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Gérard Miller, les Juifs et ma boussole morale

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Aussi triste que cela puisse sembler au psychanalyste de LFI, non, il n’y a pas de Parti des juifs.


Cher Gérard Miller,

J’apprends, grâce à votre tribune publiée dans Le Monde[1], que j’ai perdu ma boussole morale. Je compte sur vous pour me la rapporter.

Je fais partie de ces Français juifs qui, non seulement ont cessé depuis des lustres de voter à gauche, ce qui est déjà criminel, mais ne se signent pas quand ils entendent les noms Le Pen et Zemmour, tout en ayant avec eux de nombreux désaccords, parfois frontaux. Voyez-vous, c’est seulement dans votre camp que le sectarisme est une vertu, et le refus du désaccord, un acte de courage. C’est aussi dans votre camp qu’on ose diviser le monde entre racisés et racistes sur la seule base de la couleur de peau tout en prodiguant des leçons d’antiracisme. Vous êtes des petits marrants.

Les infréquentables : ¼ de l’électorat français

Il y a vingt ans, Daniel Lindenberg s’affolait dans Le Rappel à l’ordre – et, déjà, dans Le Monde Jews turn right ! Vous accommodez cette vieille lune à la mode du jour. Jews turn extrême-droite ! En 2002, ils étaient réacs, aujourd’hui, ils sont fachos et flirtent avec le pire. De LR à Zemmour en passant par Le Pen, de nombreux juifs votent en effet pour l’une des nuances de la droite. Vous êtes tellement obsédé par les origines (car vous n’ignorez pas qu’avant d’être une foi, la judéité est une origine) que vous ne voyez pas que les juifs ont suivi peu ou prou le même mouvement que tous leurs compatriotes. Vos prêches ont si bien porté que les partis que vous avez décrétés infréquentables représentent aujourd’hui un quart des Français.

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J’apprends donc sous votre plume que ce que je dois penser et voter est codifié par une loi morale dont vous êtes l’interprète autorisé. Vous dressez même la liste des saints que je suis priée d’honorer. « J’appartiens à une génération où être juif et Français, c’était tout naturellement aimer Maximilien Robespierre et la Révolution de 1789, Louise Michel et la Commune de Paris, Emile Zola, Léon Blum, Missak Manouchian ou Jean-Paul Sartre. » La voie est libre mais elle est tracée, Camarades ! Il est significatif que personne, à la rédaction du Monde, ne vous ait conseillé d’oublier Robespierre, qui vous fait perdre en route quelques-uns de vos amis. Permettez-moi cependant de noter quelques oublis dans votre panthéon. Dans votre génération, être juif et français, c’était hésiter entre Staline, Trotsky et Mao. Vous, c’était Mao. On a le droit de se tromper, même à ce point. Cela ne vous qualifie pas particulièrement pour prodiguer des conseils en pureté morale ou en vérité historique.

Procès en sorcellerie

Il parait qu’en fréquentant des personnes que vous avez estampillées d’extrême droite, et parfois en votant pour elles, ces mauvais juifs « mettent en danger l’ensemble de la nation comme leur propre communauté ». Pour ce qui est de leur communauté, comme vous dites, demandez donc à ceux qui ont quitté la France si c’était par peur des « néo-nazis qui grenouillent autour de Reconquête » ou des « fascistes du GUD » qui, selon vous, sont « au cœur de l’organisation des campagnes du Rassemblement national ». Il reste certainement en France des antisémites à l’ancienne, et dans quelques salons bourgeois, des zozos qui pensent encore que les juifs ne sont pas tout à fait Français (comme l’obscur conférencier de Civitas) mais convenez qu’ils n’ont pas vraiment pignon sur rue et qu’en plus, ils ne cassent pas la figure aux gamins qui portent une kippa. Il est vrai que vous admettez l’existence d’un antisémitisme « islamiste » qui « a contraint des familles juives à déménager de certaines banlieues », ce qui laisse penser qu’il n’est pas si minoritaire que ça. Je ne vous ai pas entendu admonester vos amis quand ils lui font des risettes – pensons aux blagues du Lider maximo insoumis sur les petits fours du CRIF ou de la nouvelle idole de vos camarades de lutte, Médine. Soucieux de montrer qu’il y a des négationnistes juifs, vous évoquez des juifs orthodoxes israéliens qui s’en sont pris à d’autres juifs, en leur criant : « Retournez en Allemagne ou en Pologne, et reprenez le train ! » Chez nous, ce ne sont pas des néo-nazis qui font ce genre de blagues, mais un respectable militant de la CGT qui s’est demandé, sans même chercher à se cacher, si son train, où se trouvait Zemmour, se retrouverait à Auschwitz. Sans doute avez-vous fait part de votre tristesse et de votre colère à Sophie Binet.

Puisque vous avez la bonté de vous soucier de ma boussole morale, je me désole que la vôtre fasse si peu de cas de la vérité. Vous me direz que, quand on incarne le Bien, le Vrai, ce n’est pas si grave. N’empêche, traficoter les propos de ses adversaires, c’est se battre en dessous de la ceinture. Moi j’aime le combat à la loyale.

Deux exemples, sans doute imputables à l’étourderie. Vous parlez de Renaud Camus, « cet antisémite qui dressait, en son temps, la liste des juifs travaillant dans les médias ». Sauf que Renaud Camus n’a jamais commis une telle liste, il s’est étonné du judéo-centrisme de l’émission « Panorama » et l’a attribué au fait que la plupart des chroniqueurs étaient juifs. La blague qui y circulait alors était qu’Alain de Benoist était le seul à ne pas parler yiddish (eh oui, en ces temps bénis, on aimait la contradiction, même à France Culture). On peut trouver l’observation de Camus détestable, elle n’a rien à voir avec une liste de juifs dans les médias. Quant à Éric Zemmour, dont je trouve, comme vous, les propos sur Dreyfus délirants (et sans doute inspirés par un fanatisme de la raison d’État), vous le traitez sans ambages de « négationniste ». Bah voyons, si j’ose cette blague. Et pourquoi pas nazi, d’ailleurs vous n’êtes pas loin. Il pense que, si les juifs français ont été en grande partie sauvés, c’est parce que Pétain a choisi de sacrifier les juifs étrangers – comme réhabilitation morale on fait mieux. Cette thèse, parfaitement contestable, mais qui avait largement cours dans les années 1960, relève du débat historique, pas d’un procès en sorcellerie mené par des inquisiteurs qui se font une gloire de ne pas avoir lu le dossier.

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Le crime de Zemmour, à vous lire, est d’avoir pulvérisé définitivement « tout ce qui avait permis jusque-là de maintenir un peu de cohérence et de cohésion dans la communauté juive française ». Nous y voilà : ce social-traitre affaiblit le Parti (on ne se refait pas). À cause de lui, il y a désormais en France « deux judéités irréconciliables ». Deux ? Non, il y a autant de façons d’être juif que de juifs. Et c’est très bien comme ça. Aussi triste que cela vous semble, il n’y a pas de Parti des juifs. Certes, l’appartenance, l’origine, la religion, la tradition familiale pèsent dans ce que nous sommes, donc dans nos choix politiques. Mais libre à chacun de définir son dosage. Autrement dit, les juifs votent comme bon leur semble et ça ne vous regarde en rien. Seulement, vous êtes entantquiste : pour vous, chacun doit se comporter en tant que ­– heureusement que je ne viens pas d’une lignée de Uhlans. Je suis pour ma part attachée à la cacophonie juive, autant qu’à la liberté de penser seul.

Le plus sidérant, c’est qu’à aucun moment vous ne vous demandez pourquoi tant de juifs votent mal. Vous pensez qu’ils « veulent détourner la mitraille sur les musulmans ». Il ne vous est jamais passé par la tête que, peut-être, ils avaient de vraies raisons d’avoir peur ?  Ne voyez-vous pas les progrès, en particulier dans la jeunesse, d’un islam identitaire qui s’oppose aux mœurs traditionnelles de la France ? Le changement démographique et culturel en cours ne vous inquiète pas, tant mieux pour vous. Pour beaucoup de Français, juifs ou pas, c’est un crève-cœur. Dans le fond, ce qui vous indispose le plus, c’est que les juifs soient des Français comme les autres.


[1] Gérard Miller : « Jamais un aussi grand nombre de juifs français n’ont perdu à ce point leur boussole morale », Le Monde, 11 septembre 2023

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Accusé Trump, présentez-vous!

Aux États-Unis, la campagne présidentielle compte un invité encombrant : la justice. Et c’est en fonction de ses convocations devant les juges que Donald Trump tiendra ses meetings. Pourtant, l’ancien président, qui a su faire de ses casseroles un argument électoral, est donné favori pour représenter les républicains.


Ce sera un match retour. En 2024, l’élection présidentielle américaine pourrait proposer la même affiche qu’en 2020 : Donald Trump vs Joe Biden. Alors qu’il existait des incertitudes pour le premier, en raison de son échec à l’élection précédente, et pour le second, à cause de son âge, les deux hommes sont actuellement donnés favoris pour représenter leur camp. Cependant, l’intervention de la justice pourrait mettre à mal ce scénario. La judiciarisation du débat public est, sans surprise, encouragée par nombre de médias qui préfèrent se focaliser sur la multiplication des inculpations de l’ancien président au détriment des enjeux politiques, économiques et culturels auxquels sont confrontés les États-Unis.

De la politique à la justice 

Les démocrates sont largement responsables de la judiciarisation de la vie politique américaine sous la présidence de Donald Trump. En effet, ils ont mené deux procédures d’impeachment contre lui en moins de deux ans, un record absolu dans l’histoire du pays. D’une part, ils ont cherché à le destituer le 18 décembre 2019 en l’accusant d’abus de pouvoir et d’entrave au travail du Congrès, avec des pressions exercées sur l’Ukraine pour enquêter sur Joe Biden. D’autre part, il lui a été reproché l’insurrection de ses partisans contre le Capitole après sa défaite de novembre 2020. Ces procédures politiques se sont soldées par des échecs grâce aux acquittements du Sénat.

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Mais au-delà de ces tentatives démocrates, Donald Trump fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires qui pourraient l’empêcher de revenir à la Maison-Blanche. Tout d’abord, son entreprise Trump Organization a été condamnée pour fraudes financière et fiscale à une amende de 1,6 milliard de dollars. Ensuite, l’ancien président est accusé d’avoir monnayé le silence d’une actrice de film X pour cacher leur relation. Donald Trump est aussi poursuivi pour l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, dans le cadre de la procédure sur la manipulation des résultats de l’élection présidentielle. À ce tableau déjà chargé, il faut ajouter que le milliardaire a conservé des archives de sa présidence alors que ces documents sont classés « secret défense ». Enfin, la justice de Géorgie reproche à Donald Trump sa tentative de renverser l’élection dans cet État. Si toutes les affaires n’ont pas la même portée, ces trois dernières ont de quoi inquiéter l’intéressé.

Ce ne sont pas des détails…

À elle seule, l’affaire des documents classifiés peut faire chuter Donald Trump. Depuis leur découverte par le FBI à son domicile en août 2022, il est accusé de compromettre la sécurité nationale – sujet sensible dans un pays attaché à la protection des documents stratégiques de l’État. Hillary Clinton avait en partie perdu l’élection présidentielle de 2016 après l’affaire de ses courriels – elle n’avait pas respecté la stricte séparation entre ses adresses électroniques personnelle et professionnelle, violant ainsi le Federal Records Act. 

Les accusations de pressions exercées sur plusieurs secrétaires d’État pour tenter d’inverser la victoire de Joe Biden en Géorgie en 2020 demeurent floues mais, s’il est établi que Donald Trump a bien téléphoné à plusieurs d’entre eux au sujet des résultats électoraux, il encourt une peine maximale de vingt ans d’emprisonnement.

Enfin, l’affaire de l’assaut du Capitole et de la manipulation des résultats de la dernière élection présidentielle est plus compliquée. En théorie, en cas de condamnation, cette affaire pourrait lui interdire un retour à la Maison-Blanche : le 14e amendement le priverait de l’exercice de toute fonction civile ou militaire. Cependant, le risque d’une condamnation est limité, car une vidéo montre Donald Trump appelant ses supporters, en pleine manifestation, à rentrer chez eux.

Quelles conséquences politiques ?

À court terme, Donald Trump bénéficie d’un regain de popularité lié à l’effet « victime de l’acharnement des juges ». Selon un récent sondage de RealClearPolitics, 70 % des électeurs républicains ont une opinion favorable de l’ancien président contre 54 % en mars dernier. De plus, en vue de la primaire des républicains qui désignera leur prochain candidat, Donald Trump possède plus de 40 points d’avance face à Ron DeSantis, le gouverneur de Floride. Cet écart était de moins de cinq points entre les deux concurrents au début de l’année. À cela, il faut ajouter que près de deux républicains sur trois considèrent que Joe Biden a été élu grâce à des fraudes et à des irrégularités. Donald Trump ne perd pas le soutien de son propre camp.

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Il devra en revanche surmonter les conséquences politiques de ses inculpations. Les élections de 2016 et de 2020 se sont jouées à 50 000 voix dans quelques États spécifiques. Dans la Rust Belt (Pennsylvanie, Ohio, Wisconsin et Michigan), en 2016, le projet « America First »a séduit les classes moyennes blanches paupérisées. Mais en 2020, Trump a été devancé dans cet électorat par Joe Biden, dont le positionnement lui est moins hostile que celui d’Hillary Clinton. Aussi, si les accusations contre Trump n’ont pas d’effets sur les électeurs républicains, elles peuvent provoquer un doute chez les électeurs modérés et indépendants qui pourraient faire basculer l’élection en novembre prochain. Quant aux États du Sud (Géorgie et Arizona), acquis traditionnellement à la droite, Donald Trump y a perdu une partie de l’électorat légaliste qui ne lui pardonne pas ses provocations et ses déboires judiciaires.

Pour gagner, Donald Trump va devoir se battre sur deux fronts, judiciaire et politique, alors que la campagne promet d’être aussi dure qu’en 2016 et 2020. Et tout en conservant les recettes de sa révolution victorieuse, il devra s’adapter aux nouvelles mutations de la société. Plus que jamais, les États-Unis sont coupés en deux : d’un côté les progressistes, qui vont des défenseurs du droit à l’avortement aux chantres de la cancel culture ; de l’autre les conservateurs, héritiers du mouvement Tea Party, bien décidés à tout faire pour que leur pays ne sombre pas dans les dérives du wokisme.

Quand c’est Booba, c’est de la balle! Quand c’est Zineb, c’est le scandale!

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Dans une interview accordée, le 5 août, aux journaux régionaux du groupe EBRA, Booba a surpris tout le monde, affirmant que « la police, le système judiciaro-carcéral, et plus globalement l’État, ne se font pas respecter […] les jeunes n’ont pas peur de la police, l’État est beaucoup trop mou et faible […] les peines de prison sont trop légères et surtout rarement appliquées », et qu’à cause de cela « les policiers s’en trouvaient discrédités ». Le rappeur a conclu qu’aux États-Unis, « c’est loin d’être parfait mais tu ne défies pas la police à la bagarre ».

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, de nombreux commentateurs ont loué cette prise de position du rappeur. C’est le cas d’Olivier Dartigolles, chroniqueur politique, ou de Lucas Jakubowicz, rédacteur en chef de Décideurs Magazine. Invités sur le plateau de CNews dans l’émission « L’Heure Des Pros 2 été » du 6 août, Lucas Jakubowicz avait même soutenu l’idée que, s’il n’y vivait plus, « Booba était le porte-parole d’une grande majorité des résidents de ces quartiers dits sensibles », premières victimes des voitures brûlées, des violences – bref de l’insécurité. Le journaliste de Décideurs magazine avait conclu : « sa parole pèse, elle mérite d’être entendue et non pas moquée ». Ces commentaires, intéressants, amènent trois questions. La première consiste à se demander si, comme l’a prétendu Booba, le système judiciaro-carcéral inflige vraiment des peines trop légères et rarement appliquées. L’actualité semble donner raison à Booba. Ne nous a-t-elle pas appris récemment qu’on pouvait avoir 15 rappels à la loi, pour trafics de stupéfiants, excès de vitesse, conduite sans permis, vols avec violence, sans avoir jamais une seule condamnation, et tout en ayant un casier judiciaire vierge [1] ? Ou qu’on pouvait avoir commis depuis des années des agressions sexuelles et voies de fait dans son quartier, ainsi que viol et violences répétées sur personnes de sa famille, avoir été appréhendé mais être resté en liberté [2] ?

Quand la prison assure une bonne promo

En outre, lorsqu’on est condamné, la loi prévoit que pour toute condamnation inférieure à un an, on peut se voir accorder par le Juge d’Application des Peines (JAP) une réduction de 14 jours par mois d’incarcération, si l’on a un bon comportement en prison. Pour toute peine supérieure à un an, le JAP peut, pour les mêmes motifs, accorder à la personne condamnée une réduction de peine de six mois par année d’incarcération. Sans compter qu’il y a encore des dispositifs de liberté conditionnelle, une fois que le condamné a accompli la moitié de la durée initiale de sa peine. Autrement dit, une condamnation à 15 ans, pour agressions, crimes, ou trafics de drogue, peut tout à fait normalement aboutir, en réalité, à une peine inférieure à sept ans et demi, si l’on se comporte correctement en prison et qu’on s’engage dans une démarche de réinsertion [3].

Booba sait de quoi il parle. Après la bagarre entre sa bande et celle de Kaaris, à Orly, occasionnant de couteux dégâts, le « Duc de Boulogne », expliquait, lors d’une interview accordée au média Brut, en septembre 2019, « je savais que j’y resterais pour un mois maximum, ça m’a même permis de me reposer. Dans mon cas, c’était presque de la promo, […] j’étais assez détendu ». Que la prison ne fasse plus peur, Booba peut donc en parler savamment.

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La deuxième question consiste à se demander si l’on peut entendre les propos d’un rappeur qui, aujourd’hui, appelle à la fermeté de la justice et de la police vis à vis de la délinquance, alors qu’hier il chantait tout le contraire. Dans le morceau « N° 10 », le mélomane peut entendre « Fuck la loi, son arbitrage, ses cartons, Dis-leur ici c’est nous les patrons. Sucez-nous pendant qu’on bicrave, […] Nombreuses seront les victimes […] Toujours anti-dèps, insolent contre les agents. » Dans « La Faucheuse », Booba n’incite guère la jeunesse à la sagesse : « Vis dans l’inégalité […] Agis, ça sert à rien d’lé-par, Moi, j’suis toujours en train d’bé-bar c’pays d’klébars »… Booba a donc beau jeu de trouver, à présent, l’État, la justice et la police trop mous et trop faibles ; il y a encore peu de temps, il encourageait à les défier et exprimait, sans complexe, son mépris pour la France. Notamment dans « Le Bitume et La Plume », où il clamait : « Quand j’vois la France les jambes écartées j’l’encule sans huile ». Si l’on peut se féliciter que le rappeur ait changé son fusil d’épaule, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. Et surtout, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait en chansons, tout compte fait… Car, compte tenu de la prédominance du rap dans la musique qu’écoutent les jeunes, on ne peut que rêver des répercussions qu’un rappeur du renom de Booba auraient sur les jeunes des quartiers s’il les exhortait, dans ses punchlines, à respecter leurs profs qui s’investissent sans compter, à ne pas systématiquement s’armer jusqu’aux dents ou à chercher la bagarre entre bandes pour les plus futiles motifs, et enfin, à cesser de refuser d’obtempérer lorsqu’on est contrôlé, pour éviter les accidents tragiques, pour soi-même, ou pour les autres. Si Booba ne l’a pas fait avant, c’est parce qu’il évolue dans un milieu musical labellisé « rebelle », qui, en réalité, est extrêmement conformiste.


La haine anti-France et anti-police est le fonds de commerce de la majorité des rappeurs depuis des décennies. D’ailleurs, en cela, Booba est un petit joueur ! Les groupes « Ministère Amer », « Sniper », par exemple, et tant d’autres, sont experts en la matière. Dans « Face À La Police », le groupe 113 prônait une haine pour son pays décomplexée, qui va de pair avec l’incivilité routière « J’baise votre nation […] En voiture à fond, un bon son, association, Les keufs sont au feu rouge, attention, disparition. Face à la police, me rendre, hors de question. L’uniforme bleu, depuis tout p’tit, nous haïssons. Produits stupéfiants et pe-pom comme protection. »

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Depuis que le rap français est tout p’tit, de tels exemples sont comme les feuilles mortes, on les ramasse à la pelle ! Ce fonds de commerce est aussi celui de l’extrême gauche, dont certains membres ne cachent pas sa relation symbiotique avec les rappeurs anti-France et anti-police. En 2021, c’est le rappeur Soso Maness que le Parti communiste a invité à sa fête de l’Huma. Celui-ci y scandait avec le public en liesse « tout le monde déteste la police ». Pour l’Université d’été d’EELV, cette année, l’invité d’honneur était Médine, poète qui cumule punchlines anti-police et antisémites (voir le numéro de Causeur en vente actuellement NDLR). Quant à LFI, leur leader et nombre de ses membres reprennent inlassablement la rhétorique rappeuse selon laquelle, c’est la police qui tue. Et qu’en plus, ce sont toujours les jeunes arabes et noirs, qui seraient visés. D’après tout ce petit monde musical et politique, la rage de cette jeunesse des quartiers ne serait qu’une riposte au « racisme systémique » dont elle serait victime.

Les jeunes endoctrinés par la musique violente n’agressent pas que les policiers

Mais, dans ce cas, quelques interrogations naïves: le nombre grandissant de professeurs victimes d’agressions, dans ces fameux quartiers, l’est-il parce qu’ils sont racistes, eux également? Racistes aussi, les pompiers, régulièrement caillassés ? Racistes encore, les médecins, de plus en plus souvent agressés ? Racistes toujours, les pharmaciens et commerçants qui, lassés par l’insécurité, désertent ces quartiers?

Capture LCI

La réception positive et générale des propos de l’été de Booba dans les médias pose une troisième et dernière question. Pourquoi les avoir accueillis avec autant de bienveillance, quand hier, on rejetait avec véhémence ceux de Zineb El Rhazoui, appelant pourtant à la même fermeté ? On se souvient que l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo avait déclaré, lors d’un débat sur des violences urbaines sur un plateau de CNews, le mardi 5 novembre 2019, que puisque les forces de l’ordre avaient été attirées dans un guet-apens visant à les faire brûler vives, elles auraient dû tirer à balles réelles, comme le ferait la police américaine. Le même Olivier Dartigolles, qui dernièrement sur le plateau de CNews, s’est réjoui des propos de Booba, avait alors crié au scandale, soutenu par Sophie Obadia, avocate pénaliste ! Le lendemain, sur le plateau de LCI, Zineb El Rhazoui, imperturbable, avait enfoncé le clou. Faisant d’abord référence à l’article L 435-1 du code de sécurité intérieure, autorisant la police à la légitime violence, avec comme cadre l’immédiateté, et la proportionnalité, elle avait posé la question : « Pourquoi la police n’a-t-elle pas recours à son droit de la légitime défense quand on a des guet-apens […] à Viry-Châtillon, où les » racailles » ont immobilisé le véhicule de police, et y ont mis le feu ? » Au moment où l’ex-journaliste de Charlie Hebdo rappelait qu’un policier s’est retrouvé avec les poumons brûlés et d’autres blessures graves, un intervenant sur le plateau de LCI lui avait fait remarquer qu’il ne pouvait y avoir de proportionnalité entre les armes à feu des policiers, et les pavés et fumigènes des jeunes assaillants… Zineb avait rétorqué qu’il y aurait selon elle bel et bien eu proportionnalité si les policiers avaient sorti leurs armes et fait feu, car ils étaient trois lorsque les « racailles » étaient 100… Dans le cas de ces guet-apens perpétrés contre la police, « les racailles se constituent en milice concertée, et à des dates précises, se donnent rendez-vous pour casser du flic ». Raquel Garrido, de la France Insoumise, présente également sur le plateau n’avait pas manqué d’attaquer Zineb El Rhazoui sur le fameux terrain du racisme. « Vous montrez du doigt une certaine jeunesse des quartiers noire et arabe, principalement », avait lancé la députée de Seine Saint-Denis. Ce à quoi Zineb el Rhazoui avait répliqué: « Moi, je dis « racailles », et vous vous entendez « noirs et arabes », c’est votre problème, demandez-vous pourquoi ! »

Deux poids deux mesures

Il est en outre surprenant que les propos de Zineb el Rhazoui aient suscité un tel scandale, puisqu’à la même période, plusieurs articles de la presse et des reportages nous expliquaient bien que tendre des guet-apens à la police par le truchement des pompiers était devenu une « tradition », et que cette dernière allait croissant. Le Parisien citait alors l’expression de Loïc Travers, officier de police et secrétaire national adjoint de Alliance, évoquant des vidéos postées sur les réseaux sociaux, où l’on entend distinctement certains assaillants crier, plusieurs fois, au sujet de policiers attaqués: « Tuez-les ! » 

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N’ayant jamais commenté ou condamné de tels actes, Booba avait, en revanche, publiquement injurié la journaliste. « Pourrissons la vie à cette grosse merde puante » […] écrivait-il sur Instagram « cette suceuse d’empereur romain ». Zineb avait porté plainte, et le rappeur avait été condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre à lui verser une amende de 5000€ en dommages et intérêts. Alors que Booba n’avait pas besoin d’appeler à pourrir la vie de la journaliste, les activistes islamistes et tous leurs réseaux de collaborateurs s’en chargeant déjà. Depuis huit ans, la jeune femme, menacée de mort au quotidien, est forcée de vivre, jour et nuit, sous protection policière. La seule célébrité à avoir eu le courage de la soutenir publiquement dans cet épisode avait été Patrice Quarteron, champion de Taï et Kick-boxing. Au micro de SudRadio, le 12 novembre 2019, il avait menacé publiquement Booba de balancer l’adresse de toute sa famille s’il arrivait le moindre ennui à Zineb… La polémique s’était arrêtée là. Booba n’avait sans doute pas voulu prendre le risque de contrarier le champion de boxe, encore moins celui de troubler la douce vie qu’il coulait dans son quartier huppé et protégé de Miami.

Outre le côté misogyne de l’attaque, qu’aucun(e) féministe n’avait dénoncé, cette fatwa sur Zineb était avant toute chose lâche. Le rappeur confessait même, dans l’interview accordée à Brut précitée, qu’il avait choisi de vivre à Miami dans un quartier ultra-protégé où sa tranquillité était totale, lui permettant même de mettre en scène ses enfants sur les réseaux sociaux, chose qu’il ne pourrait jamais faire s’il vivait en France… Ainsi, protégé et dans l’anonymat, sans risque de représailles, il avait lancé sa fatwa numérique aux conséquences potentiellement tragiques.

Quarteron avait également dénoncé l’hypocrisie collective des gens, qui, en public, pouvaient qualifier Zineb de « ouf », tel Cyril Hanouna, mais qui en « off » convenaient que si une masse de gens vous attaquait pour vous tuer, le bon sens était évidemment de défendre votre vie ! Le boxeur, qui ne fait pas mystère de ses origines très modestes, à Grigny, et de ses galères de boulot avant de commencer la boxe, a aussi raconté comment la haine dans les quartiers avait été initiée et entretenue par des militants et certaines associations soi-disant anti-racistes, dont l’analyse folle repose sur le passé esclavagiste et ségrégationniste américain, sans rapport avec le passé et le présent de la France métropolitaine. Pour de telles prises de positions, Quarteron est, depuis, boycotté par les médias publics, relais des bien-pensants qui n’adoubent les « racisé(e)s » que lorsque ceux (ou celles)-ci déversent leur haine contre la France et la police comme il convient de le faire. Ces médias et leurs relais risquent d’être de nouveau pris de cours. Les récents propos de Booba ont révélé qu’il est un artiste intelligent, opportuniste, et sensible au vent qui tourne. Or le vent qui souffle est celui des masses, excédées par la violence gratuite, la sauvagerie croissante, l’impunité et les discours victimaires. Un vent qui risque de souffler aussi l’avènement d’un nouveau rap.

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[1] https://www.europe1.fr/faits-divers/info-europe-1-mort-de-nahel-ladolescent-connu-pour-15-mentions-au-fichier-des-antecedents-judiciaires-4191433

[2] https://www.lalsace.fr/faits-divers-justice/2023/08/15/viol-barbare-a-cherbourg-l-auteur-18-ans-deja-vise-par-plusieurs-enquetes

[3] Droit de l’exécution des peines 2023-2024, de Martine Herzog-Evans, éditions Dalloz

Noire comme neige

Au lieu de déconstruire un classique de notre enfance, il aurait mieux fallu pour Disney ne rien faire.


Après les tumultes provoqués par le choix d’une actrice afro-américaine pour jouer le rôle-titre de La Petite Sirène, Disney persiste à « déconstruire » les contes traditionnels. Témoin, le remake en prises de vues réelles du dessin animé de 1937, Blanche-Neige et les sept nains, qui sortira en mars 2024. La princesse déchue à « la peau plus blanche que la neige » sera jouée par l’actrice américaine « latina », Rachel Zegler, qui met en avant ses racines colombiennes, bien que son père soit d’ascendance polonaise. Interviewée au mois d’août, elle accable la version consacrée de l’histoire signée par les frères Grimm, assimilant le prince à un harceleur –« un mec qui traque littéralement » la princesse. Elle escamote l’idée que le conte puisse parler de l’éveil à la sexualité d’une jeune fille, Blanche-Neige devenant dans la nouvelle version « une femme moderne » dont le destin n’est pas d’« attendre un homme », mais de devenir « un leader ».

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Autrement dit, il s’agit d’une énième et très prévisible apologie de la « girlboss », la figure de la femme transformée en manager à l’égal d’un homme. Mais en plus d’être amputée de son identité par ce scénario désenchanté́ co-écrit par Greta Gerwin, la réalisatrice du film Barbie, Blanche-Neige perd ses petits camarades. En effet, les sept nains disparaissent (même du titre du film) au profit d’étranges « créatures magiques ». Parmi les sept, un seul est incarné par un comédien de petite taille. Cinq ont la peau blanche et deux ont la peau noire, et l’une est une femme. Une précaution « pour ne pas renforcer les stéréotypes du film d’animation orignal », selon un porte-parole de Disney. La firme prétend avoir consulté des membres de la « communauté des nains », mais sa décision a été critiquée dans la mesure où elle prive des acteurs nains de rôles qu’ils sont seuls capables de jouer. Disney devrait méditer l’échec de La Petite Sirène cette année : à force de vouloir plaire à toutes les minorités, on finit par ne plaire à personne.

Union des droites: un dégel est possible!

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Le billet politique d’Ivan Rioufol. Le bon sens finira-t-il par s’imposer un jour à droite? se lamente notre chroniqueur.


La droite aurait-elle cessé d’être bête? Entendre Jordan Bardella (RN) et Marion Maréchal (« Reconquête ! ») évoquer en duo un possible rapprochement, à l’occasion des élections européennes de juin 2024, laisse entrevoir l’esquisse d’une indispensable union. « Notre vocation c’est de rassembler », a précisé ce mercredi sur Europe 1 Sébastien Chenu, porte-parole du RN, en appelant les patriotes, également de gauche, à « venir se ranger » derrière son propre camp « qui fait la course en tête ».

Le RN rappelle son hégémonie sur la droite nationale

Il n’est pas sûr que cette précipitation du RN à rappeler sa position hégémonique soit le meilleur moyen psychologique de calmer les querelles d’égo qui infantilisent les leaders de la droite. Reste que, face à l’irrationalité d’un duel fratricide entre Bardella et Maréchal aux européennes, la sagesse semble gagner les deux jeunes têtes de liste. Répondant le jour même au président du RN qui, mardi sur RTL, avait appelé les dirigeants de « Reconquête ! » à « venir aider les patriotes à gagner les prochaines élections », Marion Maréchal a déclaré sur France 2 : «  Si Jordan Bardella a changé d’avis et évolué, et qu’il est prêt à travailler et à se mettre autour de la table avec les gens de LR (…), avec Reconquête !, moi j’ai envie de dire : Allons-y, parlons-en ». En dépit de sa désignation par Eric Zemmour comme tête de liste, la nièce de Marine Le Pen précise, à propos d’un rassemblement des droites : « Nous, on est prêts à le faire, bien sûr, parce que c’est la clé de la victoire. La porte est ouverte. Maintenant, à lui (Bardella) de nous dire ce qu’il en est clairement ». Le bon sens s’imposera-t-il enfin ?

A lire aussi : Robert Ménard / 2027: « S’il faut mouiller la chemise… »

Il n’est pas sûr que l’ouverture personnelle de Marion Maréchal vers le RN, qu’elle avait quitté naguère, soit du goût de Zemmour, même si lui-même a récemment admis que Bardella était « proche de (ses) idées ». Le patron de « Reconquête ! » ne semble, pour l’instant, concevoir l’union des droites qu’autour de sa personne et de son projet. Son objectif à court terme est de s’imposer face aux Républicains, qui n’ont toujours pas désigné leur tête de liste…

Zemmour en croisade contre le wokisme

« Nous sommes anti-woke, anti-immigration et économiquement de droite », fait-il remarquer en soulignant ses convergences avec les droites souverainistes européennes.

A lire ensuite, Frédéric Magellan: Marion l’Européenne

Reste que le RN de Bardella n’est pas éloigné de ces priorités. A l’évidence, il existe une utile complémentarité entre la défense civilisationnelle qui habite prioritairement Zemmour et la « conscience sociale » (M. Chenu) qui a amené Marine Le Pen à parler aussi, dimanche dernier à Hénin-Beaumont, des « dix millions de pauvres ». Le même constat d’un délabrement du pays est dressé de part et d’autre. Le grand remplacement va de pair avec le grand déclassement.

L’absurde serait à son comble si LR désignait François-Xavier Bellamy comme tête de liste, ajoutant à l’indifférenciation des profils. Un boulevard s’offre à une seule droite conservatrice, libérale et sociale.  Allez bon sang ! Encore un effort !

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Du nouvel antiracisme décolonisateur

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Humaniste par raison et par fonction, notre chroniqueur se remet mal, apparemment, des nouvelles classifications lancées par les « décoloniaux » de toutes farines, qui font de tout Blanc un raciste par définition. Retour sur ce qu’est le racisme, l’antiracisme réel et le délire woke.


Je rendais ce jour-là des dissertations, énonçant seulement le nom de l’élève afin d’aller à lui pour lui donner sa copie. Je n’ai jamais annoncé les notes à voix haute : je laisse à chacun le droit de faire sa publicité, positive ou négative.

L’élève qui venait de recevoir son dû — et ça ne pesait pas lourd — a immédiatement protesté :

– C’est parce que je suis Noir que vous me sacquez, M’sieur ?
– Non, mon cher. C’est parce que c’est nul. Et avec ce que vous venez de dire, vous avez cette fois touché le fond.

Ce qui l’a conforté dans ses certitudes : je notais selon la couleur de peau du client. Que quelques Gaulois, ou prétendus tels, l’accompagnassent dans les tréfonds du classement lui importait peu. Il se sentait discriminé. Et à bien fouiller sa pensée, il croyait sans doute que sa couleur de peau, qu’il venait de me faire remarquer alors que je n’y pensais pas, devait lui valoir mon indulgence, voire quelques points d’avance au nom de la discrimination positive.

Le sergent Brighelli, vache mais réglo

Cela se passait dans une classe de préparation à l’Heptaconcours des Sciences-Po de province, où notre équipe du lycée Thiers parvenait à faire réussir, bon an mal an, 50% d’une classe recrutée dans les trois lycées ZEP de Marseille. Des établissements tous situés dans ces « Quartiers Nord » qui égaient régulièrement l’actualité criminelle. Les autres entraient — sur concours aussi — à Kedge Business School, une école de Commerce et Management régulièrement classée dans les cinq meilleures formations françaises. Un vrai concours, anonyme, sans avantage acquis au nom de la seule mixité sociale : nous réalisions une vraie mixité pédagogique, en montant le niveau de ces jeunes gens au niveau des exigences des concours.

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À cette époque, vu la diversité ethnique de la classe à laquelle j’enseignais les rudiments d’une vraie culture générale, je commençais souvent l’année en balançant pleine face le discours du sergent Hartmann, au début de Full Metal Jacket — avec quelques modifications mineures pour l’adapter à la situation :

« Je suis Jean-Paul Brighelli, votre prof de culture générale. À partir d’aujourd’hui, vous ne parlerez que quand on vous parlera, et les premiers et derniers mots qui sortiront de vos sales gueules, c’est « Oui, M’sieur », tas d’punaises. Est-ce bien clair ? »

Je vous laisse imaginer la qualité du silence. Alors, après l’avoir savouré, je reprenais :

« Si vous ressortez de chez moi, les loulouttes, si vous survivez à mon instruction, vous deviendrez une arme, vous deviendrez un prêtre de la culture implorant le concours. En attendant ce moment-là, vous êtes du vomi, vous êtes le niveau zéro de la vie sur Terre. Vous n’êtes même pas humains, bande d’enfoirés ! Vous n’êtes que du branlomane végétatif, des paquets de merdes d’amphibiens, de la chiasse ! Parce que je suis une peau de vache, vous me haïrez… mais plus vous me haïrez et mieux vous apprendrez. Je suis vache mais je suis réglo ! Aucun sectarisme racial ici. Je n’ai rien contre les négros, ritals, youpins ou métèques. Ici vous n’êtes tous que des vrais connards, et j’ai pour consigne de balancer toutes les couilles de loups qui n’ont pas la pointure pour réussir. Tas de punaises, est-ce que c’est clair ? »

Il y a douze ou quinze ans, il y avait toujours un loustic qui repérait la référence et répondait : « Sir, yes, sir » — ce qui faisait rire tout le monde et détendait l’ambiance toujours un peu compassée du premier cours, ce qui était l’objectif. Plus récemment, j’ai renoncé à cette entrée en matière, plus personne ne comprenant le second degré — un trait caractéristique de la génération Z comme zéro.

« Je n’ai rien contre les négros, ritals, youpins ou métèques … » Je le dis ici hautement : je n’ai jamais vu qu’un élève était homme ou femme, blanc ou noir, marseillais ou martien. Ils n’existent à mes yeux qu’en fonction de leurs aptitudes et de leurs réalisations. Comme dit à peu près Sartre : « On est ce que l’on fait » — et l’on n’existe pas préalablement, en tant qu’élève. Je peux, hors cours, m’intéresser au cursus, à l’histoire familiale, aux traumatismes vécus par les uns et les autres. Mais en règle générale, je n’en ai jamais fait grand cas. Le fait qu’Untel arrive d’une fratrie de douze enfants — la norme parmi mes élèves comoriens — est-il plus ou moins traumatisant que la dérive en mer de Chine, pendant deux semaines, des réfugiés vietnamiens que j’ai eus en cours à la fin des années 1970, et qui un an plus tard étaient parmi les meilleurs élèves ? Nous sommes mauvais juges de ce qui est handicap ou non.

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Mais dans la culture de l’excuse que l’on cherche à nous imposer, tout est handicap, tout est prétexte.

Le Blanc, responsable et coupable

Nous sommes entrés, depuis que décolonialisme et indigénisme sont montés sur le même bateau, dans une ère victimaire insupportable. Le Blanc est mis au banc des accusés par les « racisés » (percevez-vous comme moi ce qu’a de profondément raciste une telle dénomination, utilisée couramment par les organisations d’extrême-gauche ?), il est porteur de tous les crimes de Caïn. Et si par malheur il est juif, il est blanc au carré — voir Les Blancs, les Juifs et nous, le livre pas du tout raciste de Houria Bouteldja, l’égérie du Parti des Indigènes de la République, dont on se demande bien pourquoi il n’est pas interdit pour incitation à la haine raciale. « Sale Juive » est l’injure courante des gentils garçons basanés qui agressent les filles non voilées dans ma ville. Et les violent, parfois.

Et comme l’une d’elles se rebellait, il y a trois ans, elle a été ceinturée par un passant, qui lui a lancé : « Mais enfin, Mademoiselle, il faut les comprendre, c’est leur culture… »

Que les Arabes et les Noirs aient été, bien plus que les Européens, responsables de la traite des Africains est indicible : ainsi le veut la loi Taubira, exemple sidérant de mainmise du pouvoir sur l’Histoire et son enseignement. Que les Arabes aient joint à la traite la délicate attention de châtrer les hommes — ce qui explique le petit nombre de Noirs en Arabie, alors que les planteurs nord-américains ou brésiliens n’avaient pas eu l’idée d’en faire autant, préférant laisser leurs serviteurs proliférer pour leur plus grand profit — n’intéresse visiblement pas les organisations anti-racistes : on passe sur bien des horreurs, au nom de l’intersectionnalité des luttes. Tout comme les néo-féministes et autres chiennes de garde évacuent d’un geste négligeant le fait que des millions de femmes sont obligées de cacher leur corps, leur visage, leurs cheveux, de ne pas conduire ni d’aller à l’école et d’épouser des hommes qu’elles n’ont pas choisis — et éventuellement d’endurer des mutilations génitales rituelles. Le Blanc est le mal — l’exciseur, non, puisqu’il est racisé… Il n’y a pas de raciste noir, ni, par conséquence, de racisme anti-Blanc, puisque seul le Blanc est raciste, par définition. Même Victor Schoelcher, dont les statues ont été brisées en Martinique, et renversées en Guyane.

Square Victor Schœlcher à Fort-de-France Image: Facebook

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Le plus drôle, c’est que nombre de Blancs finissent par intérioriser cette culpabilité, avouent des fautes imaginaires, et plient le genou, style Black Lives Matter, devant les émules d’Assa Traoré, qui a fait de cette incitation à la repentance blanche un lucratif marché. Et de petites blondinettes bouffées de culpabilité s’offrent à des grands Noirs, parce qu’elles ont vu ça sur Xhamster. Et elles se repentent, oh oui ! à deux genoux.

Mais je reviendrai prochainement sur la sexualité des jeunes…

Sartre, dans Réflexions sur la question juive, explique avec pertinence qu’il est inutile de discuter avec un raciste parce que, dit-il, « il a la conviction des pierres » — et on ne convainc pas un menhir. Il faut lui taper dessus, longtemps, jusqu’à ce qu’il s’effrite. On ne convainc pas un croyant — et le wokisme fonctionne comme une religion. On fait comme les Florentins avec Savonarole, dont les « éveillés » sont les émules.

A gauche, la défaite en chantant

Les œillades sirupeuses de l’extrême gauche au rappeur Médine et les âneries proférées par Juliette Armanet contre Michel Sardou nous ont offert les dernières polémiques de l’été. Ces deux épisodes sont une parabole de notre situation. Qu’il s’agisse de l’islamo-gauchisme en guerre contre les républicains laïcards ou des gentils-bobos méprisant le populo, deux France se font bel et bien face.


En France, tout se passe en chansons, y compris la guerre civile culturelle. À ma gauche Médine, à ma droite Sardou : les deux polémiques de la fin de l’été ont pris pour étendards respectifs deux chanteurs. Esprits forts et ricaneurs les ont balayées, décrétant que ces mayonnaises rances avaient été montées par des journalistes en panne d’inspiration estivale et/ou des populistes habiles à exploiter les peurs et rancœurs (ineptes) du populo. Bref qu’elles étaient au mieux insignifiantes, au pire malsaines. Elles sont pourtant fort instructives.

Gauche Médine contre France Sardou

Commençons par Médine, l’invité qu’on s’arrache dans les salons de gauche, malgré ses clins d’œil – antisémites, homophobes, francophobes et j’en passe – à la jeunesse islamisée des quartiers, ou plus probablement grâce à eux. Le nouveau Victor Hugo, à en croire l’amusante Mathilde Panot, très « honorée » de le recevoir. On se demande comment ce merveilleux « jongleur de mots » n’a pas mesuré la connotation antisémite de son calembour sur « ResKHANpée », désormais aussi célèbre que « Durafour crématoire ».

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Tous les Insoumis n’ont pas l’excuse de la niaiserie. Le spectacle d’un Alexis Corbière, que l’on croyait farouchement laïque et républicain, avalant sans broncher le brouet islamo-gauchisto-wokiste concocté par son patron, est désolant. Mélenchon, qui pétainise à loisir tous ceux qui le contestent, a inventé le pétaino-cynisme – soumission à la force doublée d’un opportunisme de fer. Mais tout ça, c’est rien que du buzz inventé par l’extrême droite pour salir la gauche – comme si celle-ci avait besoin d’aide pour cela.

Quant aux insultes proférées sur un obscur site belge par une jeune chanteuse (talentueuse, paraît-il) au sujet des Lacs du Connemara – une chanson qui la « dégoûte profondément » avec sa « musique immonde », son côté « scout », « sectaire », bref « c’est de droite, rien ne va »–, les protestations qui ont suivi ne visent, dixit Libé, qu’à « raviver, une fois encore, l’espèce de guerre culturelle en cours entre la réacosphère et les autres, afin d’opposer la méchante chanteuse “wokiste” et féministe face au monument patrimonial français, et ainsi tenter de rallier avec eux ce qu’ils croient être “le peuple”». Si on comprend bien, la France qui communie en braillant (faux) Connemara, celle dont le passé (en tout cas certaines de ses pages) fait vibrer autant les prolos des périphéries que les bourges des beaux quartiers, est responsable des tombereaux d’injures que Libé et les autres sermonneurs déversent quotidiennement sur elle. Alors que l’ensauvagement, d’une part, et l’islamisation tendance antisémite de certains quartiers, d’autre part, se déploient sans fin sous nos yeux, François Hollande (pour citer un phare du progressisme) explique sans rire que « la démocratie en Europe est menacée de l’intérieur par la montée d’un populisme d’extrême droite », lequel prend sa source dans l’esprit étroit des ploucs. De son côté, Libé, journal anciennement crypto-maoïste, lance courageusement une newsletter appelée « Frontal », dédiée au combat contre l’extrême droite. Un tel talent pour être toujours du bon côté, celui du manche idéologique, force l’admiration. Mais je m’égare.

Deux imaginaires qui s’entrechoquent

Si seul un facétieux hasard de calendrier a acoquiné ces deux épisodes, ils symbolisent à merveille le face-à-face de deux France qui ne parlent plus le même langage. Précisons que la frontière entre les deux n’épouse pas strictement les clivages ethno-religieux et politiques. La France de Médine, plutôt de gauche et en grande partie musulmane, comprend, en plus des militants et chefs à plume écolos-insoumis, une grande partie des élites culturelles – férues de diversité, mais qui n’en sont guère issues. Celle de Sardou a rallié beaucoup d’immigrés, fort aise de ne pas retrouver ici l’étouffoir religieux qu’eux ou leurs parents ont laissé au pays, et pas mal de braves gens qui se disent encore de gauche. Bref, ce qui se joue, ce n’est pas musulmans versus Gaulois ou droite contre gauche, mais le choc de deux imaginaires.

Les âneries d’Armanet (un beau titre de chanson, non ?) semblent avoir vaguement embarrassé d’autres pontifiants, soucieux de ne pas effaroucher le client : même les lecteurs du Monde aiment Sardou, preuve sans doute qu’ils n’ont pas été assez rééduqués. La sympathique Juliette-à-qui-la-droite-donne-la-nausée s’est fendue d’un mail de contrition au glorieux aîné qui, bon prince, a pardonné parce qu’après tout, on a le droit de ne pas aimer ses chansons.

L’exception PCF

Ce ne sont pas Sardou et son Irlande d’opérette qui écœurent Madame Armanet et la gauche Médine, c’est cette France des clochers et des bouffeurs de curés, unie dans son refus de congédier la virilité (toxique uniquement quand elle est blanche) et rituellement dénoncée comme réac. Conservatrice et contestataire, généreuse et ronchonne, elle est coupable d’un seul crime, son refus de disparaître et même de changer pour s’adapter aux derniers arrivés. Au lieu de les remercier de bien vouloir la régénérer, elle s’accroche à ses mœurs (en particulier au doux commerce entre les sexes), voire, horresco referens, à ses traditions.

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Pour l’instant, ce vieux pays a encore pour lui la supériorité du nombre. Même alliés, islamistes et gauchistes ne sont pas aux portes du pouvoir. Pourtant, misant à la fois sur la démographie et sur l’égarement d’une partie de la jeunesse, endoctrinée à la sauce woke, les principales forces de la gauche, PCF excepté, ont choisi leur camp. Préférant l’abaya à la minijupe, vomissant tout ce qui leur paraît trop franchouillard, trop blanc, trop national et trop populaire, elles comptent sur le grand remplacement, démographique et idéologique, pour assurer la victoire politique qui leur revient de droit. En attendant le Grand Soir multiculti, le sparadrap Médine collera durablement aux doigts de cette gauche fourvoyée.

Il serait injuste de passer sous silence les quelques voix qui, de ce côté de l’échiquier politique, flairent le danger. Même Laurent Joffrin, souvent moins bien inspiré, tire à vue : « Les Verts aiment le rappeur Médine, Juliette Armanet déteste Sardou. Dans les deux cas, la gauche se ridiculise », écrit-il sur son nouveau site (LeJournal.info). Sauf que le ridicule ne tue pas. Contrairement au déshonneur, annonciateur, espère-t-on, de défaites méritées.

Où sont les femmes ?

Malgré le peu d’intérêt manifesté par le public pour le foot féminin, la patronne de France télévisions Delphine Ernotte et de nombreux journalistes s’évertuent à lui donner une visibilité imméritée.


Malgré tous les efforts des journalistes pour nous intéresser à cette compétition, seulement 2,7 millions de téléspectateurs étaient présents devant le match opposant l’Angleterre à l’Espagne, dimanche 20 août, à Sydney. Selon Médiamétrie, la part d’audience de la finale de la Coupe du monde de foot féminin sur France 2 s’élève à 24,4 %. Même le jeu débile de Jean-Luc Reichmann, diffusé à la même heure sur TF1, a fait mieux, avec 27,1 % de PDA. Sélectionnée 112 fois en équipe de France, Marinette Pichon avait lancé une pétition, le 25 mai, pour dénoncer la réticence des télévisions à payer la somme astronomique réclamée par la FIFA pour les droits. « À moins de deux mois du coup d’envoi, la Coupe du monde de foot dames n’a toujours pas de diffuseur dans l’Hexagone. Il serait scandaleux que les matches des Bleues ne soient pas retransmis. »

Football obligatoire pour toutes et tous !

Un appel entendu par Delphine Ernotte qui, le 14 juin, révèle que France Télévisions s’engagera pour « une très large exposition du football féminin ». Après avoir trouvé un accord avec la FIFA, elle promet « une grande fête du football féminin pour donner à toutes les petites filles l’envie de pratiquer le plus populaire des sports ». Football obligatoire pour toutes et tous ! Sur France Inter, dans un débat sur « la faible médiatisation du sport féminin » où tous les intervenants se sont entendus pour dire qu’il était scandaleux que nous soyons tous persuadés que Yannick Noah est le dernier Français à avoir gagné Roland-Garros (alors que c’est Mary Pierce), l’ancienne conseillère de François Hollande et nouvelle patronne des sports de Radio France, Nathalie Iannetta, confesse qu’elle ne s’est pas rendue en Australie – alors qu’elle avait fait le déplacement au Qatar. Mais elle travaille évidemment d’arrache-pied pour que le sport féminin soit davantage présent dans les médias. Elle dit avoir bien des difficultés à recruter de jeunes femmes journalistes s’intéressant au sport, ces dernières préférant la politique ou les sujets de société. Et se félicite que France Inter ait accordé la même place au Tour de France féminin qu’au « vrai » Tour de France. À l’heure où les chaînes du groupe de Mme Ernotte n’affichent plus le logo des JO de Paris sans y accoler le logo des JO paralympiques, j’affirme ici que je ne me brancherai sur notre équipe de foot féminin que lorsque ce sera Mimie Mathy qui sera dans les cages !

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Les bouquinistes à la Seine

Pour satisfaire aux exigences des sponsors des J.O., la ville de Paris souhaite démonter les boîtes des bouquinistes le long de la Seine. Pour le comédien Philippe Caubère, c’est une atteinte inadmissible à l’âme de notre capitale.


Lisant – et non « relisant », soyons franc… – la seconde partie du Miroir des limbes, dont la première sont les Antimémoires, je tombe sur ces mots d’André Malraux : « De Chardin jusqu’à Picasso, tous les grands peintres, comme ils allaient jadis à Rome, sont venus à Paris. J’entends mon discours d’inauguration de la première Biennale : “Auprès d’un fleuve que bordent les boîtes des bouquinistes et les marchands d’oiseaux, dans cette ville où la peinture pousse entre les pavés”… » Comment ne pas penser à ce qui se prépare comme nouvelle entreprise de destruction et d’humiliation de la ville de Paris ? La seule qui compte et qui nous intéresse : celle du peuple, des peintres, des poètes et de sa légende.

Au profit de Jeux olympiques dont l’intérêt principal pour les Parisiens sera de pouvoir louer leur appartement à des prix astronomiques, ce qui n’est, d’ailleurs, pas si mal pour eux, mais bien loin de l’évocation de Malraux. Les pavés et les oiseaux, déjà, c’est fini ! Il ne manquait plus que les boîtes des bouquinistes. Ces librairies populaires où tout un chacun, riche ou pauvre, pouvait et peut encore trouver, à des prix défiant toute logique commerciale, toutes les œuvres de l’esprit, de la science et de la poésie. On dira bien sûr que ma réflexion tient du passéisme, de la nostalgie, du « c’était mieux avant ». Et l’on aura raison. En ce temps, peinture et littérature n’étaient pas réservées aux seuls – admirables ! – musées et bibliothèques, et l’art restait encore cette religion sauvage et ingérable, la seule vraiment respectable ; en tout cas : intouchable. En ce temps, la Culture n’était encore qu’un mot d’ordre inventé par le ministre pour y créer des « Maisons » chargées de la protéger et de la conserver, afin de laisser l’art, le vrai, « pousser entre les pavés ». Ouais, c’était mieux alors. Paris voyait visiteurs, étudiants, artistes et révoltés accourir de tout le pays, du monde entier, pour y chercher, fous d’espérance, la clef des songes et le lieu des idées. Il n’en reste aujourd’hui que des images effacées, surannées. Des photos, des films, des récits. Des « séries ». Vestiges et traces d’un continent englouti, d’un temps perdu, presque oublié. Et pourtant…Non. C’est pas vrai. Ce Paris-là existe et respire encore, refuse de crever. Il squatte de toutes ses forces la mémoire collective, surtout celle de ceux qui ne l’ont pas connu, mais l’ont rêvé, imaginé et choisi.

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Il est terrible que nulle autorité municipale ou nationale ne voie ce qu’il y a de force morbide et négative dans ce geste misérable. Dans cet affront commis contre l’âme de cette ville si chantée, si aimée ; à la place de laquelle on va vendre à la planète un « Paris » faux, prétentieux, fabriqué pour satisfaire les goûts de la pire populace : celles des riches. Des nouveaux en particulier. Qui seuls auront accès à ces quais débarrassés de leur histoire pour leur permettre de voir passer sur le fleuve de Guillaume Apollinaire les laideurs et vulgarités propres à ce genre d’« événement ». Je ne parle pas du spectacle sportif, antique, extraordinaire, que nous regarderons tous à la télévision, mais de cette « cérémonie » d’ouverture, prestation fatalement clinquante, vaniteuse, ultra-nationaliste, dont on entend déjà les commentaires : Génial ! Fabuleux ! Exceptionnel ! On est les meilleurs !

Tandis qu’aux poubelles, les vraies, comme celles de l’histoire, on balancera les boîtes en bois des bouquinistes, ce petit grand symbole de ce qui faisait, fait encore et fera toujours la vérité de Paris : sa poésie. Et j’ajouterai : sa modestie.

A Madagascar, le pouvoir perd le sens des réalités

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Une tribune de l’opposition au président Rajoelina.


Il est affligeant pour Madagascar que la réalité soit si douloureuse pour la population et que le pouvoir en place ne trouve d’autres propositions à faire que de nier cette réalité plutôt que de mettre tout en œuvre pour la rendre meilleure. Car, contrairement aux affirmations de Mme Lova Hasinirina Ranomaro, directrice du cabinet du président malgache,

  • Qui peut encore ignorer aujourd’hui que Madagascar est devenu ce pays où la pauvreté accable plus de 85% de sa population, vivant quotidiennement privée d’électricité et d’eau potable, dans des conditions d’hygiène proches du Moyen-âge ?
  • Qui peut encore ignorer que Madagascar est devenu ce pays où la Justice ou ce qu’il en reste, n’est plus qu’un instrument d’oppression aux mains de l’exécutif qui enjoint aux juges de ne sévir que contre les honnêtes gens ?
  • Qui peut encore ignorer que les plus hauts dirigeants de Madagascar sont impliqués dans des scandales de détournement de fond publics, de trafics d’or, de corruption, au point que la directrice de cabinet du président de la République lui-même, soit arrêtée et emprisonnée à Londres pour des faits graves de corruption et de tentative d’extorsion d’argent ? Qui peut croire de surcroît qu’elle n’y soit pas allée en service commandé ?
  • Qui peut ignorer que l’actuel et encore président de la République de Madagascar n’avait pas menti et falsifié les documents produits à la Haute cour constitutionnelle en cachant sa nationalité française obtenue à la suite d’une demande volontaire de naturalisation en 2013, alors qu’à cette époque, il avait déjà le statut de chef de l’Etat ?

A lire aussi : Sommet du G20: vers une victoire totale des BRICS?

Qui peut encore ignorer ?… Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive, mais surtout, tout le monde sait que le seul motif de vouloir s’accrocher au pouvoir du président en place et de son entourage, est l’impérieuse nécessité de préserver une énorme richesse mal acquise sur le dos d’un peuple de plus en plus pauvre et délibérément maintenu dans un état de sous-développement pour mieux abuser de lui.

À Madagascar, les institutions sont instrumentalisées par le pouvoir et sa clique au bénéfice de leurs seuls intérêts et ne préservent plus que l’apparence d’une démocratie, tandis que la liberté de la presse est bafouée tous les jours. Dans leur situation d’opprimés, les Malgaches s’impatientent malgré tout de voir que, si la candidature d’Andry Rajoelina venait cependant à être validée, la réaction des chancelleries étrangères présentes à Madagascar, des bailleurs de fonds et de la Communauté internationale en général ne se borneront pas une fois de plus à avaliser un processus électoral dévoyé, afin de maintenir une apparente stabilité quel que soit le désordre insupportable qu’elle entretient.

A Madagascar, le prochain vote peut changer les choses et remettre le pays sur la voie du développement. A condition que la vérité de sa situation réelle soit accessible à tous !

Gérard Miller, les Juifs et ma boussole morale

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Gérard Miller et Elisabeth Lévy © IBO / BUFKENS CEDRIC /SIPA

Aussi triste que cela puisse sembler au psychanalyste de LFI, non, il n’y a pas de Parti des juifs.


Cher Gérard Miller,

J’apprends, grâce à votre tribune publiée dans Le Monde[1], que j’ai perdu ma boussole morale. Je compte sur vous pour me la rapporter.

Je fais partie de ces Français juifs qui, non seulement ont cessé depuis des lustres de voter à gauche, ce qui est déjà criminel, mais ne se signent pas quand ils entendent les noms Le Pen et Zemmour, tout en ayant avec eux de nombreux désaccords, parfois frontaux. Voyez-vous, c’est seulement dans votre camp que le sectarisme est une vertu, et le refus du désaccord, un acte de courage. C’est aussi dans votre camp qu’on ose diviser le monde entre racisés et racistes sur la seule base de la couleur de peau tout en prodiguant des leçons d’antiracisme. Vous êtes des petits marrants.

Les infréquentables : ¼ de l’électorat français

Il y a vingt ans, Daniel Lindenberg s’affolait dans Le Rappel à l’ordre – et, déjà, dans Le Monde Jews turn right ! Vous accommodez cette vieille lune à la mode du jour. Jews turn extrême-droite ! En 2002, ils étaient réacs, aujourd’hui, ils sont fachos et flirtent avec le pire. De LR à Zemmour en passant par Le Pen, de nombreux juifs votent en effet pour l’une des nuances de la droite. Vous êtes tellement obsédé par les origines (car vous n’ignorez pas qu’avant d’être une foi, la judéité est une origine) que vous ne voyez pas que les juifs ont suivi peu ou prou le même mouvement que tous leurs compatriotes. Vos prêches ont si bien porté que les partis que vous avez décrétés infréquentables représentent aujourd’hui un quart des Français.

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J’apprends donc sous votre plume que ce que je dois penser et voter est codifié par une loi morale dont vous êtes l’interprète autorisé. Vous dressez même la liste des saints que je suis priée d’honorer. « J’appartiens à une génération où être juif et Français, c’était tout naturellement aimer Maximilien Robespierre et la Révolution de 1789, Louise Michel et la Commune de Paris, Emile Zola, Léon Blum, Missak Manouchian ou Jean-Paul Sartre. » La voie est libre mais elle est tracée, Camarades ! Il est significatif que personne, à la rédaction du Monde, ne vous ait conseillé d’oublier Robespierre, qui vous fait perdre en route quelques-uns de vos amis. Permettez-moi cependant de noter quelques oublis dans votre panthéon. Dans votre génération, être juif et français, c’était hésiter entre Staline, Trotsky et Mao. Vous, c’était Mao. On a le droit de se tromper, même à ce point. Cela ne vous qualifie pas particulièrement pour prodiguer des conseils en pureté morale ou en vérité historique.

Procès en sorcellerie

Il parait qu’en fréquentant des personnes que vous avez estampillées d’extrême droite, et parfois en votant pour elles, ces mauvais juifs « mettent en danger l’ensemble de la nation comme leur propre communauté ». Pour ce qui est de leur communauté, comme vous dites, demandez donc à ceux qui ont quitté la France si c’était par peur des « néo-nazis qui grenouillent autour de Reconquête » ou des « fascistes du GUD » qui, selon vous, sont « au cœur de l’organisation des campagnes du Rassemblement national ». Il reste certainement en France des antisémites à l’ancienne, et dans quelques salons bourgeois, des zozos qui pensent encore que les juifs ne sont pas tout à fait Français (comme l’obscur conférencier de Civitas) mais convenez qu’ils n’ont pas vraiment pignon sur rue et qu’en plus, ils ne cassent pas la figure aux gamins qui portent une kippa. Il est vrai que vous admettez l’existence d’un antisémitisme « islamiste » qui « a contraint des familles juives à déménager de certaines banlieues », ce qui laisse penser qu’il n’est pas si minoritaire que ça. Je ne vous ai pas entendu admonester vos amis quand ils lui font des risettes – pensons aux blagues du Lider maximo insoumis sur les petits fours du CRIF ou de la nouvelle idole de vos camarades de lutte, Médine. Soucieux de montrer qu’il y a des négationnistes juifs, vous évoquez des juifs orthodoxes israéliens qui s’en sont pris à d’autres juifs, en leur criant : « Retournez en Allemagne ou en Pologne, et reprenez le train ! » Chez nous, ce ne sont pas des néo-nazis qui font ce genre de blagues, mais un respectable militant de la CGT qui s’est demandé, sans même chercher à se cacher, si son train, où se trouvait Zemmour, se retrouverait à Auschwitz. Sans doute avez-vous fait part de votre tristesse et de votre colère à Sophie Binet.

Puisque vous avez la bonté de vous soucier de ma boussole morale, je me désole que la vôtre fasse si peu de cas de la vérité. Vous me direz que, quand on incarne le Bien, le Vrai, ce n’est pas si grave. N’empêche, traficoter les propos de ses adversaires, c’est se battre en dessous de la ceinture. Moi j’aime le combat à la loyale.

Deux exemples, sans doute imputables à l’étourderie. Vous parlez de Renaud Camus, « cet antisémite qui dressait, en son temps, la liste des juifs travaillant dans les médias ». Sauf que Renaud Camus n’a jamais commis une telle liste, il s’est étonné du judéo-centrisme de l’émission « Panorama » et l’a attribué au fait que la plupart des chroniqueurs étaient juifs. La blague qui y circulait alors était qu’Alain de Benoist était le seul à ne pas parler yiddish (eh oui, en ces temps bénis, on aimait la contradiction, même à France Culture). On peut trouver l’observation de Camus détestable, elle n’a rien à voir avec une liste de juifs dans les médias. Quant à Éric Zemmour, dont je trouve, comme vous, les propos sur Dreyfus délirants (et sans doute inspirés par un fanatisme de la raison d’État), vous le traitez sans ambages de « négationniste ». Bah voyons, si j’ose cette blague. Et pourquoi pas nazi, d’ailleurs vous n’êtes pas loin. Il pense que, si les juifs français ont été en grande partie sauvés, c’est parce que Pétain a choisi de sacrifier les juifs étrangers – comme réhabilitation morale on fait mieux. Cette thèse, parfaitement contestable, mais qui avait largement cours dans les années 1960, relève du débat historique, pas d’un procès en sorcellerie mené par des inquisiteurs qui se font une gloire de ne pas avoir lu le dossier.

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Le crime de Zemmour, à vous lire, est d’avoir pulvérisé définitivement « tout ce qui avait permis jusque-là de maintenir un peu de cohérence et de cohésion dans la communauté juive française ». Nous y voilà : ce social-traitre affaiblit le Parti (on ne se refait pas). À cause de lui, il y a désormais en France « deux judéités irréconciliables ». Deux ? Non, il y a autant de façons d’être juif que de juifs. Et c’est très bien comme ça. Aussi triste que cela vous semble, il n’y a pas de Parti des juifs. Certes, l’appartenance, l’origine, la religion, la tradition familiale pèsent dans ce que nous sommes, donc dans nos choix politiques. Mais libre à chacun de définir son dosage. Autrement dit, les juifs votent comme bon leur semble et ça ne vous regarde en rien. Seulement, vous êtes entantquiste : pour vous, chacun doit se comporter en tant que ­– heureusement que je ne viens pas d’une lignée de Uhlans. Je suis pour ma part attachée à la cacophonie juive, autant qu’à la liberté de penser seul.

Le plus sidérant, c’est qu’à aucun moment vous ne vous demandez pourquoi tant de juifs votent mal. Vous pensez qu’ils « veulent détourner la mitraille sur les musulmans ». Il ne vous est jamais passé par la tête que, peut-être, ils avaient de vraies raisons d’avoir peur ?  Ne voyez-vous pas les progrès, en particulier dans la jeunesse, d’un islam identitaire qui s’oppose aux mœurs traditionnelles de la France ? Le changement démographique et culturel en cours ne vous inquiète pas, tant mieux pour vous. Pour beaucoup de Français, juifs ou pas, c’est un crève-cœur. Dans le fond, ce qui vous indispose le plus, c’est que les juifs soient des Français comme les autres.


[1] Gérard Miller : « Jamais un aussi grand nombre de juifs français n’ont perdu à ce point leur boussole morale », Le Monde, 11 septembre 2023

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Accusé Trump, présentez-vous!

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Donald Trump à l’aéroport d’Atlanta, 24 août 2023. © Alex Brandon/SIPA

Aux États-Unis, la campagne présidentielle compte un invité encombrant : la justice. Et c’est en fonction de ses convocations devant les juges que Donald Trump tiendra ses meetings. Pourtant, l’ancien président, qui a su faire de ses casseroles un argument électoral, est donné favori pour représenter les républicains.


Ce sera un match retour. En 2024, l’élection présidentielle américaine pourrait proposer la même affiche qu’en 2020 : Donald Trump vs Joe Biden. Alors qu’il existait des incertitudes pour le premier, en raison de son échec à l’élection précédente, et pour le second, à cause de son âge, les deux hommes sont actuellement donnés favoris pour représenter leur camp. Cependant, l’intervention de la justice pourrait mettre à mal ce scénario. La judiciarisation du débat public est, sans surprise, encouragée par nombre de médias qui préfèrent se focaliser sur la multiplication des inculpations de l’ancien président au détriment des enjeux politiques, économiques et culturels auxquels sont confrontés les États-Unis.

De la politique à la justice 

Les démocrates sont largement responsables de la judiciarisation de la vie politique américaine sous la présidence de Donald Trump. En effet, ils ont mené deux procédures d’impeachment contre lui en moins de deux ans, un record absolu dans l’histoire du pays. D’une part, ils ont cherché à le destituer le 18 décembre 2019 en l’accusant d’abus de pouvoir et d’entrave au travail du Congrès, avec des pressions exercées sur l’Ukraine pour enquêter sur Joe Biden. D’autre part, il lui a été reproché l’insurrection de ses partisans contre le Capitole après sa défaite de novembre 2020. Ces procédures politiques se sont soldées par des échecs grâce aux acquittements du Sénat.

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Mais au-delà de ces tentatives démocrates, Donald Trump fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires qui pourraient l’empêcher de revenir à la Maison-Blanche. Tout d’abord, son entreprise Trump Organization a été condamnée pour fraudes financière et fiscale à une amende de 1,6 milliard de dollars. Ensuite, l’ancien président est accusé d’avoir monnayé le silence d’une actrice de film X pour cacher leur relation. Donald Trump est aussi poursuivi pour l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, dans le cadre de la procédure sur la manipulation des résultats de l’élection présidentielle. À ce tableau déjà chargé, il faut ajouter que le milliardaire a conservé des archives de sa présidence alors que ces documents sont classés « secret défense ». Enfin, la justice de Géorgie reproche à Donald Trump sa tentative de renverser l’élection dans cet État. Si toutes les affaires n’ont pas la même portée, ces trois dernières ont de quoi inquiéter l’intéressé.

Ce ne sont pas des détails…

À elle seule, l’affaire des documents classifiés peut faire chuter Donald Trump. Depuis leur découverte par le FBI à son domicile en août 2022, il est accusé de compromettre la sécurité nationale – sujet sensible dans un pays attaché à la protection des documents stratégiques de l’État. Hillary Clinton avait en partie perdu l’élection présidentielle de 2016 après l’affaire de ses courriels – elle n’avait pas respecté la stricte séparation entre ses adresses électroniques personnelle et professionnelle, violant ainsi le Federal Records Act. 

Les accusations de pressions exercées sur plusieurs secrétaires d’État pour tenter d’inverser la victoire de Joe Biden en Géorgie en 2020 demeurent floues mais, s’il est établi que Donald Trump a bien téléphoné à plusieurs d’entre eux au sujet des résultats électoraux, il encourt une peine maximale de vingt ans d’emprisonnement.

Enfin, l’affaire de l’assaut du Capitole et de la manipulation des résultats de la dernière élection présidentielle est plus compliquée. En théorie, en cas de condamnation, cette affaire pourrait lui interdire un retour à la Maison-Blanche : le 14e amendement le priverait de l’exercice de toute fonction civile ou militaire. Cependant, le risque d’une condamnation est limité, car une vidéo montre Donald Trump appelant ses supporters, en pleine manifestation, à rentrer chez eux.

Quelles conséquences politiques ?

À court terme, Donald Trump bénéficie d’un regain de popularité lié à l’effet « victime de l’acharnement des juges ». Selon un récent sondage de RealClearPolitics, 70 % des électeurs républicains ont une opinion favorable de l’ancien président contre 54 % en mars dernier. De plus, en vue de la primaire des républicains qui désignera leur prochain candidat, Donald Trump possède plus de 40 points d’avance face à Ron DeSantis, le gouverneur de Floride. Cet écart était de moins de cinq points entre les deux concurrents au début de l’année. À cela, il faut ajouter que près de deux républicains sur trois considèrent que Joe Biden a été élu grâce à des fraudes et à des irrégularités. Donald Trump ne perd pas le soutien de son propre camp.

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Il devra en revanche surmonter les conséquences politiques de ses inculpations. Les élections de 2016 et de 2020 se sont jouées à 50 000 voix dans quelques États spécifiques. Dans la Rust Belt (Pennsylvanie, Ohio, Wisconsin et Michigan), en 2016, le projet « America First »a séduit les classes moyennes blanches paupérisées. Mais en 2020, Trump a été devancé dans cet électorat par Joe Biden, dont le positionnement lui est moins hostile que celui d’Hillary Clinton. Aussi, si les accusations contre Trump n’ont pas d’effets sur les électeurs républicains, elles peuvent provoquer un doute chez les électeurs modérés et indépendants qui pourraient faire basculer l’élection en novembre prochain. Quant aux États du Sud (Géorgie et Arizona), acquis traditionnellement à la droite, Donald Trump y a perdu une partie de l’électorat légaliste qui ne lui pardonne pas ses provocations et ses déboires judiciaires.

Pour gagner, Donald Trump va devoir se battre sur deux fronts, judiciaire et politique, alors que la campagne promet d’être aussi dure qu’en 2016 et 2020. Et tout en conservant les recettes de sa révolution victorieuse, il devra s’adapter aux nouvelles mutations de la société. Plus que jamais, les États-Unis sont coupés en deux : d’un côté les progressistes, qui vont des défenseurs du droit à l’avortement aux chantres de la cancel culture ; de l’autre les conservateurs, héritiers du mouvement Tea Party, bien décidés à tout faire pour que leur pays ne sombre pas dans les dérives du wokisme.

Quand c’est Booba, c’est de la balle! Quand c’est Zineb, c’est le scandale!

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Élie Yaffa dit "Booba", sur le plateau de Canal +, Cannes, 2014 © SYSPEO/SIPA

Dans une interview accordée, le 5 août, aux journaux régionaux du groupe EBRA, Booba a surpris tout le monde, affirmant que « la police, le système judiciaro-carcéral, et plus globalement l’État, ne se font pas respecter […] les jeunes n’ont pas peur de la police, l’État est beaucoup trop mou et faible […] les peines de prison sont trop légères et surtout rarement appliquées », et qu’à cause de cela « les policiers s’en trouvaient discrédités ». Le rappeur a conclu qu’aux États-Unis, « c’est loin d’être parfait mais tu ne défies pas la police à la bagarre ».

Dans les médias et sur les réseaux sociaux, de nombreux commentateurs ont loué cette prise de position du rappeur. C’est le cas d’Olivier Dartigolles, chroniqueur politique, ou de Lucas Jakubowicz, rédacteur en chef de Décideurs Magazine. Invités sur le plateau de CNews dans l’émission « L’Heure Des Pros 2 été » du 6 août, Lucas Jakubowicz avait même soutenu l’idée que, s’il n’y vivait plus, « Booba était le porte-parole d’une grande majorité des résidents de ces quartiers dits sensibles », premières victimes des voitures brûlées, des violences – bref de l’insécurité. Le journaliste de Décideurs magazine avait conclu : « sa parole pèse, elle mérite d’être entendue et non pas moquée ». Ces commentaires, intéressants, amènent trois questions. La première consiste à se demander si, comme l’a prétendu Booba, le système judiciaro-carcéral inflige vraiment des peines trop légères et rarement appliquées. L’actualité semble donner raison à Booba. Ne nous a-t-elle pas appris récemment qu’on pouvait avoir 15 rappels à la loi, pour trafics de stupéfiants, excès de vitesse, conduite sans permis, vols avec violence, sans avoir jamais une seule condamnation, et tout en ayant un casier judiciaire vierge [1] ? Ou qu’on pouvait avoir commis depuis des années des agressions sexuelles et voies de fait dans son quartier, ainsi que viol et violences répétées sur personnes de sa famille, avoir été appréhendé mais être resté en liberté [2] ?

Quand la prison assure une bonne promo

En outre, lorsqu’on est condamné, la loi prévoit que pour toute condamnation inférieure à un an, on peut se voir accorder par le Juge d’Application des Peines (JAP) une réduction de 14 jours par mois d’incarcération, si l’on a un bon comportement en prison. Pour toute peine supérieure à un an, le JAP peut, pour les mêmes motifs, accorder à la personne condamnée une réduction de peine de six mois par année d’incarcération. Sans compter qu’il y a encore des dispositifs de liberté conditionnelle, une fois que le condamné a accompli la moitié de la durée initiale de sa peine. Autrement dit, une condamnation à 15 ans, pour agressions, crimes, ou trafics de drogue, peut tout à fait normalement aboutir, en réalité, à une peine inférieure à sept ans et demi, si l’on se comporte correctement en prison et qu’on s’engage dans une démarche de réinsertion [3].

Booba sait de quoi il parle. Après la bagarre entre sa bande et celle de Kaaris, à Orly, occasionnant de couteux dégâts, le « Duc de Boulogne », expliquait, lors d’une interview accordée au média Brut, en septembre 2019, « je savais que j’y resterais pour un mois maximum, ça m’a même permis de me reposer. Dans mon cas, c’était presque de la promo, […] j’étais assez détendu ». Que la prison ne fasse plus peur, Booba peut donc en parler savamment.

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La deuxième question consiste à se demander si l’on peut entendre les propos d’un rappeur qui, aujourd’hui, appelle à la fermeté de la justice et de la police vis à vis de la délinquance, alors qu’hier il chantait tout le contraire. Dans le morceau « N° 10 », le mélomane peut entendre « Fuck la loi, son arbitrage, ses cartons, Dis-leur ici c’est nous les patrons. Sucez-nous pendant qu’on bicrave, […] Nombreuses seront les victimes […] Toujours anti-dèps, insolent contre les agents. » Dans « La Faucheuse », Booba n’incite guère la jeunesse à la sagesse : « Vis dans l’inégalité […] Agis, ça sert à rien d’lé-par, Moi, j’suis toujours en train d’bé-bar c’pays d’klébars »… Booba a donc beau jeu de trouver, à présent, l’État, la justice et la police trop mous et trop faibles ; il y a encore peu de temps, il encourageait à les défier et exprimait, sans complexe, son mépris pour la France. Notamment dans « Le Bitume et La Plume », où il clamait : « Quand j’vois la France les jambes écartées j’l’encule sans huile ». Si l’on peut se féliciter que le rappeur ait changé son fusil d’épaule, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. Et surtout, on peut regretter qu’il ne l’ait pas fait en chansons, tout compte fait… Car, compte tenu de la prédominance du rap dans la musique qu’écoutent les jeunes, on ne peut que rêver des répercussions qu’un rappeur du renom de Booba auraient sur les jeunes des quartiers s’il les exhortait, dans ses punchlines, à respecter leurs profs qui s’investissent sans compter, à ne pas systématiquement s’armer jusqu’aux dents ou à chercher la bagarre entre bandes pour les plus futiles motifs, et enfin, à cesser de refuser d’obtempérer lorsqu’on est contrôlé, pour éviter les accidents tragiques, pour soi-même, ou pour les autres. Si Booba ne l’a pas fait avant, c’est parce qu’il évolue dans un milieu musical labellisé « rebelle », qui, en réalité, est extrêmement conformiste.


La haine anti-France et anti-police est le fonds de commerce de la majorité des rappeurs depuis des décennies. D’ailleurs, en cela, Booba est un petit joueur ! Les groupes « Ministère Amer », « Sniper », par exemple, et tant d’autres, sont experts en la matière. Dans « Face À La Police », le groupe 113 prônait une haine pour son pays décomplexée, qui va de pair avec l’incivilité routière « J’baise votre nation […] En voiture à fond, un bon son, association, Les keufs sont au feu rouge, attention, disparition. Face à la police, me rendre, hors de question. L’uniforme bleu, depuis tout p’tit, nous haïssons. Produits stupéfiants et pe-pom comme protection. »

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Depuis que le rap français est tout p’tit, de tels exemples sont comme les feuilles mortes, on les ramasse à la pelle ! Ce fonds de commerce est aussi celui de l’extrême gauche, dont certains membres ne cachent pas sa relation symbiotique avec les rappeurs anti-France et anti-police. En 2021, c’est le rappeur Soso Maness que le Parti communiste a invité à sa fête de l’Huma. Celui-ci y scandait avec le public en liesse « tout le monde déteste la police ». Pour l’Université d’été d’EELV, cette année, l’invité d’honneur était Médine, poète qui cumule punchlines anti-police et antisémites (voir le numéro de Causeur en vente actuellement NDLR). Quant à LFI, leur leader et nombre de ses membres reprennent inlassablement la rhétorique rappeuse selon laquelle, c’est la police qui tue. Et qu’en plus, ce sont toujours les jeunes arabes et noirs, qui seraient visés. D’après tout ce petit monde musical et politique, la rage de cette jeunesse des quartiers ne serait qu’une riposte au « racisme systémique » dont elle serait victime.

Les jeunes endoctrinés par la musique violente n’agressent pas que les policiers

Mais, dans ce cas, quelques interrogations naïves: le nombre grandissant de professeurs victimes d’agressions, dans ces fameux quartiers, l’est-il parce qu’ils sont racistes, eux également? Racistes aussi, les pompiers, régulièrement caillassés ? Racistes encore, les médecins, de plus en plus souvent agressés ? Racistes toujours, les pharmaciens et commerçants qui, lassés par l’insécurité, désertent ces quartiers?

Capture LCI

La réception positive et générale des propos de l’été de Booba dans les médias pose une troisième et dernière question. Pourquoi les avoir accueillis avec autant de bienveillance, quand hier, on rejetait avec véhémence ceux de Zineb El Rhazoui, appelant pourtant à la même fermeté ? On se souvient que l’ancienne journaliste de Charlie Hebdo avait déclaré, lors d’un débat sur des violences urbaines sur un plateau de CNews, le mardi 5 novembre 2019, que puisque les forces de l’ordre avaient été attirées dans un guet-apens visant à les faire brûler vives, elles auraient dû tirer à balles réelles, comme le ferait la police américaine. Le même Olivier Dartigolles, qui dernièrement sur le plateau de CNews, s’est réjoui des propos de Booba, avait alors crié au scandale, soutenu par Sophie Obadia, avocate pénaliste ! Le lendemain, sur le plateau de LCI, Zineb El Rhazoui, imperturbable, avait enfoncé le clou. Faisant d’abord référence à l’article L 435-1 du code de sécurité intérieure, autorisant la police à la légitime violence, avec comme cadre l’immédiateté, et la proportionnalité, elle avait posé la question : « Pourquoi la police n’a-t-elle pas recours à son droit de la légitime défense quand on a des guet-apens […] à Viry-Châtillon, où les » racailles » ont immobilisé le véhicule de police, et y ont mis le feu ? » Au moment où l’ex-journaliste de Charlie Hebdo rappelait qu’un policier s’est retrouvé avec les poumons brûlés et d’autres blessures graves, un intervenant sur le plateau de LCI lui avait fait remarquer qu’il ne pouvait y avoir de proportionnalité entre les armes à feu des policiers, et les pavés et fumigènes des jeunes assaillants… Zineb avait rétorqué qu’il y aurait selon elle bel et bien eu proportionnalité si les policiers avaient sorti leurs armes et fait feu, car ils étaient trois lorsque les « racailles » étaient 100… Dans le cas de ces guet-apens perpétrés contre la police, « les racailles se constituent en milice concertée, et à des dates précises, se donnent rendez-vous pour casser du flic ». Raquel Garrido, de la France Insoumise, présente également sur le plateau n’avait pas manqué d’attaquer Zineb El Rhazoui sur le fameux terrain du racisme. « Vous montrez du doigt une certaine jeunesse des quartiers noire et arabe, principalement », avait lancé la députée de Seine Saint-Denis. Ce à quoi Zineb el Rhazoui avait répliqué: « Moi, je dis « racailles », et vous vous entendez « noirs et arabes », c’est votre problème, demandez-vous pourquoi ! »

Deux poids deux mesures

Il est en outre surprenant que les propos de Zineb el Rhazoui aient suscité un tel scandale, puisqu’à la même période, plusieurs articles de la presse et des reportages nous expliquaient bien que tendre des guet-apens à la police par le truchement des pompiers était devenu une « tradition », et que cette dernière allait croissant. Le Parisien citait alors l’expression de Loïc Travers, officier de police et secrétaire national adjoint de Alliance, évoquant des vidéos postées sur les réseaux sociaux, où l’on entend distinctement certains assaillants crier, plusieurs fois, au sujet de policiers attaqués: « Tuez-les ! » 

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N’ayant jamais commenté ou condamné de tels actes, Booba avait, en revanche, publiquement injurié la journaliste. « Pourrissons la vie à cette grosse merde puante » […] écrivait-il sur Instagram « cette suceuse d’empereur romain ». Zineb avait porté plainte, et le rappeur avait été condamné par le tribunal correctionnel de Nanterre à lui verser une amende de 5000€ en dommages et intérêts. Alors que Booba n’avait pas besoin d’appeler à pourrir la vie de la journaliste, les activistes islamistes et tous leurs réseaux de collaborateurs s’en chargeant déjà. Depuis huit ans, la jeune femme, menacée de mort au quotidien, est forcée de vivre, jour et nuit, sous protection policière. La seule célébrité à avoir eu le courage de la soutenir publiquement dans cet épisode avait été Patrice Quarteron, champion de Taï et Kick-boxing. Au micro de SudRadio, le 12 novembre 2019, il avait menacé publiquement Booba de balancer l’adresse de toute sa famille s’il arrivait le moindre ennui à Zineb… La polémique s’était arrêtée là. Booba n’avait sans doute pas voulu prendre le risque de contrarier le champion de boxe, encore moins celui de troubler la douce vie qu’il coulait dans son quartier huppé et protégé de Miami.

Outre le côté misogyne de l’attaque, qu’aucun(e) féministe n’avait dénoncé, cette fatwa sur Zineb était avant toute chose lâche. Le rappeur confessait même, dans l’interview accordée à Brut précitée, qu’il avait choisi de vivre à Miami dans un quartier ultra-protégé où sa tranquillité était totale, lui permettant même de mettre en scène ses enfants sur les réseaux sociaux, chose qu’il ne pourrait jamais faire s’il vivait en France… Ainsi, protégé et dans l’anonymat, sans risque de représailles, il avait lancé sa fatwa numérique aux conséquences potentiellement tragiques.

Quarteron avait également dénoncé l’hypocrisie collective des gens, qui, en public, pouvaient qualifier Zineb de « ouf », tel Cyril Hanouna, mais qui en « off » convenaient que si une masse de gens vous attaquait pour vous tuer, le bon sens était évidemment de défendre votre vie ! Le boxeur, qui ne fait pas mystère de ses origines très modestes, à Grigny, et de ses galères de boulot avant de commencer la boxe, a aussi raconté comment la haine dans les quartiers avait été initiée et entretenue par des militants et certaines associations soi-disant anti-racistes, dont l’analyse folle repose sur le passé esclavagiste et ségrégationniste américain, sans rapport avec le passé et le présent de la France métropolitaine. Pour de telles prises de positions, Quarteron est, depuis, boycotté par les médias publics, relais des bien-pensants qui n’adoubent les « racisé(e)s » que lorsque ceux (ou celles)-ci déversent leur haine contre la France et la police comme il convient de le faire. Ces médias et leurs relais risquent d’être de nouveau pris de cours. Les récents propos de Booba ont révélé qu’il est un artiste intelligent, opportuniste, et sensible au vent qui tourne. Or le vent qui souffle est celui des masses, excédées par la violence gratuite, la sauvagerie croissante, l’impunité et les discours victimaires. Un vent qui risque de souffler aussi l’avènement d’un nouveau rap.

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[1] https://www.europe1.fr/faits-divers/info-europe-1-mort-de-nahel-ladolescent-connu-pour-15-mentions-au-fichier-des-antecedents-judiciaires-4191433

[2] https://www.lalsace.fr/faits-divers-justice/2023/08/15/viol-barbare-a-cherbourg-l-auteur-18-ans-deja-vise-par-plusieurs-enquetes

[3] Droit de l’exécution des peines 2023-2024, de Martine Herzog-Evans, éditions Dalloz

Noire comme neige

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D.R

Au lieu de déconstruire un classique de notre enfance, il aurait mieux fallu pour Disney ne rien faire.


Après les tumultes provoqués par le choix d’une actrice afro-américaine pour jouer le rôle-titre de La Petite Sirène, Disney persiste à « déconstruire » les contes traditionnels. Témoin, le remake en prises de vues réelles du dessin animé de 1937, Blanche-Neige et les sept nains, qui sortira en mars 2024. La princesse déchue à « la peau plus blanche que la neige » sera jouée par l’actrice américaine « latina », Rachel Zegler, qui met en avant ses racines colombiennes, bien que son père soit d’ascendance polonaise. Interviewée au mois d’août, elle accable la version consacrée de l’histoire signée par les frères Grimm, assimilant le prince à un harceleur –« un mec qui traque littéralement » la princesse. Elle escamote l’idée que le conte puisse parler de l’éveil à la sexualité d’une jeune fille, Blanche-Neige devenant dans la nouvelle version « une femme moderne » dont le destin n’est pas d’« attendre un homme », mais de devenir « un leader ».

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Autrement dit, il s’agit d’une énième et très prévisible apologie de la « girlboss », la figure de la femme transformée en manager à l’égal d’un homme. Mais en plus d’être amputée de son identité par ce scénario désenchanté́ co-écrit par Greta Gerwin, la réalisatrice du film Barbie, Blanche-Neige perd ses petits camarades. En effet, les sept nains disparaissent (même du titre du film) au profit d’étranges « créatures magiques ». Parmi les sept, un seul est incarné par un comédien de petite taille. Cinq ont la peau blanche et deux ont la peau noire, et l’une est une femme. Une précaution « pour ne pas renforcer les stéréotypes du film d’animation orignal », selon un porte-parole de Disney. La firme prétend avoir consulté des membres de la « communauté des nains », mais sa décision a été critiquée dans la mesure où elle prive des acteurs nains de rôles qu’ils sont seuls capables de jouer. Disney devrait méditer l’échec de La Petite Sirène cette année : à force de vouloir plaire à toutes les minorités, on finit par ne plaire à personne.

Union des droites: un dégel est possible!

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Le député européen François-Xavier Bellamy, en 2023 au Cirque d'Hiver © Jacques Witt/SIPA

Le billet politique d’Ivan Rioufol. Le bon sens finira-t-il par s’imposer un jour à droite? se lamente notre chroniqueur.


La droite aurait-elle cessé d’être bête? Entendre Jordan Bardella (RN) et Marion Maréchal (« Reconquête ! ») évoquer en duo un possible rapprochement, à l’occasion des élections européennes de juin 2024, laisse entrevoir l’esquisse d’une indispensable union. « Notre vocation c’est de rassembler », a précisé ce mercredi sur Europe 1 Sébastien Chenu, porte-parole du RN, en appelant les patriotes, également de gauche, à « venir se ranger » derrière son propre camp « qui fait la course en tête ».

Le RN rappelle son hégémonie sur la droite nationale

Il n’est pas sûr que cette précipitation du RN à rappeler sa position hégémonique soit le meilleur moyen psychologique de calmer les querelles d’égo qui infantilisent les leaders de la droite. Reste que, face à l’irrationalité d’un duel fratricide entre Bardella et Maréchal aux européennes, la sagesse semble gagner les deux jeunes têtes de liste. Répondant le jour même au président du RN qui, mardi sur RTL, avait appelé les dirigeants de « Reconquête ! » à « venir aider les patriotes à gagner les prochaines élections », Marion Maréchal a déclaré sur France 2 : «  Si Jordan Bardella a changé d’avis et évolué, et qu’il est prêt à travailler et à se mettre autour de la table avec les gens de LR (…), avec Reconquête !, moi j’ai envie de dire : Allons-y, parlons-en ». En dépit de sa désignation par Eric Zemmour comme tête de liste, la nièce de Marine Le Pen précise, à propos d’un rassemblement des droites : « Nous, on est prêts à le faire, bien sûr, parce que c’est la clé de la victoire. La porte est ouverte. Maintenant, à lui (Bardella) de nous dire ce qu’il en est clairement ». Le bon sens s’imposera-t-il enfin ?

A lire aussi : Robert Ménard / 2027: « S’il faut mouiller la chemise… »

Il n’est pas sûr que l’ouverture personnelle de Marion Maréchal vers le RN, qu’elle avait quitté naguère, soit du goût de Zemmour, même si lui-même a récemment admis que Bardella était « proche de (ses) idées ». Le patron de « Reconquête ! » ne semble, pour l’instant, concevoir l’union des droites qu’autour de sa personne et de son projet. Son objectif à court terme est de s’imposer face aux Républicains, qui n’ont toujours pas désigné leur tête de liste…

Zemmour en croisade contre le wokisme

« Nous sommes anti-woke, anti-immigration et économiquement de droite », fait-il remarquer en soulignant ses convergences avec les droites souverainistes européennes.

A lire ensuite, Frédéric Magellan: Marion l’Européenne

Reste que le RN de Bardella n’est pas éloigné de ces priorités. A l’évidence, il existe une utile complémentarité entre la défense civilisationnelle qui habite prioritairement Zemmour et la « conscience sociale » (M. Chenu) qui a amené Marine Le Pen à parler aussi, dimanche dernier à Hénin-Beaumont, des « dix millions de pauvres ». Le même constat d’un délabrement du pays est dressé de part et d’autre. Le grand remplacement va de pair avec le grand déclassement.

L’absurde serait à son comble si LR désignait François-Xavier Bellamy comme tête de liste, ajoutant à l’indifférenciation des profils. Un boulevard s’offre à une seule droite conservatrice, libérale et sociale.  Allez bon sang ! Encore un effort !

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Du nouvel antiracisme décolonisateur

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Assa Traore manifeste sur la Place de La République en juillet 2023 © Chang Martin/SIPA

Humaniste par raison et par fonction, notre chroniqueur se remet mal, apparemment, des nouvelles classifications lancées par les « décoloniaux » de toutes farines, qui font de tout Blanc un raciste par définition. Retour sur ce qu’est le racisme, l’antiracisme réel et le délire woke.


Je rendais ce jour-là des dissertations, énonçant seulement le nom de l’élève afin d’aller à lui pour lui donner sa copie. Je n’ai jamais annoncé les notes à voix haute : je laisse à chacun le droit de faire sa publicité, positive ou négative.

L’élève qui venait de recevoir son dû — et ça ne pesait pas lourd — a immédiatement protesté :

– C’est parce que je suis Noir que vous me sacquez, M’sieur ?
– Non, mon cher. C’est parce que c’est nul. Et avec ce que vous venez de dire, vous avez cette fois touché le fond.

Ce qui l’a conforté dans ses certitudes : je notais selon la couleur de peau du client. Que quelques Gaulois, ou prétendus tels, l’accompagnassent dans les tréfonds du classement lui importait peu. Il se sentait discriminé. Et à bien fouiller sa pensée, il croyait sans doute que sa couleur de peau, qu’il venait de me faire remarquer alors que je n’y pensais pas, devait lui valoir mon indulgence, voire quelques points d’avance au nom de la discrimination positive.

Le sergent Brighelli, vache mais réglo

Cela se passait dans une classe de préparation à l’Heptaconcours des Sciences-Po de province, où notre équipe du lycée Thiers parvenait à faire réussir, bon an mal an, 50% d’une classe recrutée dans les trois lycées ZEP de Marseille. Des établissements tous situés dans ces « Quartiers Nord » qui égaient régulièrement l’actualité criminelle. Les autres entraient — sur concours aussi — à Kedge Business School, une école de Commerce et Management régulièrement classée dans les cinq meilleures formations françaises. Un vrai concours, anonyme, sans avantage acquis au nom de la seule mixité sociale : nous réalisions une vraie mixité pédagogique, en montant le niveau de ces jeunes gens au niveau des exigences des concours.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Qui sont ces Français qui détestent la France?

À cette époque, vu la diversité ethnique de la classe à laquelle j’enseignais les rudiments d’une vraie culture générale, je commençais souvent l’année en balançant pleine face le discours du sergent Hartmann, au début de Full Metal Jacket — avec quelques modifications mineures pour l’adapter à la situation :

« Je suis Jean-Paul Brighelli, votre prof de culture générale. À partir d’aujourd’hui, vous ne parlerez que quand on vous parlera, et les premiers et derniers mots qui sortiront de vos sales gueules, c’est « Oui, M’sieur », tas d’punaises. Est-ce bien clair ? »

Je vous laisse imaginer la qualité du silence. Alors, après l’avoir savouré, je reprenais :

« Si vous ressortez de chez moi, les loulouttes, si vous survivez à mon instruction, vous deviendrez une arme, vous deviendrez un prêtre de la culture implorant le concours. En attendant ce moment-là, vous êtes du vomi, vous êtes le niveau zéro de la vie sur Terre. Vous n’êtes même pas humains, bande d’enfoirés ! Vous n’êtes que du branlomane végétatif, des paquets de merdes d’amphibiens, de la chiasse ! Parce que je suis une peau de vache, vous me haïrez… mais plus vous me haïrez et mieux vous apprendrez. Je suis vache mais je suis réglo ! Aucun sectarisme racial ici. Je n’ai rien contre les négros, ritals, youpins ou métèques. Ici vous n’êtes tous que des vrais connards, et j’ai pour consigne de balancer toutes les couilles de loups qui n’ont pas la pointure pour réussir. Tas de punaises, est-ce que c’est clair ? »

Il y a douze ou quinze ans, il y avait toujours un loustic qui repérait la référence et répondait : « Sir, yes, sir » — ce qui faisait rire tout le monde et détendait l’ambiance toujours un peu compassée du premier cours, ce qui était l’objectif. Plus récemment, j’ai renoncé à cette entrée en matière, plus personne ne comprenant le second degré — un trait caractéristique de la génération Z comme zéro.

« Je n’ai rien contre les négros, ritals, youpins ou métèques … » Je le dis ici hautement : je n’ai jamais vu qu’un élève était homme ou femme, blanc ou noir, marseillais ou martien. Ils n’existent à mes yeux qu’en fonction de leurs aptitudes et de leurs réalisations. Comme dit à peu près Sartre : « On est ce que l’on fait » — et l’on n’existe pas préalablement, en tant qu’élève. Je peux, hors cours, m’intéresser au cursus, à l’histoire familiale, aux traumatismes vécus par les uns et les autres. Mais en règle générale, je n’en ai jamais fait grand cas. Le fait qu’Untel arrive d’une fratrie de douze enfants — la norme parmi mes élèves comoriens — est-il plus ou moins traumatisant que la dérive en mer de Chine, pendant deux semaines, des réfugiés vietnamiens que j’ai eus en cours à la fin des années 1970, et qui un an plus tard étaient parmi les meilleurs élèves ? Nous sommes mauvais juges de ce qui est handicap ou non.

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Mais dans la culture de l’excuse que l’on cherche à nous imposer, tout est handicap, tout est prétexte.

Le Blanc, responsable et coupable

Nous sommes entrés, depuis que décolonialisme et indigénisme sont montés sur le même bateau, dans une ère victimaire insupportable. Le Blanc est mis au banc des accusés par les « racisés » (percevez-vous comme moi ce qu’a de profondément raciste une telle dénomination, utilisée couramment par les organisations d’extrême-gauche ?), il est porteur de tous les crimes de Caïn. Et si par malheur il est juif, il est blanc au carré — voir Les Blancs, les Juifs et nous, le livre pas du tout raciste de Houria Bouteldja, l’égérie du Parti des Indigènes de la République, dont on se demande bien pourquoi il n’est pas interdit pour incitation à la haine raciale. « Sale Juive » est l’injure courante des gentils garçons basanés qui agressent les filles non voilées dans ma ville. Et les violent, parfois.

Et comme l’une d’elles se rebellait, il y a trois ans, elle a été ceinturée par un passant, qui lui a lancé : « Mais enfin, Mademoiselle, il faut les comprendre, c’est leur culture… »

Que les Arabes et les Noirs aient été, bien plus que les Européens, responsables de la traite des Africains est indicible : ainsi le veut la loi Taubira, exemple sidérant de mainmise du pouvoir sur l’Histoire et son enseignement. Que les Arabes aient joint à la traite la délicate attention de châtrer les hommes — ce qui explique le petit nombre de Noirs en Arabie, alors que les planteurs nord-américains ou brésiliens n’avaient pas eu l’idée d’en faire autant, préférant laisser leurs serviteurs proliférer pour leur plus grand profit — n’intéresse visiblement pas les organisations anti-racistes : on passe sur bien des horreurs, au nom de l’intersectionnalité des luttes. Tout comme les néo-féministes et autres chiennes de garde évacuent d’un geste négligeant le fait que des millions de femmes sont obligées de cacher leur corps, leur visage, leurs cheveux, de ne pas conduire ni d’aller à l’école et d’épouser des hommes qu’elles n’ont pas choisis — et éventuellement d’endurer des mutilations génitales rituelles. Le Blanc est le mal — l’exciseur, non, puisqu’il est racisé… Il n’y a pas de raciste noir, ni, par conséquence, de racisme anti-Blanc, puisque seul le Blanc est raciste, par définition. Même Victor Schoelcher, dont les statues ont été brisées en Martinique, et renversées en Guyane.

Square Victor Schœlcher à Fort-de-France Image: Facebook

A lire aussi : Sur France culture, le rapatriement des Afghanes est problématique. Mais pas pour les raisons auxquelles vous pensiez…

Le plus drôle, c’est que nombre de Blancs finissent par intérioriser cette culpabilité, avouent des fautes imaginaires, et plient le genou, style Black Lives Matter, devant les émules d’Assa Traoré, qui a fait de cette incitation à la repentance blanche un lucratif marché. Et de petites blondinettes bouffées de culpabilité s’offrent à des grands Noirs, parce qu’elles ont vu ça sur Xhamster. Et elles se repentent, oh oui ! à deux genoux.

Mais je reviendrai prochainement sur la sexualité des jeunes…

Sartre, dans Réflexions sur la question juive, explique avec pertinence qu’il est inutile de discuter avec un raciste parce que, dit-il, « il a la conviction des pierres » — et on ne convainc pas un menhir. Il faut lui taper dessus, longtemps, jusqu’à ce qu’il s’effrite. On ne convainc pas un croyant — et le wokisme fonctionne comme une religion. On fait comme les Florentins avec Savonarole, dont les « éveillés » sont les émules.

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A gauche, la défaite en chantant

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Le rappeur Médine en concert au Casino de Paris, 19 octobre 2022. ©SADAKA EDMOND/SIPA

Les œillades sirupeuses de l’extrême gauche au rappeur Médine et les âneries proférées par Juliette Armanet contre Michel Sardou nous ont offert les dernières polémiques de l’été. Ces deux épisodes sont une parabole de notre situation. Qu’il s’agisse de l’islamo-gauchisme en guerre contre les républicains laïcards ou des gentils-bobos méprisant le populo, deux France se font bel et bien face.


En France, tout se passe en chansons, y compris la guerre civile culturelle. À ma gauche Médine, à ma droite Sardou : les deux polémiques de la fin de l’été ont pris pour étendards respectifs deux chanteurs. Esprits forts et ricaneurs les ont balayées, décrétant que ces mayonnaises rances avaient été montées par des journalistes en panne d’inspiration estivale et/ou des populistes habiles à exploiter les peurs et rancœurs (ineptes) du populo. Bref qu’elles étaient au mieux insignifiantes, au pire malsaines. Elles sont pourtant fort instructives.

Gauche Médine contre France Sardou

Commençons par Médine, l’invité qu’on s’arrache dans les salons de gauche, malgré ses clins d’œil – antisémites, homophobes, francophobes et j’en passe – à la jeunesse islamisée des quartiers, ou plus probablement grâce à eux. Le nouveau Victor Hugo, à en croire l’amusante Mathilde Panot, très « honorée » de le recevoir. On se demande comment ce merveilleux « jongleur de mots » n’a pas mesuré la connotation antisémite de son calembour sur « ResKHANpée », désormais aussi célèbre que « Durafour crématoire ».

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Tous les Insoumis n’ont pas l’excuse de la niaiserie. Le spectacle d’un Alexis Corbière, que l’on croyait farouchement laïque et républicain, avalant sans broncher le brouet islamo-gauchisto-wokiste concocté par son patron, est désolant. Mélenchon, qui pétainise à loisir tous ceux qui le contestent, a inventé le pétaino-cynisme – soumission à la force doublée d’un opportunisme de fer. Mais tout ça, c’est rien que du buzz inventé par l’extrême droite pour salir la gauche – comme si celle-ci avait besoin d’aide pour cela.

Quant aux insultes proférées sur un obscur site belge par une jeune chanteuse (talentueuse, paraît-il) au sujet des Lacs du Connemara – une chanson qui la « dégoûte profondément » avec sa « musique immonde », son côté « scout », « sectaire », bref « c’est de droite, rien ne va »–, les protestations qui ont suivi ne visent, dixit Libé, qu’à « raviver, une fois encore, l’espèce de guerre culturelle en cours entre la réacosphère et les autres, afin d’opposer la méchante chanteuse “wokiste” et féministe face au monument patrimonial français, et ainsi tenter de rallier avec eux ce qu’ils croient être “le peuple”». Si on comprend bien, la France qui communie en braillant (faux) Connemara, celle dont le passé (en tout cas certaines de ses pages) fait vibrer autant les prolos des périphéries que les bourges des beaux quartiers, est responsable des tombereaux d’injures que Libé et les autres sermonneurs déversent quotidiennement sur elle. Alors que l’ensauvagement, d’une part, et l’islamisation tendance antisémite de certains quartiers, d’autre part, se déploient sans fin sous nos yeux, François Hollande (pour citer un phare du progressisme) explique sans rire que « la démocratie en Europe est menacée de l’intérieur par la montée d’un populisme d’extrême droite », lequel prend sa source dans l’esprit étroit des ploucs. De son côté, Libé, journal anciennement crypto-maoïste, lance courageusement une newsletter appelée « Frontal », dédiée au combat contre l’extrême droite. Un tel talent pour être toujours du bon côté, celui du manche idéologique, force l’admiration. Mais je m’égare.

Deux imaginaires qui s’entrechoquent

Si seul un facétieux hasard de calendrier a acoquiné ces deux épisodes, ils symbolisent à merveille le face-à-face de deux France qui ne parlent plus le même langage. Précisons que la frontière entre les deux n’épouse pas strictement les clivages ethno-religieux et politiques. La France de Médine, plutôt de gauche et en grande partie musulmane, comprend, en plus des militants et chefs à plume écolos-insoumis, une grande partie des élites culturelles – férues de diversité, mais qui n’en sont guère issues. Celle de Sardou a rallié beaucoup d’immigrés, fort aise de ne pas retrouver ici l’étouffoir religieux qu’eux ou leurs parents ont laissé au pays, et pas mal de braves gens qui se disent encore de gauche. Bref, ce qui se joue, ce n’est pas musulmans versus Gaulois ou droite contre gauche, mais le choc de deux imaginaires.

Les âneries d’Armanet (un beau titre de chanson, non ?) semblent avoir vaguement embarrassé d’autres pontifiants, soucieux de ne pas effaroucher le client : même les lecteurs du Monde aiment Sardou, preuve sans doute qu’ils n’ont pas été assez rééduqués. La sympathique Juliette-à-qui-la-droite-donne-la-nausée s’est fendue d’un mail de contrition au glorieux aîné qui, bon prince, a pardonné parce qu’après tout, on a le droit de ne pas aimer ses chansons.

L’exception PCF

Ce ne sont pas Sardou et son Irlande d’opérette qui écœurent Madame Armanet et la gauche Médine, c’est cette France des clochers et des bouffeurs de curés, unie dans son refus de congédier la virilité (toxique uniquement quand elle est blanche) et rituellement dénoncée comme réac. Conservatrice et contestataire, généreuse et ronchonne, elle est coupable d’un seul crime, son refus de disparaître et même de changer pour s’adapter aux derniers arrivés. Au lieu de les remercier de bien vouloir la régénérer, elle s’accroche à ses mœurs (en particulier au doux commerce entre les sexes), voire, horresco referens, à ses traditions.

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Pour l’instant, ce vieux pays a encore pour lui la supériorité du nombre. Même alliés, islamistes et gauchistes ne sont pas aux portes du pouvoir. Pourtant, misant à la fois sur la démographie et sur l’égarement d’une partie de la jeunesse, endoctrinée à la sauce woke, les principales forces de la gauche, PCF excepté, ont choisi leur camp. Préférant l’abaya à la minijupe, vomissant tout ce qui leur paraît trop franchouillard, trop blanc, trop national et trop populaire, elles comptent sur le grand remplacement, démographique et idéologique, pour assurer la victoire politique qui leur revient de droit. En attendant le Grand Soir multiculti, le sparadrap Médine collera durablement aux doigts de cette gauche fourvoyée.

Il serait injuste de passer sous silence les quelques voix qui, de ce côté de l’échiquier politique, flairent le danger. Même Laurent Joffrin, souvent moins bien inspiré, tire à vue : « Les Verts aiment le rappeur Médine, Juliette Armanet déteste Sardou. Dans les deux cas, la gauche se ridiculise », écrit-il sur son nouveau site (LeJournal.info). Sauf que le ridicule ne tue pas. Contrairement au déshonneur, annonciateur, espère-t-on, de défaites méritées.

Où sont les femmes ?

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D.R

Malgré le peu d’intérêt manifesté par le public pour le foot féminin, la patronne de France télévisions Delphine Ernotte et de nombreux journalistes s’évertuent à lui donner une visibilité imméritée.


Malgré tous les efforts des journalistes pour nous intéresser à cette compétition, seulement 2,7 millions de téléspectateurs étaient présents devant le match opposant l’Angleterre à l’Espagne, dimanche 20 août, à Sydney. Selon Médiamétrie, la part d’audience de la finale de la Coupe du monde de foot féminin sur France 2 s’élève à 24,4 %. Même le jeu débile de Jean-Luc Reichmann, diffusé à la même heure sur TF1, a fait mieux, avec 27,1 % de PDA. Sélectionnée 112 fois en équipe de France, Marinette Pichon avait lancé une pétition, le 25 mai, pour dénoncer la réticence des télévisions à payer la somme astronomique réclamée par la FIFA pour les droits. « À moins de deux mois du coup d’envoi, la Coupe du monde de foot dames n’a toujours pas de diffuseur dans l’Hexagone. Il serait scandaleux que les matches des Bleues ne soient pas retransmis. »

Football obligatoire pour toutes et tous !

Un appel entendu par Delphine Ernotte qui, le 14 juin, révèle que France Télévisions s’engagera pour « une très large exposition du football féminin ». Après avoir trouvé un accord avec la FIFA, elle promet « une grande fête du football féminin pour donner à toutes les petites filles l’envie de pratiquer le plus populaire des sports ». Football obligatoire pour toutes et tous ! Sur France Inter, dans un débat sur « la faible médiatisation du sport féminin » où tous les intervenants se sont entendus pour dire qu’il était scandaleux que nous soyons tous persuadés que Yannick Noah est le dernier Français à avoir gagné Roland-Garros (alors que c’est Mary Pierce), l’ancienne conseillère de François Hollande et nouvelle patronne des sports de Radio France, Nathalie Iannetta, confesse qu’elle ne s’est pas rendue en Australie – alors qu’elle avait fait le déplacement au Qatar. Mais elle travaille évidemment d’arrache-pied pour que le sport féminin soit davantage présent dans les médias. Elle dit avoir bien des difficultés à recruter de jeunes femmes journalistes s’intéressant au sport, ces dernières préférant la politique ou les sujets de société. Et se félicite que France Inter ait accordé la même place au Tour de France féminin qu’au « vrai » Tour de France. À l’heure où les chaînes du groupe de Mme Ernotte n’affichent plus le logo des JO de Paris sans y accoler le logo des JO paralympiques, j’affirme ici que je ne me brancherai sur notre équipe de foot féminin que lorsque ce sera Mimie Mathy qui sera dans les cages !

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Les bouquinistes à la Seine

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Jérome Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes, 22 août 2023 © Sophie Garcia/AP Photo/SIPA

Pour satisfaire aux exigences des sponsors des J.O., la ville de Paris souhaite démonter les boîtes des bouquinistes le long de la Seine. Pour le comédien Philippe Caubère, c’est une atteinte inadmissible à l’âme de notre capitale.


Lisant – et non « relisant », soyons franc… – la seconde partie du Miroir des limbes, dont la première sont les Antimémoires, je tombe sur ces mots d’André Malraux : « De Chardin jusqu’à Picasso, tous les grands peintres, comme ils allaient jadis à Rome, sont venus à Paris. J’entends mon discours d’inauguration de la première Biennale : “Auprès d’un fleuve que bordent les boîtes des bouquinistes et les marchands d’oiseaux, dans cette ville où la peinture pousse entre les pavés”… » Comment ne pas penser à ce qui se prépare comme nouvelle entreprise de destruction et d’humiliation de la ville de Paris ? La seule qui compte et qui nous intéresse : celle du peuple, des peintres, des poètes et de sa légende.

Au profit de Jeux olympiques dont l’intérêt principal pour les Parisiens sera de pouvoir louer leur appartement à des prix astronomiques, ce qui n’est, d’ailleurs, pas si mal pour eux, mais bien loin de l’évocation de Malraux. Les pavés et les oiseaux, déjà, c’est fini ! Il ne manquait plus que les boîtes des bouquinistes. Ces librairies populaires où tout un chacun, riche ou pauvre, pouvait et peut encore trouver, à des prix défiant toute logique commerciale, toutes les œuvres de l’esprit, de la science et de la poésie. On dira bien sûr que ma réflexion tient du passéisme, de la nostalgie, du « c’était mieux avant ». Et l’on aura raison. En ce temps, peinture et littérature n’étaient pas réservées aux seuls – admirables ! – musées et bibliothèques, et l’art restait encore cette religion sauvage et ingérable, la seule vraiment respectable ; en tout cas : intouchable. En ce temps, la Culture n’était encore qu’un mot d’ordre inventé par le ministre pour y créer des « Maisons » chargées de la protéger et de la conserver, afin de laisser l’art, le vrai, « pousser entre les pavés ». Ouais, c’était mieux alors. Paris voyait visiteurs, étudiants, artistes et révoltés accourir de tout le pays, du monde entier, pour y chercher, fous d’espérance, la clef des songes et le lieu des idées. Il n’en reste aujourd’hui que des images effacées, surannées. Des photos, des films, des récits. Des « séries ». Vestiges et traces d’un continent englouti, d’un temps perdu, presque oublié. Et pourtant…Non. C’est pas vrai. Ce Paris-là existe et respire encore, refuse de crever. Il squatte de toutes ses forces la mémoire collective, surtout celle de ceux qui ne l’ont pas connu, mais l’ont rêvé, imaginé et choisi.

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Il est terrible que nulle autorité municipale ou nationale ne voie ce qu’il y a de force morbide et négative dans ce geste misérable. Dans cet affront commis contre l’âme de cette ville si chantée, si aimée ; à la place de laquelle on va vendre à la planète un « Paris » faux, prétentieux, fabriqué pour satisfaire les goûts de la pire populace : celles des riches. Des nouveaux en particulier. Qui seuls auront accès à ces quais débarrassés de leur histoire pour leur permettre de voir passer sur le fleuve de Guillaume Apollinaire les laideurs et vulgarités propres à ce genre d’« événement ». Je ne parle pas du spectacle sportif, antique, extraordinaire, que nous regarderons tous à la télévision, mais de cette « cérémonie » d’ouverture, prestation fatalement clinquante, vaniteuse, ultra-nationaliste, dont on entend déjà les commentaires : Génial ! Fabuleux ! Exceptionnel ! On est les meilleurs !

Tandis qu’aux poubelles, les vraies, comme celles de l’histoire, on balancera les boîtes en bois des bouquinistes, ce petit grand symbole de ce qui faisait, fait encore et fera toujours la vérité de Paris : sa poésie. Et j’ajouterai : sa modestie.

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A Madagascar, le pouvoir perd le sens des réalités

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Marc Ravalomanana en 2018. Il est candidat à la présidentielle malgache de 2023. © Themba Hadebe/AP/SIPA

Une tribune de l’opposition au président Rajoelina.


Il est affligeant pour Madagascar que la réalité soit si douloureuse pour la population et que le pouvoir en place ne trouve d’autres propositions à faire que de nier cette réalité plutôt que de mettre tout en œuvre pour la rendre meilleure. Car, contrairement aux affirmations de Mme Lova Hasinirina Ranomaro, directrice du cabinet du président malgache,

  • Qui peut encore ignorer aujourd’hui que Madagascar est devenu ce pays où la pauvreté accable plus de 85% de sa population, vivant quotidiennement privée d’électricité et d’eau potable, dans des conditions d’hygiène proches du Moyen-âge ?
  • Qui peut encore ignorer que Madagascar est devenu ce pays où la Justice ou ce qu’il en reste, n’est plus qu’un instrument d’oppression aux mains de l’exécutif qui enjoint aux juges de ne sévir que contre les honnêtes gens ?
  • Qui peut encore ignorer que les plus hauts dirigeants de Madagascar sont impliqués dans des scandales de détournement de fond publics, de trafics d’or, de corruption, au point que la directrice de cabinet du président de la République lui-même, soit arrêtée et emprisonnée à Londres pour des faits graves de corruption et de tentative d’extorsion d’argent ? Qui peut croire de surcroît qu’elle n’y soit pas allée en service commandé ?
  • Qui peut ignorer que l’actuel et encore président de la République de Madagascar n’avait pas menti et falsifié les documents produits à la Haute cour constitutionnelle en cachant sa nationalité française obtenue à la suite d’une demande volontaire de naturalisation en 2013, alors qu’à cette époque, il avait déjà le statut de chef de l’Etat ?

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Qui peut encore ignorer ?… Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive, mais surtout, tout le monde sait que le seul motif de vouloir s’accrocher au pouvoir du président en place et de son entourage, est l’impérieuse nécessité de préserver une énorme richesse mal acquise sur le dos d’un peuple de plus en plus pauvre et délibérément maintenu dans un état de sous-développement pour mieux abuser de lui.

À Madagascar, les institutions sont instrumentalisées par le pouvoir et sa clique au bénéfice de leurs seuls intérêts et ne préservent plus que l’apparence d’une démocratie, tandis que la liberté de la presse est bafouée tous les jours. Dans leur situation d’opprimés, les Malgaches s’impatientent malgré tout de voir que, si la candidature d’Andry Rajoelina venait cependant à être validée, la réaction des chancelleries étrangères présentes à Madagascar, des bailleurs de fonds et de la Communauté internationale en général ne se borneront pas une fois de plus à avaliser un processus électoral dévoyé, afin de maintenir une apparente stabilité quel que soit le désordre insupportable qu’elle entretient.

A Madagascar, le prochain vote peut changer les choses et remettre le pays sur la voie du développement. A condition que la vérité de sa situation réelle soit accessible à tous !