Accueil Édition Abonné Mourir pour Kiev

Mourir pour Kiev

Le regard libre d’Elisabeth Lévy


Mourir pour Kiev
Fabien Mandon et Emmanuel Macron, Paris, 11 novembre 2025 © Eric TSCHAEN- Pool/SIPA

Les propos tenus par le général Mandon devant les maires mardi soir offusquent nombre de commentateurs et les politiques capitulards. «On a tout le savoir, toute la force économique et démographique pour dissuader le régime de Moscou (…). Ce qu’il nous manque, et c’est là où vous avez un rôle majeur, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est (…) Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production défense, alors on est en risque» a affirmé le militaire. Elisabeth Lévy estime qu’il a raison: ne dit-on pas qui veut la paix prépare la guerre ?


Devons-nous nous préparer à voir nos enfants mourir à la guerre, comme le dit le général Mandon ? Tout le monde a retenu cette phrase parce que le mot « enfant » empêche de penser. Pourtant, le Chef d’état-major des armées (CEMA) n’a fait que développer, certes brutalement, l’idée que pour avoir la paix, il faut préparer la guerre. Ça s’appelle la dissuasion. Appliqué au présent, cela signifie que, si l’Europe est faible, Poutine pourrait, après l’Ukraine, attaquer frontalement des membres de l’OTAN (on pense aux pays baltes qui sont très inquiets). En tout cas, il s’y préparerait pour l’horizon 2030, selon les renseignements allemands. Dès lors que nous appartenons à cette alliance qui est la traduction militaire de la solidarité occidentale, si cela se produit nous serons automatiquement en guerre. Et une guerre, ça demande des soldats. D’où la volonté de rétablir le service militaire (sur une base volontaire) et de moderniser nos armées. Ce scénario est suffisamment plausible pour que plusieurs pays européens (comme l’Allemagne et la Belgique) songent aussi à rétablir la conscription. Tous l’avaient supprimé au tournant du XXIème siècle quand on croyait que la victoire de la démocratie libérale et du marché annonçait la fin de l’histoire.

Anti-macronistes primaires et capitulards

Mais devons-nous mourir pour Kiev ? Il ne s’agit pas de l’Ukraine, mais de savoir si nous pouvons tolérer qu’une puissance menaçante et impériale dicte ses volontés au continent. Et si nous sommes prêts à prendre le relais des Américains pour assurer notre sécurité. De plus, la Russie n’est pas la seule menace. Le djihadisme qui gangrène l’Afrique aussi.

A lire aussi, éditorial: Liberté, retiens nos bras vengeurs

Le général Mandon s’inquiète que nous n’ayons plus la force d’âme pour nous défendre. Quand j’entends Philippot et Mélenchon dénoncer ce discours anxiogène qui vise à nous faire peur pour mieux nous asservir, je me dis que le CEMA a raison. Comme tous les pacifistes, ces capitulards pensent que c’est eux qui choisissent l’ennemi. Ils se trompent lourdement.

Nous sommes une génération privilégiée

Nous n’avons connu que la paix, si bien que nous pensons qu’elle est la norme et surtout qu’elle est un dû. Nous avons oublié que la guerre existe, et qu’un pays souverain doit être prêt à se défendre – donc à voir mourir certains de ses enfants. D’ailleurs n’oublions pas que beaucoup sont déjà morts au Mali ou ailleurs. Ceux qui demandent aujourd’hui s’il faut mourir pour Kiev ne sont pas prêts à mourir pour la France ni pour rien, sauf peut-être pour l’indexation de leur retraite.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale au micro de Patrick Roger




Article précédent La nation, au défi d’une jeunesse francophobe
Article suivant Je suis un film noir
Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération