Après avoir signé le scénario du film césarisé de Xavier Beauvois « Des hommes et des dieux » en 2010, après avoir réalisé son premier film « Django » en 2017, le réalisateur Etienne Comar revient avec un deuxième film, « À l’ombre des filles ». On y retrouve Alex Lutz qui, sous les traits d’un chanteur lyrique qui traverse une mauvaise passe, se tourne vers l’animation d’ateliers de chant dans un établissement pénitentiaire pour femmes. Un synopsis prometteur sur le papier ? Une fois porté à l’écran, le spectacle s’avère assez décevant…
Les films de prison peuvent donner le meilleur comme le pire. Quand Jacques Becker signait Le Trou, on était aux anges et on le reste encore maintenant, soixante ans plus tard. Ici, hélas, on serait plutôt dans la seconde catégorie. Un scénario en béton armé de bonnes intentions nous fait le coup du chant choral qui permet d’oublier l’univers carcéral.
En prof de chant, Alex Lutz fait assurément le boulot, mais son personnage est tellement lesté du poids d’une culpabilité passée qu’il en devient ridicule. Quant aux détenues qu’il a en face de lui, on ne dépasse jamais la vertueuse galerie des caractères disparates chère aux séries télé, lesquelles sont désormais le mètre-étalon des films de cinéma. La taiseuse qui porte un lourd secret face à l’expansive revendicatrice et ainsi de suite d’un protocole compassionnel qui jusqu’au bout enchaîne les figures convenues et convenables à souhait.
France 3 diffusera jeudi à 21 h 10 un portrait inédit de Catherine Deneuve signé Virginie Linhart
Sa blondeur est un leurre. Ne vous fiez pas à ce visage d’ange traversé par des ondes mélancoliques. Catherine n’est pas douce. Catherine n’est pas une potiche. Catherine n’est pas une victime. Catherine est trop insoumise pour se laisser guider par sa seule beauté physique. Il y a chez elle, une dignité qui élève, un refus de se vautrer dans la psychologie de bazar et un souci de vérité qui ne regarde qu’elle-même. Elle est étrangère au regard des autres, ce qui venant de la plus grande actrice française s’avère un paradoxe des plus troublants. Catherine vous emmerde poliment, gentiment, sereinement mais elle vous emmerde quand même.
Vous ne percerez jamais son mystère, c’est son fonds de commerce. Elle ne laisse entrer personne dans son intimité. Chasse gardée ! Vous ne l’enfermerez dans aucune prison dorée. Si elle daigne vendre son image depuis quarante ans dans des publicités internationales, c’est pour mieux se libérer des contraintes. L’argent ne lui fait pas peur. Elle n’en a pas honte. Elle va le chercher là où il se trouve, sans minauder, ni jouer les artistes maudits. Elle n’a jamais été, ni ne sera sous le joug d’un mentor, encore moins d’un homme. Catherine n’est la marionnette de personne. Son inflexibilité est un signe d’espoir dans une société du spectacle si prompte à se lamenter et à quémander un peu d’amour. Catherine ne dégouline pas de bons sentiments et de prudences assassines. Elle a horreur des confessions calculées pour satisfaire l’audimat. Elle ne se dépoitraille pas l’égo pour se conformer aux désirs des majorités. Son individualisme est une leçon de maintien pour nous tous. Elle ne regrette jamais ce qu’elle dit. Cette vérité qui peut paraître carnassière dans sa bouche est, au contraire, une source d’émerveillement et de jubilation pour un public tellement habitué aux simagrées. Catherine est une Marianne qui ne mâche pas ses mots. La tête haute et la parole claire. Elle assène son opinion avec le calme et la précision des filles qui ont quitté le foyer pour convoler avec un réalisateur de quinze ans son aîné. Vadim venait de découvrir BB et roulait, à la ville comme à la plage, en Ferrari Spider California, ce sont deux raisons suffisantes pour arrêter le lycée. Là, réside tout son potentiel érotique. Dans une forme de pudeur qui ne triche pas, d’absence totale de louvoiement et un goût prononcé pour la fantaisie. Catherine ne s’allonge pas sur le divan des Français pour se plaindre. Elle conserve pieusement ses malheurs et que personne ne s’avise de salir, pervertir ou vienne seulement marchander les blessures de sa vie. Catherine ne se livre pas sur commande, elle ne s’explique pas à la veillée des chaumières, elle ne tente pas de convaincre comme un politicien en campagne. Elle a trop le sens des valeurs pour se compromettre dans ce genre de déballages.
On se dit que nous avons eu la chance de croiser sa route, par écrans interposés. Elle aura donné à nos vies anonymes, plus de consistance, plus d’élan aussi, peut-être même la force de ne pas plier. Sa résistance au laid, au vulgaire, à la facilité et à la démagogie ambiante nous montre qu’une autre voie est possible. Le portrait signé Virginie Linhart qui sera diffusé jeudi soir sur France 3 retrace sa longue carrière et ouvre la boîte aux souvenirs. Ils sont tous là. Les sœurs Dorléac dans leur chambre d’adolescentes, une grand-mère souffleuse à l’Odéon, Johnny et sa guitare, Danielle Darrieux en mère de cinéma, Varda qui s’improvise coiffeuse pour Demy, Marcello qui sourit tristement toujours sur les photos, David Bailey qui ne sait pas un mot de français et se mariera pourtant avec elle, les naissances de son fils et de sa fille, son ami Yves Saint-Laurent qui habille ses pensées, Depardieu et Truffaut, les César et les montées des marches, Polanski et Buñuel, Gainsbourg et ses jeux de mots foireux. Catherine aura traversé mille vies. Mick Jagger fut témoin à son mariage. Elle a posé nue pour Playboy. Et elle est une jardinière hors pair. Ce documentaire bien charpenté et plaisant à regarder laisse filtrer le caractère d’une légende, à la fois si proche et si lointaine. Catherine, c’est un bloc, un roc dans l’océan des platitudes actuelles. Quand on l’interroge au détour d’une interview sur la disparition de sa sœur, elle accuse le coup et répond avec une émotion contenue qui honore le téléspectateur. Cette manière d’être impose le respect.
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Deneuve, la reine Catherine – Un film écrit et réalisé par Virginie Linhart. Produit par Georges-Marc Benamou (Siècle Productions). Narratrice Chloé Réjon. Musique originale composée, orchestrée et dirigée par Pablo Pico. Avec le soutien de la PROCIREP et de l’ANGOA. Avec la participation de la RTS, de la RTBF, de Paris Première, de Radio Canada et du CNC. En coproduction avec France Télévisions. Diffusion : France 3 – Jeudi 14 avril – 21 h 10
Emmanuel Macron n’est pas un homme d’état doté d’une solide colonne vertébrale idéologique, mais c’est un comédien hors pair qui sait toujours nous surprendre par ses volte-face. Une stratégie qui s’avère payante puisqu’il s’apprête à être réélu. C’est la conclusion que tire Philippe Bilger après avoir passé au crible le comportement du candidat Macron ces dernières semaines.
Plusieurs exemples, depuis ces deux dernières semaines, illustrant le grand art de comédien d’Emmanuel Macron. Une insincérité totale, une démagogie royale. Le principal, à peine le résultat du premier tour acquis, est l’immédiat changement de pied et d’esprit sur la retraite. Non plus 65 ans mais 64 et l’évocation, pour faire bonne mesure, d’un possible référendum… Il se dit « prêt à bouger » quand il sent le vent tourner ! Jusqu’au 20 avril, je parie que Macron nous offrira d’autres évolutions, infléchissements et modifications seulement destinés à amoindrir la portée de l’argumentation adverse. Il a commencé avec le septennat, la proportionnelle intégrale… Pas besoin d’avoir ses idées: il prend celles des autres. Il est d’autres signaux plus légers mais cependant très révélateurs d’un tempérament qui, ne cherchant qu’à séduire, se moque comme d’une guigne de la plausibilité et de la cohérence de ses propos et de ses actes.
Qui aime bien, châtie bien
Il ose tout et, contredisant Michel Audiard, il est d’autant plus redoutable que ses facultés intellectuelles sont indéniables. Mais, quand il affirme que sa volonté « d’emmerder les non vaccinés », dans le Parisien, avait une tonalité seulement « affectueuse », il se moque du monde. Je serais presque admiratif face à cette assomption ostentatoire d’une argumentation inconcevable. Quel culot il faut avoir !
Après que Marine Le Pen a été rudoyée en Guadeloupe par des militants d’extrême gauche, le président se fend d’une déclaration où il exprime son « respect » pour cette dernière tout en exprimant son opposition à ses idées. Il renouvelle le 11 avril l’affirmation de son respect pour elle mais entre ces deux caresses polies et démocratiques, il donne un entretien au Parisien où il la traite de « raciste » et de « menteuse ». Une contradiction nette entre une urbanité républicaine et une réalité médiatique qui la dément.
Démagogie
J’avais trouvé son intervention au soir du premier tour techniquement réussie, avec un ton tribunitien qui en général ne lui convient pas. En revanche, le début était d’une complaisance et d’une démagogie éclatantes avec son hommage à tous les candidats ; des piécettes de condescendance de la part du qualifié, à l’attention des autres éliminés. Séquence d’autant plus surprenante qu’il se donnait le beau rôle en surplomb du président alors qu’il avait été sur le tard pleinement candidat. Le pire est que ce n’était pas un feu de paille puisqu’il a continué dans ce registre hypocrite en soulignant qu’il allait téléphoner à tous les candidats éliminés parce que, selon lui, il était normal d’échanger avec eux.
D’abord, est-il bien sûr que de Nathalie Arthaud à Jean-Luc Mélenchon en passant notamment par Jean Lassalle, ils soient tous enthousiastes à l’idée de cet appel ? Ensuite c’est là à nouveau la preuve d’une comédie lui permettant encore de se poser en président avant le 20 avril où il sera entièrement candidat, seulement désireux de défendre son bilan et de nous annoncer ses promesses pour les cinq ans à venir.
Le plus important c’est de participer
Cette attitude d’apparente bienveillance républicaine est d’autant plus incongrue et décalée qu’avant le premier tour, il avait refusé obstinément tout échange, toute confrontation avec les autres candidats, réduisant ainsi sa campagne à un monologue auto satisfait et à des réponses à des questions préparées et orientées favorablement. Tous les candidats auraient évidemment préféré, à un appel après le premier tour, de vrais débats avant celui-ci.
Tant que je gagne je joue
Il y a quelque chose dans la personnalité de Macron qui n’est pas authentique à hauteur sans doute de son aptitude à plaire, de son obsession de circonvenir pour mieux embrasser. Comme s’il lui était impossible, dans une joute où il va tout faire pour l’emporter, de ne pas « en même temps » feindre de respecter ceux qu’il a battus et celle qu’il s’apprête, croit-il, à dominer.
Macron est le roi, en effet, de la frime. Un crack de l’apparence trompeuse. Pourquoi s’en priver puisque cela a marché ! Je ressens, au regard de ces éléments qui renvoient aussi bien à un caractère qu’aux fluctuations d’un projet politique, une frustration, une amertume quand je songe au désastre d’une Valérie Pécresse dont le programme était le meilleur mais qui ne disposait pas de cette arme fatale propre au président-sortant : savoir briller sans s’embarrasser de la vérité.
Macron n’a pas réalisé les réformes promises mais sa capacité à gérer les crises a séduit les électeurs. À sa décharge, les institutions de la Ve République sont ingrates avec nos présidents. Élus avec une majorité parlementaire quasi automatique, ils peuvent appliquer un programme minoritaire qui les rend impopulaires.
Il y a plusieurs manières de raconter l’histoire du quinquennat d’Emmanuel Macron. La plus facile est de suivre les courbes de sa popularité. Cela donne une pièce en trois actes.
L’acte I ou « la plongée » commence avec son élection en mai 2017 et se termine dix-huit mois plus tard. Il est rythmé par plusieurs tableaux : juin 2017, projet de loi de la moralisation de la vie publique entaché par les affaires Ferrand et Modem ; été 2017, licenciement du général de Villiers ; été 2018, affaire Benalla. Au cours de cette phase, Jupiter dégringole pour atteindre à la fin de sa première année complète à l’Élysée le point le plus bas dans les sondages. Commence alors l’acte II, « les Gilets jaunes ». En novembre et décembre 2018, le pays et surtout Paris sont secoués par des violences hebdomadaires dont la répétition n’amoindrit pas la stupeur qu’elles suscitent. Ce sont les heures sombres du quinquennat où Emmanuel Macron touche le fond. L’Élysée a peur. La sortie de crise par l’opération « débat citoyen » apparaît a posteriori comme le tournant de son mandat. Plus jamais il ne sera aussi impopulaire. Vers mars-avril 2020, c’est le début de l’acte II, la guerre contre le Covid. Un nouveau Macron arrive sur scène – le président protecteur. Commence alors l’acte III, le « Covid ».
La popularité de Macron, affaiblie par la résistance à la réforme des retraites fin 2019, poursuit sa baisse quand il décide, mi-mars 2020, de confiner le pays. Elle remonte en flèche pour s’établir au niveau où elle se maintiendra jusqu’au début 2022, moment où l’invasion de l’Ukraine par la Russie renforce encore son image aux yeux des électeurs français. Ce qui est surprenant dès lors que la crise actuelle montre que, depuis 2017, il ne brille pas par sa prévoyance, notamment sur la question de l’énergie.
Dans les pas de François Hollande sur la question énergétique
Candidat, Macron s’est engagé à poursuivre la politique de Hollande, fermer Fessenheim et réduire d’un tiers la part du nucléaire dans le mix électrique (de 75 % à 50 %). Concrètement, il s’agit de programmer la fermeture de 12 réacteurs en plus des deux de la centrale alsacienne. Macron n’amorce son revirement qu’en 2021 et s’engage clairement seulement en octobre dernier. L’exemple parfait de son échec est le gâchis Alstom. Ministre de l’Économie en 2014, il valide la cession des activités énergie d’Alstom à General Electric. En 2022, président, il favorise le rachat, car entre-temps la fabrication des turbines est devenue un enjeu de souveraineté. Certes, Macron s’est lancé avec audace en nouant avec Poutine et Trump une relation particulière. Mais son manque de perspicacité sur le nucléaire montre que l’apport de sa « touche » originale dans les rapports de force pèse très peu quand on néglige le développement des éléments réels de puissance, dont l’un des piliers en France est le nucléaire civil.
De ces trois actes, on peut tirer une conclusion : Macron est soutenu quand il gère des crises mais quand il essaie de faire avancer une politique (une « réforme »), il se prend un mur. Et comme il recule devant l’obstacle, ce n’est pas uniquement sa popularité qui en souffre. Les « réformes » elles-mêmes finissent diluées ou tout simplement reportées sine die. Quant à celles qu’il a mises en œuvre au début du quinquennat, en particulier en matière fiscale (ISF devenu IFI, suppression de la taxe sur les exilés fiscaux), elles sont anecdotiques dans leurs effets.
Macron a été élu, malgré sa jeunesse et son manque d’expérience (donc, du point de vue des électeurs de 2017, malgré sa faible capacité à gérer des crises) pour mener une politique nouvelle et secouer le pays. Sur ce terrain, il a totalement échoué, tout en assurant là où on ne l’attendait pas, dans son rôle de chef de guerre ou à tout le moins, dans son talent à se mettre en scène en chef de guerre.
Reste à savoir si, devenu quinquagénaire, le président de la Ve République peut jouer un autre rôle que celui de maître-nageur national. Peut-être que cette combinaison paradoxale de succès et d’échecs s’explique moins par les faiblesses de Macron (et cela vaut pour Hollande, Sarkozy…) que par les règles du jeu. Ce qui permet de dresser un autre récit du quinquennat.
Une impopularité qui s’explique institutionnellement
Nos présidents sont élus en défendant un programme qui au premier tour s’avère minoritaire, voire très minoritaire (Chirac 2002). Au deuxième tour, c’est le moins rejeté des deux qui l’emporte. Dès leur première garden-party du 14 juillet, il se retrouve à l’Élysée avec une majorité docile à l’Assemblée nationale. Autrement dit, rien ni personne ne peut l’obliger à adapter son programme minoritaire en y intégrant des éléments proposés par ses adversaires. Et puisque nos présidents sont des mâles (et un jour des femelles) alpha, sûrs d’eux et dominateurs, ce n’est certainement pas de leur propre chef qu’ils changeront quoi que ce soit. Ils croient avoir toujours raison et, sans rapport de force, ils ne bougent jamais.
Avant Macron, il existait cependant un acteur capable de les faire reculer et changer de position – sinon d’avis : le parti. Ils devaient prendre en compte les intérêts des parrains (appelés « éléphants » au PS). Même s’ils détestaient ça, ils étaient obligés de nommer au gouvernement des personnages forts qui n’avaient pas peur d’eux.
Le quinquennat d’Emmanuel Macron, une véritable monarchie présidentielle
Chez Macron, rien de tout cela. C’est un homme hors père. Par réflexe ou par calcul (à moins que ce ne soit faute de combattants valables), il s’entoure d’exécutants. Il est le patron et le fondateur donc n’est l’héritier de personne. Son parti LREM est l’illustration parfaite de ce trait de caractère chez Macron. Aucune personnalité n’a émergé et les seuls à jouer un rôle sont des anciens de LR ou du PS. Les recrues du printemps 2017 « issues de la société civile » n’ont pas laissé la moindre trace. Nul ne peut faire de l’ombre à Macron. Nul n’est en position de lui infliger ce qu’il a infligé à Hollande. Le rival le plus dangereux, Édouard Philippe, a été écarté avant de le devenir vraiment. Sans oublier que, comme Jupiter, Macron est un chouchou de la Fortune. François Bayrou, qu’il a été obligé de nommer à un poste important et qui aurait pu se comporter comme son aîné et son mentor, a sauté tout seul sur une mine, débarrassant le président nouvellement élu d’une présence potentiellement encombrante au Conseil des ministres.
Plus que ses prédécesseurs, Macron cumule les pouvoirs de nos institutions sans devoir affronter de véritables contre-pouvoirs. Dans ces conditions, on se demande pourquoi son bilan est si léger en dehors de ses talents d’urgentiste. Faute d’être simple, la réponse est courte. Fruit d’une obsession pour la capacité de gouverner, les institutions privent notre chef de ce qui est encore plus important que le pouvoir juridique d’agir – la légitimité.
Le programme éclipsé par la personnalité du candidat
La personne est élue, mais pas sa politique. Or, une fois président, la personne applique sa politique, avec le soutien de députés élus grâce à lui (les Français sont conséquents). Et puis c’est la grève, les cheminots/élèves/infirmières sont dans la rue, et à l’Élysée on découvre la réalité : un projet plébiscité par 24,01 % (Macron), 28,63 % (Hollande), 31,18 % (Sarkozy), voire 19,98 % et 20,84 % (Chirac) a du mal à passer… Surprise ! La majorité obtenue par le chantage institutionnel du second tour ne légitime pas les réformes présentées au premier. Et au lieu de négocier une plateforme de gouvernement avec les représentants des différents courants de la société française, le président se trouve dans un rapport de force avec la CGT ou pire encore avec des Gilets jaunes, avec lesquels tout dialogue est impossible faute de porte-parole et de revendications claires.
C’est le défaut majeur de la Ve : ce n’est pas un régime représentatif, d’où le déficit de légitimité du chef de l’État. Et le pouvoir législatif, qui aurait pu remédier à ce problème, est la principale victime de notre Constitution, relique du mépris du Général pour les « assemblées ».
Notre problème ne tient donc pas à l’échec de la démocratie représentative, mais à son absence. Aussi la solution ne se trouve-t-elle pas du côté de la démocratie directe, mais dans l’élection d’une assemblée véritablement représentative en lieu et place de notre chambre d’enregistrement. Nous avons besoin d’un Parlement reflétant – plus au moins –, les résultats du premier tour des présidentielles, car ce sont les majorités automatiques qui condamnent le président à l’échec politique.
À l’heure où, dans les médias, on ne parle pratiquement que de l’Ukraine, une ancienne histoire concernant ce pays vient de refaire surface…
En 2014, quand le conflit avec la Russie éclate dans le Donbass, Joe Biden, vice-président des États-Unis, est mandaté par Barack Obama pour s’occuper de cette crise sur le plan diplomatique. La même année, son fils, Hunter, est embauché par Burisma, une société énergétique basée à Kiev, qui lui accorde une rémunération très élevée pour une personne dépourvue d’expérience dans le secteur.
Cinq ans plus tard, un ordinateur portable est abandonné dans un atelier de réparation informatique dans le Delaware, l’État de la famille Biden. Sur le disque dur se trouverait un grand nombre d’e-mails concernant les affaires de Biden fils en Ukraine. Ces documents suggéreraient que, entre autres pratiques douteuses, Hunter espérait exploiter les visites de son père en Ukraine pour faire fructifier ses propres intérêts commerciaux. Le propriétaire de l’atelier confie le portable au FBI.
En octobre 2020, juste avant l’élection présidentielle, l’équipe de Rudy Giuliani, l’avocat de Donald Trump, livre une copie du contenu du disque dur au New York Post qui publie des révélations potentiellement compromettantes pour la campagne électorale de Joe Biden. Les médias « mainstream », le New York Times en tête, conspuent l’histoire, la traitant de « fake news » et de produit d’une campagne de désinformation russe. Twitter et Facebook empêchent sa diffusion sur leurs plateformes.
Or, le 16 mars 2022, le New York Times publie un article qui reconnaît enfin que certains des e-mails en question sont authentiques et proviennent d’un ordinateur portable ayant appartenu à Hunter. Les documents sont cités dans le contexte d’une enquête fédérale, ouverte en 2018, sur les activités de Biden fils. Voilà comment une histoire rejetée par des journalistes « sérieux » et censurée par les géants de la Big Tech comme une théorie du complot inventée par la droite s’avère tout simplement vraie.
Notre chroniqueur Philippe Bilger se désole de la médiocrité de la campagne présidentielle à laquelle nous assistons. Il constate des invariants, des éléments qui réapparaissent à chaque présidentielle: Les Républicains sont toujours des castors, l’extrême gauche est toujours violente et antirépublicaine, et les médias stigmatisent ce qu’ils appellent «l’extrême droite»…
Écœuré. Parce que déjà la dénonciation morale s’est substituée à l’analyse politique et qu’on serait bien en peine d’expliquer ce que recouvre le terme globalisant et paresseux « d’extrême droite » et ce qu’aurait de raciste le concept de préférence nationale. Parce que le relatif effacement démocratique de la campagne, la posture tutélaire et la frilosité judiciaire ont apporté au candidat Macron des avantages indéniables. Parce que l’extrême gauche violente a sévi à Rennes et à Lyon durant la nuit du 10 au 11 avril pour protester contre les résultats du premier tour et la « dynastie Le Pen » mais que c’est le RN qui est stigmatisé comme antirépublicain !
Parce qu’à la suite d’une campagne durablement médiocre – contrairement à celle de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen – LR est menacé de dislocation et que des conséquences tragiques en résultent, notamment financières. L’alternative est simple. Ce parti meurt ou il s’efface pour laisser la place à des responsables nouveaux et à une vision intelligemment et authentiquement de droite, qui n’aurait rien à voir avec le macronisme, ce que malheureusement Valérie Pécresse n’est pas parvenue à démontrer.
Parce que la position personnelle de cette dernière est aberrante, ce qui va la conduire à voter en faveur d’Emmanuel Macron alors qu’elle n’a pas cessé de critiquer le bilan de celui-ci en le jugeant néfaste pour la France. Cette attitude est contraire à toute morale politique alors qu’une solution de synthèse était possible, conciliant l’éthique publique et la lucidité civique : un « ni ni » récusant les deux candidats du second tour, au lieu de laisser croire qu’Emmanuel Macron serait un moindre mal. Que Rachida Dati et Xavier Bertrand, exemplaire par sa loyauté, soutiennent le choix de Valérie Pécresse est dramatique : au lieu de résister à la confusion, c’est l’encourager. Que la gauche et l’extrême gauche, qu’un gouffre sépare du RN, appellent à voter contre ce dernier, est logique mais que LR, même hostile à une possible union des droites, ne perçoive pas la familiarité intellectuelle et politique qui existe entre eux et le RN pour certaines problématiques, par exemple de sécurité, de justice et d’immigration, est invraisemblable.
LR, tout comme LFI, consolident le système en favorisant la réélection de Macron
Les Républicains, sans imagination, ont décidé de ne pas apporter une seule voix à Marine Le Pen : exactement comme Jean-Luc Mélenchon ! Je ne suis pas persuadé que le renouveau est en marche ! Parce qu’entendre le discours d’Emmanuel Macron, tout empli d’une démagogie bienveillante à l’égard de tous les candidats sauf une évidemment, ne me rassure pas pour la suite. Il a annoncé avec un ton tribunitien assez réussi un volontarisme et des mesures dont on a le droit de penser qu’ils seront aussi vains que les promesses non tenues des cinq années précédentes.
Parce qu’est invoqué, tel un mantra, le barrage contre Marine Le Pen et que pour ma part, par cohérence, j’aurais préféré que le RN soit interdit si on l’estimait contraire à la République au lieu de le voir traiter, dans le jeu démocratique, comme s’il l’était effectivement. On le combat politiquement ou non : c’est la question.
Le barrage républicain va-t-il encore tenir ?
Parce qu’entre les deux tours, on va abreuver les citoyens d’injonctions à penser juste, à bien voter, à se garder du fascisme à nos portes et de l’apocalypse sur nos destins, avec ce paradoxe du journal Le Monde se satisfaisant de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud mais mettant seulement en garde contre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Parce que notre démocratie est biaisée, immature, haineuse, violente et qu’elle fait craindre le pire pour demain. Parce que les cadres et les retraités ont fait confiance à Emmanuel Macron, que les élites urbaines l’ont placé en tête mais que le peuple, lui, continuera à être abandonné, laissé dans son immense pré carré, sans la moindre espérance.
Parce que le 24 avril, si Emmanuel Macron est réélu, je suis lassé par avance d’entendre durant cinq ans une autoglorification vantant le monde de la raison, de la mesure, du consensus obligatoire, de la détestation des populismes (surtout quand les peuples les auront légitimés). Et de devoir ressasser que le régalien, l’autorité de l’Etat, le deux poids deux mesures, le snobisme sociétal, les contradictions successives et permanentes continueront à manquer ou à nous offenser.
Parce qu’il y a trop d’abstentionnistes, qu’il y a trop d’extrême gauche, trop d’envie de droite autoritaire et sans cœur, trop de citoyens explicitement ou implicitement en dissidence, en rupture. Écœuré parce que la France est trop précieuse pour être ainsi reléguée à cause d’une République confisquée par les uns et déniée aux autres.
L’émotion et la colère suscitées par l’assassinat d’Yvan Colonna sont insuffisamment contextualisées par les médias, de sorte qu’il est difficile d’en comprendre les raisons. Analyse.
En effet, la Corse vit actuellement un déclassement et un changement de sa population d’une ampleur sans précédent dans l’Europe moderne qui menacent jusqu’à son identité même.
En 1998, l’assassinat du préfet Érignac provoque une émotion considérable et une profonde désapprobation dans l’île. Le gouvernement, au lieu de profiter de ce rare moment d’union nationale, va instaurer un climat répressif. Toute personne pouvant avoir le moindre lien avec l’affaire est arrêtée, un véritable régime d’exception va être mis en place. Le nouveau préfet d’alors va aller jusqu’à ordonner à des gendarmes de se faire passer pour des indépendantistes et brûler un restaurant en bord de mer.[1] Des Corses vont rester mis en examen pendant des années, bien qu’ils n’aient rien à voir avec l’affaire. Près de 1% des Corses seront interpellés. Rapporté au continent, cela ferait plus d’un demi-million de Français interpellés.
En 2003, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, en pleine reconquête de l’électorat de droite et se préparant à la présidentielle de 2007, annonce en public : « La police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Érignac ». Alors qu’aucun procès d’Yvan Colonna n’avait encore eu lieu, un ministre de l’Intérieur et futur président de la République désigne un homme à la vindicte populaire. Cette atteinte à la présomption d’innocence ne pouvait qu’avoir de lourdes conséquences sur la fiabilité des témoignages des policiers et les comportements des magistrats. Une forme de feu vert tacite qui peut avoir l’effet délétère d’influencer le comportement de certains fonctionnaires. Comment imaginer qu’un homme tel que Nicolas Sarkozy ne fasse pas tout son possible pour empêcher qu’en pleine campagne électorale il soit dédit ? Les trois procès d’Yvan Colonna, qui a clamé son innocence sans relâche, ont révélé surtout l’absence de preuves matérielles de sa culpabilité. Les condamnations d’Yvan Colonna sont fondées sur les témoignages des membres du commando responsable de l’assassinat du préfet Érignac et sur l’intime conviction des policiers qui ont enquêté sur lui. Mais les membres du commando ont manifestement menti et les policiers étaient sous l’influence de leur hiérarchie. Fin mai 1999, la moitié des personnes responsables de l’assassinat ignoble et inhumain du préfet Érignac à Ajaccio, sont arrêtées.
Il faut se rappeler qu’à l’époque les policiers sont sous une énorme pression du gouvernement qui veut des résultats à tout prix. En 24 heures, procédant à l’intimidation des suspects, qui étaient sous la menace de ne plus voir leurs enfants que derrière un parloir de prison, les enquêteurs obtiennent les aveux nécessaires. Yvan Colonna est désigné par les gardés à vue et leurs épouses comme 3ème membre du commando. Outre qu’ils retireront toutes leurs accusations, une fois libres, leurs témoignages obtenus sous pression ne se corroborent pas – à tel point qu’ils démontrent que les personnes désignant Yvan Colonna comme membre du commando ont toutes menti. Les témoins qui ont assisté à l’assassinat affirment clairement que l’assassin qu’ils ont vu tirer n’était pas Yvan Colonna. En revanche, des témoins ont vu Yvan Colonna à Cargèse le soir de l’assassinat. Un expert en balistique, sur les observations du médecin légiste, montre que le tueur était nécessairement plus grand que le préfet, alors qu’Yvan Colonna mesurait dix centimètres de moins. Et, je ne vous donne que les exemples les plus évidents, les plus simples à exposer, mais il en existe des dizaines d’autres qui interrogent tout honnête homme sur la culpabilité d’Yvan Colonna qui a toujours et sans répit clamé son innocence, pendant 24 ans.
Tout le continent s’est ému des émeutes et que des dirigeants politiques mettent en berne des drapeaux en Corse pour la mort d’un assassin. Mais rares sont les continentaux qui ont suivi de près les procès d’Yvan Colonna. Mettez-vous à la place des Corses qui eux ont suivi de très près chacun des trois procès. Qui ont connaissance de ce que je vous ai dit. Qu’il est possible qu’Yvan Colonna ait fait quasiment 20 ans de prison alors qu’il était innocent. Que cet homme, peut-être innocent, au bout de 20 ans de prison est assassiné atrocement, à 62 ans, par un djihadiste psychopathe de 36 ans, signalé comme très dangereux avec qui l’on aurait jamais dû le laisser seul. Surtout quand on apprend par le Canard Enchaîné que le président de la République aurait conclu un accord secret avec les autonomistes corses pour que les « prisonniers politiques corses » soient transférés sur l’île[2], ce que le pouvoir politique a toujours refusé de faire du vivant d’Yvan Colonna. Son rapprochement de sa famille en Corse aurait permis à ses parents, sa femme et ses enfants, qui n’ont rien à voir avec l’assassinat, d’avoir une vie moins pénible où les congés sont consacrés aux longs voyages sur le continent pour lui rendre visite. Il faut se rendre compte aussi qu’Yvan Colonna est issu d’une vieille famille corse, il aurait pu suivre le chemin habituel d’un enfant de notable corse, son père étant député socialiste, et être fonctionnaire. Mais il préfère revenir aux sources et devenir berger, un métier on ne peut plus proche de la nature et où l’on vit chichement.
Pourquoi de jeunes Corses s’identifient à Colonna
Indépendantiste, écœuré par les magouilles et les petits arrangements, il décide de faire scission. Sachant tout cela, comment ne pas comprendre qu’auprès de nombreux Corses, cet homme apparaisse comme un martyr, un honnête homme résistant seul au pouvoir corrompu en place ? Que la jeunesse corse s’identifie à lui, à un moment où la Corse « historique » est menacée dans son existence même ?
On le dit peu, mais la Corse en 30 ans est passée de 250 000 à 350 000 habitants, alors que son taux de fécondité est un des plus bas de France. Il est difficile d’avoir des chiffres mais il est loin d’être impossible que désormais les « Corses de souche » ne soient plus majoritaires ; dans le sud de l’île en tout cas, c’est déjà certain. Vous avez désormais des Magrébins, des Portugais, des Allemands, des Espagnols, des Italiens et surtout beaucoup de continentaux qui se sont installés en Corse. Essentiellement deux types de population s’y sont installés. D’abord des personnes aisées qui ont fait flamber les prix de l’immobilier, du BTP et des services. Afin de les « servir », les grands patrons corses, ont fait venir du continent, des personnes en état de précarité qui quitte à gagner le smic, préfèrent le faire au soleil. Cet afflux de travailleurs pauvres a mis une pression phénoménale sur les bas salaires et les traditions sociales de l’île. De plus, ces continentaux s’installent en Corse comme ils s’installeraient dans n’importe quelle banlieue du continent : ils font fi des traditions locales, construisent et s’enferment dans des pavillons en parpaing et aux hauts murs, clôturent leurs terrains et empêchent des passages séculiers. Alors que, contrairement aux préjugés que l’on peut avoir sur eux, les Corses sont très ouverts et solidaires, ces façons de vivre s’opposent physiquement à la sociabilité corse. Une véritable décorsisation de la société, des emplois, des villages et de villes comme Ajaccio et Porto-Vecchio est à l’œuvre et ne cesse de s’amplifier.
Les médias ne cessent de parler des «nationalistes » au pouvoir en Corse. Mais le terme « nationaliste » est assez inapproprié pour désigner les autonomistes qui sont à la tête de l’île.
Ce sont des ultra-progressistes qui ont une très grande proximité idéologique et méthodologique avec Macron. Ils sont dans la même confusion mentale, le même déni.
Ils appellent à une Corse ouverte à tous, répètent à l’envie des crédos tels que la « Corse est une formidable machine à fabriquer des Corses ». Mais sous leurs mandats la Corse a complètement changé de visage, elle est devenue une machine à défigurer l’île de Beauté et dénaturer son identité. Bien sûr les autonomistes ne sont pas la cause de tout cela, mais ils ont laissé faire, ils ont été les idiots utiles d’intérêts particuliers. Dans tout ce marigot, toute une partie de la jeunesse corse refuse la mort programmée de sa culture et de son identité. Elle se révolte et Yvan Colonna est son étendard, car il symbolise selon certains la résistance à la corruption du pouvoir et de l’argent.
Ce premier tour de la présidentielle, loin d’être la réédition de 2017, comporte une foule de nouveautés. Contrairement à ce que l’on prétend, les Français, bien qu’ils votent un peu trop souvent avec leurs pieds, votent aussi avec leur cervelle, estime notre chroniqueur.
Tout d’abord, un grand merci à Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo. Ces gagne-petit de l’élection, en réalisant à eux trois plus de 8% des voix, ont empêché l’accession au second tour de Jean-Luc Mélenchon. Cela nous évitera quelques mauvaises imitations de Jean Jaurès, et l’arrivée au pouvoir d’une bande d’islamo-gauchistes et autres intersectionnels, féministes en peau de lapine (JPB, tu devrais avoir honte !), communautaristes en quête de charia, et super-pédagos dans les écoles.
Scores de Mélenchon à Bobigny: 60%, Trappes: 60%, Roubaix : 52%. On a tort de critiquer l’islamo-gauchisme. Electoralement, c’est une stratégie payante (1/2)
Je voudrais aussi remercier les électeurs d’avoir considérablement éclairci les rangs des « grands partis », ou supposés tels. La fiction ancienne selon laquelle il existerait encore une droite et une gauche vient de s’effondrer — même si nous savions depuis lurette que c’est une fiction, et que PS et LR étaient les deux faces d’un libéralisme qui n’est même pas honteux d’accumuler des « produits financiers » en détricotant l’industrie française.
Valérie Pécresse réduite à faire la manche
Remarquons aussi que l’Europe, qui décide depuis des années à notre place, a placé son candidat en tête. Vous pensiez que c’était Macron, c’est Ursula von der Leyen — la bonne dame patronnesse qui va faire un tour à Kiev pour y montrer son brushing et expliquer aux Ukrainiens que leur blé, leur maïs et leurs terres rares l’intéressent.
Je sais bien qu’il y a ici nombre de partisans d’Eric Zemmour, qui s’illusionnaient sur la capacité de leur candidat à rassembler de façon magique sur son nom des millions de suffrages. Il a rassemblé un réservoir de voix qui devraient naturellement aller sur Marine Le Pen — à moins que les porteurs de ces voix soient aussi bornés que des écolo-communisto-socialo-mélenchoniens, ce qui n’est pas exclu.
Plaignons tout de même Valérie Pécresse, réduite à faire la manche et à offrir sur une sébile son vieux parti aux appétits de Laurent Wauquiez, qu’elle n’a jamais pu supporter et qui va lancer une OPA sur LR, en prévision de la prochaine échéance, celle des législatives. Parce que pendant que de grands esprits, comme Estrosi et Muselier, iront réclamer leurs trente deniers — le prix de leur trahison — à Emmanuel Macron, les couteaux s’affûtent et une Chambre style Quatrième République se prépare. Parce qu’il en est des élections comme de la Coupe du Monde de foot vu par l’ancien attaquant anglais Gary Lineker (« Football is a simple game ; 22 men chase a ball for 90 minutes and at the end, the Germans always win ») : tous les partis y participent, et à la fin ce sont les grosses écuries qui se partagent le gâteau. Gageons que Marine Le Pen, qui va bien nous faire 46 ou 47% au second tour (elle a des réserves de voix, elle) ne parviendra pas à concrétiser cet énorme capital en sièges de députés — comme d’hab.
Vivement demain
N’ayez aucune illusion sur ce second tour. Le système ne tient pas à ce qu’une admiratrice des démocraties « illibérales » parvienne au pouvoir, un seul Viktor Orban lui suffit. D’ailleurs, ce même système a besoin d’immigrés pour travailler à bas prix, s’offrir des smartphones et consommer du foot — l’ouverture de la Coupe du monde, en novembre-décembre prochains, nous fera très vite oublier les dernières péripéties électorales. Avec un peu de chance on nous fera peur d’ici-là avec un variant du virus de la connerie, dont aucun masque ne peut nous protéger.
En tout cas, les footeux nous protègeront des mouvements sociaux qui ne sauront manquer de se dérouler quand Macron aura gagné et portera l’âge de la retraite à 65 ans (en pratique, ce sera 70, si vous tenez vraiment à toucher une retraite complète, vu que l’âge d’entrée dans la vie active est aux alentours de 25 ans aujourd’hui), ou que Marine Le Pen l’aura emporté, et stimulera l’envie de manifs de tous les électeurs de Mélenchon, qui se croiront nombreux sur la simple base du fait qu’ils crient fort.
PS. Je voudrais saluer les dernières sanctions contre la Russie : la Société Générale cède pour trois roubles sa filiale russe Rosbank, achetée 4 milliards d’euros. Ou comment se tirer une balle dans le pied pour faire plaisir aux Américains et autres profiteurs de la guerre.
S’il est réélu, Emmanuel Macron envisage une convention citoyenne sur la fin de vie. Les partis historiques français (LR et PS) sont mourants, le premier tour l’a démontré. Analyse.
Si la Bérézina de Valérie Pécresse a surpris dimanche soir, le PS n’avait en revanche pas attendu Anne Hidalgo pour être plongé sous une sédation lente et profonde.
Quoi qu’en disent les pisse-vinaigres, la soirée du premier tour fut en réalité pleine de surprises, finalement. Les deux partis de gouvernement ont fait leur pire score de l’histoire, devancés par deux forces politiques encore nouvelles : la République en Marche (cinq ans d’existence) et Reconquête (six mois d’existence !). Enfin, le Rassemblement national, qui n’a jamais gouverné, est arrivé 2ème, et a réalisé le meilleur score de son histoire au premier tour. Alors oui, un petit retour sur cette soirée très mouvementée s’impose encore.
LR: une crise grave
La soirée du 10 avril aura donc été cauchemardesque pour le parti LR. La candidate, Valérie Pécresse, a fait moins de 5%, ce qui représente le score le plus faible pour le parti de la droite républicaine. Le parti n’est pas remboursé de ses frais de campagne, la candidate malheureuse a lancé un appel aux dons et s’est déclarée endettée personnellement à hauteur de 5 millions d’euros. Elle a déploré, amèrement : « Le vote utile nous a siphonné ». Outre ce fameux vote utile, c’est sans doute la faiblesse idéologique du programme de la candidate dans cette campagne, concurrencée par Emmanuel Macron et Éric Zemmour, qui méritera d’être questionnée. Son programme de centre-droit n’a peut-être finalement parlé qu’à des catégories aisées de Français, citadines. Valérie Pécresse a échoué à élargir sa base électorale, laquelle n’a cessé de se réduire durant la campagne. Un phénomène qui a fait fuir des centaines de cadres et militants LR chez LREM et Reconquête !, dont les députés Éric Woerth (LREM) et Guillaume Peltier (Reconquête !), ou le sénateur Sébastien Meurant (Reconquête !).
Éric Ciotti a été franc sur TF1, dimanche soir : « C’est une défaite historique pour l’histoire républicaine. Cette campagne n’a pas fonctionné, ni sur le fond, ni sur la forme. J’ai essayé de porter un vrai projet de droite. Ce n’est peut-être pas ce chemin qui a été suivi… » Les divisions chez les LR vont donc recommencer, d’autant que Valérie Pécresse a immédiatement appelé à voter Emmanuel Macron dimanche, ce qu’Éric Ciotti refuse pour l’instant de faire.
Les socialistes au fond du gouffre !
Mais c’est encore pire pour le PS, dont la candidate Anne Hidalgo a fait moins de 2%, derrière Jean Lassalle (3%), candidat farfelu pourtant sans parti ! La candidate socialiste n’a pu que constater le désarroi de ses soutiens, dimanche: « Je sais combien vous êtes déçus ce soir », et promettre de participer à la « reconstruction de la gauche duréel »… Des mots bien creux, qui démontrent si c’était nécessaire l’absence de projet des socialistes, incapables de se démarquer des macronistes ou des verts. Les radicaux sont partis chez Mélenchon. Quant à ceux des progressistes qui veulent le pouvoir, ils sont déjà partis chez Macron depuis un moment. D’ores et déjà, le chef de file des députés PS, Olivier Faure, en froid avec la maire de Paris depuis quelques semaines, a appelé à la création « d’un pacte pour la justice sociale et écologique ». Les autres partis de gauche en déroute – EELV et PCF – vont-ils seulement le lire ? On peut en douter. Ségolène Royal, partie chez Jean-Luc Mélenchon, ne sera sans doute pas la première à le faire.
Les partis de gouvernement sont bels et bien en fin de vie. Droite républicaine et Parti socialiste rythmaient pourtant l’un et l’autre la vie politique depuis les années 1970 ! Aujourd’hui, c’est terminé, le choix électoral des Français s’est métamorphosé, et se polarise de plus en plus autour de figures et de mouvements qui n’avaient pas gouverné auparavant.
Une droite nationale à son plus haut depuis 2002
Marine Le Pen sort de ce second tour avec un score historique pour son parti : 23,15%. La candidate du RN a sans doute bénéficié du vote utile à droite, ce qui lui a permis de brasser plus large que les seules couches populaires. Une partie de son électorat menaçait sans doute de se diriger vers Éric Zemmour, mais il faut croire que la faible expérience du chroniqueur en politique, les craintes suscitées par la guerre en Ukraine et son manque de maîtrise de certains sujets l’ont sûrement pénalisé à la fin de cette campagne. Le candidat Reconquête !, donné à 8% dans l’ensemble des derniers sondages, sort finalement à 7,07%.
Un score décevant, que Marion Maréchal, invitée sur le plateau de TF1 dimanche soir relativise : « Nous sommes un peu déçus, mais nous avons le premier parti de France, et sommes maintenant décidés à construire une force politique d’avenir. » Le nouveau parti se targue de posséder plus de 120 000 adhérents (plus que le RN) et de militants nombreux, jeunes et très mobilisés. Mises ensemble, les forces nationales ou “patriotes” forment à elles-seules plus de 32% de l’électorat, du jamais vu.
Mélenchon, le dernier tour de piste?
Personne n’attendait non plus le candidat LFI avec un score aussi élevé : 22%. La campagne très dynamique de Jean-Luc Mélenchon, avec des meetings retransmis par hologrammes dans de nombreuses villes de France, et surtout son verbe remarquable, capable de soulever les foules dans toutes les classes d’âge, est sans doute à l’origine de ce score historique.
Pourtant, les militants LFI sont assez déçus : « Nous espérions que Mélenchon passerait au second tour, et nous sommes très déçus et inquiets que l’extrême droite soit de nouveau aux portes du pouvoir » déplore Jennifer, une militante LFI de la première heure, interrogée au micro de TF1. Exit les sociaux-démocrates du PS, désormais c’est la gauche contestataire qui est majoritaire dans le paysage à gauche ! Cette nouvelle situation laisse présager une recomposition politique importante pour les législatives, et fait craindre un troisième tour dans la rue. Yannick Jadot et Fabien Roussel, très affaiblis à la veille de ces législatives, ne peuvent raisonnablement espérer reconstituer de nouvelles forces dans l’immédiat.
En route vers un Macron II
Dans un discours d’une vingtaine de minutes, enfin, le président-candidat victorieux du premier tour avec 27,84% des suffrages, a sorti dimanche soir les propos les plus convenus, appelant au grand rassemblement « tous ceux qui veulent bâtir un monde nouveau ». Un nouveau monde ? Avec les mêmes, pourtant : Chevènement, Woerth, Raffarin, Cohn-Bendit… Le président sortant a remercié les candidats qui ont appelé à « faire barrage à l’extrême droite », et appelé à la constitution d’un « grand mouvement d’unité et d’action ». On a l’impression d’avoir entendu cela tant de fois, mais le second tour s’annonce toutefois incertain. Ifop-Fiducial donnait dès la sortie des urnes Emmanuel Macron et Marine le Pen au coude à coude pour le second tour : 51% contre 49%.
Les partis de gouvernement sont hors jeu. Le RN est normalisé.
Dimanche soir, arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a parlé de « faire barrage à l’extrême droite » devant ses soutiens.L’histoire se répète inlassablement, et déjà les journaux entretiennent l’idée que le chaos est tout proche.
« L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Karl Marx alors qu’il jugeait Napoléon III à l’aune de son oncle. On pourrait aussi penser, avec Carl Gustav Jung que : « Tout ce qui ne parvient pas à la conscience revient sous forme de destin. » Les résultats du premier tour leur donnent, hélas, raison.
En effet, voilà que nous nous apprêtons à revivre le duel pipé d’il y a cinq ans. Celui-ci opposera, cette fois encore, à notre roitelet la patronne du Rassemblement national maintenant adoucie par une fréquentation féline assidue, forte du report des voix du parti Reconquête, rebaptisé, pour l’occasion… Recroquette (!). Notre petit monarque a partagé avec l’humilité qu’on lui connaît cette nouvelle de nature à réjouir ses sujets, prenant dans l’imposture, une posture des plus christiques.
Le trésor de guerre de Mélenchon ? Pas pour Marine Le Pen
Pour ma part, d’abord comme Figaro dans Le Barbier de Séville : « fatiguée d’écrire, ennuyée de moi, dégoûtée des autres (…) », j’ai fini par me dire qu’en pareille traverse, seule convenait, j’y reviendrai, le comportement adopté par Meursault, dans L’Étranger d’Albert Camus. Pour nous Français, indéniablement : « Aujourd’hui maman est (encore) morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
Mais avant de poursuivre plus avant cette réflexion, il me faut revenir sur cette mémorable soirée de dimanche, celle-là même où Jean-Luc Mélenchon, notre regretté philosophe de comices agricoles s’exprima, comme à son habitude, sentencieusement. N’hésitant du reste pas à convoquer Sisyphe pour lester son propos, il commença ainsi sa harangue en décrivant d’emblée la dure situation dans laquelle il se trouvait : « Mis au pied du mur de sa conscience, parce que c’est la condition humaine d’être confronté à des décisions dures ». Il nous gratifia ensuite d’une réplique à la Rocky Balboa : « Tant que la vie continue, le combat continue. » Enfin, il réitéra par quatre fois, d’une voix dramatique, cet ordre terrible : « Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen. » Il se résignait là, beau joueur, à se départir du trésor de guerre constitué par ses voix au profit de notre jeune Dieu.
Quant à notre Prince, magnanime, il commença par citer tous ses adversaires défaits et demanda qu’on leur fît une ovation : « Merci de les applaudir. Nous défendons nos convictions avec force mais en respectant le choix de chacune et chacun. » C’est alors « qu’en même temps », il appela, bien sûr, à « à faire barrage à l’extrême droite. »
Puis il fit preuve, en poursuivant une diatribe fumeuse qui réunissait les habituels contraires, de l’habileté d’un cambrioleur aguerri qui raflerait à la hâte un butin hétéroclite pour l’enfouir dans un grand sac. C’est à cette occasion qu’il affirma, précisant qu’il saurait être humble (Qui Diable pourrait bien en douter ?) : « Plus rien ne doit être comme avant. Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions diverses et les sensibilités diverses. » À ce moment-là, nous eûmes franchement peur et le poids du désespoir affaissa nos épaules.
Pour ce qui est de Marine Le Pen, force est de reconnaître qu’elle sut rester digne et nous épargna des envolées lyriques touffues à l’image de celles dont a coutume de nous gratifier généreusement notre jeune monarque.
Une bouffonne réplique
Il est temps de revenir maintenant à L’Étranger. Ce premier roman publié en 1942 appartient à ce que Camus nommera le cycle de l’absurde. Dans cette œuvre, le philosophe dresse le portrait d’un personnage étrange, nommé Meursault, rétif au jeu social. Incapable de donner ni signification ni direction à sa vie, il est condamné à mort par les hommes plus en raison de son indifférence aux conventions imposées par la société qu’à cause du crime qu’il commet. À la fin de l’œuvre, incarcéré et attendant son exécution, le héros de Camus réalise après un accès de rage contre l’aumônier qui le visite, « la tendre indifférence du monde » et la folie des hommes sacrifiant sur l’étal de leurs certitudes celui qui, parce qu’il ne sait ni mentir ni pleurer ne leur ressemble pas. C’est alors que Meursault peut enfin être en adéquation avec lui-même ; en symbiose avec un monde insensé et brutal qu’il accepte.
Nous sommes nombreux, à l’issue de ce premier tour, à nous sentir comme Meursault : des étrangers, face à une élection qui s’annonce comme une bouffonne réplique de la précédente. Notre Jupiter, bien rôdé, se prépare aux mêmes gesticulations absurdes et à lancer les mêmes appels rebattus au front républicain, se proposant de faire don de sa personne à la France pour lui éviter le retour des heures les plus sombres de son Histoire.
Un faux choix cornélien
Français, il nous est toujours possible, notre rage évacuée face à cette élection volée, de ne pas céder à un chantage éculé. Si nous égarions malencontreusement au second tour notre bulletin de vote, quelles qu’en soient les conséquences, notre révolte face à un premier tour lamentable serait suivie d’un sentiment salvateur et apaisant de cohérence avec nous-mêmes. Nous aurions refusé la mascarade d’un résultat orchestré.
Peut-être devrions-nous, alors, nous laisser guider par Meursault ? Voici les propos qu’il tient à la fin du roman : « Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux et que je l’étais encore. » Pour faire la paix avec nous-mêmes, renonçons au choix pseudo-cornélien que veut nous imposer Emmanuel Macron, amateur, comme chacun sait, et comme l’a dit Karl Marx de l’Histoire qui bégaie…
Après avoir signé le scénario du film césarisé de Xavier Beauvois « Des hommes et des dieux » en 2010, après avoir réalisé son premier film « Django » en 2017, le réalisateur Etienne Comar revient avec un deuxième film, « À l’ombre des filles ». On y retrouve Alex Lutz qui, sous les traits d’un chanteur lyrique qui traverse une mauvaise passe, se tourne vers l’animation d’ateliers de chant dans un établissement pénitentiaire pour femmes. Un synopsis prometteur sur le papier ? Une fois porté à l’écran, le spectacle s’avère assez décevant…
Les films de prison peuvent donner le meilleur comme le pire. Quand Jacques Becker signait Le Trou, on était aux anges et on le reste encore maintenant, soixante ans plus tard. Ici, hélas, on serait plutôt dans la seconde catégorie. Un scénario en béton armé de bonnes intentions nous fait le coup du chant choral qui permet d’oublier l’univers carcéral.
En prof de chant, Alex Lutz fait assurément le boulot, mais son personnage est tellement lesté du poids d’une culpabilité passée qu’il en devient ridicule. Quant aux détenues qu’il a en face de lui, on ne dépasse jamais la vertueuse galerie des caractères disparates chère aux séries télé, lesquelles sont désormais le mètre-étalon des films de cinéma. La taiseuse qui porte un lourd secret face à l’expansive revendicatrice et ainsi de suite d’un protocole compassionnel qui jusqu’au bout enchaîne les figures convenues et convenables à souhait.
France 3 diffusera jeudi à 21 h 10 un portrait inédit de Catherine Deneuve signé Virginie Linhart
Sa blondeur est un leurre. Ne vous fiez pas à ce visage d’ange traversé par des ondes mélancoliques. Catherine n’est pas douce. Catherine n’est pas une potiche. Catherine n’est pas une victime. Catherine est trop insoumise pour se laisser guider par sa seule beauté physique. Il y a chez elle, une dignité qui élève, un refus de se vautrer dans la psychologie de bazar et un souci de vérité qui ne regarde qu’elle-même. Elle est étrangère au regard des autres, ce qui venant de la plus grande actrice française s’avère un paradoxe des plus troublants. Catherine vous emmerde poliment, gentiment, sereinement mais elle vous emmerde quand même.
Vous ne percerez jamais son mystère, c’est son fonds de commerce. Elle ne laisse entrer personne dans son intimité. Chasse gardée ! Vous ne l’enfermerez dans aucune prison dorée. Si elle daigne vendre son image depuis quarante ans dans des publicités internationales, c’est pour mieux se libérer des contraintes. L’argent ne lui fait pas peur. Elle n’en a pas honte. Elle va le chercher là où il se trouve, sans minauder, ni jouer les artistes maudits. Elle n’a jamais été, ni ne sera sous le joug d’un mentor, encore moins d’un homme. Catherine n’est la marionnette de personne. Son inflexibilité est un signe d’espoir dans une société du spectacle si prompte à se lamenter et à quémander un peu d’amour. Catherine ne dégouline pas de bons sentiments et de prudences assassines. Elle a horreur des confessions calculées pour satisfaire l’audimat. Elle ne se dépoitraille pas l’égo pour se conformer aux désirs des majorités. Son individualisme est une leçon de maintien pour nous tous. Elle ne regrette jamais ce qu’elle dit. Cette vérité qui peut paraître carnassière dans sa bouche est, au contraire, une source d’émerveillement et de jubilation pour un public tellement habitué aux simagrées. Catherine est une Marianne qui ne mâche pas ses mots. La tête haute et la parole claire. Elle assène son opinion avec le calme et la précision des filles qui ont quitté le foyer pour convoler avec un réalisateur de quinze ans son aîné. Vadim venait de découvrir BB et roulait, à la ville comme à la plage, en Ferrari Spider California, ce sont deux raisons suffisantes pour arrêter le lycée. Là, réside tout son potentiel érotique. Dans une forme de pudeur qui ne triche pas, d’absence totale de louvoiement et un goût prononcé pour la fantaisie. Catherine ne s’allonge pas sur le divan des Français pour se plaindre. Elle conserve pieusement ses malheurs et que personne ne s’avise de salir, pervertir ou vienne seulement marchander les blessures de sa vie. Catherine ne se livre pas sur commande, elle ne s’explique pas à la veillée des chaumières, elle ne tente pas de convaincre comme un politicien en campagne. Elle a trop le sens des valeurs pour se compromettre dans ce genre de déballages.
On se dit que nous avons eu la chance de croiser sa route, par écrans interposés. Elle aura donné à nos vies anonymes, plus de consistance, plus d’élan aussi, peut-être même la force de ne pas plier. Sa résistance au laid, au vulgaire, à la facilité et à la démagogie ambiante nous montre qu’une autre voie est possible. Le portrait signé Virginie Linhart qui sera diffusé jeudi soir sur France 3 retrace sa longue carrière et ouvre la boîte aux souvenirs. Ils sont tous là. Les sœurs Dorléac dans leur chambre d’adolescentes, une grand-mère souffleuse à l’Odéon, Johnny et sa guitare, Danielle Darrieux en mère de cinéma, Varda qui s’improvise coiffeuse pour Demy, Marcello qui sourit tristement toujours sur les photos, David Bailey qui ne sait pas un mot de français et se mariera pourtant avec elle, les naissances de son fils et de sa fille, son ami Yves Saint-Laurent qui habille ses pensées, Depardieu et Truffaut, les César et les montées des marches, Polanski et Buñuel, Gainsbourg et ses jeux de mots foireux. Catherine aura traversé mille vies. Mick Jagger fut témoin à son mariage. Elle a posé nue pour Playboy. Et elle est une jardinière hors pair. Ce documentaire bien charpenté et plaisant à regarder laisse filtrer le caractère d’une légende, à la fois si proche et si lointaine. Catherine, c’est un bloc, un roc dans l’océan des platitudes actuelles. Quand on l’interroge au détour d’une interview sur la disparition de sa sœur, elle accuse le coup et répond avec une émotion contenue qui honore le téléspectateur. Cette manière d’être impose le respect.
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Deneuve, la reine Catherine – Un film écrit et réalisé par Virginie Linhart. Produit par Georges-Marc Benamou (Siècle Productions). Narratrice Chloé Réjon. Musique originale composée, orchestrée et dirigée par Pablo Pico. Avec le soutien de la PROCIREP et de l’ANGOA. Avec la participation de la RTS, de la RTBF, de Paris Première, de Radio Canada et du CNC. En coproduction avec France Télévisions. Diffusion : France 3 – Jeudi 14 avril – 21 h 10
Emmanuel Macron n’est pas un homme d’état doté d’une solide colonne vertébrale idéologique, mais c’est un comédien hors pair qui sait toujours nous surprendre par ses volte-face. Une stratégie qui s’avère payante puisqu’il s’apprête à être réélu. C’est la conclusion que tire Philippe Bilger après avoir passé au crible le comportement du candidat Macron ces dernières semaines.
Plusieurs exemples, depuis ces deux dernières semaines, illustrant le grand art de comédien d’Emmanuel Macron. Une insincérité totale, une démagogie royale. Le principal, à peine le résultat du premier tour acquis, est l’immédiat changement de pied et d’esprit sur la retraite. Non plus 65 ans mais 64 et l’évocation, pour faire bonne mesure, d’un possible référendum… Il se dit « prêt à bouger » quand il sent le vent tourner ! Jusqu’au 20 avril, je parie que Macron nous offrira d’autres évolutions, infléchissements et modifications seulement destinés à amoindrir la portée de l’argumentation adverse. Il a commencé avec le septennat, la proportionnelle intégrale… Pas besoin d’avoir ses idées: il prend celles des autres. Il est d’autres signaux plus légers mais cependant très révélateurs d’un tempérament qui, ne cherchant qu’à séduire, se moque comme d’une guigne de la plausibilité et de la cohérence de ses propos et de ses actes.
Qui aime bien, châtie bien
Il ose tout et, contredisant Michel Audiard, il est d’autant plus redoutable que ses facultés intellectuelles sont indéniables. Mais, quand il affirme que sa volonté « d’emmerder les non vaccinés », dans le Parisien, avait une tonalité seulement « affectueuse », il se moque du monde. Je serais presque admiratif face à cette assomption ostentatoire d’une argumentation inconcevable. Quel culot il faut avoir !
Après que Marine Le Pen a été rudoyée en Guadeloupe par des militants d’extrême gauche, le président se fend d’une déclaration où il exprime son « respect » pour cette dernière tout en exprimant son opposition à ses idées. Il renouvelle le 11 avril l’affirmation de son respect pour elle mais entre ces deux caresses polies et démocratiques, il donne un entretien au Parisien où il la traite de « raciste » et de « menteuse ». Une contradiction nette entre une urbanité républicaine et une réalité médiatique qui la dément.
Démagogie
J’avais trouvé son intervention au soir du premier tour techniquement réussie, avec un ton tribunitien qui en général ne lui convient pas. En revanche, le début était d’une complaisance et d’une démagogie éclatantes avec son hommage à tous les candidats ; des piécettes de condescendance de la part du qualifié, à l’attention des autres éliminés. Séquence d’autant plus surprenante qu’il se donnait le beau rôle en surplomb du président alors qu’il avait été sur le tard pleinement candidat. Le pire est que ce n’était pas un feu de paille puisqu’il a continué dans ce registre hypocrite en soulignant qu’il allait téléphoner à tous les candidats éliminés parce que, selon lui, il était normal d’échanger avec eux.
D’abord, est-il bien sûr que de Nathalie Arthaud à Jean-Luc Mélenchon en passant notamment par Jean Lassalle, ils soient tous enthousiastes à l’idée de cet appel ? Ensuite c’est là à nouveau la preuve d’une comédie lui permettant encore de se poser en président avant le 20 avril où il sera entièrement candidat, seulement désireux de défendre son bilan et de nous annoncer ses promesses pour les cinq ans à venir.
Le plus important c’est de participer
Cette attitude d’apparente bienveillance républicaine est d’autant plus incongrue et décalée qu’avant le premier tour, il avait refusé obstinément tout échange, toute confrontation avec les autres candidats, réduisant ainsi sa campagne à un monologue auto satisfait et à des réponses à des questions préparées et orientées favorablement. Tous les candidats auraient évidemment préféré, à un appel après le premier tour, de vrais débats avant celui-ci.
Tant que je gagne je joue
Il y a quelque chose dans la personnalité de Macron qui n’est pas authentique à hauteur sans doute de son aptitude à plaire, de son obsession de circonvenir pour mieux embrasser. Comme s’il lui était impossible, dans une joute où il va tout faire pour l’emporter, de ne pas « en même temps » feindre de respecter ceux qu’il a battus et celle qu’il s’apprête, croit-il, à dominer.
Macron est le roi, en effet, de la frime. Un crack de l’apparence trompeuse. Pourquoi s’en priver puisque cela a marché ! Je ressens, au regard de ces éléments qui renvoient aussi bien à un caractère qu’aux fluctuations d’un projet politique, une frustration, une amertume quand je songe au désastre d’une Valérie Pécresse dont le programme était le meilleur mais qui ne disposait pas de cette arme fatale propre au président-sortant : savoir briller sans s’embarrasser de la vérité.
Macron n’a pas réalisé les réformes promises mais sa capacité à gérer les crises a séduit les électeurs. À sa décharge, les institutions de la Ve République sont ingrates avec nos présidents. Élus avec une majorité parlementaire quasi automatique, ils peuvent appliquer un programme minoritaire qui les rend impopulaires.
Il y a plusieurs manières de raconter l’histoire du quinquennat d’Emmanuel Macron. La plus facile est de suivre les courbes de sa popularité. Cela donne une pièce en trois actes.
L’acte I ou « la plongée » commence avec son élection en mai 2017 et se termine dix-huit mois plus tard. Il est rythmé par plusieurs tableaux : juin 2017, projet de loi de la moralisation de la vie publique entaché par les affaires Ferrand et Modem ; été 2017, licenciement du général de Villiers ; été 2018, affaire Benalla. Au cours de cette phase, Jupiter dégringole pour atteindre à la fin de sa première année complète à l’Élysée le point le plus bas dans les sondages. Commence alors l’acte II, « les Gilets jaunes ». En novembre et décembre 2018, le pays et surtout Paris sont secoués par des violences hebdomadaires dont la répétition n’amoindrit pas la stupeur qu’elles suscitent. Ce sont les heures sombres du quinquennat où Emmanuel Macron touche le fond. L’Élysée a peur. La sortie de crise par l’opération « débat citoyen » apparaît a posteriori comme le tournant de son mandat. Plus jamais il ne sera aussi impopulaire. Vers mars-avril 2020, c’est le début de l’acte II, la guerre contre le Covid. Un nouveau Macron arrive sur scène – le président protecteur. Commence alors l’acte III, le « Covid ».
La popularité de Macron, affaiblie par la résistance à la réforme des retraites fin 2019, poursuit sa baisse quand il décide, mi-mars 2020, de confiner le pays. Elle remonte en flèche pour s’établir au niveau où elle se maintiendra jusqu’au début 2022, moment où l’invasion de l’Ukraine par la Russie renforce encore son image aux yeux des électeurs français. Ce qui est surprenant dès lors que la crise actuelle montre que, depuis 2017, il ne brille pas par sa prévoyance, notamment sur la question de l’énergie.
Dans les pas de François Hollande sur la question énergétique
Candidat, Macron s’est engagé à poursuivre la politique de Hollande, fermer Fessenheim et réduire d’un tiers la part du nucléaire dans le mix électrique (de 75 % à 50 %). Concrètement, il s’agit de programmer la fermeture de 12 réacteurs en plus des deux de la centrale alsacienne. Macron n’amorce son revirement qu’en 2021 et s’engage clairement seulement en octobre dernier. L’exemple parfait de son échec est le gâchis Alstom. Ministre de l’Économie en 2014, il valide la cession des activités énergie d’Alstom à General Electric. En 2022, président, il favorise le rachat, car entre-temps la fabrication des turbines est devenue un enjeu de souveraineté. Certes, Macron s’est lancé avec audace en nouant avec Poutine et Trump une relation particulière. Mais son manque de perspicacité sur le nucléaire montre que l’apport de sa « touche » originale dans les rapports de force pèse très peu quand on néglige le développement des éléments réels de puissance, dont l’un des piliers en France est le nucléaire civil.
De ces trois actes, on peut tirer une conclusion : Macron est soutenu quand il gère des crises mais quand il essaie de faire avancer une politique (une « réforme »), il se prend un mur. Et comme il recule devant l’obstacle, ce n’est pas uniquement sa popularité qui en souffre. Les « réformes » elles-mêmes finissent diluées ou tout simplement reportées sine die. Quant à celles qu’il a mises en œuvre au début du quinquennat, en particulier en matière fiscale (ISF devenu IFI, suppression de la taxe sur les exilés fiscaux), elles sont anecdotiques dans leurs effets.
Macron a été élu, malgré sa jeunesse et son manque d’expérience (donc, du point de vue des électeurs de 2017, malgré sa faible capacité à gérer des crises) pour mener une politique nouvelle et secouer le pays. Sur ce terrain, il a totalement échoué, tout en assurant là où on ne l’attendait pas, dans son rôle de chef de guerre ou à tout le moins, dans son talent à se mettre en scène en chef de guerre.
Reste à savoir si, devenu quinquagénaire, le président de la Ve République peut jouer un autre rôle que celui de maître-nageur national. Peut-être que cette combinaison paradoxale de succès et d’échecs s’explique moins par les faiblesses de Macron (et cela vaut pour Hollande, Sarkozy…) que par les règles du jeu. Ce qui permet de dresser un autre récit du quinquennat.
Une impopularité qui s’explique institutionnellement
Nos présidents sont élus en défendant un programme qui au premier tour s’avère minoritaire, voire très minoritaire (Chirac 2002). Au deuxième tour, c’est le moins rejeté des deux qui l’emporte. Dès leur première garden-party du 14 juillet, il se retrouve à l’Élysée avec une majorité docile à l’Assemblée nationale. Autrement dit, rien ni personne ne peut l’obliger à adapter son programme minoritaire en y intégrant des éléments proposés par ses adversaires. Et puisque nos présidents sont des mâles (et un jour des femelles) alpha, sûrs d’eux et dominateurs, ce n’est certainement pas de leur propre chef qu’ils changeront quoi que ce soit. Ils croient avoir toujours raison et, sans rapport de force, ils ne bougent jamais.
Avant Macron, il existait cependant un acteur capable de les faire reculer et changer de position – sinon d’avis : le parti. Ils devaient prendre en compte les intérêts des parrains (appelés « éléphants » au PS). Même s’ils détestaient ça, ils étaient obligés de nommer au gouvernement des personnages forts qui n’avaient pas peur d’eux.
Le quinquennat d’Emmanuel Macron, une véritable monarchie présidentielle
Chez Macron, rien de tout cela. C’est un homme hors père. Par réflexe ou par calcul (à moins que ce ne soit faute de combattants valables), il s’entoure d’exécutants. Il est le patron et le fondateur donc n’est l’héritier de personne. Son parti LREM est l’illustration parfaite de ce trait de caractère chez Macron. Aucune personnalité n’a émergé et les seuls à jouer un rôle sont des anciens de LR ou du PS. Les recrues du printemps 2017 « issues de la société civile » n’ont pas laissé la moindre trace. Nul ne peut faire de l’ombre à Macron. Nul n’est en position de lui infliger ce qu’il a infligé à Hollande. Le rival le plus dangereux, Édouard Philippe, a été écarté avant de le devenir vraiment. Sans oublier que, comme Jupiter, Macron est un chouchou de la Fortune. François Bayrou, qu’il a été obligé de nommer à un poste important et qui aurait pu se comporter comme son aîné et son mentor, a sauté tout seul sur une mine, débarrassant le président nouvellement élu d’une présence potentiellement encombrante au Conseil des ministres.
Plus que ses prédécesseurs, Macron cumule les pouvoirs de nos institutions sans devoir affronter de véritables contre-pouvoirs. Dans ces conditions, on se demande pourquoi son bilan est si léger en dehors de ses talents d’urgentiste. Faute d’être simple, la réponse est courte. Fruit d’une obsession pour la capacité de gouverner, les institutions privent notre chef de ce qui est encore plus important que le pouvoir juridique d’agir – la légitimité.
Le programme éclipsé par la personnalité du candidat
La personne est élue, mais pas sa politique. Or, une fois président, la personne applique sa politique, avec le soutien de députés élus grâce à lui (les Français sont conséquents). Et puis c’est la grève, les cheminots/élèves/infirmières sont dans la rue, et à l’Élysée on découvre la réalité : un projet plébiscité par 24,01 % (Macron), 28,63 % (Hollande), 31,18 % (Sarkozy), voire 19,98 % et 20,84 % (Chirac) a du mal à passer… Surprise ! La majorité obtenue par le chantage institutionnel du second tour ne légitime pas les réformes présentées au premier. Et au lieu de négocier une plateforme de gouvernement avec les représentants des différents courants de la société française, le président se trouve dans un rapport de force avec la CGT ou pire encore avec des Gilets jaunes, avec lesquels tout dialogue est impossible faute de porte-parole et de revendications claires.
C’est le défaut majeur de la Ve : ce n’est pas un régime représentatif, d’où le déficit de légitimité du chef de l’État. Et le pouvoir législatif, qui aurait pu remédier à ce problème, est la principale victime de notre Constitution, relique du mépris du Général pour les « assemblées ».
Notre problème ne tient donc pas à l’échec de la démocratie représentative, mais à son absence. Aussi la solution ne se trouve-t-elle pas du côté de la démocratie directe, mais dans l’élection d’une assemblée véritablement représentative en lieu et place de notre chambre d’enregistrement. Nous avons besoin d’un Parlement reflétant – plus au moins –, les résultats du premier tour des présidentielles, car ce sont les majorités automatiques qui condamnent le président à l’échec politique.
À l’heure où, dans les médias, on ne parle pratiquement que de l’Ukraine, une ancienne histoire concernant ce pays vient de refaire surface…
En 2014, quand le conflit avec la Russie éclate dans le Donbass, Joe Biden, vice-président des États-Unis, est mandaté par Barack Obama pour s’occuper de cette crise sur le plan diplomatique. La même année, son fils, Hunter, est embauché par Burisma, une société énergétique basée à Kiev, qui lui accorde une rémunération très élevée pour une personne dépourvue d’expérience dans le secteur.
Cinq ans plus tard, un ordinateur portable est abandonné dans un atelier de réparation informatique dans le Delaware, l’État de la famille Biden. Sur le disque dur se trouverait un grand nombre d’e-mails concernant les affaires de Biden fils en Ukraine. Ces documents suggéreraient que, entre autres pratiques douteuses, Hunter espérait exploiter les visites de son père en Ukraine pour faire fructifier ses propres intérêts commerciaux. Le propriétaire de l’atelier confie le portable au FBI.
En octobre 2020, juste avant l’élection présidentielle, l’équipe de Rudy Giuliani, l’avocat de Donald Trump, livre une copie du contenu du disque dur au New York Post qui publie des révélations potentiellement compromettantes pour la campagne électorale de Joe Biden. Les médias « mainstream », le New York Times en tête, conspuent l’histoire, la traitant de « fake news » et de produit d’une campagne de désinformation russe. Twitter et Facebook empêchent sa diffusion sur leurs plateformes.
Or, le 16 mars 2022, le New York Times publie un article qui reconnaît enfin que certains des e-mails en question sont authentiques et proviennent d’un ordinateur portable ayant appartenu à Hunter. Les documents sont cités dans le contexte d’une enquête fédérale, ouverte en 2018, sur les activités de Biden fils. Voilà comment une histoire rejetée par des journalistes « sérieux » et censurée par les géants de la Big Tech comme une théorie du complot inventée par la droite s’avère tout simplement vraie.
Notre chroniqueur Philippe Bilger se désole de la médiocrité de la campagne présidentielle à laquelle nous assistons. Il constate des invariants, des éléments qui réapparaissent à chaque présidentielle: Les Républicains sont toujours des castors, l’extrême gauche est toujours violente et antirépublicaine, et les médias stigmatisent ce qu’ils appellent «l’extrême droite»…
Écœuré. Parce que déjà la dénonciation morale s’est substituée à l’analyse politique et qu’on serait bien en peine d’expliquer ce que recouvre le terme globalisant et paresseux « d’extrême droite » et ce qu’aurait de raciste le concept de préférence nationale. Parce que le relatif effacement démocratique de la campagne, la posture tutélaire et la frilosité judiciaire ont apporté au candidat Macron des avantages indéniables. Parce que l’extrême gauche violente a sévi à Rennes et à Lyon durant la nuit du 10 au 11 avril pour protester contre les résultats du premier tour et la « dynastie Le Pen » mais que c’est le RN qui est stigmatisé comme antirépublicain !
Parce qu’à la suite d’une campagne durablement médiocre – contrairement à celle de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen – LR est menacé de dislocation et que des conséquences tragiques en résultent, notamment financières. L’alternative est simple. Ce parti meurt ou il s’efface pour laisser la place à des responsables nouveaux et à une vision intelligemment et authentiquement de droite, qui n’aurait rien à voir avec le macronisme, ce que malheureusement Valérie Pécresse n’est pas parvenue à démontrer.
Parce que la position personnelle de cette dernière est aberrante, ce qui va la conduire à voter en faveur d’Emmanuel Macron alors qu’elle n’a pas cessé de critiquer le bilan de celui-ci en le jugeant néfaste pour la France. Cette attitude est contraire à toute morale politique alors qu’une solution de synthèse était possible, conciliant l’éthique publique et la lucidité civique : un « ni ni » récusant les deux candidats du second tour, au lieu de laisser croire qu’Emmanuel Macron serait un moindre mal. Que Rachida Dati et Xavier Bertrand, exemplaire par sa loyauté, soutiennent le choix de Valérie Pécresse est dramatique : au lieu de résister à la confusion, c’est l’encourager. Que la gauche et l’extrême gauche, qu’un gouffre sépare du RN, appellent à voter contre ce dernier, est logique mais que LR, même hostile à une possible union des droites, ne perçoive pas la familiarité intellectuelle et politique qui existe entre eux et le RN pour certaines problématiques, par exemple de sécurité, de justice et d’immigration, est invraisemblable.
LR, tout comme LFI, consolident le système en favorisant la réélection de Macron
Les Républicains, sans imagination, ont décidé de ne pas apporter une seule voix à Marine Le Pen : exactement comme Jean-Luc Mélenchon ! Je ne suis pas persuadé que le renouveau est en marche ! Parce qu’entendre le discours d’Emmanuel Macron, tout empli d’une démagogie bienveillante à l’égard de tous les candidats sauf une évidemment, ne me rassure pas pour la suite. Il a annoncé avec un ton tribunitien assez réussi un volontarisme et des mesures dont on a le droit de penser qu’ils seront aussi vains que les promesses non tenues des cinq années précédentes.
Parce qu’est invoqué, tel un mantra, le barrage contre Marine Le Pen et que pour ma part, par cohérence, j’aurais préféré que le RN soit interdit si on l’estimait contraire à la République au lieu de le voir traiter, dans le jeu démocratique, comme s’il l’était effectivement. On le combat politiquement ou non : c’est la question.
Le barrage républicain va-t-il encore tenir ?
Parce qu’entre les deux tours, on va abreuver les citoyens d’injonctions à penser juste, à bien voter, à se garder du fascisme à nos portes et de l’apocalypse sur nos destins, avec ce paradoxe du journal Le Monde se satisfaisant de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud mais mettant seulement en garde contre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Parce que notre démocratie est biaisée, immature, haineuse, violente et qu’elle fait craindre le pire pour demain. Parce que les cadres et les retraités ont fait confiance à Emmanuel Macron, que les élites urbaines l’ont placé en tête mais que le peuple, lui, continuera à être abandonné, laissé dans son immense pré carré, sans la moindre espérance.
Parce que le 24 avril, si Emmanuel Macron est réélu, je suis lassé par avance d’entendre durant cinq ans une autoglorification vantant le monde de la raison, de la mesure, du consensus obligatoire, de la détestation des populismes (surtout quand les peuples les auront légitimés). Et de devoir ressasser que le régalien, l’autorité de l’Etat, le deux poids deux mesures, le snobisme sociétal, les contradictions successives et permanentes continueront à manquer ou à nous offenser.
Parce qu’il y a trop d’abstentionnistes, qu’il y a trop d’extrême gauche, trop d’envie de droite autoritaire et sans cœur, trop de citoyens explicitement ou implicitement en dissidence, en rupture. Écœuré parce que la France est trop précieuse pour être ainsi reléguée à cause d’une République confisquée par les uns et déniée aux autres.
L’émotion et la colère suscitées par l’assassinat d’Yvan Colonna sont insuffisamment contextualisées par les médias, de sorte qu’il est difficile d’en comprendre les raisons. Analyse.
En effet, la Corse vit actuellement un déclassement et un changement de sa population d’une ampleur sans précédent dans l’Europe moderne qui menacent jusqu’à son identité même.
En 1998, l’assassinat du préfet Érignac provoque une émotion considérable et une profonde désapprobation dans l’île. Le gouvernement, au lieu de profiter de ce rare moment d’union nationale, va instaurer un climat répressif. Toute personne pouvant avoir le moindre lien avec l’affaire est arrêtée, un véritable régime d’exception va être mis en place. Le nouveau préfet d’alors va aller jusqu’à ordonner à des gendarmes de se faire passer pour des indépendantistes et brûler un restaurant en bord de mer.[1] Des Corses vont rester mis en examen pendant des années, bien qu’ils n’aient rien à voir avec l’affaire. Près de 1% des Corses seront interpellés. Rapporté au continent, cela ferait plus d’un demi-million de Français interpellés.
En 2003, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, en pleine reconquête de l’électorat de droite et se préparant à la présidentielle de 2007, annonce en public : « La police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Érignac ». Alors qu’aucun procès d’Yvan Colonna n’avait encore eu lieu, un ministre de l’Intérieur et futur président de la République désigne un homme à la vindicte populaire. Cette atteinte à la présomption d’innocence ne pouvait qu’avoir de lourdes conséquences sur la fiabilité des témoignages des policiers et les comportements des magistrats. Une forme de feu vert tacite qui peut avoir l’effet délétère d’influencer le comportement de certains fonctionnaires. Comment imaginer qu’un homme tel que Nicolas Sarkozy ne fasse pas tout son possible pour empêcher qu’en pleine campagne électorale il soit dédit ? Les trois procès d’Yvan Colonna, qui a clamé son innocence sans relâche, ont révélé surtout l’absence de preuves matérielles de sa culpabilité. Les condamnations d’Yvan Colonna sont fondées sur les témoignages des membres du commando responsable de l’assassinat du préfet Érignac et sur l’intime conviction des policiers qui ont enquêté sur lui. Mais les membres du commando ont manifestement menti et les policiers étaient sous l’influence de leur hiérarchie. Fin mai 1999, la moitié des personnes responsables de l’assassinat ignoble et inhumain du préfet Érignac à Ajaccio, sont arrêtées.
Il faut se rappeler qu’à l’époque les policiers sont sous une énorme pression du gouvernement qui veut des résultats à tout prix. En 24 heures, procédant à l’intimidation des suspects, qui étaient sous la menace de ne plus voir leurs enfants que derrière un parloir de prison, les enquêteurs obtiennent les aveux nécessaires. Yvan Colonna est désigné par les gardés à vue et leurs épouses comme 3ème membre du commando. Outre qu’ils retireront toutes leurs accusations, une fois libres, leurs témoignages obtenus sous pression ne se corroborent pas – à tel point qu’ils démontrent que les personnes désignant Yvan Colonna comme membre du commando ont toutes menti. Les témoins qui ont assisté à l’assassinat affirment clairement que l’assassin qu’ils ont vu tirer n’était pas Yvan Colonna. En revanche, des témoins ont vu Yvan Colonna à Cargèse le soir de l’assassinat. Un expert en balistique, sur les observations du médecin légiste, montre que le tueur était nécessairement plus grand que le préfet, alors qu’Yvan Colonna mesurait dix centimètres de moins. Et, je ne vous donne que les exemples les plus évidents, les plus simples à exposer, mais il en existe des dizaines d’autres qui interrogent tout honnête homme sur la culpabilité d’Yvan Colonna qui a toujours et sans répit clamé son innocence, pendant 24 ans.
Tout le continent s’est ému des émeutes et que des dirigeants politiques mettent en berne des drapeaux en Corse pour la mort d’un assassin. Mais rares sont les continentaux qui ont suivi de près les procès d’Yvan Colonna. Mettez-vous à la place des Corses qui eux ont suivi de très près chacun des trois procès. Qui ont connaissance de ce que je vous ai dit. Qu’il est possible qu’Yvan Colonna ait fait quasiment 20 ans de prison alors qu’il était innocent. Que cet homme, peut-être innocent, au bout de 20 ans de prison est assassiné atrocement, à 62 ans, par un djihadiste psychopathe de 36 ans, signalé comme très dangereux avec qui l’on aurait jamais dû le laisser seul. Surtout quand on apprend par le Canard Enchaîné que le président de la République aurait conclu un accord secret avec les autonomistes corses pour que les « prisonniers politiques corses » soient transférés sur l’île[2], ce que le pouvoir politique a toujours refusé de faire du vivant d’Yvan Colonna. Son rapprochement de sa famille en Corse aurait permis à ses parents, sa femme et ses enfants, qui n’ont rien à voir avec l’assassinat, d’avoir une vie moins pénible où les congés sont consacrés aux longs voyages sur le continent pour lui rendre visite. Il faut se rendre compte aussi qu’Yvan Colonna est issu d’une vieille famille corse, il aurait pu suivre le chemin habituel d’un enfant de notable corse, son père étant député socialiste, et être fonctionnaire. Mais il préfère revenir aux sources et devenir berger, un métier on ne peut plus proche de la nature et où l’on vit chichement.
Pourquoi de jeunes Corses s’identifient à Colonna
Indépendantiste, écœuré par les magouilles et les petits arrangements, il décide de faire scission. Sachant tout cela, comment ne pas comprendre qu’auprès de nombreux Corses, cet homme apparaisse comme un martyr, un honnête homme résistant seul au pouvoir corrompu en place ? Que la jeunesse corse s’identifie à lui, à un moment où la Corse « historique » est menacée dans son existence même ?
On le dit peu, mais la Corse en 30 ans est passée de 250 000 à 350 000 habitants, alors que son taux de fécondité est un des plus bas de France. Il est difficile d’avoir des chiffres mais il est loin d’être impossible que désormais les « Corses de souche » ne soient plus majoritaires ; dans le sud de l’île en tout cas, c’est déjà certain. Vous avez désormais des Magrébins, des Portugais, des Allemands, des Espagnols, des Italiens et surtout beaucoup de continentaux qui se sont installés en Corse. Essentiellement deux types de population s’y sont installés. D’abord des personnes aisées qui ont fait flamber les prix de l’immobilier, du BTP et des services. Afin de les « servir », les grands patrons corses, ont fait venir du continent, des personnes en état de précarité qui quitte à gagner le smic, préfèrent le faire au soleil. Cet afflux de travailleurs pauvres a mis une pression phénoménale sur les bas salaires et les traditions sociales de l’île. De plus, ces continentaux s’installent en Corse comme ils s’installeraient dans n’importe quelle banlieue du continent : ils font fi des traditions locales, construisent et s’enferment dans des pavillons en parpaing et aux hauts murs, clôturent leurs terrains et empêchent des passages séculiers. Alors que, contrairement aux préjugés que l’on peut avoir sur eux, les Corses sont très ouverts et solidaires, ces façons de vivre s’opposent physiquement à la sociabilité corse. Une véritable décorsisation de la société, des emplois, des villages et de villes comme Ajaccio et Porto-Vecchio est à l’œuvre et ne cesse de s’amplifier.
Les médias ne cessent de parler des «nationalistes » au pouvoir en Corse. Mais le terme « nationaliste » est assez inapproprié pour désigner les autonomistes qui sont à la tête de l’île.
Ce sont des ultra-progressistes qui ont une très grande proximité idéologique et méthodologique avec Macron. Ils sont dans la même confusion mentale, le même déni.
Ils appellent à une Corse ouverte à tous, répètent à l’envie des crédos tels que la « Corse est une formidable machine à fabriquer des Corses ». Mais sous leurs mandats la Corse a complètement changé de visage, elle est devenue une machine à défigurer l’île de Beauté et dénaturer son identité. Bien sûr les autonomistes ne sont pas la cause de tout cela, mais ils ont laissé faire, ils ont été les idiots utiles d’intérêts particuliers. Dans tout ce marigot, toute une partie de la jeunesse corse refuse la mort programmée de sa culture et de son identité. Elle se révolte et Yvan Colonna est son étendard, car il symbolise selon certains la résistance à la corruption du pouvoir et de l’argent.
Ce premier tour de la présidentielle, loin d’être la réédition de 2017, comporte une foule de nouveautés. Contrairement à ce que l’on prétend, les Français, bien qu’ils votent un peu trop souvent avec leurs pieds, votent aussi avec leur cervelle, estime notre chroniqueur.
Tout d’abord, un grand merci à Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo. Ces gagne-petit de l’élection, en réalisant à eux trois plus de 8% des voix, ont empêché l’accession au second tour de Jean-Luc Mélenchon. Cela nous évitera quelques mauvaises imitations de Jean Jaurès, et l’arrivée au pouvoir d’une bande d’islamo-gauchistes et autres intersectionnels, féministes en peau de lapine (JPB, tu devrais avoir honte !), communautaristes en quête de charia, et super-pédagos dans les écoles.
Scores de Mélenchon à Bobigny: 60%, Trappes: 60%, Roubaix : 52%. On a tort de critiquer l’islamo-gauchisme. Electoralement, c’est une stratégie payante (1/2)
Je voudrais aussi remercier les électeurs d’avoir considérablement éclairci les rangs des « grands partis », ou supposés tels. La fiction ancienne selon laquelle il existerait encore une droite et une gauche vient de s’effondrer — même si nous savions depuis lurette que c’est une fiction, et que PS et LR étaient les deux faces d’un libéralisme qui n’est même pas honteux d’accumuler des « produits financiers » en détricotant l’industrie française.
Valérie Pécresse réduite à faire la manche
Remarquons aussi que l’Europe, qui décide depuis des années à notre place, a placé son candidat en tête. Vous pensiez que c’était Macron, c’est Ursula von der Leyen — la bonne dame patronnesse qui va faire un tour à Kiev pour y montrer son brushing et expliquer aux Ukrainiens que leur blé, leur maïs et leurs terres rares l’intéressent.
Je sais bien qu’il y a ici nombre de partisans d’Eric Zemmour, qui s’illusionnaient sur la capacité de leur candidat à rassembler de façon magique sur son nom des millions de suffrages. Il a rassemblé un réservoir de voix qui devraient naturellement aller sur Marine Le Pen — à moins que les porteurs de ces voix soient aussi bornés que des écolo-communisto-socialo-mélenchoniens, ce qui n’est pas exclu.
Plaignons tout de même Valérie Pécresse, réduite à faire la manche et à offrir sur une sébile son vieux parti aux appétits de Laurent Wauquiez, qu’elle n’a jamais pu supporter et qui va lancer une OPA sur LR, en prévision de la prochaine échéance, celle des législatives. Parce que pendant que de grands esprits, comme Estrosi et Muselier, iront réclamer leurs trente deniers — le prix de leur trahison — à Emmanuel Macron, les couteaux s’affûtent et une Chambre style Quatrième République se prépare. Parce qu’il en est des élections comme de la Coupe du Monde de foot vu par l’ancien attaquant anglais Gary Lineker (« Football is a simple game ; 22 men chase a ball for 90 minutes and at the end, the Germans always win ») : tous les partis y participent, et à la fin ce sont les grosses écuries qui se partagent le gâteau. Gageons que Marine Le Pen, qui va bien nous faire 46 ou 47% au second tour (elle a des réserves de voix, elle) ne parviendra pas à concrétiser cet énorme capital en sièges de députés — comme d’hab.
Vivement demain
N’ayez aucune illusion sur ce second tour. Le système ne tient pas à ce qu’une admiratrice des démocraties « illibérales » parvienne au pouvoir, un seul Viktor Orban lui suffit. D’ailleurs, ce même système a besoin d’immigrés pour travailler à bas prix, s’offrir des smartphones et consommer du foot — l’ouverture de la Coupe du monde, en novembre-décembre prochains, nous fera très vite oublier les dernières péripéties électorales. Avec un peu de chance on nous fera peur d’ici-là avec un variant du virus de la connerie, dont aucun masque ne peut nous protéger.
En tout cas, les footeux nous protègeront des mouvements sociaux qui ne sauront manquer de se dérouler quand Macron aura gagné et portera l’âge de la retraite à 65 ans (en pratique, ce sera 70, si vous tenez vraiment à toucher une retraite complète, vu que l’âge d’entrée dans la vie active est aux alentours de 25 ans aujourd’hui), ou que Marine Le Pen l’aura emporté, et stimulera l’envie de manifs de tous les électeurs de Mélenchon, qui se croiront nombreux sur la simple base du fait qu’ils crient fort.
PS. Je voudrais saluer les dernières sanctions contre la Russie : la Société Générale cède pour trois roubles sa filiale russe Rosbank, achetée 4 milliards d’euros. Ou comment se tirer une balle dans le pied pour faire plaisir aux Américains et autres profiteurs de la guerre.
S’il est réélu, Emmanuel Macron envisage une convention citoyenne sur la fin de vie. Les partis historiques français (LR et PS) sont mourants, le premier tour l’a démontré. Analyse.
Si la Bérézina de Valérie Pécresse a surpris dimanche soir, le PS n’avait en revanche pas attendu Anne Hidalgo pour être plongé sous une sédation lente et profonde.
Quoi qu’en disent les pisse-vinaigres, la soirée du premier tour fut en réalité pleine de surprises, finalement. Les deux partis de gouvernement ont fait leur pire score de l’histoire, devancés par deux forces politiques encore nouvelles : la République en Marche (cinq ans d’existence) et Reconquête (six mois d’existence !). Enfin, le Rassemblement national, qui n’a jamais gouverné, est arrivé 2ème, et a réalisé le meilleur score de son histoire au premier tour. Alors oui, un petit retour sur cette soirée très mouvementée s’impose encore.
LR: une crise grave
La soirée du 10 avril aura donc été cauchemardesque pour le parti LR. La candidate, Valérie Pécresse, a fait moins de 5%, ce qui représente le score le plus faible pour le parti de la droite républicaine. Le parti n’est pas remboursé de ses frais de campagne, la candidate malheureuse a lancé un appel aux dons et s’est déclarée endettée personnellement à hauteur de 5 millions d’euros. Elle a déploré, amèrement : « Le vote utile nous a siphonné ». Outre ce fameux vote utile, c’est sans doute la faiblesse idéologique du programme de la candidate dans cette campagne, concurrencée par Emmanuel Macron et Éric Zemmour, qui méritera d’être questionnée. Son programme de centre-droit n’a peut-être finalement parlé qu’à des catégories aisées de Français, citadines. Valérie Pécresse a échoué à élargir sa base électorale, laquelle n’a cessé de se réduire durant la campagne. Un phénomène qui a fait fuir des centaines de cadres et militants LR chez LREM et Reconquête !, dont les députés Éric Woerth (LREM) et Guillaume Peltier (Reconquête !), ou le sénateur Sébastien Meurant (Reconquête !).
Éric Ciotti a été franc sur TF1, dimanche soir : « C’est une défaite historique pour l’histoire républicaine. Cette campagne n’a pas fonctionné, ni sur le fond, ni sur la forme. J’ai essayé de porter un vrai projet de droite. Ce n’est peut-être pas ce chemin qui a été suivi… » Les divisions chez les LR vont donc recommencer, d’autant que Valérie Pécresse a immédiatement appelé à voter Emmanuel Macron dimanche, ce qu’Éric Ciotti refuse pour l’instant de faire.
Les socialistes au fond du gouffre !
Mais c’est encore pire pour le PS, dont la candidate Anne Hidalgo a fait moins de 2%, derrière Jean Lassalle (3%), candidat farfelu pourtant sans parti ! La candidate socialiste n’a pu que constater le désarroi de ses soutiens, dimanche: « Je sais combien vous êtes déçus ce soir », et promettre de participer à la « reconstruction de la gauche duréel »… Des mots bien creux, qui démontrent si c’était nécessaire l’absence de projet des socialistes, incapables de se démarquer des macronistes ou des verts. Les radicaux sont partis chez Mélenchon. Quant à ceux des progressistes qui veulent le pouvoir, ils sont déjà partis chez Macron depuis un moment. D’ores et déjà, le chef de file des députés PS, Olivier Faure, en froid avec la maire de Paris depuis quelques semaines, a appelé à la création « d’un pacte pour la justice sociale et écologique ». Les autres partis de gauche en déroute – EELV et PCF – vont-ils seulement le lire ? On peut en douter. Ségolène Royal, partie chez Jean-Luc Mélenchon, ne sera sans doute pas la première à le faire.
Les partis de gouvernement sont bels et bien en fin de vie. Droite républicaine et Parti socialiste rythmaient pourtant l’un et l’autre la vie politique depuis les années 1970 ! Aujourd’hui, c’est terminé, le choix électoral des Français s’est métamorphosé, et se polarise de plus en plus autour de figures et de mouvements qui n’avaient pas gouverné auparavant.
Une droite nationale à son plus haut depuis 2002
Marine Le Pen sort de ce second tour avec un score historique pour son parti : 23,15%. La candidate du RN a sans doute bénéficié du vote utile à droite, ce qui lui a permis de brasser plus large que les seules couches populaires. Une partie de son électorat menaçait sans doute de se diriger vers Éric Zemmour, mais il faut croire que la faible expérience du chroniqueur en politique, les craintes suscitées par la guerre en Ukraine et son manque de maîtrise de certains sujets l’ont sûrement pénalisé à la fin de cette campagne. Le candidat Reconquête !, donné à 8% dans l’ensemble des derniers sondages, sort finalement à 7,07%.
Un score décevant, que Marion Maréchal, invitée sur le plateau de TF1 dimanche soir relativise : « Nous sommes un peu déçus, mais nous avons le premier parti de France, et sommes maintenant décidés à construire une force politique d’avenir. » Le nouveau parti se targue de posséder plus de 120 000 adhérents (plus que le RN) et de militants nombreux, jeunes et très mobilisés. Mises ensemble, les forces nationales ou “patriotes” forment à elles-seules plus de 32% de l’électorat, du jamais vu.
Mélenchon, le dernier tour de piste?
Personne n’attendait non plus le candidat LFI avec un score aussi élevé : 22%. La campagne très dynamique de Jean-Luc Mélenchon, avec des meetings retransmis par hologrammes dans de nombreuses villes de France, et surtout son verbe remarquable, capable de soulever les foules dans toutes les classes d’âge, est sans doute à l’origine de ce score historique.
Pourtant, les militants LFI sont assez déçus : « Nous espérions que Mélenchon passerait au second tour, et nous sommes très déçus et inquiets que l’extrême droite soit de nouveau aux portes du pouvoir » déplore Jennifer, une militante LFI de la première heure, interrogée au micro de TF1. Exit les sociaux-démocrates du PS, désormais c’est la gauche contestataire qui est majoritaire dans le paysage à gauche ! Cette nouvelle situation laisse présager une recomposition politique importante pour les législatives, et fait craindre un troisième tour dans la rue. Yannick Jadot et Fabien Roussel, très affaiblis à la veille de ces législatives, ne peuvent raisonnablement espérer reconstituer de nouvelles forces dans l’immédiat.
En route vers un Macron II
Dans un discours d’une vingtaine de minutes, enfin, le président-candidat victorieux du premier tour avec 27,84% des suffrages, a sorti dimanche soir les propos les plus convenus, appelant au grand rassemblement « tous ceux qui veulent bâtir un monde nouveau ». Un nouveau monde ? Avec les mêmes, pourtant : Chevènement, Woerth, Raffarin, Cohn-Bendit… Le président sortant a remercié les candidats qui ont appelé à « faire barrage à l’extrême droite », et appelé à la constitution d’un « grand mouvement d’unité et d’action ». On a l’impression d’avoir entendu cela tant de fois, mais le second tour s’annonce toutefois incertain. Ifop-Fiducial donnait dès la sortie des urnes Emmanuel Macron et Marine le Pen au coude à coude pour le second tour : 51% contre 49%.
Les partis de gouvernement sont hors jeu. Le RN est normalisé.
Dimanche soir, arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a parlé de « faire barrage à l’extrême droite » devant ses soutiens.L’histoire se répète inlassablement, et déjà les journaux entretiennent l’idée que le chaos est tout proche.
« L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à un certain Karl Marx alors qu’il jugeait Napoléon III à l’aune de son oncle. On pourrait aussi penser, avec Carl Gustav Jung que : « Tout ce qui ne parvient pas à la conscience revient sous forme de destin. » Les résultats du premier tour leur donnent, hélas, raison.
En effet, voilà que nous nous apprêtons à revivre le duel pipé d’il y a cinq ans. Celui-ci opposera, cette fois encore, à notre roitelet la patronne du Rassemblement national maintenant adoucie par une fréquentation féline assidue, forte du report des voix du parti Reconquête, rebaptisé, pour l’occasion… Recroquette (!). Notre petit monarque a partagé avec l’humilité qu’on lui connaît cette nouvelle de nature à réjouir ses sujets, prenant dans l’imposture, une posture des plus christiques.
Le trésor de guerre de Mélenchon ? Pas pour Marine Le Pen
Pour ma part, d’abord comme Figaro dans Le Barbier de Séville : « fatiguée d’écrire, ennuyée de moi, dégoûtée des autres (…) », j’ai fini par me dire qu’en pareille traverse, seule convenait, j’y reviendrai, le comportement adopté par Meursault, dans L’Étranger d’Albert Camus. Pour nous Français, indéniablement : « Aujourd’hui maman est (encore) morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
Mais avant de poursuivre plus avant cette réflexion, il me faut revenir sur cette mémorable soirée de dimanche, celle-là même où Jean-Luc Mélenchon, notre regretté philosophe de comices agricoles s’exprima, comme à son habitude, sentencieusement. N’hésitant du reste pas à convoquer Sisyphe pour lester son propos, il commença ainsi sa harangue en décrivant d’emblée la dure situation dans laquelle il se trouvait : « Mis au pied du mur de sa conscience, parce que c’est la condition humaine d’être confronté à des décisions dures ». Il nous gratifia ensuite d’une réplique à la Rocky Balboa : « Tant que la vie continue, le combat continue. » Enfin, il réitéra par quatre fois, d’une voix dramatique, cet ordre terrible : « Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen. » Il se résignait là, beau joueur, à se départir du trésor de guerre constitué par ses voix au profit de notre jeune Dieu.
Quant à notre Prince, magnanime, il commença par citer tous ses adversaires défaits et demanda qu’on leur fît une ovation : « Merci de les applaudir. Nous défendons nos convictions avec force mais en respectant le choix de chacune et chacun. » C’est alors « qu’en même temps », il appela, bien sûr, à « à faire barrage à l’extrême droite. »
Puis il fit preuve, en poursuivant une diatribe fumeuse qui réunissait les habituels contraires, de l’habileté d’un cambrioleur aguerri qui raflerait à la hâte un butin hétéroclite pour l’enfouir dans un grand sac. C’est à cette occasion qu’il affirma, précisant qu’il saurait être humble (Qui Diable pourrait bien en douter ?) : « Plus rien ne doit être comme avant. Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions diverses et les sensibilités diverses. » À ce moment-là, nous eûmes franchement peur et le poids du désespoir affaissa nos épaules.
Pour ce qui est de Marine Le Pen, force est de reconnaître qu’elle sut rester digne et nous épargna des envolées lyriques touffues à l’image de celles dont a coutume de nous gratifier généreusement notre jeune monarque.
Une bouffonne réplique
Il est temps de revenir maintenant à L’Étranger. Ce premier roman publié en 1942 appartient à ce que Camus nommera le cycle de l’absurde. Dans cette œuvre, le philosophe dresse le portrait d’un personnage étrange, nommé Meursault, rétif au jeu social. Incapable de donner ni signification ni direction à sa vie, il est condamné à mort par les hommes plus en raison de son indifférence aux conventions imposées par la société qu’à cause du crime qu’il commet. À la fin de l’œuvre, incarcéré et attendant son exécution, le héros de Camus réalise après un accès de rage contre l’aumônier qui le visite, « la tendre indifférence du monde » et la folie des hommes sacrifiant sur l’étal de leurs certitudes celui qui, parce qu’il ne sait ni mentir ni pleurer ne leur ressemble pas. C’est alors que Meursault peut enfin être en adéquation avec lui-même ; en symbiose avec un monde insensé et brutal qu’il accepte.
Nous sommes nombreux, à l’issue de ce premier tour, à nous sentir comme Meursault : des étrangers, face à une élection qui s’annonce comme une bouffonne réplique de la précédente. Notre Jupiter, bien rôdé, se prépare aux mêmes gesticulations absurdes et à lancer les mêmes appels rebattus au front républicain, se proposant de faire don de sa personne à la France pour lui éviter le retour des heures les plus sombres de son Histoire.
Un faux choix cornélien
Français, il nous est toujours possible, notre rage évacuée face à cette élection volée, de ne pas céder à un chantage éculé. Si nous égarions malencontreusement au second tour notre bulletin de vote, quelles qu’en soient les conséquences, notre révolte face à un premier tour lamentable serait suivie d’un sentiment salvateur et apaisant de cohérence avec nous-mêmes. Nous aurions refusé la mascarade d’un résultat orchestré.
Peut-être devrions-nous, alors, nous laisser guider par Meursault ? Voici les propos qu’il tient à la fin du roman : « Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux et que je l’étais encore. » Pour faire la paix avec nous-mêmes, renonçons au choix pseudo-cornélien que veut nous imposer Emmanuel Macron, amateur, comme chacun sait, et comme l’a dit Karl Marx de l’Histoire qui bégaie…