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Dépenses publiques: le crépuscule des magiciens

Argent magique et pensée magique : le débat économique et budgétaire relève en France du chamanisme


Dépenses publiques: le crépuscule des magiciens
OpenAI / Causeur.

Après quarante ans d’addiction à la dépense publique, la France est incapable de se serrer la ceinture. Le débat budgétaire ne reposant que sur l’argent et la pensée magiques, les sources d’économies proposées sont dérisoires et les hausses d’impôts inévitables. Tel est l’héritage d’une extrême gauche nommée PS.


En mettant en cause le tropisme français pour la dette, les déficits et donc la dépense publique irraisonnée, François Bayrou a déchiré pendant quelques jours le voile impudique de notre irresponsabilité collective. Panique chez les chamanes en charge de notre culture économique, le pot aux roses (socialistes) menaçant d’être découvert, il était nécessaire d’en remettre un coup sur le druidisme financier et les fantasmes comptables qui guident nos responsables politiques, médiatiques ou syndicaux depuis quatre décennies.

Harry Potter à Bercy

Pour ces sorciers, nos déficits n’ont bien sûr rien à voir avec le niveau de nos dépenses – jamais à la hauteur des véritables besoins d’une population victime, à les entendre, d’une austérité ultra-libérale – mais tout avec le niveau, anémique, des recettes, grevées des fameux « cadeaux aux riches ». Et que je te sors la taxe Zucman de mon chapeau (ça change de l’antienne du retour de l’ISF), mais ça ravit toujours le même public : ceux qui ne seront pas concernés ou n’ont jamais créé une entreprise. Un bon impôt est en effet celui payé par les autres. Faire remarquer aux adorateurs du percepteur les différents records d’inspiration soviétique que ce pays affiche – 57 % du PIB consacré aux dépenses publiques ; un taux de prélèvement obligatoire himalayesque (43 %) ; 10 % des plus riches qui paient 75 % de l’impôt sur le revenu – vous vaudra d’être souffleté à coups d’amulettes. Préparez-vous à voir votre poupée vaudou transpercée de multiples aiguilles s’il vous prenait l’idée saugrenue de vous assurer que les « zucmanolâtres » savent distinguer revenus du patrimoine – Éric Coquerel, LFiste et président de la commission des Finances à l’Assemblée, lui, ne le sait pas. C’est un peu comme si votre garagiste ignorait la différence entre un pneu et une boîte de vitesses, mais c’est aussi une bonne illustration de l’incurie globale. C’est à la hache que la figurine à votre effigie sera nuitamment coupée en deux, si vous vous aventuriez à souligner que les inégalités en France figurent dans la moyenne basse de l’Union européenne et qu’elles n’ont pas beaucoup évolué depuis 2017. Elles sont stables pour les revenus et ont enregistré une hausse modérée en termes de patrimoine, une augmentation massivement liée à celle de l’immobilier, elle-même corrélée à la politique de taux d’intérêt très faible… inconsciemment plébiscitée par tous les Français, puisque ces taux bas nous ont permis d’accumuler déficits et dettes bon marché. Alors certes, que certaines optimisations fiscales à base de mystérieuses holdings (ça sonne un peu comme hold-up) puissent être reconsidérées, pourquoi pas. Espérer en retirer plus d’un milliard par an, alors que nous sommes face à un déficit récurrent de 170 milliards, c’est nommer Harry Potter à Bercy. Une pensée magique dans laquelle on confond millions et milliards allègrement. Pourquoi ? Parce qu’on s’en fout.

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Autre cible démagogique du vaudouisme franchouillard, les rémunérations des élus et autres ministres seraient exorbitantes. « On n’a qu’à commencer par faire des économies, là. Non, mais c’est un peu vrai ? » Édith Cresson, jadis célèbre pour la brièveté de ses responsabilités de Premier ministre — un bail emphytéotique désormais aux yeux des Attal, Barnier, Bayrou, Lecornu –, Édith, donc, ne se vit retirer son chauffeur qu’en 2016, soit vingt-quatre ans après sa sortie de Matignon. On peut en faire des gorges chaudes sur les réseaux sociaux, le nouveau zinc depuis la disparition des bistros, mais penser trouver là des sources d’économies significatives ressemble à une échappatoire désespérée. Nos ministres et nos députés sont plutôt moins bien rémunérés qu’ailleurs et le coût global de notre démocratie (présidence de la République, Assemblée, Sénat, tous élus locaux confondus) s’élève à 3 milliards d’euros, sur un total de dépenses publiques supérieur à 1 700 milliards : 0,2 %. O.K. ? Une baisse de moitié découragerait définitivement tout candidat un peu cortiqué à des responsabilités électorales, sans rien régler à nos déficits.

Économies sur l’immigration: pas de miracle

Les étrangers et leur protection sociale – choquante lorsque non assise sur des contributions ou supérieure à celle des citoyens français – recèlent une piste plus sérieuse d’économies, pourtant âprement non débattue (10 milliards ? plus ?). Mais elle ne constitue en rien une baguette magique qui permettrait d’épargner aux Français des efforts significatifs. À commencer par ces satanées retraites auxquelles la France consacre la bagatelle de 22 % de ressources supplémentaires qu’ailleurs – 14,5 % du PIB chez nous, 11,9 % chez nos voisins, soit une différence de 75 milliards (!). Non, le système de retraite par répartition n’est pas sauvable, ni à 62, ni à 64, ni même sans doute à 68 ans (et encore moins à 60 !). Au demeurant, les Français le savent parfaitement, puisqu’ils ont un taux d’épargne quatre fois plus élevé qu’aux États-Unis et supérieur à l’ensemble des pays comparables. Ils votent donc, en secret, pour la capitalisation tout en exigeant le renflouement du Titanic de la répartition, dont l’équation démographique est mathématiquement intenable : trop de vieux, qui vivent trop longtemps sans avoir fait assez d’enfants. Au secours Harry Potter !

Rétive à se serrer la ceinture après quarante ans d’addiction à la dépense publique, la France se raconte à elle-même des billevesées. Concluons par l’une des meilleures blagues du paysage politico-médiatique : non, le Parti socialiste français n’est pas un parti « social-démocrate ». Cherchez ailleurs en Europe ou dans le monde un mouvement prônant la taxation frénétique de toute réussite, la hausse infinie des prélèvements obligatoires, l’extension sans limites de l’intervention de l’État, l’ignorance de tout péril migratoire ou sécuritaire – vous ne trouverez que des mouvements classés à l’extrême gauche. Justice fiscale ! Pour le PS, comme pour toute la gauche, il n’y a qu’en matière de fiscalité que la justice s’apparente à une matraque. Tout en ayant perdu la moitié des élections, c’est pourtant lui qui nous aura gouverné – et tapé fort – de 1981 à 2025 inclus. Si ça, c’est pas de la vraie magie…

Novembre 2025 – #139

Article extrait du Magazine Causeur




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Diplômé d'HEC, il a travaillé de nombreuses années dans la presse ("Le Figaro", "Le Nouvel Obs", "Libération", "Le Point", etc.). Affectionnant les anarchistes de droite tels Jean Yanne ou Pierre Desproges, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes de Michel Audiard. On lui doit deux livres de référence sur le sujet : Le Dico flingueur des Tontons et L'Encyclopédie d'Audiard (Hugo & Cie).

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