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Royalisme: quand l’échec fait vendre

Dans son essai érudit, Baptiste Roger-Lacan analyse moins le royalisme comme un courant politique que comme un imaginaire, une esthétique, une nostalgie. Et la droite continue de parler son langage : celui de l’orgueil blessé des perdants… 


« On pense à Louis XVI, on est mal à l’aise » chantait déjà Jean Yanne en épilogue sonore de son film Liberté, égalité, Choucroute. « On se dit que c’est des ancêtres à nous qui lui ont coupé le cou… » Les Français célèbrent la Révolution chaque 14-Juillet, mais regrettent que le sang de Louis XVI l’ait entachée. La gêne dont se moque Jean Yanne est tenace, ancienne et bien répandue, à en croire Baptiste Roger-Lacan, normalien, agrégé, docteur en histoire contemporaine, enseignant à Sciences-po, qui signe avec Le Roi : une autre histoire de la droite (collection Passés Composés), une étude du « spleen royaliste » qui hante la droite française depuis la fin du XIXe. 

Grand absent

François Furet avait bien montré que le régicide de 1793 avait certes tué le corps physique du roi mais pas le besoin de paternité politique. À chaque crise politique, la France cherche un homme providentiel pour remplacer le monarque aboli : Napoléon Ier, Napoléon III et bien sûr le Général de Gaulle instituant avec la Ve République un « monarque républicain comme substitut ». Notre République a les allures d’une monarchie sans sacre ni transcendance, sans velours ni faste ni pompe ni couronne et où rôdent comme un spectre les lustres d’une gloire éteinte. N’est-ce pas le ministre de l’Économie Emmanuel Macron qui notait en 2015 dans la revue Le 1 hebdo : « le grand absent en démocrate, c’est la figure du roi » 

Il reste pourtant assez peu de royalistes… Ces derniers, en politique, n’ont jamais fait de merveilles. Emportées par les révolutions de 1830 et 1848, les restaurations ont échoué. Et les monarchistes, même avec un jeu gagnant, se sont toujours couché à la deuxième mise… En 1871, dans la déroute de Sedan, une assemblée royaliste est élue. Or les différentes tendances et prétendants s’engueulent sur des sujets aussi essentiels que… la couleur du drapeau ! Le petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, refuse alors obstinément de troquer « son » drapeau blanc contre le tricolore. C’était la dernière chance de restauration de la monarchie, et la droite n’en fit rien. 

Le roi est mort… vive le royalisme !

L’agonie de la monarchie française fut longue, souvent pathétique mais jamais dénuée de beauté. C’est ce que l’on retient de la lecture de l’ouvrage de Baptiste Roger-Lacan. Il nous promène parmi les abbés, les mémorialistes vendéens et les romanciers historiques qui ont cultivé le souvenir du roi pendant que les royalistes perdaient ou abandonnaient la partie politique. Les bonnes familles catholiques empilent dans leurs bibliothèques les ouvrages larmoyants sur les martyrs de la Terreur.  On découvre avec l’auteur la Marie-Antoinette sensible et larmoyante de Pierre de Nolhac, conservateur à Versailles à la fin du XIXe, qui a fait redécouvrir aux visiteurs du château les écritures et objets personnels de la Reine. Il y a des galeries de portraits de la Terreur (bourreaux et victimes) de G. Lenôtre (nom de plume de Théodore Gosselin) qui écrit les vies minuscules (et raccourcies) des gens de la guillotine. On comprend à la lecture de l’ouvrage que la Contre-Révolution sert moins à ramener le roi que faire pleurer dans les chaumières. Les écoles catholiques et patronages religieux cultivent la martyrologie des carmélites de Compiègne et des héros du bocage vendéen. L’attachement monarchique est moins un choix ou un projet politique qu’une émotion collective nourrie de deuils et de réceptions mondaines. Parfois aussi d’excentricités. Qui se souvient du naundorffisme ? Un royalisme alternatif à la frontière de l’ésotérisme qui imagine que Louis XVII, le petit roi, fils de Louis XVI, n’est pas mort à la prison du Temple en 1795, s’est échappé et a engendré une nouvelle lignée. 

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À défaut de régner, la monarchie française a su se vendre et coller à tous les goûts excentriques, poétiques, littéraires, feuilletonistes, patrimoniaux du XIXe siècle. C’est du moins ce dont l’auteur par ses listes interminables parvient à nous convaincre. 

Quand Proust lisait Maurras… 

Et puis vint Charles Maurras… Lui prit tout cela très au sérieux. Il a fait des théories, des doctrines, il a mis la monarchie en équation. Il ressort les penseurs comme Burke ou Maistre, s’en approprie d’autres tels Auguste Comte, Taine et Fustel de Coulanges. Comme dans L’Education Sentimentale,  il monte un club de l’Intelligence royaliste – quand celui de Flaubert était républicain. Ce sera l’Action Française. Une ligue mais surtout un quotidien très lu et renommé, « une cure d’altitude » disait Marcel Proust frappé par la qualité des articles signés d’esprits souvent agiles ou de polémistes fort en gueule. La plume vedette, Jacques Bainville connait un succès considérable avec son Histoire de France et son Napoléon dont Baptiste Roger-Lacan nous raconte tous des dessous éditoriaux chez Fayard (déjà éditeur de droite…). Baptiste Roger-Lacan insiste : l’académie est alors un pôle réactionnaire.  

Roger-Lacan décrit bien la puissance de cette machine doctrinale qui attire à elle une jeunesse intellectuelle et bourgeoise catholique qui se sent un peu coincée entre une réaction tiède à papa et une Église qui ne répond pas à son désir de radicalité – situation étrangement similaire à celle d’aujourd’hui. Mais si attractif et armé intellectuellement qu’il a pu l’être, ce néoroyalisme n’échappera pas aux compromissions de l’entre-deux guerre. Des rapprochements douteux nourrissent des amitiés particulières avec le fascisme ou des fixettes antisémites… À force de ruminer l’attente d’un roi qui ne vient pas, on finit rattrapé par des vieux démons. Résultat : en 1945, Charles Maurras est condamné à l’indignité nationale, l’Action Française liquidée et l’auteur y voit la dernière mort politique de la monarchie. 

Chouans un jour, chouineurs toujours 

Fin de l’histoire ? Le roi ne reviendra plus. Il ne le peut plus. Chez nous les rois, on les renverse, on les décapite… puis on les encadre. On en fait des timbres, des séries télés, des mugs à la boutique du château de Versailles… L’échec est un capital mémoriel que la droite rentabilise assez bien sur le marché des sensibilités, des mémoires et de la création littéraire. 

C’est sans doute le romancier Jules Barbey d’Aurevilly qui l’a le mieux compris :  la monarchie passe de la ferveur à la fiction. Plutôt que de régner, elle brille encore comme inutilité rayonnante. On ne s’étonnera pas que la République – ou plutôt l’Éducation nationale fasse commenter L’Ensorcelée cette année aux Premières pour le baccalauréat de français. Le royalisme finit encadré, vitrifié et finalement annoté. Si en deux siècles les réacs n’ont jamais su trop quoi faire de leurs rares victoires, ils savent en revanche donner du lustre à leurs défaites. De l’art de perdre avec fanfare, champagne et naphtaline. 

360 pages

Le roi: Une autre histoire de la droite

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L’enchantement du pèlerinage de Chartres

Le pèlerinage de Chartres est la preuve en marche que des Français peuvent traverser Paris respectueusement et sans razzias. Comme les vieux films, ces cathos très « France d’avant » peuvent rendre nostalgique, mais avec modération.


Samedi 7 juin, Paris, 9 h 30. En approchant de la place d’Alésia, j’entends des clameurs. Je m’attends à une de ces manifs traîne-savates qui rassemble des braillards pour la retraite ou la Palestine, une de ces kermesses de gauche où le fonctionnaire défile avec le vandale, un de ces cortèges où on défend des droits au début et où on défonce des vitrines à la fin, une de ces démonstrations de force pour les acquis sociaux et les Nike gratuites.

Des Charlotte d’Ornellas par centaines, des Vianney par milliers…

En fait non, arrivé au feu rouge, je tombe sur une procession. Des scouts, des drapeaux, des croix, des prêtres, des étendards, des vierges et des saints, des chants et des prières, et même, porté par quatre jeunes gaillards, sur une sorte de « brancard » (qu’on me pardonne, je manque de vocabulaire catholique), saint Michel, sa lance à la main et un pied sur le dragon.

Je m’arrête un moment, ravi par la bonne surprise, et puis je vaque à mes occupations – dois-je le préciser ? Peut-on vaquer à autre chose qu’à ses occupations ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais essayé.

Vers 11 heures, je reviens vers la place. Ils sont toujours là qui défilent, à vive allure, des Charlotte d’Ornellas par centaines, des Vianney par milliers, des « Je vous salue Marie » dans les porte-voix. Je comprends alors que c’est le pèlerinage de Chartres en marche pour 80 kilomètres à pied, en passant par la banlieue et ses territoires occupés. Je reste debout à les regarder passer, touché par la ferveur de cette jeunesse alerte et bien coiffée, là où je trouve d’habitude des Africains sur des Vélib’ qui attendent le départ d’une course Uber Eats et des Roms assis par terre qui réclament une pièce pour manger ou pour construire une ville au pays au parrain de leur mafia ; le tiers-monde et la cour des Miracles.

D’abord surpris, au bout de cinq minutes, je suis enchanté, au bout de dix je suis franchement ému, tellement que je sens des larmes qui viennent et que, si je ne me ressaisis pas un peu, je vais me mettre à chialer comme un veau au milieu du carrefour. Les cloches de l’église se mettent à sonner à toute volée et ça ne m’aide pas. Serais-je touché par la grâce ? Encore un peu et je vais me mettre à aimer mon prochain comme moi-même et, si je ne retrouve pas vite mon naturel égoïste et sarcastique, à prendre dans mes bras un de ces joyeux bigots. Je dois dire que je les aime bien ces cathos-là, qui ne prennent pas au pied de la lettre leur pape quand il les invite à accueillir plus de migrants et qui n’oublient pas que si la France est encore un peu chrétienne, c’est un peu grâce à Charles Martel.

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Mais de quoi j’aurais l’air, en pleurs entre les flics qui règlent la circulation des chrétiens et les pompiers qui vendent des billets de tombola ? Pourvu que je ne rencontre pas un ancien compagnon de la Fédération anarchiste, un de ceux avec qui je chantais jadis la chanson du père Duchêne :

« Si tu veux être heureux nom de Dieu

Pends ton propriétaire.

Coupe les curés en deux

Fous les églises par terre.

Et l’bon Dieu dans la merde, nom de Dieu

Et l’bon Dieu dans la merde. »

– Qu’est-ce qui t’arrive mon vieux, tu pleures ? Ça ne va pas ? – Si, si, ça va, c’est juste que ma mère est morte. Et toi ça va ?

Des croyants qui ne font pas semblant

Je cherche un moyen de contenir mon émotion. Un peu comme dans l’étreinte quand je pense très fort à Mathilde Panot pour ne pas jouir trop vite, et, quand je sens que ça ne va pas marcher, à Ersilia Soudais, mais pas trop quand même par crainte de ne pas jouir du tout, je cherche en vitesse un truc pour endiguer mes sanglots et je trouve. Voici que passent des soutanes, les mêmes que celles portées par les évêques qui encadrent Pétain sur les images d’archives. Puis j’aperçois un drapeau palestinien, et me revient le témoignage d’un chrétien de Gaza ou de Cisjordanie, plus indulgent avec les islamistes qu’avec les Israéliens. Sans doute un penchant irrépressible pour les pauvres et les simples d’esprit.

Encore un effort et je dessine les contours d’une France reprise en main par des croyants qui ne font pas semblant. Je m’imagine en grimaçant vivre dans un pays d’où auraient disparu de l’espace public la pornographie, les putes et les pédés, le « chemsex » et les drag-queens, les trans, les boîtes échangistes ou sado-maso, le black metal sataniste et le poppers en vente libre ; et où je ne saurais plus où donner de l’amour à une progéniture nombreuse et rescapée, faute de pilule du lendemain, à qui on expliquerait à l’école que j’ai tué le Christ.

C’est gagné, j’ai séché mes larmes et retrouvé un peu de dignité. Je me demande ce qui m’a pris. La nostalgie sans doute. Au sens strict, le mal du pays. Je suis pourtant au cœur du 14e arrondissement de la capitale. Je n’ai pas quitté la France. C’est elle qui me quitte, qui disparaît doucement, tranquillement remplacée, envahie et tiers-mondisée, en commençant par la tête, comme le poisson pourrit. Alors quand elle resurgit avec ses racines et en costume d’avant, même d’Ancien Régime, forcément, ça m’ébranle. Mais pas trop longtemps. Et c’est tant mieux, parce que sinon ça rend sourd.

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Murcie sans façons

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La petite ville de Torre Pacheco, à côté de Murcie dans le sud de l’Espagne, a été secouée par de violentes manifestations anti-migrants le week-end dernier. À l’origine de ces émeutes, l’agression d’un sexagénaire…


L’agression d’un retraité de 68 ans, habitant Torre Pacheco, a mis le feu aux poudres. Elle a eu lieu mercredi 9 juillet, en pleine rue.

L’homme a été violemment tabassé mais aucun effet personnel ne lui a été volé. Ce n’est pas le caractère gratuit de l’agression qui a suscité une vague de contestation mais l’identité des trois agresseurs : il s’agirait, selon la victime, de Maghrébins.

Torre Pacheco est une petite ville d’à peine 40 000 habitants, et parmi eux 30% à 40% sont issus de l’immigration, principalement en provenance du Maroc.

Nous sommes ici près de Murcie, dans le sud de l’Espagne, une région connue pour son activité agricole intense (on a tous en tête ces serres immenses qui s’étalent à perte de vue où l’on cultive tout au long de l’année des fraises et des tomates), et cette activité nécessite de la main d’œuvre, de préférence bon marché, que l’on trouve en face, de l’autre côté de la Méditerranée : au Maghreb. C’est ainsi que les Espagnols ont en quelque sorte inventé le concept de « saisonnier à l’année ». Chez eux comme chez nous on trouve donc une population immigrée venue faire le « sale boulot » que les locaux ne veulent pas faire.

Le problème : une question de nombre

La majorité de cette population étrangère, parfois présente depuis des décennies, ne pose aucun problème mais ne s’intègre pas. Elle vit recluse sur elle-même, se lève le matin pour aller travailler et une fois la journée finie, se replie dans ses quartiers périphériques où s’est instaurée une loi communautaire – on en sait quelque chose en France.

Mais quand cette population représente près de la moitié de la ville, peut-on encore parler d’une communauté, d’une minorité ? N’est-elle pas alors « légitime » à imposer ses codes et ses règles ? C’est la loi du nombre.

D’autant qu’à cette population s’agrègent depuis des mois des migrants de fraîche date, puisque les archipels des Baléares et des Canaries sont devenus l’une des portes d’entrée de l’Europe pour tous ceux, Maghrébins ou Sub-sahariens, qui quittent les côtes d’Afrique du Nord.

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2024 a été marquée par des vagues d’afflux record, et cela continue cette année ; au mois de janvier, en deux jours seulement, plus de 600 personnes ont débarqué aux Canaries. De quoi saturer sur le champ les structures d’accueil qui n’ont pas eu d’autre choix que de laisser partir ces gens dans la nature.

Et quand on n’a rien, on se débrouille : c’est ainsi que peut se faire un lien entre délinquance et immigration.

Face à cette situation, les habitants réagissent de moins en moins bien. Les tensions sont désormais fréquentes et c’est pourquoi l’agression de ce retraité a mis le feu aux poudres, jusqu’à susciter des scènes d’une rare violence que l’on voit sur nos écrans ces derniers jours.

Une première manifestation a eu lieu vendredi 11 juillet dans les rues de Torre Pacheco. Un rassemblement à l’initiative de la mairie qui se voulait pacifique mais qui a vite dégénéré lorsque des individus ont infiltré le cortège et ont lancé des appels à ce qu’il faut bien nommer une chasse à l’homme. Des appels à traquer les immigrés maghrébins dans la ville, à incendier leurs commerces ont aussi été relayés sur les réseaux sociaux.

La police a dû intervenir pour stopper le mouvement mais au prix de violents affrontements qui ont duré une partie du week-end. Jusqu’à ce que des unités spéciales de la Guardia Civil aient été déployées pour ramener un semblant de calme.

Près de 80 personnes ont été identifiées, la plupart ont des « antécédents pour des faits de violence » et ne résident pas à Torre Pacheco. Moins de dix personnes ont été interpellées : un Marocain et six Espagnols. Ils sont poursuivis pour les chefs de « troubles à l’ordre public », « haine » et « blessures volontaires ».

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D’autres arrestations ont eu lieu dans le cadre de l’enquête sur l’agression : il s’agit de « deux immigrés » dont l’origine n’a pas été précisée. On sait uniquement qu’ils ne résident pas à Torre Pacheco et qu’ils sont soupçonnés d’avoir « collaboré et couvert l’auteur » des coups. Un troisième suspect a été appréhendé au Pays basque alors qu’il cherchait à gagner la France. Il pourrait donc s’agir de l’agresseur principal. Mais, cette annonce n’a pas fait retomber la tension sur place.

Très vite, voire immédiatement, l’affaire a pris un tournant politique. Dès samedi, le parti Vox a organisé un rassemblement dans la ville sous le slogan : « Défends-toi de l’insécurité ». Son président régional a déclaré à cette occasion : « Nous ne voulons pas de gens comme ça dans nos rues ni dans notre pays. Nous allons tous les expulser : il n’en restera pas un. » Ces déclarations ont évidemment déclenché de vives critiques dans les rangs de la gauche. Un porte-parole du parti Podemos a dénoncé « la chasse raciste qui se déroule à Torre-Pacheco », accusant « des groupes néonazis et Vox » d’instrumentaliser l’agression du retraité pour « encourager la violence contre la population étrangère ». Quant à la ministre socialiste de la Jeunesse, elle a dénoncé « l’ultra-droite et la droite [qui] désignent des cibles, et leurs nervis [qui] passent à l’acte ».

Souvenir anglais

Ces manifestations espagnoles ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé l’été dernier en Angleterre. Fin juillet 2024, un homme de 18 ans d’origine rwandaise avait sauvagement poignardé à mort trois fillettes de six ans et blessé huit autres alors qu’elles prenaient leur cours de danse à Southport, dans le nord-ouest du pays. L’abjection de cette attaque avait suscité une vague d’émotion qui s’était rapidement muée en vive contestation de la politique migratoire britannique. Le mouvement avait ensuite pris la forme de manifestations violentes contre les immigrés. Un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile avait notamment été pris pour cible. Les manifs avaient duré plusieurs jours et des dizaines d’hommes avaient été arrêtés manu militari, traduits devant la justice et condamnés à de la prison ferme de façon tout aussi expresse. Le Premier ministre Keir Starmer avait alors promis que « les auteurs de ces violences regretteraient d’avoir participé à ces désordres ». Cette diligence et ce ton martial n’ont jamais été appliqués contre les auteurs des viols collectifs sur mineures (blanches) de Rotherham –1400 victimes. Les membres du réseau pédo-criminel d’origine pakistanaise qui ont sévi des années 1980 à 2010 sont toujours dans la nature quelque part au Royaume-Uni. Si l’on se doit de condamner la violence, toutes les violences, et même s’y opposer avec fermeté, on se doit aussi de s’interroger sur le désœuvrement de ces peuples européens qui appellent à l’aide face à des flux migratoires incontrôlables aux conséquences parfois tragiques, et qui ne sont pas entendus par leurs dirigeants. Que peuvent-ils faire quand la voix des urnes ne suffit plus ? La question reste ouverte.

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Emmanuel Macron: après, ce sera trop tard…

Si la Constitution le lui interdit en 2027, tout devient possible en 2032 ! Le président de la République n’exclurait pas de se représenter devant le suffrage des Français en 2032. Une faute de goût, estime notre chroniqueur.


À peine ai-je eu envie de nous plonger dans un passé lointain pour déplorer cette journée de commémoration en hommage à l’innocent emblématique qu’était le capitaine Dreyfus – comme si l’Histoire ne l’avait pas réhabilité depuis longtemps – que je me suis senti saisi par le présent. Notamment par cette adresse du président de la République, invité surprise pour les dix ans des « Jeunes avec Macron », les assurant « qu’il faudrait compter avec lui dans cinq ans, dans dix ans ».

Indécent

J’avais immédiatement tweeté pour souligner qu’il restait un peu plus de deux ans avant la fin de son second mandat et qu’on attendait seulement de lui qu’il assumât le moins mal possible les tâches de cette période.

https://twitter.com/BilgerPhilippe/status/1943237584043544658

J’ai constaté avec plaisir qu’un ministre issu de sa propre majorité avait jugé cet engagement « indécent » en affirmant « qu’avant de se projeter en 2032, il faudrait peut-être penser à laisser le pays dans un meilleur état que celui dans lequel on l’a trouvé… »

Ce qui ne serait déjà pas admissible de la part de présidents ayant été battus comme Nicolas Sarkozy en 2012, ou n’ayant pas pu, comme François Hollande, se représenter en 2017, le serait encore moins du fait d’Emmanuel Macron qui a eu la bonne fortune de pouvoir bénéficier de deux mandats – et il ira au bout du second – avec toute latitude pour mener à bien ce qu’il avait projeté ; ou ce à quoi il a dû s’adapter en raison de fluctuations dont il a été en grande partie responsable.

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Si je devais faire preuve de compréhension, j’en userais au bénéfice du président socialiste qui tenaillé par la frustration d’avoir sinon un mandat, du moins une candidature « rentrée », n’a de cesse de tenter de persuader la gauche que son retour ne serait pas qu’un bonheur personnel.

Emmanuel Macron, lui, ne peut plaider que ses échecs ne dépendent pas de lui. S’il n’a pas été médiocre en matière de politique étrangère avec l’inconvénient, pour demeurer seul en majesté sur la scène internationale, de s’être privé d’un ministre d’envergure, ses insuffisances sur le plan régalien, malgré ses voltes tardives et à cause de choix ministériels contrastés et aberrants, ne sont imputables qu’à lui seul.

Syndome Charles de Gaulle

Aucune session de rattrapage n’a à être prévue en 2032 et il est de mauvais goût de laisser croire à un désir de lui au-delà du terme normal. Et de faire semblant de penser que l’exercice de son pouvoir, sur dix ans, aura été tellement gratifiant pour nous tous qu’une envie irrépressible de le voir revenir plus tard nous habitera.

Derrière ces péripéties, ces espérances trompeuses, qu’on veut faire passer pour les nôtres, cette volonté de mettre dans nos têtes la plausibilité d’une renaissance, il y a le syndrome de Charles de Gaulle, la mythologie du recours. Pour calquer cet épisode historique unique et exceptionnel, n’importe quel politique d’abord joue à se placer dans le sillage du « plus illustre des Français » puis se pique, sans qu’on l’ait sollicité, de se présenter en instance d’appel, en voie de recours, en seconde ou triple chance.

Mais le citoyen n’est pas dupe. Avant l’heure, c’est trop tôt. Après, c’est trop tard.

83 ans après la rafle du Vel d’Hiv, la question du génocide à Gaza

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En bataillant idéologiquement pour que le terme de « génocide » finisse bien par qualifier la situation actuelle à Gaza, les antisionistes cherchent avant tout à retirer aux Juifs leur privilège victimaire « insupportable » hérité de la Shoah. Grande analyse.


Lorsque l’Afrique du Sud a le 29 décembre 2023 déposé devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) une plainte contre Israël pour génocide, j’ai pensé, comme d’autres, qu’une telle accusation allait s’effondrer sous le poids de son absurdité. Il n’en fut pas ainsi. La CIJ n’a pas statué, elle ne le fera probablement pas avant plusieurs années, et lorsqu’elle le fera, il y a tout lieu de croire, suivant l’expert britannique Philippe Sands, auteur du célèbre «Retour à Lemberg», qu’elle statuera contre la qualification de génocide. Mais il n’importe, les mesures de précaution que la CIJ a demandées à Israël ont été interprétées comme une assignation de culpabilité. Une partie de la presse a préféré simplifier plutôt qu’informer et une partie du public, bien plus large que les antisionistes professionnels, croit aujourd’hui que la culpabilité d’Israël est avérée.

C’est faux. C’est insupportable. C’est prémédité.

Le mot de génocide relève de plusieurs registres, en particulier le registre juridique, le registre historique, le registre émotionnel. 

Sur le plan du droit, il a été inventé en 1943 par un juriste juif polonais réfugié aux Etats-Unis, Raphael Lemkin, dans un livre où il analysait les processus juridiques progressifs qui avaient permis aux Allemands d’anéantir deux millions de Juifs (son évaluation de l’époque), mais aussi des Polonais et des Roms.

La définition juridique du génocide est fixée dans une Convention adoptée le 9 décembre 1948 par l’Assemblée Générale de l’ONU. Un génocide est un acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. On remarquera que les motifs sociaux ou politiques ne sont pas pris en compte et que rétrospectivement le Holodomor, avec ses 4 millions au moins d’Ukrainiens tués par une famine organisée en 1932-33 et les deux millions de Cambodgiens tués par les Khmers rouges sur des bases politiques ou sociales n’entrent pas dans son cadre. 

Génocide et crime contre l’humanité

Lorsque Lemkin était étudiant, Talaat Pasha, l’organisateur des massacres d’Arméniens en Turquie, fut assassiné à Berlin par un jeune Arménien. Le responsable d’un des pires massacres de l’histoire menait une vie tranquille en Allemagne où il s’était réfugié, alors que son meurtrier, lui, devait affronter un procès, où il fut d’ailleurs gracié sous le prétexte d’avoir agi par un coup de folie transitoire. En fait, aucune législation internationale n’empêchait un Etat, fort de sa souveraineté nationale, de massacrer une partie de sa population. Un peu plus tard, Lemkin identifia dans Mein Kempf un programme de destruction massive de population. 

Ayant pu se réfugier aux Etats Unis, il a cherché une formule juridique mettant en exergue ce crime d’éradication d’un groupe humain. A la même époque un autre juriste juif, Hersch Lauterpacht, réfugié en Grande Bretagne, avait développé la notion de crime contre l’humanité, qui ne mettait pas en avant une identité de groupe. Elle fut utilisée en 1946 au procès de Nuremberg. Deux ans plus tard, c’est le concept juridique de génocide qui recevait sa définition officielle et c’est le seul dont traite la CIJ.

Génocide implique tentative de destruction partielle ou totale d’un groupe.  Mais qu’est-ce que la destruction s’il ne s’agit pas de l’anéantissement physique ? Certains parlent parfois de génocide culturel, destruction d’une langue, d’un mode de vie, voire d’un cadre géographique. Le processus de génocide culturel n’a pas été retenu par la Convention sur le génocide, apparemment contre les souhaits de Lemkin. 

Et qu’est-ce qu’une destruction partielle ? Le génocide n’était pas pour Lemkin une question de nombre. Cependant la CIJ a accepté comme un fait de génocide les 8000 Bosniaques assassinés par les Serbes à Srebrenica mais pas les 250 Croates assassinés, également par les Serbes …à Vukovar.

Enfin que signifie un génocide quand deux armées sont en guerre ? En zone de combats des destructions massives ne signifient pas volonté génocidaire. Les spécialistes disent que en combat urbain le pourcentage de morts civiles par rapport aux morts de soldats est toujours très élevé et que à Gaza il parait plutôt relativement bas. De plus, on ne dispose que des chiffres d’un Ministère de la Santé dont chacun sait qu’il n’est qu’un faux nez du Hamas, et ces chiffres mélangent enfants et adultes, civils et combattants, morts naturelles et morts de guerre. Cela étant dit, beaucoup d’experts pensent que les chiffres annoncés de morts représentent une réalité : c’est la réalité d’une guerre particulièrement difficile. Ce n’est pas celle d’un génocide.

Le niveau de destruction des bâtiments sur certaines zones de Gaza donne une impression de vie disparue et on comprend l’impression de certains spectateurs que «tout a été détruit». Mais il reste à côté, non visibles sur les photos, des populations civiles qui vivent dans des conditions très difficiles à coup sûr, mais qui ne sont pas en voie d’extermination.

Israël mène une guerre. Cette guerre lui a été imposée à la suite d’une action effectivement génocidaire, les massacres du 7 octobre 2023 et d’une autre action que certains ont qualifiée de génocidaire, celle de la prise d’otages, dans la mesure où elle visait à soumettre ce groupe à des conditions de vie menant à sa destruction.

Pour qu’il y ait génocide, on le sait, il faut qu’il y ait intention génocidaire. Philippe Sands a signalé que la jurisprudence de la CIJ était devenue de plus en plus stricte là-dessus. Il ne s’agit pas de relever les paroles de tel ou tel politicien en délire ou en colère, il s’agit de montrer que les actions effectuées ne peuvent pas s’expliquer autrement que par la volonté de faire disparaître une population entière. De ce point de vue, la pêche aux intentions génocidaires d’Israël est très peu productive. Les trois ou quatre fragments divulgués, qu’ils proviennent de Isaac Hertzog, président de la République, Yoav Gallant ministre de la Défense, de Benjamin Netanyahu ou d’autres membres du Cabinet sont particulièrement pauvres surtout si on les met en relation avec la sidération devant les horreurs du 7-Octobre. C’est même pour cette raison que certains spécialistes pas particulièrement favorables à Israël, regrettent que l’on ait suivi la voie du génocide, juridiquement destinée à être un échec plutôt que celle du crime contre l’humanité.

Famine iminente

Reste un dernier thème, très largement utilisé aujourd’hui celui de l’affamement volontaire de la population, motif bien défini de génocide. Il y a dix-huit mois que l’ONU et la plupart des ONG alertent sur l’épouvantable et imminente catastrophique famine qui va avoir lieu à Gaza. Or, d’une part les images de la population gazaouie ne ressemblent toujours pas à celles des survivants des camps de concentration, d’autre part les calculs que l’on peut faire sur les apports d’aliments dans les camions montrent qu’il y a globalement eu livraison de quantités de calories suffisantes pour éviter une famine généralisée. Reste le problème de la distribution et tout indique que sous le regard complaisant des ONG responsables de celle-ci, le Hamas s’est servi pour faire de la distribution alimentaire une source d’enrichissement et de pouvoir. Ce qui explique la virulence extraordinaire des réactions maintenant que le système a été modifié et que les organisations de l’ONU n’en sont plus les maitres d’œuvre.

Ce sera aux historiens d’analyser la complexité des situations alimentaires à Gaza et de les comparer à celles d’autres pays où la famine rôde et tue. Suivant la FAO et le programme alimentaire mondial, il y avait en 2024 300 millions de personnes dans 53 pays confrontées à une situation de crise alimentaire, les situations les plus graves se trouvant en Ethiopie, au Nigeria, au Soudan du Sud et au Yémen. Dans aucun de ces pays, le mot de génocide n’a été prononcé, bien que des conditions de combat réduisent les livraisons alimentaires et que ces réductions soient souvent délibérées. Envers aucun de ces pays on n’a vu de véritable émotion collective.

Il est vrai que certains historiens considèrent que le terme de génocide est justifié. Le plus réputé d’entre eux est l’Israélo-américain Omer Bartov, ancien officier de Tzahal, spécialiste de l’armée allemande et auteur d’une monographie célèbre sur l’anéantissement des Juifs dans la petite ville ukrainienne de Buczacz. A Gaza, il parle des infrastructures détruites, des pénuries alimentaires, des déplacements forcés et des discours de certains dirigeants israéliens assimilant la population tout entière à des ennemis absolus et il conclut que les critères juridiques de génocide sont présents et qu’il faut tirer la sonnette d’alarme. Autrement dit, il alerte sur Gaza pour éviter Buczacz, alors que les ennemis d’Israël font croire en s’appuyant sur ce qu’il écrit que Gaza, c’est Buczacz. Pour mémoire, il y avait à Buczacz 10 000 juifs dans le ghetto et il y a eu quelques dizaines de survivants. 98% des Juifs ont été exterminés.

On en arrive ainsi au troisième registre du mot génocide, le registre émotionnel, qui repose sur une assimilation de Gaza à Buczacz, autrement dit des événements de Gaza avec une anéantissement et de la récupération politique d’une pareille assimilation dans les réseaux sociaux.  Simone Veil, en voyage à Sarajevo, avait dit, excédée par l’usage permanent du terme génocide, « parler de génocide à tout bout de champ a une fonction, qui est d’éviter de se parler, car on ne parle pas à quelqu’un qui commet un génocide, on le combat ».

Mahmoud Abbas, qui se prétend historien depuis sa thèse négationniste concoctée avec le KGB il y a quarante ans, répète, comme à la tribune de l’ONU en 2014, que ce qui se passe dans les territoires palestiniens est un génocide « d’une ampleur sans précédent ». 

Pas d’amalgame

C’est pourquoi, l’utilisation du terme de génocide pour ce que font les Israéliens à Gaza m’est insupportable. Il y a probablement eu dans cette guerre des exactions et peut-être des crimes de la part de certains Israéliens. Il y en a malheureusement dans toutes les guerres. Mais ce que les ennemis d’Israël veulent insinuer subrepticement, c’est que « Gaza, c’est comme Auschwitz ». De ce point de vue ceux qui restent dans le flou, ou les représentants ou organisations de l’ONU qui distribuent le mot génocide sans filtre ont une lourde responsabilité.

Claude Lanzmann voulait laisser à l’extermination des Juifs l’appellation singulière de Shoah pour éviter les amalgames. Les amalgames sont là. La Shoah s’analyse sous l’angle de génocide et ce terme a acquis une puissance croissante dans la psyché occidentale, alors que se déroulait sous nos yeux un véritable génocide, celui du Rwanda et que l’extermination des Juifs était mieux reconnue. C’est cet insupportable privilège victimaire que les antisionistes cherchent à retirer aux Juifs.

A ce jour la CIJ n’accable aucun Etat en tant que tel de ce stigmate. La Turquie, c’était du passé, l’Allemagne étant devenue une démocratie, il valait mieux reporter la responsabilité sur les nazis, le Rwanda c’était le FPR qui ne voulait pas faire peser l’accusation sur le pays dont il venait de vaincre les hutus génocidaires, la Serbie n’a été condamnée que de n’avoir pas pu empêcher un génocide à Srebrenica, la Chine pour les Ouïghours, on n’en parle pas, aucun pays n’a osé déposer plainte.

L’Allemagne vient d’admettre dans un accord avec la Namibie que son comportement envers les Herreros au début du XXe siècle relevait du génocide et il est possible que à la suite de plaintes d’autres condamnations surviennent désormais incriminant le colonialisme et l’esclavage. Elles seront a posteriori, mais alimenteront la culpabilisation de l’Occident.

Pour le présent, il y a bien une incrimination à la CIJ contre le Myanmar à propos des Rohingyas, mais le rêve de ses nombreux ennemis (14 d’entre eux soutiennent aujourd’hui la démarche de l’Afrique du Sud) serait que Israël soit le premier Etat dans le monde officiellement condamné pour génocide. Il y aurait là un retour du refoulé et une reprise moderne du déicide, le crime des crimes. Les accusations de génocide portées envers Israël donnent souvent envie de ne pas répondre tant elles suintent d’une haine anti-israélienne irrépressible. Mais, malgré nos réticences, nous devons expliquer les manipulations mémorielles en jeu à ceux qui accusent Israël de génocide à Gaza et s’expriment de bonne foi, mais souvent avec crédulité et ignorance…

La polygamie en voie de légalisation au Canada?

Dans un jugement récent, V.M. c. Directeur de l’Etat civil, 2025 CCS 1304, la Cour supérieure du Québec conclut qu’est contraire à la (trudeauesque) Charte des droits et libertés canadienne le régime québécois qui limite les droits parentaux à deux adultes.


Familles, je vous hais ! 
André Gide.

Oh, quelle vie d’orgie,
quel monde de sexe,
y’a plus rien a l’index
Les hommes aux hommes,
les femmes aux femmes.
Les hommes aux deux,
les femmes aux trois.
Quand j’dirai go,
mélangez-vous et puis
swingnez votre compagnie.
Jean-Pierre Ferland.


Les ménages à trois (et plus) ont désormais droit de cité au Québec au nom du droit à l’égalité de tous les enfants; l’honorable juge (tel est son titre au Canada) Andres Garcin, tel un prestidigitateur qui sort un lapin d’un chapeau, le puise audacieusement dans l’esprit du paragraphe 15(1) et il s’inspire ouvertement du « modèle » (si l’on peut dire) de pluriparentalité en vigueur dans d’autres provinces canadiennes.

Pavé dans la mare

D’aucuns se sont émus, y voyant une avancée vers la reconnaissance de la polygamie, ce que nie le juge, appuyé dans une tribune par le juge à la retraite Daniel W. Payette (esprit de corps oblige), qui affirme que ce jugement ne « pave » (sic) pas la voie vers la polygamie. Ces deux oracles de la loi dénoncent insidieusement une crise d’hystérie islamophobe typiquement québécoise et lancent un appel au calme puisque que ce jugement ne concerne que l’intérêt de l’enfant et donc son droit à de multiples parents. Ni plus ni moins.

A ce stade, la messe n’est pas encore dite. Le gouvernement québécois portera en appel cette décision de première instance et l’on peut tenir pour acquis que, tôt ou tard, elle sera déférée à la Cour suprême du Canada. Mais les pluriparents peuvent sans doute compter sur la confirmation du premier juge par celle-ci, qui n’en serait pas à sa première décision politique.

La question est donc posée : cette doctrine de la pluriparentalité peut-elle constituer un précédent favorable à la reconnaissance de la polygamie en droit canadien et québécois (pénal et civil)?

Ce n’est pas inévitable, mais un jalon important a d’ores et déjà été posé. Au moins un pavé dans la mare. Mais revenons en arrière.

Peines non dissuasives

Le climat social canadien hors-Québec était déjà apparemment plutôt favorable à la reconnaissance de la polygamie. Pendant plusieurs décennies, les procureurs se sont abstenus d’engager des poursuites à ce titre de crainte de donner lieu à une jurisprudence favorable aux accusés polygames, au nom de la liberté de religion. Cette crainte semble avoir été écartée par un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui consacrait la constitutionnalité de l’interdiction de la polygamie en droit pénal, ce qui a permis la condamnation en 2017 de deux mormons fondamentalistes anglo-saxons disposant respectivement de 25 et de 5 épouses pour un total d’environ 150 enfants. Ils ont écopé de… 6 mois et 3 mois de détention à domicile. Peine exemplaire, très dissuasive.

Nouvelle rassurante? Voire…

Et pourtant… Les polygames musulmans, eux, vivent en toute impunité au Canada, multiculturalisme du parti libéral du Canada oblige : les imams qui célèbrent ces unions ne les déclarent tout simplement pas à l’état civil. La solution était simple, mais il fallait y penser!

[Note de droit comparé pour les lecteurs français : en France, est pénalement sanctionnée la célébration d’un mariage religieux sans cérémonie civile préalable; en Amérique du nord, les ministres du culte peuvent célébrer des mariages qui sont reconnus par l’état civil, mais ils doivent être déclarés].

En 2019, un de ces imams canadiens, Aly Hindy du Centre islamique Salaheddin de Toronto, mettait même publiquement les autorités au défi de le poursuivre, ayant pleine confiance de triompher devant la Cour suprême du Canada. Et de nombreux spécialistes partagent, en effet, son optimisme : la haute juridiction pourrait tout simplement accorder sa bénédiction à une nouvelle, mais simple, redéfinition du mariage.

A lire aussi, Jérôme Blanchet-Gravel: Canada: la chute hors de l’histoire d’un pays en pyjama

[Note de droit comparé pour les lecteurs européens : la Cour « suprême » de Colombie-Britannique est un faux ami, car c’est une juridiction de première instance et la Cour suprême du Canada aurait toute latitude pour répudier – c’est le mot exact dans ce contexte – cette censure de la polygamie].

Même en faisant abstraction de la doctrine de pluriparentalité, le climat semble donc propice aux polygames qui pourraient utilement invoquer l’esprit du paragraphe 15(1), à l’instar du juge Garcin. A fortiori, cette jurisprudence constitue un point d’appui supplémentaire.

En effet, il faut rappeler à ces deux éminents juristes un principe élémentaire en matière de raisonnement judiciaire : la portée de telle ou telle jurisprudence échappe toujours au magistrat qui en est l’auteur; il revient au juge ultérieur de l’interpréter, que ce soit de manière élargie ou restrictive. Leurs onctueuses assurances quant à l’exclusion de la polygamie n’engagent donc qu’eux seuls; pourtant, mieux que personne, ils devraient savoir que les juristes savent faire feu de tout bois et que le droit évolue souvent par sédimentation, parfois par tsunami. En l’occurrence, dans un avenir peut-être pas si lointain, il sera loisible à des plaideurs polygames d’inviter le juge à aller plus loin et à raisonner par analogie : si un enfant peut avoir plus de deux parents, on voit mal pourquoi une personne ne pourrait gratifier plus d’un époux de son inépuisable affection (de manière équitable, bien entendu, comme pour les enfants, selon une planification équilibrée du calendrier).

(Précision importante, égalité des sexes oblige : le concept de « polygamie » se subdivise en « polygynie » et en « polyandrie »).

On nous dit que la jurisprudence V.M., quant à la filiation à deux personnes, « il ne s’agit plus du seul modèle de parentalité »; de même, l’on peut aussi soutenir que la monogamie a fait son temps en matière matrimoniale. On n’arrête pas le progrès.

Une nation toujours à la pointe du progressisme

Signalons incidemment que, avant de quitter le pouvoir, le pluriculturaliste d’esprit Justin Trudeau, qui est bien le fils de son père, a fait de nombreuses nominations de dernière minute que l’on pourrait charitablement qualifier de clientélistes, et a notamment infiltré au sein de la même Cour supérieure du Québec un « honorable » correspondant, Robert Leckey, à la langue française rugueuse, dont le titre de gloire est d’avoir été doyen de la faculté de droit de l’Institution royale pour la promotion du savoir de Montréal (université McGill pour faire simple), tribune décomplexée du lobby religieux. Nul doute qu’y a vu un signe dans le ciel Amira Elghawaby, groupie de Justin devenue « représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie », qui a juré (sur le Kamasoutra et sur le recueil des Mille et une nuits) de mener une guerre d’enfer contre la laïcité rationaliste québécoise honnie.

Le Canada éblouit déjà par sa lumière les nations. Il semble en bonne (ou mauvaise) voie, à terme, de décrocher le titre prestigieux de premier État occidental à reconnaître la légalité du mariage polygame.

Et l’enfer, lui, est toujours « pavé » de bonnes intentions.

Esprit, es-tu là?

La solitude du ring

Partenaire particulier…


Est-ce qu’en boxe féminine l’Algérienne Imane Khelif aurait caché ses bijoux de famille pour obtenir une médaille d’or aux JO de Paris ? Pour couper court, et éviter à l’avenir toute suspicion, la fédération World Boxing (partenaire du CIO) a édicté de nouvelles règles : désormais pour monter sur le ring, il faudra se soumettre à une analyse ADN, déterminant le sexe à la naissance, avant d’éventuelles modifications hormonales ou coups de bistouri.

Ce nouveau point pourrait indisposer la FFB (fédération française) qui a accordé en avril 2024 à Maho Bah-Villemagne, né femme, mais ayant obtenu administrativement la qualité masculine, une licence homme…

Ex-femme et boxeuse (vice-championne de France en 2022), on ne peut le suspecter de vouloir tricher car la transition est risquée…

Mais Maho, 30 ans, 50 kilos sur la balance, peine à trouver des adversaires. Dans cette catégorie, il y a peu de boxeurs sinon à sa taille du moins à son poids, et encore moins qui veulent prendre le risque de croiser les gants avec une ex-femme… Verdict depuis l’obtention de sa licence homme, Maho n’a combattu que deux fois, toujours contre le même adversaire (pour un nul et une défaite), ce qui devient rengaine. Remarquez, entre les cordes, ça pourrait créer des liens : « Il m’a mis une droite, je lui ai mis une gauche, on a tout de suite compris qu’on était faits l’un pour l’autre. »

Naguère on disait d’une personne qu’elle avait mauvais genre quand elle avait de drôles de mœurs. Aujourd’hui on parle de personnes qui ont le cul entre deux chaises. Un casse-tête dont Maho a accepté de nous causer : « Quand je boxais chez les femmes, on me soupçonnait d’être un homme et un tricheur. Maintenant que j’ai une licence homme, mes adversaires hésitent, et je les comprends, car c’est pas évident de boxer un trans. » Actuellement blessé, Maho espère remonter sur les rings à la rentrée. Trois adversaires auraient donné leur accord. La preuve que chez les coqs (catégorie de 51 à 53 kilos), il n’y a pas que des poules mouillées.

Bayrou: les politiques désespérées sont-elles les plus belles?

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Nous sommes dans une démocratie qui ne sait plus ce que sont l’écoute, la bonne foi, le dialogue, la présomption d’honnêteté et la volonté de laisser les intérêts partisans derrière le destin du pays, se désole notre chroniqueur.


Ce titre – on me le pardonnera – fait référence au Premier ministre François Bayrou. À la suite de sa longue intervention du 15 juillet, je l’estime encore davantage qu’auparavant. Et j’éprouve d’autant plus l’envie de le faire savoir, même avec une influence modeste, que la plupart des réactions, pour ne pas dire toutes, ont été négatives et parfois avec une tonalité continuant à être condescendante, comme si on avait affaire avec lui au « Petit Chose ». Par exemple le 16 juillet, à la matinale de Sud Radio où, questionné par Benjamin Glaise, Julien Odoul a fait preuve à l’encontre de François Bayrou d’une dérision choquante. Dans le climat politique d’aujourd’hui, je ne suis pas surpris qu’il n’y ait même pas eu ce minimum d’équité et de bonne foi concédant que, fond et forme, l’exercice auquel s’était livré François Bayrou avait été globalement réussi.

L’heure de vérité

Au contraire, plutôt que d’appréhender la difficulté de la tâche, l’évidence du constat, la sincérité du propos et la pertinence même relative des solutions pour diminuer la dette et favoriser la production, on a dégradé les motivations du Premier ministre : il cherchait à se préparer une sortie héroïque ou était tout simplement voué à jouer « petit bras » pour espérer durer tant bien que mal… À aucun moment on ne l’a crédité d’une lucidité et d’un effort qui auraient mérité au moins d’être salués.

Je pourrais, sur un mode un peu facile, relever la scandaleuse prévisibilité des oppositions et le soutien sans enthousiasme de son camp. Nous sommes dans une démocratie qui ne sait plus ce que sont l’écoute, la bonne foi, le dialogue, la présomption d’honnêteté et la volonté de laisser les intérêts partisans derrière le destin du pays. Il devrait pourtant imposer un consensus, pour sa sauvegarde, sur l’obligation d’une civilité parlementaire. On en est loin. Continuant sur ce registre, si l’ironie était de mise, le fait que pour les uns les propositions de François Bayrou manqueraient de radicalité et pour les autres qu’elles seraient indignes parce qu’antisociales et génératrices d’une plus grande difficulté de vivre, pourrait apparaître comme le signe de leur équilibre et de leur intelligente modération. De même que leur souci de ne laisser personne en dehors de ce devoir citoyen de payer son écot.

Sous tutelle du FMI, vite !!

Le paradoxe est que sur ce constat dramatique – la dette augmente à chaque seconde de 5000 euros ! -, l’urgence de la situation de notre pays avec le risque, si on n’y prend garde, d’une immixtion du FMI, tout le monde s’accorde, quelle que soit sa position politique. Mais on refuse d’accorder le moindre crédit à la tentative honorable, techniquement négociable (Bayrou l’a assuré), intellectuellement et socialement maîtrisée, ni maximaliste ni insignifiante, engagée par le Premier ministre pour relever à sa manière le défi des prochaines années.

A lire aussi: Bayrou en père la rigueur

Reprocher à l’ensemble de ces mesures leur caractère superficiel n’est pas pertinent si on considère que c’est précisément ce refus de l’extrême qui constitue la force de ce projet. La nature équilibrée de ce dernier – rien de trop sur aucun plan ! – est son atout principal. J’entends bien que l’invitation de François Bayrou sera suivie à la lettre : tout sera trituré à l’Assemblée nationale au point d’être détricoté et sans doute éloigné de l’esprit originel. Mais ce sont les risques de la démocratie et leur menace n’enlève rien à la portée infiniment estimable – formidable base de travail – pour combler le passif et amplifier l’actif, de la politique envisagée par le Premier ministre.

Ce n’est pas à dire qu’on ne regrette pas l’absence de prise en compte de l’immigration, de son gouffre, et de la gabegie de l’audiovisuel public. J’aurais scrupule à insister sur ces carences, tant l’essentiel, maintenant, me semble, plutôt que d’enfoncer le fer dans la plaie, de permettre une réponse négative à mon titre. Parce qu’avant le désespoir, il y a la possible concorde et l’action nécessaire.

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Une triste nouvelle

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Notre chroniqueuse salue un héraut des temps modernes…


M. Le Floch-Prigent avait régulièrement abordé les problématiques liées à l’industrie dans les colonnes de Causeur. On peut retrouver ses textes et interventions ici • NDLR

Loïk Le Floch-Prigent nous a quittés. C’était un très grand chef d’entreprise, un passionné d’industrie, un personnage. Il a tout risqué et il a payé. Son courage, jusqu’à son dernier souffle, est exemplaire : « Ce sont les derniers instants d’une vie qui scellent un destin. » (Chateaubriand). Son intelligence et son jugement transcendaient les partis politiques. Il a conseillé aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac, et son pouvoir de conviction, y compris avec les salariés et les syndicats, n’avait pas de limites.

Né à Brest le 21 septembre 1943, Loïk Le Floch-Prigent était ingénieur diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Passionné par l’industrie, il s’illustre d’abord dans le service public avant de diriger plusieurs grands groupes français.

Il a été président de Rhône-Poulenc, PDG d’Elf Aquitaine, puis président de Gaz de France et de la SNCF, où il a défendu avec force la modernisation industrielle et énergétique du pays.

Homme de caractère, il affronte avec dignité les épreuves judiciaires liées à l’affaire Elf, assumant seul ses responsabilités.

Devenu ensuite consultant international, notamment en Afrique, il n’a jamais cessé de défendre la place de l’industrie dans l’économie française. Auteur engagé, conférencier respecté, vice-président d’ETHIC, il laisse l’image d’un homme brillant, fidèle à ses convictions, passionné et visionnaire.

Avant qu’il rejoigne le Mouvement ETHIC, je lui avais demandé : « Mais pourquoi avez-vous fait de la prison ? » Il m’a répondu : « Parce que j’ai donné de l’argent partout et à tout le monde. » Ce que j’ai appris ensuite, c’est que, contrairement aux patrons qui laissent punir les intermédiaires à leurs ordres, Loïk Le Floch-Prigent a fait de la prison parce qu’il a toujours refusé de donner un seul nom, dans quelque pays que ce soit. Il a ajouté : « Je suis le chef, c’est moi qui suis responsable et qui dois payer. » Être éthique, c’est ça. L’éthique est dans le juste comportement d’un homme face à sa conscience, quelles que soient les circonstances. Ce fut le cas. Le Conseil d’administration d’ETHIC l’avait accepté en son sein justement pour ses qualités morales. C’est de tempéraments comme cela dont nous avons besoin, dans le monde de l’entreprise et dans le monde politique.

Certaines de ses décisions ont été contestables : il en a assumé très largement les conséquences. Il a tout rattrapé par son dévouement au développement économique du pays. Nous sommes fiers qu’il se soit impliqué, y compris en tant que président de la branche industrie à ETHIC avec l’engagement et la sagesse de ses conseils. Revenir sur son parcours professionnel brillant n’est pas nécessaire face à la qualité de l’homme, qui dépassait tout. Jusqu’au bout, il nous a fait honneur. Je dirais comme Aragon : «Que, malgré tout, cette vie fut belle.»

Ardisson, ce fils de pub

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Le publicitaire Pierre Berville a fait ses premières armes avec Thierry Ardisson dans la même agence il y a cinquante ans. Il salue la mémoire d’un ami fidèle, bourré de talent et de paradoxes.


Depuis que je le connais, Thierry Ardisson a toujours illustré un réjouissant mélange de travail, de culot et d’une certaine inconscience. Quand nous avions vingt ans, il y a un demi-siècle, nous débutions ensemble dans la même agence de publicité. Dans J’enlève le haut, mon livre de souvenirs de ces années, j’écrivais : « Il balade déjà son sourire éclatant et son bagout dans tous les couloirs. Sa famille est des Alpes-Maritimes et il a le verbe sonore. Étymologiquement, c’est d’ailleurs le sens de son patronyme. Déjà totalement accaparé par l’ambition, mais avec une sorte de naïveté attachante, c’est un personnage. Comme beaucoup de provinciaux, Thierry ne veut rien rater de la vie parisienne. Il est de toutes les tendances, de tous les événements. On sent qu’il n’est pas monté à la capitale pour rien. Il lui faut des choses à raconter quand il retourne à la maison. Qu’est-ce qu’ils vont être épatés dans son pays niçois ! Il en veut. Il passe ses nuits dans les boîtes où il faut être et ses journées à l’agence. Il est toujours entre deux rendez-vous. Un jeune homme bourré d’énergie, entre autres… »

Par la suite, poussé par ce besoin de reconnaissance, Thierry osera tout. La réclame, la création d’entreprise, l’édition, le business, le lancement de magazines, la production de longs métrages et bien sûr la télé : il en poussera toutes les portes, et la dernière avec des succès innovants qui marquèrent l’histoire du media.

A lire aussi: Pour avoir ton brevet, révise en écoutant France inter!

Il m’avait fait porter L’homme en noir, son dernier livre au titre prémonitoire dont je n’avais pas totalement saisi le sens (j’ignorais sa maladie). Il y raconte une discussion avec Daniel Filipacchi, playboy et grand homme de médias qu’il admirait beaucoup. À sa question de midinette « Comment avez-vous fait pour réussir ? », le multimillionnaire avait fait cette réponse parfaite : « J’ai fait tout ce que je pouvais ! » C’aurait pu être la devise de Thierry.

Le nombre de ses paradoxes frôlait l’infini. Il se revendiquait royaliste et guillotinait l’aristocratie de la hype à coups d’interviews féroces ; et il décéda un 14 juillet ! Il se fichait d’humilier ses invités en promo mais se proclamait à juste titre – je l’ai constaté souvent – aussi gentil que méchant. Après avoir éreinté sans nuance le youtubeur Squeezie, il monta sa propre chaîne sur YouTube. Sincère amoureux du cinéma, il ne produisit que des nanars. Lui qui semblait n’aimer que lui et affectionner le libertinage révérait Audrey, sa femme adorée, et pleurait en public aux déclarations affectueuses de ses enfants. Il ne supportait pas d’être dans l’ombre mais révéla bien des talents.

Depuis toujours, en sale gosse attachant que rien n’arrêtait dans son désir de faire l’intéressant, il excellait à sortir des sentiers battus du paf. Son amour des coups d’éclat lui donnait du courage. Il n’hésita pas à dénoncer nommément David Hamilton, le photographe violeur de Flavie Flament, ni à partir en guerre contre Bolloré, son ex-employeur. Cette volonté de briller à tout prix était aussi sa faiblesse. Ses détracteurs retiennent ses manips vis-à-vis de ses invités (ses invitées surtout), son manque de scrupule à plagier idées et concepts (même pour en faire de grands succès), ses dérapages malheureux (il regretta rapidement son dernier Gaza = Auschwitz qui ne lui ressemblait pas).

Cinquante ans après nos débuts, il nous arrivait encore de déjeuner ensemble. Sans doute fatigué d’avoir beaucoup fait parler les autres, il parlait beaucoup de lui, toujours avec un nouveau projet sur le feu. C’était tout sauf ennuyeux. Je l’aimais beaucoup.

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Royalisme: quand l’échec fait vendre

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Versailles. DR.

Dans son essai érudit, Baptiste Roger-Lacan analyse moins le royalisme comme un courant politique que comme un imaginaire, une esthétique, une nostalgie. Et la droite continue de parler son langage : celui de l’orgueil blessé des perdants… 


« On pense à Louis XVI, on est mal à l’aise » chantait déjà Jean Yanne en épilogue sonore de son film Liberté, égalité, Choucroute. « On se dit que c’est des ancêtres à nous qui lui ont coupé le cou… » Les Français célèbrent la Révolution chaque 14-Juillet, mais regrettent que le sang de Louis XVI l’ait entachée. La gêne dont se moque Jean Yanne est tenace, ancienne et bien répandue, à en croire Baptiste Roger-Lacan, normalien, agrégé, docteur en histoire contemporaine, enseignant à Sciences-po, qui signe avec Le Roi : une autre histoire de la droite (collection Passés Composés), une étude du « spleen royaliste » qui hante la droite française depuis la fin du XIXe. 

Grand absent

François Furet avait bien montré que le régicide de 1793 avait certes tué le corps physique du roi mais pas le besoin de paternité politique. À chaque crise politique, la France cherche un homme providentiel pour remplacer le monarque aboli : Napoléon Ier, Napoléon III et bien sûr le Général de Gaulle instituant avec la Ve République un « monarque républicain comme substitut ». Notre République a les allures d’une monarchie sans sacre ni transcendance, sans velours ni faste ni pompe ni couronne et où rôdent comme un spectre les lustres d’une gloire éteinte. N’est-ce pas le ministre de l’Économie Emmanuel Macron qui notait en 2015 dans la revue Le 1 hebdo : « le grand absent en démocrate, c’est la figure du roi » 

Il reste pourtant assez peu de royalistes… Ces derniers, en politique, n’ont jamais fait de merveilles. Emportées par les révolutions de 1830 et 1848, les restaurations ont échoué. Et les monarchistes, même avec un jeu gagnant, se sont toujours couché à la deuxième mise… En 1871, dans la déroute de Sedan, une assemblée royaliste est élue. Or les différentes tendances et prétendants s’engueulent sur des sujets aussi essentiels que… la couleur du drapeau ! Le petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, refuse alors obstinément de troquer « son » drapeau blanc contre le tricolore. C’était la dernière chance de restauration de la monarchie, et la droite n’en fit rien. 

Le roi est mort… vive le royalisme !

L’agonie de la monarchie française fut longue, souvent pathétique mais jamais dénuée de beauté. C’est ce que l’on retient de la lecture de l’ouvrage de Baptiste Roger-Lacan. Il nous promène parmi les abbés, les mémorialistes vendéens et les romanciers historiques qui ont cultivé le souvenir du roi pendant que les royalistes perdaient ou abandonnaient la partie politique. Les bonnes familles catholiques empilent dans leurs bibliothèques les ouvrages larmoyants sur les martyrs de la Terreur.  On découvre avec l’auteur la Marie-Antoinette sensible et larmoyante de Pierre de Nolhac, conservateur à Versailles à la fin du XIXe, qui a fait redécouvrir aux visiteurs du château les écritures et objets personnels de la Reine. Il y a des galeries de portraits de la Terreur (bourreaux et victimes) de G. Lenôtre (nom de plume de Théodore Gosselin) qui écrit les vies minuscules (et raccourcies) des gens de la guillotine. On comprend à la lecture de l’ouvrage que la Contre-Révolution sert moins à ramener le roi que faire pleurer dans les chaumières. Les écoles catholiques et patronages religieux cultivent la martyrologie des carmélites de Compiègne et des héros du bocage vendéen. L’attachement monarchique est moins un choix ou un projet politique qu’une émotion collective nourrie de deuils et de réceptions mondaines. Parfois aussi d’excentricités. Qui se souvient du naundorffisme ? Un royalisme alternatif à la frontière de l’ésotérisme qui imagine que Louis XVII, le petit roi, fils de Louis XVI, n’est pas mort à la prison du Temple en 1795, s’est échappé et a engendré une nouvelle lignée. 

A lire aussi: Frédéric Beigbeder: «Liberté, égalité, légèreté!»

À défaut de régner, la monarchie française a su se vendre et coller à tous les goûts excentriques, poétiques, littéraires, feuilletonistes, patrimoniaux du XIXe siècle. C’est du moins ce dont l’auteur par ses listes interminables parvient à nous convaincre. 

Quand Proust lisait Maurras… 

Et puis vint Charles Maurras… Lui prit tout cela très au sérieux. Il a fait des théories, des doctrines, il a mis la monarchie en équation. Il ressort les penseurs comme Burke ou Maistre, s’en approprie d’autres tels Auguste Comte, Taine et Fustel de Coulanges. Comme dans L’Education Sentimentale,  il monte un club de l’Intelligence royaliste – quand celui de Flaubert était républicain. Ce sera l’Action Française. Une ligue mais surtout un quotidien très lu et renommé, « une cure d’altitude » disait Marcel Proust frappé par la qualité des articles signés d’esprits souvent agiles ou de polémistes fort en gueule. La plume vedette, Jacques Bainville connait un succès considérable avec son Histoire de France et son Napoléon dont Baptiste Roger-Lacan nous raconte tous des dessous éditoriaux chez Fayard (déjà éditeur de droite…). Baptiste Roger-Lacan insiste : l’académie est alors un pôle réactionnaire.  

Roger-Lacan décrit bien la puissance de cette machine doctrinale qui attire à elle une jeunesse intellectuelle et bourgeoise catholique qui se sent un peu coincée entre une réaction tiède à papa et une Église qui ne répond pas à son désir de radicalité – situation étrangement similaire à celle d’aujourd’hui. Mais si attractif et armé intellectuellement qu’il a pu l’être, ce néoroyalisme n’échappera pas aux compromissions de l’entre-deux guerre. Des rapprochements douteux nourrissent des amitiés particulières avec le fascisme ou des fixettes antisémites… À force de ruminer l’attente d’un roi qui ne vient pas, on finit rattrapé par des vieux démons. Résultat : en 1945, Charles Maurras est condamné à l’indignité nationale, l’Action Française liquidée et l’auteur y voit la dernière mort politique de la monarchie. 

Chouans un jour, chouineurs toujours 

Fin de l’histoire ? Le roi ne reviendra plus. Il ne le peut plus. Chez nous les rois, on les renverse, on les décapite… puis on les encadre. On en fait des timbres, des séries télés, des mugs à la boutique du château de Versailles… L’échec est un capital mémoriel que la droite rentabilise assez bien sur le marché des sensibilités, des mémoires et de la création littéraire. 

C’est sans doute le romancier Jules Barbey d’Aurevilly qui l’a le mieux compris :  la monarchie passe de la ferveur à la fiction. Plutôt que de régner, elle brille encore comme inutilité rayonnante. On ne s’étonnera pas que la République – ou plutôt l’Éducation nationale fasse commenter L’Ensorcelée cette année aux Premières pour le baccalauréat de français. Le royalisme finit encadré, vitrifié et finalement annoté. Si en deux siècles les réacs n’ont jamais su trop quoi faire de leurs rares victoires, ils savent en revanche donner du lustre à leurs défaites. De l’art de perdre avec fanfare, champagne et naphtaline. 

360 pages

Le roi: Une autre histoire de la droite

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L’enchantement du pèlerinage de Chartres

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La cathédrale de Chartres, point d’orgue du pèlerinage étudiant depuis 1935 © JOBARD/SIPA

Le pèlerinage de Chartres est la preuve en marche que des Français peuvent traverser Paris respectueusement et sans razzias. Comme les vieux films, ces cathos très « France d’avant » peuvent rendre nostalgique, mais avec modération.


Samedi 7 juin, Paris, 9 h 30. En approchant de la place d’Alésia, j’entends des clameurs. Je m’attends à une de ces manifs traîne-savates qui rassemble des braillards pour la retraite ou la Palestine, une de ces kermesses de gauche où le fonctionnaire défile avec le vandale, un de ces cortèges où on défend des droits au début et où on défonce des vitrines à la fin, une de ces démonstrations de force pour les acquis sociaux et les Nike gratuites.

Des Charlotte d’Ornellas par centaines, des Vianney par milliers…

En fait non, arrivé au feu rouge, je tombe sur une procession. Des scouts, des drapeaux, des croix, des prêtres, des étendards, des vierges et des saints, des chants et des prières, et même, porté par quatre jeunes gaillards, sur une sorte de « brancard » (qu’on me pardonne, je manque de vocabulaire catholique), saint Michel, sa lance à la main et un pied sur le dragon.

Je m’arrête un moment, ravi par la bonne surprise, et puis je vaque à mes occupations – dois-je le préciser ? Peut-on vaquer à autre chose qu’à ses occupations ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais essayé.

Vers 11 heures, je reviens vers la place. Ils sont toujours là qui défilent, à vive allure, des Charlotte d’Ornellas par centaines, des Vianney par milliers, des « Je vous salue Marie » dans les porte-voix. Je comprends alors que c’est le pèlerinage de Chartres en marche pour 80 kilomètres à pied, en passant par la banlieue et ses territoires occupés. Je reste debout à les regarder passer, touché par la ferveur de cette jeunesse alerte et bien coiffée, là où je trouve d’habitude des Africains sur des Vélib’ qui attendent le départ d’une course Uber Eats et des Roms assis par terre qui réclament une pièce pour manger ou pour construire une ville au pays au parrain de leur mafia ; le tiers-monde et la cour des Miracles.

D’abord surpris, au bout de cinq minutes, je suis enchanté, au bout de dix je suis franchement ému, tellement que je sens des larmes qui viennent et que, si je ne me ressaisis pas un peu, je vais me mettre à chialer comme un veau au milieu du carrefour. Les cloches de l’église se mettent à sonner à toute volée et ça ne m’aide pas. Serais-je touché par la grâce ? Encore un peu et je vais me mettre à aimer mon prochain comme moi-même et, si je ne retrouve pas vite mon naturel égoïste et sarcastique, à prendre dans mes bras un de ces joyeux bigots. Je dois dire que je les aime bien ces cathos-là, qui ne prennent pas au pied de la lettre leur pape quand il les invite à accueillir plus de migrants et qui n’oublient pas que si la France est encore un peu chrétienne, c’est un peu grâce à Charles Martel.

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Mais de quoi j’aurais l’air, en pleurs entre les flics qui règlent la circulation des chrétiens et les pompiers qui vendent des billets de tombola ? Pourvu que je ne rencontre pas un ancien compagnon de la Fédération anarchiste, un de ceux avec qui je chantais jadis la chanson du père Duchêne :

« Si tu veux être heureux nom de Dieu

Pends ton propriétaire.

Coupe les curés en deux

Fous les églises par terre.

Et l’bon Dieu dans la merde, nom de Dieu

Et l’bon Dieu dans la merde. »

– Qu’est-ce qui t’arrive mon vieux, tu pleures ? Ça ne va pas ? – Si, si, ça va, c’est juste que ma mère est morte. Et toi ça va ?

Des croyants qui ne font pas semblant

Je cherche un moyen de contenir mon émotion. Un peu comme dans l’étreinte quand je pense très fort à Mathilde Panot pour ne pas jouir trop vite, et, quand je sens que ça ne va pas marcher, à Ersilia Soudais, mais pas trop quand même par crainte de ne pas jouir du tout, je cherche en vitesse un truc pour endiguer mes sanglots et je trouve. Voici que passent des soutanes, les mêmes que celles portées par les évêques qui encadrent Pétain sur les images d’archives. Puis j’aperçois un drapeau palestinien, et me revient le témoignage d’un chrétien de Gaza ou de Cisjordanie, plus indulgent avec les islamistes qu’avec les Israéliens. Sans doute un penchant irrépressible pour les pauvres et les simples d’esprit.

Encore un effort et je dessine les contours d’une France reprise en main par des croyants qui ne font pas semblant. Je m’imagine en grimaçant vivre dans un pays d’où auraient disparu de l’espace public la pornographie, les putes et les pédés, le « chemsex » et les drag-queens, les trans, les boîtes échangistes ou sado-maso, le black metal sataniste et le poppers en vente libre ; et où je ne saurais plus où donner de l’amour à une progéniture nombreuse et rescapée, faute de pilule du lendemain, à qui on expliquerait à l’école que j’ai tué le Christ.

C’est gagné, j’ai séché mes larmes et retrouvé un peu de dignité. Je me demande ce qui m’a pris. La nostalgie sans doute. Au sens strict, le mal du pays. Je suis pourtant au cœur du 14e arrondissement de la capitale. Je n’ai pas quitté la France. C’est elle qui me quitte, qui disparaît doucement, tranquillement remplacée, envahie et tiers-mondisée, en commençant par la tête, comme le poisson pourrit. Alors quand elle resurgit avec ses racines et en costume d’avant, même d’Ancien Régime, forcément, ça m’ébranle. Mais pas trop longtemps. Et c’est tant mieux, parce que sinon ça rend sourd.

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Murcie sans façons

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Torre Pacheco, Espagne, 12 juillet 2025 © Martín C./AP/SIPA

La petite ville de Torre Pacheco, à côté de Murcie dans le sud de l’Espagne, a été secouée par de violentes manifestations anti-migrants le week-end dernier. À l’origine de ces émeutes, l’agression d’un sexagénaire…


L’agression d’un retraité de 68 ans, habitant Torre Pacheco, a mis le feu aux poudres. Elle a eu lieu mercredi 9 juillet, en pleine rue.

L’homme a été violemment tabassé mais aucun effet personnel ne lui a été volé. Ce n’est pas le caractère gratuit de l’agression qui a suscité une vague de contestation mais l’identité des trois agresseurs : il s’agirait, selon la victime, de Maghrébins.

Torre Pacheco est une petite ville d’à peine 40 000 habitants, et parmi eux 30% à 40% sont issus de l’immigration, principalement en provenance du Maroc.

Nous sommes ici près de Murcie, dans le sud de l’Espagne, une région connue pour son activité agricole intense (on a tous en tête ces serres immenses qui s’étalent à perte de vue où l’on cultive tout au long de l’année des fraises et des tomates), et cette activité nécessite de la main d’œuvre, de préférence bon marché, que l’on trouve en face, de l’autre côté de la Méditerranée : au Maghreb. C’est ainsi que les Espagnols ont en quelque sorte inventé le concept de « saisonnier à l’année ». Chez eux comme chez nous on trouve donc une population immigrée venue faire le « sale boulot » que les locaux ne veulent pas faire.

Le problème : une question de nombre

La majorité de cette population étrangère, parfois présente depuis des décennies, ne pose aucun problème mais ne s’intègre pas. Elle vit recluse sur elle-même, se lève le matin pour aller travailler et une fois la journée finie, se replie dans ses quartiers périphériques où s’est instaurée une loi communautaire – on en sait quelque chose en France.

Mais quand cette population représente près de la moitié de la ville, peut-on encore parler d’une communauté, d’une minorité ? N’est-elle pas alors « légitime » à imposer ses codes et ses règles ? C’est la loi du nombre.

D’autant qu’à cette population s’agrègent depuis des mois des migrants de fraîche date, puisque les archipels des Baléares et des Canaries sont devenus l’une des portes d’entrée de l’Europe pour tous ceux, Maghrébins ou Sub-sahariens, qui quittent les côtes d’Afrique du Nord.

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2024 a été marquée par des vagues d’afflux record, et cela continue cette année ; au mois de janvier, en deux jours seulement, plus de 600 personnes ont débarqué aux Canaries. De quoi saturer sur le champ les structures d’accueil qui n’ont pas eu d’autre choix que de laisser partir ces gens dans la nature.

Et quand on n’a rien, on se débrouille : c’est ainsi que peut se faire un lien entre délinquance et immigration.

Face à cette situation, les habitants réagissent de moins en moins bien. Les tensions sont désormais fréquentes et c’est pourquoi l’agression de ce retraité a mis le feu aux poudres, jusqu’à susciter des scènes d’une rare violence que l’on voit sur nos écrans ces derniers jours.

Une première manifestation a eu lieu vendredi 11 juillet dans les rues de Torre Pacheco. Un rassemblement à l’initiative de la mairie qui se voulait pacifique mais qui a vite dégénéré lorsque des individus ont infiltré le cortège et ont lancé des appels à ce qu’il faut bien nommer une chasse à l’homme. Des appels à traquer les immigrés maghrébins dans la ville, à incendier leurs commerces ont aussi été relayés sur les réseaux sociaux.

La police a dû intervenir pour stopper le mouvement mais au prix de violents affrontements qui ont duré une partie du week-end. Jusqu’à ce que des unités spéciales de la Guardia Civil aient été déployées pour ramener un semblant de calme.

Près de 80 personnes ont été identifiées, la plupart ont des « antécédents pour des faits de violence » et ne résident pas à Torre Pacheco. Moins de dix personnes ont été interpellées : un Marocain et six Espagnols. Ils sont poursuivis pour les chefs de « troubles à l’ordre public », « haine » et « blessures volontaires ».

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D’autres arrestations ont eu lieu dans le cadre de l’enquête sur l’agression : il s’agit de « deux immigrés » dont l’origine n’a pas été précisée. On sait uniquement qu’ils ne résident pas à Torre Pacheco et qu’ils sont soupçonnés d’avoir « collaboré et couvert l’auteur » des coups. Un troisième suspect a été appréhendé au Pays basque alors qu’il cherchait à gagner la France. Il pourrait donc s’agir de l’agresseur principal. Mais, cette annonce n’a pas fait retomber la tension sur place.

Très vite, voire immédiatement, l’affaire a pris un tournant politique. Dès samedi, le parti Vox a organisé un rassemblement dans la ville sous le slogan : « Défends-toi de l’insécurité ». Son président régional a déclaré à cette occasion : « Nous ne voulons pas de gens comme ça dans nos rues ni dans notre pays. Nous allons tous les expulser : il n’en restera pas un. » Ces déclarations ont évidemment déclenché de vives critiques dans les rangs de la gauche. Un porte-parole du parti Podemos a dénoncé « la chasse raciste qui se déroule à Torre-Pacheco », accusant « des groupes néonazis et Vox » d’instrumentaliser l’agression du retraité pour « encourager la violence contre la population étrangère ». Quant à la ministre socialiste de la Jeunesse, elle a dénoncé « l’ultra-droite et la droite [qui] désignent des cibles, et leurs nervis [qui] passent à l’acte ».

Souvenir anglais

Ces manifestations espagnoles ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé l’été dernier en Angleterre. Fin juillet 2024, un homme de 18 ans d’origine rwandaise avait sauvagement poignardé à mort trois fillettes de six ans et blessé huit autres alors qu’elles prenaient leur cours de danse à Southport, dans le nord-ouest du pays. L’abjection de cette attaque avait suscité une vague d’émotion qui s’était rapidement muée en vive contestation de la politique migratoire britannique. Le mouvement avait ensuite pris la forme de manifestations violentes contre les immigrés. Un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile avait notamment été pris pour cible. Les manifs avaient duré plusieurs jours et des dizaines d’hommes avaient été arrêtés manu militari, traduits devant la justice et condamnés à de la prison ferme de façon tout aussi expresse. Le Premier ministre Keir Starmer avait alors promis que « les auteurs de ces violences regretteraient d’avoir participé à ces désordres ». Cette diligence et ce ton martial n’ont jamais été appliqués contre les auteurs des viols collectifs sur mineures (blanches) de Rotherham –1400 victimes. Les membres du réseau pédo-criminel d’origine pakistanaise qui ont sévi des années 1980 à 2010 sont toujours dans la nature quelque part au Royaume-Uni. Si l’on se doit de condamner la violence, toutes les violences, et même s’y opposer avec fermeté, on se doit aussi de s’interroger sur le désœuvrement de ces peuples européens qui appellent à l’aide face à des flux migratoires incontrôlables aux conséquences parfois tragiques, et qui ne sont pas entendus par leurs dirigeants. Que peuvent-ils faire quand la voix des urnes ne suffit plus ? La question reste ouverte.

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Emmanuel Macron: après, ce sera trop tard…

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Emmanuel Macron et Ambroise Méjean au cirque d'Hiver, à Paris, le 5 juillet 2025. Les "Jeunes avec Macron" se renomment les "Jeunes en Marche". Image RS.

Si la Constitution le lui interdit en 2027, tout devient possible en 2032 ! Le président de la République n’exclurait pas de se représenter devant le suffrage des Français en 2032. Une faute de goût, estime notre chroniqueur.


À peine ai-je eu envie de nous plonger dans un passé lointain pour déplorer cette journée de commémoration en hommage à l’innocent emblématique qu’était le capitaine Dreyfus – comme si l’Histoire ne l’avait pas réhabilité depuis longtemps – que je me suis senti saisi par le présent. Notamment par cette adresse du président de la République, invité surprise pour les dix ans des « Jeunes avec Macron », les assurant « qu’il faudrait compter avec lui dans cinq ans, dans dix ans ».

Indécent

J’avais immédiatement tweeté pour souligner qu’il restait un peu plus de deux ans avant la fin de son second mandat et qu’on attendait seulement de lui qu’il assumât le moins mal possible les tâches de cette période.

https://twitter.com/BilgerPhilippe/status/1943237584043544658

J’ai constaté avec plaisir qu’un ministre issu de sa propre majorité avait jugé cet engagement « indécent » en affirmant « qu’avant de se projeter en 2032, il faudrait peut-être penser à laisser le pays dans un meilleur état que celui dans lequel on l’a trouvé… »

Ce qui ne serait déjà pas admissible de la part de présidents ayant été battus comme Nicolas Sarkozy en 2012, ou n’ayant pas pu, comme François Hollande, se représenter en 2017, le serait encore moins du fait d’Emmanuel Macron qui a eu la bonne fortune de pouvoir bénéficier de deux mandats – et il ira au bout du second – avec toute latitude pour mener à bien ce qu’il avait projeté ; ou ce à quoi il a dû s’adapter en raison de fluctuations dont il a été en grande partie responsable.

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Si je devais faire preuve de compréhension, j’en userais au bénéfice du président socialiste qui tenaillé par la frustration d’avoir sinon un mandat, du moins une candidature « rentrée », n’a de cesse de tenter de persuader la gauche que son retour ne serait pas qu’un bonheur personnel.

Emmanuel Macron, lui, ne peut plaider que ses échecs ne dépendent pas de lui. S’il n’a pas été médiocre en matière de politique étrangère avec l’inconvénient, pour demeurer seul en majesté sur la scène internationale, de s’être privé d’un ministre d’envergure, ses insuffisances sur le plan régalien, malgré ses voltes tardives et à cause de choix ministériels contrastés et aberrants, ne sont imputables qu’à lui seul.

Syndome Charles de Gaulle

Aucune session de rattrapage n’a à être prévue en 2032 et il est de mauvais goût de laisser croire à un désir de lui au-delà du terme normal. Et de faire semblant de penser que l’exercice de son pouvoir, sur dix ans, aura été tellement gratifiant pour nous tous qu’une envie irrépressible de le voir revenir plus tard nous habitera.

Derrière ces péripéties, ces espérances trompeuses, qu’on veut faire passer pour les nôtres, cette volonté de mettre dans nos têtes la plausibilité d’une renaissance, il y a le syndrome de Charles de Gaulle, la mythologie du recours. Pour calquer cet épisode historique unique et exceptionnel, n’importe quel politique d’abord joue à se placer dans le sillage du « plus illustre des Français » puis se pique, sans qu’on l’ait sollicité, de se présenter en instance d’appel, en voie de recours, en seconde ou triple chance.

Mais le citoyen n’est pas dupe. Avant l’heure, c’est trop tôt. Après, c’est trop tard.

83 ans après la rafle du Vel d’Hiv, la question du génocide à Gaza

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Des Palestiniens jouent sur la plage au coucher du soleil à Gaza City, le 10 juillet 2025 © Rizek Abdeljawad/Xinhua CHINE NOUVELLE/SIPA

En bataillant idéologiquement pour que le terme de « génocide » finisse bien par qualifier la situation actuelle à Gaza, les antisionistes cherchent avant tout à retirer aux Juifs leur privilège victimaire « insupportable » hérité de la Shoah. Grande analyse.


Lorsque l’Afrique du Sud a le 29 décembre 2023 déposé devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) une plainte contre Israël pour génocide, j’ai pensé, comme d’autres, qu’une telle accusation allait s’effondrer sous le poids de son absurdité. Il n’en fut pas ainsi. La CIJ n’a pas statué, elle ne le fera probablement pas avant plusieurs années, et lorsqu’elle le fera, il y a tout lieu de croire, suivant l’expert britannique Philippe Sands, auteur du célèbre «Retour à Lemberg», qu’elle statuera contre la qualification de génocide. Mais il n’importe, les mesures de précaution que la CIJ a demandées à Israël ont été interprétées comme une assignation de culpabilité. Une partie de la presse a préféré simplifier plutôt qu’informer et une partie du public, bien plus large que les antisionistes professionnels, croit aujourd’hui que la culpabilité d’Israël est avérée.

C’est faux. C’est insupportable. C’est prémédité.

Le mot de génocide relève de plusieurs registres, en particulier le registre juridique, le registre historique, le registre émotionnel. 

Sur le plan du droit, il a été inventé en 1943 par un juriste juif polonais réfugié aux Etats-Unis, Raphael Lemkin, dans un livre où il analysait les processus juridiques progressifs qui avaient permis aux Allemands d’anéantir deux millions de Juifs (son évaluation de l’époque), mais aussi des Polonais et des Roms.

La définition juridique du génocide est fixée dans une Convention adoptée le 9 décembre 1948 par l’Assemblée Générale de l’ONU. Un génocide est un acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. On remarquera que les motifs sociaux ou politiques ne sont pas pris en compte et que rétrospectivement le Holodomor, avec ses 4 millions au moins d’Ukrainiens tués par une famine organisée en 1932-33 et les deux millions de Cambodgiens tués par les Khmers rouges sur des bases politiques ou sociales n’entrent pas dans son cadre. 

Génocide et crime contre l’humanité

Lorsque Lemkin était étudiant, Talaat Pasha, l’organisateur des massacres d’Arméniens en Turquie, fut assassiné à Berlin par un jeune Arménien. Le responsable d’un des pires massacres de l’histoire menait une vie tranquille en Allemagne où il s’était réfugié, alors que son meurtrier, lui, devait affronter un procès, où il fut d’ailleurs gracié sous le prétexte d’avoir agi par un coup de folie transitoire. En fait, aucune législation internationale n’empêchait un Etat, fort de sa souveraineté nationale, de massacrer une partie de sa population. Un peu plus tard, Lemkin identifia dans Mein Kempf un programme de destruction massive de population. 

Ayant pu se réfugier aux Etats Unis, il a cherché une formule juridique mettant en exergue ce crime d’éradication d’un groupe humain. A la même époque un autre juriste juif, Hersch Lauterpacht, réfugié en Grande Bretagne, avait développé la notion de crime contre l’humanité, qui ne mettait pas en avant une identité de groupe. Elle fut utilisée en 1946 au procès de Nuremberg. Deux ans plus tard, c’est le concept juridique de génocide qui recevait sa définition officielle et c’est le seul dont traite la CIJ.

Génocide implique tentative de destruction partielle ou totale d’un groupe.  Mais qu’est-ce que la destruction s’il ne s’agit pas de l’anéantissement physique ? Certains parlent parfois de génocide culturel, destruction d’une langue, d’un mode de vie, voire d’un cadre géographique. Le processus de génocide culturel n’a pas été retenu par la Convention sur le génocide, apparemment contre les souhaits de Lemkin. 

Et qu’est-ce qu’une destruction partielle ? Le génocide n’était pas pour Lemkin une question de nombre. Cependant la CIJ a accepté comme un fait de génocide les 8000 Bosniaques assassinés par les Serbes à Srebrenica mais pas les 250 Croates assassinés, également par les Serbes …à Vukovar.

Enfin que signifie un génocide quand deux armées sont en guerre ? En zone de combats des destructions massives ne signifient pas volonté génocidaire. Les spécialistes disent que en combat urbain le pourcentage de morts civiles par rapport aux morts de soldats est toujours très élevé et que à Gaza il parait plutôt relativement bas. De plus, on ne dispose que des chiffres d’un Ministère de la Santé dont chacun sait qu’il n’est qu’un faux nez du Hamas, et ces chiffres mélangent enfants et adultes, civils et combattants, morts naturelles et morts de guerre. Cela étant dit, beaucoup d’experts pensent que les chiffres annoncés de morts représentent une réalité : c’est la réalité d’une guerre particulièrement difficile. Ce n’est pas celle d’un génocide.

Le niveau de destruction des bâtiments sur certaines zones de Gaza donne une impression de vie disparue et on comprend l’impression de certains spectateurs que «tout a été détruit». Mais il reste à côté, non visibles sur les photos, des populations civiles qui vivent dans des conditions très difficiles à coup sûr, mais qui ne sont pas en voie d’extermination.

Israël mène une guerre. Cette guerre lui a été imposée à la suite d’une action effectivement génocidaire, les massacres du 7 octobre 2023 et d’une autre action que certains ont qualifiée de génocidaire, celle de la prise d’otages, dans la mesure où elle visait à soumettre ce groupe à des conditions de vie menant à sa destruction.

Pour qu’il y ait génocide, on le sait, il faut qu’il y ait intention génocidaire. Philippe Sands a signalé que la jurisprudence de la CIJ était devenue de plus en plus stricte là-dessus. Il ne s’agit pas de relever les paroles de tel ou tel politicien en délire ou en colère, il s’agit de montrer que les actions effectuées ne peuvent pas s’expliquer autrement que par la volonté de faire disparaître une population entière. De ce point de vue, la pêche aux intentions génocidaires d’Israël est très peu productive. Les trois ou quatre fragments divulgués, qu’ils proviennent de Isaac Hertzog, président de la République, Yoav Gallant ministre de la Défense, de Benjamin Netanyahu ou d’autres membres du Cabinet sont particulièrement pauvres surtout si on les met en relation avec la sidération devant les horreurs du 7-Octobre. C’est même pour cette raison que certains spécialistes pas particulièrement favorables à Israël, regrettent que l’on ait suivi la voie du génocide, juridiquement destinée à être un échec plutôt que celle du crime contre l’humanité.

Famine iminente

Reste un dernier thème, très largement utilisé aujourd’hui celui de l’affamement volontaire de la population, motif bien défini de génocide. Il y a dix-huit mois que l’ONU et la plupart des ONG alertent sur l’épouvantable et imminente catastrophique famine qui va avoir lieu à Gaza. Or, d’une part les images de la population gazaouie ne ressemblent toujours pas à celles des survivants des camps de concentration, d’autre part les calculs que l’on peut faire sur les apports d’aliments dans les camions montrent qu’il y a globalement eu livraison de quantités de calories suffisantes pour éviter une famine généralisée. Reste le problème de la distribution et tout indique que sous le regard complaisant des ONG responsables de celle-ci, le Hamas s’est servi pour faire de la distribution alimentaire une source d’enrichissement et de pouvoir. Ce qui explique la virulence extraordinaire des réactions maintenant que le système a été modifié et que les organisations de l’ONU n’en sont plus les maitres d’œuvre.

Ce sera aux historiens d’analyser la complexité des situations alimentaires à Gaza et de les comparer à celles d’autres pays où la famine rôde et tue. Suivant la FAO et le programme alimentaire mondial, il y avait en 2024 300 millions de personnes dans 53 pays confrontées à une situation de crise alimentaire, les situations les plus graves se trouvant en Ethiopie, au Nigeria, au Soudan du Sud et au Yémen. Dans aucun de ces pays, le mot de génocide n’a été prononcé, bien que des conditions de combat réduisent les livraisons alimentaires et que ces réductions soient souvent délibérées. Envers aucun de ces pays on n’a vu de véritable émotion collective.

Il est vrai que certains historiens considèrent que le terme de génocide est justifié. Le plus réputé d’entre eux est l’Israélo-américain Omer Bartov, ancien officier de Tzahal, spécialiste de l’armée allemande et auteur d’une monographie célèbre sur l’anéantissement des Juifs dans la petite ville ukrainienne de Buczacz. A Gaza, il parle des infrastructures détruites, des pénuries alimentaires, des déplacements forcés et des discours de certains dirigeants israéliens assimilant la population tout entière à des ennemis absolus et il conclut que les critères juridiques de génocide sont présents et qu’il faut tirer la sonnette d’alarme. Autrement dit, il alerte sur Gaza pour éviter Buczacz, alors que les ennemis d’Israël font croire en s’appuyant sur ce qu’il écrit que Gaza, c’est Buczacz. Pour mémoire, il y avait à Buczacz 10 000 juifs dans le ghetto et il y a eu quelques dizaines de survivants. 98% des Juifs ont été exterminés.

On en arrive ainsi au troisième registre du mot génocide, le registre émotionnel, qui repose sur une assimilation de Gaza à Buczacz, autrement dit des événements de Gaza avec une anéantissement et de la récupération politique d’une pareille assimilation dans les réseaux sociaux.  Simone Veil, en voyage à Sarajevo, avait dit, excédée par l’usage permanent du terme génocide, « parler de génocide à tout bout de champ a une fonction, qui est d’éviter de se parler, car on ne parle pas à quelqu’un qui commet un génocide, on le combat ».

Mahmoud Abbas, qui se prétend historien depuis sa thèse négationniste concoctée avec le KGB il y a quarante ans, répète, comme à la tribune de l’ONU en 2014, que ce qui se passe dans les territoires palestiniens est un génocide « d’une ampleur sans précédent ». 

Pas d’amalgame

C’est pourquoi, l’utilisation du terme de génocide pour ce que font les Israéliens à Gaza m’est insupportable. Il y a probablement eu dans cette guerre des exactions et peut-être des crimes de la part de certains Israéliens. Il y en a malheureusement dans toutes les guerres. Mais ce que les ennemis d’Israël veulent insinuer subrepticement, c’est que « Gaza, c’est comme Auschwitz ». De ce point de vue ceux qui restent dans le flou, ou les représentants ou organisations de l’ONU qui distribuent le mot génocide sans filtre ont une lourde responsabilité.

Claude Lanzmann voulait laisser à l’extermination des Juifs l’appellation singulière de Shoah pour éviter les amalgames. Les amalgames sont là. La Shoah s’analyse sous l’angle de génocide et ce terme a acquis une puissance croissante dans la psyché occidentale, alors que se déroulait sous nos yeux un véritable génocide, celui du Rwanda et que l’extermination des Juifs était mieux reconnue. C’est cet insupportable privilège victimaire que les antisionistes cherchent à retirer aux Juifs.

A ce jour la CIJ n’accable aucun Etat en tant que tel de ce stigmate. La Turquie, c’était du passé, l’Allemagne étant devenue une démocratie, il valait mieux reporter la responsabilité sur les nazis, le Rwanda c’était le FPR qui ne voulait pas faire peser l’accusation sur le pays dont il venait de vaincre les hutus génocidaires, la Serbie n’a été condamnée que de n’avoir pas pu empêcher un génocide à Srebrenica, la Chine pour les Ouïghours, on n’en parle pas, aucun pays n’a osé déposer plainte.

L’Allemagne vient d’admettre dans un accord avec la Namibie que son comportement envers les Herreros au début du XXe siècle relevait du génocide et il est possible que à la suite de plaintes d’autres condamnations surviennent désormais incriminant le colonialisme et l’esclavage. Elles seront a posteriori, mais alimenteront la culpabilisation de l’Occident.

Pour le présent, il y a bien une incrimination à la CIJ contre le Myanmar à propos des Rohingyas, mais le rêve de ses nombreux ennemis (14 d’entre eux soutiennent aujourd’hui la démarche de l’Afrique du Sud) serait que Israël soit le premier Etat dans le monde officiellement condamné pour génocide. Il y aurait là un retour du refoulé et une reprise moderne du déicide, le crime des crimes. Les accusations de génocide portées envers Israël donnent souvent envie de ne pas répondre tant elles suintent d’une haine anti-israélienne irrépressible. Mais, malgré nos réticences, nous devons expliquer les manipulations mémorielles en jeu à ceux qui accusent Israël de génocide à Gaza et s’expriment de bonne foi, mais souvent avec crédulité et ignorance…

La polygamie en voie de légalisation au Canada?

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Sur cette photo d'archives datée du 21 avril 2008, Winston Blackmore, le chef religieux de la controversée communauté polygame de Bountiful, située près de Creston, en Colombie-Britannique (Canada), partage un moment de rire avec six de ses filles et certains de ses petits-enfants. Blackmore a été reconnu coupable de pratiquer la polygamie après une bataille judiciaire qui a duré des décennies. Il a été déclaré coupable le lundi 24 juillet 2017 par la juge Sheri Ann Donegan de la Cour suprême de la Colombie-Britannique © Jonathan Hayward/AP/SIPA

Dans un jugement récent, V.M. c. Directeur de l’Etat civil, 2025 CCS 1304, la Cour supérieure du Québec conclut qu’est contraire à la (trudeauesque) Charte des droits et libertés canadienne le régime québécois qui limite les droits parentaux à deux adultes.


Familles, je vous hais ! 
André Gide.

Oh, quelle vie d’orgie,
quel monde de sexe,
y’a plus rien a l’index
Les hommes aux hommes,
les femmes aux femmes.
Les hommes aux deux,
les femmes aux trois.
Quand j’dirai go,
mélangez-vous et puis
swingnez votre compagnie.
Jean-Pierre Ferland.


Les ménages à trois (et plus) ont désormais droit de cité au Québec au nom du droit à l’égalité de tous les enfants; l’honorable juge (tel est son titre au Canada) Andres Garcin, tel un prestidigitateur qui sort un lapin d’un chapeau, le puise audacieusement dans l’esprit du paragraphe 15(1) et il s’inspire ouvertement du « modèle » (si l’on peut dire) de pluriparentalité en vigueur dans d’autres provinces canadiennes.

Pavé dans la mare

D’aucuns se sont émus, y voyant une avancée vers la reconnaissance de la polygamie, ce que nie le juge, appuyé dans une tribune par le juge à la retraite Daniel W. Payette (esprit de corps oblige), qui affirme que ce jugement ne « pave » (sic) pas la voie vers la polygamie. Ces deux oracles de la loi dénoncent insidieusement une crise d’hystérie islamophobe typiquement québécoise et lancent un appel au calme puisque que ce jugement ne concerne que l’intérêt de l’enfant et donc son droit à de multiples parents. Ni plus ni moins.

A ce stade, la messe n’est pas encore dite. Le gouvernement québécois portera en appel cette décision de première instance et l’on peut tenir pour acquis que, tôt ou tard, elle sera déférée à la Cour suprême du Canada. Mais les pluriparents peuvent sans doute compter sur la confirmation du premier juge par celle-ci, qui n’en serait pas à sa première décision politique.

La question est donc posée : cette doctrine de la pluriparentalité peut-elle constituer un précédent favorable à la reconnaissance de la polygamie en droit canadien et québécois (pénal et civil)?

Ce n’est pas inévitable, mais un jalon important a d’ores et déjà été posé. Au moins un pavé dans la mare. Mais revenons en arrière.

Peines non dissuasives

Le climat social canadien hors-Québec était déjà apparemment plutôt favorable à la reconnaissance de la polygamie. Pendant plusieurs décennies, les procureurs se sont abstenus d’engager des poursuites à ce titre de crainte de donner lieu à une jurisprudence favorable aux accusés polygames, au nom de la liberté de religion. Cette crainte semble avoir été écartée par un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui consacrait la constitutionnalité de l’interdiction de la polygamie en droit pénal, ce qui a permis la condamnation en 2017 de deux mormons fondamentalistes anglo-saxons disposant respectivement de 25 et de 5 épouses pour un total d’environ 150 enfants. Ils ont écopé de… 6 mois et 3 mois de détention à domicile. Peine exemplaire, très dissuasive.

Nouvelle rassurante? Voire…

Et pourtant… Les polygames musulmans, eux, vivent en toute impunité au Canada, multiculturalisme du parti libéral du Canada oblige : les imams qui célèbrent ces unions ne les déclarent tout simplement pas à l’état civil. La solution était simple, mais il fallait y penser!

[Note de droit comparé pour les lecteurs français : en France, est pénalement sanctionnée la célébration d’un mariage religieux sans cérémonie civile préalable; en Amérique du nord, les ministres du culte peuvent célébrer des mariages qui sont reconnus par l’état civil, mais ils doivent être déclarés].

En 2019, un de ces imams canadiens, Aly Hindy du Centre islamique Salaheddin de Toronto, mettait même publiquement les autorités au défi de le poursuivre, ayant pleine confiance de triompher devant la Cour suprême du Canada. Et de nombreux spécialistes partagent, en effet, son optimisme : la haute juridiction pourrait tout simplement accorder sa bénédiction à une nouvelle, mais simple, redéfinition du mariage.

A lire aussi, Jérôme Blanchet-Gravel: Canada: la chute hors de l’histoire d’un pays en pyjama

[Note de droit comparé pour les lecteurs européens : la Cour « suprême » de Colombie-Britannique est un faux ami, car c’est une juridiction de première instance et la Cour suprême du Canada aurait toute latitude pour répudier – c’est le mot exact dans ce contexte – cette censure de la polygamie].

Même en faisant abstraction de la doctrine de pluriparentalité, le climat semble donc propice aux polygames qui pourraient utilement invoquer l’esprit du paragraphe 15(1), à l’instar du juge Garcin. A fortiori, cette jurisprudence constitue un point d’appui supplémentaire.

En effet, il faut rappeler à ces deux éminents juristes un principe élémentaire en matière de raisonnement judiciaire : la portée de telle ou telle jurisprudence échappe toujours au magistrat qui en est l’auteur; il revient au juge ultérieur de l’interpréter, que ce soit de manière élargie ou restrictive. Leurs onctueuses assurances quant à l’exclusion de la polygamie n’engagent donc qu’eux seuls; pourtant, mieux que personne, ils devraient savoir que les juristes savent faire feu de tout bois et que le droit évolue souvent par sédimentation, parfois par tsunami. En l’occurrence, dans un avenir peut-être pas si lointain, il sera loisible à des plaideurs polygames d’inviter le juge à aller plus loin et à raisonner par analogie : si un enfant peut avoir plus de deux parents, on voit mal pourquoi une personne ne pourrait gratifier plus d’un époux de son inépuisable affection (de manière équitable, bien entendu, comme pour les enfants, selon une planification équilibrée du calendrier).

(Précision importante, égalité des sexes oblige : le concept de « polygamie » se subdivise en « polygynie » et en « polyandrie »).

On nous dit que la jurisprudence V.M., quant à la filiation à deux personnes, « il ne s’agit plus du seul modèle de parentalité »; de même, l’on peut aussi soutenir que la monogamie a fait son temps en matière matrimoniale. On n’arrête pas le progrès.

Une nation toujours à la pointe du progressisme

Signalons incidemment que, avant de quitter le pouvoir, le pluriculturaliste d’esprit Justin Trudeau, qui est bien le fils de son père, a fait de nombreuses nominations de dernière minute que l’on pourrait charitablement qualifier de clientélistes, et a notamment infiltré au sein de la même Cour supérieure du Québec un « honorable » correspondant, Robert Leckey, à la langue française rugueuse, dont le titre de gloire est d’avoir été doyen de la faculté de droit de l’Institution royale pour la promotion du savoir de Montréal (université McGill pour faire simple), tribune décomplexée du lobby religieux. Nul doute qu’y a vu un signe dans le ciel Amira Elghawaby, groupie de Justin devenue « représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie », qui a juré (sur le Kamasoutra et sur le recueil des Mille et une nuits) de mener une guerre d’enfer contre la laïcité rationaliste québécoise honnie.

Le Canada éblouit déjà par sa lumière les nations. Il semble en bonne (ou mauvaise) voie, à terme, de décrocher le titre prestigieux de premier État occidental à reconnaître la légalité du mariage polygame.

Et l’enfer, lui, est toujours « pavé » de bonnes intentions.

Esprit, es-tu là?

La solitude du ring

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Maho Bah-Villemagne. DR.

Partenaire particulier…


Est-ce qu’en boxe féminine l’Algérienne Imane Khelif aurait caché ses bijoux de famille pour obtenir une médaille d’or aux JO de Paris ? Pour couper court, et éviter à l’avenir toute suspicion, la fédération World Boxing (partenaire du CIO) a édicté de nouvelles règles : désormais pour monter sur le ring, il faudra se soumettre à une analyse ADN, déterminant le sexe à la naissance, avant d’éventuelles modifications hormonales ou coups de bistouri.

Ce nouveau point pourrait indisposer la FFB (fédération française) qui a accordé en avril 2024 à Maho Bah-Villemagne, né femme, mais ayant obtenu administrativement la qualité masculine, une licence homme…

Ex-femme et boxeuse (vice-championne de France en 2022), on ne peut le suspecter de vouloir tricher car la transition est risquée…

Mais Maho, 30 ans, 50 kilos sur la balance, peine à trouver des adversaires. Dans cette catégorie, il y a peu de boxeurs sinon à sa taille du moins à son poids, et encore moins qui veulent prendre le risque de croiser les gants avec une ex-femme… Verdict depuis l’obtention de sa licence homme, Maho n’a combattu que deux fois, toujours contre le même adversaire (pour un nul et une défaite), ce qui devient rengaine. Remarquez, entre les cordes, ça pourrait créer des liens : « Il m’a mis une droite, je lui ai mis une gauche, on a tout de suite compris qu’on était faits l’un pour l’autre. »

Naguère on disait d’une personne qu’elle avait mauvais genre quand elle avait de drôles de mœurs. Aujourd’hui on parle de personnes qui ont le cul entre deux chaises. Un casse-tête dont Maho a accepté de nous causer : « Quand je boxais chez les femmes, on me soupçonnait d’être un homme et un tricheur. Maintenant que j’ai une licence homme, mes adversaires hésitent, et je les comprends, car c’est pas évident de boxer un trans. » Actuellement blessé, Maho espère remonter sur les rings à la rentrée. Trois adversaires auraient donné leur accord. La preuve que chez les coqs (catégorie de 51 à 53 kilos), il n’y a pas que des poules mouillées.

Bayrou: les politiques désespérées sont-elles les plus belles?

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Conseil des ministres, 16 juillet 2025 © SLEMOUTON/SIPA

Nous sommes dans une démocratie qui ne sait plus ce que sont l’écoute, la bonne foi, le dialogue, la présomption d’honnêteté et la volonté de laisser les intérêts partisans derrière le destin du pays, se désole notre chroniqueur.


Ce titre – on me le pardonnera – fait référence au Premier ministre François Bayrou. À la suite de sa longue intervention du 15 juillet, je l’estime encore davantage qu’auparavant. Et j’éprouve d’autant plus l’envie de le faire savoir, même avec une influence modeste, que la plupart des réactions, pour ne pas dire toutes, ont été négatives et parfois avec une tonalité continuant à être condescendante, comme si on avait affaire avec lui au « Petit Chose ». Par exemple le 16 juillet, à la matinale de Sud Radio où, questionné par Benjamin Glaise, Julien Odoul a fait preuve à l’encontre de François Bayrou d’une dérision choquante. Dans le climat politique d’aujourd’hui, je ne suis pas surpris qu’il n’y ait même pas eu ce minimum d’équité et de bonne foi concédant que, fond et forme, l’exercice auquel s’était livré François Bayrou avait été globalement réussi.

L’heure de vérité

Au contraire, plutôt que d’appréhender la difficulté de la tâche, l’évidence du constat, la sincérité du propos et la pertinence même relative des solutions pour diminuer la dette et favoriser la production, on a dégradé les motivations du Premier ministre : il cherchait à se préparer une sortie héroïque ou était tout simplement voué à jouer « petit bras » pour espérer durer tant bien que mal… À aucun moment on ne l’a crédité d’une lucidité et d’un effort qui auraient mérité au moins d’être salués.

Je pourrais, sur un mode un peu facile, relever la scandaleuse prévisibilité des oppositions et le soutien sans enthousiasme de son camp. Nous sommes dans une démocratie qui ne sait plus ce que sont l’écoute, la bonne foi, le dialogue, la présomption d’honnêteté et la volonté de laisser les intérêts partisans derrière le destin du pays. Il devrait pourtant imposer un consensus, pour sa sauvegarde, sur l’obligation d’une civilité parlementaire. On en est loin. Continuant sur ce registre, si l’ironie était de mise, le fait que pour les uns les propositions de François Bayrou manqueraient de radicalité et pour les autres qu’elles seraient indignes parce qu’antisociales et génératrices d’une plus grande difficulté de vivre, pourrait apparaître comme le signe de leur équilibre et de leur intelligente modération. De même que leur souci de ne laisser personne en dehors de ce devoir citoyen de payer son écot.

Sous tutelle du FMI, vite !!

Le paradoxe est que sur ce constat dramatique – la dette augmente à chaque seconde de 5000 euros ! -, l’urgence de la situation de notre pays avec le risque, si on n’y prend garde, d’une immixtion du FMI, tout le monde s’accorde, quelle que soit sa position politique. Mais on refuse d’accorder le moindre crédit à la tentative honorable, techniquement négociable (Bayrou l’a assuré), intellectuellement et socialement maîtrisée, ni maximaliste ni insignifiante, engagée par le Premier ministre pour relever à sa manière le défi des prochaines années.

A lire aussi: Bayrou en père la rigueur

Reprocher à l’ensemble de ces mesures leur caractère superficiel n’est pas pertinent si on considère que c’est précisément ce refus de l’extrême qui constitue la force de ce projet. La nature équilibrée de ce dernier – rien de trop sur aucun plan ! – est son atout principal. J’entends bien que l’invitation de François Bayrou sera suivie à la lettre : tout sera trituré à l’Assemblée nationale au point d’être détricoté et sans doute éloigné de l’esprit originel. Mais ce sont les risques de la démocratie et leur menace n’enlève rien à la portée infiniment estimable – formidable base de travail – pour combler le passif et amplifier l’actif, de la politique envisagée par le Premier ministre.

Ce n’est pas à dire qu’on ne regrette pas l’absence de prise en compte de l’immigration, de son gouffre, et de la gabegie de l’audiovisuel public. J’aurais scrupule à insister sur ces carences, tant l’essentiel, maintenant, me semble, plutôt que d’enfoncer le fer dans la plaie, de permettre une réponse négative à mon titre. Parce qu’avant le désespoir, il y a la possible concorde et l’action nécessaire.

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Une triste nouvelle

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Loïk Le Floch-Prigent photographié en 1997 dans son bureau © DELESSARD/NECO/SIPA

Notre chroniqueuse salue un héraut des temps modernes…


M. Le Floch-Prigent avait régulièrement abordé les problématiques liées à l’industrie dans les colonnes de Causeur. On peut retrouver ses textes et interventions ici • NDLR

Loïk Le Floch-Prigent nous a quittés. C’était un très grand chef d’entreprise, un passionné d’industrie, un personnage. Il a tout risqué et il a payé. Son courage, jusqu’à son dernier souffle, est exemplaire : « Ce sont les derniers instants d’une vie qui scellent un destin. » (Chateaubriand). Son intelligence et son jugement transcendaient les partis politiques. Il a conseillé aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac, et son pouvoir de conviction, y compris avec les salariés et les syndicats, n’avait pas de limites.

Né à Brest le 21 septembre 1943, Loïk Le Floch-Prigent était ingénieur diplômé de l’Institut polytechnique de Grenoble. Passionné par l’industrie, il s’illustre d’abord dans le service public avant de diriger plusieurs grands groupes français.

Il a été président de Rhône-Poulenc, PDG d’Elf Aquitaine, puis président de Gaz de France et de la SNCF, où il a défendu avec force la modernisation industrielle et énergétique du pays.

Homme de caractère, il affronte avec dignité les épreuves judiciaires liées à l’affaire Elf, assumant seul ses responsabilités.

Devenu ensuite consultant international, notamment en Afrique, il n’a jamais cessé de défendre la place de l’industrie dans l’économie française. Auteur engagé, conférencier respecté, vice-président d’ETHIC, il laisse l’image d’un homme brillant, fidèle à ses convictions, passionné et visionnaire.

Avant qu’il rejoigne le Mouvement ETHIC, je lui avais demandé : « Mais pourquoi avez-vous fait de la prison ? » Il m’a répondu : « Parce que j’ai donné de l’argent partout et à tout le monde. » Ce que j’ai appris ensuite, c’est que, contrairement aux patrons qui laissent punir les intermédiaires à leurs ordres, Loïk Le Floch-Prigent a fait de la prison parce qu’il a toujours refusé de donner un seul nom, dans quelque pays que ce soit. Il a ajouté : « Je suis le chef, c’est moi qui suis responsable et qui dois payer. » Être éthique, c’est ça. L’éthique est dans le juste comportement d’un homme face à sa conscience, quelles que soient les circonstances. Ce fut le cas. Le Conseil d’administration d’ETHIC l’avait accepté en son sein justement pour ses qualités morales. C’est de tempéraments comme cela dont nous avons besoin, dans le monde de l’entreprise et dans le monde politique.

Certaines de ses décisions ont été contestables : il en a assumé très largement les conséquences. Il a tout rattrapé par son dévouement au développement économique du pays. Nous sommes fiers qu’il se soit impliqué, y compris en tant que président de la branche industrie à ETHIC avec l’engagement et la sagesse de ses conseils. Revenir sur son parcours professionnel brillant n’est pas nécessaire face à la qualité de l’homme, qui dépassait tout. Jusqu’au bout, il nous a fait honneur. Je dirais comme Aragon : «Que, malgré tout, cette vie fut belle.»

Ardisson, ce fils de pub

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Thierry Ardisson photographié en 1992 © COLIN MAX/SIPA

Le publicitaire Pierre Berville a fait ses premières armes avec Thierry Ardisson dans la même agence il y a cinquante ans. Il salue la mémoire d’un ami fidèle, bourré de talent et de paradoxes.


Depuis que je le connais, Thierry Ardisson a toujours illustré un réjouissant mélange de travail, de culot et d’une certaine inconscience. Quand nous avions vingt ans, il y a un demi-siècle, nous débutions ensemble dans la même agence de publicité. Dans J’enlève le haut, mon livre de souvenirs de ces années, j’écrivais : « Il balade déjà son sourire éclatant et son bagout dans tous les couloirs. Sa famille est des Alpes-Maritimes et il a le verbe sonore. Étymologiquement, c’est d’ailleurs le sens de son patronyme. Déjà totalement accaparé par l’ambition, mais avec une sorte de naïveté attachante, c’est un personnage. Comme beaucoup de provinciaux, Thierry ne veut rien rater de la vie parisienne. Il est de toutes les tendances, de tous les événements. On sent qu’il n’est pas monté à la capitale pour rien. Il lui faut des choses à raconter quand il retourne à la maison. Qu’est-ce qu’ils vont être épatés dans son pays niçois ! Il en veut. Il passe ses nuits dans les boîtes où il faut être et ses journées à l’agence. Il est toujours entre deux rendez-vous. Un jeune homme bourré d’énergie, entre autres… »

Par la suite, poussé par ce besoin de reconnaissance, Thierry osera tout. La réclame, la création d’entreprise, l’édition, le business, le lancement de magazines, la production de longs métrages et bien sûr la télé : il en poussera toutes les portes, et la dernière avec des succès innovants qui marquèrent l’histoire du media.

A lire aussi: Pour avoir ton brevet, révise en écoutant France inter!

Il m’avait fait porter L’homme en noir, son dernier livre au titre prémonitoire dont je n’avais pas totalement saisi le sens (j’ignorais sa maladie). Il y raconte une discussion avec Daniel Filipacchi, playboy et grand homme de médias qu’il admirait beaucoup. À sa question de midinette « Comment avez-vous fait pour réussir ? », le multimillionnaire avait fait cette réponse parfaite : « J’ai fait tout ce que je pouvais ! » C’aurait pu être la devise de Thierry.

Le nombre de ses paradoxes frôlait l’infini. Il se revendiquait royaliste et guillotinait l’aristocratie de la hype à coups d’interviews féroces ; et il décéda un 14 juillet ! Il se fichait d’humilier ses invités en promo mais se proclamait à juste titre – je l’ai constaté souvent – aussi gentil que méchant. Après avoir éreinté sans nuance le youtubeur Squeezie, il monta sa propre chaîne sur YouTube. Sincère amoureux du cinéma, il ne produisit que des nanars. Lui qui semblait n’aimer que lui et affectionner le libertinage révérait Audrey, sa femme adorée, et pleurait en public aux déclarations affectueuses de ses enfants. Il ne supportait pas d’être dans l’ombre mais révéla bien des talents.

Depuis toujours, en sale gosse attachant que rien n’arrêtait dans son désir de faire l’intéressant, il excellait à sortir des sentiers battus du paf. Son amour des coups d’éclat lui donnait du courage. Il n’hésita pas à dénoncer nommément David Hamilton, le photographe violeur de Flavie Flament, ni à partir en guerre contre Bolloré, son ex-employeur. Cette volonté de briller à tout prix était aussi sa faiblesse. Ses détracteurs retiennent ses manips vis-à-vis de ses invités (ses invitées surtout), son manque de scrupule à plagier idées et concepts (même pour en faire de grands succès), ses dérapages malheureux (il regretta rapidement son dernier Gaza = Auschwitz qui ne lui ressemblait pas).

Cinquante ans après nos débuts, il nous arrivait encore de déjeuner ensemble. Sans doute fatigué d’avoir beaucoup fait parler les autres, il parlait beaucoup de lui, toujours avec un nouveau projet sur le feu. C’était tout sauf ennuyeux. Je l’aimais beaucoup.

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