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Radio France: gare au tournant!

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Notre très chic radio publique annonce à grand renfort de communication un « tournant environnemental ». Derrière les bonnes intentions, son manifeste peut légitimement questionner. Analyse.


Radio France a publié début septembre dans le Journal du Dimanche (et peut-être également ailleurs) une pleine page intitulée « Radio France engage un tournant environnemental » qui mérite attention. À écouter France info et France inter, on avait l’impression que sur les questions environnementales les radios d’État étaient très engagées, très militantes : à fond anti-nucléaires ; à genoux devant de grands scientifiques comme Greta Thumberg ou Nicolas Hulot ; admirateurs éperdus de l’Energiewende allemande ; pleurnichant sur la prétendue disparition des ours polaires ; outrageusement favorables à la multiplication par trois ou quatre des éoliennes en France ; etc. – et ne donnant la parole qu’aux militants de ces nobles causes. Sur tous ces points, les radios d’Etat se faisaient d’ailleurs les porte-paroles des gouvernements français, avec même parfois quelques excès de zèle. Le gouvernement français a récemment un peu évolué sur ces thèmes. En lisant le titre de ce manifeste, on a naïvement pu croire un instant que le « tournant » proclamé par Radio France allait se traduire par plus d’impartialité et moins de propagande. Erreur complète. Sa lecture attentive annonce au contraire encore moins d’impartialité et encore plus de propagande.

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Un nouveau dogme

On se souvient de Philippe Verdier, météorologue à France Télévisions, licencié pour avoir publié sur le climat un livre qui n’était pas dans la ligne. Il s’agissait de la télévision d’Etat, pas de la radio d’Etat. Celle-ci a donc un peu de retard. Elle va le rattraper, en mettant les bouchées doubles.

Notons en passant que le texte de l’annonce ne correspond pas du tout à son titre. Le titre cite l’« environnement » ; le texte parle uniquement du climat. Les journalistes de Radio France suivent là l’exemple de nos gouvernements. Il n’y a plus, depuis longtemps, de ministère de l’Environnement en France. Il y a un ministère (et même plusieurs ministres) de la Transition énergétique. C’est plus chic. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans le totalitarisme rampant du « tournant ». On y trouve explicitement trois ingrédients caractéristiques des religions et des totalitarismes : le dogme, l’endoctrinement, et la censure.

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Le dogme d’abord. La « crise climatique » doit être « résolument sortie du champ du débat » (Ah, qu’en termes choisis, ces choses-là sont dites !). Son origine humaine est un « fait scientifique établi », qui ne se discute pas. Ceux qui se posent des questions sont des hérétiques, bons pour le bûcher. Cette attitude est totalement anti-scientifique, puisque le moteur de la science, c’est le doute et le débat. Paradoxe amusant, cette anti-science est vendue au nom de la science. Les religions sont plus cohérentes : leurs dogmes ne se cachent pas derrière la science, mais se fondent sur la transcendance. A Radio France, la crise climatique sera donc sortie du champ du débat, mais en même temps elle sera « un axe éditorial majeur ». Il y aura de plus en plus de journalistes pour en parler, mais ils devront tous dire la même chose.

L’endoctrinement ensuite. Il ne suffit pas d’avoir un dogme, un catéchisme, encore faut-il le faire rentrer dans la caboche et le cœur de tous (et toutes) les journalistes. Radio France annonce à cet effet un « grand plan de formation (sic) sur les questions climatiques ». Pour entrer à Radio France, et y faire carrière, il ne suffira pas d’être compétent dans son domaine, encore faudra-t-il être ferré en climatologie officielle. Dans toutes les universités des pays communistes, les cours de marxisme-léninisme (autre science sortie du champ du débat) étaient obligatoires, même pour les étudiants de mathématiques ou de musique ; et de bonnes notes en marxisme-léninisme étaient un accélérateur de carrière.

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La censure enfin. Radio France s’engage à « exclure progressivement la publicité des produits et services les plus polluants ». Elle va donc créer, avec tous les spécialistes de sa science climatique, un service qui examinera et appréciera ce qui peut ou non être présenté aux auditeurs. Sous d’autres cieux, en d’autres temps, on appelait cela la censure. En contrepartie, Radio France « élargira le nombre d’espaces publicitaires offerts aux organisations engagées dans la transition [énergétique] ». La propagande est en effet le complément naturel de la censure. Pour un croyant, il faut évidemment punir le péché et récompenser la vertu. Comme chacun sait, ce joli programme est financé par les contribuables français, à hauteur de 600 millions d’euros par an.

À quel sein se vouer? 

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Pour les jeunes femmes, les tenues les plus aguichantes sont à la mode, mais l’idéologie féministe interdit aux hommes de les regarder. L’érotisme est obligatoire d’un côté, mais interdit de l’autre.


Nous vivons de contradictions aussi irréelles que dangereuses. Les (jeunes) femmes ne savent plus quoi ne pas mettre ou quoi ôter, quel bout de ventre dénuder, comment raccourcir encore plus une jupe qui sert déjà de ceinture, comment transformer les fesses en seins ? sachant que les prothèses existent… le tout stretché un max. Il faut quand même noter que l’on vend partout des fausses auréoles de sein pour rendre le pull-over plus torride. C’est la mode, on vous dit ! le « croc top » : une façon d’être en sous tif qui met l’estomac en danger mais apparemment ne craint pas les intempéries ni la baisse du chauffage. Être sexy tient chaud.

Sexy mais dessexuée

Mais attention, il est interdit aux hommes de sembler le moins du monde intéressés, le regard insistant pourrait même faire l’objet d’une amende ; bas les pattes, bien sûr, et seule la plus grande indifférence est tolérée. À quel sein se vouer ? Plus les femmes mettent leur corps à l’étalage, plus l’homme doit demeurer détaché. Ce serait quand même le comble qu’on ne puisse pas se déshabiller tranquille dans la rue, en classe, à la fac, dans le métro ou au bureau. « Mon corps m’appartient et je l’exhibe comme je veux, quand je veux, et où je veux … »

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« Pudeur », qu’est-ce que ce terme réservé aux religieux extrémistes de tous bords ? La pudeur est vouée aux gémonies des féministes. La virginité n’a plus de sens et « se garder pour l’homme qu’on aime » est un vestige honteux du XIXème siècle et certainement pas au programme des cours d’éducation sexuelle, cette connotation moralisante est une discrimination, au même titre que les barbecues. Ces mêmes féministes qui ne veulent pas de différences sexuées et confondent avec passion domination, virilité et sexisme. Simultanément les plaintes se multiplient pour agressions en tous genres.

On ne veut pas être sexué ni catalogué, y compris dans les formulaires d’inscription des facs, et depuis que le genre est à bannir, les femmes n’ont jamais autant joué sur leur pouvoir de d’attraction sexuelle. Allez comprendre, un peu schizophrène non ?

Aucun droit de regard

Moi qui raisonne comme on ne raisonne plus, et qui me sent femme et lucide aimant les hommes et qu’ils me regardent, je me demande quand même si les décolletés plongeants jusqu’à l’abime ne sont pas là pour que des regards s’y plongent, bien que les intéressées (par quoi ?) prétendent le contraire. Tout cela fut parfaitement résumé par une très sympathique campagne d’affichage sur les bus pour de la lingerie il y a quelques années, et qui faisait dire à la superbe mannequin au soutien-gorge pigeonnant: « Regardez-moi dans les yeux, j’ai dit dans les yeux … ». On n’en est plus là, regarder droit dans les yeux est certainement passible de sanctions.

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C’est à n’y plus rien comprendre et il faut sérieusement s’inquiéter pour nos ados des deux sexes qui finissent par penser que la norme est le porno, que les hommes sont tous des violeurs en puissance et que c’est même pour cela qu’elles, femmes, ont le « droit » de s’affranchir de toutes les règles s’approchant du convenable. Pardon si je n’évoque pas les autres sexes et les trans, c’est seulement par manque de compétence.

Donc nous vivons entourés de bombes d’autant plus aguichantes qu’elles ne veulent pas aguicher. Pauvres hommes ! ils n’ont plus qu’à se déconstruire très vite et apprendre à ne rien ressentir ; leur désir est scandaleux s’ils le manifestent de quelle que façon que ce soit. Nous voulons donc les émasculer au nom de l’égalité, non sans les torturer un peu pour se venger de siècles de domination, parait-il, et pour avoir la paix des fringues !

La guerre des sexes est déclarée, quelles sont les forces de dissuasion ? Elles se planquent !

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Emmanuel Mouret: il n’y a pas d’amour léger

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Le nouveau film du cinéaste français a été trop vite comparé à du Marivaux. Si Chronique d’une liaison passagère ne manque pas de légèreté, l’amour est néanmoins représenté dans toute sa gravité.


Dans cette matinée du 17 septembre, j’ai vu deux films : l’un qui est un chef-d’oeuvre, Chronique d’une liaison passagère, réalisé par Emmanuel Mouret avec Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, l’autre qui est une comédie policière très divertissante : Coup de théâtre. Ce billet ne sera consacré qu’au premier car je suis si enthousiaste et admiratif qu’un tweet ne suffirait pas. Je vais aussi me faire le plaisir d’aller sur les brisées de ceux qui me reprochent de trop détester alors que la lucidité pour le pire est évidemment nécessaire à celle pour le meilleur.

Trop bon pour être français ?

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je découvre le talent de scénariste, de dialoguiste, de metteur en scène (et parfois d’acteur) d’Emmanuel Mouret. Cela fait longtemps que je vais voir ses films avec une confiance jamais déçue mais je ne pressentais pas qu’il atteindrait une telle qualité proche de la perfection, tant dans le registre technique que dans l’élaboration et l’inventivité de cette histoire profonde et presque toujours à deux personnages…

Emmanuel Mouret m’était d’autant moins étranger que je lui avais proposé il y avait assez longtemps de m’accorder un entretien dans ma série : « Bilger les soumet à la question ». Il m’avait répondu tout de suite très aimablement mais malheureusement nous n’avons pas pu nous accorder sur les dates. Néanmoins je n’ai jamais désespéré de pouvoir un jour revenir à la charge…

J’ai évoqué la qualité technique (au sens large) de ce film parce qu’elle me paraît, dans les détails et pour sa configuration, tellement remarquable que j’ai douté une seconde que ce soit du cinéma français. Imaginez : les acteurs articulent et on les entend clairement, le son est impeccable, aucune longueur, un rythme délicieusement et dramatiquement soutenu, aucun exhibitionnisme ni scènes de nudité inutiles mais une pudeur qui dévoile tout sans rien montrer, à aucun moment nous ne sommes condamnés à subir les protagonistes en train d’uriner, tout ce qui constitue la vulgarité quasi systématique de notre cinéma qui confond l’audace créatrice avec le sordide et l’indécent nous est épargné.

Et, pour l’essentiel, quelle intelligence, quelle sensibilité, quel art du dialogue, quelle finesse rare dans les échanges entre les deux acteurs (Vincent Macaigne est éblouissant et Sandrine Kiberlain cette fois époustouflante), quelle subtile et brillante intrusion dans le domaine du coeur au point – je vais jusque-là – de renouveler ce thème qu’on aurait pu croire rebattu. Quelles magnifiques, douces, subtiles et amères variations sur deux personnalités apparemment différentes mais qui vont se réunir, me semble-t-il, dans cette conclusion implicite qu’il n’y a pas d’amour léger, avec une fin superbe grande ouverte sur le futur, que chaque spectateur interprétera à sa guise…

Pas de marivaudage

Des critiques vantant le film ont choisi une comparaison facile avec Marivaux ce qui est à la fois paresseux et excessif : Emmanuel Mouret a trop de culture pour être dupe de cette surestimation. D’autant plus qu’à sa manière il s’est servi de la psychologie de ses héros pour que l’une croie faire l’éducation sentimentale (c’en est une que de recommander un détachement du sentiment pour le seul plaisir du sexe) de l’autre et que l’homme d’abord retenu par et dans sa conjugalité découvre le charme troublant et délicieux parce qu’interdit de la marge, du clandestin et de la spontanéité. Le tout baignant dans une atmosphère de délicatesse et de grâce sans qu’à aucun moment les scénaristes (il y en a deux) nous assènent les leçons de crudité et de simplisme propres à aujourd’hui.

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Le tour de force est d’autant plus impressionnant qu’Emmanuel Mouret non seulement ne fuit pas la sexualité libérée – un plan à trois par curiosité et à nouveau sans grossier débridement – mais constitue les appétences homosexuelles comme un ressort capital de l’histoire.

À dire vrai, quand ces séquences sont advenues, j’avoue avoir eu peur face au risque de banalisation de l’irruption de ces scènes dans le récit. Mais, sans le moindre racolage ni outrance, elles viennent bouleverser, avec leur atypisme et leur caractère surprenant, aussi bien la femme qui ne les attendait pas que l’homme fragile les voyant détruire un bonheur auquel il avait fini par s’habituer sans mauvaise conscience parce qu’il n’était pas le même que celui qui aimait son épouse.

J’ai conscience qu’écrire sur un chef-d’oeuvre est quasiment impossible parce qu’il faudrait d’abord le voir pour adhérer.

Il n’y a pas d’amour léger : mon titre exprime ce que cette « chronique d’une liaison passagère » met de gravité, de nostalgie et presque de douleur dans une relation qui feignait de ne jurer que par l’entente des corps pour en définitive percevoir que les élans du coeur sont irrésistibles. La vie est plus forte que ceux qui prétendent la dominer.

Je rêve mais j’aimerais qu’Emmanuel Mouret lise ce billet.

Chronique d’une liaison passagère, film français d’Emmanuel Mouret (2022).

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Je me souviens d’Elizabeth II

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Quand l’image de la reine se confondait avec nos mythologies anglaises… Le jour des funérailles de la reine, chacun se souvient d’elle à sa façon. Le regard de Thomas Morales.


Je me souviens de John Barry et de Jane Birkin à l’intérieur d’une exiguë Jaguar Type E dans la moiteur du Swinging London.

Je me souviens d’avoir été forcé d’avaler un sandwich au concombre par la mère d’un correspondant, lors d’un déjeuner sur les bords de l’Ouse, dans la cité médiévale de York. L’avait-elle aspergé de sauce Worcestershire ? Je ne peux l’affirmer avec certitude aujourd’hui.

Je me souviens que mon père et Sammy Miller, la légende du motocyclisme britannique, parlementaient autour d’une Honda pendant que j’essayais, du haut de mes trois ans, de grimper sur cette moto de trial sous le regard amusé du champion. Il trouvait cette famille française assez folle pour avoir traversé la Manche en Citroën Méhari avec un enfant en bas âge.

Je me souviens que nous avions les mains graisseuses après avoir huilé nos vestes Barbour, préliminaires à l’ouverture de la chasse et que nous rêvions d’un Land Rover à calandre enfoncée pour explorer les forêts de Sologne comme on arpente les allées de Balmoral.

Je me souviens que la famille royale achetait ses petites culottes chez Marks & Spencer et que je m’empiffrais de tartes aux noix de pécan quand cette enseigne tenta de s’implanter une première fois à Paris, dans les années 1970/90, avec un succès limité.

Je me souviens que j’étais fasciné par les lunettes demi-lune fournies par la National Health Service, l’équivalent de notre Sécurité Sociale. J’avais découvert ces précieuses montures dans le livre « Quality : objets d’en face » de Bernard Rapp aux éditions du May.

Je me souviens qu’il y avait deux camps aussi irréconciliables que les Tories et les Whigs dans les cours de lycée sur la manière de porter un duffle-coat Gloverall : les tenants des boutons en bois et les partisans des boutons en corne.

Je me souviens de la série télévisée Bizarre, Bizarre diffusée le dimanche soir sur FR3. Chaque épisode était présenté au coin du feu par Roald Dahl, à la fois écrivain pour la jeunesse mondialement célèbre et héros de la couronne pour ses actes de bravoure dans l’Escadrille 80 durant la Seconde guerre mondiale.

Je me souviens que dans le paquebot « Old England » du boulevard des Capucines, on trouvait des pulls en shetland couleur moutarde et des chaussures Church’s Grafton à la teinte mordorée.

Je me souviens que dans The New Avengers, Purdey portait des juste-au-corps mauves et qu’elle rendit la coupe au bol (courte) hautement érotique à une époque où le brushing « drôle de dames » s’imposait sur tous les écrans.

Je me souviens que mon ours Paddington avait été atteint d’une pelade et que son chapeau en feutre rouge avait mystérieusement disparu dans ma chambre d’enfant.

Je me souviens que ma cousine Catherine m’avait ramené d’un voyage linguistique la Lotus Esprit sous-marine du film, L’Espion qui m’aimait. Cette miniature Corgi possédait quatre missiles sur son toit. Lors de leur première éjection, je perdis l’un d’entre eux.

Je me souviens d’avoir lu les souvenirs de Simon Templar (Roger Moore) où l’acteur évoquait le début de sa carrière dans les studios de Pinewood à l’Ouest de Londres.

Je me souviens que ma mère mettait en boucle dans sa Mini British Open le tube « Sugar Me » interprété par l’émouvante Lynsey de Paul, compagne violentée de James Coburn.

Je me souviens des Hovercrafts, géniales inventions survolant le Channel sur coussins d’air, entre Calais et Douvres, aussi lunaires que le projet avorté d’aérotrain de Jean Bertin.

Je me souviens de l’ogre Taubelman (Peter Ustinov) dévorant un plateau d’huîtres dans Un taxi mauve d’Yves Boisset et d’un Philippe Noiret, perturbé par la poitrine de Charlotte Rampling.

Je me souviens que le colonel Clifton du MI-5, personnage de bande-dessinée créé par Raymond Macherot dans le Journal de Tintin dépensait sa pension de retraite à nourrir ses chats et à compléter sa collection de bagues à cigares.

 Je me souviens du générique du Club des cinq et que le chien Dagobert était la véritable vedette de ce Famous Five.

Je me souviens que ma grand-mère considérait les « Royal warrant of appointement » apposés sur l’étiquette d’un vêtement ou le couvercle d’une boîte de thé comme des garanties suprêmes de qualité.

Je me souviens du revers à deux mains de Chris Evert avec sa longue raquette en bois Wilson sur le gazon de Wimbledon.

Je me souviens d’une reine, porte-drapeau et porte-manteau d’un art de vivre séculaire, un peu fantasmé et un peu exotique vu de notre pâle hexagone.

Jeux d’enfants

On a l’habitude des étiquettes avec lesquelles la gauche woke essaie de délégitimer les critiques. Maintenant c’est au tour de la droite de riposter…


Transphobe ! Sexiste ! Raciste ! Voilà les épithètes stigmatisants employés par la gauche radicale pour réduire au silence tous ceux qui critiquent son idéologie. Cette année, la droite conservatrice américaine a riposté en créant son propre terme, « groomer ! », pour qualifier ceux qui portent les revendications les plus extrêmes de la cause transgenre. En anglais, « child grooming » (le « pédopiégeage ») désigne une pratique par laquelle un adulte cultive des relations avec un enfant afin de l’exploiter sexuellement à l’avenir. Si l’injure groomer est puissante, c’est parce que la pédophilie est encore plus détestée que le racisme. L’accusation « groomer » contre les militants transgenres décolle en mars, lors du vote d’une loi sur les droits parentaux en matière d’éducation dans l’État de Floride. Elle est propagée par des journalistes et des intellectuels de droite, ainsi que par des Républicains. Comme la loi précitée, l’emploi du terme groomer a pour objectif de contrer une campagne promue par de nombreuses ONG pro-trans qui cherchent à normaliser à l’école l’idée que tout enfant est incertain quant à son sexe et devrait envisager un changement de genre. Dans de nombreux établissements américains, les instituteurs décorent leur salle de classe avec des drapeaux arc-en-ciel et parlent aux petits de leur propre sexualité. On y organise des événements où des drag-queens lisent des contes aux enfants ou, pire, font pour eux des spectacles de danse plutôt adaptés à un bar de stripteaseuses. Le tout pour instiller dans les jeunes esprits l’idée que la sexualité commence très tôt dans la vie et que le genre est fluide. Pour beaucoup de parents, il s’agit d’une opération de recrutement pour multiplier le nombre de personnes transgenres. Contrairement à ce que prétend la gauche, l’accusation de groomer ne désigne pas littéralement un complot pour abuser des enfants, mais une tentative de les sexualiser afin de miner le concept traditionnel de genre. Fidèle à son idéal de liberté d’expression, Twitter a banni le terme.

Phallus partout, hommes nulle part

Si les féministes avaient l’habitude de manifester pour protester contre le patriarcat, elles entrent maintenant dans un tout nouveau mouvement: utiliser l’art pour contrer la tendance phallique.


Si ces derniers temps c’est le déboulonnage de statues qui a été à la mode, il faut reconnaître qu’on en construit aussi afin de combattre la tendance phallique de certains monuments existants. En 2017, un collectif avait procédé à l’érection, si le terme est adapté, d’un clitoris géant sur le campus de l’université de Poitiers afin de revendiquer l’égalité homme/femme. L’œuvre était une réponse à un phallus géant qui y trônait depuis quarante ans, totem de la confrérie estudiantine des « Bitards ». En 2021, un monumental clitoris gonflable, conçu par l’artiste féministe Julia Pietri, a été installé à Paris sur le parvis des Droits de l’homme, narguant la très phallique tour Eiffel en face.

A lire également, entretien avec Jean-Michel Delacomptée: La guerre des sexes n’aura pas lieu

Cette année, une autre plasticienne, Karine Branger, a érigé deux clitoris géants dans le hall de la mairie du 18e arrondissement, comme pour signaler que tout espace disponible est désormais réservé aux organes génitaux féminins. Dans cette véritable guerre des sexes, les féministes traquent les phallus. On peut même dire qu’elles en voient partout. Comme cette association d’étudiantes de l’Imperial College de Londres, qui proteste avec véhémence via une pétition contre l’installation prochaine sur le campus d’une statue d’Antony Gormley, l’un des sculpteurs contemporains les plus reconnus, intitulée Alert. Cette œuvre d’art représente par des formes géométriques un être humain accroupi, censé évoquer « la communauté scientifique ». Selon l’artiste, il s’agit de la transformation d’une forme anatomique en construction architecturale. Peu convaincues, nos vigilantes y voient, elles, en lieu et place de jambes repliées, un phallus de trois mètres de long… Un symbole apparemment aussi viril constituerait un problème sérieux alors qu’il n’y a que 41,8 % de femmes dans cet établissement universitaire consacré à l’étude des sciences. Les étudiantes ont exprimé la crainte que l’exposition d’un tel phallus puisse même détourner les jeunes femmes des sciences. Qui, des hommes ou des femmes, sont les plus phallocentriques ?

Propre et efficace

« Les drones ont fait ce que les milices locales, et même l’armée pakistanaise, ne pouvaient pas faire : tuer les ennemis avec peu de dommages collatéraux » (Neha Ansari)


Le retrait des troupes d’Afghanistan, il y a un an, a pu donner une image très négative de l’efficacité des opérations militaires des Américains dans la région. Pourtant, ces opérations se poursuivent aujourd’hui à travers des frappes de drones ciblant les dirigeants et membres d’organisations terroristes. Le 31 juillet, les États-Unis ont annoncé la mort du chef d’Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, tué sur son balcon à Kaboul par un missile Hellfire, tiré par un drone. Si l’élimination de ce dirigeant haut placé a constitué une excellente publicité pour le programme de frappes dit « au-delà de l’horizon », le succès de ce dernier va beaucoup plus loin, notamment dans les régions frontalières du Pakistan où les talibans sont très présents. La mort d’al-Zawahiri est exemplaire d’un autre point de vue : la limitation des morts collatérales. Quand le recours aux frappes par des drones a commencé, sous Georges W. Bush, le nombre de morts de non-combattants était très élevé : près de 500 sur la période 2004-2012. Mais au cours du second mandat de Barack Obama, ce chiffre a chuté de manière dramatique grâce aux progrès de la technologie de précision qui guide les frappes et de la qualité des renseignements permettant de localiser les cibles. Ainsi, entre 2013 et 2020, seules neuf morts de non-combattants ont été recensées. Le succès des frappes est tel que les Pakistanais des zones tribales, souvent victimes d’atrocités commises par les talibans, les plébiscitent. Une étude conduite par Neha Ansari, une chercheuse en stratégie militaire, révèle que deux tiers des habitants interrogés approuvaient les frappes américaines et les trouvaient efficaces. Elle conclut : « Les drones ont fait ce que les milices locales, et même l’armée pakistanaise, ne pouvaient pas faire : tuer les ennemis avec peu de dommages collatéraux [1] ». Ce succès signale de surcroît que la lutte antiterroriste continue de manière active.


[1] Neha Ansari, « Precise and Popular: Why People in Northwest Pakistan Support Drones », warontherocks.com, 19 août 2022; « The Drone War in Pakistan », newamerica.org (base de données en ligne).

Les perles de France Info

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France Info a un service de « fact checking » pour vérifier les dires des politiques ou des chroniqueurs politiques. Dans son zèle pour traquer les prétendues erreurs des réactionnaires, le service est apparemment capable de se mélanger les pinceaux.


Dans le cadre de sa lutte contre la mal–pensance, c’est-à-dire tout ce qui sort de la pensée de gauche, France Info, dans sa version numérique, dispose d’une rubrique « vrai ou fake ». Pour répondre à la question « Le système des allocations nourrit-il le chômage, comme l’affirme Fabien Roussel ? », nos chasseurs de pensées hérétiques s’efforcent de démontrer combien le secrétaire du PCF se fourvoie en adoptant un point de vue aussi réactionnaire sur la question du chômage.

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La démonstration s’appuie sur une énumération de chiffres et de citations piochées auprès d’un expert de l’OFCE, d’une sociologue, d’un article de la Revue d’économie politique de 2006, d’une revue académique américaine, d’une chercheuse d’une école d’économie de Bergen en Norvège etc etc. Comme si le journaliste avait picoré un peu partout sur le Net pour sélectionner ce qui appuie sa démonstration. Mais à vouloir trop prouver, on finit par semer le doute sur le sérieux du travail. Un seul exemple montrera les absurdités auxquelles ce genre de démarche peut aboutir, je cite :

« Il existe 2,3 millions de chômeurs [d’après l’Insee] et 355 000 emplois vacants au deuxième trimestre [selon la Dares] », rappelle Clément Brébion, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail-Cnam. Donc « si vous baissez les allocations chômage exclusivement dans le but d’encourager les chômeurs à chercher de l’emploi et que le nombre d’emplois vacants est, de toute façon, limité, le résultat ne va pas être une disparition complète du chômage ». Cela conduira à « une petite diminution du taux de chômage et une plus grande précarisation des chômeurs qui ne trouveront pas d’emploi du fait de l’absence d’emplois vacants », raisonne le chercheur ».

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Suivons bien le raisonnement : Si, en baissant les allocations, vous réussissez à satisfaire tous les emplois vacants c’est très très mal. En effet s’il n’y a plus de postes à pourvoir, les chômeurs qui restent vont se trouver précarisés. Ou, pour le dire autrement, si vous donnez du travail à des chômeurs, tous ces emplois pourvus sont autant d’emplois en moins à pourvoir, ce qui signifie de gros problèmes pour les chômeurs. CQFD ! : la baisse des allocations va précariser les chômeurs. Ils sont malins sur France Info.

Salman Rushdie, indignation minimum

Déni à gauche, condamnation à droite, ambiguïté au gouvernement : les réactions qui ont suivi la tentative d’assassinat de Salman Rushdie montrent une fois de plus qu’on a du mal à nommer le mal islamiste. Quant aux « représentants officiels » de la communauté musulmane, ils ont brillé par leur silence.


Chaque attentat islamiste, qu’il soit de masse ou bien artisanal et de proximité, frappe nos sociétés en deux temps. À l’horreur des faits eux-mêmes vient s’ajouter le sentiment que, si les responsables politiques et les élus refusent de nommer l’idéologie à l’œuvre, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment la combattre. Ce n’est donc pas seulement la récurrence des attaques meurtrières qui crée le désespoir, c’est surtout cette attente éternellement déçue d’une réaction à la hauteur. Les Français ne croient plus que l’accumulation des crimes va enfin ouvrir les yeux de la classe politique sur la dangerosité de l’idéologie islamiste, la réalité de son entrisme dans les associations et institutions, et sa capacité à imposer ses codes (voile, hallal, radicalité religieuse).

Ils ont raison et le déni sur ces questions explique aussi l’avancée des idées séparatistes chez les Français de confession musulmane. L’emprise islamiste est toujours présentée comme un phénomène ne concernant qu’une « infime minorité » de musulmans. C’est hélas faux, les représentations radicales sont intégrées très fortement par les jeunes musulmans, en 2020 selon l’IFOP, ils étaient 74 % des moins de 25 ans à mettre l’islam avant la République. Dès 2016, l’Institut Montaigne notait que seuls 46 % des Français de confession musulmane avaient un système de valeurs en adéquation avec la société française.

Un fanatique musulman avant tout

L’affaire Salman Rushdie a à nouveau illustré cet état de lieux décourageant. Dès qu’il s’agit de défendre les valeurs civilisationnelles, attaquées au travers des cibles humaines désignées par l’islam politique, le malaise des journalistes est palpable. C’est ainsi qu’au début de l’affaire, la presse a beaucoup insisté sur le fait que l’assaillant était un citoyen américain. Du New-Jersey. Or l’homme est avant tout un fanatique musulman et n’a rien d’américain. Il vit aux États-Unis, mais il fonctionne comme un habitant du village libanais contrôlé par le Hezbollah dont il est originaire. À ces tentatives pathétiques de retarder la reconnaissance de la dimension islamiste du crime s’ajoute la difficulté à utiliser le vocabulaire approprié pour le qualifier. Emmanuel Macron va ainsi incriminer la « haine » et la « barbarie » et éviter soigneusement le terme « islamiste », comme la plupart des membres du gouvernement, hormis Pap N’Diaye. Derrière les références incantatoires à liberté d’expression dans les tweets des ministres et du président, c’est la réalité de la censure et de l’autocensure qui transparaît.

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Notons quand même des différences fortes selon que l’on se positionne à droite ou à gauche de l’échiquier. À droite, de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand en passant par Valérie Pécresse, Éric Ciotti ou Jordan Bardella, les mots sont sans équivoque. À gauche, prononcer le terme « islamisme » reste compliqué. À la Nupes, seul Fabien Roussel l’a fait, rejoint dans un second temps par Olivier Faure. Les autres leaders (Mathilde Panot, Alexis Corbière, Sandrine Rousseau…) préfèrent parler d’« obscurantisme religieux », étendant le domaine du soupçon (les religions sont néfastes) pour mieux évacuer la réalité (une religion particulière pose problème). Mais il y a mieux. Que l’on soit menacé de mort pour avoir osé écrire en dehors des dogmes religieux ne semble guère déranger Jean-Luc Mélenchon. Le grand tribun n’a pas eu un mot pour Salman Rushdie. Il faut dire que lorsqu’on construit sa stratégie de conquête du pouvoir sur le vote musulman et que l’on se rend compte que les meilleurs influenceurs sont les islamistes, sacrifier l’intérêt de la France et la sécurité des Français sur l’autel de ses intérêts personnels est presque inévitable.

Le silence des agneaux

Autre silence particulièrement révélateur, celui de la Ligue des droits de l’homme, mais aussi celui des leaders d’opinion de la communauté musulmane. Leur discrétion contraste désagréablement avec leur mobilisation pour le prédicateur islamiste Hassan Iquioussen. Il est inquiétant de constater que, hormis Hassan Chalghoumi, on peine à trouver des prises de position condamnant cette tentative d’assassinat. Du côté d’Ahmet Ogras, ancien président du CFCM, c’est silence radio. Idem pour Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France, ou pour Mohammed Moussaoui, vice-président du même mouvement. Quant à Chems-eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris, il publie le lendemain de l’attentat un tweet qui met très mal à l’aise : « Les Croyants se prosterneront alors que les mécréants ne le pourront guère, leur dos restera raide et lorsque l’un deux souhaitera se prosterner, sa nuque partira dans le sens inverse, comme faisait les mécréants dans ce monde, contrairement aux Croyants. » Face au scandale, le tweet est effacé. Ce n’est que le lendemain 16 août que le recteur apportera son soutien à Salman Rushdie dans une lettre ouverte publiée sur Saphirnews. Ghaleb Bencheikh ou la Fondation de l’islam de France attendront le 15 août pour réagir sur Facebook, mais le feront clairement dans une condamnation sans ambiguïté. Ce n’est pas le cas de Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux. Celui qui disait représenter l’islam modéré s’est avéré incapable d’avoir ne serait-ce qu’un mot pour Salman Rushdie. Il avait pourtant trouvé le temps de défendre l’islamiste Iquioussen quelques jours auparavant. Même chose pour Marwan Muhammad, Amar Lasfar, l’association Musulmans de France…

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La tentative d’assassinat de Salman Rushdie a montré que nombre de ceux que les gouvernements successifs ont choisis comme partenaires pour faire émerger un islam de France ne sont ni fiables ni modérés. Pour un humaniste, soutenir Salman Rushdie est une évidence ; pour un islamiste, même dissimulé sous une peau d’agneau, c’est une impossibilité. Or, on peut craindre que ceux qui ont failli gardent quand même la confiance de notre gouvernement. Dommage. Une tribune parue dans Le Monde et signée par 200 personnalités issues des sociétés tunisienne, marocaine, algérienne et de l’immigration maghrébine a, elle, condamné sans équivoque l’attentat contre Salman Rushdie et nommé l’idéologie qui arme les assassins. C’est sans doute là qu’il faudrait chercher des interlocuteurs.

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Éloge timide de l’égoïsme par temps de pénuries

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Tenez-vous le pour dit, braves gens : vous en avez trop profité. Vous avez trop pensé à vous.


Toutes ces années fastes de festins, de consommation à outrance, d’hédonisme débridé — certains parleront d’abondance… C’est terminé. Les pouvoirs publics nous ont annoncé la triste nouvelle : la fête est finie. L’époque est à la modération et à l’engagement pour la collectivité. 

Nous ne sommes plus seuls, ni dans nos choix, ni dans les événements que nous endurons. À l’aune des catastrophes qui s’annoncent — et les experts en catastrophes nous prédisent qu’elles seront nombreuses — l’humanité doit faire corps. Et tant pis pour le salaud qui s’était habitué à penser à lui en priorité.

Le Moi est plus que jamais haïssable et l’accusation d’égoïsme a le vent en poupe. Ce vilain défaut est devenu la source de tous les maux dans une époque qui a décidé de remettre au centre de ses préoccupations le bon vieux bien commun. 

Nous partons en croisade contre la négligence de l’Autre. Cet autre pour lequel nous devons être prêts à tous les sacrifices. Cet autre auquel nous devons coûte que coûte nous identifier.

Le retour en force du groupe

Il y a même une définition de l’autre à intégrer, car il ne suffit pas d’aimer sa famille, ses amis, ni même ses voisins : il faut aimer l’autre que l’on ne connaît pas. Avoir la même considération pour celui qui dépend désormais de nos moindres décisions, car nous vivons dorénavant dans un monde interconnecté et interdépendant. Nos actes ont des conséquences pour tous. Notre mode de vie est soit un modèle, soit une menace pour la société. Nul ne saurait réclamer le droit à l’indifférence. On ne plaisante plus avec la responsabilité : elle est partout. Dans notre assiette, dans nos transports, dans nos achats, dans nos habitudes… Il faut être rigoureux car une faute est bien vite commise. Il est aisé de retomber à tout moment dans l’égoïsme, péché d’orgueil des temps post-modernes.

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L’individualisme est devenu synonyme d’égoïsme. Nous délaissons la célébration de l’individu et la méfiance à l’égard du groupe au profit de l’inverse : le groupe revient en force et l’individu n’est plus qu’une petite créature médiocre et cupide, incapable de se projeter dans l’intérêt commun. L’individu, c’est l’enfant hideux du Vieux Monde, d’une insouciance indécente, coupable de toutes les incivilités. Il se dresse, arrogant, contre les nécessités de son temps, pensant naïvement qu’on peut encore aujourd’hui se payer le luxe d’être non-conformiste. Ignore-t-il que le monde brûle et que lui seul peut y remédier ?

Un homme vaniteux est infréquentable mais mettez mille hommes vaniteux ensemble et vous constituez une cour.

Rassurez-vous : si on condamne l’égoïsme, le narcissisme, en revanche, est toujours porté aux nues. Vantez-vous, vendez-vous, glorifiez-vous tout votre soûl pourvu que vous partagiez votre névrose avec le reste du monde. L’égo, d’accord, mais en public et avec le public. Un homme vaniteux est infréquentable mais mettez mille hommes vaniteux ensemble et vous constituez une cour. Quels que soient vos défauts, ils peuvent être rachetés par la communauté que vous acceptez de servir. C’est pratique même s’il faut bien reconnaître que ce n’est pas un exercice facile pour tout le monde. Qui plus est, il n’est pas toujours simple d’en avoir quelque chose à faire des autres. Ils ont parfois tellement l’air — c’est sûrement juste une impression — de ne se soucier que d’eux-mêmes… 

Le bien commun paraît parfois si flou qu’il arrive à certains d’entre nous — que la collectivité nous pardonne — d’oublier d’y penser. Au-delà des beaux discours, nombre de nos concitoyens s’autorisent régulièrement des phases aiguës d’égoïsme acharné. Sans se laisser aller à tant de cruauté, et si tout était dans l’art et la manière ? 

Un instant…

Qui n’a jamais rêvé de quitter la grande table d’un dîner ennuyeux et de filer à l’anglaise, sans mot dire ? De dire ce qu’on a sur le cœur, sans se soucier des conséquences ? De prendre le temps de faire quelque chose pour soi, même si les autres espéraient que ce temps leur serait consacré ?

Oublier l’autre, ne serait-ce qu’un instant… Même si je l’aime, même si je le déteste, même si je suis responsable de lui. L’abandonner à son destin, ne serait-ce que le temps de goûter au temps. Laisser quelques jours le monde à son désespoir et à ses mésaventures. Les envoyer tous paître : un plaisir au goût d’interdit. Seulement quelquefois. Peut-être même régulièrement. Les anglophones le savent : un seul petit “fuck you” peut vous apporter la plus grande sérénité pour les semaines à venir.

L’égoïsme est peut-être comme tous ces poisons qui nous enivrent pour peu qu’on ne les laisse pas nous tuer. Comme le vin, les bêtises ou l’orgueil : il pourrait bien être bénéfique à moindre dose. Et si nous nous autorisions à en reprendre un peu ? Avec modération, bien sûr, puisque la modération est de mise. Peut-être, je dis bien peut-être, le monde ne s’en porterait pas plus mal… 


Radio France: gare au tournant!

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La Maison de la Radio, à Paris. D.R.

Notre très chic radio publique annonce à grand renfort de communication un « tournant environnemental ». Derrière les bonnes intentions, son manifeste peut légitimement questionner. Analyse.


Radio France a publié début septembre dans le Journal du Dimanche (et peut-être également ailleurs) une pleine page intitulée « Radio France engage un tournant environnemental » qui mérite attention. À écouter France info et France inter, on avait l’impression que sur les questions environnementales les radios d’État étaient très engagées, très militantes : à fond anti-nucléaires ; à genoux devant de grands scientifiques comme Greta Thumberg ou Nicolas Hulot ; admirateurs éperdus de l’Energiewende allemande ; pleurnichant sur la prétendue disparition des ours polaires ; outrageusement favorables à la multiplication par trois ou quatre des éoliennes en France ; etc. – et ne donnant la parole qu’aux militants de ces nobles causes. Sur tous ces points, les radios d’Etat se faisaient d’ailleurs les porte-paroles des gouvernements français, avec même parfois quelques excès de zèle. Le gouvernement français a récemment un peu évolué sur ces thèmes. En lisant le titre de ce manifeste, on a naïvement pu croire un instant que le « tournant » proclamé par Radio France allait se traduire par plus d’impartialité et moins de propagande. Erreur complète. Sa lecture attentive annonce au contraire encore moins d’impartialité et encore plus de propagande.

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Un nouveau dogme

On se souvient de Philippe Verdier, météorologue à France Télévisions, licencié pour avoir publié sur le climat un livre qui n’était pas dans la ligne. Il s’agissait de la télévision d’Etat, pas de la radio d’Etat. Celle-ci a donc un peu de retard. Elle va le rattraper, en mettant les bouchées doubles.

Notons en passant que le texte de l’annonce ne correspond pas du tout à son titre. Le titre cite l’« environnement » ; le texte parle uniquement du climat. Les journalistes de Radio France suivent là l’exemple de nos gouvernements. Il n’y a plus, depuis longtemps, de ministère de l’Environnement en France. Il y a un ministère (et même plusieurs ministres) de la Transition énergétique. C’est plus chic. Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans le totalitarisme rampant du « tournant ». On y trouve explicitement trois ingrédients caractéristiques des religions et des totalitarismes : le dogme, l’endoctrinement, et la censure.

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Le dogme d’abord. La « crise climatique » doit être « résolument sortie du champ du débat » (Ah, qu’en termes choisis, ces choses-là sont dites !). Son origine humaine est un « fait scientifique établi », qui ne se discute pas. Ceux qui se posent des questions sont des hérétiques, bons pour le bûcher. Cette attitude est totalement anti-scientifique, puisque le moteur de la science, c’est le doute et le débat. Paradoxe amusant, cette anti-science est vendue au nom de la science. Les religions sont plus cohérentes : leurs dogmes ne se cachent pas derrière la science, mais se fondent sur la transcendance. A Radio France, la crise climatique sera donc sortie du champ du débat, mais en même temps elle sera « un axe éditorial majeur ». Il y aura de plus en plus de journalistes pour en parler, mais ils devront tous dire la même chose.

L’endoctrinement ensuite. Il ne suffit pas d’avoir un dogme, un catéchisme, encore faut-il le faire rentrer dans la caboche et le cœur de tous (et toutes) les journalistes. Radio France annonce à cet effet un « grand plan de formation (sic) sur les questions climatiques ». Pour entrer à Radio France, et y faire carrière, il ne suffira pas d’être compétent dans son domaine, encore faudra-t-il être ferré en climatologie officielle. Dans toutes les universités des pays communistes, les cours de marxisme-léninisme (autre science sortie du champ du débat) étaient obligatoires, même pour les étudiants de mathématiques ou de musique ; et de bonnes notes en marxisme-léninisme étaient un accélérateur de carrière.

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La censure enfin. Radio France s’engage à « exclure progressivement la publicité des produits et services les plus polluants ». Elle va donc créer, avec tous les spécialistes de sa science climatique, un service qui examinera et appréciera ce qui peut ou non être présenté aux auditeurs. Sous d’autres cieux, en d’autres temps, on appelait cela la censure. En contrepartie, Radio France « élargira le nombre d’espaces publicitaires offerts aux organisations engagées dans la transition [énergétique] ». La propagande est en effet le complément naturel de la censure. Pour un croyant, il faut évidemment punir le péché et récompenser la vertu. Comme chacun sait, ce joli programme est financé par les contribuables français, à hauteur de 600 millions d’euros par an.

À quel sein se vouer? 

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Burst

Pour les jeunes femmes, les tenues les plus aguichantes sont à la mode, mais l’idéologie féministe interdit aux hommes de les regarder. L’érotisme est obligatoire d’un côté, mais interdit de l’autre.


Nous vivons de contradictions aussi irréelles que dangereuses. Les (jeunes) femmes ne savent plus quoi ne pas mettre ou quoi ôter, quel bout de ventre dénuder, comment raccourcir encore plus une jupe qui sert déjà de ceinture, comment transformer les fesses en seins ? sachant que les prothèses existent… le tout stretché un max. Il faut quand même noter que l’on vend partout des fausses auréoles de sein pour rendre le pull-over plus torride. C’est la mode, on vous dit ! le « croc top » : une façon d’être en sous tif qui met l’estomac en danger mais apparemment ne craint pas les intempéries ni la baisse du chauffage. Être sexy tient chaud.

Sexy mais dessexuée

Mais attention, il est interdit aux hommes de sembler le moins du monde intéressés, le regard insistant pourrait même faire l’objet d’une amende ; bas les pattes, bien sûr, et seule la plus grande indifférence est tolérée. À quel sein se vouer ? Plus les femmes mettent leur corps à l’étalage, plus l’homme doit demeurer détaché. Ce serait quand même le comble qu’on ne puisse pas se déshabiller tranquille dans la rue, en classe, à la fac, dans le métro ou au bureau. « Mon corps m’appartient et je l’exhibe comme je veux, quand je veux, et où je veux … »

A lire aussi, du même auteur: J’aime les hommes…

« Pudeur », qu’est-ce que ce terme réservé aux religieux extrémistes de tous bords ? La pudeur est vouée aux gémonies des féministes. La virginité n’a plus de sens et « se garder pour l’homme qu’on aime » est un vestige honteux du XIXème siècle et certainement pas au programme des cours d’éducation sexuelle, cette connotation moralisante est une discrimination, au même titre que les barbecues. Ces mêmes féministes qui ne veulent pas de différences sexuées et confondent avec passion domination, virilité et sexisme. Simultanément les plaintes se multiplient pour agressions en tous genres.

On ne veut pas être sexué ni catalogué, y compris dans les formulaires d’inscription des facs, et depuis que le genre est à bannir, les femmes n’ont jamais autant joué sur leur pouvoir de d’attraction sexuelle. Allez comprendre, un peu schizophrène non ?

Aucun droit de regard

Moi qui raisonne comme on ne raisonne plus, et qui me sent femme et lucide aimant les hommes et qu’ils me regardent, je me demande quand même si les décolletés plongeants jusqu’à l’abime ne sont pas là pour que des regards s’y plongent, bien que les intéressées (par quoi ?) prétendent le contraire. Tout cela fut parfaitement résumé par une très sympathique campagne d’affichage sur les bus pour de la lingerie il y a quelques années, et qui faisait dire à la superbe mannequin au soutien-gorge pigeonnant: « Regardez-moi dans les yeux, j’ai dit dans les yeux … ». On n’en est plus là, regarder droit dans les yeux est certainement passible de sanctions.

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C’est à n’y plus rien comprendre et il faut sérieusement s’inquiéter pour nos ados des deux sexes qui finissent par penser que la norme est le porno, que les hommes sont tous des violeurs en puissance et que c’est même pour cela qu’elles, femmes, ont le « droit » de s’affranchir de toutes les règles s’approchant du convenable. Pardon si je n’évoque pas les autres sexes et les trans, c’est seulement par manque de compétence.

Donc nous vivons entourés de bombes d’autant plus aguichantes qu’elles ne veulent pas aguicher. Pauvres hommes ! ils n’ont plus qu’à se déconstruire très vite et apprendre à ne rien ressentir ; leur désir est scandaleux s’ils le manifestent de quelle que façon que ce soit. Nous voulons donc les émasculer au nom de l’égalité, non sans les torturer un peu pour se venger de siècles de domination, parait-il, et pour avoir la paix des fringues !

La guerre des sexes est déclarée, quelles sont les forces de dissuasion ? Elles se planquent !

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Emmanuel Mouret: il n’y a pas d’amour léger

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Emmanuel Mouret entouré de ses acteurs Vincent Macaigne et Sandrine Kiberlain, Cannes, 22 mai 2022 © JP PARIENTE/JM HAEDRICH/SIPA

Le nouveau film du cinéaste français a été trop vite comparé à du Marivaux. Si Chronique d’une liaison passagère ne manque pas de légèreté, l’amour est néanmoins représenté dans toute sa gravité.


Dans cette matinée du 17 septembre, j’ai vu deux films : l’un qui est un chef-d’oeuvre, Chronique d’une liaison passagère, réalisé par Emmanuel Mouret avec Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, l’autre qui est une comédie policière très divertissante : Coup de théâtre. Ce billet ne sera consacré qu’au premier car je suis si enthousiaste et admiratif qu’un tweet ne suffirait pas. Je vais aussi me faire le plaisir d’aller sur les brisées de ceux qui me reprochent de trop détester alors que la lucidité pour le pire est évidemment nécessaire à celle pour le meilleur.

Trop bon pour être français ?

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je découvre le talent de scénariste, de dialoguiste, de metteur en scène (et parfois d’acteur) d’Emmanuel Mouret. Cela fait longtemps que je vais voir ses films avec une confiance jamais déçue mais je ne pressentais pas qu’il atteindrait une telle qualité proche de la perfection, tant dans le registre technique que dans l’élaboration et l’inventivité de cette histoire profonde et presque toujours à deux personnages…

Emmanuel Mouret m’était d’autant moins étranger que je lui avais proposé il y avait assez longtemps de m’accorder un entretien dans ma série : « Bilger les soumet à la question ». Il m’avait répondu tout de suite très aimablement mais malheureusement nous n’avons pas pu nous accorder sur les dates. Néanmoins je n’ai jamais désespéré de pouvoir un jour revenir à la charge…

J’ai évoqué la qualité technique (au sens large) de ce film parce qu’elle me paraît, dans les détails et pour sa configuration, tellement remarquable que j’ai douté une seconde que ce soit du cinéma français. Imaginez : les acteurs articulent et on les entend clairement, le son est impeccable, aucune longueur, un rythme délicieusement et dramatiquement soutenu, aucun exhibitionnisme ni scènes de nudité inutiles mais une pudeur qui dévoile tout sans rien montrer, à aucun moment nous ne sommes condamnés à subir les protagonistes en train d’uriner, tout ce qui constitue la vulgarité quasi systématique de notre cinéma qui confond l’audace créatrice avec le sordide et l’indécent nous est épargné.

Et, pour l’essentiel, quelle intelligence, quelle sensibilité, quel art du dialogue, quelle finesse rare dans les échanges entre les deux acteurs (Vincent Macaigne est éblouissant et Sandrine Kiberlain cette fois époustouflante), quelle subtile et brillante intrusion dans le domaine du coeur au point – je vais jusque-là – de renouveler ce thème qu’on aurait pu croire rebattu. Quelles magnifiques, douces, subtiles et amères variations sur deux personnalités apparemment différentes mais qui vont se réunir, me semble-t-il, dans cette conclusion implicite qu’il n’y a pas d’amour léger, avec une fin superbe grande ouverte sur le futur, que chaque spectateur interprétera à sa guise…

Pas de marivaudage

Des critiques vantant le film ont choisi une comparaison facile avec Marivaux ce qui est à la fois paresseux et excessif : Emmanuel Mouret a trop de culture pour être dupe de cette surestimation. D’autant plus qu’à sa manière il s’est servi de la psychologie de ses héros pour que l’une croie faire l’éducation sentimentale (c’en est une que de recommander un détachement du sentiment pour le seul plaisir du sexe) de l’autre et que l’homme d’abord retenu par et dans sa conjugalité découvre le charme troublant et délicieux parce qu’interdit de la marge, du clandestin et de la spontanéité. Le tout baignant dans une atmosphère de délicatesse et de grâce sans qu’à aucun moment les scénaristes (il y en a deux) nous assènent les leçons de crudité et de simplisme propres à aujourd’hui.

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Le tour de force est d’autant plus impressionnant qu’Emmanuel Mouret non seulement ne fuit pas la sexualité libérée – un plan à trois par curiosité et à nouveau sans grossier débridement – mais constitue les appétences homosexuelles comme un ressort capital de l’histoire.

À dire vrai, quand ces séquences sont advenues, j’avoue avoir eu peur face au risque de banalisation de l’irruption de ces scènes dans le récit. Mais, sans le moindre racolage ni outrance, elles viennent bouleverser, avec leur atypisme et leur caractère surprenant, aussi bien la femme qui ne les attendait pas que l’homme fragile les voyant détruire un bonheur auquel il avait fini par s’habituer sans mauvaise conscience parce qu’il n’était pas le même que celui qui aimait son épouse.

J’ai conscience qu’écrire sur un chef-d’oeuvre est quasiment impossible parce qu’il faudrait d’abord le voir pour adhérer.

Il n’y a pas d’amour léger : mon titre exprime ce que cette « chronique d’une liaison passagère » met de gravité, de nostalgie et presque de douleur dans une relation qui feignait de ne jurer que par l’entente des corps pour en définitive percevoir que les élans du coeur sont irrésistibles. La vie est plus forte que ceux qui prétendent la dominer.

Je rêve mais j’aimerais qu’Emmanuel Mouret lise ce billet.

Chronique d’une liaison passagère, film français d’Emmanuel Mouret (2022).

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Je me souviens d’Elizabeth II

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1969 © Joan Williams / Rex Fea/REX/SIPA

Quand l’image de la reine se confondait avec nos mythologies anglaises… Le jour des funérailles de la reine, chacun se souvient d’elle à sa façon. Le regard de Thomas Morales.


Je me souviens de John Barry et de Jane Birkin à l’intérieur d’une exiguë Jaguar Type E dans la moiteur du Swinging London.

Je me souviens d’avoir été forcé d’avaler un sandwich au concombre par la mère d’un correspondant, lors d’un déjeuner sur les bords de l’Ouse, dans la cité médiévale de York. L’avait-elle aspergé de sauce Worcestershire ? Je ne peux l’affirmer avec certitude aujourd’hui.

Je me souviens que mon père et Sammy Miller, la légende du motocyclisme britannique, parlementaient autour d’une Honda pendant que j’essayais, du haut de mes trois ans, de grimper sur cette moto de trial sous le regard amusé du champion. Il trouvait cette famille française assez folle pour avoir traversé la Manche en Citroën Méhari avec un enfant en bas âge.

Je me souviens que nous avions les mains graisseuses après avoir huilé nos vestes Barbour, préliminaires à l’ouverture de la chasse et que nous rêvions d’un Land Rover à calandre enfoncée pour explorer les forêts de Sologne comme on arpente les allées de Balmoral.

Je me souviens que la famille royale achetait ses petites culottes chez Marks & Spencer et que je m’empiffrais de tartes aux noix de pécan quand cette enseigne tenta de s’implanter une première fois à Paris, dans les années 1970/90, avec un succès limité.

Je me souviens que j’étais fasciné par les lunettes demi-lune fournies par la National Health Service, l’équivalent de notre Sécurité Sociale. J’avais découvert ces précieuses montures dans le livre « Quality : objets d’en face » de Bernard Rapp aux éditions du May.

Je me souviens qu’il y avait deux camps aussi irréconciliables que les Tories et les Whigs dans les cours de lycée sur la manière de porter un duffle-coat Gloverall : les tenants des boutons en bois et les partisans des boutons en corne.

Je me souviens de la série télévisée Bizarre, Bizarre diffusée le dimanche soir sur FR3. Chaque épisode était présenté au coin du feu par Roald Dahl, à la fois écrivain pour la jeunesse mondialement célèbre et héros de la couronne pour ses actes de bravoure dans l’Escadrille 80 durant la Seconde guerre mondiale.

Je me souviens que dans le paquebot « Old England » du boulevard des Capucines, on trouvait des pulls en shetland couleur moutarde et des chaussures Church’s Grafton à la teinte mordorée.

Je me souviens que dans The New Avengers, Purdey portait des juste-au-corps mauves et qu’elle rendit la coupe au bol (courte) hautement érotique à une époque où le brushing « drôle de dames » s’imposait sur tous les écrans.

Je me souviens que mon ours Paddington avait été atteint d’une pelade et que son chapeau en feutre rouge avait mystérieusement disparu dans ma chambre d’enfant.

Je me souviens que ma cousine Catherine m’avait ramené d’un voyage linguistique la Lotus Esprit sous-marine du film, L’Espion qui m’aimait. Cette miniature Corgi possédait quatre missiles sur son toit. Lors de leur première éjection, je perdis l’un d’entre eux.

Je me souviens d’avoir lu les souvenirs de Simon Templar (Roger Moore) où l’acteur évoquait le début de sa carrière dans les studios de Pinewood à l’Ouest de Londres.

Je me souviens que ma mère mettait en boucle dans sa Mini British Open le tube « Sugar Me » interprété par l’émouvante Lynsey de Paul, compagne violentée de James Coburn.

Je me souviens des Hovercrafts, géniales inventions survolant le Channel sur coussins d’air, entre Calais et Douvres, aussi lunaires que le projet avorté d’aérotrain de Jean Bertin.

Je me souviens de l’ogre Taubelman (Peter Ustinov) dévorant un plateau d’huîtres dans Un taxi mauve d’Yves Boisset et d’un Philippe Noiret, perturbé par la poitrine de Charlotte Rampling.

Je me souviens que le colonel Clifton du MI-5, personnage de bande-dessinée créé par Raymond Macherot dans le Journal de Tintin dépensait sa pension de retraite à nourrir ses chats et à compléter sa collection de bagues à cigares.

 Je me souviens du générique du Club des cinq et que le chien Dagobert était la véritable vedette de ce Famous Five.

Je me souviens que ma grand-mère considérait les « Royal warrant of appointement » apposés sur l’étiquette d’un vêtement ou le couvercle d’une boîte de thé comme des garanties suprêmes de qualité.

Je me souviens du revers à deux mains de Chris Evert avec sa longue raquette en bois Wilson sur le gazon de Wimbledon.

Je me souviens d’une reine, porte-drapeau et porte-manteau d’un art de vivre séculaire, un peu fantasmé et un peu exotique vu de notre pâle hexagone.

Jeux d’enfants

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Des houstoniens rassemblés au centre-ville pour la parade LGBTQ+ le 25 juin 2022 à Downtown Houston, Etats-Unis © Reginald Mathalone / NurPhoto via AFP

On a l’habitude des étiquettes avec lesquelles la gauche woke essaie de délégitimer les critiques. Maintenant c’est au tour de la droite de riposter…


Transphobe ! Sexiste ! Raciste ! Voilà les épithètes stigmatisants employés par la gauche radicale pour réduire au silence tous ceux qui critiquent son idéologie. Cette année, la droite conservatrice américaine a riposté en créant son propre terme, « groomer ! », pour qualifier ceux qui portent les revendications les plus extrêmes de la cause transgenre. En anglais, « child grooming » (le « pédopiégeage ») désigne une pratique par laquelle un adulte cultive des relations avec un enfant afin de l’exploiter sexuellement à l’avenir. Si l’injure groomer est puissante, c’est parce que la pédophilie est encore plus détestée que le racisme. L’accusation « groomer » contre les militants transgenres décolle en mars, lors du vote d’une loi sur les droits parentaux en matière d’éducation dans l’État de Floride. Elle est propagée par des journalistes et des intellectuels de droite, ainsi que par des Républicains. Comme la loi précitée, l’emploi du terme groomer a pour objectif de contrer une campagne promue par de nombreuses ONG pro-trans qui cherchent à normaliser à l’école l’idée que tout enfant est incertain quant à son sexe et devrait envisager un changement de genre. Dans de nombreux établissements américains, les instituteurs décorent leur salle de classe avec des drapeaux arc-en-ciel et parlent aux petits de leur propre sexualité. On y organise des événements où des drag-queens lisent des contes aux enfants ou, pire, font pour eux des spectacles de danse plutôt adaptés à un bar de stripteaseuses. Le tout pour instiller dans les jeunes esprits l’idée que la sexualité commence très tôt dans la vie et que le genre est fluide. Pour beaucoup de parents, il s’agit d’une opération de recrutement pour multiplier le nombre de personnes transgenres. Contrairement à ce que prétend la gauche, l’accusation de groomer ne désigne pas littéralement un complot pour abuser des enfants, mais une tentative de les sexualiser afin de miner le concept traditionnel de genre. Fidèle à son idéal de liberté d’expression, Twitter a banni le terme.

Phallus partout, hommes nulle part

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D.R.

Si les féministes avaient l’habitude de manifester pour protester contre le patriarcat, elles entrent maintenant dans un tout nouveau mouvement: utiliser l’art pour contrer la tendance phallique.


Si ces derniers temps c’est le déboulonnage de statues qui a été à la mode, il faut reconnaître qu’on en construit aussi afin de combattre la tendance phallique de certains monuments existants. En 2017, un collectif avait procédé à l’érection, si le terme est adapté, d’un clitoris géant sur le campus de l’université de Poitiers afin de revendiquer l’égalité homme/femme. L’œuvre était une réponse à un phallus géant qui y trônait depuis quarante ans, totem de la confrérie estudiantine des « Bitards ». En 2021, un monumental clitoris gonflable, conçu par l’artiste féministe Julia Pietri, a été installé à Paris sur le parvis des Droits de l’homme, narguant la très phallique tour Eiffel en face.

A lire également, entretien avec Jean-Michel Delacomptée: La guerre des sexes n’aura pas lieu

Cette année, une autre plasticienne, Karine Branger, a érigé deux clitoris géants dans le hall de la mairie du 18e arrondissement, comme pour signaler que tout espace disponible est désormais réservé aux organes génitaux féminins. Dans cette véritable guerre des sexes, les féministes traquent les phallus. On peut même dire qu’elles en voient partout. Comme cette association d’étudiantes de l’Imperial College de Londres, qui proteste avec véhémence via une pétition contre l’installation prochaine sur le campus d’une statue d’Antony Gormley, l’un des sculpteurs contemporains les plus reconnus, intitulée Alert. Cette œuvre d’art représente par des formes géométriques un être humain accroupi, censé évoquer « la communauté scientifique ». Selon l’artiste, il s’agit de la transformation d’une forme anatomique en construction architecturale. Peu convaincues, nos vigilantes y voient, elles, en lieu et place de jambes repliées, un phallus de trois mètres de long… Un symbole apparemment aussi viril constituerait un problème sérieux alors qu’il n’y a que 41,8 % de femmes dans cet établissement universitaire consacré à l’étude des sciences. Les étudiantes ont exprimé la crainte que l’exposition d’un tel phallus puisse même détourner les jeunes femmes des sciences. Qui, des hommes ou des femmes, sont les plus phallocentriques ?

Propre et efficace

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D.R.

« Les drones ont fait ce que les milices locales, et même l’armée pakistanaise, ne pouvaient pas faire : tuer les ennemis avec peu de dommages collatéraux » (Neha Ansari)


Le retrait des troupes d’Afghanistan, il y a un an, a pu donner une image très négative de l’efficacité des opérations militaires des Américains dans la région. Pourtant, ces opérations se poursuivent aujourd’hui à travers des frappes de drones ciblant les dirigeants et membres d’organisations terroristes. Le 31 juillet, les États-Unis ont annoncé la mort du chef d’Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, tué sur son balcon à Kaboul par un missile Hellfire, tiré par un drone. Si l’élimination de ce dirigeant haut placé a constitué une excellente publicité pour le programme de frappes dit « au-delà de l’horizon », le succès de ce dernier va beaucoup plus loin, notamment dans les régions frontalières du Pakistan où les talibans sont très présents. La mort d’al-Zawahiri est exemplaire d’un autre point de vue : la limitation des morts collatérales. Quand le recours aux frappes par des drones a commencé, sous Georges W. Bush, le nombre de morts de non-combattants était très élevé : près de 500 sur la période 2004-2012. Mais au cours du second mandat de Barack Obama, ce chiffre a chuté de manière dramatique grâce aux progrès de la technologie de précision qui guide les frappes et de la qualité des renseignements permettant de localiser les cibles. Ainsi, entre 2013 et 2020, seules neuf morts de non-combattants ont été recensées. Le succès des frappes est tel que les Pakistanais des zones tribales, souvent victimes d’atrocités commises par les talibans, les plébiscitent. Une étude conduite par Neha Ansari, une chercheuse en stratégie militaire, révèle que deux tiers des habitants interrogés approuvaient les frappes américaines et les trouvaient efficaces. Elle conclut : « Les drones ont fait ce que les milices locales, et même l’armée pakistanaise, ne pouvaient pas faire : tuer les ennemis avec peu de dommages collatéraux [1] ». Ce succès signale de surcroît que la lutte antiterroriste continue de manière active.


[1] Neha Ansari, « Precise and Popular: Why People in Northwest Pakistan Support Drones », warontherocks.com, 19 août 2022; « The Drone War in Pakistan », newamerica.org (base de données en ligne).

Les perles de France Info

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Fabien Roussel invité chez France Info / Capture d'écran Youtube

France Info a un service de « fact checking » pour vérifier les dires des politiques ou des chroniqueurs politiques. Dans son zèle pour traquer les prétendues erreurs des réactionnaires, le service est apparemment capable de se mélanger les pinceaux.


Dans le cadre de sa lutte contre la mal–pensance, c’est-à-dire tout ce qui sort de la pensée de gauche, France Info, dans sa version numérique, dispose d’une rubrique « vrai ou fake ». Pour répondre à la question « Le système des allocations nourrit-il le chômage, comme l’affirme Fabien Roussel ? », nos chasseurs de pensées hérétiques s’efforcent de démontrer combien le secrétaire du PCF se fourvoie en adoptant un point de vue aussi réactionnaire sur la question du chômage.

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La démonstration s’appuie sur une énumération de chiffres et de citations piochées auprès d’un expert de l’OFCE, d’une sociologue, d’un article de la Revue d’économie politique de 2006, d’une revue académique américaine, d’une chercheuse d’une école d’économie de Bergen en Norvège etc etc. Comme si le journaliste avait picoré un peu partout sur le Net pour sélectionner ce qui appuie sa démonstration. Mais à vouloir trop prouver, on finit par semer le doute sur le sérieux du travail. Un seul exemple montrera les absurdités auxquelles ce genre de démarche peut aboutir, je cite :

« Il existe 2,3 millions de chômeurs [d’après l’Insee] et 355 000 emplois vacants au deuxième trimestre [selon la Dares] », rappelle Clément Brébion, chercheur au Centre d’études de l’emploi et du travail-Cnam. Donc « si vous baissez les allocations chômage exclusivement dans le but d’encourager les chômeurs à chercher de l’emploi et que le nombre d’emplois vacants est, de toute façon, limité, le résultat ne va pas être une disparition complète du chômage ». Cela conduira à « une petite diminution du taux de chômage et une plus grande précarisation des chômeurs qui ne trouveront pas d’emploi du fait de l’absence d’emplois vacants », raisonne le chercheur ».

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Suivons bien le raisonnement : Si, en baissant les allocations, vous réussissez à satisfaire tous les emplois vacants c’est très très mal. En effet s’il n’y a plus de postes à pourvoir, les chômeurs qui restent vont se trouver précarisés. Ou, pour le dire autrement, si vous donnez du travail à des chômeurs, tous ces emplois pourvus sont autant d’emplois en moins à pourvoir, ce qui signifie de gros problèmes pour les chômeurs. CQFD ! : la baisse des allocations va précariser les chômeurs. Ils sont malins sur France Info.

Salman Rushdie, indignation minimum

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Rushdie Salman © Hannah Assouline

Déni à gauche, condamnation à droite, ambiguïté au gouvernement : les réactions qui ont suivi la tentative d’assassinat de Salman Rushdie montrent une fois de plus qu’on a du mal à nommer le mal islamiste. Quant aux « représentants officiels » de la communauté musulmane, ils ont brillé par leur silence.


Chaque attentat islamiste, qu’il soit de masse ou bien artisanal et de proximité, frappe nos sociétés en deux temps. À l’horreur des faits eux-mêmes vient s’ajouter le sentiment que, si les responsables politiques et les élus refusent de nommer l’idéologie à l’œuvre, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment la combattre. Ce n’est donc pas seulement la récurrence des attaques meurtrières qui crée le désespoir, c’est surtout cette attente éternellement déçue d’une réaction à la hauteur. Les Français ne croient plus que l’accumulation des crimes va enfin ouvrir les yeux de la classe politique sur la dangerosité de l’idéologie islamiste, la réalité de son entrisme dans les associations et institutions, et sa capacité à imposer ses codes (voile, hallal, radicalité religieuse).

Ils ont raison et le déni sur ces questions explique aussi l’avancée des idées séparatistes chez les Français de confession musulmane. L’emprise islamiste est toujours présentée comme un phénomène ne concernant qu’une « infime minorité » de musulmans. C’est hélas faux, les représentations radicales sont intégrées très fortement par les jeunes musulmans, en 2020 selon l’IFOP, ils étaient 74 % des moins de 25 ans à mettre l’islam avant la République. Dès 2016, l’Institut Montaigne notait que seuls 46 % des Français de confession musulmane avaient un système de valeurs en adéquation avec la société française.

Un fanatique musulman avant tout

L’affaire Salman Rushdie a à nouveau illustré cet état de lieux décourageant. Dès qu’il s’agit de défendre les valeurs civilisationnelles, attaquées au travers des cibles humaines désignées par l’islam politique, le malaise des journalistes est palpable. C’est ainsi qu’au début de l’affaire, la presse a beaucoup insisté sur le fait que l’assaillant était un citoyen américain. Du New-Jersey. Or l’homme est avant tout un fanatique musulman et n’a rien d’américain. Il vit aux États-Unis, mais il fonctionne comme un habitant du village libanais contrôlé par le Hezbollah dont il est originaire. À ces tentatives pathétiques de retarder la reconnaissance de la dimension islamiste du crime s’ajoute la difficulté à utiliser le vocabulaire approprié pour le qualifier. Emmanuel Macron va ainsi incriminer la « haine » et la « barbarie » et éviter soigneusement le terme « islamiste », comme la plupart des membres du gouvernement, hormis Pap N’Diaye. Derrière les références incantatoires à liberté d’expression dans les tweets des ministres et du président, c’est la réalité de la censure et de l’autocensure qui transparaît.

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Notons quand même des différences fortes selon que l’on se positionne à droite ou à gauche de l’échiquier. À droite, de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand en passant par Valérie Pécresse, Éric Ciotti ou Jordan Bardella, les mots sont sans équivoque. À gauche, prononcer le terme « islamisme » reste compliqué. À la Nupes, seul Fabien Roussel l’a fait, rejoint dans un second temps par Olivier Faure. Les autres leaders (Mathilde Panot, Alexis Corbière, Sandrine Rousseau…) préfèrent parler d’« obscurantisme religieux », étendant le domaine du soupçon (les religions sont néfastes) pour mieux évacuer la réalité (une religion particulière pose problème). Mais il y a mieux. Que l’on soit menacé de mort pour avoir osé écrire en dehors des dogmes religieux ne semble guère déranger Jean-Luc Mélenchon. Le grand tribun n’a pas eu un mot pour Salman Rushdie. Il faut dire que lorsqu’on construit sa stratégie de conquête du pouvoir sur le vote musulman et que l’on se rend compte que les meilleurs influenceurs sont les islamistes, sacrifier l’intérêt de la France et la sécurité des Français sur l’autel de ses intérêts personnels est presque inévitable.

Le silence des agneaux

Autre silence particulièrement révélateur, celui de la Ligue des droits de l’homme, mais aussi celui des leaders d’opinion de la communauté musulmane. Leur discrétion contraste désagréablement avec leur mobilisation pour le prédicateur islamiste Hassan Iquioussen. Il est inquiétant de constater que, hormis Hassan Chalghoumi, on peine à trouver des prises de position condamnant cette tentative d’assassinat. Du côté d’Ahmet Ogras, ancien président du CFCM, c’est silence radio. Idem pour Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France, ou pour Mohammed Moussaoui, vice-président du même mouvement. Quant à Chems-eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris, il publie le lendemain de l’attentat un tweet qui met très mal à l’aise : « Les Croyants se prosterneront alors que les mécréants ne le pourront guère, leur dos restera raide et lorsque l’un deux souhaitera se prosterner, sa nuque partira dans le sens inverse, comme faisait les mécréants dans ce monde, contrairement aux Croyants. » Face au scandale, le tweet est effacé. Ce n’est que le lendemain 16 août que le recteur apportera son soutien à Salman Rushdie dans une lettre ouverte publiée sur Saphirnews. Ghaleb Bencheikh ou la Fondation de l’islam de France attendront le 15 août pour réagir sur Facebook, mais le feront clairement dans une condamnation sans ambiguïté. Ce n’est pas le cas de Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux. Celui qui disait représenter l’islam modéré s’est avéré incapable d’avoir ne serait-ce qu’un mot pour Salman Rushdie. Il avait pourtant trouvé le temps de défendre l’islamiste Iquioussen quelques jours auparavant. Même chose pour Marwan Muhammad, Amar Lasfar, l’association Musulmans de France…

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La tentative d’assassinat de Salman Rushdie a montré que nombre de ceux que les gouvernements successifs ont choisis comme partenaires pour faire émerger un islam de France ne sont ni fiables ni modérés. Pour un humaniste, soutenir Salman Rushdie est une évidence ; pour un islamiste, même dissimulé sous une peau d’agneau, c’est une impossibilité. Or, on peut craindre que ceux qui ont failli gardent quand même la confiance de notre gouvernement. Dommage. Une tribune parue dans Le Monde et signée par 200 personnalités issues des sociétés tunisienne, marocaine, algérienne et de l’immigration maghrébine a, elle, condamné sans équivoque l’attentat contre Salman Rushdie et nommé l’idéologie qui arme les assassins. C’est sans doute là qu’il faudrait chercher des interlocuteurs.

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Éloge timide de l’égoïsme par temps de pénuries

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Photo d'illustration Unsplash

Tenez-vous le pour dit, braves gens : vous en avez trop profité. Vous avez trop pensé à vous.


Toutes ces années fastes de festins, de consommation à outrance, d’hédonisme débridé — certains parleront d’abondance… C’est terminé. Les pouvoirs publics nous ont annoncé la triste nouvelle : la fête est finie. L’époque est à la modération et à l’engagement pour la collectivité. 

Nous ne sommes plus seuls, ni dans nos choix, ni dans les événements que nous endurons. À l’aune des catastrophes qui s’annoncent — et les experts en catastrophes nous prédisent qu’elles seront nombreuses — l’humanité doit faire corps. Et tant pis pour le salaud qui s’était habitué à penser à lui en priorité.

Le Moi est plus que jamais haïssable et l’accusation d’égoïsme a le vent en poupe. Ce vilain défaut est devenu la source de tous les maux dans une époque qui a décidé de remettre au centre de ses préoccupations le bon vieux bien commun. 

Nous partons en croisade contre la négligence de l’Autre. Cet autre pour lequel nous devons être prêts à tous les sacrifices. Cet autre auquel nous devons coûte que coûte nous identifier.

Le retour en force du groupe

Il y a même une définition de l’autre à intégrer, car il ne suffit pas d’aimer sa famille, ses amis, ni même ses voisins : il faut aimer l’autre que l’on ne connaît pas. Avoir la même considération pour celui qui dépend désormais de nos moindres décisions, car nous vivons dorénavant dans un monde interconnecté et interdépendant. Nos actes ont des conséquences pour tous. Notre mode de vie est soit un modèle, soit une menace pour la société. Nul ne saurait réclamer le droit à l’indifférence. On ne plaisante plus avec la responsabilité : elle est partout. Dans notre assiette, dans nos transports, dans nos achats, dans nos habitudes… Il faut être rigoureux car une faute est bien vite commise. Il est aisé de retomber à tout moment dans l’égoïsme, péché d’orgueil des temps post-modernes.

A lire aussi, La députée de gauche Sandrine Rousseau estime qu’il y a des limites à la caricature

L’individualisme est devenu synonyme d’égoïsme. Nous délaissons la célébration de l’individu et la méfiance à l’égard du groupe au profit de l’inverse : le groupe revient en force et l’individu n’est plus qu’une petite créature médiocre et cupide, incapable de se projeter dans l’intérêt commun. L’individu, c’est l’enfant hideux du Vieux Monde, d’une insouciance indécente, coupable de toutes les incivilités. Il se dresse, arrogant, contre les nécessités de son temps, pensant naïvement qu’on peut encore aujourd’hui se payer le luxe d’être non-conformiste. Ignore-t-il que le monde brûle et que lui seul peut y remédier ?

Un homme vaniteux est infréquentable mais mettez mille hommes vaniteux ensemble et vous constituez une cour.

Rassurez-vous : si on condamne l’égoïsme, le narcissisme, en revanche, est toujours porté aux nues. Vantez-vous, vendez-vous, glorifiez-vous tout votre soûl pourvu que vous partagiez votre névrose avec le reste du monde. L’égo, d’accord, mais en public et avec le public. Un homme vaniteux est infréquentable mais mettez mille hommes vaniteux ensemble et vous constituez une cour. Quels que soient vos défauts, ils peuvent être rachetés par la communauté que vous acceptez de servir. C’est pratique même s’il faut bien reconnaître que ce n’est pas un exercice facile pour tout le monde. Qui plus est, il n’est pas toujours simple d’en avoir quelque chose à faire des autres. Ils ont parfois tellement l’air — c’est sûrement juste une impression — de ne se soucier que d’eux-mêmes… 

Le bien commun paraît parfois si flou qu’il arrive à certains d’entre nous — que la collectivité nous pardonne — d’oublier d’y penser. Au-delà des beaux discours, nombre de nos concitoyens s’autorisent régulièrement des phases aiguës d’égoïsme acharné. Sans se laisser aller à tant de cruauté, et si tout était dans l’art et la manière ? 

Un instant…

Qui n’a jamais rêvé de quitter la grande table d’un dîner ennuyeux et de filer à l’anglaise, sans mot dire ? De dire ce qu’on a sur le cœur, sans se soucier des conséquences ? De prendre le temps de faire quelque chose pour soi, même si les autres espéraient que ce temps leur serait consacré ?

Oublier l’autre, ne serait-ce qu’un instant… Même si je l’aime, même si je le déteste, même si je suis responsable de lui. L’abandonner à son destin, ne serait-ce que le temps de goûter au temps. Laisser quelques jours le monde à son désespoir et à ses mésaventures. Les envoyer tous paître : un plaisir au goût d’interdit. Seulement quelquefois. Peut-être même régulièrement. Les anglophones le savent : un seul petit “fuck you” peut vous apporter la plus grande sérénité pour les semaines à venir.

L’égoïsme est peut-être comme tous ces poisons qui nous enivrent pour peu qu’on ne les laisse pas nous tuer. Comme le vin, les bêtises ou l’orgueil : il pourrait bien être bénéfique à moindre dose. Et si nous nous autorisions à en reprendre un peu ? Avec modération, bien sûr, puisque la modération est de mise. Peut-être, je dis bien peut-être, le monde ne s’en porterait pas plus mal…