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Accusé Trump, présentez-vous!

Donald Trump va se battre sur deux fronts, judiciaire et politique


Accusé Trump, présentez-vous!
Donald Trump à l’aéroport d’Atlanta, 24 août 2023. © Alex Brandon/SIPA

Aux États-Unis, la campagne présidentielle compte un invité encombrant : la justice. Et c’est en fonction de ses convocations devant les juges que Donald Trump tiendra ses meetings. Pourtant, l’ancien président, qui a su faire de ses casseroles un argument électoral, est donné favori pour représenter les républicains.


Ce sera un match retour. En 2024, l’élection présidentielle américaine pourrait proposer la même affiche qu’en 2020 : Donald Trump vs Joe Biden. Alors qu’il existait des incertitudes pour le premier, en raison de son échec à l’élection précédente, et pour le second, à cause de son âge, les deux hommes sont actuellement donnés favoris pour représenter leur camp. Cependant, l’intervention de la justice pourrait mettre à mal ce scénario. La judiciarisation du débat public est, sans surprise, encouragée par nombre de médias qui préfèrent se focaliser sur la multiplication des inculpations de l’ancien président au détriment des enjeux politiques, économiques et culturels auxquels sont confrontés les États-Unis.

De la politique à la justice 

Les démocrates sont largement responsables de la judiciarisation de la vie politique américaine sous la présidence de Donald Trump. En effet, ils ont mené deux procédures d’impeachment contre lui en moins de deux ans, un record absolu dans l’histoire du pays. D’une part, ils ont cherché à le destituer le 18 décembre 2019 en l’accusant d’abus de pouvoir et d’entrave au travail du Congrès, avec des pressions exercées sur l’Ukraine pour enquêter sur Joe Biden. D’autre part, il lui a été reproché l’insurrection de ses partisans contre le Capitole après sa défaite de novembre 2020. Ces procédures politiques se sont soldées par des échecs grâce aux acquittements du Sénat.

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Mais au-delà de ces tentatives démocrates, Donald Trump fait l’objet de nombreuses poursuites judiciaires qui pourraient l’empêcher de revenir à la Maison-Blanche. Tout d’abord, son entreprise Trump Organization a été condamnée pour fraudes financière et fiscale à une amende de 1,6 milliard de dollars. Ensuite, l’ancien président est accusé d’avoir monnayé le silence d’une actrice de film X pour cacher leur relation. Donald Trump est aussi poursuivi pour l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, dans le cadre de la procédure sur la manipulation des résultats de l’élection présidentielle. À ce tableau déjà chargé, il faut ajouter que le milliardaire a conservé des archives de sa présidence alors que ces documents sont classés « secret défense ». Enfin, la justice de Géorgie reproche à Donald Trump sa tentative de renverser l’élection dans cet État. Si toutes les affaires n’ont pas la même portée, ces trois dernières ont de quoi inquiéter l’intéressé.

Ce ne sont pas des détails…

À elle seule, l’affaire des documents classifiés peut faire chuter Donald Trump. Depuis leur découverte par le FBI à son domicile en août 2022, il est accusé de compromettre la sécurité nationale – sujet sensible dans un pays attaché à la protection des documents stratégiques de l’État. Hillary Clinton avait en partie perdu l’élection présidentielle de 2016 après l’affaire de ses courriels – elle n’avait pas respecté la stricte séparation entre ses adresses électroniques personnelle et professionnelle, violant ainsi le Federal Records Act. 

Les accusations de pressions exercées sur plusieurs secrétaires d’État pour tenter d’inverser la victoire de Joe Biden en Géorgie en 2020 demeurent floues mais, s’il est établi que Donald Trump a bien téléphoné à plusieurs d’entre eux au sujet des résultats électoraux, il encourt une peine maximale de vingt ans d’emprisonnement.

Enfin, l’affaire de l’assaut du Capitole et de la manipulation des résultats de la dernière élection présidentielle est plus compliquée. En théorie, en cas de condamnation, cette affaire pourrait lui interdire un retour à la Maison-Blanche : le 14e amendement le priverait de l’exercice de toute fonction civile ou militaire. Cependant, le risque d’une condamnation est limité, car une vidéo montre Donald Trump appelant ses supporters, en pleine manifestation, à rentrer chez eux.

Quelles conséquences politiques ?

À court terme, Donald Trump bénéficie d’un regain de popularité lié à l’effet « victime de l’acharnement des juges ». Selon un récent sondage de RealClearPolitics, 70 % des électeurs républicains ont une opinion favorable de l’ancien président contre 54 % en mars dernier. De plus, en vue de la primaire des républicains qui désignera leur prochain candidat, Donald Trump possède plus de 40 points d’avance face à Ron DeSantis, le gouverneur de Floride. Cet écart était de moins de cinq points entre les deux concurrents au début de l’année. À cela, il faut ajouter que près de deux républicains sur trois considèrent que Joe Biden a été élu grâce à des fraudes et à des irrégularités. Donald Trump ne perd pas le soutien de son propre camp.

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Il devra en revanche surmonter les conséquences politiques de ses inculpations. Les élections de 2016 et de 2020 se sont jouées à 50 000 voix dans quelques États spécifiques. Dans la Rust Belt (Pennsylvanie, Ohio, Wisconsin et Michigan), en 2016, le projet « America First »a séduit les classes moyennes blanches paupérisées. Mais en 2020, Trump a été devancé dans cet électorat par Joe Biden, dont le positionnement lui est moins hostile que celui d’Hillary Clinton. Aussi, si les accusations contre Trump n’ont pas d’effets sur les électeurs républicains, elles peuvent provoquer un doute chez les électeurs modérés et indépendants qui pourraient faire basculer l’élection en novembre prochain. Quant aux États du Sud (Géorgie et Arizona), acquis traditionnellement à la droite, Donald Trump y a perdu une partie de l’électorat légaliste qui ne lui pardonne pas ses provocations et ses déboires judiciaires.

Pour gagner, Donald Trump va devoir se battre sur deux fronts, judiciaire et politique, alors que la campagne promet d’être aussi dure qu’en 2016 et 2020. Et tout en conservant les recettes de sa révolution victorieuse, il devra s’adapter aux nouvelles mutations de la société. Plus que jamais, les États-Unis sont coupés en deux : d’un côté les progressistes, qui vont des défenseurs du droit à l’avortement aux chantres de la cancel culture ; de l’autre les conservateurs, héritiers du mouvement Tea Party, bien décidés à tout faire pour que leur pays ne sombre pas dans les dérives du wokisme.

Septembre 2023 – Causeur #115

Article extrait du Magazine Causeur




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Politologue et fondateur du Milllénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques

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