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Elisabeth Lévy: « Nous avons fait cette une pour alerter sur un phénomène »

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Vendredi dernier, notre directrice de la rédaction était invitée chez Cyril Hanouna, au sujet de notre dernière Une...


Causeur vous propose de visionner la séquence et le débat, pour le moins animé. Avez-vous regardé l’émission ? Qu’en avez-vous pensé ?

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La diversité, cette maladie chronique de la démocratie française


Plusieurs voix s’élèvent contre l’offensive d’Éric Zemmour en lui reprochant d’ignorer les véritables préoccupations des Français. Elles avancent que les Français sont inquiets de l’érosion du pouvoir d’achat, de la hausse du chômage et du changement climatique. L’Islam et l’immigration seraient des problèmes parmi d’autres. C’est drôle : les mêmes n’ont pas dit un mot lorsque Macron et Castex ont éteint les lumières sur le débat public pour cause de pandémie ! Cela fait presque deux ans que le covid est la seule priorité que le gouvernement daigne aborder, le seul problème dont il se sent responsable.

Taquinerie à part, la question est extrêmement intéressante sur le fond. En effet, la diversité est une machine à polluer le débat public : elle intoxique l’agenda politique et détourne l’attention des sujets les plus nobles et fascinants.  Elle met sur le devant de la scène des thèmes à la charge symbolique explosive et d’autres, moins sensibles, mais tout à fait stériles.

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En tête des sujets explosifs qui phagocytent le débat : l’islamisme et l’ensauvagement. Ce sont deux « cadeaux » que l’immigration a fait à la France. Par leur nature, ils déstabilisent totalement la société qui se retrouve, pour la première fois depuis longtemps, confrontée à la peur. La peur primaire que ressent la proie face à son prédateur, la peur de perdre son habitat et son territoire ; la peur de la femme face au risque du viol ; la peur de l’homme qui mesure qu’il ne peut plus défendre sa famille d’une agression extérieure, ce qui le rend absolument « inutile » sur le plan symbolique ; la peur causée par le spectre de la mort violente pour des raisons futiles (le « mauvais regard »), la terreur suscitée par le fanatisme religieux et la perspective d’une guerre religieuse sur le sol français. N’oublions pas que la France est un pays de guerre civile : les Huguenots contre les Catholiques, les révolutionnaires contre les monarchistes, Vichy contre la gauche. Tous ces conflits ont été habités par le fanatisme idéologique et religieux, cette expérience a laissé des traces, et elles sont réveillées à chaque « escarmouche » entre le peuple de souche, déchristianisé, et le peuple immigré, majoritairement musulman.

Cette peur s’empare des esprits et des coeurs. Elle relativise tous les autres sujets, même les plus structurants comme la politique énergétique ou environnementale. La peur nous « dégrade » et nous remet à notre condition animale : je survis ou pas ? je suis une proie ou bien un prédateur ?

Impossible de demander aux passagers du bus de Bayonne dont le chauffeur a été lynché par des jeunes immigrés de se préoccuper du changement climatique ! Ils ont été durablement traumatisés et exigent que justice soit faite avant de penser à autre chose. Impossible de demander à une femme qui se fait harceler dans la rue du matin au soir de se passionner pour des questions d’urbanisme ! Quand l’intégrité physique et morale est en jeu, les sujets techniques deviennent soudain étonnement lointains et futiles.

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D’autres sujets moins dramatiques polluent tout autant les esprits des Français et les détournent des grandes questions de notre époque. Je pense par exemple aux querelles minables sur la représentativité et qui se réduisent au final à calculer le taux de mélanine dans le sexe de l’ange. Quand on ne se chamaille pas sur les « discriminations », on se dispute sur les violences policières prétendument infligées à un voyou. L’on perd un temps « de dingue » sur des polémiques stériles impliquant des racailles dont le Q.I et la contribution sociale sont nulles.

Parmi les questions minables, il y a le sujet du Ramadan. La France, au lieu de réfléchir à la relation avec la Chine ou à la conquête spatiale, se retrouve à aménager les horaires des écoles ou à modifier les dates des examens académiques. L’on peut dire la même chose de la fête du mouton et de ses querelles éternelles sur la protection des animaux, les lieux d’abattage et l’hygiène. Ça ne vole pas très haut…

Donc si l’on veut réellement renouer avec les sujets qui importent vraiment, il convient de régler le problème de l’immigration. Sinon, la France aura de moins en moins de temps et « d’espace cerveau disponible » à consacrer aux enjeux qui en valent vraiment la peine.

Maryam Monsef: une féministe pro-talibans?

Nos frères talibans…


Le retour au pouvoir des talibans, ces champions incontestés de la misogynie, a eu l’effet imprévu de lancer un concours de gaffes parmi les féministes de la planète. La Française Sandrine Rousseau, candidate à la primaire des Verts, a mis la barre assez haut quand, lors d’un débat sur BFM TV, elle a semblé affirmer qu’il valait mieux avoir des terroristes potentiels en France pour pouvoir les surveiller, propos qu’elle a ensuite qualifiés de « maladroits ».

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Mais elle est concurrencée par la Canadienne Maryam Monsef, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres dans le gouvernement de Justin Trudeau (qui cherche à se faire élire pour la troisième fois le 20 septembre). Lors d’une conférence de presse, le 25 août, avant de demander au nouveau régime de Kaboul d’assurer l’évacuation de tous ceux qui voulaient quitter l’Afghanistan – demande quelque peu naïve –, elle lance cette phrase : « Je profite de cette occasion pour m’adresser à nos frères les talibans. » L’esclandre est immédiat, la plupart des Canadiens ne comprenant pas qu’une féministe puisse appeler « frères » des guerriers pratiquant la charia la plus stricte. Elle invoque un usage courant parmi les musulmans qui consiste à appeler « frères » des hommes, quels qu’ils soient. La crédibilité de Mme Monsef a déjà été mise à mal par un scandale datant de 2016 : ayant rejoint le gouvernement de Trudeau l’année précédente, elle avait mis en avant son statut de première députée d’origine afghane, avant qu’un quotidien révèle qu’elle était née en Iran.

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Toutes les féministes séduites par leurs frères talibans et souhaitant avoir plus de contacts avec eux pourraient voir ce vœu exaucé : le nouveau gouvernement afghan risque d’hériter de son prédécesseur un siège dans la commission des Nations unies sur la condition de la femme.

Frexit: les souverainistes éparpillés comme jamais

Philippe Murer envisage un remède à la division du camp national


Des personnalités souverainistes sonnent l’alarme dans une tribune parue vendredi dans Valeurs Actuelles. La multiplicité des périls auxquels la France fait face la menace dans son existence même. Le paradoxe posé est simple : les souverainistes qui disent vouloir sauver la France peuvent-ils être éparpillés en une multitude de candidatures à l’élection présidentielle, risquant ainsi la défaite et cinq ans de naufrage supplémentaire à la France ? Ne nous laissons pas aveugler par la colère, sauver la France signifie battre Macron mais aussi tous les candidats équivalents à Macron, de Yannick Jadot à Xavier Bertrand en passant par Valérie Pécresse et Anne Hidalgo.

Dans cet article, je ne m’exprime bien entendu qu’à titre personnel. 

Frexit ou pas Frexit ?

Pour l’élection présidentielle de 2022, le camp national sera divisé en une multitude de factions : RN eurocritique, Florian Philippot et François Asselineau en frexiteurs assumés, Nicolas Dupont-Aignan pour une Europe des Nations libres, Georges Kuzmanovic en souverainiste de gauche, possible frexiteur et Eric Zemmour dont la position sur la souveraineté et l’indépendance nationale est fluctuante. Tous ces candidats défendent la réduction voire l’assèchement des flux d’immigration, une politique d’assimilation et la défense de l’identité, à des degrés là aussi différents. La défense de l’identité et de la souveraineté sont éminemment complémentaires. Un gouvernement ne peut pas défendre l’identité nationale (ne serait-ce qu’arrêter les flux d’immigration) s’il n’a pas de souveraineté nationale, de pouvoirs réels pour le faire. Détenir la souveraineté nationale, pouvoir définir où l’on va sans savoir qui l’on est, sans défendre son identité n’a pas de sens.

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Le RN dit défendre la nation et le camp national contre le mondialisme tout en restant dans l’UE et l’euro. Si ses porte-paroles reconnaissent que l’UE affaiblit profondément la France, ils refusent de rétablir la souveraineté nationale pour arrêter l’hémorragie et préfèrent se battre pour tenter d’atténuer les effets néfastes de l’institution européenne sur notre pays. Cette année, Marine Le Pen a décidé qu’il fallait rester dans la CEDH ; même l’européiste Michel Barnier a reconnu que les textes juridiques de la CEDH empêchaient de réguler les flux d’immigration. Marine Le Pen veut aussi rester dans Schengen même si l’absence de frontières qu’impose cet accord entraîne l’incapacité de contrôler qui entre en France et donc d’avoir une politique d’immigration. En conclusion, le RN défend la France en paroles mais n’a pas de projets pour la défendre en actes forts s’il arrivait au pouvoir. Conséquences de ces revirements : une partie importante de ses électeurs n’ont pas voulu se déplacer pour les élections régionales, lui faisant subir une défaite, après avoir été tancés par les dirigeants pour désertion après le premier tour. Ces dernières années, l’unique point fort du RN était sa position de grand parti national susceptible de faire de gros scores électoraux. Les électeurs français s’y ralliaient tant bien que mal pour peser face à Macron. Si ce dernier point fort s’efface, le risque de chute brutale du RN est important. À moins d’un tête-à-queue idéologique du RN, qui lui serait préjudiciable quatre ans après le précédent tête-à-queue, on comprendra que s’allier avec le RN pour la présidentielle n’a pas de sens pour les autres partis du camp national.

Si j’étais président de la République…

Les autres partis évoqués se disent souverainistes à des degrés différents et défendent avec des propositions différentes la cause nationale.

Florian Philippot et François Asselineau défendent tous deux une sortie de la France de l’Union Européenne et le rétablissement rapide de la souveraineté nationale. Leurs positions sont connues et ils sont des gaullistes convaincus. Leurs différences sur le fond sont faibles. Il n’y a que quelques différences sur la forme. Asselineau défend un référendum sur l’immigration quand Philippot veut arrêter les flux d’immigration.

Nicolas Dupont-Aignan avec son parti Debout la France se présentera aussi à l’élection présidentielle. Il est aussi gaulliste, a pour projet une « Europe des Nations libres et des coopérations concrètes » et le rétablissement de la souveraineté nationale. Nicolas Dupont-Aignan veut arrêter les flux d’immigration.

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Georges Kuzmanovic et son parti République Souveraine est ce qui reste de la partition souverainiste de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2017. Il fut évacué de la France Insoumise car il veut « ralentir ou assécher » les flux d’immigration et il est partisan de l’assimilation. Voici ses mots sur la souveraineté nationale : « Je ne suis pas un fétichiste du Frexit, mais quelle que soit l’option choisie en fonction du rapport de force et des circonstances, elle devra être une voie de rupture avec cette Union Européenne, légitimée par un référendum populaire ». Il se présente aussi à l’élection présidentielle.

Probablement candidat, Eric Zemmour est l’inconnu de cette élection présidentielle. Tout le monde connaît ses positions claires et affirmées sur l’identité nationale et les flux d’immigration. Si en tant que journaliste, il fut partisan de la sortie de l’euro et défenseur de la souveraineté nationale, ses positions en tant que candidat à l’élection présidentielle relèvent du point d’interrogation. Une question clé s’impose. L’Union Européenne ayant une politique constamment très favorable à l’immigration serait vent debout contre un Zemmour président qui voudrait arrêter les flux d’immigration en France ce qui ouvrirait la voie à un arrêt dans tous les pays d’Europe qui le voudraient. Puisque Zemmour et l’Union Européenne seraient dans un bras de fer sur l’immigration, la BCE, bras armé financier de l’Union Européenne répliquerait, comme d’habitude, en asphyxiant financièrement la France comme elle a asphyxié la Grèce et commencé à asphyxier l’Italie du gouvernement Italien Salvini fin 2017. Cette politique de la BCE avait vidé les distributeurs d’argent en Grèce, fait monter les taux grecs à des niveaux stratosphériques jusqu’à ce que le gouvernement grec plie. Cette politique avait fait monter les taux italiens au niveau très inconfortable de 4% jusqu’à ce que le gouvernement Salvini change ses projets pourtant modestes sur le budget et plie. Dans ce combat sur les flux d’immigration, un Zemmour président aurait trois choix.

  • Le choix de continuer ses projets sur l’immigration et de laisser l’économie française s’asphyxier lentement à cause du manque de liquidités fournies par la BCE ; ce n’est pas un choix envisageable. 
  • Le choix de négocier avec l’Union Européenne sur les projets sur l’immigration et de plier en échange du soutien en liquidités à l’économie française ; dans ce cas, voter Zemmour n’aurait pas servi à grand-chose pour ses électeurs. 
  • Le choix de gagner le bras de fer sur les flux d’immigration en coupant le nœud coulant financier qui détruirait l’économie française, c’est-à-dire en sortant de l’euro sur le champ pour fournir l’économie en liquidités. Cela demande des convictions sur le sujet et une vraie préparation à ce combat que suppose tout bras de fer avec l’Union Européenne. Sortir de l’euro pour pouvoir appliquer sa politique d’immigration signifierait d’ailleurs à terme sortir de l’Union Européenne. 

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Ceci démontre une fois de plus que la défense de l’identité nécessite le rétablissement de la souveraineté nationale, à moins de considérer l’identité comme un folklore local qui ne se paie que de mots.

Pour la France, mettre les égos de côté

Nous pourrions évoquer pour finir l’ex-ministre Arnaud Montebourg mais ses positions sur la souveraineté nationale, l’identité et l’immigration sont tout sauf claires. Il refuserait sans aucun doute toute discussion avec nombre de candidats souverainistes qui pour la gauche classique sont « l’extrême-droite ».

Nous l’avons vu, à l’exception de Zemmour dont les positions finales sont inconnues, les différences réelles de ces candidatures sont factuellement peu importantes au regard des points communs et des enjeux. Qui plus est, les différences entre les candidats souverainistes, Zemmour compris, sont dues en partie à la nécessité d’être différents et de disposer d’un créneau politique viable, de survivre politiquement. Ne leur jetons pas la pierre, en ce monde nécessité fait loi. Cependant, retenons que nombre d’entre eux ont des positions et des projets pour la France finalement très proches dans le débat public et des positions encore plus proches dans leur for intérieur. Ainsi, se rassembler autour d’une table pour discuter d’un éventuel programme commun de salut public, d’un programme de sauvetage de la France loin du débat public, hors de toute stratégie politicienne, peut tout changer. Dans une France au bord de l’abîme, l’intérêt général commande une telle approche. Même la question la plus épineuse, « qui sera le candidat si un accord était trouvé ? », a une réponse potentielle. Chaque représentant à la table de discussion pourrait voter pour un candidat à l’exception de lui-même. Celui qui rassemble le mieux tous les autres autour de son nom serait la tête de file naturelle pour défendre la France, les autres et leurs troupes étant des généraux précieux dans la bataille qui s’annonce. 

L’avantage d’une candidature rassemblée est immense : disposer d’un niveau correct de sondage et d’une bonne exposition médiatique, sachant qu’un bon niveau de sondage permet une bonne exposition médiatique et inversement. Les électeurs ont tendance à voter pour les candidats qui ont des chances de gagner et les journalistes ont tendance à les inviter, leur permettant de convaincre leurs électeurs potentiels. 

Enfin, voici ce que pensent les électeurs des petits partis souverainistes : puisque ces candidats veulent sauver une France qu’ils savent en perdition, ils ne sont pas cohérents en n’essayant pas de s’allier pour donner une chance à la France. S’ils ne s’allient pas, c’est à cause de leurs égos. La conclusion est impitoyable et explique les faibles scores de ces partis aux dernières élections malgré la popularité des thèmes de la souveraineté et de l’identité : je n’irai pas voter pour eux car ils trop petits et qu’ils ne sont pas au service de l’intérêt général mais au service de leurs égos. 

Quoi que partiellement fausse puisque la survie politique commandait souvent ces approches dans le passé, cette thèse fait des ravages. Inversement, un déblocage de la situation par la discussion et la tentative d’adopter un programme de salut public pourrait faire des miracles, démontrant la volonté indéfectible des candidats de sauver leur pays. La progression d’une candidature rassemblée pourrait alors être très rapide. Par contraste, ce sont les autres candidats à l’élection présidentielle qui sembleraient défendre leurs égos aux yeux de l’opinion et subiraient une certaine décrédibilisation.

N’oublions pas que les différences exprimées et les divisions sont le fruit du passé. Elles ne doivent pas obérer l’avenir, elles ne doivent pas empêcher le sauvetage de la France.

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Roland Jaccard a tenu parole

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Notre ami Roland Jaccard s’est suicidé lundi 20 septembre.


Roland Jaccard a mis fin à ses jours hier, lundi 20 septembre. Nombre de ses amis ont reçu un courriel matinal indiquant qu’il était sur le point de partir, qu’il tirait sa révérence. Pour moi, c’était à 8h09. Avec pour objet « Une leçon de dandysme helvétique » et les phrases suivantes dans le corps du texte : « Tu es un des seuls à m’avoir compris! Amitiés vives ! » 

Roland m’a fait beaucoup d’honneur. Nous n’étions peut-être pas beaucoup à l’avoir compris, mais il y en avait tout de même quelques-uns. À l’avoir compris et à l’avoir aimé. J’ai trainé un vilain pressentiment, toute la matinée, mais j’étais face à des étudiants et je me suis promis de l’appeler dès la pause de midi. Deux coups de téléphone de Gil Mihaely puis d’Elisabeth Lévy m’ont indiqué que c’était devenu inutile.

https://twitter.com/ELevyCauseur/status/1439931484224229384

J’ai été sidéré mais pas surpris. Sidéré parce que, tout de même, la mort d’un ami, d’une de ces amitiés littéraires transformée en affection réciproque avec le temps, c’est une espèce de bloc d’abîme au creux de l’âme et des tripes, un bloc d’abîme que connaissent tous ceux qui apprennent la disparition brutale d’un être cher. 

A relire, Roland Jaccard: La laitière et l’étudiant de Sciences-Po

Mais je n’ai pas été surpris : qui connaissait Roland savait que le suicide était chez lui un thème récurrent, une obsession, une porte de sortie presque rassurante. Le suicide est cette liberté terrible des stoïciens, et il y avait du stoïcien chez Roland au-delà de son hédonisme élégant, résumé ainsi par Marc-Aurèle dans Pensées pour moi-même : « Il y a trop de fumée ici, je m’en vais ». Le suicide, Roland connaissait : en leur temps son père et son grand-père avaient eux aussi choisi la nuit. Il écrivait dans « Les Carnets de mon père », un de ses « Billets du vaurien » qu’il donnait chaque semaine à Causeur : « Soyons francs : nous avons aimé vivre une fois, mais nous n’aimerions pas recommencer. C’était aussi l’opinion de mon père. » C’est à 80 ans que son père avait tiré sa révérence. Roland a écrit et dit, souvent, qu’il n’avait pas l’intention de le dépasser en âge. Et de fait, il allait avoir 80 ans, le 22 septembre. Quand vous aimez quelqu’un, vous ne l’écoutez pas, ou vous ne voulez pas le croire. C’est oublier que derrière la désinvolture de Roland, derrière son élégante et éternelle dégaine d’adolescent filiforme, il était d’une terrible rigueur. Il n’épargnait personne de ses sarcasmes et surtout pas lui-même. Mais on se rassure comme on peut, quand on aime. Après tout, un de ses maîtres et amis, Cioran, n’avait-il pas dans toute son œuvre parlé du suicide comme seule solution rationnelle à l’horreur du monde sans jamais passer à l’acte ? 

Non, décidément, malheureux comme les pierres mais pas surpris : lundi 13 septembre, après des mois d’absence puisqu’il avait décidé de revenir vivre dans sa ville natale, à Lausanne, depuis le début de la crise sanitaire, il était apparu à une réunion de rédaction suivie d’un pot célébrant le départ d’un des nôtres. Il paraît évident, maintenant, qu’il était venu nous dire au revoir ou plus précisément, car là encore on méconnait trop souvent à quel point celui qui faisait profession de cynisme aimait l’amitié, il avait voulu passer un peu de temps avec nous une dernière fois. De quoi ai-je parlé avec Roland pour ce qui était, sans que je le sache, une ultime rencontre ? Je ne sais pas pourquoi, j’ai du mal à m’en souvenir. Je voudrais vous dire qu’il avait donné des indices implicites, ce ne serait pas vrai. Il avait son flegme habituel, son sourire oriental, son exquise courtoisie d’homme qui a perdu depuis longtemps toute illusion mais qui n’en fait pas un drame, courtoisie héritée de cette civilisation naufragée de la Mitteleuropa à laquelle avait appartenu sa mère autrichienne.

Je voudrais tout de même souligner, maintenant, son importance dans le paysage intellectuel français. Il a écrit des livres essentiels sur la psychanalyse avec laquelle il entretenait des rapports ambigus comme avec tout le reste, notamment L’exil intérieur en 1975. Il y disait d’une autre manière, ce que Debord avait cerné dans La Société du Spectacle : l’impossibilité dans le monde moderne pour les êtres de rencontrer d’autres êtres, et pire encore l’impossibilité pour l’homme de coïncider avec lui-même. Il a été aussi une des plus belles plumes du Monde comme critique des essais et surtout un éditeur hors pair aux PUF où sa collection, « Perspectives critiques », présente un catalogue de rêve. On lui doit la découverte d’André Comte-Sponville mais il a aussi publié Clément Rosset ou Marcel Conche et a assuré, à travers plusieurs autres auteurs, les noces de la philosophie et de la littérature : on y trouve ainsi les inclassables et tellement talentueux Romain Slocombe et Frédéric Pajak.

A relire, Roland Jaccard: L’internationale des dégoûtés du genre humain

Après, d’autres le réduiront sans doute à une légende qu’il a malicieusement entretenue dans ses journaux intimes dont le monumental Le Monde d’avant (1983-1988) paru au début de l’année dont nous avons rendu compte dans Causeur. Son amitié, jamais reniée, avec Matzneff malgré les brouilles, son goût pour les jeunes filles qui ressemblaient à son idole, Louise Brooks, ou qui venait de l’Empire du Levant. Sa manière de jauger et de juger les hommes à la manière dont ils jouaient au ping-pong et aux échecs. Une de ses grandes tristesses fut d’ailleurs la fermeture pour rénovation du Lutétia, où on pouvait le trouver tous les dimanches dans les salons où il vous mettait très rapidement échec et mat.

Au-delà de son refus de la postérité, celle qui consiste à avoir des enfants comme celle qui nous fait survivre à notre propre mort en étant encore lu dans vingt ou trente ans, le nihiliste Roland était un homme étonnamment soucieux de transmettre. Il refusait de l’admettre, il disait que je le taquinais, mais pourtant il suffit d’ouvrir un de ses livres pour avoir envie de lire les auteurs dont il parle : Cioran, bien sûr mais aussi son cher Amiel ou encore Paul Nizon. J’en oublie, forcément.

Je ne sais pas où est Roland désormais. Il se riait de mon communisme comme de mon catholicisme qui revient avec l’âge. Il n’empêche, je suis content d’avoir ses livres dans ma bibliothèque. Je vais le relire. C’est encore la meilleure des prières en même temps que le plus beau des hommages que je peux lui rendre. Le plus consolant aussi, car nous allons être un certain nombre, à Causeur et ailleurs, à avoir besoin d’être consolé.

Les inutiles

Bonnes feuilles de Dernière crise avant l’apocalypse (Editions Ring). Un extrait de l’essai de Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot.


Une partie trop importante de nos élites ne comprend en réalité pas le monde dans lequel elles évoluent. Enfermées dans un cocon intellectuel et relationnel, elles sont incapables de concevoir comment vit un agriculteur, un épicier, un artisan, un postier ou un instituteur. La ruralité est un mystère intégral pour la majeure partie de nos dirigeants qui n’enfilent des bottes pour marcher dans la boue que le temps d’une photo et d’une tape sur la joue d’une vache ou… de son éleveur. Ils n’ont aucune idée des difficultés du quotidien qu’affrontent les « Français moyens ». Et comme ils ne remplissent pas un papier ou un formulaire web par eux-mêmes, ayant des gens pour le faire à leur place, ils n’ont évidemment aucune idée des conséquences de leurs décisions. Celles-ci transforment les relations avec l’administration en bras de fer ; les courriers comminatoires que les « services publics » envoient automatiquement aux citoyens constituent un harcèlement permanent. La phobie administrative qui résulte de cette maltraitance numérique s’exprime de diverses manières, dont les manifestations de « Gilets jaunes ».

La fable du prix du carburant

C’est la bêtise d’une grande partie de l’élite administrative, l’ignorance des réalités et le mépris dont font preuve de nombreux membres de cette nouvelle noblesse de robe, bien plus que l’augmentation des taxes sur le carburant, qui ont provoqué le mouvement des gilets jaunes. Tel est le grand handicap de beaucoup de ceux qui se considèrent comme appartenant aux élites : ils n’ont pas assez de sens commun pour être proches du peuple, ni assez d’intelligence pour le gouverner efficacement. 

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Pour une bonne part, ces soi-disant élites sont composées de personnes dont l’intelligence est somme toute modeste, mais qui ont eu la chance d’habiter dans une grande ville, d’aller dans un bon lycée, et de pouvoir faire les études supérieures qui procurent de bonnes situations dans l’administration. En réalité, les savoirs concrets de ces personnes à qui sont confiées, assez souvent, d’importantes responsabilités, sont modestes, quand on les compare à ceux des agriculteurs, artisans, ouvriers, techniciens, commerçants, postiers et autres habitants de nos zones rurales que la colère provoquée par des décisions maladroites a conduit à protester revêtus de gilets jaunes. Nos « élites », preuve parmi d’autres de leur ignorance ou de leur incompétence, ont notamment été incapables d’empêcher le parasitage des manifestations de gilets jaunes par des voyous, casseurs et voleurs opportunément cagoulés et insaisissables. Des criminologues et spécialistes des questions de sécurité se demandent d’ailleurs si cela n’a pas été fait exprès, justement pour discréditer les gilets jaunes, alors que l’opinion leur était très largement favorable : un signe qui ne trompe pas, preuve supplémentaire de la déconnexion des élites d’avec le peuple. 

L’ensauvagement bienvenu

Nos « élites » auto-proclamées se sont-elles réjouies en catimini de cet ensauvagement qui a dépossédé les gilets jaunes de leur mouvement de protestation contre la bêtise bureaucratique ? C’est possible, car cette sauvagerie leur a permis de ne pas tenir compte de la protestation, en grande partie justifiée, d’une population laborieuse confrontée à un monde qui change brutalement et les laisse sur le bord de la route, fermant les usines à tour de bras pour délocaliser à l’étranger, ubérisant sans état d’âme tout ce qui peut l’être. Un responsable du syndicat UNSA-Police n’a- t-il pas déclaré à propos des « casseurs » : « on était en mesure d’intervenir, on ne nous a pas autorisé à le faire ? » Pourquoi donc, si ce n’est parce que la chienlit arrangeait une classe politique incapable de répondre aux demandes légitimes de la partie de la population que représentaient les gilets jaunes ? 

Ainsi est traitée la « France périphérique », celle qui subit les conséquences de la méconnaissance des problèmes par les hommes politiques chargés pourtant de les anticiper, et tout au moins de les résoudre. L’affaire des gilets jaunes est typique du parisianisme de nos gouvernants, assez doués pour arriver au pouvoir, mais beaucoup moins pour l’exercer au profit de leurs « administrés ». 

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>>> À suivre sur Causeur, un deuxième extrait Chine VS Etats-Unis: un conflit inévitable dans l’histoire du monde… <<<

Bensoussan, un accusé expiatoire?

Un exil français de Georges Bensoussan sort en librairie demain


Le moment de sortie du livre de Georges Bensoussan, Un exil français, ne pouvait être plus opportun: procès des tueurs islamistes de novembre 2015, 20e anniversaire du 11 septembre 2001, victoire des talibans en Afghanistan. Incontestablement l’islam et ses variants sont à la une de l’actualité. 

Une accusation infamante

Le récit que Georges Bensoussan fait de son affaire judiciaire dresse le bilan des démissions, abandons, couardises, aveuglements et complicités ayant conduit à sa mise en accusation. Ce bilan, impitoyable, pour notre temps – et on l’imagine bien, ô combien douloureux pour celui qui en fut la victime – raconte les quatre années durant lesquelles il eut à répondre devant la justice de l’accusation infamante de racisme. Assis sur les mêmes bancs que Dieudonné ou Soral, le rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah, le coordinateur du livre Territoires perdus de la République puis auteur de Une France soumise et de Juifs en pays arabes, la question interdite devait être démasqué pour ce qu’il était vraiment : un raciste antiarabe, acharné à détruire l’amitié chaleureuse et bienveillante existant depuis des siècles entre peuples arabes et Juifs. Quelle merveilleuse aubaine pour les salafistes antiracistes que de pouvoir prendre la main dans le sac de ses turpitudes, ce sioniste masqué !

Cette stratégie, inaugurée à Durban en 2001, permettant de clamer sa haine d’Israël et accessoirement des Juifs, au nom de l’antiracisme, fut donc jouée par trois fois au Palais de justice de Paris. Cette farce de mauvais goût, heureusement, n’eut pas le succès escompté. Par trois fois, en première instance, en appel et en cassation, les vertueux plaignants furent déboutés et Georges Bensoussan innocenté de ce dont il était accusé.

Quels comptes devait-il rendre devant la Justice ? Quelle était donc la faute de Georges Bensoussan ? Avoir cité en 2015 (de manière non exacte, et c’est sa seule erreur), au cours de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut, les propos d’un sociologue faisant état de l’antisémitisme trop souvent présent dans les mentalités maghrébines. Voilà que tous les dévots de l’antiracisme borgne y virent une agression intolérable. La place manque ici pour dire le détail des contre-sens produits par les argumentaires de l’antiracisme. La précision du récit de Bensoussan laisse le lecteur partagé entre l’accablement et le rire devant cet étalage de falsifications historiques et de dévoiements du sens des mots. Tout ceci serait dérisoire si le CCIF (Collectif contre l’Islamophobie en France ; aujourd’hui dissous pour ses accointances avec les réseaux islamistes) avait été le seul plaignant. Il était bien dans son rôle. Mais il faut croire que la lucidité ait également fait totalement défaut à d’autres, en particulier à gauche.

Malaise au Mémorial de la Shoah

Plus grave encore fut l’attitude des employeurs de Bensoussan, en l’occurrence le Mémorial de la Shoah. Comment cette instance a-t-elle été incapable de comprendre et de faire sien le travail d’investigation de l’historien ? L’histoire de l’antisémitisme ne s’est pas arrêtée avec le procès de Nuremberg et les ravages de l’antisémitisme sont toujours actifs à travers toutes ses métamorphoses, ses métastases négationnistes, terroristes. Quel déni du réel a inspiré les dirigeants du Mémorial pour se conformer aux vents dominants ? À quelles obscures raisons la mise à l’écart indigne de Bensoussan par sa direction a-t-elle obéi ? Par conformisme social ? Pour plaire au pouvoir ? Pour ne pas faire de vagues au-delà de la seule commémoration de la Shoah ? En refusant de regarder en face les menaces actuelles des divers épigones de l’islamo fascisme ou de l’islamo gauchisme, l’instance majeure de la lutte contre l’antisémitisme fait fausse route. Bensoussan aurait dû être défendu pour sa lucidité et son courage. Au lieu de cela ce fut le silence, et le mot est faible, le non-soutien.

Comment en France, dans les années 2000, une telle histoire a-t-elle pu exister ? Comment la Ligue des droits de l’homme, la LICRA ont-elles pu se joindre aux accusations et aux plaintes du CCIF ? Comment Mohamed Sifaoui, grand dénonciateur de la stratégie de l’islamisme, a-t-il pu joindre sa parole aux mots de l’accusation ? Comment la Justice a-t-elle pu déclarer recevable ces plaintes ? Comment, en première instance, l’avocat général, c’est-à-dire la représentante de l’État, dans une plaidoirie aussi inepte sur le fond que pédante dans sa forme, a-t-elle pu prendre le parti des accusateurs avec tant de fougue ? Ce premier moment du procès a rassemblé tous les acteurs et tous les discours qui ravagent aujourd’hui la société française. Comment ne pas faire le lien entre le passage à l’acte de terroristes massacrant aux cris de Allah akbar et des discours qui ont légitimé ces passages à l’acte ? La stratégie de l’islamisme militant est pourtant simple à mettre à jour : d’une part accabler le France de tous les maux, faire d’elle un Etat raciste, toujours colonialiste, possédant une police assassine d’immigrés, et d’autre part utiliser tous les moyens de la justice pour attaquer ceux qui dénoncent cette mise en scène. Le procès fait à Bensoussan s’inscrit dans cette stratégie.

Un récit douloureux

Comment ne pas prendre en compte les convergences idéologiques entre ceux qui tuent et ceux qui leur ont soufflé l’idée que leur lutte avait de bonnes raisons ? Comment ne pas être ébahi par le déni de réalité pratiqué par toutes les âmes indignées des idiots utiles (là aussi, le mot est faible) de l’islamisme ? Ce navrant spectacle, nous en payons aujourd’hui même le prix élevé et c’est l’immense mérite du travail de Bensoussan d’en démêler tous les fils.

Un exil français, le titre de ce livre est terrible. Il dit un drame intime, celui d’un homme, Français juif, ayant cru en la France, ayant travaillé son histoire et ayant cru et célébré ses pages de gloire tout en investiguant, méthodiquement, les parts sombres de l’histoire européenne. Cet historien des idées du sionisme autant que celles du monde arabe contemporain, connaît parallèlement les mouvements d’idées qui ont irrigué le XXe siècle, pour son meilleur et pour le pire. Le récit circonstancié qu’il donne ici à lire fait froid dans le dos. Quel est cet épisode qu’il a vécu ? Sonne-t-il le glas de nos dernières illusions, celles d’une citoyenneté fragilisée ? Est-ce la fin d’un peuple qui ne se reconnaît plus dans son héritage ? Devant les juges, en première instance, Bensoussan devait déclarer que pour la première fois de sa vie, à cause de ce procès et de cette infâme accusation, il avait éprouvé « la tentation de l’exil ».

On sort de ce livre magnifiquement écrit plein d’une tristesse partagée. Car c’est le sort de nombreux Français juifs (et pas seulement de Français juifs) de sentir au plus profond d’eux-mêmes que quelque chose de grave, de mauvais est en train d’arriver dans ce pays, notre pays. Cet exil intérieur dit une défaite, celle d’une France soumise à des tourments inédits, mettant à mal son histoire. Ce livre est perturbant, douloureux mais il possède l’énergie d’un avertissement.

Un exil français: Un historien face à la Justice

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Changement climatique: les riches déménagent en Nouvelle-Zélande


Le dernier rapport du GIEC, publié le 9 août, a apporté son lot habituel de pronostics apocalyptiques, un chercheur éminent d’Oxford nous promettant « l’enfer sur terre » si nous ne mettons pas un frein au changement climatique.

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Dans ces conditions, il est légitime de se demander où on pourra trouver refuge quand la grande punition écologique frappera la Terre. Une autre étude, non moins scientifique, publiée dans la revue universitaire Sustainability, fournit la réponse. Ses auteurs, une équipe de l’université Anglia Ruskin en Angleterre, envisagent un effondrement de notre civilisation mondialisée et hyperconnectée par la dissolution des chaînes d’approvisionnement, des accords internationaux et des structures financières globales, accompagnée d’une explosion démographique. Leurs critères pour définir les endroits de la Terre les plus à l’abri de cet effondrement sont : l’autonomie en termes d’énergie et d’infrastructure manufacturière ; la surface agricole disponible comparée au nombre d’habitants ; et l’isolement, c’est-à-dire la distance par rapport aux lieux d’origine des grands déplacements de populations. La Nouvelle-Zélande arrive en tête, devant l’Islande, la Grande-Bretagne, l’Australie et l’Irlande, la terre des Kiwis offrant de multiples sources d’énergie géothermique et hydroélectrique et une abondance de terres arables. Cette leçon n’a peut-être pas été perdue pour les milliardaires de la planète. Larry Page, cofondateur de Google, un des hommes les plus riches du monde, est devenu citoyen néo-zélandais cette année, en échange d’une promesse d’investir presque 6 millions d’euros dans le pays.

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Il marche sur les pas d’un autre magnat de la Silicon Valley, Peter Thiel, cofondateur de PayPal, devenu néo-zélandais en 2011. Avertissement à ceux qui sont impatients de déménager aux antipodes : à cause du Covid, le pays restera fermé jusqu’en 2022 aux étrangers non milliardaires.

Dune de Denis Villeneuve: Planète Thune

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Quoi de commun entre Ryusuke Hamaguchi, récompensé cette année à Cannes avec le prix du scénario, et Denis Villeneuve, l’aplatisseur de remakes hollywoodiens depuis Blade Runner 2049? Dans l’espace ou dans l’habitacle, personne ne vous entend ronfler…


L’ennui au cinéma est un sentiment qui prend le pas sur tous les autres. On regarde un film, on s’ennuie et voilà qu’on ne peut plus se concentrer sur rien, c’est l’ennui qui attire toutes les pensées à lui.

Cette année, depuis la réouverture de salles post-Covid, Dune de Denis Villeneuve et Drive my car de Ryusuke Hamaguchi sont les deux films les plus ennuyeux à nous être tombés sous les yeux. En les examinant de plus près, on réalise que les deux films ont beaucoup plus en commun que cet ennui.

Des durées peu raisonnables

A priori, rien de plus dissemblable qu’un blockbuster hollywoodien adaptant le classique SF de Frank Herbert et un film d’auteur japonais d’après une nouvelle de Haruki Murakami. Et pourtant, passés les mondes imaginaires ou réels qui y sont dépeints, les deux films se ressemblent. Ils sont ce qu’ils promettent : d’un côté un space opéra légèrement réflexif et mis au goût du jour, de l’autre une étude de cas sur la résilience avec échanges et résolutions de traumas.

Ce sont ensuite deux films pénétrés de leur importance. Ce qui se traduit par des durées peu raisonnables : le Villeneuve pointe à 2h36 mais traite moitié moins des livres que la version de David Lynch, dans pratiquement le même temps (2h17), une suite attendue devant se charger du reste ; le Hamaguchi dure 2h59, une habitude pour le réalisateur japonais (Senses – 5h17 – avait été découpé en épisodes pour l’export).

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En conséquence, chaque plan dure un peu ou beaucoup plus qu’il ne devrait – tout particulièrement chez Hamaguchi. La lenteur et la répétition sont gages de sérieux dans Drive my car qui multiplie les scènes de lecture à la table (le héros monte Oncle Vania à Hiroshima et tente de se remettre de la mort soudaine de sa femme). Chez Villeneuve, la création d’un univers visuellement singulier s’accompagne de l’allongement des plans, qui permet également de souligner la gravité des enjeux politico-économiques (deux maisons planétaires, les Atréides et les Harkonnen, s’affrontent autour de la planète Arrakis – aussi appelée Dune – d’où est extraite une drogue aux pouvoirs nombreux et affolants, l’Epice).

Esprit de sérieux

Cet esprit de sérieux bannit l’humour pratiquement inexistant dans les deux cas, à l’exception d’une très courte séquence chez Villeneuve où cracher aux pieds de son interlocuteur passe pour un salut révéré, compte-tenu de la sécheresse régnant sur Dune. Il limite également les gammes chromatiques selon l’adage de Jacques Tati  : « Trop de couleur distrait le spectateur ». Les bleus froids dominent Drive my car où le rouge d’une voiture omniprésente – celle du héros – n’éclate jamais. Dune réduit les extrêmes à une dominante, le jaune pour Dune, le noir pour les Harkonnen, et réserve des tons neutres pour les Atréides. Seule belle idée : opposer lors des combats le bleu de la sécurité lorsque le bouclier magnétique protège les guerriers, et le rouge du danger quand leurs fonctions vitales sont atteintes. Hamaguchi et Villeneuve raffolent de contre-jours, à l’image du premier plan de Drive my car, qui chez le Canadien sont souvent additionnés de flous et de ralentis, pour aller avec les visions de Paul Atréides, futur Messie (Timothée Chalamet). D’un côté, les acteurs semblent chloroformés pour témoigner du trauma, de l’autre, ils sont négligés au profit des architectures chics et épurées qu’ils rehaussent de leurs silhouettes donnant l’échelle.

Attardons-nous sur Dune. Rebecca Ferguson déclarait récemment à l’Obs : « Ce n’était vraiment pas un rôle pour moi ». Rassurons-la, dans la version Villeneuve, aucun des personnages n’est vraiment un rôle pour quiconque. L’excellent Oscar Isaac manque d’autorité en Duc Atréides, Charlotte Rampling qui joue une magicienne Bene Gesserit est empêtrée dans sa résille SM de visage, et Timothée Chalamet s’ennuie ferme, certainement parce qu’il se sait condamné aux adolescents sensibles et spéciaux jusqu’à son andropause. Rien de plus convaincant chez les antagonistes, des silhouettes sinistres sans aucun mordant tel le cruel baron Harkonnen, grosse limace spleenétique qui lévite poussivement. Tous semblent avoir intériorisés le fait que Villeneuve préférait filmer leurs costumes ou les décors derrière eux. Ils se fondent donc avec discrétion dans les paysages National Geographic, puisque Dune a été tourné dans des déserts à peine pratiqués entre la Jordanie et Israël. Les cruautés lynchiennes paraissent de lointains souvenirs, avec ces esclaves à valve cardiaque malmenées et la vision d’un Sting en slip latex jaillissant d’un bain de fumée. Dune est désormais un spectacle familial, et c’est aux objets de signifier un surinvestissement fétichiste, des vaisseaux de toutes formes (libellule, cigares, oreilles de Mickey) aux très lacaniens vers géants évoquant à fois phallus, anus et vagin denté.

Un objet se détache dans Drive my car, une simple pelleteuse, monstre antédiluvien, qui rejette la nuit des fragments de démolition contre l’immeuble vitré où le héros et sa conductrice patientent, faisant dire à la jeune femme que la charpie déversée ressemble à de la neige. Quelque chose ressort du lisse et papillonne dans l’air, comme L’Epice dans le film de Villeneuve, fine poussière flottant au-dessus du sable.

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On pourrait croire que la surface va s’animer de ses motifs qui volètent, mais rien de tel. Les deux films restent inanimés, pétris d’intentions qui ne pousseront pas jusqu’à l’accomplissement. 

Dune ne dépasse jamais le livre d’images vaguement intersectionnel entre féminisme affleurant, écologisme obligatoire et décolonialisme évident (les autochtones Fremen bientôt libérés par Paul Atréides-Lawrence d’Arabie…). Drive my car ne peut que mener à bien sa résilience attendue et déjà induite par le choix du héros metteur en scène de faire jouer Tchekhov à des acteurs qui s’exprimeront chacun dans leur langue. Les différents idiomes du Hamaguchi, les différents peuples de Dune, tous censément au même niveau, rejouent Babel dans le cinéma contemporain en trouvant le terrain neutre de ce style international, évasif et léché, tout en glacis et en camaïeux, parfaitement publicitaire. Trop propres sur eux, Dune et Drive my car sont calculés jusque dans leurs maladresses (les trois fins enchâssées et redondantes du Japonais, les montages alternés tournant court du Canadien). Ils couronnent pour l’heure deux carrières à filmer des acteurs tirant la gueule dans des intérieurs et extérieurs choisis. À la fin, la jeune femme chauffeur, en paix avec elle-même, prend un chien. À la fin, Paul se met les Fremen dans la poche, avant de se Révéler à lui-même et aux autres dans le second volet à venir… Tant pis s’il manque la vie et ses impondérables. Les programmes doivent être remplis et un peu de morgue en imposera toujours. L’ennui ne sait pas qu’il est chiant.

Il est dommage que de tous les cinéastes s’étant penché sur la saga herbertienne depuis le Ur-Dune non filmé de Alejandro Jodorowsky, ce soit le plus médiocre et le plus lénifiant qui ait disposé du plus gros budget et de coudées vraisemblablement assez franches pour mener à bien sa vision.

Dune, en salles depuis le 15 septembre

Drive my car, en salles depuis le 18 août

EELV en campagne sur le «marché de la peur»

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Le climato-gauchisme d’EELV verra s’affronter Sandrine Rousseau et Yannick Jadot du 25 au 28 septembre pour l’investiture du parti à l’élection présidentielle. Analyse.


La primaire d’EELV a prononcé son verdict glaçant : les candidats extrémistes (Sandrine Rousseau, Erie Piolle et Delphine Batho) ont récolté 70% des voies contre 27% au raisonnable Yannick Jadot et 3% à l’écolo-centriste Jean-Marc Governatori. Une primaire ayant donné lieu à une surenchère de propositions radicales.

Delphine Batho a fait du décroissantisme sa marque de fabrique, le considérant « comme une société avec plus de bien-être, plus de culture, plus de liens humains, plus de respect des personnes. ». Promouvant une société vernaculaire décolonisant l’imaginaire économique et productif en concaténant écologisme, marxisme et anarchisme, le décroissantisme propose comme seul menu la pauvreté absolue.

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En dehors d’un ISF climatique, l’édile de Grenoble propose une collectivisation de l’agriculture française en créant sur fonds publics « 25 000 fermes communales et agroécologiques », ceci afin de « lutter contre les lobbys agroalimentaires privilégiant le rendement de leurs actionnaires à la santé des citoyens ». Sa démarche rappelle celle des kolkhozes collectivisant l’agriculture soviétique dans les années 1930. Résultat : l’URSS, qui nourrissait de son pain la moitié de la planète devint l’un des plus gros importateurs mondiaux de denrées alimentaires.

La candidate la plus woke au second tour

Mais la palme d’or revient à Sandrine Rousseau défenseur de l’éco-féminisme, un concept considérant que « notre système économique, social, environnemental est fondé sur la prédation des ressources mais aussi du corps des femmes ou des racisés » ajoutant au passage « qu’il n’y a pas de capitalisme vert possible »

Derrière ces propositions plus absurdes les unes que les autres, on retrouve tous les ingrédients du climato-gauchisme. Le dessein n’est plus de résoudre rationnellement la problématique climatique mais de détruire la société de croissance et son démon capitaliste en actualisant le logiciel marxiste.

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Cette montée des passions tristes est savamment nourrie par un « marché de la peur » auquel la jeunesse serait de plus en plus sensible. Ainsi, dans une étude récente financée par l’ONG Avaaz, de nombreux jeunes seraient en grande détresse psychologique face au réchauffement climatique. Pour 45% d’entre eux, cette anxiété affecterait leur vie quotidienne au point de les empêcher de dormir, de se nourrir, d’étudier ou d’avoir des enfants. 75% jugeraient leur futur « effrayant » et 56% estimeraient « que l’humanité est condamnée ».

On peut évidemment émettre des doutes profonds quant à la sincérité d’une telle enquête conduite par un organisme extrémiste juge et partie. Alors que les chiffres tangibles n’ont jamais été aussi positifs (espérance de vie, mortalité infantile, niveau d’éducation, réduction de la pauvreté et des conflits internationaux), les marchands de peur ne dérivent pas de leur sinistre objectif : dompter une nouvelle génération névrosée par climat. Sans le dire mais d’une façon très claire, EELV et ses apprentis sorciers comptent surfer de façon cynique sur cette vague anxiogène.

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Elisabeth Lévy: « Nous avons fait cette une pour alerter sur un phénomène »

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Vendredi dernier, notre directrice de la rédaction était invitée chez Cyril Hanouna, au sujet de notre dernière Une...


Causeur vous propose de visionner la séquence et le débat, pour le moins animé. Avez-vous regardé l’émission ? Qu’en avez-vous pensé ?

>>> Lire le magazine <<<

La diversité, cette maladie chronique de la démocratie française

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L'essayiste Driss Ghali. D.R.

Plusieurs voix s’élèvent contre l’offensive d’Éric Zemmour en lui reprochant d’ignorer les véritables préoccupations des Français. Elles avancent que les Français sont inquiets de l’érosion du pouvoir d’achat, de la hausse du chômage et du changement climatique. L’Islam et l’immigration seraient des problèmes parmi d’autres. C’est drôle : les mêmes n’ont pas dit un mot lorsque Macron et Castex ont éteint les lumières sur le débat public pour cause de pandémie ! Cela fait presque deux ans que le covid est la seule priorité que le gouvernement daigne aborder, le seul problème dont il se sent responsable.

Taquinerie à part, la question est extrêmement intéressante sur le fond. En effet, la diversité est une machine à polluer le débat public : elle intoxique l’agenda politique et détourne l’attention des sujets les plus nobles et fascinants.  Elle met sur le devant de la scène des thèmes à la charge symbolique explosive et d’autres, moins sensibles, mais tout à fait stériles.

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En tête des sujets explosifs qui phagocytent le débat : l’islamisme et l’ensauvagement. Ce sont deux « cadeaux » que l’immigration a fait à la France. Par leur nature, ils déstabilisent totalement la société qui se retrouve, pour la première fois depuis longtemps, confrontée à la peur. La peur primaire que ressent la proie face à son prédateur, la peur de perdre son habitat et son territoire ; la peur de la femme face au risque du viol ; la peur de l’homme qui mesure qu’il ne peut plus défendre sa famille d’une agression extérieure, ce qui le rend absolument « inutile » sur le plan symbolique ; la peur causée par le spectre de la mort violente pour des raisons futiles (le « mauvais regard »), la terreur suscitée par le fanatisme religieux et la perspective d’une guerre religieuse sur le sol français. N’oublions pas que la France est un pays de guerre civile : les Huguenots contre les Catholiques, les révolutionnaires contre les monarchistes, Vichy contre la gauche. Tous ces conflits ont été habités par le fanatisme idéologique et religieux, cette expérience a laissé des traces, et elles sont réveillées à chaque « escarmouche » entre le peuple de souche, déchristianisé, et le peuple immigré, majoritairement musulman.

Cette peur s’empare des esprits et des coeurs. Elle relativise tous les autres sujets, même les plus structurants comme la politique énergétique ou environnementale. La peur nous « dégrade » et nous remet à notre condition animale : je survis ou pas ? je suis une proie ou bien un prédateur ?

Impossible de demander aux passagers du bus de Bayonne dont le chauffeur a été lynché par des jeunes immigrés de se préoccuper du changement climatique ! Ils ont été durablement traumatisés et exigent que justice soit faite avant de penser à autre chose. Impossible de demander à une femme qui se fait harceler dans la rue du matin au soir de se passionner pour des questions d’urbanisme ! Quand l’intégrité physique et morale est en jeu, les sujets techniques deviennent soudain étonnement lointains et futiles.

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D’autres sujets moins dramatiques polluent tout autant les esprits des Français et les détournent des grandes questions de notre époque. Je pense par exemple aux querelles minables sur la représentativité et qui se réduisent au final à calculer le taux de mélanine dans le sexe de l’ange. Quand on ne se chamaille pas sur les « discriminations », on se dispute sur les violences policières prétendument infligées à un voyou. L’on perd un temps « de dingue » sur des polémiques stériles impliquant des racailles dont le Q.I et la contribution sociale sont nulles.

Parmi les questions minables, il y a le sujet du Ramadan. La France, au lieu de réfléchir à la relation avec la Chine ou à la conquête spatiale, se retrouve à aménager les horaires des écoles ou à modifier les dates des examens académiques. L’on peut dire la même chose de la fête du mouton et de ses querelles éternelles sur la protection des animaux, les lieux d’abattage et l’hygiène. Ça ne vole pas très haut…

Donc si l’on veut réellement renouer avec les sujets qui importent vraiment, il convient de régler le problème de l’immigration. Sinon, la France aura de moins en moins de temps et « d’espace cerveau disponible » à consacrer aux enjeux qui en valent vraiment la peine.

Maryam Monsef: une féministe pro-talibans?

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Maryam Monsef, la Ministre des Femmes et de l'Égalité des genres de Justin Trudeau. Photo D.R.

Nos frères talibans…


Le retour au pouvoir des talibans, ces champions incontestés de la misogynie, a eu l’effet imprévu de lancer un concours de gaffes parmi les féministes de la planète. La Française Sandrine Rousseau, candidate à la primaire des Verts, a mis la barre assez haut quand, lors d’un débat sur BFM TV, elle a semblé affirmer qu’il valait mieux avoir des terroristes potentiels en France pour pouvoir les surveiller, propos qu’elle a ensuite qualifiés de « maladroits ».

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Mais elle est concurrencée par la Canadienne Maryam Monsef, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres dans le gouvernement de Justin Trudeau (qui cherche à se faire élire pour la troisième fois le 20 septembre). Lors d’une conférence de presse, le 25 août, avant de demander au nouveau régime de Kaboul d’assurer l’évacuation de tous ceux qui voulaient quitter l’Afghanistan – demande quelque peu naïve –, elle lance cette phrase : « Je profite de cette occasion pour m’adresser à nos frères les talibans. » L’esclandre est immédiat, la plupart des Canadiens ne comprenant pas qu’une féministe puisse appeler « frères » des guerriers pratiquant la charia la plus stricte. Elle invoque un usage courant parmi les musulmans qui consiste à appeler « frères » des hommes, quels qu’ils soient. La crédibilité de Mme Monsef a déjà été mise à mal par un scandale datant de 2016 : ayant rejoint le gouvernement de Trudeau l’année précédente, elle avait mis en avant son statut de première députée d’origine afghane, avant qu’un quotidien révèle qu’elle était née en Iran.

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Toutes les féministes séduites par leurs frères talibans et souhaitant avoir plus de contacts avec eux pourraient voir ce vœu exaucé : le nouveau gouvernement afghan risque d’hériter de son prédécesseur un siège dans la commission des Nations unies sur la condition de la femme.

Frexit: les souverainistes éparpillés comme jamais

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Nicolas Dupont-Aignan et Georges Kuzmanovic, tous deux candidats à la présidentielle Photos: Hannah Assouline

Philippe Murer envisage un remède à la division du camp national


Des personnalités souverainistes sonnent l’alarme dans une tribune parue vendredi dans Valeurs Actuelles. La multiplicité des périls auxquels la France fait face la menace dans son existence même. Le paradoxe posé est simple : les souverainistes qui disent vouloir sauver la France peuvent-ils être éparpillés en une multitude de candidatures à l’élection présidentielle, risquant ainsi la défaite et cinq ans de naufrage supplémentaire à la France ? Ne nous laissons pas aveugler par la colère, sauver la France signifie battre Macron mais aussi tous les candidats équivalents à Macron, de Yannick Jadot à Xavier Bertrand en passant par Valérie Pécresse et Anne Hidalgo.

Dans cet article, je ne m’exprime bien entendu qu’à titre personnel. 

Frexit ou pas Frexit ?

Pour l’élection présidentielle de 2022, le camp national sera divisé en une multitude de factions : RN eurocritique, Florian Philippot et François Asselineau en frexiteurs assumés, Nicolas Dupont-Aignan pour une Europe des Nations libres, Georges Kuzmanovic en souverainiste de gauche, possible frexiteur et Eric Zemmour dont la position sur la souveraineté et l’indépendance nationale est fluctuante. Tous ces candidats défendent la réduction voire l’assèchement des flux d’immigration, une politique d’assimilation et la défense de l’identité, à des degrés là aussi différents. La défense de l’identité et de la souveraineté sont éminemment complémentaires. Un gouvernement ne peut pas défendre l’identité nationale (ne serait-ce qu’arrêter les flux d’immigration) s’il n’a pas de souveraineté nationale, de pouvoirs réels pour le faire. Détenir la souveraineté nationale, pouvoir définir où l’on va sans savoir qui l’on est, sans défendre son identité n’a pas de sens.

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Le RN dit défendre la nation et le camp national contre le mondialisme tout en restant dans l’UE et l’euro. Si ses porte-paroles reconnaissent que l’UE affaiblit profondément la France, ils refusent de rétablir la souveraineté nationale pour arrêter l’hémorragie et préfèrent se battre pour tenter d’atténuer les effets néfastes de l’institution européenne sur notre pays. Cette année, Marine Le Pen a décidé qu’il fallait rester dans la CEDH ; même l’européiste Michel Barnier a reconnu que les textes juridiques de la CEDH empêchaient de réguler les flux d’immigration. Marine Le Pen veut aussi rester dans Schengen même si l’absence de frontières qu’impose cet accord entraîne l’incapacité de contrôler qui entre en France et donc d’avoir une politique d’immigration. En conclusion, le RN défend la France en paroles mais n’a pas de projets pour la défendre en actes forts s’il arrivait au pouvoir. Conséquences de ces revirements : une partie importante de ses électeurs n’ont pas voulu se déplacer pour les élections régionales, lui faisant subir une défaite, après avoir été tancés par les dirigeants pour désertion après le premier tour. Ces dernières années, l’unique point fort du RN était sa position de grand parti national susceptible de faire de gros scores électoraux. Les électeurs français s’y ralliaient tant bien que mal pour peser face à Macron. Si ce dernier point fort s’efface, le risque de chute brutale du RN est important. À moins d’un tête-à-queue idéologique du RN, qui lui serait préjudiciable quatre ans après le précédent tête-à-queue, on comprendra que s’allier avec le RN pour la présidentielle n’a pas de sens pour les autres partis du camp national.

Si j’étais président de la République…

Les autres partis évoqués se disent souverainistes à des degrés différents et défendent avec des propositions différentes la cause nationale.

Florian Philippot et François Asselineau défendent tous deux une sortie de la France de l’Union Européenne et le rétablissement rapide de la souveraineté nationale. Leurs positions sont connues et ils sont des gaullistes convaincus. Leurs différences sur le fond sont faibles. Il n’y a que quelques différences sur la forme. Asselineau défend un référendum sur l’immigration quand Philippot veut arrêter les flux d’immigration.

Nicolas Dupont-Aignan avec son parti Debout la France se présentera aussi à l’élection présidentielle. Il est aussi gaulliste, a pour projet une « Europe des Nations libres et des coopérations concrètes » et le rétablissement de la souveraineté nationale. Nicolas Dupont-Aignan veut arrêter les flux d’immigration.

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Georges Kuzmanovic et son parti République Souveraine est ce qui reste de la partition souverainiste de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2017. Il fut évacué de la France Insoumise car il veut « ralentir ou assécher » les flux d’immigration et il est partisan de l’assimilation. Voici ses mots sur la souveraineté nationale : « Je ne suis pas un fétichiste du Frexit, mais quelle que soit l’option choisie en fonction du rapport de force et des circonstances, elle devra être une voie de rupture avec cette Union Européenne, légitimée par un référendum populaire ». Il se présente aussi à l’élection présidentielle.

Probablement candidat, Eric Zemmour est l’inconnu de cette élection présidentielle. Tout le monde connaît ses positions claires et affirmées sur l’identité nationale et les flux d’immigration. Si en tant que journaliste, il fut partisan de la sortie de l’euro et défenseur de la souveraineté nationale, ses positions en tant que candidat à l’élection présidentielle relèvent du point d’interrogation. Une question clé s’impose. L’Union Européenne ayant une politique constamment très favorable à l’immigration serait vent debout contre un Zemmour président qui voudrait arrêter les flux d’immigration en France ce qui ouvrirait la voie à un arrêt dans tous les pays d’Europe qui le voudraient. Puisque Zemmour et l’Union Européenne seraient dans un bras de fer sur l’immigration, la BCE, bras armé financier de l’Union Européenne répliquerait, comme d’habitude, en asphyxiant financièrement la France comme elle a asphyxié la Grèce et commencé à asphyxier l’Italie du gouvernement Italien Salvini fin 2017. Cette politique de la BCE avait vidé les distributeurs d’argent en Grèce, fait monter les taux grecs à des niveaux stratosphériques jusqu’à ce que le gouvernement grec plie. Cette politique avait fait monter les taux italiens au niveau très inconfortable de 4% jusqu’à ce que le gouvernement Salvini change ses projets pourtant modestes sur le budget et plie. Dans ce combat sur les flux d’immigration, un Zemmour président aurait trois choix.

  • Le choix de continuer ses projets sur l’immigration et de laisser l’économie française s’asphyxier lentement à cause du manque de liquidités fournies par la BCE ; ce n’est pas un choix envisageable. 
  • Le choix de négocier avec l’Union Européenne sur les projets sur l’immigration et de plier en échange du soutien en liquidités à l’économie française ; dans ce cas, voter Zemmour n’aurait pas servi à grand-chose pour ses électeurs. 
  • Le choix de gagner le bras de fer sur les flux d’immigration en coupant le nœud coulant financier qui détruirait l’économie française, c’est-à-dire en sortant de l’euro sur le champ pour fournir l’économie en liquidités. Cela demande des convictions sur le sujet et une vraie préparation à ce combat que suppose tout bras de fer avec l’Union Européenne. Sortir de l’euro pour pouvoir appliquer sa politique d’immigration signifierait d’ailleurs à terme sortir de l’Union Européenne. 

À lire aussi, Philippe Bilger: Que manque-t-il à Eric Zemmour?

Ceci démontre une fois de plus que la défense de l’identité nécessite le rétablissement de la souveraineté nationale, à moins de considérer l’identité comme un folklore local qui ne se paie que de mots.

Pour la France, mettre les égos de côté

Nous pourrions évoquer pour finir l’ex-ministre Arnaud Montebourg mais ses positions sur la souveraineté nationale, l’identité et l’immigration sont tout sauf claires. Il refuserait sans aucun doute toute discussion avec nombre de candidats souverainistes qui pour la gauche classique sont « l’extrême-droite ».

Nous l’avons vu, à l’exception de Zemmour dont les positions finales sont inconnues, les différences réelles de ces candidatures sont factuellement peu importantes au regard des points communs et des enjeux. Qui plus est, les différences entre les candidats souverainistes, Zemmour compris, sont dues en partie à la nécessité d’être différents et de disposer d’un créneau politique viable, de survivre politiquement. Ne leur jetons pas la pierre, en ce monde nécessité fait loi. Cependant, retenons que nombre d’entre eux ont des positions et des projets pour la France finalement très proches dans le débat public et des positions encore plus proches dans leur for intérieur. Ainsi, se rassembler autour d’une table pour discuter d’un éventuel programme commun de salut public, d’un programme de sauvetage de la France loin du débat public, hors de toute stratégie politicienne, peut tout changer. Dans une France au bord de l’abîme, l’intérêt général commande une telle approche. Même la question la plus épineuse, « qui sera le candidat si un accord était trouvé ? », a une réponse potentielle. Chaque représentant à la table de discussion pourrait voter pour un candidat à l’exception de lui-même. Celui qui rassemble le mieux tous les autres autour de son nom serait la tête de file naturelle pour défendre la France, les autres et leurs troupes étant des généraux précieux dans la bataille qui s’annonce. 

L’avantage d’une candidature rassemblée est immense : disposer d’un niveau correct de sondage et d’une bonne exposition médiatique, sachant qu’un bon niveau de sondage permet une bonne exposition médiatique et inversement. Les électeurs ont tendance à voter pour les candidats qui ont des chances de gagner et les journalistes ont tendance à les inviter, leur permettant de convaincre leurs électeurs potentiels. 

Enfin, voici ce que pensent les électeurs des petits partis souverainistes : puisque ces candidats veulent sauver une France qu’ils savent en perdition, ils ne sont pas cohérents en n’essayant pas de s’allier pour donner une chance à la France. S’ils ne s’allient pas, c’est à cause de leurs égos. La conclusion est impitoyable et explique les faibles scores de ces partis aux dernières élections malgré la popularité des thèmes de la souveraineté et de l’identité : je n’irai pas voter pour eux car ils trop petits et qu’ils ne sont pas au service de l’intérêt général mais au service de leurs égos. 

Quoi que partiellement fausse puisque la survie politique commandait souvent ces approches dans le passé, cette thèse fait des ravages. Inversement, un déblocage de la situation par la discussion et la tentative d’adopter un programme de salut public pourrait faire des miracles, démontrant la volonté indéfectible des candidats de sauver leur pays. La progression d’une candidature rassemblée pourrait alors être très rapide. Par contraste, ce sont les autres candidats à l’élection présidentielle qui sembleraient défendre leurs égos aux yeux de l’opinion et subiraient une certaine décrédibilisation.

N’oublions pas que les différences exprimées et les divisions sont le fruit du passé. Elles ne doivent pas obérer l’avenir, elles ne doivent pas empêcher le sauvetage de la France.

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Roland Jaccard a tenu parole

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L'écrivain et éditeur suisse Roland Jaccard © Hannah Assouline

Notre ami Roland Jaccard s’est suicidé lundi 20 septembre.


Roland Jaccard a mis fin à ses jours hier, lundi 20 septembre. Nombre de ses amis ont reçu un courriel matinal indiquant qu’il était sur le point de partir, qu’il tirait sa révérence. Pour moi, c’était à 8h09. Avec pour objet « Une leçon de dandysme helvétique » et les phrases suivantes dans le corps du texte : « Tu es un des seuls à m’avoir compris! Amitiés vives ! » 

Roland m’a fait beaucoup d’honneur. Nous n’étions peut-être pas beaucoup à l’avoir compris, mais il y en avait tout de même quelques-uns. À l’avoir compris et à l’avoir aimé. J’ai trainé un vilain pressentiment, toute la matinée, mais j’étais face à des étudiants et je me suis promis de l’appeler dès la pause de midi. Deux coups de téléphone de Gil Mihaely puis d’Elisabeth Lévy m’ont indiqué que c’était devenu inutile.

https://twitter.com/ELevyCauseur/status/1439931484224229384

J’ai été sidéré mais pas surpris. Sidéré parce que, tout de même, la mort d’un ami, d’une de ces amitiés littéraires transformée en affection réciproque avec le temps, c’est une espèce de bloc d’abîme au creux de l’âme et des tripes, un bloc d’abîme que connaissent tous ceux qui apprennent la disparition brutale d’un être cher. 

A relire, Roland Jaccard: La laitière et l’étudiant de Sciences-Po

Mais je n’ai pas été surpris : qui connaissait Roland savait que le suicide était chez lui un thème récurrent, une obsession, une porte de sortie presque rassurante. Le suicide est cette liberté terrible des stoïciens, et il y avait du stoïcien chez Roland au-delà de son hédonisme élégant, résumé ainsi par Marc-Aurèle dans Pensées pour moi-même : « Il y a trop de fumée ici, je m’en vais ». Le suicide, Roland connaissait : en leur temps son père et son grand-père avaient eux aussi choisi la nuit. Il écrivait dans « Les Carnets de mon père », un de ses « Billets du vaurien » qu’il donnait chaque semaine à Causeur : « Soyons francs : nous avons aimé vivre une fois, mais nous n’aimerions pas recommencer. C’était aussi l’opinion de mon père. » C’est à 80 ans que son père avait tiré sa révérence. Roland a écrit et dit, souvent, qu’il n’avait pas l’intention de le dépasser en âge. Et de fait, il allait avoir 80 ans, le 22 septembre. Quand vous aimez quelqu’un, vous ne l’écoutez pas, ou vous ne voulez pas le croire. C’est oublier que derrière la désinvolture de Roland, derrière son élégante et éternelle dégaine d’adolescent filiforme, il était d’une terrible rigueur. Il n’épargnait personne de ses sarcasmes et surtout pas lui-même. Mais on se rassure comme on peut, quand on aime. Après tout, un de ses maîtres et amis, Cioran, n’avait-il pas dans toute son œuvre parlé du suicide comme seule solution rationnelle à l’horreur du monde sans jamais passer à l’acte ? 

Non, décidément, malheureux comme les pierres mais pas surpris : lundi 13 septembre, après des mois d’absence puisqu’il avait décidé de revenir vivre dans sa ville natale, à Lausanne, depuis le début de la crise sanitaire, il était apparu à une réunion de rédaction suivie d’un pot célébrant le départ d’un des nôtres. Il paraît évident, maintenant, qu’il était venu nous dire au revoir ou plus précisément, car là encore on méconnait trop souvent à quel point celui qui faisait profession de cynisme aimait l’amitié, il avait voulu passer un peu de temps avec nous une dernière fois. De quoi ai-je parlé avec Roland pour ce qui était, sans que je le sache, une ultime rencontre ? Je ne sais pas pourquoi, j’ai du mal à m’en souvenir. Je voudrais vous dire qu’il avait donné des indices implicites, ce ne serait pas vrai. Il avait son flegme habituel, son sourire oriental, son exquise courtoisie d’homme qui a perdu depuis longtemps toute illusion mais qui n’en fait pas un drame, courtoisie héritée de cette civilisation naufragée de la Mitteleuropa à laquelle avait appartenu sa mère autrichienne.

Je voudrais tout de même souligner, maintenant, son importance dans le paysage intellectuel français. Il a écrit des livres essentiels sur la psychanalyse avec laquelle il entretenait des rapports ambigus comme avec tout le reste, notamment L’exil intérieur en 1975. Il y disait d’une autre manière, ce que Debord avait cerné dans La Société du Spectacle : l’impossibilité dans le monde moderne pour les êtres de rencontrer d’autres êtres, et pire encore l’impossibilité pour l’homme de coïncider avec lui-même. Il a été aussi une des plus belles plumes du Monde comme critique des essais et surtout un éditeur hors pair aux PUF où sa collection, « Perspectives critiques », présente un catalogue de rêve. On lui doit la découverte d’André Comte-Sponville mais il a aussi publié Clément Rosset ou Marcel Conche et a assuré, à travers plusieurs autres auteurs, les noces de la philosophie et de la littérature : on y trouve ainsi les inclassables et tellement talentueux Romain Slocombe et Frédéric Pajak.

A relire, Roland Jaccard: L’internationale des dégoûtés du genre humain

Après, d’autres le réduiront sans doute à une légende qu’il a malicieusement entretenue dans ses journaux intimes dont le monumental Le Monde d’avant (1983-1988) paru au début de l’année dont nous avons rendu compte dans Causeur. Son amitié, jamais reniée, avec Matzneff malgré les brouilles, son goût pour les jeunes filles qui ressemblaient à son idole, Louise Brooks, ou qui venait de l’Empire du Levant. Sa manière de jauger et de juger les hommes à la manière dont ils jouaient au ping-pong et aux échecs. Une de ses grandes tristesses fut d’ailleurs la fermeture pour rénovation du Lutétia, où on pouvait le trouver tous les dimanches dans les salons où il vous mettait très rapidement échec et mat.

Au-delà de son refus de la postérité, celle qui consiste à avoir des enfants comme celle qui nous fait survivre à notre propre mort en étant encore lu dans vingt ou trente ans, le nihiliste Roland était un homme étonnamment soucieux de transmettre. Il refusait de l’admettre, il disait que je le taquinais, mais pourtant il suffit d’ouvrir un de ses livres pour avoir envie de lire les auteurs dont il parle : Cioran, bien sûr mais aussi son cher Amiel ou encore Paul Nizon. J’en oublie, forcément.

Je ne sais pas où est Roland désormais. Il se riait de mon communisme comme de mon catholicisme qui revient avec l’âge. Il n’empêche, je suis content d’avoir ses livres dans ma bibliothèque. Je vais le relire. C’est encore la meilleure des prières en même temps que le plus beau des hommages que je peux lui rendre. Le plus consolant aussi, car nous allons être un certain nombre, à Causeur et ailleurs, à avoir besoin d’être consolé.

Les inutiles

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Paris, le 27 avril 2019 © LEWIS JOLY/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00905391_000007

Bonnes feuilles de Dernière crise avant l’apocalypse (Editions Ring). Un extrait de l’essai de Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot.


Une partie trop importante de nos élites ne comprend en réalité pas le monde dans lequel elles évoluent. Enfermées dans un cocon intellectuel et relationnel, elles sont incapables de concevoir comment vit un agriculteur, un épicier, un artisan, un postier ou un instituteur. La ruralité est un mystère intégral pour la majeure partie de nos dirigeants qui n’enfilent des bottes pour marcher dans la boue que le temps d’une photo et d’une tape sur la joue d’une vache ou… de son éleveur. Ils n’ont aucune idée des difficultés du quotidien qu’affrontent les « Français moyens ». Et comme ils ne remplissent pas un papier ou un formulaire web par eux-mêmes, ayant des gens pour le faire à leur place, ils n’ont évidemment aucune idée des conséquences de leurs décisions. Celles-ci transforment les relations avec l’administration en bras de fer ; les courriers comminatoires que les « services publics » envoient automatiquement aux citoyens constituent un harcèlement permanent. La phobie administrative qui résulte de cette maltraitance numérique s’exprime de diverses manières, dont les manifestations de « Gilets jaunes ».

La fable du prix du carburant

C’est la bêtise d’une grande partie de l’élite administrative, l’ignorance des réalités et le mépris dont font preuve de nombreux membres de cette nouvelle noblesse de robe, bien plus que l’augmentation des taxes sur le carburant, qui ont provoqué le mouvement des gilets jaunes. Tel est le grand handicap de beaucoup de ceux qui se considèrent comme appartenant aux élites : ils n’ont pas assez de sens commun pour être proches du peuple, ni assez d’intelligence pour le gouverner efficacement. 

À lire aussi, Didier Maïsto: «Nous sommes dans une séquence pré-révolutionnaire»

Pour une bonne part, ces soi-disant élites sont composées de personnes dont l’intelligence est somme toute modeste, mais qui ont eu la chance d’habiter dans une grande ville, d’aller dans un bon lycée, et de pouvoir faire les études supérieures qui procurent de bonnes situations dans l’administration. En réalité, les savoirs concrets de ces personnes à qui sont confiées, assez souvent, d’importantes responsabilités, sont modestes, quand on les compare à ceux des agriculteurs, artisans, ouvriers, techniciens, commerçants, postiers et autres habitants de nos zones rurales que la colère provoquée par des décisions maladroites a conduit à protester revêtus de gilets jaunes. Nos « élites », preuve parmi d’autres de leur ignorance ou de leur incompétence, ont notamment été incapables d’empêcher le parasitage des manifestations de gilets jaunes par des voyous, casseurs et voleurs opportunément cagoulés et insaisissables. Des criminologues et spécialistes des questions de sécurité se demandent d’ailleurs si cela n’a pas été fait exprès, justement pour discréditer les gilets jaunes, alors que l’opinion leur était très largement favorable : un signe qui ne trompe pas, preuve supplémentaire de la déconnexion des élites d’avec le peuple. 

L’ensauvagement bienvenu

Nos « élites » auto-proclamées se sont-elles réjouies en catimini de cet ensauvagement qui a dépossédé les gilets jaunes de leur mouvement de protestation contre la bêtise bureaucratique ? C’est possible, car cette sauvagerie leur a permis de ne pas tenir compte de la protestation, en grande partie justifiée, d’une population laborieuse confrontée à un monde qui change brutalement et les laisse sur le bord de la route, fermant les usines à tour de bras pour délocaliser à l’étranger, ubérisant sans état d’âme tout ce qui peut l’être. Un responsable du syndicat UNSA-Police n’a- t-il pas déclaré à propos des « casseurs » : « on était en mesure d’intervenir, on ne nous a pas autorisé à le faire ? » Pourquoi donc, si ce n’est parce que la chienlit arrangeait une classe politique incapable de répondre aux demandes légitimes de la partie de la population que représentaient les gilets jaunes ? 

Ainsi est traitée la « France périphérique », celle qui subit les conséquences de la méconnaissance des problèmes par les hommes politiques chargés pourtant de les anticiper, et tout au moins de les résoudre. L’affaire des gilets jaunes est typique du parisianisme de nos gouvernants, assez doués pour arriver au pouvoir, mais beaucoup moins pour l’exercer au profit de leurs « administrés ». 

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>>> À suivre sur Causeur, un deuxième extrait Chine VS Etats-Unis: un conflit inévitable dans l’histoire du monde… <<<

Bensoussan, un accusé expiatoire?

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L'historien Georges Bensoussan, photographié en mai 2018. Il publie "Un exil français" le 21 septembre 2021 © Hannah Assouline.

Un exil français de Georges Bensoussan sort en librairie demain


Le moment de sortie du livre de Georges Bensoussan, Un exil français, ne pouvait être plus opportun: procès des tueurs islamistes de novembre 2015, 20e anniversaire du 11 septembre 2001, victoire des talibans en Afghanistan. Incontestablement l’islam et ses variants sont à la une de l’actualité. 

Une accusation infamante

Le récit que Georges Bensoussan fait de son affaire judiciaire dresse le bilan des démissions, abandons, couardises, aveuglements et complicités ayant conduit à sa mise en accusation. Ce bilan, impitoyable, pour notre temps – et on l’imagine bien, ô combien douloureux pour celui qui en fut la victime – raconte les quatre années durant lesquelles il eut à répondre devant la justice de l’accusation infamante de racisme. Assis sur les mêmes bancs que Dieudonné ou Soral, le rédacteur en chef de la Revue d’histoire de la Shoah, le coordinateur du livre Territoires perdus de la République puis auteur de Une France soumise et de Juifs en pays arabes, la question interdite devait être démasqué pour ce qu’il était vraiment : un raciste antiarabe, acharné à détruire l’amitié chaleureuse et bienveillante existant depuis des siècles entre peuples arabes et Juifs. Quelle merveilleuse aubaine pour les salafistes antiracistes que de pouvoir prendre la main dans le sac de ses turpitudes, ce sioniste masqué !

Cette stratégie, inaugurée à Durban en 2001, permettant de clamer sa haine d’Israël et accessoirement des Juifs, au nom de l’antiracisme, fut donc jouée par trois fois au Palais de justice de Paris. Cette farce de mauvais goût, heureusement, n’eut pas le succès escompté. Par trois fois, en première instance, en appel et en cassation, les vertueux plaignants furent déboutés et Georges Bensoussan innocenté de ce dont il était accusé.

Quels comptes devait-il rendre devant la Justice ? Quelle était donc la faute de Georges Bensoussan ? Avoir cité en 2015 (de manière non exacte, et c’est sa seule erreur), au cours de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut, les propos d’un sociologue faisant état de l’antisémitisme trop souvent présent dans les mentalités maghrébines. Voilà que tous les dévots de l’antiracisme borgne y virent une agression intolérable. La place manque ici pour dire le détail des contre-sens produits par les argumentaires de l’antiracisme. La précision du récit de Bensoussan laisse le lecteur partagé entre l’accablement et le rire devant cet étalage de falsifications historiques et de dévoiements du sens des mots. Tout ceci serait dérisoire si le CCIF (Collectif contre l’Islamophobie en France ; aujourd’hui dissous pour ses accointances avec les réseaux islamistes) avait été le seul plaignant. Il était bien dans son rôle. Mais il faut croire que la lucidité ait également fait totalement défaut à d’autres, en particulier à gauche.

Malaise au Mémorial de la Shoah

Plus grave encore fut l’attitude des employeurs de Bensoussan, en l’occurrence le Mémorial de la Shoah. Comment cette instance a-t-elle été incapable de comprendre et de faire sien le travail d’investigation de l’historien ? L’histoire de l’antisémitisme ne s’est pas arrêtée avec le procès de Nuremberg et les ravages de l’antisémitisme sont toujours actifs à travers toutes ses métamorphoses, ses métastases négationnistes, terroristes. Quel déni du réel a inspiré les dirigeants du Mémorial pour se conformer aux vents dominants ? À quelles obscures raisons la mise à l’écart indigne de Bensoussan par sa direction a-t-elle obéi ? Par conformisme social ? Pour plaire au pouvoir ? Pour ne pas faire de vagues au-delà de la seule commémoration de la Shoah ? En refusant de regarder en face les menaces actuelles des divers épigones de l’islamo fascisme ou de l’islamo gauchisme, l’instance majeure de la lutte contre l’antisémitisme fait fausse route. Bensoussan aurait dû être défendu pour sa lucidité et son courage. Au lieu de cela ce fut le silence, et le mot est faible, le non-soutien.

Comment en France, dans les années 2000, une telle histoire a-t-elle pu exister ? Comment la Ligue des droits de l’homme, la LICRA ont-elles pu se joindre aux accusations et aux plaintes du CCIF ? Comment Mohamed Sifaoui, grand dénonciateur de la stratégie de l’islamisme, a-t-il pu joindre sa parole aux mots de l’accusation ? Comment la Justice a-t-elle pu déclarer recevable ces plaintes ? Comment, en première instance, l’avocat général, c’est-à-dire la représentante de l’État, dans une plaidoirie aussi inepte sur le fond que pédante dans sa forme, a-t-elle pu prendre le parti des accusateurs avec tant de fougue ? Ce premier moment du procès a rassemblé tous les acteurs et tous les discours qui ravagent aujourd’hui la société française. Comment ne pas faire le lien entre le passage à l’acte de terroristes massacrant aux cris de Allah akbar et des discours qui ont légitimé ces passages à l’acte ? La stratégie de l’islamisme militant est pourtant simple à mettre à jour : d’une part accabler le France de tous les maux, faire d’elle un Etat raciste, toujours colonialiste, possédant une police assassine d’immigrés, et d’autre part utiliser tous les moyens de la justice pour attaquer ceux qui dénoncent cette mise en scène. Le procès fait à Bensoussan s’inscrit dans cette stratégie.

Un récit douloureux

Comment ne pas prendre en compte les convergences idéologiques entre ceux qui tuent et ceux qui leur ont soufflé l’idée que leur lutte avait de bonnes raisons ? Comment ne pas être ébahi par le déni de réalité pratiqué par toutes les âmes indignées des idiots utiles (là aussi, le mot est faible) de l’islamisme ? Ce navrant spectacle, nous en payons aujourd’hui même le prix élevé et c’est l’immense mérite du travail de Bensoussan d’en démêler tous les fils.

Un exil français, le titre de ce livre est terrible. Il dit un drame intime, celui d’un homme, Français juif, ayant cru en la France, ayant travaillé son histoire et ayant cru et célébré ses pages de gloire tout en investiguant, méthodiquement, les parts sombres de l’histoire européenne. Cet historien des idées du sionisme autant que celles du monde arabe contemporain, connaît parallèlement les mouvements d’idées qui ont irrigué le XXe siècle, pour son meilleur et pour le pire. Le récit circonstancié qu’il donne ici à lire fait froid dans le dos. Quel est cet épisode qu’il a vécu ? Sonne-t-il le glas de nos dernières illusions, celles d’une citoyenneté fragilisée ? Est-ce la fin d’un peuple qui ne se reconnaît plus dans son héritage ? Devant les juges, en première instance, Bensoussan devait déclarer que pour la première fois de sa vie, à cause de ce procès et de cette infâme accusation, il avait éprouvé « la tentation de l’exil ».

On sort de ce livre magnifiquement écrit plein d’une tristesse partagée. Car c’est le sort de nombreux Français juifs (et pas seulement de Français juifs) de sentir au plus profond d’eux-mêmes que quelque chose de grave, de mauvais est en train d’arriver dans ce pays, notre pays. Cet exil intérieur dit une défaite, celle d’une France soumise à des tourments inédits, mettant à mal son histoire. Ce livre est perturbant, douloureux mais il possède l’énergie d’un avertissement.

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Changement climatique: les riches déménagent en Nouvelle-Zélande

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Whitecliffs, Canterbury, Nouvelle Zélande

Le dernier rapport du GIEC, publié le 9 août, a apporté son lot habituel de pronostics apocalyptiques, un chercheur éminent d’Oxford nous promettant « l’enfer sur terre » si nous ne mettons pas un frein au changement climatique.

A lire aussi: EELV en campagne sur le «marché de la peur»

Dans ces conditions, il est légitime de se demander où on pourra trouver refuge quand la grande punition écologique frappera la Terre. Une autre étude, non moins scientifique, publiée dans la revue universitaire Sustainability, fournit la réponse. Ses auteurs, une équipe de l’université Anglia Ruskin en Angleterre, envisagent un effondrement de notre civilisation mondialisée et hyperconnectée par la dissolution des chaînes d’approvisionnement, des accords internationaux et des structures financières globales, accompagnée d’une explosion démographique. Leurs critères pour définir les endroits de la Terre les plus à l’abri de cet effondrement sont : l’autonomie en termes d’énergie et d’infrastructure manufacturière ; la surface agricole disponible comparée au nombre d’habitants ; et l’isolement, c’est-à-dire la distance par rapport aux lieux d’origine des grands déplacements de populations. La Nouvelle-Zélande arrive en tête, devant l’Islande, la Grande-Bretagne, l’Australie et l’Irlande, la terre des Kiwis offrant de multiples sources d’énergie géothermique et hydroélectrique et une abondance de terres arables. Cette leçon n’a peut-être pas été perdue pour les milliardaires de la planète. Larry Page, cofondateur de Google, un des hommes les plus riches du monde, est devenu citoyen néo-zélandais cette année, en échange d’une promesse d’investir presque 6 millions d’euros dans le pays.

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Il marche sur les pas d’un autre magnat de la Silicon Valley, Peter Thiel, cofondateur de PayPal, devenu néo-zélandais en 2011. Avertissement à ceux qui sont impatients de déménager aux antipodes : à cause du Covid, le pays restera fermé jusqu’en 2022 aux étrangers non milliardaires.

Dune de Denis Villeneuve: Planète Thune

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Les acteurs Zendaya et Timothee Chalamet prennent la pose à la première parisienne de "Dune" de Denis Villeneuve, 6 septembre 2021 © JP PARIENTE/SIPA Numéro de reportage : 01036892_000012

Quoi de commun entre Ryusuke Hamaguchi, récompensé cette année à Cannes avec le prix du scénario, et Denis Villeneuve, l’aplatisseur de remakes hollywoodiens depuis Blade Runner 2049? Dans l’espace ou dans l’habitacle, personne ne vous entend ronfler…


L’ennui au cinéma est un sentiment qui prend le pas sur tous les autres. On regarde un film, on s’ennuie et voilà qu’on ne peut plus se concentrer sur rien, c’est l’ennui qui attire toutes les pensées à lui.

Cette année, depuis la réouverture de salles post-Covid, Dune de Denis Villeneuve et Drive my car de Ryusuke Hamaguchi sont les deux films les plus ennuyeux à nous être tombés sous les yeux. En les examinant de plus près, on réalise que les deux films ont beaucoup plus en commun que cet ennui.

Des durées peu raisonnables

A priori, rien de plus dissemblable qu’un blockbuster hollywoodien adaptant le classique SF de Frank Herbert et un film d’auteur japonais d’après une nouvelle de Haruki Murakami. Et pourtant, passés les mondes imaginaires ou réels qui y sont dépeints, les deux films se ressemblent. Ils sont ce qu’ils promettent : d’un côté un space opéra légèrement réflexif et mis au goût du jour, de l’autre une étude de cas sur la résilience avec échanges et résolutions de traumas.

Ce sont ensuite deux films pénétrés de leur importance. Ce qui se traduit par des durées peu raisonnables : le Villeneuve pointe à 2h36 mais traite moitié moins des livres que la version de David Lynch, dans pratiquement le même temps (2h17), une suite attendue devant se charger du reste ; le Hamaguchi dure 2h59, une habitude pour le réalisateur japonais (Senses – 5h17 – avait été découpé en épisodes pour l’export).

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En conséquence, chaque plan dure un peu ou beaucoup plus qu’il ne devrait – tout particulièrement chez Hamaguchi. La lenteur et la répétition sont gages de sérieux dans Drive my car qui multiplie les scènes de lecture à la table (le héros monte Oncle Vania à Hiroshima et tente de se remettre de la mort soudaine de sa femme). Chez Villeneuve, la création d’un univers visuellement singulier s’accompagne de l’allongement des plans, qui permet également de souligner la gravité des enjeux politico-économiques (deux maisons planétaires, les Atréides et les Harkonnen, s’affrontent autour de la planète Arrakis – aussi appelée Dune – d’où est extraite une drogue aux pouvoirs nombreux et affolants, l’Epice).

Esprit de sérieux

Cet esprit de sérieux bannit l’humour pratiquement inexistant dans les deux cas, à l’exception d’une très courte séquence chez Villeneuve où cracher aux pieds de son interlocuteur passe pour un salut révéré, compte-tenu de la sécheresse régnant sur Dune. Il limite également les gammes chromatiques selon l’adage de Jacques Tati  : « Trop de couleur distrait le spectateur ». Les bleus froids dominent Drive my car où le rouge d’une voiture omniprésente – celle du héros – n’éclate jamais. Dune réduit les extrêmes à une dominante, le jaune pour Dune, le noir pour les Harkonnen, et réserve des tons neutres pour les Atréides. Seule belle idée : opposer lors des combats le bleu de la sécurité lorsque le bouclier magnétique protège les guerriers, et le rouge du danger quand leurs fonctions vitales sont atteintes. Hamaguchi et Villeneuve raffolent de contre-jours, à l’image du premier plan de Drive my car, qui chez le Canadien sont souvent additionnés de flous et de ralentis, pour aller avec les visions de Paul Atréides, futur Messie (Timothée Chalamet). D’un côté, les acteurs semblent chloroformés pour témoigner du trauma, de l’autre, ils sont négligés au profit des architectures chics et épurées qu’ils rehaussent de leurs silhouettes donnant l’échelle.

Attardons-nous sur Dune. Rebecca Ferguson déclarait récemment à l’Obs : « Ce n’était vraiment pas un rôle pour moi ». Rassurons-la, dans la version Villeneuve, aucun des personnages n’est vraiment un rôle pour quiconque. L’excellent Oscar Isaac manque d’autorité en Duc Atréides, Charlotte Rampling qui joue une magicienne Bene Gesserit est empêtrée dans sa résille SM de visage, et Timothée Chalamet s’ennuie ferme, certainement parce qu’il se sait condamné aux adolescents sensibles et spéciaux jusqu’à son andropause. Rien de plus convaincant chez les antagonistes, des silhouettes sinistres sans aucun mordant tel le cruel baron Harkonnen, grosse limace spleenétique qui lévite poussivement. Tous semblent avoir intériorisés le fait que Villeneuve préférait filmer leurs costumes ou les décors derrière eux. Ils se fondent donc avec discrétion dans les paysages National Geographic, puisque Dune a été tourné dans des déserts à peine pratiqués entre la Jordanie et Israël. Les cruautés lynchiennes paraissent de lointains souvenirs, avec ces esclaves à valve cardiaque malmenées et la vision d’un Sting en slip latex jaillissant d’un bain de fumée. Dune est désormais un spectacle familial, et c’est aux objets de signifier un surinvestissement fétichiste, des vaisseaux de toutes formes (libellule, cigares, oreilles de Mickey) aux très lacaniens vers géants évoquant à fois phallus, anus et vagin denté.

Un objet se détache dans Drive my car, une simple pelleteuse, monstre antédiluvien, qui rejette la nuit des fragments de démolition contre l’immeuble vitré où le héros et sa conductrice patientent, faisant dire à la jeune femme que la charpie déversée ressemble à de la neige. Quelque chose ressort du lisse et papillonne dans l’air, comme L’Epice dans le film de Villeneuve, fine poussière flottant au-dessus du sable.

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On pourrait croire que la surface va s’animer de ses motifs qui volètent, mais rien de tel. Les deux films restent inanimés, pétris d’intentions qui ne pousseront pas jusqu’à l’accomplissement. 

Dune ne dépasse jamais le livre d’images vaguement intersectionnel entre féminisme affleurant, écologisme obligatoire et décolonialisme évident (les autochtones Fremen bientôt libérés par Paul Atréides-Lawrence d’Arabie…). Drive my car ne peut que mener à bien sa résilience attendue et déjà induite par le choix du héros metteur en scène de faire jouer Tchekhov à des acteurs qui s’exprimeront chacun dans leur langue. Les différents idiomes du Hamaguchi, les différents peuples de Dune, tous censément au même niveau, rejouent Babel dans le cinéma contemporain en trouvant le terrain neutre de ce style international, évasif et léché, tout en glacis et en camaïeux, parfaitement publicitaire. Trop propres sur eux, Dune et Drive my car sont calculés jusque dans leurs maladresses (les trois fins enchâssées et redondantes du Japonais, les montages alternés tournant court du Canadien). Ils couronnent pour l’heure deux carrières à filmer des acteurs tirant la gueule dans des intérieurs et extérieurs choisis. À la fin, la jeune femme chauffeur, en paix avec elle-même, prend un chien. À la fin, Paul se met les Fremen dans la poche, avant de se Révéler à lui-même et aux autres dans le second volet à venir… Tant pis s’il manque la vie et ses impondérables. Les programmes doivent être remplis et un peu de morgue en imposera toujours. L’ennui ne sait pas qu’il est chiant.

Il est dommage que de tous les cinéastes s’étant penché sur la saga herbertienne depuis le Ur-Dune non filmé de Alejandro Jodorowsky, ce soit le plus médiocre et le plus lénifiant qui ait disposé du plus gros budget et de coudées vraisemblablement assez franches pour mener à bien sa vision.

Dune, en salles depuis le 15 septembre

Drive my car, en salles depuis le 18 août

EELV en campagne sur le «marché de la peur»

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Sandrine Rousseau et Yannick Jadot à Paris, 19 septembre 2021 © ISA HARSIN/SIPA

Le climato-gauchisme d’EELV verra s’affronter Sandrine Rousseau et Yannick Jadot du 25 au 28 septembre pour l’investiture du parti à l’élection présidentielle. Analyse.


La primaire d’EELV a prononcé son verdict glaçant : les candidats extrémistes (Sandrine Rousseau, Erie Piolle et Delphine Batho) ont récolté 70% des voies contre 27% au raisonnable Yannick Jadot et 3% à l’écolo-centriste Jean-Marc Governatori. Une primaire ayant donné lieu à une surenchère de propositions radicales.

Delphine Batho a fait du décroissantisme sa marque de fabrique, le considérant « comme une société avec plus de bien-être, plus de culture, plus de liens humains, plus de respect des personnes. ». Promouvant une société vernaculaire décolonisant l’imaginaire économique et productif en concaténant écologisme, marxisme et anarchisme, le décroissantisme propose comme seul menu la pauvreté absolue.

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En dehors d’un ISF climatique, l’édile de Grenoble propose une collectivisation de l’agriculture française en créant sur fonds publics « 25 000 fermes communales et agroécologiques », ceci afin de « lutter contre les lobbys agroalimentaires privilégiant le rendement de leurs actionnaires à la santé des citoyens ». Sa démarche rappelle celle des kolkhozes collectivisant l’agriculture soviétique dans les années 1930. Résultat : l’URSS, qui nourrissait de son pain la moitié de la planète devint l’un des plus gros importateurs mondiaux de denrées alimentaires.

La candidate la plus woke au second tour

Mais la palme d’or revient à Sandrine Rousseau défenseur de l’éco-féminisme, un concept considérant que « notre système économique, social, environnemental est fondé sur la prédation des ressources mais aussi du corps des femmes ou des racisés » ajoutant au passage « qu’il n’y a pas de capitalisme vert possible »

Derrière ces propositions plus absurdes les unes que les autres, on retrouve tous les ingrédients du climato-gauchisme. Le dessein n’est plus de résoudre rationnellement la problématique climatique mais de détruire la société de croissance et son démon capitaliste en actualisant le logiciel marxiste.

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Cette montée des passions tristes est savamment nourrie par un « marché de la peur » auquel la jeunesse serait de plus en plus sensible. Ainsi, dans une étude récente financée par l’ONG Avaaz, de nombreux jeunes seraient en grande détresse psychologique face au réchauffement climatique. Pour 45% d’entre eux, cette anxiété affecterait leur vie quotidienne au point de les empêcher de dormir, de se nourrir, d’étudier ou d’avoir des enfants. 75% jugeraient leur futur « effrayant » et 56% estimeraient « que l’humanité est condamnée ».

On peut évidemment émettre des doutes profonds quant à la sincérité d’une telle enquête conduite par un organisme extrémiste juge et partie. Alors que les chiffres tangibles n’ont jamais été aussi positifs (espérance de vie, mortalité infantile, niveau d’éducation, réduction de la pauvreté et des conflits internationaux), les marchands de peur ne dérivent pas de leur sinistre objectif : dompter une nouvelle génération névrosée par climat. Sans le dire mais d’une façon très claire, EELV et ses apprentis sorciers comptent surfer de façon cynique sur cette vague anxiogène.

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