu’il revenait à la justice de complètement laver l’honneur de son client. Selon Me Burguburu et Me Bénoit, condamner Sandra Muller est la seule façon de stopper la pire des délations: celle qui ment et qui fonctionne. Selon eux, Éric Brion ne peut être accusé de harcèlement au travail. Non seulement Sandra Muller ne travaillait pas avec lui, et quand bien même des propos déplacés auraient été échangés lors d’une soirée professionnelle à Cannes, pour qu’un harcèlement soit caractérisé, il faut qu’il y ait répétition, menace ou violence. Brion réclame 200 000€ de dommages pour préjudice moral et patrimonial, le retrait du tweet et des publications judiciaires dans la presse pour que son innocence soit portée à la connaissance de la société. A l’issue de l’audience, il a déclaré à Causeur être « serein ». Verdict attendu le 31 mars.

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[1] Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse.

[2] Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance.

Collège d’Ollioules: «Pourquoi prendre un risque inutile?»


Le collège d’Ollioules ne sera finalement pas rebaptisé « Samuel-Paty ». La trouille, ça ne sent pas bon


Ainsi parla Sandra Olivier, professeur de mathématiques et représentante du SNES au collège des Eucalyptus à Ollioules, dans le Var. Par conséquent la proposition du maire LR Robert Bénéventi de rebaptiser l’établissement du nom de Samuel-Paty a été rejetée par 100% des enseignants, 89% des parents et 69% des élèves.

Le parfum des eucalyptus locaux sera-t-elle assez puissante pour couvrir l’odeur de trouille de tous ces gens ? Et ça ne sent pas bon, la trouille.

Ne pas prendre de risque : c’est donc cela que ces professeurs enseignent à leurs élèves. 100% sans cou… rage. La dhimmitude est en marche — ou la « soumission », comme dirait Houellebecq. Rien d’étonnant à ce que le héros du roman soit un enseignant : de concession en concession, il finira par se faire à l’instauration de la charia. Il y trouvera même son intérêt libidineux.

L’islamisme avance ses pions

Ce qui, il y a cinq ans, pouvait encore passer pour une fiction s’inscrit désormais dans les faits. La moitié des enseignants, selon un sondage récent, avoue avoir renoncé à traiter telle ou telle part du programme. Ils peuvent bien s’abriter derrière le souci de ne pas heurter la sensibilité de tel ou tel segment de la population (et faire des différences entre élèves, c’est au pire du racisme, au mieux l’acceptation du fanatisme). Le fait est que les islamistes avancent tranquillement leurs pions. Ils sont une poignée, mais ils auraient tort de se gêner, en face, personne ne résiste.

Il se trouve que quelques heures à peine après l’attentat, j’avais suggéré à l’une des huiles du ministère de rebaptiser Samuel-Paty le collège du Bois-d’Aulne à Conflans. Ça ne s’est pas fait sous un prétexte ou un autre. Mais après tout, on a appris que là-bas aussi nombre des collègues de l’enseignant assassiné critiquaient le fait même qu’il ait fait cours sur un tel sujet.

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À force d’éliminer les sujets qui fâchent, on devient objet de dérision.

J’ai honte de me dire enseignant. « Ah oui, ceux qui ont aménagé la laïcité, ceux qui pensent, comme le président de la FCPE, qu’une abaya n’a guère plus de sens qu’un tee-shirt aux armes du Che, ceux qui ont intégré l’infériorité des filles — quoi qu’ils disent, et bien que les femmes soient majoritaires parmi eux. Qui estiment que Mila aurait dû la fermer. Qui ont été Charlie mais n’ont pas dénoncé les accrocs aux minutes de silence, les affirmations racistes des uns et des autres, les bouffées de superstition. » Ainsi parle le peuple, désormais.

Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP
Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP

Le maire Robert Bénéventi embarrassé

« Je ne suis pas payé pour risquer ma peau… » Ah, ils sont beaux, les hussards noirs de la République ! « C’est la pusillanimité qui règne aujourd’hui. On ne s’en rend pas compte, mais nous sommes en train de laisser filer les valeurs de la République », a rajouté Robert Bénéventi, bien embarrassé à l’idée de devoir expliquer à la famille de Samuel Paty la décision de ses ex-collègues. D’autant que la représentante du SNES en a rajouté une louche : « Nous avons déjà une rue du Colonel-Arnaud-Beltrame pas très loin du collège, cela fait beaucoup d’histoires lourdes de sens pour un établissement qui accueille un jeune public ».

Il aura compris, le jeune public à qui l’attitude de ses professeurs sera expliquée demain par la presse. Il aura compris qu’il peut désormais tout oser : en face, on se couche.

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Le regard libre d’Elisabeth Lévy

À écouter, l’analyse d’Elisabeth Lévy sur ce sujet, ce matin au micro de Sud radio

Biden: le retour de l’ancien monde sera temporaire

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Le populisme est là pour durer. L’analyse de Jean Messiha.


Le 20 janvier, à l’issue d’un grand show diversitaire qui, reconnaissons-le, correspond à l’ADN américain, Joe Biden a été investi 46ème président d’une nation dont même le plus souverainiste des souverainistes doit bien admettre qu’elle nous concerne et nous influence tous peu ou prou.

On pense ce que l’on veut de ce personnage à l’évidence usé par la vie. Une majorité d’Américains l’a porté au pouvoir malgré des accusations de fraudes « massives » massivement exploitées mais jamais suffisamment étayées pour paraitre crédibles.

Que nous réserve cette « nouvelle ère », pompeusement annoncée par les Démocrates et toute la caste médiacratique qui se réjouit ouvertement de la défaite de Trump ?

Il y a tout d’abord les conséquences politiques de la séquence calamiteuse qui a suivie le 4 novembre, culminant avec l’invasion du Capitole par des extrémistes.  Elle n’a pas constitué un bon point pour le mouvement dit « populiste » incarné par Trump, car ses adversaires ont eu beau jeu de le faire apparaitre comme mauvais joueur, complotiste et même violent.    

Des partisans radicaux de Donald Trump, entrés dans le Capitole, s'adressent aux policiers le 6 janvier 2021 à Washington © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22528058_000027
Des partisans radicaux de Donald Trump, entrés dans le Capitole, s’adressent aux policiers le 6 janvier 2021 à Washington © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22528058_000027

Donald Trump a réussi à porter au pouvoir ce populisme américain en l’incarnant fortement. Il a tenu nombre de ses promesses. Mais la crise du Covid qui fut mal gérée tant au niveau de Washington que des Etats a laminé son bilan. C’est injuste. Mais la vie politique l’est souvent. Il lui revenait de dire : « on a perdu cette fois-ci mais le combat continue car ce que nous avons créé ne s’arrêtera pas ». Ce faisant, il aurait solidement installé le « populisme de gouvernement » dans la vie politique américaine, fort des 74 millions de citoyens qui ont voté pour lui (soit environ 46% du total). Le couple Ivanka Trump / Jared Kushner aurait été idéalement placé pour reprendre le flambeau. Ombrageux et têtu, Trump a préféré la « terre brûlée ». Funeste décision.

A lire aussi: Les conservateurs du monde entier orphelins

La présidence Biden s’ouvre avec des initiatives importantes sur le plan sociétal, migratoire et économique. 

La question raciale revient en force dans un pays profondément fracturé sur la question identitaire. Une grande partie du peuple blanc, chrétienne et conservatrice, se raidit de plus en plus face à sa lente dilution dans une identité américaine en profonde mutation. Le biais ouvertement pro-minorités (ethniques et sexuelles) ainsi que pro-migrants de la nouvelle administration ne va pas l’apaiser. Biden pouvait-il faire autrement ? Probablement pas, tant minorités et migrants ont pris une place considérable dans base du parti démocrate et dans cet électorat américain qui change avec une immigration importante mais également avec des minorités qui participent de plus en plus activement au vote.

Biden a toutefois un atout dans son jeu pour « rassembler les Américains », au moins sur un point : l’économie.  Le gigantesque plan de soutien de 1.900 milliards de dollars (1.600 milliards d’euros), qu’il va proposer au Congrès et qui a de bonnes chances d’être approuvé au moins en partie, ne va pas profiter qu’aux minorités loin de là. La très majoritairement blanche classe moyenne durement touchée par la crise va en bénéficier également et, de fait, le monde entier car nous savons tous à quel point la consommation des Etats-Unis pèse encore lourd dans l’économie globale.

Sa politique étrangère ne va pas marquer la rupture que beaucoup attendent si ce n’est dans le style. Trump était un boxeur, Biden un papy affable.

Pas de changement de cap vis-à-vis de la Chine qui est devenue le rival global, tant sur le plan économique que géopolitique. 

Plus d’affect avec les alliés européens et en particulier l’UE ouvertement méprisée par Trump mais sans inflexion majeure. L’opinion américaine considère que l’Europe doit davantage contribuer à sa propre défense au lieu de s’abriter à moindre coût sous le parapluie militaire américain. Sur le plan commercial la partie sera serrée. Les sanctions imposées par la précédente administration n’étaient pas purement vexatoires ou nationalistes. Elles correspondaient à de vrais contentieux. Le retour du protectionnisme américain, fortement amplifié et médiatisé par Trump, ne sera nullement démenti par les Démocrates qui comptent aussi sur le vote des « cols bleus » laminés par la désindustrialisation.    

Pas de dégel particulier avec la Russie avec qui Trump n’a pas bâti de relations privilégiées, tant s’en faut. 

A lire ensuite: Le legs de Donald Trump au Moyen-Orient: les accords d’Abraham

Au Moyen-Orient, rien de révolutionnaire à attendre. Israël restera un allié stratégique et bénéficiera d’un soutien inconditionnel, même si la colonisation de la Cisjordanie attirera des critiques plus franches.     

C’est avec l’Iran que des changements sont attendus. Toutefois, sortis de l’accord de Paris après le retrait unilatéral de Trump et n’ayant eu aucun soutien effectif des Européens, les Iraniens ne sont pas disposés à revenir au statu quo ante. Ils ont appris à vivre sous un régime de sanctions terribles et ont gagné en autonomie nucléaire avec une forte croissance de leur activité d’enrichissement à vocation potentiellement militaire. Pas facile de faire rentrer le dentifrice une fois sorti du tube. 

C’est sur la lutte pour le climat que l’on peut objectivement se féliciter du départ de Trump. Son climato-scepticisme était insupportable. La préservation de l’« american way of life » au prix d’émissions de gaz à effets de serre parmi les plus élevés au monde par tête d’habitant (14,5 tonnes par an contre 4,5 en France) constituait un véritable vandalisme écologique. Les Etats-Unis reviennent dans l’accord de Paris et c’est tant mieux pour nous tous.         

En ce qui concerne le camp de la France – que je préfère parfois au terme de camp national – que change au fond le départ de Trump et l’arrivée de Biden ? 

Franchement pas grand-chose.

Plus de pression « progressiste » dans nos médias par décalquage idéologique ? 

Cela fait des années que nous subissons un assaut idéologique qui peut se résumer ainsi : plus de Bruxelles, plus de Maghreb et d’Afrique, plus de métissage, plus d’islam, plus de LGBT, de transgenrisme et d’intersectionnalité. Qu’est-ce que ce pauvre Biden peut ajouter à ce menu déjà bien fourni ?           

La chute d’un « modèle » ? Trump n’en a jamais été un pour nous, ou en tout cas pas complètement, tant nous divergeons sur le rôle de l’Etat dans la société. 

Nous le voulons stratège, aménageur, protecteur, redistributeur et social. Les « Trumpistes » sont dans une tradition ultra-libérale en matière fiscale et sociale.

Nous avons en revanche des points communs importants : la protection des frontières tant sur le plan économique que migratoire, le refus de laisser l’islam progresser dans nos pays ainsi que la défense de notre identité. 

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Sur ce dernier point toutefois, nous devons acter d’une différence fondamentale entre l’Amérique du Nord et l’Europe. La première s’est construite sur une vigoureuse et brutale colonisation de peuplement qui a annihilé les peuples amérindiens « de souche ». Sa composante noire n’est pas majoritairement immigrée mais déportée et, peu le savent, il y avait déjà une population hispanique depuis le 18ème siècle dans les territoires qui devinrent le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie.  

A part les malheureux Indiens, personne ne peut dire « cette terre est à moi depuis toujours ». Il en est bien différemment de l’Europe. Les Européens sont les peuples indigènes du continent du même nom.  A la différence des autochtones de l’autre-coté de l’Atlantique qui n’eurent pas les moyens de s’opposer à une invasion-submersion migratoire qui les balaya, le peuple d’ici a encore la possibilité de se défendre – mais plus pour très longtemps – aux côtés de ceux qui sont « devenus d’ici » par assimilation et patriotisme. 

A Phoenix (Arizona), des militants s'opposent à la venue de Trump le 23 juin 2020 © USA Today Network/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30224690_000014
A Phoenix (Arizona), des militants s’opposent à la venue de Trump le 23 juin 2020 © USA Today Network/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30224690_000014

Notre peuple n’a besoin de personne pour redessiner son avenir si compromis par tous les Quisling qui l’ont dirigé depuis des décennies. C’est en nous-mêmes que nous trouverons les idéaux, les solutions et surtout la force morale pour rebondir.

Trump a perdu la bataille politique de la présidentielle américaine de 2020. Mais ses idées lui survivront car elles correspondent aux aspirations d’un grand nombre d’Américains y compris au sein des minorités. Trump ne s’est pas hissé au niveau de l’opportunité historique que 2016 lui avait apporté.  Mais l’avenir appartient au grand mouvement de reconquête identitaire et économique qui anime les peuples européens ou d’origine européenne qui en ont marre d’être accablés, broyés et stigmatisés par l’idéologie diversitaire et mondialiste.

Régis Debray, le réel et son trouble


Sans nostalgie ni regrets, quoique avec une pointe de mélancolie, Régis Debray pose un regard indulgent sur son passé et le nôtre. L’ancien révolutionnaire qui voulait changer le monde avec des idées sait désormais que les peuples ne vivent pas d’abstractions. Observant la fin de la civilisation de l’écrit, il dissèque avec lucidité et gourmandise cette époque qui n’est pas tout à fait la sienne.


Au risque de fâcher notre philosophe, je me demande si la lecture de l’œuvre de Régis Debray n’est pas l’une des plus exaltantes écoles de conservatisme politique qui soient – pas de retour en arrière, mais de politique soucieuse de préserver ce qui mérite de l’être. Régis Debray parle si bien du monde d’hier, des possibilités humaines qui s’y jouaient, des aspirations fondamentales qui s’y exprimaient et auxquelles, bon an mal, les temps savaient répondre, il éclaire si vivement le monde dans lequel nous vivons et la nouvelle figure d’humanité qui s’y dessine, aplanie sur le présent, rétrécie aux dimensions de son moi, pauvre en imaginaire, que l’on referme tous ses livres avec le désir véhément de sauver ce qui peut encore l’être afin que le monde de demain soit encore un peu le monde d’hier.

Que l’on ne se méprenne pas. Nulle inclination à la désolation ou à l’indignation chez Debray. Non plus à la nostalgie. Pas davantage d’ailleurs, à l’euphorie. Debray se tient à égale distance, pour prendre les deux pointes extrêmes d’un même compas, de Michel Serres et d’Alain Finkielkraut. Du premier, il partage les curiosités et les intérêts, le goût de la technique et des nouvelles technologies ; du second, les fidélités et les tendresses (Israël excepté), l’attachement aux Humanités, à la langue, aux institutions. Il n’a toutefois pas les béatitudes du premier ni les inquiétudes et les colères du second. Enfin, là où l’un voit exclusivement des gains et l’autre d’abord des pertes, Régis Debray, lui, s’efforce de ne pas penser en ces termes, moralement connotés.

DEBRAY-Regis-causeurLe monde de Debray n’est pas pour autant un monde sans perte, sans larmes, sans deuil. Homme venu d’une autre rive temporelle, formé selon les modalités de vie et de pensée du vieux monde qu’il aime, Debray ne connaît pas la hantise du progressiste de paraître en retard sur son temps et singulièrement sur la jeunesse. Il est également épargné par cette autre maladie congénitale de la gauche, diagnostiquée par Jean-Claude Michéa, le complexe d’Orphée : il ne craint pas de regarder en arrière, au contraire, pour lui le flambeau du passé peut encore nous éclairer et nous guider, et il recommande vivement aux jeunes gens qui veulent entrer dans la carrière un détour par Thucydide, le cardinal de Retz ou Rousseau. « Un homme a des vues sur le futur dans la mesure où il en a sur le passé. »

Si Debray a fait vœu de suspension du jugement, ce n’est pas dérobade de sa part, mais conviction qu’il sera plus utile à ses semblables en s’enquérant de la nouveauté du temps présent qu’en soupirant après le monde d’hier ou en célébrant celui qui vient. Un monde se termine ; un autre advient, qu’il nous faut habiter et aménager, aussi mieux vaut apprendre à le connaître dans ses possibilités propres. « Le vent se lève !… il faut tenter de vivre », disait Paul Valéry. Ce vers, qui scandait la belle série estivale que Debray consacra au poète et penseur en 2018, pourrait servir d’épigraphe à l’ensemble de son œuvre.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Longtemps, il l’avoue, il a caressé le rêve de contribuer à « changer le monde » – c’est encore ce qui l’entraîne aux côtés de François Mitterrand en 1981. Mais la vie, ses tribulations en Amérique latine, ses engagements en France, plus encore peut-être sa fréquentation du pouvoir, l’ont instruit. Il a décidé de remiser au placard les atours de l’intellectuel. Vanité de l’homme de lettres, comprend-il, que de prétendre exercer quelque influence sur les esprits et le cours des choses. Non que les idées soient fatalement impuissantes, mais encore leur faut-il rencontrer la courroie de transmission qui les fera descendre dans la caverne des hommes et les rendra agissantes. Or, à chaque époque, son médium. Et c’en est fini de l’écrit, révolu l’âge des Voltaire et des Zola. La graphosphère a fait son temps, voici venu celui de la vidéosphère : seules pourront désormais ambitionner quelque efficacité les idées qui emprunteront le canal de l’image, de l’audiovisuel et à présent des réseaux sociaux. Et c’est là tout l’objet de la médiologie, cette discipline que Debray fonde à la fin des années 1980 et qu’il dote d’un bouillonnant laboratoire d’investigation, Les Cahiers de médiologie, superbe publication réunissant des chercheurs de tous horizons.

Car c’est cela Debray, un esprit toujours inventif, toujours aux aguets. La passion de comprendre chevillée au corps, de harponner le nouveau, l’inédit. Rien n’est plus étranger à notre philosophe, et rien sans doute ne l’ennuierait davantage, que ce défaut, ce vice même du penseur professionnel, que la reconduction de l’inconnu au connu. Une écriture douée d’une énergie époustouflante, servie par un génie des télescopages, des « courts-circuits », des étincelles fulgurantes. Une pensée incarnée, ce qui est l’une de ses grandes saveurs. L’humaine nature ? « Le pot de confiture et le martyr » ; les jeunes filles de Proust défilant sur la digue de Balbec ? À peine les a-t-il aperçues qu’il peut tirer un trait « de la bicyclette au MLF ». Parole de médiologue : pas de libération de la femme sans l’avènement d’un nouvel outillage. Debray est un de nos derniers esprits encyclopédiques. Rien de ce qui est réel ne le laisse indifférent. Sa curiosité ne connaît pas de limite, pas de frontière. Il crochète et furète partout, « le bon médiologue est un chien, se flatte-t-il, il met son orgueil à regarder par terre, à renifler dans les coins ». En tout lieu, il se risque. Jusqu’à Dieu. On se souvient du coup d’éclat que fut en 2001 la publication de Dieu, un itinéraire : un homme de gauche qui prenait au sérieux la religion, qui ne la renvoyait pas dans les ténèbres de l’obscurantisme. Au contraire, il lui rendait sa légitimité en faisant apparaître ses fondements anthropologiques.

Enfin, en bon philosophe, Debray sait l’art d’enrichir le vocabulaire de notre intelligence et de notre perception de catégories nouvelles, d’élaborer des distinctions qui sont autant de navettes pour démêler les fils enchevêtrés de la réalité. Mentionnons la si féconde polarité République/démocratie, où l’altière République vient redresser l’horizontale et égalitaire démocratie ou encore le couple transmettre/communiquer. Profondeur, épaisseur des temps, maturation et continuité des peuples et des civilisations versus surface et superficie du seul présent et du seul moi.

Si Debray n’est pas, ou plus, un penseur engagé, il reste un penseur éminemment embarqué. Ce monde ne le laisse pas en repos. Doublement. Ce qui l’intéresse d’abord, ce sont les tremblements du temps, les transformations, les mutations qui affectent les sociétés et les hommes. D’un siècle l’autre (Gallimard), tel est le titre de l’ouvrage qu’il fait paraître aujourd’hui. Au prisme de sa propre traversée du temps, du xxe au xxie siècle, Debray offre une synthèse de ses expériences et de ses conquêtes. Debray parle en première personne, mais ce livre n’est pas une autobiographie – celle-ci existe déjà, magnifique trilogie composée de Masques, Par amour de l’art et Loués soient nos seigneurs : son objet c’est nous, hommes du xxie siècle, et singulièrement nous, Français. Parlant de moi, je parle de vous, « nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui […], la destinée est une », dit-il en substance à la suite de Victor Hugo.

Mais si, chez le Janus qu’est le penseur Debray, l’une des faces regarde vers les transformations, l’autre est tournée, l’œil non moins aigu, du côté des retours et des invariants, des constantes de la nature humaine. Retour de la religion, retour de la nation et des frontières, retour du lieu, du terroir, bref de la géographie. Or, et c’est là l’immense apport de Debray à la réflexion contemporaine, il ne se contente pas d’identifier ces revivals, il leur donne leur fondement anthropologique. Là où certains ne perçoivent, dans ces retours, que régression, et au mieux crispation et frilosité, Debray, lui, au contraire, entend résonner comme un rappel des aspirations humaines fondamentales, rappel d’autant plus ardent que les avancées techniques les nient.

DEBRAY-RegisTrois « mystères », ainsi qu’il les appelle, charpentent son ouvrage, aussi solidement qu’ils constituent nos épreuves et nos défis. Mystère du politique : comment faire du commun avec de la diversité. Réponse de Debray : on ne cimente pas un peuple et on ne le mobilise pas avec des abstractions, avec les valeurs de la République ou la laïcité, mais avec des réalités concrètes, charnelles, et Debray rend salutairement toute sa légitimité à la « fonction fabulatrice », aux récits et même, hardiment, aux légendes qui, établit-il, ne sont pas sans vertu politique. « Pour quitter mitaines et charentaises, il faut se raconter des histoires. » Que de temps eussions-nous gagné, il est encore temps, si nos politiques avaient daigné tendre l’oreille à ce qu’il martèle depuis des années ! Mystère des civilisations et de leur continuité. Réponse de Debray : la transmission, fil qui relie les vivants aux morts et à ceux qui naîtront après eux et assure un avenir au passé. Mystère, enfin, de la religion et du besoin fondamental des hommes de prendre part à des réalités plus vastes qu’eux-mêmes. L’homme de Debray est cette créature qui se tient debout précisément parce qu’elle est comme aimantée par quelque chose qui la dépasse : Dieu ou la patrie, jusqu’à présent. La nature remplira-t-elle cet office ? Telle est de nous aujourd’hui la question. Debray se montre fort réservé sur la « puissance de convocation » de la déesse Gaïa.

De ma première rencontre avec Régis Debray, il me reste une image, celle de l’amateur d’art. Il venait d’acquérir une toile du peintre Leonardo Cremonini, et il avait l’enthousiasme de l’admiration. Si j’évoque ce souvenir, c’est que ses écrits sur l’art me semblent la part la plus méconnue de son œuvre. Et pourtant, c’est loin d’être la moins roborative. Il faut lire par exemple sa « Lettre à Claude Simon sur le roman moderne », une réplique parfaite et pour ainsi dire définitive au formalisme littéraire, un hymne à la littérature comme instrument de perception, « viatique et guide pour ne pas se perdre en forêt » ; ses écrits sur la photographie, ce ne sont parfois que quelques lignes, ainsi sur Cartier-Bresson, le texte qu’il consacre au Tintoret, génie de l’image en mouvement, précurseur du cinéma.

« Promis, on fera mieux la prochaine fois », c’est sur ces mots, empreints d’une pudeur mélancolique et qu’on ne lit pas sans un serrement de cœur, que Régis Debray referme D’un siècle l’autre. La barre est placée haut !

Régis Debray, D’un siècle l’autre, Gallimard, 2020.

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Les Petits Meurtres se téléportent dans les 70’s

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La saison 3 de la série star de France 2 inspirée d’Agatha Christie démarre ce soir à 21h05 dans une ambiance disco-MLF


Il y a des franchises télé que l’on a plaisir à voir. Des rendez-vous qui soudent les générations et colorent les tristes vendredis soir de couvre-feu. Ce soir, à 21 h 05, pour la seule et unique fois de la semaine, vous ne verrez ni Castex, ni Véran dans le petit écran. Oubliez les recommandations du conseil scientifique et les débats sur la chloroquine, le temps d’un téléfilm familial.

L’adieu aux sixties…

On s’était habitué depuis 27 épisodes à l’élégance sixties du commissaire Laurence (Samuel Labarthe) et de son beau cabriolet Facelia sur les routes du Nord de la France. Sa suffisance narquoise s’accordait si bien à l’impétuosité touchante de la journaliste Alice Avril (Blandine Bellavoir) et au tendre romantisme de sa fidèle secrétaire, la fausse ingénue Marlène (Elodie Frenck). Ces trois-là maîtrisaient l’art du contre-pied et de la comédie policière légère comme un Walther-PPK. Ils avaient succédé à un autre duo composé du commissaire Larosière (Antoine Duléry) et de l’inspecteur Lampion (Marius Colucci), en service régulier sur la chaîne publique, entre 2009 et 2012. Après les années 30 et les années 60, « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie » débarquent dans les 70’s sous la plume de Flore Kosinetz et de Hélène Lombard. Attention aux yeux, comme dirait Marielle, ça mitraille sec!

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Le code couleur a changé! Les lugubres demeures de la saison 1 ou les tenues apprêtées de Miss Marlène en saison 2, c’est du passé. Fini aussi les robes vichy et les coiffures choucroutées, les Lambretta et les yéyés, place aux mini-jupes et aux looks psychédéliques. Un vent de « Peace and Love » va souffler dans les rues de Lille, Tourcoing, Douai et Lens, lieux des tournages. Nous sommes toujours en terre ch’ti mais en 1972.

… et l’arrivée dans les seventies

La recette est toujours la même: le décalage et l’étude des caractères sur fond d’émancipation féminine, avec toujours un soin particulier accordé au décor. Pour que la téléportation fonctionne, chaque détail vestimentaire compte, chaque objet ne doit pas faire toc. Les amateurs de fringues Vintage seront aux anges. Il y a du losange, des chemisiers à imprimé Vasarely, du similicuir, du sabot, de la cuissarde et de la pelle à tarte. Que les accros des bagnoles non-électriques se rassurent, les créateurs de cette troisième saison ont peaufiné leur paysage automobile. De la SM, de la Simca 1000, de la 911 vert pomme et du taxi Pigeot 504 nous ramènent aux Trente Glorieuses sans culpabilité. La fumette et l’autoradio à bloc traduisent l’atmosphère libérée de l’époque.

© Escazal Films
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« La nuit qui ne finit pas » premier épisode diffusé ce soir et réalisé par Nicolas Picard-Dreyfuss voit l’arrivée de la commissaire Annie Gréco (Émilie Gavois-Kahn), une expérience « sociétale » initiée par le Ministère de l’Intérieur pour favoriser l’égalité homme-femme. Cette intrusion dans un univers 100% masculin est bien évidemment prétexte à la raillerie et aux scènes grotesques. Cette nouvelle saison a vocation à nous amuser des clichés. Elle y réussit parfaitement grâce à un casting sur-mesure qui s’est moulé dans les années 70. Émilie Gavois-Kahn a pris du galon, elle est seulement major dans « Cassandre », une autre série policière qui passe sur France 3. Cette grande professionnelle, à la justesse impeccable, est à l’aise dans tous les registres, elle excelle aussi bien dans l’émotion que dans la farce. Avec son imper croisé et ses bas « nylon », elle est aimable comme une porte de prison. Les cinéphiles apprécieront l’hommage subtil rendu à Annie Girardot, la commissaire Lise Tanquerelle de « Tendre Poulet ».

© Escazal Films
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Une mention spéciale

Outre une bande de flics, phallocrates hilarants, Annie Gréco fait équipe avec le lieutenant placardisé Max Beretta (Arthur Dupont), Starsky du 59 conduisant une Renault 15 jaune aussi mémorable que la Ford Gran Torino de ses collègues américains.

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Pour compléter cette triplette vraiment très réussie, Rose Bellecour (Chloé Chaudoye), psy à papa, Tara King des maîtres de forges, promène son expertise et ses doutes existentiels avec une force comique qui augure d’une longue carrière. Mention spéciale au commissaire divisionnaire Servan Legoff interprété par Quentin Baillot, il y a du Noël Rocquevert en lui.

Cette semaine, la fièvre du samedi soir a un jour d’avance.

Saison 3 – « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie » – France 2 – Vendredi 29 janvier – 21 h 05.

Et si je ne revoyais pas la gauche au pouvoir avant ma mort?

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Travaillée par ses contradictions, on ne voit pas bien comment la gauche pourrait un jour, même lointain, revenir au pouvoir. Reste à savoir si le pouvoir est encore quelque chose qui a une existence quelconque aujourd’hui. L’édito politique de Jérôme Leroy.


Dans un sondage paru dans l’Opinion, il y a quelques jours, sur le premier tour des présidentielles, les résultats étaient sans appel. Marine Le Pen fait la course en tête, Emmanuel Macron la talonne. Ensuite, dix bons points derrière, on trouve d’éventuels candidats de la droite classique comme Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Quant à la gauche, elle arrive derrière avec un Mélenchon qui tutoie les 11%, un éventuel Jadot autour de 7 ou 8% et la gauche social-démocrate qui annonce une Hidalgo entre 6 et 7% et un Montebourg à 5%. 

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C’est mal parti et pour très longtemps

L’électeur de gauche quinquagénaire que je suis voit ainsi se confirmer une certitude un peu mélancolique : je ne reverrai pas la gauche au pouvoir avant ma mort. On m’objectera que ce n’est qu’un sondage à dix-huit mois de la présidentielle, il illustre quand même une tendance lourde. Bien sûr, la gauche aura toujours des mairies, des députés et des départements ou des régions. Mais pour la présidentielle, c’est plus que mal parti, et pour très longtemps.

Il y a à cela une première raison conjoncturelle : la Vème république étant un concours de beauté et la gauche ayant toujours tendance à la scissiparité plutôt qu’à l’unité, il devient impossible d’accéder au second tour. Il y a en une seconde, beaucoup plus grave qui est idéologique. La gauche, dans chacune de ses composantes, est prise en étau entre les partisans de l’intersectionnalité et ceux qui la voient comme un simple aménagement du libéralisme qu’elle teinterait vaguement de quelques mesures sociales. Mais pour l’électeur de gauche old school, comme votre serviteur,  un républicain qui souhaite une rupture avec le système et une redéfinition des périmètres du marché avec l’éducation, les transports, la santé, la recherche, l’énergie, le crédit et la transition écologique qui devraient rester l’affaire de l’État, c’est-à-dire l’affaire de tous, eh bien l’horizon est complètement bouché.

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On me dira Mélenchon ou les écolos ? Mais la France Insoumise est pourtant l’illustration de cette contamination de l’intersectionnalité qui explique d’ailleurs en grande partie pourquoi elle est passée de 19% à la présidentielle de 2017 à 6% aux dernières européennes. Pareil pour les écolos, qui comme le remarquait Hidalgo qui les connaît de près, ont un problème avec l’intangibilité des principes républicains.

Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.
Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.

Le pouvoir, pour quoi faire ?

Il ne faudrait pas pour autant que les droites macronienne, lepéniste ou classique se réjouissent. Marine Le Pen, par exemple, comme son père avant elle, joue le rôle de Goldstein dans 1984, l’ennemie officielle, choisie par Big Brother: elle est là pour faire peur, et au second tour, coaliser contre elle tous les autres. Et puis il n’est pas impossible que ceux qui seront au pouvoir dans  les prochaines années, n’aient plus les moyens de mener la politique qu’ils souhaitent pour une raison bien simple: les catastrophes sanitaires et environnementales ne les laisseront pas appliquer leur programme. 

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À ce titre la crise du Covid-19, qui n’est qu’un hors d’œuvre, en est déjà une preuve éclatante. Le quinquennat de Macron, qui devait nous amener à la victoire d’un néo-thatchérisme repeint à la couleur des start-up, est en train de se résumer à une gestion à vue d’une épidémie. Qui aurait imaginé, il y a un an, notre vie d’aujourd’hui ? Personne et surement pas Macron. Et qu’est-ce que ce sera, si réélu, il doit affronter des épisodes climatiques extrêmes comme une canicule de 2003 à la puissance dix ? 

La Zad ou le monastère

La gauche n’aura plus le pouvoir mais il est bien possible que le pouvoir lui-même ne soit de toute manière qu’une notion très relative puisque il sera surtout occupé à gérer les effondrements successifs et mortifères de notre monde. Alors que faire ? Pour ma part, j’hésite à me réfugier dans une ZAD ou mieux, entrer dans un monastère, dominicain de préférence : je pourrais étudier tranquillement, en attendant la fin, ces beaux textes fondateurs du communisme que sont les Actes des Apôtres ou la Cité de Dieu de saint Augustin. Et à méditer sur ce que nous aurons raté alors que ce monde aurait pu être si beau.

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Guerre d’Algérie: après le rapport Stora, à quelle «initiative mémorielle» doit-on s’attendre?

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Nul ne sait encore ce que le président Macron fera du rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Mais il est certain que jouer la carte de la repentance ne serait pas sans risques


Le président Macron érigera-t-il une stèle à l’émir Abdelkader qui a combattu les troupes françaises ? Organisera-t-il une journée de repentance pour les « crimes contre l’humanité » commis par la France pendant la colonisation ? Aurons-nous droit à des noms de rues de « résistants » du FLN ?

L’avenir le dira. Une chose parait à peu près sure, une initiative « mémorielle » aura lieu. Emmanuel Macron a indiqué à de multiples reprises qu’il avait l’ambition d’attacher son nom à un évènement historique. Il a esquissé la chose avec Notre Dame (« nous la reconstruirons plus belle ») ; une tentative d’instituer le 14 juillet comme « un grand moment de libération du peuple de France » a aussi été imaginée ; l’idée d’un Mémorial aux victimes du Covid comme il existe un Mémorial de la Shoah par exemple a aussi été étudiée. Mais la piste guerre d’Algérie semble plus assurée. D’autant qu’elle est plus ancienne.

Le lien choquant fait dans l’avion de retour d’Israël

Dès 2017, au cours de sa campagne électorale, Emmanuel Macron a affirmé que la colonisation avait été un « crime contre l’humanité ». En septembre 2018, il a reconnu la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, mort « sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ». En janvier 2020, dans l’avion qui le ramenait de Jérusalem, Emmanuel Macron a confié à trois journalistes qu’il existait un défi mémoriel entre l’Algérie et la France et qu’il souhaitait prendre une initiative qui ait « à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 ». Le parallèle Auschwitz-Algérie laisse clairement entendre qu’un peuple (français) a abusé mortellement d’un autre (le peuple algérien).

Benjamin Stora remet son rapport au président Macron, le 20 janvier 2021, Palais de l'Elysée   © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA Numéro de reportage  : 01000815_000010
Benjamin Stora remet son rapport au président Macron, le 20 janvier 2021, Palais de l’Elysée
© STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01000815_000010

Cette initiative mémorielle prendra-t-elle la forme d’une loi qui s’inscrira dans la petite liste des évènements mémoriels qui ont déjà fracturé la société française ? Le 13 juillet 1990, la loi Gayssot a fait du négationnisme de la Shoah un délit. Le 29 janvier 2001 une loi a officialisé la reconnaissance du génocide arménien. Le 21 mai 2001 une loi dite Taubira a fait de l’esclavage un crime contre l’humanité. Et enfin, la loi du 23 février 2005 sur la présence française outre-mer a disposé dans son article 4 que « les programmes (scolaires) reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ».

Pas d’excuses au programme

Officiellement, Emmanuel Macron ne souhaite ni présenter d’excuses qui seront immanquablement jugées insuffisantes par les Algériens, ni se livrer à un exercice de repentance qui ferait bondir à la droite.

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Mais comme chaque fois avec Emmanuel Macron, le « ni-ni » n’empêche pas le « en même temps » qui va brouiller la compréhension. Ainsi, le 25 septembre 2021, une commémoration célèbrera le rôle des Harkis, qui ont combattu pour la France en Algérie, mais cette cérémonie sera suivie moins de quatre semaines plus tard par une autre cérémonie à la mémoire des Algériens qui ont trouvé la mort pour avoir manifesté à l’appel du FLN, à Paris le 17 octobre 1961. À un mois de la présidentielle, le 18 mars 2022, Emmanuel Macron commémorera aussi les soixante ans des accords d’Evian qui marquent la fin de la guerre d’Algérie.

Mais le vrai danger de l’initiative mémorielle promise par le président ne tient pas au risque de mécontenter les Algériens, ou les Pieds Noirs, ou les Harkis, ou les anciens combattants… Le danger est d’officialiser une politique de culpabilité qui sera immanquablement génératrice de violences.

L’analyse que l’auteur américain Shelby Steele, Senior Fellow de la Hoover institution – lui-même issu d’un mariage interracial – fait de la condition noire dans White Guilt, un livre paru en 2006, est entièrement transposable à la France. Pour Shelby Steele, la colère des Noirs qui a surgi dans les années 1960 ne doit pas être interprétée comme la conséquence de la ségrégation raciale. Elle est la colère d’entrepreneurs identitaires noirs qui ont entrepris d’exploiter la culpabilité d’une société blanche qui avait entrepris de démanteler sa politique de ségrégation raciale.

Ne pas se mettre en position de faiblesse

Pour Shelby Steele, la violence a envahi les rues quand les Noirs ont pris conscience que l’oppresseur blanc était soudain en position de faiblesse. En affichant sa culpabilité et son besoin de réparer le mal qu’elle avait causé, la société américaine a prêté le flanc à des demandes incessantes de réparations. Aujourd’hui, des milices comme Black Lives Matter ne prospèrent pas en raison de la violence raciste qui sévit aux États-Unis, mais parce que la culpabilité blanche leur a donné un pouvoir de stigmatisation.

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Que des minorités identitaires inventent le racisme là où il n’est pas, et exploitent la culpabilité des occidentaux n’est pas une spécificité américaine. Les Palestiniens exploitent la culpabilité des anciennes puissances coloniales européennes ; en Europe, les islamistes se posent en victimes de l’islamophobie européenne, et les Algériens libres de toute colonisation depuis soixante ans font porter à l’ancienne métropole les causes de leurs échecs économiques et politiques.

Plus l’occident est tolérant, plus on l’accuse d’être intolérant…

En d’autres termes, c’est au moment où les sociétés occidentales, par leur histoire (les États Unis) ou par choix (la France), tentent de s’assumer comme des sociétés multiculturelles, égalitaires, soucieuses de réparer un passé raciste ou colonialiste qu’elles sont le plus férocement accusées de racisme et de discrimination.

C’est pourquoi il est à craindre qu’un geste de contrition nationale spectaculaire sur la guerre d’Algérie, un geste qui sera répété chaque année, loin de pacifier la situation ne conduise à plus de ressentiment, plus de haine, plus de violence encore. La seule initiative mémorielle qui mériterait d’être tentée serait celle qui dirait aux Algériens et aux franco-algériens, qu’avez-vous fait de la décolonisation ? Qui êtes-vous sans la violence de la colonisation ? Existez-vous en dehors de ce statut de victime dans lequel vous vous complaisez ?

Vivement la prochaine princesse Disney obèse, trans et handicapée!

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On ne plaisante presque pas… Partisane du mouvement body positive, l’Australienne Ashleigh Beevers redessine Blanche-Neige, Ariel, Belle et les autres avec des courbes généreuses. Oubliez les princesses filiformes qui ont bercé votre enfance!


Le procès contre les dessins animés Disney continue. Après avoir ostracisé Les Aristochats, la Belle et le Clochard, Dumbo ou Peter Pan, c’est au tour des personnages féminins de passer sous les fourches caudines de la révolution culturelle du progressisme révisionniste.

En cause, non pas cette fois les stéréotypes racistes – quoi que tout de même, à commencer par son nom, Blanche-Neige a tout pour déplaire à tous les fanatiques de cet antiracisme obnubilé par la race – mais les silhouettes des princesses Disney. Trop belles, elles pourraient être nocives à l’imaginaire des enfants.

Ariel:

Ashleigh Beevers, artiste au service du “body positivism”

Oui, Blanche-Neige et ses copines ont des tailles de guêpe ! Logique, à l’époque où elles ont été créées, c’était plutôt la norme. L’obésité dans les années 40 n’était pas un fléau qui courait les rues. O tempora o mores ! Aujourd’hui, ces héroïnes sont accusées de véhiculer une image du corps féminin trop discriminante. Alors, la sanction tombe. Et celle qui s’en charge c’est Ashleigh Beevers, une dessinatrice australienne qui a mis son art au service de ses convictions idéologiques. Cette dernière fait partie d’un mouvement militant, le « body positivism », courant qui proteste contre les stigmatisations liées aux représentations trop normées des corps féminins éternellement jeunes et minces dans la fiction ou la publicité, et affirme le droit d’être fier d’exhiber une morphologie opposée. L’activiste milite pour une chair tombante, ridée, gonflée de cellulite et fière de ses vergetures. C’est bien connu, ça fait rêver tout le monde !

Blanche-Neige: 

Belle:


Avec un pinceau en guise de bistouri, Ashleigh Beevers épaissit les traits des fées, des princesses ou des sorcières qui peuplent les dessins animés Disney. Il n’y a pas si longtemps, c’est Barbie qui avait subi le même sort, prenant quelques kilos pour ne plus traumatiser les fillettes.

Tout le monde y passe, aussi bien l’innocente Blanche-Neige que la guerrière Mulan, l’intrépide petite sirène Ariel que l’horrible Ursula, les saintes héroïnes comme les ennemies maléfiques. Toutes doivent monter sur l’échafaud du comité de salut anti-discriminant et antisexiste ! Et à défaut de leur couper la tête, on modifie leurs silhouettes trop gracieuses et filiformes, pour les faire rentrer dans les nouveaux canons de beauté imposés par le minoritairement correct et que l’on peut résumer en cette sentence : Sois laide et grosse, on te toléra mieux. 

Un résultat contre-productif

Le « body positivism » a beau prôner la diversité des morphologies, la militante Ashleigh Beevers applique immanquablement le même coup de scalpel grossissant à toutes les héroïnes, sans distinction, les classiques comme les nouvelles venues, les gentilles comme les méchantes, toutes y passent. Pas de chichi. 

Bilan de ce relooking disgracieux : nos héroïnes d’hier prennent quelques kilos, et elles affichent aussi paradoxalement des moues un peu sexy et des corps hypersexualisés à la chair débordante, tatouée et dénudée. Nos princesses se transforment en catins au bois bandant ! Mais n’allez surtout pas y voir de la vulgarité plutôt que de la beauté.

Eric Zemmour: ira, n’ira pas?

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Interrogé sur Paris Première à ce sujet, l’intéressé n’a pas dit non


L’idée lancine et turlupine. Eric Zemmour candidat à la présidentielle. Oui ? Non ? Sur le plateau de Paris Première, l’insubmersible Alain Duhamel, invité du jour, lui pose une fois de plus la question  : « Y’a des gens qui souhaiteraient ça, alors quant à lui, il va peut-être nous dire s’il le souhaite ou pas… » La réponse n’écarte pas la possibilité. Comme un aveu, mais pas tout à fait : « C’est pas ici et aujourd’hui que je vais le dire. » 

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Il déroule son programme chaque jour à la télé

Aucun doute, il y pense. Le matin en se rasant, le midi en comptant les cheveux qui lui restent, le soir dans « Face à l’info » lorsqu’il présente son programme. Que sont des propositions concrètes sur l’immigration, l’Europe, l’emploi, l’Islam, la politique extérieure qu’il énonce chaque jour, sinon un programme ? 

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Stratégie judicieuse dans le cas d’une candidature. En guise de programme-papier, un livre. Disons début 2022. Énorme succès de librairie. Une manière inédite et même révolutionnaire de prétendre à la fonction suprême. Donald Trump avait gagné grâce à Twitter, Zemmour peut l’emporter par le biais du média télé-internet, conjugué à un puissant ouvrage dans lequel il développerait sa vision pour la France. Après le « ni droite ni gauche » de Macron, le hors-sentiers battus, hors-parti, hors-politique politicienne d’un penseur indépendant. Le pied-de-nez monumental à l’ensemble de la classe politique. Un bras d’honneur adressé au jeu des alliances d’arrière-boutique, d’appartenance à tel ou tel clan. Perçu comme neuf par l’électorat. Providentiel. Ni ex-ministre, ni futur calculateur, Zemmour est encore moins issu d’on ne sait quel sérail. Et pour l’estocade finale à ceux qui doutaient encore: Emmanuel Macron pourrait être désintégré lors du débat du deuxième tour [Un article récent de Valeurs actuelles prétend démontrer qu’Eric Zemmour gagne tous ses débats NDLR].

Marine Le Pen en travers de sa route

À ce scénario idyllique s’oppose le nom fatal que tout un chacun a sur le bout de la langue : Marine Le Pen. MLP, trois lettres qui viennent obstruer la route menant vers une possible victoire du héros de « Face à l’info »… Un débat d’entre deux tours face à une chaise vide, la chaise l’emporte. Jolis barreaux, très beau dossier. Alain Duhamel exulte en direct de Conforama. Le meuble nous a sauvé du nazisme. Marine Le Pen, perdante (à coup sûr ?). Peut-être, mais elle est tenace.

A lire aussi: Le numéro de Zemmour sur Cnews est-il parti pour s’user ou durer?

Anaïs Bouton, animatrice de l’émission Zemmour & Naulleau, relance Eric Zemmou sur Paris Première : « Ah vous ne dites pas non alors ? » Non, il ne dira pas non. Oui non plus. Peut-être ne le sait-il pas lui-même. Les Philippot, Onfray, Dupont-Aignan, Ménard, Poisson et consort suivront. Reste le caillou dans la chaussure : le partisan du Rassemblement National partagé entre la chèvre et le chou. Irréductible ou convertible à un autre scénario ? Évaluer cette donnée mystérieuse est la clé de l’énigme. De cette réflexion et ses conclusions pourraient bien dépendre la décision du gaillard.

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Egon Schiele, enfer et passion

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Egon Schiele, Autoportrait 1918 (détail) D.R.

Le billet du vaurien


Aucun peintre ne m’a autant bouleversé durant mon adolescence viennoise qu’Egon Schiele. Il a laissé des traces profondes en moi, autant esthétiques qu’érotiques. Nul n’ignore qu’il est mort à l’âge de vingt-huit ans fauché au faîte de sa gloire par la grippe espagnole. On sait moins – ou on ne veut pas savoir – qu’il passa vingt-quatre jours dans la prison de Neulengbach – dénoncé par de zélés mouchards pour outrage aux bonnes mœurs, ce qu’on qualifierait aujourd’hui de pédophilie.

Les bonnes mœurs et l’art font rarement bon ménage

De sa cellule, il écrit à Arthur Roessler, un critique d’art qui le soutiendra mordicus : « Je suis obligé d’habiter avec mes propres excréments, de respirer un air suffocant, délétère. Je ne suis pas rasé – je ne peux même pas me laver correctement. » Il doit récurer le plancher de sa cellule : ses doigts sont meurtris, ses ongles cassés. Humilié sans même avoir été condamné. « La castration érigée en institution ! » écrit-il encore à l’adresse de ceux qui courent les musées en quête de beauté, des ordures qui désavouent le sexe.

Il est soumis à des interrogatoires. D’autant plus troublants, que la procédure concernant le « détournement de mineure avec viol » ne tient pas, même si Tatjana von Mossig, fille d’un haut fonctionnaire, n’a que quatorze ans. Les juges s’acharnent alors sur ses dessins pornographiques. Le marchand d’art Grünewald est lui aussi impliqué, accusé d’avoir propagé des reproductions des dessins de Schiele.

A lire aussi: Renaud Camus: « La liberté d’expression dans la France de 2020 n’est pas menacée: elle n’existe pas »

À l’opposé des éditeurs français, qui ne sont pas à une lâcheté près et qui laissent tomber Gabriel Matzneff, Grünewald défendra becs et ongles le grand peintre Egon Schiele. Le procès a lieu à Vienne en septembre 1923. Le procureur demande et obtient le huis clos. Grünewald sortira libre du tribunal, mais deux cents lithos reproduisant des œuvres de Schiele seront brûlées. On sait par des témoignages qu’à sa sortie de prison, Egon Schiele s’enferma dans un silence obstiné et qu’il eut le plus grand mal à reprendre son travail. Les bonnes mœurs et l’art ne font jamais bon ménage.

Enfer et passion, film introuvable

Même si Herbert Vesely ne compte pas parmi les grands metteurs en scène viennois, le film qu’il a consacré en 1980 au destin tourmenté d’Egon Schiele et que la critique française a jugé malsain (Il a pour titre : « Enfer et Passion » et il est, bien évidemment, introuvable) mérite le détour, ne serait-ce que pour le charme vénéneux qu’il dégage et la nostalgie de la Vienne impériale qu’il inspire. Jane Birkin y est en outre délicieusement perverse. Que peut-on espérer de plus ?

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Sandra Muller balance tout… sauf la vérité

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Sandra Muller et Francis Szpiner, septembre 2019 © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22381700_000001

Mercredi 27 janvier, l’instigatrice du mouvement “Balance ton porc” était jugée en appel à Paris. En septembre 2019, elle avait été condamnée en première instance à payer 15 000€ de dommages à Éric Brion, et à supprimer le message le diffamant sur Twitter. Causeur était présent à l’audience de ce procès emblématique de deux phénomènes préoccupants: le néoféminisme revanchard et la violence sur les réseaux sociaux.


On connait le célèbre tweet de la journaliste Sandra Muller : « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. Éric Brion ex-patron de Equidia #balancetonporc ». Publié sur un coup tête le 13 octobre 2017 depuis New-York, il déclenche la vague accusatrice que l’on sait. De nombreuses têtes tombent. Mille torts sont reprochés aux hommes. Pour les rares pourfendeurs du mouvement, comme Catherine Deneuve, Balancetonporc c’était la délation en ligne dans tout ce qu’elle a de plus sale. Pour tous les autres, qui ont patiemment travaillé l’opinion publique à accepter de tels procès virtuels, c’était l’expression légitime de la parole “libérée” des femmes.

Tout l’enjeu du procès est de savoir si la nature des propos prêtés à Éric Brion[tooltips content= »Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse. »](1)[/tooltips] justifie que celui qui les aurait prononcés porte à vie l’étiquette infamante de harceleur sexuel. Et, si tel n’est pas le cas, de définir comment réparer l’injustice faite à celui dont des mots malheureux colportés ont valu la mort sociale.

Suite au tweet de Madame Muller, un million de messages ont été publiés avec le fameux hashtag “balance ton porc” sur Internet, et pas moins de 900 articles de presse ont relaté l’affaire en trois jours.

Éric Brion ne supporte plus le doute dans le regard des gens

Évidemment, les propos reproduits par Sandra Muller sont moches. C’est ce qu’il ne faut surtout pas dire quand on veut avoir de la classe. C’est ce qu’il ne faut surtout plus dire quand le néoféminisme victimaire est exalté par la classe politique et les médias.

Éric Brion se présente à la barre. Il sort de dépression, il a pris jusqu’à 20 kilos. Calme mais visiblement ému, il témoigne : “À partir de la publication de ce tweet, ma vie a été complètement brisée, réduite en miettes. J’ai perdu mon travail, ma compagne, ma réputation, le pire étant ce que mon entourage a subi, notamment mes deux filles. D’un seul coup, toutes les portes se sont fermées. Ma jeune société de conseil dans l’audiovisuel a perdu toutes ses missions.” Il se considère comme un pestiféré, un paria, Sandra Muller s’étant soigneusement acharnée sur lui des semaines durant, le qualifiant de “dommage collatéral d’une cause” dans un livre publié en 2018 ou le requalifiant de prédateur sexuel.

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La veille des faits qui lui sont reprochés, Sandra Muller a pu lire dans le Parisien le premier article de presse française qualifiant de “porc” le producteur Harvey Weinstein, reconnu coupable de viols. Le 13 octobre, avant de s’en prendre à Brion, Muller avait écrit sur Twitter « .#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends ». Si ce premier message ne rencontre pas de succès, la délation, elle, paie. Quand Muller jette en pâture le nom de Brion dans le message suivant bien connu, il est partagé massivement. Enfin ! En écrivant “toi aussi” sur Twitter, puis en accolant au hashtag Balancetonporc le nom de Brion, nul doute que la journaliste amalgame volontairement Brion au producteur coupable de violences sexuelles.

Brion reconnait avoir pu retravailler “en pointillés” après le premier jugement, ce qui lui a redonné un peu d’espoir. Il s’adresse aux juges: “Je vous demande de confirmer le premier jugement pour lever définitivement le doute que je vois dans le regard des gens”.

Sandra Muller ne confond-elle pas drague lourde et harcèlement?

Curieusement, l’avocat François Baroin qui défendait l’accusée en première instance, s’il suit toujours le dossier, ne plaide plus pour elle et n’est pas présent à l’audience. L’accusée non plus ne s’est pas déplacée : elle est à New York. Rétrospectivement, son tweet cinglant apparait comme savamment préparé pour faire du mal, il était calibré pour générer un “buzz” revanchard sur les réseaux sociaux.

Mais la défense de Madame Muller demande la relaxe. Pour y parvenir, le ténor du barreau Francis Szpiner se grime en grand défenseur de la cause des femmes ! Parlons vrai: il en fait des caisses. Son emphase cocasse est à la mesure du degré de ridicule des propos grivois qu’aurait tenus Brion en 2017, et qui tout compte fait n’étaient pas grand-chose. Cependant, quand les questions sociétales ont pris l’ascendant sur le politique – Emmanuel Macron n’a-t-il pas fait des femmes la grande cause de son quinquennat ? – un procès comme celui-ci est de facto un procès politique. Selon Maître Jade Dousselin, avocate proche des Insoumis, Madame Muller serait injustement reconnue “coupable de s’être libérée et d’avoir manqué de prudence” en ne consultant pas le code pénal avant d’accuser Brion de harcèlement sexuel. On pourrait lui rétorquer que nul n’est censé ignorer la loi… Mais comme on l’a dit, c’est un procès politique, cela ne compte pas. Me Dousselin puis Me Szpiner invitent ainsi le tribunal à retracer la faute de Muller dans une “perspective plus large”. Muller ne peut pas être condamnée, le “progrès nous y oblige” affirme Me Dousselin.

Me Szpiner se fait menaçant : si le tribunal condamnait Sandra Muller en se bornant à suivre la jurisprudence sur les limites de la liberté d’expression, il ferait preuve d’un raisonnement simpliste qui ignorerait le “contexte dans lequel se trouve la société”…  “Vous allez débouter M. Brion, et ce sera justice” affirme-t-il. Selon les avocats de la défense, la Cour devrait ni plus ni moins comprendre le “ressenti des jeunes générations qui ne supportent plus ce genre de comportements et ne veulent plus se taire”. Une allusion au cas de Camille Kouchner est faite opportunément.

Décision le 31 mars

Mais quid des rumeurs et calomnies diverses relayées pendant des jours par Madame Muller ? Quid de cette fameuse “faille spatio-temporelle” évoquée un temps ?[tooltips content= »Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance. »](2)[/tooltips] Et où sont tous les témoignages d’autres femmes ayant à se plaindre de Monsieur Brion, un temps évoqués par Madame Muller, ailleurs que dans son imagination ?

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Madame Marie Burguburu, l’avocate de Brion, a rappelé qu’il revenait à la justice de complètement laver l’honneur de son client. Selon Me Burguburu et Me Bénoit, condamner Sandra Muller est la seule façon de stopper la pire des délations: celle qui ment et qui fonctionne. Selon eux, Éric Brion ne peut être accusé de harcèlement au travail. Non seulement Sandra Muller ne travaillait pas avec lui, et quand bien même des propos déplacés auraient été échangés lors d’une soirée professionnelle à Cannes, pour qu’un harcèlement soit caractérisé, il faut qu’il y ait répétition, menace ou violence. Brion réclame 200 000€ de dommages pour préjudice moral et patrimonial, le retrait du tweet et des publications judiciaires dans la presse pour que son innocence soit portée à la connaissance de la société. A l’issue de l’audience, il a déclaré à Causeur être « serein ». Verdict attendu le 31 mars.

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[1] Précisons que Brion n’a jamais reconnu avoir prononcé ces mots. Tout juste reconnait-il s’être pris un mémorable râteau à la fin d’une soirée, et s’être excusé le lendemain de son indélicatesse.

[2] Muller avait affirmé à un moment avoir oublié pendant cinq ans le traumatisme qu’auraient représenté les mots de Brion à son endroit. Mais dans cette même période d’amnésie, elle menaçait Brion de parler s’il ne s’abonnait pas à la Lettre de l’audiovisuel qu’elle édite (1700€ l’année), dans un échange privé sur Facebook dont le tribunal a pu prendre connaissance.

Collège d’Ollioules: «Pourquoi prendre un risque inutile?»

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Image: capture d'écran YouTube / France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur.

Le collège d’Ollioules ne sera finalement pas rebaptisé « Samuel-Paty ». La trouille, ça ne sent pas bon


Ainsi parla Sandra Olivier, professeur de mathématiques et représentante du SNES au collège des Eucalyptus à Ollioules, dans le Var. Par conséquent la proposition du maire LR Robert Bénéventi de rebaptiser l’établissement du nom de Samuel-Paty a été rejetée par 100% des enseignants, 89% des parents et 69% des élèves.

Le parfum des eucalyptus locaux sera-t-elle assez puissante pour couvrir l’odeur de trouille de tous ces gens ? Et ça ne sent pas bon, la trouille.

Ne pas prendre de risque : c’est donc cela que ces professeurs enseignent à leurs élèves. 100% sans cou… rage. La dhimmitude est en marche — ou la « soumission », comme dirait Houellebecq. Rien d’étonnant à ce que le héros du roman soit un enseignant : de concession en concession, il finira par se faire à l’instauration de la charia. Il y trouvera même son intérêt libidineux.

L’islamisme avance ses pions

Ce qui, il y a cinq ans, pouvait encore passer pour une fiction s’inscrit désormais dans les faits. La moitié des enseignants, selon un sondage récent, avoue avoir renoncé à traiter telle ou telle part du programme. Ils peuvent bien s’abriter derrière le souci de ne pas heurter la sensibilité de tel ou tel segment de la population (et faire des différences entre élèves, c’est au pire du racisme, au mieux l’acceptation du fanatisme). Le fait est que les islamistes avancent tranquillement leurs pions. Ils sont une poignée, mais ils auraient tort de se gêner, en face, personne ne résiste.

Il se trouve que quelques heures à peine après l’attentat, j’avais suggéré à l’une des huiles du ministère de rebaptiser Samuel-Paty le collège du Bois-d’Aulne à Conflans. Ça ne s’est pas fait sous un prétexte ou un autre. Mais après tout, on a appris que là-bas aussi nombre des collègues de l’enseignant assassiné critiquaient le fait même qu’il ait fait cours sur un tel sujet.

A lire aussi: Alain Finkielkraut: Samuel Paty, le dévoilement et le déni

À force d’éliminer les sujets qui fâchent, on devient objet de dérision.

J’ai honte de me dire enseignant. « Ah oui, ceux qui ont aménagé la laïcité, ceux qui pensent, comme le président de la FCPE, qu’une abaya n’a guère plus de sens qu’un tee-shirt aux armes du Che, ceux qui ont intégré l’infériorité des filles — quoi qu’ils disent, et bien que les femmes soient majoritaires parmi eux. Qui estiment que Mila aurait dû la fermer. Qui ont été Charlie mais n’ont pas dénoncé les accrocs aux minutes de silence, les affirmations racistes des uns et des autres, les bouffées de superstition. » Ainsi parle le peuple, désormais.

Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP
Marche blanche en hommage à Samuel Paty, Conflans-Sainte-Honorine, 20 octobre 2020. © Samuel Boivin/ NurPhoto/AFP

Le maire Robert Bénéventi embarrassé

« Je ne suis pas payé pour risquer ma peau… » Ah, ils sont beaux, les hussards noirs de la République ! « C’est la pusillanimité qui règne aujourd’hui. On ne s’en rend pas compte, mais nous sommes en train de laisser filer les valeurs de la République », a rajouté Robert Bénéventi, bien embarrassé à l’idée de devoir expliquer à la famille de Samuel Paty la décision de ses ex-collègues. D’autant que la représentante du SNES en a rajouté une louche : « Nous avons déjà une rue du Colonel-Arnaud-Beltrame pas très loin du collège, cela fait beaucoup d’histoires lourdes de sens pour un établissement qui accueille un jeune public ».

Il aura compris, le jeune public à qui l’attitude de ses professeurs sera expliquée demain par la presse. Il aura compris qu’il peut désormais tout oser : en face, on se couche.

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Le regard libre d’Elisabeth Lévy

À écouter, l’analyse d’Elisabeth Lévy sur ce sujet, ce matin au micro de Sud radio

Biden: le retour de l’ancien monde sera temporaire

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Washington, 26 janvier 2021 © Doug Mills/UPI/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40822094_000018

Le populisme est là pour durer. L’analyse de Jean Messiha.


Le 20 janvier, à l’issue d’un grand show diversitaire qui, reconnaissons-le, correspond à l’ADN américain, Joe Biden a été investi 46ème président d’une nation dont même le plus souverainiste des souverainistes doit bien admettre qu’elle nous concerne et nous influence tous peu ou prou.

On pense ce que l’on veut de ce personnage à l’évidence usé par la vie. Une majorité d’Américains l’a porté au pouvoir malgré des accusations de fraudes « massives » massivement exploitées mais jamais suffisamment étayées pour paraitre crédibles.

Que nous réserve cette « nouvelle ère », pompeusement annoncée par les Démocrates et toute la caste médiacratique qui se réjouit ouvertement de la défaite de Trump ?

Il y a tout d’abord les conséquences politiques de la séquence calamiteuse qui a suivie le 4 novembre, culminant avec l’invasion du Capitole par des extrémistes.  Elle n’a pas constitué un bon point pour le mouvement dit « populiste » incarné par Trump, car ses adversaires ont eu beau jeu de le faire apparaitre comme mauvais joueur, complotiste et même violent.    

Des partisans radicaux de Donald Trump, entrés dans le Capitole, s'adressent aux policiers le 6 janvier 2021 à Washington © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22528058_000027
Des partisans radicaux de Donald Trump, entrés dans le Capitole, s’adressent aux policiers le 6 janvier 2021 à Washington © Manuel Balce Ceneta/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22528058_000027

Donald Trump a réussi à porter au pouvoir ce populisme américain en l’incarnant fortement. Il a tenu nombre de ses promesses. Mais la crise du Covid qui fut mal gérée tant au niveau de Washington que des Etats a laminé son bilan. C’est injuste. Mais la vie politique l’est souvent. Il lui revenait de dire : « on a perdu cette fois-ci mais le combat continue car ce que nous avons créé ne s’arrêtera pas ». Ce faisant, il aurait solidement installé le « populisme de gouvernement » dans la vie politique américaine, fort des 74 millions de citoyens qui ont voté pour lui (soit environ 46% du total). Le couple Ivanka Trump / Jared Kushner aurait été idéalement placé pour reprendre le flambeau. Ombrageux et têtu, Trump a préféré la « terre brûlée ». Funeste décision.

A lire aussi: Les conservateurs du monde entier orphelins

La présidence Biden s’ouvre avec des initiatives importantes sur le plan sociétal, migratoire et économique. 

La question raciale revient en force dans un pays profondément fracturé sur la question identitaire. Une grande partie du peuple blanc, chrétienne et conservatrice, se raidit de plus en plus face à sa lente dilution dans une identité américaine en profonde mutation. Le biais ouvertement pro-minorités (ethniques et sexuelles) ainsi que pro-migrants de la nouvelle administration ne va pas l’apaiser. Biden pouvait-il faire autrement ? Probablement pas, tant minorités et migrants ont pris une place considérable dans base du parti démocrate et dans cet électorat américain qui change avec une immigration importante mais également avec des minorités qui participent de plus en plus activement au vote.

Biden a toutefois un atout dans son jeu pour « rassembler les Américains », au moins sur un point : l’économie.  Le gigantesque plan de soutien de 1.900 milliards de dollars (1.600 milliards d’euros), qu’il va proposer au Congrès et qui a de bonnes chances d’être approuvé au moins en partie, ne va pas profiter qu’aux minorités loin de là. La très majoritairement blanche classe moyenne durement touchée par la crise va en bénéficier également et, de fait, le monde entier car nous savons tous à quel point la consommation des Etats-Unis pèse encore lourd dans l’économie globale.

Sa politique étrangère ne va pas marquer la rupture que beaucoup attendent si ce n’est dans le style. Trump était un boxeur, Biden un papy affable.

Pas de changement de cap vis-à-vis de la Chine qui est devenue le rival global, tant sur le plan économique que géopolitique. 

Plus d’affect avec les alliés européens et en particulier l’UE ouvertement méprisée par Trump mais sans inflexion majeure. L’opinion américaine considère que l’Europe doit davantage contribuer à sa propre défense au lieu de s’abriter à moindre coût sous le parapluie militaire américain. Sur le plan commercial la partie sera serrée. Les sanctions imposées par la précédente administration n’étaient pas purement vexatoires ou nationalistes. Elles correspondaient à de vrais contentieux. Le retour du protectionnisme américain, fortement amplifié et médiatisé par Trump, ne sera nullement démenti par les Démocrates qui comptent aussi sur le vote des « cols bleus » laminés par la désindustrialisation.    

Pas de dégel particulier avec la Russie avec qui Trump n’a pas bâti de relations privilégiées, tant s’en faut. 

A lire ensuite: Le legs de Donald Trump au Moyen-Orient: les accords d’Abraham

Au Moyen-Orient, rien de révolutionnaire à attendre. Israël restera un allié stratégique et bénéficiera d’un soutien inconditionnel, même si la colonisation de la Cisjordanie attirera des critiques plus franches.     

C’est avec l’Iran que des changements sont attendus. Toutefois, sortis de l’accord de Paris après le retrait unilatéral de Trump et n’ayant eu aucun soutien effectif des Européens, les Iraniens ne sont pas disposés à revenir au statu quo ante. Ils ont appris à vivre sous un régime de sanctions terribles et ont gagné en autonomie nucléaire avec une forte croissance de leur activité d’enrichissement à vocation potentiellement militaire. Pas facile de faire rentrer le dentifrice une fois sorti du tube. 

C’est sur la lutte pour le climat que l’on peut objectivement se féliciter du départ de Trump. Son climato-scepticisme était insupportable. La préservation de l’« american way of life » au prix d’émissions de gaz à effets de serre parmi les plus élevés au monde par tête d’habitant (14,5 tonnes par an contre 4,5 en France) constituait un véritable vandalisme écologique. Les Etats-Unis reviennent dans l’accord de Paris et c’est tant mieux pour nous tous.         

En ce qui concerne le camp de la France – que je préfère parfois au terme de camp national – que change au fond le départ de Trump et l’arrivée de Biden ? 

Franchement pas grand-chose.

Plus de pression « progressiste » dans nos médias par décalquage idéologique ? 

Cela fait des années que nous subissons un assaut idéologique qui peut se résumer ainsi : plus de Bruxelles, plus de Maghreb et d’Afrique, plus de métissage, plus d’islam, plus de LGBT, de transgenrisme et d’intersectionnalité. Qu’est-ce que ce pauvre Biden peut ajouter à ce menu déjà bien fourni ?           

La chute d’un « modèle » ? Trump n’en a jamais été un pour nous, ou en tout cas pas complètement, tant nous divergeons sur le rôle de l’Etat dans la société. 

Nous le voulons stratège, aménageur, protecteur, redistributeur et social. Les « Trumpistes » sont dans une tradition ultra-libérale en matière fiscale et sociale.

Nous avons en revanche des points communs importants : la protection des frontières tant sur le plan économique que migratoire, le refus de laisser l’islam progresser dans nos pays ainsi que la défense de notre identité. 

A lire aussi: Cancel cul… quoi?

Sur ce dernier point toutefois, nous devons acter d’une différence fondamentale entre l’Amérique du Nord et l’Europe. La première s’est construite sur une vigoureuse et brutale colonisation de peuplement qui a annihilé les peuples amérindiens « de souche ». Sa composante noire n’est pas majoritairement immigrée mais déportée et, peu le savent, il y avait déjà une population hispanique depuis le 18ème siècle dans les territoires qui devinrent le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie.  

A part les malheureux Indiens, personne ne peut dire « cette terre est à moi depuis toujours ». Il en est bien différemment de l’Europe. Les Européens sont les peuples indigènes du continent du même nom.  A la différence des autochtones de l’autre-coté de l’Atlantique qui n’eurent pas les moyens de s’opposer à une invasion-submersion migratoire qui les balaya, le peuple d’ici a encore la possibilité de se défendre – mais plus pour très longtemps – aux côtés de ceux qui sont « devenus d’ici » par assimilation et patriotisme. 

A Phoenix (Arizona), des militants s'opposent à la venue de Trump le 23 juin 2020 © USA Today Network/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30224690_000014
A Phoenix (Arizona), des militants s’opposent à la venue de Trump le 23 juin 2020 © USA Today Network/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30224690_000014

Notre peuple n’a besoin de personne pour redessiner son avenir si compromis par tous les Quisling qui l’ont dirigé depuis des décennies. C’est en nous-mêmes que nous trouverons les idéaux, les solutions et surtout la force morale pour rebondir.

Trump a perdu la bataille politique de la présidentielle américaine de 2020. Mais ses idées lui survivront car elles correspondent aux aspirations d’un grand nombre d’Américains y compris au sein des minorités. Trump ne s’est pas hissé au niveau de l’opportunité historique que 2016 lui avait apporté.  Mais l’avenir appartient au grand mouvement de reconquête identitaire et économique qui anime les peuples européens ou d’origine européenne qui en ont marre d’être accablés, broyés et stigmatisés par l’idéologie diversitaire et mondialiste.

Régis Debray, le réel et son trouble

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Régis Debray © Photos: Hannah Assouline

Sans nostalgie ni regrets, quoique avec une pointe de mélancolie, Régis Debray pose un regard indulgent sur son passé et le nôtre. L’ancien révolutionnaire qui voulait changer le monde avec des idées sait désormais que les peuples ne vivent pas d’abstractions. Observant la fin de la civilisation de l’écrit, il dissèque avec lucidité et gourmandise cette époque qui n’est pas tout à fait la sienne.


Au risque de fâcher notre philosophe, je me demande si la lecture de l’œuvre de Régis Debray n’est pas l’une des plus exaltantes écoles de conservatisme politique qui soient – pas de retour en arrière, mais de politique soucieuse de préserver ce qui mérite de l’être. Régis Debray parle si bien du monde d’hier, des possibilités humaines qui s’y jouaient, des aspirations fondamentales qui s’y exprimaient et auxquelles, bon an mal, les temps savaient répondre, il éclaire si vivement le monde dans lequel nous vivons et la nouvelle figure d’humanité qui s’y dessine, aplanie sur le présent, rétrécie aux dimensions de son moi, pauvre en imaginaire, que l’on referme tous ses livres avec le désir véhément de sauver ce qui peut encore l’être afin que le monde de demain soit encore un peu le monde d’hier.

Que l’on ne se méprenne pas. Nulle inclination à la désolation ou à l’indignation chez Debray. Non plus à la nostalgie. Pas davantage d’ailleurs, à l’euphorie. Debray se tient à égale distance, pour prendre les deux pointes extrêmes d’un même compas, de Michel Serres et d’Alain Finkielkraut. Du premier, il partage les curiosités et les intérêts, le goût de la technique et des nouvelles technologies ; du second, les fidélités et les tendresses (Israël excepté), l’attachement aux Humanités, à la langue, aux institutions. Il n’a toutefois pas les béatitudes du premier ni les inquiétudes et les colères du second. Enfin, là où l’un voit exclusivement des gains et l’autre d’abord des pertes, Régis Debray, lui, s’efforce de ne pas penser en ces termes, moralement connotés.

DEBRAY-Regis-causeurLe monde de Debray n’est pas pour autant un monde sans perte, sans larmes, sans deuil. Homme venu d’une autre rive temporelle, formé selon les modalités de vie et de pensée du vieux monde qu’il aime, Debray ne connaît pas la hantise du progressiste de paraître en retard sur son temps et singulièrement sur la jeunesse. Il est également épargné par cette autre maladie congénitale de la gauche, diagnostiquée par Jean-Claude Michéa, le complexe d’Orphée : il ne craint pas de regarder en arrière, au contraire, pour lui le flambeau du passé peut encore nous éclairer et nous guider, et il recommande vivement aux jeunes gens qui veulent entrer dans la carrière un détour par Thucydide, le cardinal de Retz ou Rousseau. « Un homme a des vues sur le futur dans la mesure où il en a sur le passé. »

Si Debray a fait vœu de suspension du jugement, ce n’est pas dérobade de sa part, mais conviction qu’il sera plus utile à ses semblables en s’enquérant de la nouveauté du temps présent qu’en soupirant après le monde d’hier ou en célébrant celui qui vient. Un monde se termine ; un autre advient, qu’il nous faut habiter et aménager, aussi mieux vaut apprendre à le connaître dans ses possibilités propres. « Le vent se lève !… il faut tenter de vivre », disait Paul Valéry. Ce vers, qui scandait la belle série estivale que Debray consacra au poète et penseur en 2018, pourrait servir d’épigraphe à l’ensemble de son œuvre.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Longtemps, il l’avoue, il a caressé le rêve de contribuer à « changer le monde » – c’est encore ce qui l’entraîne aux côtés de François Mitterrand en 1981. Mais la vie, ses tribulations en Amérique latine, ses engagements en France, plus encore peut-être sa fréquentation du pouvoir, l’ont instruit. Il a décidé de remiser au placard les atours de l’intellectuel. Vanité de l’homme de lettres, comprend-il, que de prétendre exercer quelque influence sur les esprits et le cours des choses. Non que les idées soient fatalement impuissantes, mais encore leur faut-il rencontrer la courroie de transmission qui les fera descendre dans la caverne des hommes et les rendra agissantes. Or, à chaque époque, son médium. Et c’en est fini de l’écrit, révolu l’âge des Voltaire et des Zola. La graphosphère a fait son temps, voici venu celui de la vidéosphère : seules pourront désormais ambitionner quelque efficacité les idées qui emprunteront le canal de l’image, de l’audiovisuel et à présent des réseaux sociaux. Et c’est là tout l’objet de la médiologie, cette discipline que Debray fonde à la fin des années 1980 et qu’il dote d’un bouillonnant laboratoire d’investigation, Les Cahiers de médiologie, superbe publication réunissant des chercheurs de tous horizons.

Car c’est cela Debray, un esprit toujours inventif, toujours aux aguets. La passion de comprendre chevillée au corps, de harponner le nouveau, l’inédit. Rien n’est plus étranger à notre philosophe, et rien sans doute ne l’ennuierait davantage, que ce défaut, ce vice même du penseur professionnel, que la reconduction de l’inconnu au connu. Une écriture douée d’une énergie époustouflante, servie par un génie des télescopages, des « courts-circuits », des étincelles fulgurantes. Une pensée incarnée, ce qui est l’une de ses grandes saveurs. L’humaine nature ? « Le pot de confiture et le martyr » ; les jeunes filles de Proust défilant sur la digue de Balbec ? À peine les a-t-il aperçues qu’il peut tirer un trait « de la bicyclette au MLF ». Parole de médiologue : pas de libération de la femme sans l’avènement d’un nouvel outillage. Debray est un de nos derniers esprits encyclopédiques. Rien de ce qui est réel ne le laisse indifférent. Sa curiosité ne connaît pas de limite, pas de frontière. Il crochète et furète partout, « le bon médiologue est un chien, se flatte-t-il, il met son orgueil à regarder par terre, à renifler dans les coins ». En tout lieu, il se risque. Jusqu’à Dieu. On se souvient du coup d’éclat que fut en 2001 la publication de Dieu, un itinéraire : un homme de gauche qui prenait au sérieux la religion, qui ne la renvoyait pas dans les ténèbres de l’obscurantisme. Au contraire, il lui rendait sa légitimité en faisant apparaître ses fondements anthropologiques.

Enfin, en bon philosophe, Debray sait l’art d’enrichir le vocabulaire de notre intelligence et de notre perception de catégories nouvelles, d’élaborer des distinctions qui sont autant de navettes pour démêler les fils enchevêtrés de la réalité. Mentionnons la si féconde polarité République/démocratie, où l’altière République vient redresser l’horizontale et égalitaire démocratie ou encore le couple transmettre/communiquer. Profondeur, épaisseur des temps, maturation et continuité des peuples et des civilisations versus surface et superficie du seul présent et du seul moi.

Si Debray n’est pas, ou plus, un penseur engagé, il reste un penseur éminemment embarqué. Ce monde ne le laisse pas en repos. Doublement. Ce qui l’intéresse d’abord, ce sont les tremblements du temps, les transformations, les mutations qui affectent les sociétés et les hommes. D’un siècle l’autre (Gallimard), tel est le titre de l’ouvrage qu’il fait paraître aujourd’hui. Au prisme de sa propre traversée du temps, du xxe au xxie siècle, Debray offre une synthèse de ses expériences et de ses conquêtes. Debray parle en première personne, mais ce livre n’est pas une autobiographie – celle-ci existe déjà, magnifique trilogie composée de Masques, Par amour de l’art et Loués soient nos seigneurs : son objet c’est nous, hommes du xxie siècle, et singulièrement nous, Français. Parlant de moi, je parle de vous, « nul de nous n’a l’honneur d’avoir une vie qui soit à lui […], la destinée est une », dit-il en substance à la suite de Victor Hugo.

Mais si, chez le Janus qu’est le penseur Debray, l’une des faces regarde vers les transformations, l’autre est tournée, l’œil non moins aigu, du côté des retours et des invariants, des constantes de la nature humaine. Retour de la religion, retour de la nation et des frontières, retour du lieu, du terroir, bref de la géographie. Or, et c’est là l’immense apport de Debray à la réflexion contemporaine, il ne se contente pas d’identifier ces revivals, il leur donne leur fondement anthropologique. Là où certains ne perçoivent, dans ces retours, que régression, et au mieux crispation et frilosité, Debray, lui, au contraire, entend résonner comme un rappel des aspirations humaines fondamentales, rappel d’autant plus ardent que les avancées techniques les nient.

DEBRAY-RegisTrois « mystères », ainsi qu’il les appelle, charpentent son ouvrage, aussi solidement qu’ils constituent nos épreuves et nos défis. Mystère du politique : comment faire du commun avec de la diversité. Réponse de Debray : on ne cimente pas un peuple et on ne le mobilise pas avec des abstractions, avec les valeurs de la République ou la laïcité, mais avec des réalités concrètes, charnelles, et Debray rend salutairement toute sa légitimité à la « fonction fabulatrice », aux récits et même, hardiment, aux légendes qui, établit-il, ne sont pas sans vertu politique. « Pour quitter mitaines et charentaises, il faut se raconter des histoires. » Que de temps eussions-nous gagné, il est encore temps, si nos politiques avaient daigné tendre l’oreille à ce qu’il martèle depuis des années ! Mystère des civilisations et de leur continuité. Réponse de Debray : la transmission, fil qui relie les vivants aux morts et à ceux qui naîtront après eux et assure un avenir au passé. Mystère, enfin, de la religion et du besoin fondamental des hommes de prendre part à des réalités plus vastes qu’eux-mêmes. L’homme de Debray est cette créature qui se tient debout précisément parce qu’elle est comme aimantée par quelque chose qui la dépasse : Dieu ou la patrie, jusqu’à présent. La nature remplira-t-elle cet office ? Telle est de nous aujourd’hui la question. Debray se montre fort réservé sur la « puissance de convocation » de la déesse Gaïa.

De ma première rencontre avec Régis Debray, il me reste une image, celle de l’amateur d’art. Il venait d’acquérir une toile du peintre Leonardo Cremonini, et il avait l’enthousiasme de l’admiration. Si j’évoque ce souvenir, c’est que ses écrits sur l’art me semblent la part la plus méconnue de son œuvre. Et pourtant, c’est loin d’être la moins roborative. Il faut lire par exemple sa « Lettre à Claude Simon sur le roman moderne », une réplique parfaite et pour ainsi dire définitive au formalisme littéraire, un hymne à la littérature comme instrument de perception, « viatique et guide pour ne pas se perdre en forêt » ; ses écrits sur la photographie, ce ne sont parfois que quelques lignes, ainsi sur Cartier-Bresson, le texte qu’il consacre au Tintoret, génie de l’image en mouvement, précurseur du cinéma.

« Promis, on fera mieux la prochaine fois », c’est sur ces mots, empreints d’une pudeur mélancolique et qu’on ne lit pas sans un serrement de cœur, que Régis Debray referme D’un siècle l’autre. La barre est placée haut !

Régis Debray, D’un siècle l’autre, Gallimard, 2020.

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Les Petits Meurtres se téléportent dans les 70’s

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© Escazal Films

La saison 3 de la série star de France 2 inspirée d’Agatha Christie démarre ce soir à 21h05 dans une ambiance disco-MLF


Il y a des franchises télé que l’on a plaisir à voir. Des rendez-vous qui soudent les générations et colorent les tristes vendredis soir de couvre-feu. Ce soir, à 21 h 05, pour la seule et unique fois de la semaine, vous ne verrez ni Castex, ni Véran dans le petit écran. Oubliez les recommandations du conseil scientifique et les débats sur la chloroquine, le temps d’un téléfilm familial.

L’adieu aux sixties…

On s’était habitué depuis 27 épisodes à l’élégance sixties du commissaire Laurence (Samuel Labarthe) et de son beau cabriolet Facelia sur les routes du Nord de la France. Sa suffisance narquoise s’accordait si bien à l’impétuosité touchante de la journaliste Alice Avril (Blandine Bellavoir) et au tendre romantisme de sa fidèle secrétaire, la fausse ingénue Marlène (Elodie Frenck). Ces trois-là maîtrisaient l’art du contre-pied et de la comédie policière légère comme un Walther-PPK. Ils avaient succédé à un autre duo composé du commissaire Larosière (Antoine Duléry) et de l’inspecteur Lampion (Marius Colucci), en service régulier sur la chaîne publique, entre 2009 et 2012. Après les années 30 et les années 60, « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie » débarquent dans les 70’s sous la plume de Flore Kosinetz et de Hélène Lombard. Attention aux yeux, comme dirait Marielle, ça mitraille sec!

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Le code couleur a changé! Les lugubres demeures de la saison 1 ou les tenues apprêtées de Miss Marlène en saison 2, c’est du passé. Fini aussi les robes vichy et les coiffures choucroutées, les Lambretta et les yéyés, place aux mini-jupes et aux looks psychédéliques. Un vent de « Peace and Love » va souffler dans les rues de Lille, Tourcoing, Douai et Lens, lieux des tournages. Nous sommes toujours en terre ch’ti mais en 1972.

… et l’arrivée dans les seventies

La recette est toujours la même: le décalage et l’étude des caractères sur fond d’émancipation féminine, avec toujours un soin particulier accordé au décor. Pour que la téléportation fonctionne, chaque détail vestimentaire compte, chaque objet ne doit pas faire toc. Les amateurs de fringues Vintage seront aux anges. Il y a du losange, des chemisiers à imprimé Vasarely, du similicuir, du sabot, de la cuissarde et de la pelle à tarte. Que les accros des bagnoles non-électriques se rassurent, les créateurs de cette troisième saison ont peaufiné leur paysage automobile. De la SM, de la Simca 1000, de la 911 vert pomme et du taxi Pigeot 504 nous ramènent aux Trente Glorieuses sans culpabilité. La fumette et l’autoradio à bloc traduisent l’atmosphère libérée de l’époque.

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« La nuit qui ne finit pas » premier épisode diffusé ce soir et réalisé par Nicolas Picard-Dreyfuss voit l’arrivée de la commissaire Annie Gréco (Émilie Gavois-Kahn), une expérience « sociétale » initiée par le Ministère de l’Intérieur pour favoriser l’égalité homme-femme. Cette intrusion dans un univers 100% masculin est bien évidemment prétexte à la raillerie et aux scènes grotesques. Cette nouvelle saison a vocation à nous amuser des clichés. Elle y réussit parfaitement grâce à un casting sur-mesure qui s’est moulé dans les années 70. Émilie Gavois-Kahn a pris du galon, elle est seulement major dans « Cassandre », une autre série policière qui passe sur France 3. Cette grande professionnelle, à la justesse impeccable, est à l’aise dans tous les registres, elle excelle aussi bien dans l’émotion que dans la farce. Avec son imper croisé et ses bas « nylon », elle est aimable comme une porte de prison. Les cinéphiles apprécieront l’hommage subtil rendu à Annie Girardot, la commissaire Lise Tanquerelle de « Tendre Poulet ».

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Une mention spéciale

Outre une bande de flics, phallocrates hilarants, Annie Gréco fait équipe avec le lieutenant placardisé Max Beretta (Arthur Dupont), Starsky du 59 conduisant une Renault 15 jaune aussi mémorable que la Ford Gran Torino de ses collègues américains.

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Pour compléter cette triplette vraiment très réussie, Rose Bellecour (Chloé Chaudoye), psy à papa, Tara King des maîtres de forges, promène son expertise et ses doutes existentiels avec une force comique qui augure d’une longue carrière. Mention spéciale au commissaire divisionnaire Servan Legoff interprété par Quentin Baillot, il y a du Noël Rocquevert en lui.

Cette semaine, la fièvre du samedi soir a un jour d’avance.

Saison 3 – « Les Petits Meurtres d’Agatha Christie » – France 2 – Vendredi 29 janvier – 21 h 05.

Et si je ne revoyais pas la gauche au pouvoir avant ma mort?

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Anne Hidalgo, janvier 2021 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Travaillée par ses contradictions, on ne voit pas bien comment la gauche pourrait un jour, même lointain, revenir au pouvoir. Reste à savoir si le pouvoir est encore quelque chose qui a une existence quelconque aujourd’hui. L’édito politique de Jérôme Leroy.


Dans un sondage paru dans l’Opinion, il y a quelques jours, sur le premier tour des présidentielles, les résultats étaient sans appel. Marine Le Pen fait la course en tête, Emmanuel Macron la talonne. Ensuite, dix bons points derrière, on trouve d’éventuels candidats de la droite classique comme Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Quant à la gauche, elle arrive derrière avec un Mélenchon qui tutoie les 11%, un éventuel Jadot autour de 7 ou 8% et la gauche social-démocrate qui annonce une Hidalgo entre 6 et 7% et un Montebourg à 5%. 

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C’est mal parti et pour très longtemps

L’électeur de gauche quinquagénaire que je suis voit ainsi se confirmer une certitude un peu mélancolique : je ne reverrai pas la gauche au pouvoir avant ma mort. On m’objectera que ce n’est qu’un sondage à dix-huit mois de la présidentielle, il illustre quand même une tendance lourde. Bien sûr, la gauche aura toujours des mairies, des députés et des départements ou des régions. Mais pour la présidentielle, c’est plus que mal parti, et pour très longtemps.

Il y a à cela une première raison conjoncturelle : la Vème république étant un concours de beauté et la gauche ayant toujours tendance à la scissiparité plutôt qu’à l’unité, il devient impossible d’accéder au second tour. Il y a en une seconde, beaucoup plus grave qui est idéologique. La gauche, dans chacune de ses composantes, est prise en étau entre les partisans de l’intersectionnalité et ceux qui la voient comme un simple aménagement du libéralisme qu’elle teinterait vaguement de quelques mesures sociales. Mais pour l’électeur de gauche old school, comme votre serviteur,  un républicain qui souhaite une rupture avec le système et une redéfinition des périmètres du marché avec l’éducation, les transports, la santé, la recherche, l’énergie, le crédit et la transition écologique qui devraient rester l’affaire de l’État, c’est-à-dire l’affaire de tous, eh bien l’horizon est complètement bouché.

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On me dira Mélenchon ou les écolos ? Mais la France Insoumise est pourtant l’illustration de cette contamination de l’intersectionnalité qui explique d’ailleurs en grande partie pourquoi elle est passée de 19% à la présidentielle de 2017 à 6% aux dernières européennes. Pareil pour les écolos, qui comme le remarquait Hidalgo qui les connaît de près, ont un problème avec l’intangibilité des principes républicains.

Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.
Yannick Jadot à Lille, 23 juin 2020 © Denis ALLARD/Leextra via Leemage.

Le pouvoir, pour quoi faire ?

Il ne faudrait pas pour autant que les droites macronienne, lepéniste ou classique se réjouissent. Marine Le Pen, par exemple, comme son père avant elle, joue le rôle de Goldstein dans 1984, l’ennemie officielle, choisie par Big Brother: elle est là pour faire peur, et au second tour, coaliser contre elle tous les autres. Et puis il n’est pas impossible que ceux qui seront au pouvoir dans  les prochaines années, n’aient plus les moyens de mener la politique qu’ils souhaitent pour une raison bien simple: les catastrophes sanitaires et environnementales ne les laisseront pas appliquer leur programme. 

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À ce titre la crise du Covid-19, qui n’est qu’un hors d’œuvre, en est déjà une preuve éclatante. Le quinquennat de Macron, qui devait nous amener à la victoire d’un néo-thatchérisme repeint à la couleur des start-up, est en train de se résumer à une gestion à vue d’une épidémie. Qui aurait imaginé, il y a un an, notre vie d’aujourd’hui ? Personne et surement pas Macron. Et qu’est-ce que ce sera, si réélu, il doit affronter des épisodes climatiques extrêmes comme une canicule de 2003 à la puissance dix ? 

La Zad ou le monastère

La gauche n’aura plus le pouvoir mais il est bien possible que le pouvoir lui-même ne soit de toute manière qu’une notion très relative puisque il sera surtout occupé à gérer les effondrements successifs et mortifères de notre monde. Alors que faire ? Pour ma part, j’hésite à me réfugier dans une ZAD ou mieux, entrer dans un monastère, dominicain de préférence : je pourrais étudier tranquillement, en attendant la fin, ces beaux textes fondateurs du communisme que sont les Actes des Apôtres ou la Cité de Dieu de saint Augustin. Et à méditer sur ce que nous aurons raté alors que ce monde aurait pu être si beau.

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Guerre d’Algérie: après le rapport Stora, à quelle «initiative mémorielle» doit-on s’attendre?

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Paris, juillet 2019 © Kamil Zihnioglu/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22357522_000001

Nul ne sait encore ce que le président Macron fera du rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie. Mais il est certain que jouer la carte de la repentance ne serait pas sans risques


Le président Macron érigera-t-il une stèle à l’émir Abdelkader qui a combattu les troupes françaises ? Organisera-t-il une journée de repentance pour les « crimes contre l’humanité » commis par la France pendant la colonisation ? Aurons-nous droit à des noms de rues de « résistants » du FLN ?

L’avenir le dira. Une chose parait à peu près sure, une initiative « mémorielle » aura lieu. Emmanuel Macron a indiqué à de multiples reprises qu’il avait l’ambition d’attacher son nom à un évènement historique. Il a esquissé la chose avec Notre Dame (« nous la reconstruirons plus belle ») ; une tentative d’instituer le 14 juillet comme « un grand moment de libération du peuple de France » a aussi été imaginée ; l’idée d’un Mémorial aux victimes du Covid comme il existe un Mémorial de la Shoah par exemple a aussi été étudiée. Mais la piste guerre d’Algérie semble plus assurée. D’autant qu’elle est plus ancienne.

Le lien choquant fait dans l’avion de retour d’Israël

Dès 2017, au cours de sa campagne électorale, Emmanuel Macron a affirmé que la colonisation avait été un « crime contre l’humanité ». En septembre 2018, il a reconnu la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, mort « sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France ». En janvier 2020, dans l’avion qui le ramenait de Jérusalem, Emmanuel Macron a confié à trois journalistes qu’il existait un défi mémoriel entre l’Algérie et la France et qu’il souhaitait prendre une initiative qui ait « à peu près le même statut que la Shoah pour Chirac en 1995 ». Le parallèle Auschwitz-Algérie laisse clairement entendre qu’un peuple (français) a abusé mortellement d’un autre (le peuple algérien).

Benjamin Stora remet son rapport au président Macron, le 20 janvier 2021, Palais de l'Elysée   © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA Numéro de reportage  : 01000815_000010
Benjamin Stora remet son rapport au président Macron, le 20 janvier 2021, Palais de l’Elysée
© STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA Numéro de reportage : 01000815_000010

Cette initiative mémorielle prendra-t-elle la forme d’une loi qui s’inscrira dans la petite liste des évènements mémoriels qui ont déjà fracturé la société française ? Le 13 juillet 1990, la loi Gayssot a fait du négationnisme de la Shoah un délit. Le 29 janvier 2001 une loi a officialisé la reconnaissance du génocide arménien. Le 21 mai 2001 une loi dite Taubira a fait de l’esclavage un crime contre l’humanité. Et enfin, la loi du 23 février 2005 sur la présence française outre-mer a disposé dans son article 4 que « les programmes (scolaires) reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit ».

Pas d’excuses au programme

Officiellement, Emmanuel Macron ne souhaite ni présenter d’excuses qui seront immanquablement jugées insuffisantes par les Algériens, ni se livrer à un exercice de repentance qui ferait bondir à la droite.

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Mais comme chaque fois avec Emmanuel Macron, le « ni-ni » n’empêche pas le « en même temps » qui va brouiller la compréhension. Ainsi, le 25 septembre 2021, une commémoration célèbrera le rôle des Harkis, qui ont combattu pour la France en Algérie, mais cette cérémonie sera suivie moins de quatre semaines plus tard par une autre cérémonie à la mémoire des Algériens qui ont trouvé la mort pour avoir manifesté à l’appel du FLN, à Paris le 17 octobre 1961. À un mois de la présidentielle, le 18 mars 2022, Emmanuel Macron commémorera aussi les soixante ans des accords d’Evian qui marquent la fin de la guerre d’Algérie.

Mais le vrai danger de l’initiative mémorielle promise par le président ne tient pas au risque de mécontenter les Algériens, ou les Pieds Noirs, ou les Harkis, ou les anciens combattants… Le danger est d’officialiser une politique de culpabilité qui sera immanquablement génératrice de violences.

L’analyse que l’auteur américain Shelby Steele, Senior Fellow de la Hoover institution – lui-même issu d’un mariage interracial – fait de la condition noire dans White Guilt, un livre paru en 2006, est entièrement transposable à la France. Pour Shelby Steele, la colère des Noirs qui a surgi dans les années 1960 ne doit pas être interprétée comme la conséquence de la ségrégation raciale. Elle est la colère d’entrepreneurs identitaires noirs qui ont entrepris d’exploiter la culpabilité d’une société blanche qui avait entrepris de démanteler sa politique de ségrégation raciale.

Ne pas se mettre en position de faiblesse

Pour Shelby Steele, la violence a envahi les rues quand les Noirs ont pris conscience que l’oppresseur blanc était soudain en position de faiblesse. En affichant sa culpabilité et son besoin de réparer le mal qu’elle avait causé, la société américaine a prêté le flanc à des demandes incessantes de réparations. Aujourd’hui, des milices comme Black Lives Matter ne prospèrent pas en raison de la violence raciste qui sévit aux États-Unis, mais parce que la culpabilité blanche leur a donné un pouvoir de stigmatisation.

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Que des minorités identitaires inventent le racisme là où il n’est pas, et exploitent la culpabilité des occidentaux n’est pas une spécificité américaine. Les Palestiniens exploitent la culpabilité des anciennes puissances coloniales européennes ; en Europe, les islamistes se posent en victimes de l’islamophobie européenne, et les Algériens libres de toute colonisation depuis soixante ans font porter à l’ancienne métropole les causes de leurs échecs économiques et politiques.

Plus l’occident est tolérant, plus on l’accuse d’être intolérant…

En d’autres termes, c’est au moment où les sociétés occidentales, par leur histoire (les États Unis) ou par choix (la France), tentent de s’assumer comme des sociétés multiculturelles, égalitaires, soucieuses de réparer un passé raciste ou colonialiste qu’elles sont le plus férocement accusées de racisme et de discrimination.

C’est pourquoi il est à craindre qu’un geste de contrition nationale spectaculaire sur la guerre d’Algérie, un geste qui sera répété chaque année, loin de pacifier la situation ne conduise à plus de ressentiment, plus de haine, plus de violence encore. La seule initiative mémorielle qui mériterait d’être tentée serait celle qui dirait aux Algériens et aux franco-algériens, qu’avez-vous fait de la décolonisation ? Qui êtes-vous sans la violence de la colonisation ? Existez-vous en dehors de ce statut de victime dans lequel vous vous complaisez ?

Vivement la prochaine princesse Disney obèse, trans et handicapée!

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Parc Disneyland à Hong-Kpng, septembre 2020 © Kin Cheung/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22496781_000012

On ne plaisante presque pas… Partisane du mouvement body positive, l’Australienne Ashleigh Beevers redessine Blanche-Neige, Ariel, Belle et les autres avec des courbes généreuses. Oubliez les princesses filiformes qui ont bercé votre enfance!


Le procès contre les dessins animés Disney continue. Après avoir ostracisé Les Aristochats, la Belle et le Clochard, Dumbo ou Peter Pan, c’est au tour des personnages féminins de passer sous les fourches caudines de la révolution culturelle du progressisme révisionniste.

En cause, non pas cette fois les stéréotypes racistes – quoi que tout de même, à commencer par son nom, Blanche-Neige a tout pour déplaire à tous les fanatiques de cet antiracisme obnubilé par la race – mais les silhouettes des princesses Disney. Trop belles, elles pourraient être nocives à l’imaginaire des enfants.

Ariel:

Ashleigh Beevers, artiste au service du “body positivism”

Oui, Blanche-Neige et ses copines ont des tailles de guêpe ! Logique, à l’époque où elles ont été créées, c’était plutôt la norme. L’obésité dans les années 40 n’était pas un fléau qui courait les rues. O tempora o mores ! Aujourd’hui, ces héroïnes sont accusées de véhiculer une image du corps féminin trop discriminante. Alors, la sanction tombe. Et celle qui s’en charge c’est Ashleigh Beevers, une dessinatrice australienne qui a mis son art au service de ses convictions idéologiques. Cette dernière fait partie d’un mouvement militant, le « body positivism », courant qui proteste contre les stigmatisations liées aux représentations trop normées des corps féminins éternellement jeunes et minces dans la fiction ou la publicité, et affirme le droit d’être fier d’exhiber une morphologie opposée. L’activiste milite pour une chair tombante, ridée, gonflée de cellulite et fière de ses vergetures. C’est bien connu, ça fait rêver tout le monde !

Blanche-Neige: 

Belle:


Avec un pinceau en guise de bistouri, Ashleigh Beevers épaissit les traits des fées, des princesses ou des sorcières qui peuplent les dessins animés Disney. Il n’y a pas si longtemps, c’est Barbie qui avait subi le même sort, prenant quelques kilos pour ne plus traumatiser les fillettes.

Tout le monde y passe, aussi bien l’innocente Blanche-Neige que la guerrière Mulan, l’intrépide petite sirène Ariel que l’horrible Ursula, les saintes héroïnes comme les ennemies maléfiques. Toutes doivent monter sur l’échafaud du comité de salut anti-discriminant et antisexiste ! Et à défaut de leur couper la tête, on modifie leurs silhouettes trop gracieuses et filiformes, pour les faire rentrer dans les nouveaux canons de beauté imposés par le minoritairement correct et que l’on peut résumer en cette sentence : Sois laide et grosse, on te toléra mieux. 

Un résultat contre-productif

Le « body positivism » a beau prôner la diversité des morphologies, la militante Ashleigh Beevers applique immanquablement le même coup de scalpel grossissant à toutes les héroïnes, sans distinction, les classiques comme les nouvelles venues, les gentilles comme les méchantes, toutes y passent. Pas de chichi. 

Bilan de ce relooking disgracieux : nos héroïnes d’hier prennent quelques kilos, et elles affichent aussi paradoxalement des moues un peu sexy et des corps hypersexualisés à la chair débordante, tatouée et dénudée. Nos princesses se transforment en catins au bois bandant ! Mais n’allez surtout pas y voir de la vulgarité plutôt que de la beauté.

Eric Zemmour: ira, n’ira pas?

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Image : captures d'écrans YouTube

Interrogé sur Paris Première à ce sujet, l’intéressé n’a pas dit non


L’idée lancine et turlupine. Eric Zemmour candidat à la présidentielle. Oui ? Non ? Sur le plateau de Paris Première, l’insubmersible Alain Duhamel, invité du jour, lui pose une fois de plus la question  : « Y’a des gens qui souhaiteraient ça, alors quant à lui, il va peut-être nous dire s’il le souhaite ou pas… » La réponse n’écarte pas la possibilité. Comme un aveu, mais pas tout à fait : « C’est pas ici et aujourd’hui que je vais le dire. » 

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Il déroule son programme chaque jour à la télé

Aucun doute, il y pense. Le matin en se rasant, le midi en comptant les cheveux qui lui restent, le soir dans « Face à l’info » lorsqu’il présente son programme. Que sont des propositions concrètes sur l’immigration, l’Europe, l’emploi, l’Islam, la politique extérieure qu’il énonce chaque jour, sinon un programme ? 

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Stratégie judicieuse dans le cas d’une candidature. En guise de programme-papier, un livre. Disons début 2022. Énorme succès de librairie. Une manière inédite et même révolutionnaire de prétendre à la fonction suprême. Donald Trump avait gagné grâce à Twitter, Zemmour peut l’emporter par le biais du média télé-internet, conjugué à un puissant ouvrage dans lequel il développerait sa vision pour la France. Après le « ni droite ni gauche » de Macron, le hors-sentiers battus, hors-parti, hors-politique politicienne d’un penseur indépendant. Le pied-de-nez monumental à l’ensemble de la classe politique. Un bras d’honneur adressé au jeu des alliances d’arrière-boutique, d’appartenance à tel ou tel clan. Perçu comme neuf par l’électorat. Providentiel. Ni ex-ministre, ni futur calculateur, Zemmour est encore moins issu d’on ne sait quel sérail. Et pour l’estocade finale à ceux qui doutaient encore: Emmanuel Macron pourrait être désintégré lors du débat du deuxième tour [Un article récent de Valeurs actuelles prétend démontrer qu’Eric Zemmour gagne tous ses débats NDLR].

Marine Le Pen en travers de sa route

À ce scénario idyllique s’oppose le nom fatal que tout un chacun a sur le bout de la langue : Marine Le Pen. MLP, trois lettres qui viennent obstruer la route menant vers une possible victoire du héros de « Face à l’info »… Un débat d’entre deux tours face à une chaise vide, la chaise l’emporte. Jolis barreaux, très beau dossier. Alain Duhamel exulte en direct de Conforama. Le meuble nous a sauvé du nazisme. Marine Le Pen, perdante (à coup sûr ?). Peut-être, mais elle est tenace.

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Anaïs Bouton, animatrice de l’émission Zemmour & Naulleau, relance Eric Zemmou sur Paris Première : « Ah vous ne dites pas non alors ? » Non, il ne dira pas non. Oui non plus. Peut-être ne le sait-il pas lui-même. Les Philippot, Onfray, Dupont-Aignan, Ménard, Poisson et consort suivront. Reste le caillou dans la chaussure : le partisan du Rassemblement National partagé entre la chèvre et le chou. Irréductible ou convertible à un autre scénario ? Évaluer cette donnée mystérieuse est la clé de l’énigme. De cette réflexion et ses conclusions pourraient bien dépendre la décision du gaillard.

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