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Salman Rushdie, indignation minimum


Salman Rushdie, indignation minimum
Rushdie Salman © Hannah Assouline

Déni à gauche, condamnation à droite, ambiguïté au gouvernement : les réactions qui ont suivi la tentative d’assassinat de Salman Rushdie montrent une fois de plus qu’on a du mal à nommer le mal islamiste. Quant aux « représentants officiels » de la communauté musulmane, ils ont brillé par leur silence.


Chaque attentat islamiste, qu’il soit de masse ou bien artisanal et de proximité, frappe nos sociétés en deux temps. À l’horreur des faits eux-mêmes vient s’ajouter le sentiment que, si les responsables politiques et les élus refusent de nommer l’idéologie à l’œuvre, c’est tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment la combattre. Ce n’est donc pas seulement la récurrence des attaques meurtrières qui crée le désespoir, c’est surtout cette attente éternellement déçue d’une réaction à la hauteur. Les Français ne croient plus que l’accumulation des crimes va enfin ouvrir les yeux de la classe politique sur la dangerosité de l’idéologie islamiste, la réalité de son entrisme dans les associations et institutions, et sa capacité à imposer ses codes (voile, hallal, radicalité religieuse).

Ils ont raison et le déni sur ces questions explique aussi l’avancée des idées séparatistes chez les Français de confession musulmane. L’emprise islamiste est toujours présentée comme un phénomène ne concernant qu’une « infime minorité » de musulmans. C’est hélas faux, les représentations radicales sont intégrées très fortement par les jeunes musulmans, en 2020 selon l’IFOP, ils étaient 74 % des moins de 25 ans à mettre l’islam avant la République. Dès 2016, l’Institut Montaigne notait que seuls 46 % des Français de confession musulmane avaient un système de valeurs en adéquation avec la société française.

Un fanatique musulman avant tout

L’affaire Salman Rushdie a à nouveau illustré cet état de lieux décourageant. Dès qu’il s’agit de défendre les valeurs civilisationnelles, attaquées au travers des cibles humaines désignées par l’islam politique, le malaise des journalistes est palpable. C’est ainsi qu’au début de l’affaire, la presse a beaucoup insisté sur le fait que l’assaillant était un citoyen américain. Du New-Jersey. Or l’homme est avant tout un fanatique musulman et n’a rien d’américain. Il vit aux États-Unis, mais il fonctionne comme un habitant du village libanais contrôlé par le Hezbollah dont il est originaire. À ces tentatives pathétiques de retarder la reconnaissance de la dimension islamiste du crime s’ajoute la difficulté à utiliser le vocabulaire approprié pour le qualifier. Emmanuel Macron va ainsi incriminer la « haine » et la « barbarie » et éviter soigneusement le terme « islamiste », comme la plupart des membres du gouvernement, hormis Pap N’Diaye. Derrière les références incantatoires à liberté d’expression dans les tweets des ministres et du président, c’est la réalité de la censure et de l’autocensure qui transparaît.

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Notons quand même des différences fortes selon que l’on se positionne à droite ou à gauche de l’échiquier. À droite, de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand en passant par Valérie Pécresse, Éric Ciotti ou Jordan Bardella, les mots sont sans équivoque. À gauche, prononcer le terme « islamisme » reste compliqué. À la Nupes, seul Fabien Roussel l’a fait, rejoint dans un second temps par Olivier Faure. Les autres leaders (Mathilde Panot, Alexis Corbière, Sandrine Rousseau…) préfèrent parler d’« obscurantisme religieux », étendant le domaine du soupçon (les religions sont néfastes) pour mieux évacuer la réalité (une religion particulière pose problème). Mais il y a mieux. Que l’on soit menacé de mort pour avoir osé écrire en dehors des dogmes religieux ne semble guère déranger Jean-Luc Mélenchon. Le grand tribun n’a pas eu un mot pour Salman Rushdie. Il faut dire que lorsqu’on construit sa stratégie de conquête du pouvoir sur le vote musulman et que l’on se rend compte que les meilleurs influenceurs sont les islamistes, sacrifier l’intérêt de la France et la sécurité des Français sur l’autel de ses intérêts personnels est presque inévitable.

Le silence des agneaux

Autre silence particulièrement révélateur, celui de la Ligue des droits de l’homme, mais aussi celui des leaders d’opinion de la communauté musulmane. Leur discrétion contraste désagréablement avec leur mobilisation pour le prédicateur islamiste Hassan Iquioussen. Il est inquiétant de constater que, hormis Hassan Chalghoumi, on peine à trouver des prises de position condamnant cette tentative d’assassinat. Du côté d’Ahmet Ogras, ancien président du CFCM, c’est silence radio. Idem pour Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France, ou pour Mohammed Moussaoui, vice-président du même mouvement. Quant à Chems-eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris, il publie le lendemain de l’attentat un tweet qui met très mal à l’aise : « Les Croyants se prosterneront alors que les mécréants ne le pourront guère, leur dos restera raide et lorsque l’un deux souhaitera se prosterner, sa nuque partira dans le sens inverse, comme faisait les mécréants dans ce monde, contrairement aux Croyants. » Face au scandale, le tweet est effacé. Ce n’est que le lendemain 16 août que le recteur apportera son soutien à Salman Rushdie dans une lettre ouverte publiée sur Saphirnews. Ghaleb Bencheikh ou la Fondation de l’islam de France attendront le 15 août pour réagir sur Facebook, mais le feront clairement dans une condamnation sans ambiguïté. Ce n’est pas le cas de Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux. Celui qui disait représenter l’islam modéré s’est avéré incapable d’avoir ne serait-ce qu’un mot pour Salman Rushdie. Il avait pourtant trouvé le temps de défendre l’islamiste Iquioussen quelques jours auparavant. Même chose pour Marwan Muhammad, Amar Lasfar, l’association Musulmans de France…

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La tentative d’assassinat de Salman Rushdie a montré que nombre de ceux que les gouvernements successifs ont choisis comme partenaires pour faire émerger un islam de France ne sont ni fiables ni modérés. Pour un humaniste, soutenir Salman Rushdie est une évidence ; pour un islamiste, même dissimulé sous une peau d’agneau, c’est une impossibilité. Or, on peut craindre que ceux qui ont failli gardent quand même la confiance de notre gouvernement. Dommage. Une tribune parue dans Le Monde et signée par 200 personnalités issues des sociétés tunisienne, marocaine, algérienne et de l’immigration maghrébine a, elle, condamné sans équivoque l’attentat contre Salman Rushdie et nommé l’idéologie qui arme les assassins. C’est sans doute là qu’il faudrait chercher des interlocuteurs.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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