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Chine/États-Unis, un conflit inévitable?


Chine/États-Unis, un conflit inévitable?
Tsai Ing-wen, la présidente de Taiwan, le jour de la fête nationale, 10 octobre 2021 © EPN/Newscom/SIPA Numéro de reportage : AP22613714_000008

La confrontation entre les deux grandes puissances de notre temps est-elle inscrite dans l’histoire du monde? Les manœuvres incessantes autour de Taïwan peuvent légitimement faire craindre le pire. Bonnes feuilles de Dernière crise avant l’apocalypse (Editions Ring). Un extrait de l’essai de Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot.


Le conflit est inévitable, car il est inscrit dans l’histoire des nations : c’est le fameux piège de Thucydide, historien et politicien athénien, qui expliquait déjà il y a 2 500 ans dans La Guerre du Péloponèse comment une nation montante et une nation déclinante sont condamnées à s’affronter. 

Ce qui opposa Athènes à Sparte, puis, beaucoup plus tard, sans vouloir frustrer les passionnés d’histoire, la France à l’Angleterre pendant des siècles, puis la France à l’Allemagne pendant des décennies, et enfin, l’Occident au bloc de l’Est, n’est pas bien différent aujourd’hui de ce qui oppose les États-Unis (et non pas l’Occident, qui n’est plus un « bloc »), à la Chine. 

Seule l’échelle a changé. Non pas en surface : les deux pays sont de taille identique (9,6 millions de km2), à quelques milliers de kilomètres carrés près. Mais en réalité, la zone d’influence des États-Unis dépasse largement l’Amérique du Nord, grâce notamment à la puissance sans égale de l’US Navy : avec ses douze flottes (!), les États-Unis alignent à peu près le même tonnage de navires de guerre que l’ensemble des flottes militaires de tous les autres pays de la planète ! Et l’on ne parle pas ici du gap technologique énorme qui existe entre un antédiluvien sous-marin diesel turc, un SNLE (Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins) français, et un SNLE américain. 

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À l’inverse, la Chine est surtout une puissance continentale. Elle mettra cependant à l’eau cette année son… troisième porte-aéronef [1], à ne pas confondre avec un porte-avions, technologie que seuls les Américains et les Français maîtrisent. Ses revendications sur la Mer de Chine paraissent finalement bien modestes, eu égard aux capacités de projection et de contrôle américaines sur toutes les mers du monde, quand la Chine peine encore pour l’instant à annexer les quelques milliers de kilomètres carrés qui la séparent de Taïwan… 

Le journaliste Jean-Baptiste Giraud (photo) publie « Dernière crise avant l’apocalypse » (Ring, 2021).

Oui mais voilà : la Chine de 2021, c’est 1,4 milliard d’habitants, à quelques dizaines de millions près. Les États-Unis « n’alignent » quant à eux que 335 millions d’Américains. Nous ne comparons pas ici le nombre de combattants auxquels on pourrait fournir un casque et un fusil, ou à qui l’on demanderait de fabriquer des obus ou des tanks à l’arrière. Ce qu’il faut comparer, c’est d’abord le nombre de travailleurs, de consommateurs et… de camarades-citoyens. 

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Or, qui peut dire, dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, ce qu’un conflit d’opinions et de communication opposant une « petite nation » de 335 millions d’âmes à une « grande nation » cinq fois plus peuplée pourrait donner dans les journaux, les JT, et sur les réseaux sociaux ? Qui de David ou de Goliath l’emporterait ? 

Ceux qui feignent de penser que le conflit en est à ses tout débuts, et croient l’affrontement évitable, sont des naïfs : cela fait déjà bien longtemps que la Chine prépare son coup [2], à savoir prendre sa revanche sur les humiliations subies aux XIXe et XXe siècle du fait des Occidentaux, et dominer au minimum l’Asie. Quant aux États-Unis, ils ont déplacé le centre de leurs préoccupations de l’Europe à cette région du monde depuis la chute de l’URSS. Mais il ne faut pas se leurrer, quand on mesure l’ampleur du désastre afghan, après vingt années de guerre totalement inutile, dont le coût financier oscille entre 1 000 et 2 000 milliards de dollars selon les calculs [3]. (…)

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[1] Sachant que le premier est en fait un ancien prote-aéronef soviétique, dont la coque inachevée a été abandonnée lors de l’explosion de l’URSS, puis rachetée par la Chine, et mise en ordre de marche par la toujours jeune marine chinoise.

[2] Ce n’est pas un hasard si deux flottes de guerre (la 3e et la 7e) patrouillent toujours dans toute la zone Asie-Pacifique avec des moyens sans cesse grandissants et modernisés. Fin 2020, le secrétaire à la Marine américaine Kenneth Braithwaite a même recommandé de (re)créer la 1ere flotte, qui viendrait appuyer le flanc de la 7e…

[3] Déduction faite ou non des retombées économiques qui profitent au complexe militaro-industriel et procurent du travail à des centaines de milliers d’Américains, bilan auquel s’ajoutent 2400 morts et des dizaines de milliers de blessés, il n’y a que très peu de chances de voir des GI risquer leur peau pour Hong Kong ou Formose demain.



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Jean-Baptiste Giraud, journaliste économique, est directeur de la rédaction d'Économie Matin qu'il a fondé en 2004, et chroniqueur sur RTL. Passé par Radio France, BFM, TF1, Atlantico et Sud Radio, il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages de vulgarisation scientifique et économique dont Combien ça coûte, combien ça rapporte (Eyrolles) et Les Grands esprits ont toujours tort (Éditions du Moment). Jacques Bichot, professeur émérite à l'université Jean-Moulin-Lyon III, docteur en mathématiques et en économie, est reconnu comme spécialiste des retraites, de la sécurité sociale et de la monnaie. Il a publié une vingtaine d'ouvrages, depuis Huit siècles de monétarisation (Economica) jusqu'à Cure de jouvence pour la Sécu (L'Harmattan). Il est chevalier de la Légion d'honneur.

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