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Rugby: à un point du rêve…

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Le XV de France s’est incliné hier face à l’Afrique du Sud, et la France est éliminée du mondial organisé sur son sol. La fête est finie… Mais le pays n’avait déjà plus la tête à ça, ayant des problèmes plus graves à régler.


29 à 28. Il n’est pas possible de laisser de côté la défaite de l’équipe de France face à l’Afrique du Sud. Pour un malheureux, un terrible petit point. Je n’ai pas envie, avec l’irresponsabilité que vous donne le droit d’être un amateur, un sportif en chambre, de cibler les raisons du fiasco de la veille, dans la tranquillité si déçue du lendemain. D’abord, se garder de toute volte, de tout changement d’humeur et d’admiration. Il serait malséant de cracher sur ce qu’on a adoré et qui demeure louable. Cette belle équipe de France et ce magnifique monde du rugby demeureront dans notre cœur. Il existe un futur pour eux. Et pour tous les passionnés que nous sommes. Certes, on peut se faire mal en évoquant le jeu légèrement en dessous, malgré l’exceptionnel Antoine Dupont, de quelques-uns des talents emblématiques de cette équipe : Damian Penaud, Matthieu Jalibert, Thomas Ramos notamment. On a le droit de s’étonner de ces trois essais en première mi-temps sur des balles hautes tactiques de l’adversaire, mal gérées par la France sans doute à cause d’un stress qui a réduit l’habileté habituelle de nos receveurs. Il est évident que les Boks ont remarquablement préparé ce match dans les moindres détails. Sans avoir jamais sous-estimé la France et en imposant à celle-ci un redoutable défi physique.

Les trois essais que notre équipe a réussi à marquer en riposte immédiate, également en première mi-temps, ont montré à quel point nous n’étions pas débordés, dépassés mais à la hauteur : l’Afrique du Sud n’avait jamais encaissé trois essais en si peu de temps. Comment aussi ne pas songer à cette déprimante ironie du sport, à cette imprévisibilité exaspérante lors des matchs qui sont perdus d’un rien, de justesse, j’allais écrire : de justice ? Quand Ramos s’apprête à transformer un essai, le trois-quarts sud-africain Cheslin Kolbe s’avance pour contrer son tir, il en a le droit mais sans doute est-il parti trop tôt, ce qui aurait dû le faire sanctionner. Quand une pénalité de l’irréprochable buteur qu’est Ramos touche la barre, trois points de gâchés, cinq si on ajoute l’épisode précédent, le score en aurait été évidemment modifié, et la victoire de la France assurée.

Le capitaine de l’équipe de France Antoine Dupont a délicatement mis en cause l’arbitrage et on peut d’autant plus faire fond sur sa critique qu’il a toujours été exemplaire sur le terrain et n’a jamais adopté le registre de la revendication permanente. Toujours est-il que, le 16 octobre, la fête est finie. Parce que nous étions à un point du rêve et que le destin ne nous a pas choisis. Qu’importe, l’avenir est ouvert.

On ne les a pas entendus scander «Jewish Lives Matter»

Les personnalités françaises du sport ou du showbiz, souvent promptes à s’indigner devant les injustices, font le service minimum concernant les massacres en Israël. Le footballeur expatrié, Karim Benzema, par exemple, pleure les enfants gazaouis comme tout le monde mais n’a pas un mot pour les victimes juives.


Depuis samedi 7 octobre, les images insoutenables des attaques du Hamas nous parviennent, révélant l’étendue du massacre perpétré méthodiquement par les terroristes islamistes contre le peuple israélien. Une violence brutale, sanguinaire et barbare s’est abattue sans distinction sur des innocents, des hommes, des femmes, des jeunes et des vieillards, des enfants et des nourrissons. Comment ne pas être saisi d’effroi devant un tel déchainement de sauvagerie qui, hélas, n’est pas animale mais bien terriblement humaine ? Les animaux sauvages, eux, tuent pour se nourrir. Les assassins du Hamas ont traqué, torturé, démembré, brulé vif, massacré des Israéliens, ceux qu’ils considèrent comme des mécréants à abattre, des ennemis à exterminer. Ils ont tué, guidés par leur haine fanatique, et se sont adonnés au pire en y prenant du plaisir. En témoignent les films de leurs tueries.

Omar Sy trop occupé par sa promo Netflix?

Pourtant, en France, devant l’horreur, des polémiques ont surgi en lieu et place de l’union fraternelle avec le peuple israélien. Et comme l’écrit Elisabeth Lévy, hélas, « c’était prévisible, dès les prémices de la riposte israélienne contre le Hamas, l’opinion des foules sentimentales occidentales a commencé à tourner. Les images de guerre d’aujourd’hui effacent les images de pogroms d’hier. » On en oublie presque que parmi les 1 400 victimes, 19 à ce jour sont françaises. Où sont les parterres de bougies, les ballons, les cœurs, les nounours place de la République, devant la Tour Eiffel ou place de la Nation ?

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Où sont les pseudo-féministes, toujours alertes pour dénoncer la domination phallocrate et la masculinité toxique lorsqu’il s’agit de barbecue, de steak ou de la répartition des tâches domestiques mais qui sont muettes devant les viols ou les massacres à bout portant, devant les prises d’otages de femmes qui seront battues et subiront peut-être des viols collectifs ? Comment peuvent-elles encore s’autoproclamer féministes ?

Où est passé Omar Sy ? L’acteur préféré des Français préfère très certainement assurer la promo de la saison 3 de « Lupin », le remake complètement raté du gentleman cambrioleur plutôt que de mettre un genou à terre et signer une tribune pour dénoncer les massacres du terrorisme islamiste ? Où est le petit génie du football, Kylian Mbappé, qui ne sait pas distinguer un ange d’un petit diablotin ? Les bébés tués par les bourreaux du Hamas ne mériteraient-ils pas aussi larmes, cris de colère et le qualificatif de « petits anges » ? Où sont les pancartes sur lesquelles serait inscrit JEWISH LIVES MATTER ? Où sont les t-shirts floqués par ce cri de ralliement ? Où est le hashtag #JewishLivesMatter, qui inonderait les réseaux sociaux ? Le XV de France de rugby n’aurait-il pas pu porter un brassard noir pour nos 19 Français assassinés par les islamistes, lors des quarts de finale contre les Spring Box, ce dimanche soir ? À l’instar de la mairie de Neuilly-sur-Seine, les mairies arborent-elles le drapeau israélien comme elles l’ont fait si rapidement pour l’Ukraine ? Où est la mobilisation de l’ensemble de la société derrière Israël ?

Soutenir Israël expose les courageux aux menaces et insultes

Enfin, bien sûr, où est la fameuse mobilisation de Marion Cotillard, Yseult, Juliette Armanet, Camélia Jordana, Djamel Debbouze, Isabelle Adjani… de cette grande famille du cinéma, du monde de la culture, de la mode, au peuple israélien, à leurs morts, à nos morts ? Seules les personnalités juives du showbiz et du monde intellectuel se sont exprimées, comme s’il fallait être de confession juive pour nommer l’horreur et pleurer les morts. On notera l’exception des humoristes d’Inter Sophia Aram et Tanguy Pastureau – ce dernier recevant des messages de haine depuis son soutien public. « Pourquoi les célébrités ne s’engagent pas pour les victimes du terrorisme en Israël ? Réponse : moi qui suis si peu connu et qui l’ai fait, je reçois 500 messages/jour de haine et je perds, je le sais, une partie de mon public. C’est aussi simple que ça » raconte-t-il.

Mais la palme de la honte revient au footballeur Karim Benzema qui, dans un tweet vu 35 millions de fois, a clairement choisi un camp en dénonçant les « bombardements injustes » de Tsahal et en pleurant les Gazaouis sans dire un seul mot pour les victimes israéliennes. Cette compassion unilatérale n’a rien de surprenant pour celui qui vit en Arabie saoudite et qui a craché sur notre Marseillaise.

Notre pays est à ce point gangrené par l’idéologie islamiste, laquelle a infiltré toutes les strates de la société – comme en témoigne la hausse des actes antisémites et des atteintes à la laïcité – et la peur d’être accusé d’islamophobie musèle tellement la voix de ceux qui sont, de coutume, toujours prompts à obéir au mot d’ordre du feu Stéphane Hessel Indignez-vous, que le soutien au peuple israélien n’a pas été au rendez-vous. Jeudi soir, lors de son allocution, le président Emmanuel Macron a appelé à « l’unité du peuple français » alors même qu’une manifestation pro-palestinienne se déroulait, malgré son interdiction, place de la République, où des slogans haineux tels que « Israël Assassin » ou encore « Sionistes, sionistes, vous êtes des terroristes », ont fusé.  

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Le lendemain, Mohammed Mogouchkov, immigré fiché S pour radicalisation, tuait d’un coup de couteau Dominique Bernard, un professeur de lettres du lycée Gambetta d’Arras et blessait grièvement un autre professeur et un agent de sécurité, en criant « Allah Akbar ». Cet attentat islamiste n’est probablement que le résultat tragique de l’appel au djihad mondial lancé par le Hamas à leurs fidèles islamisés présents en Occident. En boomerang, il renvoie aux élites médiatiques et culturelles, qui nous disent quoi penser, la guerre idéologique et armée que mènent les djihadistes dans nos sociétés où nos valeurs et nos mœurs sont peu à peu attaquées par un communautarisme que notre lâcheté laisse devenir conquérant.

En visant Israël, le Hamas n’a pas seulement attaqué son ennemi juré, il s’en est pris à l’Occident dans son ensemble et à ce qu’il représente, c’est-à-dire à son bien le plus cher : la liberté. Plus que jamais, notre soutien à Israël prend autant de sens et doit être indéfectible. Réveillons-nous et soyons à la hauteur de notre grandeur passée.

Ramona Horvath ou la musique en liberté

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Outre son incontestable intérêt sur le plan strictement musical, le dernier album de Ramona Horvath, « Carmen’s Karma », a le mérite d’ouvrir le champ à des réflexions plus vastes.


Le parcours de l’auteur, compositrice et pianiste virtuose, mérite qu’on s’y arrête. Née à Bucarest d’un père hongrois et d’une mère roumaine, eux-mêmes musiciens, Ramona Horvath a baigné très jeune dans une atmosphère musicale. Les standards du jazz et la musique de Duke Ellington lui furent vite familiers.

La musique clandestine

Cela n’allait pas sans risques : au temps du rideau de fer, la musique occidentale, en particulier celle qui provenait de l’Amérique honnie, était frappée d’interdit. Les cassettes des comédies musicales de Broadway circulaient sous le manteau. Quant aux émissions de jazz de Willis Connover diffusées sur la radio Voice of America, elles donnaient lieu à une écoute clandestine, sous peine de dénonciations susceptibles de lourdes représailles de la part de la Securitate. Tel était le climat dans ce paradis de la Liberté. Pourtant, en dépit des risques encourus, la maison familiale résonne de toutes sortes de musiques. Outre le jazz, qui la passionne déjà, et diverses formes musicales, la jeune Ramona, qui a entamé l’étude du piano dès l’âge de trois ans, découvre la musique classique. Au point d’entreprendre, au Conservatoire de Bucarest, des études couronnées par un diplôme de soliste.

Une rencontre providentielle

À vingt-trois ans, une carrière de concertiste classique s’ouvre à elle lorsqu’une rencontre va tout changer : celle de Jancy Korossy, pianiste virtuose américain d’origine hongroise, au sommet de sa réputation dans les années 50-60. De retour en Europe après avoir émigré aux Etats-Unis, Korossy a exercé une influence capitale sur des musiciens aussi célèbres que Vladimir Kosma, Miroslav Vitous, Joe Zawinul ou Monty Alexander, entre autres. Son aura est telle qu’elle incite Ramona, de quelque cinquante ans sa cadette, à se tourner définitivement vers le jazz. Et le maître appréciait lui aussi son émule au point de se produire avec elle en concert.

L’exil… et le royaume

Émigrée à son tour en 2010, mais en France, établie à Paris, celle-ci révèle très vite des qualités de compositrice et d’instrumentiste qui retiennent l’attention de la critique.

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« Carmen’s Karma » est son quatrième album après « XS Bird » (Black & Blue, 2015), « Lotus Blossom » (Ibid., 2017) et « Le Sucrier Velours » (Ibid., 2019). Le titre de ce nouveau disque joue plaisamment sur les assonances, évoque immédiatement l’opéra de Georges Bizet et son héroïne, cette « beauté étrange et sauvage », comme l’évoque Prosper Mérimée dans la nouvelle qui a inspiré le musicien. Si le karma est une allusion à ses vies antérieures, on mesure la richesse du personnage…

La musique n’est pas en reste. Interprétée par le trio de la pianiste comprenant Nicolas Rageau (contrebasse) et Antoine Paganotti (batterie), elle se veut une manière de synthèse entre l’univers de l’enfance, cette « vie antérieure », et celui de la maturité. Colorée, contrastée, jouant sur la variété des rythmes et des climats, nourrie de réminiscences évoquées par les titres en forme de clins d’œil (Claire de Bussy), de références plus ou moins explicites à Dvorak, Fauré, Ravel, Beethoven ou Enesco. Par-delà cette diversité, la cohésion du trio, l’émulation entre les partenaires tour à tour en valeur et l’esprit d’invention de la pianiste sont les facteurs d’une profonde unité, à quoi il convient d’ajouter un swing du meilleur aloi.

De cette réussite, il appert que le jazz, dès lors qu’il ne renie pas ses fondements pour céder aux caprices de la mode, a acquis, au cours des années, une dimension universelle. Il a fait la preuve de sa compatibilité avec les autres genres musicaux, en particulier ce que l’on nomme le « classicisme » et toute sa palette de nuances.

Autre constat, tout aussi réjouissant : si l’art en général, et pas seulement la musique, se joue des frontières, il se rit semblablement de toutes les dictatures, quelque forme que revêtent celles-ci. Les digues dressées par le totalitarisme soviétique démontrèrent, en dépit des intimidations et des mesures coercitives, leur impuissance à contenir la déferlante de la musique afro-américaine. L’Art terrassant l’hydre de la Tyrannie : beau sujet d’allégorie, propre à inspirer les sculpteurs… Et une lueur d’espoir, en notre époque de déconstruction massive.


« Carmen’s Karma », de Ramona Horvath Trio. Un CD Camille Production / Socadisc.

Sortie le 3 novembre. Concert au SUNSIDE (Paris 1er) le 18 novembre 2023 À 19H.

Les profs une fois de plus en première ligne

L’attaque islamiste de Mohammed Mogouchkov, vendredi, qui a coûté la vie à un professeur de lettres, Dominique Bernard, au lycée Gambetta-Carnot d’Arras, a provoqué stupeur et effroi, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. À l’Éducation nationale, dans les collèges et les lycées, les cours sont annulés ce matin jusqu’à 10 heures, et une minute de silence est prévue à 14 heures.


Face au séparatisme, nos profs sont en première ligne. La nation française ne se décharge-t-elle pas un peu trop de ses responsabilités sur leurs épaules?

Dans quelques heures, partout en France, dans les établissements scolaires, enseignants et élèves observeront une minute de silence et rendront hommage aux deux professeurs assassinés, sacrifiés sur l’autel de l’obscurantisme djihadiste, Samuel Paty et Dominique Bernard.
Combien de leurs collègues entreront-ils alors dans leur classe les entrailles vrillées par la peur ?
Combien seront-ils à se demander comment s’y prendre, comment dire la réalité des drames sans heurter, blesser ?

Une France minée par le communautarisme musulman

Comment réagir si, ne serait-ce qu’un seul de leurs élèves venait à se dresser devant eux pour contester, refuser l’hommage et lancer les formules prêtes à cracher qu’on lui aura fourrées dans la tête et dans la bouche en guise de petit déjeuner ?

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Que feront les autres élèves, ceux qui n’en sont pas ? Et qui peut dire si la violence extrême, celle qui tue, celle qui égorge, ne frappera pas de nouveau? Fallait-il donc envoyer une fois encore les enseignants, les personnels éducatifs en première ligne? Fallait-il donc que ce soit à eux de dire l’horreur, de dénoncer l’abjection, à eux de se faire croisés, de se lever contre la barbarie qui monte? Fallait-il, en focalisant l’hommage sur ce lieu privilégié d’unité républicaine, de cohésion citoyenne qu’est l’école, dessiner une cible grossière dans le dos de ses serviteurs? Eux qui ne sont pas mieux armés pour cela que l’agneau ne l’est pour affronter le loup.

Un désastre collectif

Il me semble qu’il aurait été plus profitable, plus noble, plus courageux et sans doute plus profitable de dé-sanctuariser l’hommage hors de l’école, de décréter qu’il devrait être l’affaire de tous et appeler l’ensemble des citoyens à se réunir partout en France, dans les villes et les villages, à telle heure de la fin de la journée.

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Cela, évidemment, sous la présidence et la bannière des politiques, de tous les politiques, à commencer par ceux qui, toute honte bue, s’exonèrent de toute culpabilité en parlant d’erreur collective face au désastre qu’ils ont fabriqué.

Le président de la République invitait à l’union de la nation lors de sa dernière allocution. L’occasion de ne pas s’en tenir qu’au vœu pieux était toute trouvée avec ce jour d’hommage. Au lieu de cela, on commet la folie de tendre aux plus jeunes d’entre nous le piège de devoir se situer, de devoir surtout, se compter. Chaque classe, chaque école, chaque collège, chaque lycée de France connaîtra au soir de l’hommage l’indice de fracture avec lequel ils devront vivre, dont il leur faudra s’accommoder le reste de l’année scolaire. Et bien au-delà… Tout le contraire de l’idéal républicain de l’école pour tous. Au secours Ferry, au secours Peguy !

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Massacres en Israël: la gauche française vous agace? Attendez d’entendre la gauche belge…

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Englués dans le prêt-à-penser ou le communautarisme, médias et politiques belges de gauche ont relativisé les attaques terroristes subies par Israël.


En Belgique, la plupart des hommes politiques et des intellectuels francophones rechignent à condamner la barbarie du Hamas. Ils sont victimes du « syndrome La France Insoumise ». Le clientélisme électoral nauséabond en direction des électeurs musulmans en est l’une des raisons, mais force est de constater qu’on est face à un véritable et total effondrement moral.
En tant que centre djihadiste mondial, qui a enfanté les terroristes du Bataclan et de Zaventem, la Belgique francophone semble ne jamais tirer les leçons.

À côté de la RTBF, France inter c’est des fachos !

L’estompement de la norme commence bien sûr par le service public audiovisuel. La RTBF, Radio télévision belge francophone, est une sorte de France-Inter en pire, où 250 journalistes, tous de gauche, sont obsédés par le réchauffement climatique, la dysphorie de genre, l’extrême droite imaginaire et… la cause palestinienne. Le soir du massacre des innocents juifs, le 7 octobre, le journal télévisé interroge François Dubuisson, professeur en droit international à l’Université libre de Bruxelles, une université de tradition anticléricale créée par la franc-maçonnerie et qui défendait jadis le libre-examen, soit le refus de tout dogme. Pour ce spécialiste, le Hamas a voulu simplement « rompre les lignes ». Il critique au passage le Premier ministre belge, Alexandre De Croo, qui, comme tous les dirigeants d’Europe, a condamné sans équivoque l’attaque aveugle du Hamas sur X (ex-Twitter).

De Croo pécherait par « manque de contextualisation », à entendre Monsieur Dubuisson. Alors qu’aucune condamnation ne sortira de sa bouche, « il fau[drait] rappeler que les illégalités (sic) sont commises au départ par Israël, qui maintient un blocus militaire à l’encontre de Gaza depuis 16 ans, ce qui est équivalent à une agression en droit international », précise M. Dubuisson. En face, le présentateur, Laurent Mathieu, tel un stagiaire, apporte, pour toute contradiction, un « éclairez-moi ». Le professeur aurait pu alors rappeler, par exemple, qu’Israël a retiré de Gaza, unilatéralement, depuis 2005, l’ensemble des 8 000 « colons ». Que le Hamas a éliminé ses opposants politiques notamment les cadres du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas. Ou que l’organisation islamiste, financée par la théocratie iranienne qui a récemment massacré sa jeunesse, fait régner la terreur sur la bande de Gaza. Mais il ne faut pas trop y compter. Un expert neutre ? Dubuisson est en fait formateur en « apartheid israélien » et conseiller de BDS (boycott Israël)[1]. Est-ce vraiment le candidat parfait, pour commenter le pogrom de la rave party dans le sud d’Israël qui a fait 200 morts ?

Unique en Europe

Le lendemain, on a droit, toujours à la RTBF, à l’inénarrable Alain Gresh, ancien du Monde Diplomatique et journaliste à OrientXX1.info, qui relativise la nature « terroriste » du mouvement palestinien Hamas, pourtant inscrit comme tel sur la liste de l’Union européenne. « Écoutez, l’utilisation du mot terroriste me semble abusif » avance le journaliste. Jean Quatremer, spécialiste Europe pour Libération, s’en est indigné : « Fascinant de voir le nombre d’islamo-gauchistes invité par la RTBF, de Dubuisson à Gresh, ce dernier estimant sans surprise qu’il est abusif de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. On n’est jamais déçu par le service public belge francophone. »

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Les deux séquences ont provoqué de trop rares réactions dans la sphère politique belge. Le Mouvement réformateur (centre-droit), qui siège au conseil d’administration de la RTBF, réclame des explications. Son président, Georges-Louis Bouchez, affirme : « La RTBF n’a pas invité un expert pour traiter du conflit israélo palestinien lors de son JT, mais bien un militant pro-palestinien. C’est bien évidemment le droit de Monsieur François Dubuisson de l’être, mais que dire de la déontologie de la chaîne publique ? Des explications sont nécessaires. » Georges Dallemagne, du parti Les Engagés (centriste), ancien médecin d’Handicap International et témoin de nombreux autres massacres dans l’histoire récente, a tweeté : « C’est abject. Israël subit le plus vaste attentat terroriste au monde depuis le 11 septembre, avec une cruauté inédite (même des enfants battus, filmés pour terroriser leurs parents) et la RTBF invite un ‘expert’ qui justifie ces monstruosités. Unique en Europe. »[2] Pressée de toutes parts, la RTBF présente de pâles excuses le lundi, tout en essentialisant la communauté juive qui serait la seule choquée[3].

Quelques jours plus tard pourtant, rebelote au pays du surréalisme, Koert Debeuf, « expert » du Moyen-Orient affirme : « Bombarder Gaza en représailles aux attaques du Hamas, c’est comme si l’armée belge décidait de bombarder Molenbeek suite aux attentats terroristes du 22 mars. » Grotesque comparaison ! Mais au moins reconnaît-il indirectement que le Hamas est bien terroriste. Contrairement à la présidente de la Chambre des Représentants, Eliane Tillieux (Parti socialiste), interrogée par Martin Buxant (RTL-TVI) qui est incapable de qualifier convenablement les attentats barbares du Hamas. M. Buxant lui demande : « Mais les terroristes, ce n’est pas Israël, c’est le Hamas ? Qu’on se comprenne bien ? » Réponse : « Écoutez, à partir du moment où il y a atteintes au droit international de part et d’autre. Je ne sais pas où (sic) nous devons qualifier les attaques de terroristes, mais globalement les atteintes au droit international sont à combattre… » Les Ecolo-J (la jeunesse du parti écolo), eux, marchent carrément à côté de manifestants criant « Israël Assassin ». Le 11 octobre, la FGTB (syndicat socialiste) se retire in extremis d’une manifestation pro-Hamas. Quel contraste avec la Flandre où Bart De Wever, maire d’Anvers, clame : « Il n’y a qu’un seul camp à choisir, c’est celui d’Israël », et hisse le drapeau israélien au sommet du château médiéval Het Steen.

Drague du vote musulman

Comme La France Insoumise, la gauche wallonne est engluée dans le communautarisme, se partageant notamment à Bruxelles les Arabo-musulmans (PS), les Turcs (Ecolo) et les Africains (Les Engagés). Les élections législatives fédérales (et régionales), qui auront lieu en même temps que les élections européennes, ravivent peut-être l’appétit de bien des hommes politiques. Surtout que le PTB (Parti des travailleurs belges, communiste), qui refuse de condamner le Hamas, est déjà crédité de 20% des voix et taraude le Parti socialiste…

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Mais le problème dépasse donc largement ce simple clientélisme électoral. Il n’existe plus guère de réel contre-pouvoir, en Belgique francophone. En France, la gauche laïque (Parti communiste, Parti socialiste et évidemment gauche macroniste) a condamné sans concession la barbarie du Hamas. Les compromissions de LFI avec le Hamas sont finalement isolées et suscitent bien des réactions scandalisées, d’autant que droite et droite nationale sont désormais invitées sur les plateaux de télévision dans l’hexagone et y assurent un pluralisme véritable. En Belgique, rien de tel. Et le poids électoral lilliputien de la communauté juive au regard de la population (35 000 âmes sur 12 millions d’habitants) explique aussi pourquoi la cause palestinienne y est érigée en véritable passion : elle vous range dans le camp du Bien et vous assure un confortable matelas électoral. L’excellent média juif, Regards, parle à cet égard d’ « antisionisme empathique ». C’est lors de la deuxième intifada que le narratif anti-israélien s’est véritablement installé au pays de Magritte. Les invités sionistes ou pro-israéliens étaient alors quasi-absents des médias. Les experts sont toujours pro-palestiniens, qu’ils soient belges ou français, d’Alain Gresh à Pascal Boniface. On a droit aussi, un peu partout, à une série impressionnante de Juifs « honteux », antisionistes, ou encore à l’inévitable Union des Juifs progressistes de Belgique, qui taxe Israël d’« apartheid » à son tour.

Dans ce maelström anti-israélien surnagent le courageux Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, le blogueur Marcel Sel et l’ancien soutier du Parti socialiste, Merry Hermanus. Observateur averti de la Belgique, Jean Quatremer, déjà cité plus haut, observe finalement sur Twitter de manière assez désabusée que « le festival de la gauche francophone belge se poursuit. En fait il n’y a que les libéraux du MR pour sauver l’honneur de ce pays en voie d’évaporation… »

Sur la nouvelle question juive

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[1] https://www.association-belgo-palestinienne.be/%C3%A9v%C3%A8nement/bds-un-pas-vers-lavant-entre-liberte-officielle-et-repressions-officieuses

[2] https://twitter.com/GLBouchez/status/1710915724523221404

[3] « C’est vrai qu’il n’a pas été rappelé dans cette interview précisément que le Hamas est sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Cela avait été dit précédemment, dans ce même JT, mais cela n’a pas été rappelé dans cette interview. Cela a suscité une émotion vive au sein de la communauté juive (sic). Évidemment, nous le regrettons. Ce n’était pas notre intention. La RTBF qualifie les actes du Hamas de terroristes. »

« Le Consentement »: l’emprise en gros sabots

Le film tiré du récit de Vanessa Springora sur sa relation toxique, quand elle avait 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, film que la plus grande partie de la presse descend en flammes, est-il si mauvais que ça ?


Mon officier traitant chez Causeur, m’a lancé il y a trois jours : « Je vous mets au défi de nous écrire cette semaine un truc passionnant qui ne parle pas d’Israël et de Gaza ! Pourquoi pas le film sur Matzneff ? » (Entretemps, un islamiste a assassiné un enseignant à Arras — l’actualité va parfois très vite, et une horreur se substitue à une autre… Quand nous aurons compris qu’on ne négocie pas avec des fous de Dieu, nous aurons fait un grand pas.) Je résiste rarement à une provocation du genre « t’es pas cap’ ». Mais là, j’avais été échaudé au préalable. Une amie, qui connaît bien Matzneff, était allée voir Le Consentement, et en était ressortie horrifiée : « Le pire navet que j’ai jamais vu au cinéma ! C’est très mauvais, sans aucun intérêt, glauque, morbide, une caricature grossière. Rouve est très laid et sans aucune élégance : il ne suffit pas de se raser le crâne pour ressembler à Matzneff. Quelle pauvre tache ce type ! Et la réalisatrice qui se croit obligée de faire boire du lait (pour la croissance !) à la pauvre Vanessa pour bien montrer qu’elle est une petite fille ! C’est morbide, extra glauque. Aucun moment de plaisir, de beauté. Aucune culture. Rien. Pathétique. Je m’attendais à un navet, mais pas à ce point quand même… »

Surjeu

On conviendra que c’est assez peu incitatif. J’ai consulté la presse, et les critiques étaient du même tonneau. Ainsi Alexandre Janowiak dans Ecran large trouve que le film de Vanessa Filho « souffle le chaud et le froid en permanence » — bref, c’est un film à l’eau tiède. Maya Boukella, dans Madmoizelle, constate, avec lucidité et perspicacité : « Fille de Kên Higelin, petite-fille de Jacques Higelin et nièce d’Izïa Higelin, Kim Higelin signe ici son premier rôle dans un long-métrage. La question n’est pas tant de savoir si la comédienne de 23 ans joue bien ou non : le problème est que l’on voit immédiatement qu’elle a été dirigée pour faire une performance choc qui lui fasse gagner un César de l’espoir féminin. Au fil des scènes, on a presque l’impression d’entendre la réalisatrice lui souffler : « Touche ton visage comme dans un clip, fais vraiment morver ton nez, cligne d’abord de l’œil droit puis du gauche quand tu regardes Jean-Paul pour que l’on sente qu’il te trouble. » En bref, on tombe immédiatement dans un surjeu auquel on a du mal à croire. »


D’autant que ça se voit, qu’elle a 23 ans et pas 14. Comme elle passe une bonne part du film à moitié nue (amis voyeurs, c’est pour vous), on le constate de visu, des seins de jeune femme ne sont plus des boutons de rose de gamine. Il n’y avait donc aucune actrice post-nubile disponible ? Dans Lolita (1962), Kubrick avait avec Sue Lyons une gamine de 16 ans qui jouait avec une force incroyable — mais bon, c’était Kubrick. Kim Higelin, disons-le crument, est nulle. Elle a de surcroît un physique ingrat qui entre en conflit avec les déclarations enthousiastes du séducteur, qui la trouve belle, si belle…
Et c’est d’autant plus terrible que Jean-Paul Rouve, qui joue Matzneff sans avoir un doigt de la beauté vénéneuse de l’écrivain, joue magnifiquement — tirant le personnage vers un aspect diabolique. Et après tout, Satan est le Séducteur par excellence — parlez-en à Eve… Si bien que lorsque la jeune fille est à l’écran, on soupire en attendant que le vrai héros revienne. Et lorsqu’ils sont ensemble, on ne la voit plus, tant Rouve mange l’espace.

Si bien que l’on en arrive à ne plus la plaindre : quand on apprend qu’elle a un hymen renforcé (ça arrive) que le Séducteur ne parvient pas à ébrécher et dont seul le bistouri d’un gynécologue viendra à bout, et que Rouve / Matzneff lui explique donc qu’il est d’autres voies par lesquelles elle peut le rendre heureux, on ne compatit guère à son expérience de la sodomie, tout comme on ne la plaint guère de devenir — dit-il — une reine de la fellation. Et que voulez-vous donc faire à un homme que vous aimez, mesdames ?

Téléfilm longuet

Parce qu’elle l’aime, le vilain monsieur. Elle le crache au visage de sa mère, alcoolique et dépassée (Laetitia Casta, impeccable elle aussi), elle le prouve au fil de missives enflammées (heureuse époque où les gamines ne cloutaient pas leurs lettres d’amour de fautes d’orthographes inacceptables), elle l’explique à sa copine. Et on comprend qu’elle l’aime : Matzneff / Rouve est un maître du langage et un expert ès pénétrations anales, petits garçons inclus. En face, Vanessa / Kim, qui nous est présentée comme une très bonne élève, férue de lectures de qualité, ne démontre guère qu’elle a un QI au-dessus du niveau de la mer : elle est si nulle qu’on finit par ne plus la plaindre, ce qui est quand même un tour de force.

Co-production Canal + et France Télévision, Le Consentement agrémentera sans doute bientôt votre petit écran — il est filmé en conséquence, c’est un téléfilm longuet : 118 minutes, c’est au moins 20 de trop. La réalisatrice a cru bon de le saturer de signaux répétitifs : Matzneff décore son studio de photos d’Alice Liddell, l’égérie mineure de Lewis Carroll ; il emmène sa jeune maîtresse à l’opéra pour assister à une représentation de Don Giovanni, fatalement — et on réentendra plus tard l’ouverture de l’œuvre. Bref, c’est un film en surpoids, alors même que son propos est fort mince : un prédateur, serial niqueur de son propre aveu, et qui le raconte avec une ingénuité perverse chez Bernard Pivot, abuse d’une toute jeune fille qui est absolument d’accord pour s’abandonner à sa tentation. C’est très mal, l’homme de haute moralité que je suis s’en indigne vertueusement. Et le film de Vanessa Filho, exception faite de la performance de Jean-Paul Rouve, est très mauvais.

Le Consentement

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Brummell, le patron des dandys

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George Bryan Brummell (1772-1840) est resté dans l’histoire comme le fondateur de cette manière de vivre si spécifique et si originale qu’on appelle le dandysme. Tout le monde sait, ou croit savoir ce que recouvre cette dénomination. En réalité, il faudrait presque s’y reprendre à plusieurs fois, avant de définir convenablement ce qu’est le dandysme, un art impeccable de s’habiller, sans doute, mais pas seulement.


Dans le livre qu’il consacre à ce phénomène, George Brummell, Dandy, saint et martyr, Henry Rey-Flaud tente de réunir tous les paramètres complexes ayant guidé l’existence de celui qui, malgré une fin de vie désastreuse, aura porté le flambeau de l’extravagance jusqu’à ses extrémités les plus radicales.

Un modèle pour Baudelaire et Barbey d’Aurevilly

Brummell a mis tout son art dans sa propre vie. Henri Rey-Flaud note bien que, tout de suite après sa mort, survenue à Caen où il s’était exilé et a connu l’extrême misère et la maladie, Brummell fit l’objet de l’intérêt de deux grands écrivains français, pour lesquels le dandysme fut un objet de fascination. D’abord Barbey d’Aurevilly, qui écrivit un petit opuscule extraordinaire, Du dandysme et de George Brummell, en 1845, et ensuite, bien sûr, Baudelaire, qui aborda la question dans des pages décisives, recueillies dans le volume Le Peintre de la vie moderne, en 1863.

A lire aussi: Sylvia Plath: le mal de vivre comme œuvre d’art

On assista, dès lors, en tout état de cause, au défilé littéraire d’une longue cohorte d’écrivains, qui reprirent le mythe du Beau Brummell en s’y immergeant complètement, jusqu’à créer des personnages de dandys dans leurs romans, comme le Lucien de Rubempré de Balzac ou le Dorian Gray d’Oscar Wilde. Les deux textes de Barbey et Baudelaire restèrent la pierre angulaire pour se faire une idée du dandysme – d’autant plus qu’eux-mêmes, insistons sur ce point, étaient aussi de véritables dandys dans leur existence, comme ils l’ont montré.

Être un dandy

Il faut sans doute être un dandy pour écrire sur le dandysme, avec le maximum d’authenticité. Sinon, je crois qu’il est difficile d’y arriver. Moi-même, qui écris cet article, n’étant probablement pas un dandy, je suis pris d’un grand doute – et c’est pourquoi j’appuierai mon propos sur mes réminiscences de lectures de Barbey et de Baudelaire, auteurs en qui j’ai une parfaite confiance. Henri Rey-Flaud, lui non plus, n’est pas un dandy, car un dandy n’a pas de profession, sauf d’en être un. Henri Rey-Flaud est de fait universitaire, et son livre néanmoins fourmille d’éléments intéressants, malgré les réserves qu’il se croit permis de formuler ici ou là sur Barbey ou Balzac. Comme s’il fallait à tout prix imposer une vision monolithique du dandysme ! D’ailleurs, au début de son ouvrage, Henri Rey-Flaud admet bien que le dandysme est ce « kaléidoscope aux facettes si nombreuses, variées et contradictoires qu’il était pratiquement impossible de dégager une unité ou même simplement un fil directeur dans ce chatoiement ». Et, ainsi, Henri Rey-Flaud nous présente un panorama assez complet de la question autour de Brummell, tâchant de nous faire comprendre l’essence cachée du dandysme.

PUF / 2023

L’art du rien absolu

Être un dandy, c’est d’abord une certaine façon d’apparaître au monde, hors des sentiers battus. Le vêtement y a donc une importance cruciale, mais pas celle que l’on croit généralement. Toute excentricité est bannie. « L’intention de Brummell, écrit Henri Rey-Flaud, sera précisément d’effacer tout ce qui pourrait relever du détail de la toilette, susceptible d’être repris et reproduit par les élégants, afin de conduire un projet inédit. » Ce qui fera dire à Barbey : « On peut être Dandy avec un habit chiffonné. » Il n’est que de voir notre cher Paul Léautaud, que j’ai toujours placé pour ma part parmi les vrais dandys, aux côtés de Charles Bukowski. De son côté, Balzac écrira : « Ce n’est pas tant le chiffon en lui-même que l’esprit du chiffon qu’il faut saisir. » Il y a dans le dandysme un idéal éthique et esthétique, s’ordonnant mystérieusement dans le silence et la disparition ou l’effacement. C’est plus que l’art de la négligence (la fameuse « sprezzatura »). Le dandysme, au fond, c’est littéralement l’art du rien. Un désœuvrement interminable. Pour Henri Rey-Flaud, Brummell est finalement ce bloc d’abîme mallarméen : « Ainsi s’emploie-t-il en permanence, écrit-il, à un procès de soustraction qui vise à obtenir le pur effacement de lui-même réduit au cœur insaisissable de son être. » Bref, dans le personnage de Brummell, toute subjectivité est liquidée. Le pathos a vécu. 

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Henri Rey-Flaud ne nous épargne pas la fin de Brummell, poursuivi pour dettes, et achevant son existence loin de son monde. Le créateur du dandysme a néanmoins encore beaucoup à nous dire aujourd’hui, à travers Barbey, Baudelaire et d’autres encore, comme peut-être Simon Liberati qui a récemment préfacé, avec une grande affinité, une nouvelle édition de Du dandysme et de George Brummell de Barbey en 2008, que je vous recommande. Comme quoi, à travers les âges, la figure culte et paradoxale de Brummell continue d’être une référence morale toujours indispensable. On ne s’en plaindra pas, pour égayer notre spleen baudelairien.

Henry Rey-Flaud, George Brummell, Dandy, saint et martyr. Éd. PUF.

George Brummell, dandy, saint et martyr

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Jules Barbey d’Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell. Présenté Par Simon Liberati. Les éditions de Paris Max Chaleil, 2008.

Du Dandysme et de George Brummell

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Il faut sauver le soldat hellène!

Une envie soudaine d’un Grec ? Une petite faim de gloire ? Affamés de la civilisation hellène, vous voilà servis : la terre des dieux inspire, dans notre époque barbare, nombre d’œuvres susceptibles de ressusciter le temps des prouesses et de réveiller les aèdes…


Alors que nous l’avons longtemps laissé décrépir, le grec revient à la mode. On en consomme avec modération, mais le pli se durcit. De la BD Kleos (Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse) sortie en totalité au mois d’avril, au roman Reflet du roi mourant (Nicolas Texier) en passant par la méthode pas-du-tout-Assimil-mais-bien-mieux Grec ancien express (Caroline Fourgeaud-Laville), les frustrés de l’hellène peuvent reparcourir (ou découvrir sans complexe !) les terres d’Ulysse et d’Achille. « Ô Auteurs, racontez-nous les hommes… » disait presque Homère…

Puissance des mots

Car la mythologie grecque n’a rien perdu de sa superbe, ses « mots ont une puissance » (Nicolas Texier). La gloire guerrière est devenue une chimère autour de laquelle cristallise chaque lecteur, comme Philoklès, anti-héros bovaryste de Kleos. Il sait que « les chants des aèdes sont menteurs, et que la bataille est moins le champ où se moissonnent les prouesses, qu’une plaine puante et morbide où les Kêrès se régalent des plaies, des agonies et des humiliations » (Nicolas Texier). Mais il se laisse embarquer dans « ces fables insensées que les enfants se racontent pour enchanter leurs jeux et rêver en secret ».

Rien n’est comme avant, mais tout peut se reconstruire. Nicolas Texier, dans son roman, ne cherche pas à recomposer une geste comme l’Odyssée ni comme l’Iliade ; il en transforme les codes pour les réadapter à notre époque : son guerrier n’a pas de peau de lion — nous avons désenchanté à jamais Némée — mais c’est avec une peau de léopard qu’il habille le roi de son histoire, comme un reflet flou de ce que nous pourrions être. Et à ceux qui n’aiment pas le léopard, vaut-il mieux être nu, quand l’hiver mythologique, la nécessité d’une union mythique, se rapprochent à grand pas ? Il n’a pourtant jamais été aussi simple de s’intéresser à ce qui fut, « l’ionien-attique… fleurissant les stèles, les céramiques et les papyri » (Caroline Fourgeaud-Laville) n’a qu’à s’implanter sur nos tablettes, qui fondent bien moins facilement qu’à l’époque…

Code mystérieux

Le grec, parce qu’on a laissé oublier sa langue, est devenu un code mystérieux qu’il est urgent de se rappeler, parce qu’il donne « les rouages de notre pensée d’aujourd’hui » (Caroline Fourgeaud-Laville). L’alpha et l’oméga ne sont pas qu’un tatouage à arborer luisant d’ambre solaire. Ils sont l’organisation des Cités-États quand nos instances dirigeantes semblent trop lointaines, quand certains d’entre nous ont une conception aléatoire des droits du citoyen tout autant que ses devoirs. En un mot : notre alphabet civilisationnel. Ils sont cette sagesse dont narcissiquement nous avons fait fi, en prenant de haut ces histoires où « les Dieux rôdaient sur terre » et où les fourmis devenaient des hommes sous le nom de Mirmidons. Le succès des émissions de Pierre Judet de la Combe rappelant la brillante série d’Arte « Les grands mythes » atteste du goût des Français pour ce passé mythologique. L’amour de notre présent a trop longtemps « [dérobé] à nos yeux nos reflets ». Philoklès se cherchant dans les œillères vides d’un heaume à la manière d’un Hamlet déraciné est tout aussi orphelin de mythes que nous le sommes et sans le grec ancien, c’est le crash culturel express qui nous attend.

Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse, Kleos, Bamboo, mai 2023, 136 p.

Nicolas Texier, Reflets du roi mourant, Les Moutons électriques, septembre 2023, 368 p.

Reflet du roi mourant

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Caroline Fourgeaud-Laville, Adrien Besson, Dorian Flores et Djhor, Grec ancien express, La Vie des classiques, août 2023, 308 p.

Oh mon donjon!

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Dans une échappée littéraire, à la fois romantique et fantastique, publiée au Mercure de France, Antoine Gavory a sélectionné des textes d’écrivains qui nous parlent des châteaux, de leur onde féérique ou maléfique.


Quel déshonneur d’être né dans un village ne possédant pas de châteaux ! Infamie impardonnable pour l’enfant berrichon que j’étais. Partout ailleurs, sur la route Jacques Cœur, presque toutes les cités s’enorgueillissaient d’une bâtisse flanquée d’une tour ou d’un jardin à la française, d’un parc arboré ou de meurtrières assassines, d’un prince généreux ou d’un marquis peau de vache. Et chez moi, rien que la litanie des habitats anonymes, pavillons défraîchis et matériaux sans noblesse, large étendue des classes moyennes en voie de décrochage, pas une douve à l’horizon, même pas une histoire sordide ou terrifiante à raconter à la veillée aux enfants turbulents sur des seigneurs forcément monstrueux.

Une France qui a de l’allure

Les châteaux sont le drapé de la France, le manteau d’hermine des terres hostiles, la joliesse des bourgs sans caractère, l’identité des départements abandonnés, les éperons d’un pays qui n’a pas encore succombé à la bétonnisation et aux folles éoliennes. Sans leur présence, la France perdrait son allure et son mystère, peut-être aussi une part de son histoire littéraire. Car, le château est le meilleur allié ou ennemi de l’écrivain, il y fixe sa narration, s’en sert de punching-ball pour exprimer sa rage sociale ou s’adosse à lui pour se laisser porter par la rêverie, se souvient d’une belle endormie à l’ombre de l’adolescence ou d’un plafond de verre où se heurtent les ambitions des Hommes mal nés. Le château est le pompon du manège, son attraction est telle que les gagnants du loto y succombent dès leur premier achat, avant même la voiture de sport allemande ou ce camping-car américain long comme un yacht monégasque. Il condense nos frustrations et creuse notre enracinement. Il est aussi une affaire d’État sensible. Stéphane Bern veille sur lui.

A lire aussi, du même auteur: Derrière les Ombres Blanches

On adore détester les propriétaires de belles demeures tout en enviant leur train de vie, supposé somptuaire et déviant. Notre égalitarisme ne le supporte pas. Le château, persistance de l’Ancien Régime, corolle de la paysannerie, couronne d’aubépines que les révolutions n’ont pas réussi à enflammer, vient rompre la monotonie de certains paysages. Même les trous dans les toitures sont l’objet d’une indemnisation complexe et houleuse, un système d’aides qui révèle la versatilité d’une administration, hésitant entre la carotte et le coup de bâton. Enlevez les châteaux et c’est tout un patrimoine qui se meurt ; le roman, la poésie, le conte, la fable, le polar ou l’uchronie ne se relèveraient pas d’une telle amputation. « Peut-être parce qu’il est l’incarnation du triomphe, du rêve et que plus que tout autre construction humaine, il donne à l’imaginaire une nourriture inépuisable : qui n’a pas rêvé d’un château ? » avertit Antoine Gavory dans son introduction.

Tapisserie millénaire

Toujours inspiré dans ses recherches pour la collection « Le goût de… » au Mercure de France, le Nivernais nous surprend par sa sélection originale, il n’a pas enfilé un heaume pour piocher à l’aveugle dans les sources de la littérature. Ce disciple d’Alphonse Allais est libre. Il refuse le scolaire et le prévisible ; il ne se contente pas de compiler à la va-vite les très (trop) nombreux auteurs qui ont écrit sur le sujet, il emprunte les chemins de traverse, s’amuse des cohabitations étonnantes, on trouvera aussi bien Jean Nohain que Charles Péguy, Houellebecq que Jean d’O, Jules Verne que Julien Gracq. Son goût des châteaux aux inspirations ligériennes, se savoure, à la fainéante, une main sur le volant d’une Peugeot 204, l’autre à l’air libre, ballotée par les vents, sur une route bordée de platanes, en ce début d’automne ou, au milieu des vignes, à Pouilly ou à Saumur, dans un coin de France qui n’a pas tourné le dos à sa singularité.

Avec Gavory, la province n’est pas honteuse, elle n’avance pas masquée, on loue ses vertus et la dentelure de ses créneaux. Et puis, quel plaisir, de lire ces quelques lignes d’Yves Charnet, l’enfant terrible de Nevers : « Votre manoir est devenu le musée d’une imposture grandeur nature. Les murs secrètent leurs secrets de famille. Je songe à ces mensonges dont toutes les fondations sont rongées ». Comment rester insensible au Grand Meaulnes, ce frère de lait et l’évocation subliminale de l’Abbaye de Loroy, songe de mon enfance, à la veine pamphlétaire de Claude Tillier, l’écorché de Clamecy ou à la défense de Versailles portée en étendard par Guitry. De Saint-Fargeau au château de la Buzine qui a créé la polémique cet été, Gavory promène son érudition et nous dévoile une tapisserie millénaire.

Le goût des châteaux – Mercure de France – Textes choisis et présentés par Antoine Gavory

Coup de rouge

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


J’ai donné rendez-vous ici même, le mois dernier.

Comme on fait son entrée en solitaire dans un saloon en terre inhospitalière, après avoir bouffé la poussière des plaines arides du far west médiatique, je m’approche de la table de Calamity Jane-Lévy pour lui parler des « angoisses » qui nous empêchent de vivre en paix.

Entourée de sa bande de vieux loups efflanqués et de jeunes coyotes à la gâchette agile, elle lance : « Laissez-le avancer, c’est un Peau-Rouge qui vient de la Fête de L’Huma, je le connais, on se calme… » Au fond de la salle, Robert plante des banderilles dans un poster géant de la Fiat 500 du pape François pour empêcher son ascension de Notre-Dame-de-la-Garde. « Chariote du diable ! » hurle Nadine. À l’étage, Geoffroy à l’harmonica et Charlotte au banjo interprètent Les Lacs du Connemara. Marion observe Jordan. Trop tôt pour partager une danse country, mais pourquoi pas dans quelques années ? Dehors, entre chien et loup, Marine s’adresse à Éric : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses » (Le Bon, la brute et le truand). Alors Éric creuse.

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Je suis venu vous dire ce qui me semble être l’essentiel. Ce qui ne peut pas être négocié. L’identité vous obsède et, trop souvent, elle devient l’instrument de vos angoisses, de vos peurs, de vos détestations. L’identité n’est plus alors une indispensable altérité. Elle isole. Elle assigne à résidence. Elle enferme les uns et les autres. Vous allez me répondre : « Mais nous risquons de mourir ! » Oui, si vous restez dans ce saloon où l’air peut devenir irrespirable.

Et puis, tiens, j’en profite, puisque l’heure est à la franchise. Un être humain n’est pas fait d’un seul bloc. Il est d’une magnifique complexité avec des contradictions et des paradoxes. C’est parfois même un véritable fouillis, un labyrinthe. Alors pourquoi vouloir nous définir de plus en plus étroitement, par exemple sur le seul critère religieux ? Pourquoi ce rétrécissement ? Pourquoi, comme l’écrit magnifiquement Salman Rushdie, vouloir « comprimer notre personnalité multidimensionnelle dans le corset d’une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique, tribale ou religieuse » (Langages de vérité, Actes Sud) ?

Cette complexité n’est pas un danger. Elle est même une richesse inestimable. Il nous faudrait la décortiquer pour mieux l’apprécier. Heureusement, tout n’est pas frappé d’aridité. On trouve dans la littérature d’hier et d’aujourd’hui, comme au cinéma, de belles façons de traiter nos êtres paradoxaux (L’Été dernier, Anatomie d’une chute, Toni en famille).

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Une dernière angoisse vous concernant ? Rassurez-vous, j’ai aussi les miennes. La nuit dernière, un très vilain cauchemar : une parlementaire insoumise comparait Roussel à Doriot. Je me suis réveillé en sale état. J’ai allumé la télé… et suis allé me recoucher.

Dehors, en creusant, Éric est tombé sur une tablette d’argile avec le plus vieux récit du monde, L’Épopée de Gilgamesh.

Un récit qui invite à la sagesse.

Rugby: à un point du rêve…

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Antoine Dupont, Stade de France, 15 octobre 2023 © John SPENCER/SIPA

Le XV de France s’est incliné hier face à l’Afrique du Sud, et la France est éliminée du mondial organisé sur son sol. La fête est finie… Mais le pays n’avait déjà plus la tête à ça, ayant des problèmes plus graves à régler.


29 à 28. Il n’est pas possible de laisser de côté la défaite de l’équipe de France face à l’Afrique du Sud. Pour un malheureux, un terrible petit point. Je n’ai pas envie, avec l’irresponsabilité que vous donne le droit d’être un amateur, un sportif en chambre, de cibler les raisons du fiasco de la veille, dans la tranquillité si déçue du lendemain. D’abord, se garder de toute volte, de tout changement d’humeur et d’admiration. Il serait malséant de cracher sur ce qu’on a adoré et qui demeure louable. Cette belle équipe de France et ce magnifique monde du rugby demeureront dans notre cœur. Il existe un futur pour eux. Et pour tous les passionnés que nous sommes. Certes, on peut se faire mal en évoquant le jeu légèrement en dessous, malgré l’exceptionnel Antoine Dupont, de quelques-uns des talents emblématiques de cette équipe : Damian Penaud, Matthieu Jalibert, Thomas Ramos notamment. On a le droit de s’étonner de ces trois essais en première mi-temps sur des balles hautes tactiques de l’adversaire, mal gérées par la France sans doute à cause d’un stress qui a réduit l’habileté habituelle de nos receveurs. Il est évident que les Boks ont remarquablement préparé ce match dans les moindres détails. Sans avoir jamais sous-estimé la France et en imposant à celle-ci un redoutable défi physique.

Les trois essais que notre équipe a réussi à marquer en riposte immédiate, également en première mi-temps, ont montré à quel point nous n’étions pas débordés, dépassés mais à la hauteur : l’Afrique du Sud n’avait jamais encaissé trois essais en si peu de temps. Comment aussi ne pas songer à cette déprimante ironie du sport, à cette imprévisibilité exaspérante lors des matchs qui sont perdus d’un rien, de justesse, j’allais écrire : de justice ? Quand Ramos s’apprête à transformer un essai, le trois-quarts sud-africain Cheslin Kolbe s’avance pour contrer son tir, il en a le droit mais sans doute est-il parti trop tôt, ce qui aurait dû le faire sanctionner. Quand une pénalité de l’irréprochable buteur qu’est Ramos touche la barre, trois points de gâchés, cinq si on ajoute l’épisode précédent, le score en aurait été évidemment modifié, et la victoire de la France assurée.

Le capitaine de l’équipe de France Antoine Dupont a délicatement mis en cause l’arbitrage et on peut d’autant plus faire fond sur sa critique qu’il a toujours été exemplaire sur le terrain et n’a jamais adopté le registre de la revendication permanente. Toujours est-il que, le 16 octobre, la fête est finie. Parce que nous étions à un point du rêve et que le destin ne nous a pas choisis. Qu’importe, l’avenir est ouvert.

On ne les a pas entendus scander «Jewish Lives Matter»

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Une femme avec un drapeau israélien devant des photos de disparus, Tel Aviv, 15 octobre 2023 © Ilia Yefimovich/AP/SIPA

Les personnalités françaises du sport ou du showbiz, souvent promptes à s’indigner devant les injustices, font le service minimum concernant les massacres en Israël. Le footballeur expatrié, Karim Benzema, par exemple, pleure les enfants gazaouis comme tout le monde mais n’a pas un mot pour les victimes juives.


Depuis samedi 7 octobre, les images insoutenables des attaques du Hamas nous parviennent, révélant l’étendue du massacre perpétré méthodiquement par les terroristes islamistes contre le peuple israélien. Une violence brutale, sanguinaire et barbare s’est abattue sans distinction sur des innocents, des hommes, des femmes, des jeunes et des vieillards, des enfants et des nourrissons. Comment ne pas être saisi d’effroi devant un tel déchainement de sauvagerie qui, hélas, n’est pas animale mais bien terriblement humaine ? Les animaux sauvages, eux, tuent pour se nourrir. Les assassins du Hamas ont traqué, torturé, démembré, brulé vif, massacré des Israéliens, ceux qu’ils considèrent comme des mécréants à abattre, des ennemis à exterminer. Ils ont tué, guidés par leur haine fanatique, et se sont adonnés au pire en y prenant du plaisir. En témoignent les films de leurs tueries.

Omar Sy trop occupé par sa promo Netflix?

Pourtant, en France, devant l’horreur, des polémiques ont surgi en lieu et place de l’union fraternelle avec le peuple israélien. Et comme l’écrit Elisabeth Lévy, hélas, « c’était prévisible, dès les prémices de la riposte israélienne contre le Hamas, l’opinion des foules sentimentales occidentales a commencé à tourner. Les images de guerre d’aujourd’hui effacent les images de pogroms d’hier. » On en oublie presque que parmi les 1 400 victimes, 19 à ce jour sont françaises. Où sont les parterres de bougies, les ballons, les cœurs, les nounours place de la République, devant la Tour Eiffel ou place de la Nation ?

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Où sont les pseudo-féministes, toujours alertes pour dénoncer la domination phallocrate et la masculinité toxique lorsqu’il s’agit de barbecue, de steak ou de la répartition des tâches domestiques mais qui sont muettes devant les viols ou les massacres à bout portant, devant les prises d’otages de femmes qui seront battues et subiront peut-être des viols collectifs ? Comment peuvent-elles encore s’autoproclamer féministes ?

Où est passé Omar Sy ? L’acteur préféré des Français préfère très certainement assurer la promo de la saison 3 de « Lupin », le remake complètement raté du gentleman cambrioleur plutôt que de mettre un genou à terre et signer une tribune pour dénoncer les massacres du terrorisme islamiste ? Où est le petit génie du football, Kylian Mbappé, qui ne sait pas distinguer un ange d’un petit diablotin ? Les bébés tués par les bourreaux du Hamas ne mériteraient-ils pas aussi larmes, cris de colère et le qualificatif de « petits anges » ? Où sont les pancartes sur lesquelles serait inscrit JEWISH LIVES MATTER ? Où sont les t-shirts floqués par ce cri de ralliement ? Où est le hashtag #JewishLivesMatter, qui inonderait les réseaux sociaux ? Le XV de France de rugby n’aurait-il pas pu porter un brassard noir pour nos 19 Français assassinés par les islamistes, lors des quarts de finale contre les Spring Box, ce dimanche soir ? À l’instar de la mairie de Neuilly-sur-Seine, les mairies arborent-elles le drapeau israélien comme elles l’ont fait si rapidement pour l’Ukraine ? Où est la mobilisation de l’ensemble de la société derrière Israël ?

Soutenir Israël expose les courageux aux menaces et insultes

Enfin, bien sûr, où est la fameuse mobilisation de Marion Cotillard, Yseult, Juliette Armanet, Camélia Jordana, Djamel Debbouze, Isabelle Adjani… de cette grande famille du cinéma, du monde de la culture, de la mode, au peuple israélien, à leurs morts, à nos morts ? Seules les personnalités juives du showbiz et du monde intellectuel se sont exprimées, comme s’il fallait être de confession juive pour nommer l’horreur et pleurer les morts. On notera l’exception des humoristes d’Inter Sophia Aram et Tanguy Pastureau – ce dernier recevant des messages de haine depuis son soutien public. « Pourquoi les célébrités ne s’engagent pas pour les victimes du terrorisme en Israël ? Réponse : moi qui suis si peu connu et qui l’ai fait, je reçois 500 messages/jour de haine et je perds, je le sais, une partie de mon public. C’est aussi simple que ça » raconte-t-il.

Mais la palme de la honte revient au footballeur Karim Benzema qui, dans un tweet vu 35 millions de fois, a clairement choisi un camp en dénonçant les « bombardements injustes » de Tsahal et en pleurant les Gazaouis sans dire un seul mot pour les victimes israéliennes. Cette compassion unilatérale n’a rien de surprenant pour celui qui vit en Arabie saoudite et qui a craché sur notre Marseillaise.

Notre pays est à ce point gangrené par l’idéologie islamiste, laquelle a infiltré toutes les strates de la société – comme en témoigne la hausse des actes antisémites et des atteintes à la laïcité – et la peur d’être accusé d’islamophobie musèle tellement la voix de ceux qui sont, de coutume, toujours prompts à obéir au mot d’ordre du feu Stéphane Hessel Indignez-vous, que le soutien au peuple israélien n’a pas été au rendez-vous. Jeudi soir, lors de son allocution, le président Emmanuel Macron a appelé à « l’unité du peuple français » alors même qu’une manifestation pro-palestinienne se déroulait, malgré son interdiction, place de la République, où des slogans haineux tels que « Israël Assassin » ou encore « Sionistes, sionistes, vous êtes des terroristes », ont fusé.  

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Le lendemain, Mohammed Mogouchkov, immigré fiché S pour radicalisation, tuait d’un coup de couteau Dominique Bernard, un professeur de lettres du lycée Gambetta d’Arras et blessait grièvement un autre professeur et un agent de sécurité, en criant « Allah Akbar ». Cet attentat islamiste n’est probablement que le résultat tragique de l’appel au djihad mondial lancé par le Hamas à leurs fidèles islamisés présents en Occident. En boomerang, il renvoie aux élites médiatiques et culturelles, qui nous disent quoi penser, la guerre idéologique et armée que mènent les djihadistes dans nos sociétés où nos valeurs et nos mœurs sont peu à peu attaquées par un communautarisme que notre lâcheté laisse devenir conquérant.

En visant Israël, le Hamas n’a pas seulement attaqué son ennemi juré, il s’en est pris à l’Occident dans son ensemble et à ce qu’il représente, c’est-à-dire à son bien le plus cher : la liberté. Plus que jamais, notre soutien à Israël prend autant de sens et doit être indéfectible. Réveillons-nous et soyons à la hauteur de notre grandeur passée.

Ramona Horvath ou la musique en liberté

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La pianiste Ramona Horvath. D.R.

Outre son incontestable intérêt sur le plan strictement musical, le dernier album de Ramona Horvath, « Carmen’s Karma », a le mérite d’ouvrir le champ à des réflexions plus vastes.


Le parcours de l’auteur, compositrice et pianiste virtuose, mérite qu’on s’y arrête. Née à Bucarest d’un père hongrois et d’une mère roumaine, eux-mêmes musiciens, Ramona Horvath a baigné très jeune dans une atmosphère musicale. Les standards du jazz et la musique de Duke Ellington lui furent vite familiers.

La musique clandestine

Cela n’allait pas sans risques : au temps du rideau de fer, la musique occidentale, en particulier celle qui provenait de l’Amérique honnie, était frappée d’interdit. Les cassettes des comédies musicales de Broadway circulaient sous le manteau. Quant aux émissions de jazz de Willis Connover diffusées sur la radio Voice of America, elles donnaient lieu à une écoute clandestine, sous peine de dénonciations susceptibles de lourdes représailles de la part de la Securitate. Tel était le climat dans ce paradis de la Liberté. Pourtant, en dépit des risques encourus, la maison familiale résonne de toutes sortes de musiques. Outre le jazz, qui la passionne déjà, et diverses formes musicales, la jeune Ramona, qui a entamé l’étude du piano dès l’âge de trois ans, découvre la musique classique. Au point d’entreprendre, au Conservatoire de Bucarest, des études couronnées par un diplôme de soliste.

Une rencontre providentielle

À vingt-trois ans, une carrière de concertiste classique s’ouvre à elle lorsqu’une rencontre va tout changer : celle de Jancy Korossy, pianiste virtuose américain d’origine hongroise, au sommet de sa réputation dans les années 50-60. De retour en Europe après avoir émigré aux Etats-Unis, Korossy a exercé une influence capitale sur des musiciens aussi célèbres que Vladimir Kosma, Miroslav Vitous, Joe Zawinul ou Monty Alexander, entre autres. Son aura est telle qu’elle incite Ramona, de quelque cinquante ans sa cadette, à se tourner définitivement vers le jazz. Et le maître appréciait lui aussi son émule au point de se produire avec elle en concert.

L’exil… et le royaume

Émigrée à son tour en 2010, mais en France, établie à Paris, celle-ci révèle très vite des qualités de compositrice et d’instrumentiste qui retiennent l’attention de la critique.

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« Carmen’s Karma » est son quatrième album après « XS Bird » (Black & Blue, 2015), « Lotus Blossom » (Ibid., 2017) et « Le Sucrier Velours » (Ibid., 2019). Le titre de ce nouveau disque joue plaisamment sur les assonances, évoque immédiatement l’opéra de Georges Bizet et son héroïne, cette « beauté étrange et sauvage », comme l’évoque Prosper Mérimée dans la nouvelle qui a inspiré le musicien. Si le karma est une allusion à ses vies antérieures, on mesure la richesse du personnage…

La musique n’est pas en reste. Interprétée par le trio de la pianiste comprenant Nicolas Rageau (contrebasse) et Antoine Paganotti (batterie), elle se veut une manière de synthèse entre l’univers de l’enfance, cette « vie antérieure », et celui de la maturité. Colorée, contrastée, jouant sur la variété des rythmes et des climats, nourrie de réminiscences évoquées par les titres en forme de clins d’œil (Claire de Bussy), de références plus ou moins explicites à Dvorak, Fauré, Ravel, Beethoven ou Enesco. Par-delà cette diversité, la cohésion du trio, l’émulation entre les partenaires tour à tour en valeur et l’esprit d’invention de la pianiste sont les facteurs d’une profonde unité, à quoi il convient d’ajouter un swing du meilleur aloi.

De cette réussite, il appert que le jazz, dès lors qu’il ne renie pas ses fondements pour céder aux caprices de la mode, a acquis, au cours des années, une dimension universelle. Il a fait la preuve de sa compatibilité avec les autres genres musicaux, en particulier ce que l’on nomme le « classicisme » et toute sa palette de nuances.

Autre constat, tout aussi réjouissant : si l’art en général, et pas seulement la musique, se joue des frontières, il se rit semblablement de toutes les dictatures, quelque forme que revêtent celles-ci. Les digues dressées par le totalitarisme soviétique démontrèrent, en dépit des intimidations et des mesures coercitives, leur impuissance à contenir la déferlante de la musique afro-américaine. L’Art terrassant l’hydre de la Tyrannie : beau sujet d’allégorie, propre à inspirer les sculpteurs… Et une lueur d’espoir, en notre époque de déconstruction massive.


« Carmen’s Karma », de Ramona Horvath Trio. Un CD Camille Production / Socadisc.

Sortie le 3 novembre. Concert au SUNSIDE (Paris 1er) le 18 novembre 2023 À 19H.

Les profs une fois de plus en première ligne

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Arras, 14 octobre 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

L’attaque islamiste de Mohammed Mogouchkov, vendredi, qui a coûté la vie à un professeur de lettres, Dominique Bernard, au lycée Gambetta-Carnot d’Arras, a provoqué stupeur et effroi, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine. À l’Éducation nationale, dans les collèges et les lycées, les cours sont annulés ce matin jusqu’à 10 heures, et une minute de silence est prévue à 14 heures.


Face au séparatisme, nos profs sont en première ligne. La nation française ne se décharge-t-elle pas un peu trop de ses responsabilités sur leurs épaules?

Dans quelques heures, partout en France, dans les établissements scolaires, enseignants et élèves observeront une minute de silence et rendront hommage aux deux professeurs assassinés, sacrifiés sur l’autel de l’obscurantisme djihadiste, Samuel Paty et Dominique Bernard.
Combien de leurs collègues entreront-ils alors dans leur classe les entrailles vrillées par la peur ?
Combien seront-ils à se demander comment s’y prendre, comment dire la réalité des drames sans heurter, blesser ?

Une France minée par le communautarisme musulman

Comment réagir si, ne serait-ce qu’un seul de leurs élèves venait à se dresser devant eux pour contester, refuser l’hommage et lancer les formules prêtes à cracher qu’on lui aura fourrées dans la tête et dans la bouche en guise de petit déjeuner ?

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Que feront les autres élèves, ceux qui n’en sont pas ? Et qui peut dire si la violence extrême, celle qui tue, celle qui égorge, ne frappera pas de nouveau? Fallait-il donc envoyer une fois encore les enseignants, les personnels éducatifs en première ligne? Fallait-il donc que ce soit à eux de dire l’horreur, de dénoncer l’abjection, à eux de se faire croisés, de se lever contre la barbarie qui monte? Fallait-il, en focalisant l’hommage sur ce lieu privilégié d’unité républicaine, de cohésion citoyenne qu’est l’école, dessiner une cible grossière dans le dos de ses serviteurs? Eux qui ne sont pas mieux armés pour cela que l’agneau ne l’est pour affronter le loup.

Un désastre collectif

Il me semble qu’il aurait été plus profitable, plus noble, plus courageux et sans doute plus profitable de dé-sanctuariser l’hommage hors de l’école, de décréter qu’il devrait être l’affaire de tous et appeler l’ensemble des citoyens à se réunir partout en France, dans les villes et les villages, à telle heure de la fin de la journée.

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Cela, évidemment, sous la présidence et la bannière des politiques, de tous les politiques, à commencer par ceux qui, toute honte bue, s’exonèrent de toute culpabilité en parlant d’erreur collective face au désastre qu’ils ont fabriqué.

Le président de la République invitait à l’union de la nation lors de sa dernière allocution. L’occasion de ne pas s’en tenir qu’au vœu pieux était toute trouvée avec ce jour d’hommage. Au lieu de cela, on commet la folie de tendre aux plus jeunes d’entre nous le piège de devoir se situer, de devoir surtout, se compter. Chaque classe, chaque école, chaque collège, chaque lycée de France connaîtra au soir de l’hommage l’indice de fracture avec lequel ils devront vivre, dont il leur faudra s’accommoder le reste de l’année scolaire. Et bien au-delà… Tout le contraire de l’idéal républicain de l’école pour tous. Au secours Ferry, au secours Peguy !

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Massacres en Israël: la gauche française vous agace? Attendez d’entendre la gauche belge…

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Le professeur pro-palestine François Dubuisson invité sur la RTBF. DR.

Englués dans le prêt-à-penser ou le communautarisme, médias et politiques belges de gauche ont relativisé les attaques terroristes subies par Israël.


En Belgique, la plupart des hommes politiques et des intellectuels francophones rechignent à condamner la barbarie du Hamas. Ils sont victimes du « syndrome La France Insoumise ». Le clientélisme électoral nauséabond en direction des électeurs musulmans en est l’une des raisons, mais force est de constater qu’on est face à un véritable et total effondrement moral.
En tant que centre djihadiste mondial, qui a enfanté les terroristes du Bataclan et de Zaventem, la Belgique francophone semble ne jamais tirer les leçons.

À côté de la RTBF, France inter c’est des fachos !

L’estompement de la norme commence bien sûr par le service public audiovisuel. La RTBF, Radio télévision belge francophone, est une sorte de France-Inter en pire, où 250 journalistes, tous de gauche, sont obsédés par le réchauffement climatique, la dysphorie de genre, l’extrême droite imaginaire et… la cause palestinienne. Le soir du massacre des innocents juifs, le 7 octobre, le journal télévisé interroge François Dubuisson, professeur en droit international à l’Université libre de Bruxelles, une université de tradition anticléricale créée par la franc-maçonnerie et qui défendait jadis le libre-examen, soit le refus de tout dogme. Pour ce spécialiste, le Hamas a voulu simplement « rompre les lignes ». Il critique au passage le Premier ministre belge, Alexandre De Croo, qui, comme tous les dirigeants d’Europe, a condamné sans équivoque l’attaque aveugle du Hamas sur X (ex-Twitter).

De Croo pécherait par « manque de contextualisation », à entendre Monsieur Dubuisson. Alors qu’aucune condamnation ne sortira de sa bouche, « il fau[drait] rappeler que les illégalités (sic) sont commises au départ par Israël, qui maintient un blocus militaire à l’encontre de Gaza depuis 16 ans, ce qui est équivalent à une agression en droit international », précise M. Dubuisson. En face, le présentateur, Laurent Mathieu, tel un stagiaire, apporte, pour toute contradiction, un « éclairez-moi ». Le professeur aurait pu alors rappeler, par exemple, qu’Israël a retiré de Gaza, unilatéralement, depuis 2005, l’ensemble des 8 000 « colons ». Que le Hamas a éliminé ses opposants politiques notamment les cadres du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas. Ou que l’organisation islamiste, financée par la théocratie iranienne qui a récemment massacré sa jeunesse, fait régner la terreur sur la bande de Gaza. Mais il ne faut pas trop y compter. Un expert neutre ? Dubuisson est en fait formateur en « apartheid israélien » et conseiller de BDS (boycott Israël)[1]. Est-ce vraiment le candidat parfait, pour commenter le pogrom de la rave party dans le sud d’Israël qui a fait 200 morts ?

Unique en Europe

Le lendemain, on a droit, toujours à la RTBF, à l’inénarrable Alain Gresh, ancien du Monde Diplomatique et journaliste à OrientXX1.info, qui relativise la nature « terroriste » du mouvement palestinien Hamas, pourtant inscrit comme tel sur la liste de l’Union européenne. « Écoutez, l’utilisation du mot terroriste me semble abusif » avance le journaliste. Jean Quatremer, spécialiste Europe pour Libération, s’en est indigné : « Fascinant de voir le nombre d’islamo-gauchistes invité par la RTBF, de Dubuisson à Gresh, ce dernier estimant sans surprise qu’il est abusif de qualifier le Hamas d’organisation terroriste. On n’est jamais déçu par le service public belge francophone. »

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Les deux séquences ont provoqué de trop rares réactions dans la sphère politique belge. Le Mouvement réformateur (centre-droit), qui siège au conseil d’administration de la RTBF, réclame des explications. Son président, Georges-Louis Bouchez, affirme : « La RTBF n’a pas invité un expert pour traiter du conflit israélo palestinien lors de son JT, mais bien un militant pro-palestinien. C’est bien évidemment le droit de Monsieur François Dubuisson de l’être, mais que dire de la déontologie de la chaîne publique ? Des explications sont nécessaires. » Georges Dallemagne, du parti Les Engagés (centriste), ancien médecin d’Handicap International et témoin de nombreux autres massacres dans l’histoire récente, a tweeté : « C’est abject. Israël subit le plus vaste attentat terroriste au monde depuis le 11 septembre, avec une cruauté inédite (même des enfants battus, filmés pour terroriser leurs parents) et la RTBF invite un ‘expert’ qui justifie ces monstruosités. Unique en Europe. »[2] Pressée de toutes parts, la RTBF présente de pâles excuses le lundi, tout en essentialisant la communauté juive qui serait la seule choquée[3].

Quelques jours plus tard pourtant, rebelote au pays du surréalisme, Koert Debeuf, « expert » du Moyen-Orient affirme : « Bombarder Gaza en représailles aux attaques du Hamas, c’est comme si l’armée belge décidait de bombarder Molenbeek suite aux attentats terroristes du 22 mars. » Grotesque comparaison ! Mais au moins reconnaît-il indirectement que le Hamas est bien terroriste. Contrairement à la présidente de la Chambre des Représentants, Eliane Tillieux (Parti socialiste), interrogée par Martin Buxant (RTL-TVI) qui est incapable de qualifier convenablement les attentats barbares du Hamas. M. Buxant lui demande : « Mais les terroristes, ce n’est pas Israël, c’est le Hamas ? Qu’on se comprenne bien ? » Réponse : « Écoutez, à partir du moment où il y a atteintes au droit international de part et d’autre. Je ne sais pas où (sic) nous devons qualifier les attaques de terroristes, mais globalement les atteintes au droit international sont à combattre… » Les Ecolo-J (la jeunesse du parti écolo), eux, marchent carrément à côté de manifestants criant « Israël Assassin ». Le 11 octobre, la FGTB (syndicat socialiste) se retire in extremis d’une manifestation pro-Hamas. Quel contraste avec la Flandre où Bart De Wever, maire d’Anvers, clame : « Il n’y a qu’un seul camp à choisir, c’est celui d’Israël », et hisse le drapeau israélien au sommet du château médiéval Het Steen.

Drague du vote musulman

Comme La France Insoumise, la gauche wallonne est engluée dans le communautarisme, se partageant notamment à Bruxelles les Arabo-musulmans (PS), les Turcs (Ecolo) et les Africains (Les Engagés). Les élections législatives fédérales (et régionales), qui auront lieu en même temps que les élections européennes, ravivent peut-être l’appétit de bien des hommes politiques. Surtout que le PTB (Parti des travailleurs belges, communiste), qui refuse de condamner le Hamas, est déjà crédité de 20% des voix et taraude le Parti socialiste…

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Mais le problème dépasse donc largement ce simple clientélisme électoral. Il n’existe plus guère de réel contre-pouvoir, en Belgique francophone. En France, la gauche laïque (Parti communiste, Parti socialiste et évidemment gauche macroniste) a condamné sans concession la barbarie du Hamas. Les compromissions de LFI avec le Hamas sont finalement isolées et suscitent bien des réactions scandalisées, d’autant que droite et droite nationale sont désormais invitées sur les plateaux de télévision dans l’hexagone et y assurent un pluralisme véritable. En Belgique, rien de tel. Et le poids électoral lilliputien de la communauté juive au regard de la population (35 000 âmes sur 12 millions d’habitants) explique aussi pourquoi la cause palestinienne y est érigée en véritable passion : elle vous range dans le camp du Bien et vous assure un confortable matelas électoral. L’excellent média juif, Regards, parle à cet égard d’ « antisionisme empathique ». C’est lors de la deuxième intifada que le narratif anti-israélien s’est véritablement installé au pays de Magritte. Les invités sionistes ou pro-israéliens étaient alors quasi-absents des médias. Les experts sont toujours pro-palestiniens, qu’ils soient belges ou français, d’Alain Gresh à Pascal Boniface. On a droit aussi, un peu partout, à une série impressionnante de Juifs « honteux », antisionistes, ou encore à l’inévitable Union des Juifs progressistes de Belgique, qui taxe Israël d’« apartheid » à son tour.

Dans ce maelström anti-israélien surnagent le courageux Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, le blogueur Marcel Sel et l’ancien soutier du Parti socialiste, Merry Hermanus. Observateur averti de la Belgique, Jean Quatremer, déjà cité plus haut, observe finalement sur Twitter de manière assez désabusée que « le festival de la gauche francophone belge se poursuit. En fait il n’y a que les libéraux du MR pour sauver l’honneur de ce pays en voie d’évaporation… »

Sur la nouvelle question juive

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[1] https://www.association-belgo-palestinienne.be/%C3%A9v%C3%A8nement/bds-un-pas-vers-lavant-entre-liberte-officielle-et-repressions-officieuses

[2] https://twitter.com/GLBouchez/status/1710915724523221404

[3] « C’est vrai qu’il n’a pas été rappelé dans cette interview précisément que le Hamas est sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Cela avait été dit précédemment, dans ce même JT, mais cela n’a pas été rappelé dans cette interview. Cela a suscité une émotion vive au sein de la communauté juive (sic). Évidemment, nous le regrettons. Ce n’était pas notre intention. La RTBF qualifie les actes du Hamas de terroristes. »

« Le Consentement »: l’emprise en gros sabots

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Jean-Paul Rouve et Kim Higelin, "Le Consentement" de Vanessa Filho © Moana Films / Windy Production

Le film tiré du récit de Vanessa Springora sur sa relation toxique, quand elle avait 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, film que la plus grande partie de la presse descend en flammes, est-il si mauvais que ça ?


Mon officier traitant chez Causeur, m’a lancé il y a trois jours : « Je vous mets au défi de nous écrire cette semaine un truc passionnant qui ne parle pas d’Israël et de Gaza ! Pourquoi pas le film sur Matzneff ? » (Entretemps, un islamiste a assassiné un enseignant à Arras — l’actualité va parfois très vite, et une horreur se substitue à une autre… Quand nous aurons compris qu’on ne négocie pas avec des fous de Dieu, nous aurons fait un grand pas.) Je résiste rarement à une provocation du genre « t’es pas cap’ ». Mais là, j’avais été échaudé au préalable. Une amie, qui connaît bien Matzneff, était allée voir Le Consentement, et en était ressortie horrifiée : « Le pire navet que j’ai jamais vu au cinéma ! C’est très mauvais, sans aucun intérêt, glauque, morbide, une caricature grossière. Rouve est très laid et sans aucune élégance : il ne suffit pas de se raser le crâne pour ressembler à Matzneff. Quelle pauvre tache ce type ! Et la réalisatrice qui se croit obligée de faire boire du lait (pour la croissance !) à la pauvre Vanessa pour bien montrer qu’elle est une petite fille ! C’est morbide, extra glauque. Aucun moment de plaisir, de beauté. Aucune culture. Rien. Pathétique. Je m’attendais à un navet, mais pas à ce point quand même… »

Surjeu

On conviendra que c’est assez peu incitatif. J’ai consulté la presse, et les critiques étaient du même tonneau. Ainsi Alexandre Janowiak dans Ecran large trouve que le film de Vanessa Filho « souffle le chaud et le froid en permanence » — bref, c’est un film à l’eau tiède. Maya Boukella, dans Madmoizelle, constate, avec lucidité et perspicacité : « Fille de Kên Higelin, petite-fille de Jacques Higelin et nièce d’Izïa Higelin, Kim Higelin signe ici son premier rôle dans un long-métrage. La question n’est pas tant de savoir si la comédienne de 23 ans joue bien ou non : le problème est que l’on voit immédiatement qu’elle a été dirigée pour faire une performance choc qui lui fasse gagner un César de l’espoir féminin. Au fil des scènes, on a presque l’impression d’entendre la réalisatrice lui souffler : « Touche ton visage comme dans un clip, fais vraiment morver ton nez, cligne d’abord de l’œil droit puis du gauche quand tu regardes Jean-Paul pour que l’on sente qu’il te trouble. » En bref, on tombe immédiatement dans un surjeu auquel on a du mal à croire. »


D’autant que ça se voit, qu’elle a 23 ans et pas 14. Comme elle passe une bonne part du film à moitié nue (amis voyeurs, c’est pour vous), on le constate de visu, des seins de jeune femme ne sont plus des boutons de rose de gamine. Il n’y avait donc aucune actrice post-nubile disponible ? Dans Lolita (1962), Kubrick avait avec Sue Lyons une gamine de 16 ans qui jouait avec une force incroyable — mais bon, c’était Kubrick. Kim Higelin, disons-le crument, est nulle. Elle a de surcroît un physique ingrat qui entre en conflit avec les déclarations enthousiastes du séducteur, qui la trouve belle, si belle…
Et c’est d’autant plus terrible que Jean-Paul Rouve, qui joue Matzneff sans avoir un doigt de la beauté vénéneuse de l’écrivain, joue magnifiquement — tirant le personnage vers un aspect diabolique. Et après tout, Satan est le Séducteur par excellence — parlez-en à Eve… Si bien que lorsque la jeune fille est à l’écran, on soupire en attendant que le vrai héros revienne. Et lorsqu’ils sont ensemble, on ne la voit plus, tant Rouve mange l’espace.

Si bien que l’on en arrive à ne plus la plaindre : quand on apprend qu’elle a un hymen renforcé (ça arrive) que le Séducteur ne parvient pas à ébrécher et dont seul le bistouri d’un gynécologue viendra à bout, et que Rouve / Matzneff lui explique donc qu’il est d’autres voies par lesquelles elle peut le rendre heureux, on ne compatit guère à son expérience de la sodomie, tout comme on ne la plaint guère de devenir — dit-il — une reine de la fellation. Et que voulez-vous donc faire à un homme que vous aimez, mesdames ?

Téléfilm longuet

Parce qu’elle l’aime, le vilain monsieur. Elle le crache au visage de sa mère, alcoolique et dépassée (Laetitia Casta, impeccable elle aussi), elle le prouve au fil de missives enflammées (heureuse époque où les gamines ne cloutaient pas leurs lettres d’amour de fautes d’orthographes inacceptables), elle l’explique à sa copine. Et on comprend qu’elle l’aime : Matzneff / Rouve est un maître du langage et un expert ès pénétrations anales, petits garçons inclus. En face, Vanessa / Kim, qui nous est présentée comme une très bonne élève, férue de lectures de qualité, ne démontre guère qu’elle a un QI au-dessus du niveau de la mer : elle est si nulle qu’on finit par ne plus la plaindre, ce qui est quand même un tour de force.

Co-production Canal + et France Télévision, Le Consentement agrémentera sans doute bientôt votre petit écran — il est filmé en conséquence, c’est un téléfilm longuet : 118 minutes, c’est au moins 20 de trop. La réalisatrice a cru bon de le saturer de signaux répétitifs : Matzneff décore son studio de photos d’Alice Liddell, l’égérie mineure de Lewis Carroll ; il emmène sa jeune maîtresse à l’opéra pour assister à une représentation de Don Giovanni, fatalement — et on réentendra plus tard l’ouverture de l’œuvre. Bref, c’est un film en surpoids, alors même que son propos est fort mince : un prédateur, serial niqueur de son propre aveu, et qui le raconte avec une ingénuité perverse chez Bernard Pivot, abuse d’une toute jeune fille qui est absolument d’accord pour s’abandonner à sa tentation. C’est très mal, l’homme de haute moralité que je suis s’en indigne vertueusement. Et le film de Vanessa Filho, exception faite de la performance de Jean-Paul Rouve, est très mauvais.

Le Consentement

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Brummell, le patron des dandys

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D.R.

George Bryan Brummell (1772-1840) est resté dans l’histoire comme le fondateur de cette manière de vivre si spécifique et si originale qu’on appelle le dandysme. Tout le monde sait, ou croit savoir ce que recouvre cette dénomination. En réalité, il faudrait presque s’y reprendre à plusieurs fois, avant de définir convenablement ce qu’est le dandysme, un art impeccable de s’habiller, sans doute, mais pas seulement.


Dans le livre qu’il consacre à ce phénomène, George Brummell, Dandy, saint et martyr, Henry Rey-Flaud tente de réunir tous les paramètres complexes ayant guidé l’existence de celui qui, malgré une fin de vie désastreuse, aura porté le flambeau de l’extravagance jusqu’à ses extrémités les plus radicales.

Un modèle pour Baudelaire et Barbey d’Aurevilly

Brummell a mis tout son art dans sa propre vie. Henri Rey-Flaud note bien que, tout de suite après sa mort, survenue à Caen où il s’était exilé et a connu l’extrême misère et la maladie, Brummell fit l’objet de l’intérêt de deux grands écrivains français, pour lesquels le dandysme fut un objet de fascination. D’abord Barbey d’Aurevilly, qui écrivit un petit opuscule extraordinaire, Du dandysme et de George Brummell, en 1845, et ensuite, bien sûr, Baudelaire, qui aborda la question dans des pages décisives, recueillies dans le volume Le Peintre de la vie moderne, en 1863.

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On assista, dès lors, en tout état de cause, au défilé littéraire d’une longue cohorte d’écrivains, qui reprirent le mythe du Beau Brummell en s’y immergeant complètement, jusqu’à créer des personnages de dandys dans leurs romans, comme le Lucien de Rubempré de Balzac ou le Dorian Gray d’Oscar Wilde. Les deux textes de Barbey et Baudelaire restèrent la pierre angulaire pour se faire une idée du dandysme – d’autant plus qu’eux-mêmes, insistons sur ce point, étaient aussi de véritables dandys dans leur existence, comme ils l’ont montré.

Être un dandy

Il faut sans doute être un dandy pour écrire sur le dandysme, avec le maximum d’authenticité. Sinon, je crois qu’il est difficile d’y arriver. Moi-même, qui écris cet article, n’étant probablement pas un dandy, je suis pris d’un grand doute – et c’est pourquoi j’appuierai mon propos sur mes réminiscences de lectures de Barbey et de Baudelaire, auteurs en qui j’ai une parfaite confiance. Henri Rey-Flaud, lui non plus, n’est pas un dandy, car un dandy n’a pas de profession, sauf d’en être un. Henri Rey-Flaud est de fait universitaire, et son livre néanmoins fourmille d’éléments intéressants, malgré les réserves qu’il se croit permis de formuler ici ou là sur Barbey ou Balzac. Comme s’il fallait à tout prix imposer une vision monolithique du dandysme ! D’ailleurs, au début de son ouvrage, Henri Rey-Flaud admet bien que le dandysme est ce « kaléidoscope aux facettes si nombreuses, variées et contradictoires qu’il était pratiquement impossible de dégager une unité ou même simplement un fil directeur dans ce chatoiement ». Et, ainsi, Henri Rey-Flaud nous présente un panorama assez complet de la question autour de Brummell, tâchant de nous faire comprendre l’essence cachée du dandysme.

PUF / 2023

L’art du rien absolu

Être un dandy, c’est d’abord une certaine façon d’apparaître au monde, hors des sentiers battus. Le vêtement y a donc une importance cruciale, mais pas celle que l’on croit généralement. Toute excentricité est bannie. « L’intention de Brummell, écrit Henri Rey-Flaud, sera précisément d’effacer tout ce qui pourrait relever du détail de la toilette, susceptible d’être repris et reproduit par les élégants, afin de conduire un projet inédit. » Ce qui fera dire à Barbey : « On peut être Dandy avec un habit chiffonné. » Il n’est que de voir notre cher Paul Léautaud, que j’ai toujours placé pour ma part parmi les vrais dandys, aux côtés de Charles Bukowski. De son côté, Balzac écrira : « Ce n’est pas tant le chiffon en lui-même que l’esprit du chiffon qu’il faut saisir. » Il y a dans le dandysme un idéal éthique et esthétique, s’ordonnant mystérieusement dans le silence et la disparition ou l’effacement. C’est plus que l’art de la négligence (la fameuse « sprezzatura »). Le dandysme, au fond, c’est littéralement l’art du rien. Un désœuvrement interminable. Pour Henri Rey-Flaud, Brummell est finalement ce bloc d’abîme mallarméen : « Ainsi s’emploie-t-il en permanence, écrit-il, à un procès de soustraction qui vise à obtenir le pur effacement de lui-même réduit au cœur insaisissable de son être. » Bref, dans le personnage de Brummell, toute subjectivité est liquidée. Le pathos a vécu. 

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Henri Rey-Flaud ne nous épargne pas la fin de Brummell, poursuivi pour dettes, et achevant son existence loin de son monde. Le créateur du dandysme a néanmoins encore beaucoup à nous dire aujourd’hui, à travers Barbey, Baudelaire et d’autres encore, comme peut-être Simon Liberati qui a récemment préfacé, avec une grande affinité, une nouvelle édition de Du dandysme et de George Brummell de Barbey en 2008, que je vous recommande. Comme quoi, à travers les âges, la figure culte et paradoxale de Brummell continue d’être une référence morale toujours indispensable. On ne s’en plaindra pas, pour égayer notre spleen baudelairien.

Henry Rey-Flaud, George Brummell, Dandy, saint et martyr. Éd. PUF.

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Jules Barbey d’Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell. Présenté Par Simon Liberati. Les éditions de Paris Max Chaleil, 2008.

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Il faut sauver le soldat hellène!

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"Kleos, Celui qui rêvait de gloire", Mark Eacersall et Serge Latapy, dessins d'Amélie Causse © Bamboo

Une envie soudaine d’un Grec ? Une petite faim de gloire ? Affamés de la civilisation hellène, vous voilà servis : la terre des dieux inspire, dans notre époque barbare, nombre d’œuvres susceptibles de ressusciter le temps des prouesses et de réveiller les aèdes…


Alors que nous l’avons longtemps laissé décrépir, le grec revient à la mode. On en consomme avec modération, mais le pli se durcit. De la BD Kleos (Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse) sortie en totalité au mois d’avril, au roman Reflet du roi mourant (Nicolas Texier) en passant par la méthode pas-du-tout-Assimil-mais-bien-mieux Grec ancien express (Caroline Fourgeaud-Laville), les frustrés de l’hellène peuvent reparcourir (ou découvrir sans complexe !) les terres d’Ulysse et d’Achille. « Ô Auteurs, racontez-nous les hommes… » disait presque Homère…

Puissance des mots

Car la mythologie grecque n’a rien perdu de sa superbe, ses « mots ont une puissance » (Nicolas Texier). La gloire guerrière est devenue une chimère autour de laquelle cristallise chaque lecteur, comme Philoklès, anti-héros bovaryste de Kleos. Il sait que « les chants des aèdes sont menteurs, et que la bataille est moins le champ où se moissonnent les prouesses, qu’une plaine puante et morbide où les Kêrès se régalent des plaies, des agonies et des humiliations » (Nicolas Texier). Mais il se laisse embarquer dans « ces fables insensées que les enfants se racontent pour enchanter leurs jeux et rêver en secret ».

Rien n’est comme avant, mais tout peut se reconstruire. Nicolas Texier, dans son roman, ne cherche pas à recomposer une geste comme l’Odyssée ni comme l’Iliade ; il en transforme les codes pour les réadapter à notre époque : son guerrier n’a pas de peau de lion — nous avons désenchanté à jamais Némée — mais c’est avec une peau de léopard qu’il habille le roi de son histoire, comme un reflet flou de ce que nous pourrions être. Et à ceux qui n’aiment pas le léopard, vaut-il mieux être nu, quand l’hiver mythologique, la nécessité d’une union mythique, se rapprochent à grand pas ? Il n’a pourtant jamais été aussi simple de s’intéresser à ce qui fut, « l’ionien-attique… fleurissant les stèles, les céramiques et les papyri » (Caroline Fourgeaud-Laville) n’a qu’à s’implanter sur nos tablettes, qui fondent bien moins facilement qu’à l’époque…

Code mystérieux

Le grec, parce qu’on a laissé oublier sa langue, est devenu un code mystérieux qu’il est urgent de se rappeler, parce qu’il donne « les rouages de notre pensée d’aujourd’hui » (Caroline Fourgeaud-Laville). L’alpha et l’oméga ne sont pas qu’un tatouage à arborer luisant d’ambre solaire. Ils sont l’organisation des Cités-États quand nos instances dirigeantes semblent trop lointaines, quand certains d’entre nous ont une conception aléatoire des droits du citoyen tout autant que ses devoirs. En un mot : notre alphabet civilisationnel. Ils sont cette sagesse dont narcissiquement nous avons fait fi, en prenant de haut ces histoires où « les Dieux rôdaient sur terre » et où les fourmis devenaient des hommes sous le nom de Mirmidons. Le succès des émissions de Pierre Judet de la Combe rappelant la brillante série d’Arte « Les grands mythes » atteste du goût des Français pour ce passé mythologique. L’amour de notre présent a trop longtemps « [dérobé] à nos yeux nos reflets ». Philoklès se cherchant dans les œillères vides d’un heaume à la manière d’un Hamlet déraciné est tout aussi orphelin de mythes que nous le sommes et sans le grec ancien, c’est le crash culturel express qui nous attend.

Mark Eacersall, Serge Latapy et Amélie Causse, Kleos, Bamboo, mai 2023, 136 p.

Nicolas Texier, Reflets du roi mourant, Les Moutons électriques, septembre 2023, 368 p.

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Caroline Fourgeaud-Laville, Adrien Besson, Dorian Flores et Djhor, Grec ancien express, La Vie des classiques, août 2023, 308 p.

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Oh mon donjon!

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Chateau de Menthon (74) © Wikimedia commons

Dans une échappée littéraire, à la fois romantique et fantastique, publiée au Mercure de France, Antoine Gavory a sélectionné des textes d’écrivains qui nous parlent des châteaux, de leur onde féérique ou maléfique.


Quel déshonneur d’être né dans un village ne possédant pas de châteaux ! Infamie impardonnable pour l’enfant berrichon que j’étais. Partout ailleurs, sur la route Jacques Cœur, presque toutes les cités s’enorgueillissaient d’une bâtisse flanquée d’une tour ou d’un jardin à la française, d’un parc arboré ou de meurtrières assassines, d’un prince généreux ou d’un marquis peau de vache. Et chez moi, rien que la litanie des habitats anonymes, pavillons défraîchis et matériaux sans noblesse, large étendue des classes moyennes en voie de décrochage, pas une douve à l’horizon, même pas une histoire sordide ou terrifiante à raconter à la veillée aux enfants turbulents sur des seigneurs forcément monstrueux.

Une France qui a de l’allure

Les châteaux sont le drapé de la France, le manteau d’hermine des terres hostiles, la joliesse des bourgs sans caractère, l’identité des départements abandonnés, les éperons d’un pays qui n’a pas encore succombé à la bétonnisation et aux folles éoliennes. Sans leur présence, la France perdrait son allure et son mystère, peut-être aussi une part de son histoire littéraire. Car, le château est le meilleur allié ou ennemi de l’écrivain, il y fixe sa narration, s’en sert de punching-ball pour exprimer sa rage sociale ou s’adosse à lui pour se laisser porter par la rêverie, se souvient d’une belle endormie à l’ombre de l’adolescence ou d’un plafond de verre où se heurtent les ambitions des Hommes mal nés. Le château est le pompon du manège, son attraction est telle que les gagnants du loto y succombent dès leur premier achat, avant même la voiture de sport allemande ou ce camping-car américain long comme un yacht monégasque. Il condense nos frustrations et creuse notre enracinement. Il est aussi une affaire d’État sensible. Stéphane Bern veille sur lui.

A lire aussi, du même auteur: Derrière les Ombres Blanches

On adore détester les propriétaires de belles demeures tout en enviant leur train de vie, supposé somptuaire et déviant. Notre égalitarisme ne le supporte pas. Le château, persistance de l’Ancien Régime, corolle de la paysannerie, couronne d’aubépines que les révolutions n’ont pas réussi à enflammer, vient rompre la monotonie de certains paysages. Même les trous dans les toitures sont l’objet d’une indemnisation complexe et houleuse, un système d’aides qui révèle la versatilité d’une administration, hésitant entre la carotte et le coup de bâton. Enlevez les châteaux et c’est tout un patrimoine qui se meurt ; le roman, la poésie, le conte, la fable, le polar ou l’uchronie ne se relèveraient pas d’une telle amputation. « Peut-être parce qu’il est l’incarnation du triomphe, du rêve et que plus que tout autre construction humaine, il donne à l’imaginaire une nourriture inépuisable : qui n’a pas rêvé d’un château ? » avertit Antoine Gavory dans son introduction.

Tapisserie millénaire

Toujours inspiré dans ses recherches pour la collection « Le goût de… » au Mercure de France, le Nivernais nous surprend par sa sélection originale, il n’a pas enfilé un heaume pour piocher à l’aveugle dans les sources de la littérature. Ce disciple d’Alphonse Allais est libre. Il refuse le scolaire et le prévisible ; il ne se contente pas de compiler à la va-vite les très (trop) nombreux auteurs qui ont écrit sur le sujet, il emprunte les chemins de traverse, s’amuse des cohabitations étonnantes, on trouvera aussi bien Jean Nohain que Charles Péguy, Houellebecq que Jean d’O, Jules Verne que Julien Gracq. Son goût des châteaux aux inspirations ligériennes, se savoure, à la fainéante, une main sur le volant d’une Peugeot 204, l’autre à l’air libre, ballotée par les vents, sur une route bordée de platanes, en ce début d’automne ou, au milieu des vignes, à Pouilly ou à Saumur, dans un coin de France qui n’a pas tourné le dos à sa singularité.

Avec Gavory, la province n’est pas honteuse, elle n’avance pas masquée, on loue ses vertus et la dentelure de ses créneaux. Et puis, quel plaisir, de lire ces quelques lignes d’Yves Charnet, l’enfant terrible de Nevers : « Votre manoir est devenu le musée d’une imposture grandeur nature. Les murs secrètent leurs secrets de famille. Je songe à ces mensonges dont toutes les fondations sont rongées ». Comment rester insensible au Grand Meaulnes, ce frère de lait et l’évocation subliminale de l’Abbaye de Loroy, songe de mon enfance, à la veine pamphlétaire de Claude Tillier, l’écorché de Clamecy ou à la défense de Versailles portée en étendard par Guitry. De Saint-Fargeau au château de la Buzine qui a créé la polémique cet été, Gavory promène son érudition et nous dévoile une tapisserie millénaire.

Le goût des châteaux – Mercure de France – Textes choisis et présentés par Antoine Gavory

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Coup de rouge

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Le chroniqueur Olivier Dartigolles © Hannah Assouline

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


J’ai donné rendez-vous ici même, le mois dernier.

Comme on fait son entrée en solitaire dans un saloon en terre inhospitalière, après avoir bouffé la poussière des plaines arides du far west médiatique, je m’approche de la table de Calamity Jane-Lévy pour lui parler des « angoisses » qui nous empêchent de vivre en paix.

Entourée de sa bande de vieux loups efflanqués et de jeunes coyotes à la gâchette agile, elle lance : « Laissez-le avancer, c’est un Peau-Rouge qui vient de la Fête de L’Huma, je le connais, on se calme… » Au fond de la salle, Robert plante des banderilles dans un poster géant de la Fiat 500 du pape François pour empêcher son ascension de Notre-Dame-de-la-Garde. « Chariote du diable ! » hurle Nadine. À l’étage, Geoffroy à l’harmonica et Charlotte au banjo interprètent Les Lacs du Connemara. Marion observe Jordan. Trop tôt pour partager une danse country, mais pourquoi pas dans quelques années ? Dehors, entre chien et loup, Marine s’adresse à Éric : « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses » (Le Bon, la brute et le truand). Alors Éric creuse.

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Je suis venu vous dire ce qui me semble être l’essentiel. Ce qui ne peut pas être négocié. L’identité vous obsède et, trop souvent, elle devient l’instrument de vos angoisses, de vos peurs, de vos détestations. L’identité n’est plus alors une indispensable altérité. Elle isole. Elle assigne à résidence. Elle enferme les uns et les autres. Vous allez me répondre : « Mais nous risquons de mourir ! » Oui, si vous restez dans ce saloon où l’air peut devenir irrespirable.

Et puis, tiens, j’en profite, puisque l’heure est à la franchise. Un être humain n’est pas fait d’un seul bloc. Il est d’une magnifique complexité avec des contradictions et des paradoxes. C’est parfois même un véritable fouillis, un labyrinthe. Alors pourquoi vouloir nous définir de plus en plus étroitement, par exemple sur le seul critère religieux ? Pourquoi ce rétrécissement ? Pourquoi, comme l’écrit magnifiquement Salman Rushdie, vouloir « comprimer notre personnalité multidimensionnelle dans le corset d’une identité unique, qu’elle soit nationale, ethnique, tribale ou religieuse » (Langages de vérité, Actes Sud) ?

Cette complexité n’est pas un danger. Elle est même une richesse inestimable. Il nous faudrait la décortiquer pour mieux l’apprécier. Heureusement, tout n’est pas frappé d’aridité. On trouve dans la littérature d’hier et d’aujourd’hui, comme au cinéma, de belles façons de traiter nos êtres paradoxaux (L’Été dernier, Anatomie d’une chute, Toni en famille).

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Une dernière angoisse vous concernant ? Rassurez-vous, j’ai aussi les miennes. La nuit dernière, un très vilain cauchemar : une parlementaire insoumise comparait Roussel à Doriot. Je me suis réveillé en sale état. J’ai allumé la télé… et suis allé me recoucher.

Dehors, en creusant, Éric est tombé sur une tablette d’argile avec le plus vieux récit du monde, L’Épopée de Gilgamesh.

Un récit qui invite à la sagesse.