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Un dessin qui dérange

Le mois dernier, le dessin de Marsault n’a pas plu à Cyril Bennasar. Il s’en explique.


Souvent, je commence la lecture de Causeur par la fin, par le dessin de Marsault. J’aime bien son personnage de Français tout en muscle et en marcel, qui ne se perd pas dans les nuances, ne craint pas de perdre son âme et ne fait pas dans la dentelle pour distribuer généreusement les mandales que méritent le wokisme, le féminisme, l’antiracisme et toutes les variantes de cette religion intersectionnelle des ratés qu’est devenu le gauchisme.

Enfin la plupart du temps mais pas toujours. Je crois me souvenir d’un dessin dans lequel son beauf traitait de pute une jeune fille délurée en crop-top et en string, rejoignant ce mois-là la racaille islamique et Patrick Buisson. Pas le fin stratège, plutôt le coincé du cul(-bénit) qui préfère le voile au string. Évidemment je n’ai pas autant ri que d’habitude, moi qui préfère le string au voile, et même le string tout court.

Le mois dernier, je n’ai pas ri du tout. Son beauf qui renvoyait dos à dos et à Jérusalem les pro-israéliens et les propalestiniens m’a rappelé les heures les plus minables de notre histoire, ces heures où le Français attentiste en charentaises comptait ses tickets de rationnement pendant que d’autres s’engageaient contre le nazisme, ne prenait le maquis que pour s’y planquer et pour échapper au STO en attendant la fin des hostilités entre résistants et collabos. Comment dessinerait-il la guerre sainte des Azéris contre les Arméniens ? Et le génocide de 1915 ? Y verrait-il des affrontements interethniques comme l’histoire officielle turque ? Parlerait-il comme Erdogan mon beauf ?

@MarsaultBreum

Est-ce là tout ce que l’actualité lui inspire ? Ne voit-il pas de différence ici entre l’antisioniste Hamas-friendly et le supporteur d’un pays qui tient tête à des Arabes enragés, fourbes et sanguinaires, comme disait Ariel Sharon ? Entre ceux qui collent des affiches pour mettre des noms et des visages sur des chiffres et ceux qui taguent des étoiles sur les portes de juifs ? Entre ceux qui citent dans des mosquées les passages du Coran qui appellent à tuer des juifs et ceux qui chantent la Marseillaise dans des synagogues ? Entre ceux qui se rassemblent pour témoigner leur soutien aux otages et ceux qui peinent à se contenir de hurler « mort aux juifs » dans leurs manifestations ? Et là-bas, entre ceux qui envoient leurs soldats protéger leurs populations et ceux qui envoient leurs populations protéger leurs soldats ? Et entre les beautés internationales de Tel-Aviv qui militent pour la paix et les boudins imbaisables de Gaza City qu’on ne farcit que pour donner au djihad des martyrs ?

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Pas de différence ? Vraiment ? Ce manque de discernement, cette paresse intellectuelle, ce relent vaguement maurassien me laissent perplexe. Peut-être mes amis de gauche ont-ils raison de dire qu’étant juif, je n’ai sur ces questions ni objectivité ni humour, mais devant ce dessin, je me suis senti comme un juif progressiste qui voit Harvard, qui lit Libé ou le New York Times ou qui entend Mélenchon ou Plenel, un juif qui croyait avoir des compagnons de route et qui se sent seul. La caricature est un exercice difficile qui ne peut pas plaire à tout le monde, comme dirait Charline Vanhoenacker, et on ne peut pas être aussi inspiré tous les mois, alors je ne resterai pas fâché, mais j’espère le retrouver en meilleure forme intellectuelle et morale le mois prochain. Parce que je l’aime bien mon beauf.

Le patois des progressistes

Avec son Dictionnaire des mots haïssables, Samuel Piquet passe en revue la novlangue du camp du bien.


Dans les dîners en ville bobos comme dans les salles de rédaction parisiennes, impossible d’échapper à leur emploi forcené. Ils peuvent être faussement savants (Anthropocène), imposés par les évènements (distanciel) ou tout simplement laids (impacter). Certains sont prétentieusement importés des États-Unis (friendzone), d’autres sont bien de chez nous, mais complètement vidés de leur sens (bienveillance). Quelques-uns sont, reconnaissons-le, d’astucieux néologismes (trouple).

Les mots haïssables n’avaient pas leur dictionnaire, voilà l’erreur enfin réparée. Pour les répertorier, Samuel Piquet, qui en dénombre pas moins de 300 (de A comme addictif à Z comme zèbre, un surnom courant pour les « personnes à haut potentiel intellectuel »), est allé les dénicher dans les colonnes des journaux woke, mais aussi sur les sites web des sociétés du CAC 40. À l’origine, ce vocabulaire se veut en effet apolitique. Il a fait son apparition il y a une vingtaine d’années sous la plume de communicants d’entreprise chargés par le patronat de concevoir un lexique qui rendrait présentable le « sociétal », cette prétention à participer au progrès social sans augmenter les salaires.

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Ainsi, chaque jour que Dieu fait, les chantres du sociétal se donnent-ils bonne conscience en disant « je t’aime » à toutes les minorités possibles, et à Mère Nature bien sûr. Seulement, il ne faut pas que cette ballade hypocrite ressemble à un catéchisme de dame patronnesse. Il faut que cela sonne moderne. Ainsi on évitera: « Il faudrait embaucher plus de handicapés, de femmes et d’Arabes, et leur proposer de bons emplois. » Dites plutôt : « Soyons inclusifs et pratiquons le care avec celles et ceux qui subissent le validisme, le manspreading et l’islamophobie ». Pas étonnant que la gauche ait fini par adopter ce jargon hideux.

Alternant entre les considérations sémiologiques les plus sérieuses et des développements pince-sans-rire du meilleur effet comique, Samuel Piquet, qui a un temps écrit pour Causeur et que l’on peut lire à présent dans Marianne, nous régale à chaque page avec ses bons mots et ses formules assassines. Comme dans cette définition de flexitarien : « n. m. : omnivore qui s’ignore et qui se croit supérieurement conscientisé depuis qu’il ne mange pas de viande le lundi sur les conseils de Juliette Binoche. » Ou à l’occasion de cette méchanceté, parfaitement gratuite : « Si vous êtes un homme et qu’on vous dit que vous êtes glamour, c’est dans doute que vous avez le sex-appeal d’Olivier Dussopt lorsqu’il fait des pompes en slip à 5 h 15 du matin. » Bref, un ouvrage tout à la fois solaire, iconique, disruptif, inclassable et challengeant.

Samuel Piquet, Dictionnaire des mots haïssables, Le Cherche Midi, 2023.

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Darien, Leopardi, Aymé, Vincenot et Lady Chinchilla sous le sapin!

Une sélection de livres (neuf et d’occasion) signée Monsieur Nostalgie…


Demain soir, il sera trop tard. Il ne vous reste que vingt-quatre heures pour trouver le livre idoine. Celui qui vous fera passer pour un être supérieur, c’est-à-dire délicat dans ses sentiments et abrasif au niveau de ses idées. Un être sûr de son goût, oscillant entre le brûlot et une littérature populaire non-victimaire, entre le bagne et les contreforts du Morvan, entre une forme de poésie élitiste et l’ambiance cabaret « seins nus ». Contrairement à ce qu’écrivait Jules Renard dans son journal à la date du 5 décembre 1903 : « On a vite fait de savoir si un poète a du talent. Pour les prosateurs, c’est un peu plus long », chez ceux que je vais vous présenter ici-bas, le talent éclate, irradie et brûle la peau. La plume ne ment pas. On les lit, le sang bouillant et l’esprit querelleur, désinhibé de toutes les fadaises vendues dans les rentrées littéraires avec ce sourire commercial insupportable de rigueur. Qui sont-ils ? Des réfractaires, des dissidents plus ou moins bruyants, de grands oubliés, des figures de l’ancien monde qui viennent nous réveiller à la Noël, des stylistes qui tambourinent fort dans notre cœur. Ils crient le désespoir des pestiférés, ils aboient en dehors des meutes, ils chantent les territoires reculés, ils creusent leur sillon sans regarder la copie du voisin, parfois même, ils font voltiger leur soutien-gorge, n’essayez pas de les capturer, de les classer, de les louanger, ils sont sauvages par nature. Instables et donc, d’une permanence salutaire. Saluons d’abord l’initiative des éditions La mouette de Minerve de publier L’Escarmouche, l’hebdomadaire de huit pages lancé par Georges Darien (1862-1921) entre novembre 1893 et mars 1894, illustré par ses amis qui s’appelaient Toulouse-Lautrec, Bonnard ou Vallotton. Comme tous les Belmondophiles de ma génération, le nom de cet écrivain écorché jusqu’au martyr, m’était parvenu grâce à Louis Malle dont le film « Le voleur » sorti en 1967 était adapté de son roman. J’avais lu Biribi, il y a fort longtemps dans ma jeunesse grinçante, et n’avais pas oublié cette langue âpre, cette violence non contenue, ce flot d’injustices qui ne s’apaise jamais. Mais je ne savais rien du polémiste ; Bruno Lafourcade, l’un des meilleurs pugilistes des lettres du moment, nous donne toutes les clés de compréhension dans une préface et des notes brillantes : « Darien s’en prend aux opportunistes, aux corrompus, aux faux humanistes. Le ton est celui du satiriste, de l’anarchiste, du pamphlétaire ; Darien a tout du polémiste pré-célinien ». Avouez que ça donne envie de sortir ses gants ! Traversons les Alpes et retrouvons Leopardi (1798-1837). Depuis peu, les jeunes écrivains prometteurs, ceux qui briguent les prix d’automne le citent, le commentent l’air pénétré, lui font allégeance et y puisent, semble-t-il, des raisons d’écrire sans très bien connaître son onde multiple. Je préfère me fier au plus grand spécialiste français des Canti dont la traduction (La Dogana 1987, puis Flammarion 1995) fait loi. Il s’agit de Michel Orcel, ancien maître de conférences à l’Université et Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2020 pour l’ensemble de son œuvre, il vient de réunir en un seul volume « ses dix essais les plus importants sur le poète de Recanati ». C’est magistral, érudit, de haute volée, toute la puissance de la poésie léopardienne nous est révélée dans cette étude qu’il serait impardonnable de ne pas posséder dans sa bibliothèque. Retournons sur les sentiers de glaise, au milieu des pierres et des fougères, dans le ruissellement des campagnes. Les éditions Le temps qu’il fait republie (30 ans après sa première parution) Marcher à l’estime de l’auvergnat Patrick Cloux, le chroniqueur des chemins d’errance. L’édition augmentée de ce livre sous-titré « Une chronique de nature », bien avant la vogue des marcheurs béats et des randonneurs ébahis, nous appelle à fouler la terre, à sentir les écorces, à faire turbiner notre tête au contact de la nature ; Cloux nous apprend enfin à regarder l’éphémère sans s’ériger en gourou vert. Un écrivain qui démarre cette quête par cette phrase : « Les livres de nature m’ennuient souvent, malgré leurs photographies » sera assurément un bon guide et un excellent compagnon de voyage. Du Puy-de-Dôme, remontons jusqu’en Bourgogne, à la rencontre du « Maître du bonheur » raconté par sa fille dans Mon père Henri Vincenot (1912-1985), ce livre de souvenirs a le miroitement des terrines de Commarin. Demain soir, je rêve de manger un cuissot de marcassin qui baigne « dans une splendide marinade violine aux yeux d’huile », la spécialité du père Vincenot.

En cette période de fêtes, pensez également à vous abonner aux revues littéraires, ce sont elles les véritables influenceuses des temps incertains, je pense à Livr’arbitres de Patrick Wagner, au Bulletin Célinien de Marc Laudelout ou au Cahier Marcel Aymé édité par la société des amis de Marcel Aymé avec le concours du département du Jura. Enfin, dans le titre de cette chronique, je vous parlais d’une certaine Lady Chinchilla, je vous dirais juste qu’elle fit ses débuts au Crazy Horse Saloon et fut connue positivement comme doublure de Brigitte Bardot. Si vous avez la chance de trouver un exemplaire rare d’Histoire et sociologie du strip-tease de Jean Charvil aux éditions Planète datant de 1969 chez un bouquiniste, votre réveillon sera pleinement réussi ! Joyeux Noël !


L’Escarmouche – Georges Darien – Notes & préface Bruno Lafourcade – La mouette de Minerve  

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Leopardi (poésie, pensée, psyché) – Michel Orcel – Arcades Ambo

Marcher à l’estime – Patrick Cloux – Le temps qu’il fait

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Mon père Henri Vincenot – Claudine Vincenot – Le livre de poche – Numéro 14095

Le Maître du bonheur, mon père Henri Vincenot

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Le bulletin Célinien
Le Bulletin Célinien | Périodique mensuel consacré à Louis-Ferdinand Céline (bulletincelinien.com)

Livr’arbitres
Site de la revue littéraire Livr’arbitres – Bienvenue sur le site de livr’arbitres, la revue du pays réel ! (livrarbitres.com)

Cahier Marcel Aymé
SAMA Cahiers Marcel Aymé (CMA) (marcelayme.net)

Histoire et sociologie du strip-tease – Jean Charvil – Préface de Jean Duvignaud – Planète

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Accords de 1968 mystérieusement intouchables: les Algériens pas concernés par la Loi immigration

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Délit de séjour irrégulier, OQTF, accords de 1968 : examen du contenu de la Loi Immigration. En coulisses, l’entourage d’Edouard Philippe et les milieux diplomatiques marocains fulminent…


Les débats puis le vote de la Loi Immigration ont fait l’effet d’un révélateur majeur des profondes dissensions au sein de la classe politique française, singulièrement au sein de la majorité présidentielle qui s’est déchirée. Jugée comme appartenant au registre politique de « l’extrême-droite » par la gauche en voie de sédition, les départements socialistes et la mairie de Paris ayant déjà déclaré qu’ils refuseront d’en appliquer l’essentiel des innovations, le contenu de cette loi n’est en réalité que peu connu des Français. En outre, certaines dispositions défendues au Sénat n’ont pas été retenues par l’effet de jeux politiques d’alcôves qui sont encore largement ignorés, à l’image des épineuses questions relatives aux OQTF et aux accords bilatéraux franco-algériens de 1968.

La philosophie de la loi présentée par l’exécutif était la suivante : articuler la régularisation temporaire des étrangers pour palier des demandes du MEDEF dans les métiers en tension et mieux exécuter les expulsions des étrangers indésirables. Qu’en est-il à l’arrivée ? Au terme de neuf mois de débats houleux qui ont conduit à des bras de fer entre la majorité et les Républicains en Commission mixte paritaire, les parlementaires ont finalement accouché d’un compromis déjà partiellement remis en question par l’exécutif qui espère que certaines dispositions seront censurées par le Conseil Constitutionnel. Pour l’heure, nous allons revenir sur les articles les plus importants qui ont été adoptés.

Ce que la loi contient

Le premier d’entre eux est l’allongement du délai nécessaire pour obtenir les prestations sociales. Les étrangers hors Union européenne devront ainsi pouvoir justifier de 30 mois de présence en France pour en bénéficier, notamment les allocations familiales. S’ils ne travaillent pas, le délai est allongé à cinq ans. Un même raisonnement a été appliqué aux aides au logement communément nommées APL, puisque les non-travailleurs devront attendre cinq ans avant de les toucher contre trois mois pour les étrangers qui travaillent. Néanmoins, les personnes ayant le statut de réfugiés ou une carte de résident ne seront pas concernées par ces dispositions, alors que les premiers sont l’un des nœuds du problème, de nombreux prétendus « réfugiés » étant en réalité des migrants économiques. Considérées comme consacrant le principe de « préférence nationale », ces mesures sont pourtant parfaitement classiques au sein de l’Union européenne ! De la même manière, un étranger ne peut pas être fonctionnaire ou exercer certains métiers dans le commerce. C’est pour cette raison que la nationalité confère la citoyenneté.

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Parmi les autres innovations qui suscitent le courroux de la gauche figure notamment une atténuation très partielle du « droit du sol » – la France a pour règle de principe le droit du sang depuis 1804 et l’adoption du Code Civil, mais passons -, puisque les  personnes nées en France de parents étrangers devront faire une demande d’obtention de nationalité entre 16 et 18 ans. Le « regroupement familial » a aussi été durci. Les demandeurs auront l’obligation de justifier une durée minimale de séjour de 24 mois, de disposer d’une assurance maladie mais aussi de prouver qu’ils ont des ressources régulières et suffisantes pour en jouir. L’âge minimal du conjoint sera de 21 ans contre 18 aujourd’hui. Il me semble que nous sommes très éloignés de mesures d’extrême-droite, s’agissant d’un durcissement très relatif des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire français.

Certaines mesures sont même plus douces, à commencer par la régularisation des « sans-papiers » qui sera maintenant soumise à l’aval des préfets qui accorderont les titres de séjours à ceux qui travaillent dans les « métiers en tension » pour une durée d’un an à condition que le salarié en situation d’illégalité ait résidé trois ans en France et exercé au moins 12 mois d’activité sur les deux dernières années. Un travailleur sans-papiers aura le pouvoir de demander sa régularisation sans l’aval de son employeur. Horreur pour les humanistes, de LFI à Sacha Houlié, les étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier judicaire ne pourront pas profiter du dispositif ! Quasiment le nazisme, vous dit-on… 

Le délit de séjour irrégulier est enfin en partie rétabli après sa suppression il y a 11 ans par la gauche au pouvoir, dans une version très molle, puisqu’il n’y aura pas de peine de prison comme c’était autrefois le cas mais une simple amende de 3 750 euros.

Ce que le la loi ne contient pas

La loi n’a pas annulé les accords bilatéraux de 1968 entre la France et l’Algérie en dépit des souhaits manifestés par toute la droite, jusque dans les rangs de la majorité puisque l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a défendu cette idée. Pour en avoir parlé avec différentes personnalités de premier plan, jusque dans l’entourage proche de monsieur Philippe à Horizons, ce sujet fut tabou pour Emmanuel Macron et Gérald Darmanin. Les deux hommes ont refusé avec force que la Loi Immigration s’applique aux ressortissants algériens, alors que ces derniers représentent entre 20 % et un tiers des arrivées d’étrangers sur notre territoire annuellement. Pis, tous les milieux informés savent que le régime, qui nous est d’ailleurs hostile sur d’autres fronts, a pris l’habitude de vider ses hôpitaux psychiatriques et ses prisons en France.

Depuis plusieurs années, Emmanuel Macron se montre très accommodant avec le régime de monsieur Tebboune. Des personnalités de premier plan ont notamment souligné le fait qu’il a personnellement poussé le groupe Renaissance au Parlement européen à adopter une résolution condamnant l’État de droit au Maroc tout en refusant de faire de même pour l’Algérie, pays dont on sait qu’il jouit d’une presse d’une grande liberté de ton… Il s’avère qu’Emmanuel Macron pense qu’il sera l’artisan de la grande réconciliation entre nos deux pays. Cette réconciliation doit-elle passer par le maintien d’une inégalité de traitement en matière migratoire à l’endroit d’un pays qui nous a accusés de tuer les siens lors de l’affaire Nahel, ajoutant encore un peu plus d’huile à un feu très nourri ?

Habitants d’Alger, fête de Aid el Kebir, 25 juin 2023 © Guidoum/PPAgency/SIPA

L’autre question sensible passée sous les radars est celle de l’effectivité des obligations de quitter le territoire français. Il est prévu que le budget consacré à la question augmente de 40 millions d’euros. Une goutte d’eau dans l’océan, car, à en croire Gérald Darmanin, un très petit nombre d’entre elles seraient concrètement exécutées. Le ministre de l’Intérieur a souvent expliqué, d’ailleurs à juste titre, que les pays d’origine rechignaient à délivrer les « laissez-passer consulaires » nécessaires aux expulsions. En juin dernier, Alger a d’ailleurs suspendu leur délivrance. Le ministère avait alors fait savoir qu’il ne ferait « aucun commentaire ». Alger agissait alors en réaction à l’affaire Amira Bouraoui, du nom de cette gynécologue militante du mouvement du Hirak qui avait manifesté son opposition à l’ex-président algérien Bouteflika. Il s’agissait d’un prétexte trouvé pour faire pression et s’assurer que les accords de 1968 ne seraient pas touchés par la loi en cours d’élaboration.

De son côté, le Maroc assure pourtant à qui veut bien les entendre qu’un très petit nombre de demandes de laissez-passer consulaires lui seraient adressées par les autorités comparativement au nombre d’OQTF, ce qui empêcherait de facto leur délivrance. Il ne s’agirait donc pas de mauvaise volonté de leur part, mais bien d’une absence de connaissance des cas. Le mystère reste entier…

Barrès: des préoccupations toujours d’actualité

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Avec l’année 2023 s’éteint la dernière occasion avant longtemps de commémorer l’écrivain et homme politique, Maurice Barrès, mort il y a cent ans, le 4 décembre 1923.


Pourquoi s’en souvenir ? Que reste-t-il de lui aujourd’hui ? Un personnage honni qui rend suspect de sympathie avec « l’extrême droite » celui qui « ose » en prononcer le nom. Un infréquentable, nationaliste, antidreyfusard et antisémite viscéral plus marqué que d’autres du sceau de l’infamie.
Ses propos — inacceptables — du temps de l’Affaire Dreyfus ne passent pas, même s’il saura faire l’éloge de ses compatriotes juifs, en 1917, durant la guerre, à l’image d’Abraham Bloch, aumônier des armées, qui perdit la vie en portant un crucifix à un soldat mourant au milieu du champ de bataille. Barrès, toujours en mouvement, qui conciliait écriture et action politique par détestation de l’ennui, n’a pas survécu à la postérité.
L’essentiel le concernant semble avoir été dit, — son sort scellé —, l’installant dans le camp des bannis, au purgatoire des lettres françaises, et pourtant…

Un pan occulté de notre histoire culturelle

Taire son existence au XXIe siècle, — comme c’est le cas dans les programmes scolaires et dans les librairies —, revient à effacer de l’histoire littéraire, pour des raisons idéologiques, l’écrivain lu et renommé qu’il fut, ainsi que le député écouté et respecté de la Troisième République, — durant vingt-et-un ans —, héritier du boulangisme, militant patriote et chantre de l’Union sacrée. Or, ses écrits demeurent une mine d’informations sur le Parlement de la Belle époque, la guerre au quotidien, les suites de l’après-guerre, les cercles artistiques et journalistiques, l’humeur de la société au tournant du XIXe siècle et en ce début de XXe siècle… Notre lecture de Barrès mérite sûrement davantage de nuance et de précision que ce à quoi elle est réduite car son apport à la pensée française n’est pas nul.

A lire aussi: Maurice Barrès: itinéraire intellectuel d’un anti-intellectuel

L’oublier serait nier le passeur, nourri de ses aînés (Taine, Renan, Lamartine, Hugo), influent sur ses cadets (Mauriac, Aragon, Genevoix, Gide, Dutourd, de Gaulle, Mitterrand …). Barrès est un maillon « sensible » unissant les vivants à ses morts qui ne craint pas de célébrer l’identité européenne aux racines judéo-chrétiennes, à travers les figures de Goethe, Dante, Tolstoï. L’oublier équivaudrait surtout à ignorer sa modernité alors que tant de ses combats font écho à notre quotidien. Il aborde déjà la sauvegarde du patrimoine architectural religieux, l’épineuse question du Proche-Orient qu’il connaît bien, l’état de la science et sa défense, et, en général, le rayonnement de la France dans le monde et son affaiblissement qui l’inquiète. 

Des sujets dont on parle encore dans le débat national

Un siècle après la publication de La Grande Pitié des églises de France (1), pamphlet sur les conséquences de la loi de séparation des Églises et de l’État, — Barrès y recensait les églises du pays frappées d’effondrement faute de financement gouvernemental, le sujet s’invite à nouveau dans le débat public.
Édouard de Lamaze, président de l’Observatoire du patrimoine religieux avançait, en septembre 2023, que 10% des édifices était en grand péril. Pire, depuis l’an 2000, le rythme des destructions d’églises s’accroît. S’y ajoutent les actes, en augmentation, de pillages et de vandalisme qui ont récemment poussé les autorités à envisager la protection de ces bâtiments. La préservation de cet héritage culturel est donc loin d’être réglé.
Barrès s’était aussi intéressé au Proche-Orient. En mission parlementaire aux pays du Levant, il pressentait, il y a 110 ans, les fragilités, les fêlures et les dangers de cette région dans son Enquête (2). La lecture de ce texte, paru en 1923, livre des clés de compréhension de la situation actuelle. Déjà, il s’était ému auprès du président Poincaré, en 1919, du sort des Alaouites dont il défendait l’intégrité ; les Chrétiens d’Orient aussi avaient son soutien. Au-delà, il s’était entretenu avec les dignitaires de toutes religions. La guerre en Syrie ainsi que les relations avec la Turquie ont rappelé récemment les particularités de ce territoire complexe, mosaïque de peuples aux intérêts divers et souvent antagonistes.
Il craignait, encore, au sortir de la guerre de 14-18, que le confort matériel revenu ne détourne ses compatriotes du travail intellectuel. Sa campagne pour « la haute intelligence » destinée à stimuler l’esprit français, à remotiver la population traumatisée et à dénoncer « la grande pitié des laboratoires » s’avéra bénéfique : des subventions furent accordées à l’Université par l’État. Si l’action de Barrès en 1919 est un peu à l’origine de la création du CNRS, en 1939, bien des réformes restent à effectuer dans la recherche et l’enseignement scientifiques.
Moins prévisible fut son engagement en faveur du droit de vote des femmes, lorsqu’il s’est agi durant la guerre de proposer une loi pour le suffrage des morts, en 1916. Mais, avec d’autres partisans (la journaliste Séverine, Ferdinand Buisson, Abel Hermant), il s’est heurté aux préjugés sexistes de l’époque et n’a pu imposer à la Chambre le vote des veuves ou des mères endeuillées, qu’il avait qualifié de progrès pour les femmes, lesquelles attendirent 1945 avant d’obtenir le droit de vote aux élections.

A lire aussi: “Le temps qui reste” de Patrick Boucheron: tract politico-woke ou libelle indigeste?

Méconnu et souvent dénigré, Barrès occupe donc une place particulière dans notre mémoire au sens où il est marginalisé. Or, il jouait de son vivant un rôle central dans la société en raison de son autorité intellectuelle. Ni Drumont, ni Maurras, Barrès est l’oublié : trop dilettante, pas assez opportuniste, peu charismatique, jaloux de son indépendance. Plaidons pour un retour à son œuvre (des éditions sont disponibles !), pour une relecture dépassionnée, sans concession ni préjugés, de Maurice Barrès.

Maurice Barrès - Un destin solitaire

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(1) La Grande Pitié des églises de France, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2012.

(2) Une enquête aux pays du Levant, Houilles, éditions Manucius, 2005.

Cage cancellé?

Bizarre… Dans le nouveau film du Danois Kristoffer Borgli, le personnage incarné par l’acteur Nicolas Cage commence à apparaitre dans les rêves de tous ses contemporains…


Il faut admettre que Nicolas Cage a joué dans une bonne flopée de merdes. La star multimillionnaire et laborieusement disjonctée que Sailor et Lula (David Lynch, 1990) avait porté jadis au sommet s’est encore viandé de façon saignante, tout récemment, en vampire parodique dans Renfield, mauvais pastiche signé Chris Mc Kay.

Gloire involontaire

Voilà notre presque retraité du 7ème art opportunément atteint de calvitie – excellent grimage crânien – pour les besoins de son rôle dans Dream Scenario, second long métrage du réalisateur danois qui monte, Kristoffer Borgli, 38 ans, passé pour l’occasion sous pavillon américain. Rappelons que Borgli s’est fait connaître chez nous il y a quelques mois avec Sick of Myself, dans la veine joyeusement corrosive du nouveau cinéma scandinave. Dans ce troisième long métrage du natif d’Oslo, Nicolas Cage campe donc un spécialiste de la biologie de l’évolution, modeste universitaire en mal de reconnaissance scientifique, Paul Matthews, par ailleurs bon mari et bon père de famille, qui commence par apparaître à son insu, dans les rêves de ses proches tout d’abord, puis de ses amis, puis de ses étudiants, et bientôt de la terre entière.

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Un peu pitoyable, le quidam subit de plein fouet son « quart d’heure de célébrité » Warholien : désormais adulé par les siens, propulsé au rang de star dans les médias, il devient la proie vulnérable des réseaux, des pro du marketing et autres influenceurs qui tentent de l’instrumentaliser. Statut Ô combien cruel, qui finit par se retourner contre Paul quand son double onirique surgit dans le sommeil de foules entières, mais cette fois sous forme de cauchemar : agresseur sexuel et agresseur tout court, le voilà ostracisé, annulé, canceled dans l’Amérique versatile, débile et puritaine de 2023. Victime expiatoire d’une gloire involontaire, illégitime et vaine, où le pathétique le dispute au sordide.  

Tragicomédie sardonique et loufoque, Dream Scenario renvoie, non sans une ironie trempée dans l’acide, au destin de Nicolas Cage himself, acteur omniprésent pendant l’heure trois-quart du film, tel le double fictif de la star dévorée par son image. Tétant aux quatre mamelles du buzz où s’allaite la société outre atlantique : le narcissisme, l’arrivisme, la cupidité, le cynisme…   

Dream Scenario. Film de Kristoffer Borgli. Avec Nicolas Cage, Juliana Nicholson, Michael Cora. Durée : 1h41. En salles le 27 décembre 2023.

Le progressiste Donald Tusk met les médias au pas

En Pologne, le nouveau gouvernement de Donald Tusk, vu comme progressiste et libéral, vient de mettre au pas de manière musclée l’audiovisuel public au nom de « l’impartialité et de la crédibilité des médias publics ». Si la décision s’explique par la véritable mainmise du parti conservateur (le PIS, précédemment au pouvoir) sur l’information délivrée par les chaînes publiques, la brutalité du procédé interroge. Le risque étant réel de voir l’audiovisuel public polonais rester toujours sous la domination du pouvoir et continuer à servir une vision biaisée de l’actualité, n’ayant changé que de maître.


Plus d’image ni de son. Ce mercredi, les spectateurs de la chaîne publique d’information en continu, TVP Info se sont retrouvés devant un écran noir. La chaîne a cessé d’émettre dans la matinée. Les programmes des autres chaînes du service public ont été perturbés, les journaux du soir notamment n’ont pas été diffusés.

Une décision expéditive

La raison d’un tel blackout est simple : le chef du gouvernement, nouvellement élu, Donald Tusk, voulait tenir une de ses promesses de campagne : la dépolitisation de l’audiovisuel public. Selon l’hebdomadaire progressiste Polytika, le message politique accompagnant l’arrêt de la diffusion était on ne peut plus clair : « Aucun citoyen polonais n’est obligé d’écouter la propagande. Il a le droit d’exiger des informations fiables. (…) Au lieu d’une soupe propagandiste, nous voulons offrir de l’eau pure ». Le côté exalté de l’argument peut faire sourire et il faut toujours se rappeler qu’un pouvoir qui promet la pureté devrait susciter un réflexe de défiance. Cependant, force est de constater que la façon dont le PIS, le parti conservateur Droit et justice, utilisait la télé publique était plus que contestable. La partialité de l’institution était régulièrement dénoncée : les journaux télévisés tournaient à l’hagiographie éhontée du gouvernement et seuls les thèmes favoris du PIS étaient traités : interdiction de l’avortement, rejet de l’homosexualité, mise en accusation violente de l’opposition…

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Il n’en reste pas moins que la manière dont Donald Tusk a procédé au limogeage des dirigeants des chaînes publiques et de l’agence de presse d’État a marqué par son côté expéditif. En France, dès que le pouvoir passe de la gauche à la droite et vice-versa, commence souvent également la litanie des affrontements autour de l’audiovisuel public. Les gouvernements successifs étant accusés de mener une chasse aux sorcières pour débarquer des journalistes vus comme inféodés à l’ancien pouvoir. Le tout pour faire la même chose avec leurs propres amis, au nom de leur conception du bien et du pluralisme, que tous promettent et que peu réussissent à établir. Mais la reprise en main se souciait des apparences, les remplacements étaient distillés dans le temps, les apparences préservées et une certaine pluralité malgré tout maintenue malgré certains biais. En Pologne, on ne peut pas dire que l’institution a été ménagée.

Le PIS récolte ce qu’il a semé

Bien sûr le PIS hurle au déni de démocratie. Par le biais du président de la République, Andrzej Duda, proche du PIS au demeurant, il reproche à Donald Tusk de n’être pas passé par la voie législative. Il faut dire que dans ce cas, le président possède un droit de veto qui lui permet de bloquer toute décision. On peut comprendre l’énervement du PIS et du président de la République. Les conservateurs, arrivés premiers aux élections, n’ont pas été en mesure de trouver des accords pour former un gouvernement et se sont vus tirer le tapis sous les pieds par Donald Tusk. Et le retour de boomerang se poursuit avec cet épisode rocambolesque. En effet, la brutalité avec laquelle Donald Tusk a agi, a été possible parce que le gouvernement dirigé par le PIS a levé tous les gardes fous quant au contrôle de la télévision publique. Ils ne récoltent donc que ce qu’ils ont semé.

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Il n’en reste pas moins qu’un tel mode de fonctionnement entraîne le plus souvent une servilité des médias vis-à-vis du pouvoir. Ceux-ci ont servi les représentations du PIS et sa ligne politique et les observateurs craignent que l’histoire ne se répète avec Donald Tusk. Cette fois-ci à l’avantage des libéraux. Le politologue Jan Misiuna a ainsi déclaré : « Avant même le Pis, le gouvernement a toujours bénéficié d’un traitement favorable dans les médias publics :  le mieux que l’on puisse espérer aujourd’hui, c’est un retour à la situation d’avant 2015, avec un audiovisuel peu critique du gouvernement, mais qui permet l’expression du pluralisme politique sur son antenne. »

Une exigence démocratique en train de se transformer en vœu pieu ? Loin de la Pologne, nous constatons chez nous aussi que la diabolisation de l’adversaire empêche la capacité à dialoguer au nom du commun sur ce qui nous différencie, pour trouver ou non un terrain d’entente. Si l’adversaire est le diable, il n’y a plus de terrain d’entente possible, on ne s’assoit pas à la même table et surtout on n’a plus rien en commun ou en partage, rien à préserver et aucune base de dialogue. La polarisation des médias est un des symptômes de cette radicalisation. C’est révélateur de ce qui arrive quand on refuse la pluralité, car on est persuadé d’incarner le Bien. Cela finit souvent en légitimation du bâillonnement de l’Autre, car il est la voix du Mal. Il faut toujours s’inquiéter, quand au nom de la démocratie, les gouvernements veulent faire la police des médias et de l’opinion, sur la base de leur conception du bien et du juste. Malgré les objectifs louables avancés, le résultat est toujours le même : la démocratie finit perdante. 

Le RN en 2023 : une insupportable invisibilité…

Alors qu’il n’est pas interdit, toute la démocratie française feint de faire comme si le parti de Jordan Bardella l’était. Un sondage Elabe pour BFMTV indique par ailleurs que 70% des Français interrogés sont satisfaits de la loi immigration votée mardi, alors que l’exécutif invite le conseil constitutionnel à la revoir.


Mon titre est directement inspiré par la « pantalonnade » présidentielle, gouvernementale, parlementaire et démocratique que le vote de la loi sur l’immigration a suscitée pour la plus grande joie de ceux pour lesquels la cause de la politique traditionnelle a été engloutie dans le naufrage de ces derniers mois. Cette insupportable invisibilité concerne le tour de passe-passe qu’Emmanuel Macron a tenté et qui a consisté à tenir pour rien le vote des députés RN à l’Assemblée nationale, comme s’ils n’avaient pas été élus légitimement et que les millions d’électeurs les ayant soutenus étaient indignes, pestiférés.

Absurde stigmatisation éthique

Alors que le 19 décembre, à l’Assemblée nationale, la loi sur l’immigration n’aurait pas été approuvée sans l’aval unanime du groupe RN. Le pouvoir prétendant décompter ces votes qui ne vaudraient pas ceux des autres députés commet, selon Eric Ciotti qui a raison, « un déni de démocratie insupportable ». Mon souci n’est pas de m’indigner face à ce constat et de stigmatiser une loi parce qu’elle aurait été gangrenée par un coup tactique, voire cynique de Marine Le Pen ayant demandé in fine à ses troupes un assentiment parlementaire alors que tout au long, et notamment devant la Commission mixte parlementaire (CMP), le député RN n’avait rien proposé ni validé. Rien de vraiment nouveau du côté de la gauche et de l’extrême gauche qui ont culminé, face à une loi qu’il convenait de démoniser, dans l’opprobre exalté et l’enflure verbale, continuant ce triste processus qui, en dépit de la forte demande des Français, les voyait préférer l’absurde stigmatisation éthique au détriment de la discussion politique critique. Les dispositions qui les plaçaient en apôtres de la morale avaient déjà été adoptées par plusieurs pays européens, d’authentiques démocraties. La priorité nationale qui serait une honte n’était évidemment pas inconnue dans la législation française, qu’on se rapporte au RMI de Michel Rocard ou à notre fonction publique. Les inégalités que la loi décrétait pour les mesures non contributives renvoyaient à des différences de situation et de résidence dont la France avait le droit de tirer des conséquences.

Depuis le vote de cette loi par l’Assemblée nationale (avec une défection substantielle du camp macroniste), des incongruités survenaient qui auraient pu faire rire si le sujet ne concernait le futur de notre pays.

Cacophonie macronienne

Avec d’abord cette volupté frénétique avec laquelle le président de la République, la Première ministre et des ministres, notamment Gérald Darmanin, jouissaient à l’idée des censures tellement désirées du Conseil constitutionnel. On n’avait jamais connu un tel enthousiasme pour le possible détricotage d’articles pourtant advenus à la suite d’un processus parlementaire légitime. Puis cette menace de plusieurs ministres faisant part de leur trouble, voire de leur opposition au texte voté grâce au RN, mais en définitive réduite à la cohérence courageuse d’un seul, le ministre de la santé Aurélien Rousseau. Sans négliger l’incroyable cacophonie gouvernementale passant de la communication pathétique d’un Olivier Véran cherchant à trouver « de la gauche » dans la loi et rendant un hommage démagogique et dégoulinant aux étrangers, à la fermeté claire et nette d’un Bruno Le Maire approuvant totalement le texte. Il est évident qu’avec la fragilité extrême du président qui ne pourra plus se représenter en 2027, toutes les déclarations des principaux ministres, partie prenante de la future joute présidentielle, et des candidats probables hors gouvernement, doivent s’analyser dans le cadre d’un rapport de force destiné à pousser ou à freiner les uns ou les autres. Enfin le président a dialogué durant deux heures dans la soirée du 20 décembre à C à vous (France 5). Ce choix surprenant lui a permis de déployer son talent singulier qui est de savoir être le meilleur dans les exercices médiatiques où on lui offre la possibilité d’argumenter longuement, sans véritable contradiction, sur une multitude de thèmes à l’importance inégale. Cinglant et juste sur Gérard Depardieu, fustigeant une ministre de la Culture trop partisane et précipitée pour susciter le respect, il a tenté de tenir un équilibre délicat entre une démonstration de l’excellence de la loi – et pour une fois il s’est appuyé sur le sentiment largement majoritaire des Français ! – et les minuscules réserves qu’elle suscitait chez lui. Avec une focalisation obsessionnelle sur le RN qui fait un étrange contrepoint par rapport à l’invisibilité parlementaire artificiellement instaurée sur ce même parti. Au point d’ailleurs qu’Emmanuel Macron, ne reculant devant aucun paradoxe, a osé soutenir que la loi qui venait d’être votée était « une défaite du RN » alors qu’à l’évidence sa tonalité générale, bien au-delà du coup tactique de Marine Le Pen, n’aurait pas été validée par elle et son groupe si d’une certaine manière elle n’impliquait pas « une victoire idéologique ». En effet, « le grand déni », comme analyse Libération.

Et cette contradiction fondamentale. La France aurait tous les moyens de se défendre et le pouvoir ne serait pas « dépassé ». Alors pourquoi juger « nécessaire » cette loi ? Le compte n’y était donc pas !

Pour conclure, il me semble que l’une des explications essentielles de ce climat républicain si dégradé depuis la réélection du président est la difficulté qu’éprouvent ce dernier, son gouvernement, les Républicains, la gauche et l’extrême gauche à traiter le RN, aussi critique qu’on veuille être à son encontre, comme il devrait l’être dans le champ de la politique française. Alors qu’il n’est pas interdit, feindre de faire comme s’il l’était. Alors que des millions d’électeurs lui ont apporté leurs suffrages, les prendre de haut, voire les mépriser. Qu’on continue comme cela, et chaque jour fera monter le RN qui est devenu le réceptacle des colères et des désespoirs populaires.

«Nous dénonçons les tambouilles politiques depuis longtemps!»

Au lendemain du vote très commenté de la loi immigration, Yoann Gillet, député RN, seul parlementaire de son parti présent à la commission mixte paritaire, répond à nos questions. Il détaille ce qui lui plaît dans la loi votée mardi (mais qui pourrait bien être « détricoté » par le Conseil constitutionnel) et rappelle que le parti de Marine Le Pen entend abolir le droit du sol.


Causeur. Lorsque vous êtes entrés, en nombre, avec votre famille politique à l’Assemblée nationale au printemps 2022, Marine Le Pen avait promis « une opposition ferme mais constructive ». Pourtant, vous avez voté le rejet de la loi immigration, lundi 11 décembre. Pourquoi ? Si le projet présenté par Gérald Darmanin comportait certainement des lacunes, le ministre de l’Intérieur indiquait qu’il apportait des mesures indispensables aux policiers dans leur travail pour les reconduites à la frontière.

Yoann Gillet. Notre priorité est de défendre et protéger les Français. Voter la motion de rejet était l’occasion de protéger les Français d’un texte de loi immigrationiste, qui aurait amplifié la submersion migratoire dont les Français ne veulent plus. Le projet de loi initial du gouvernement était nocif pour le pays. Celui rejeté en séance qui sortait de la commission des lois encore plus car le gouvernement avait cédé à l’aile gauche de la macronie et à la Nupes en commission des lois.

Grâce au rejet, grâce aux voix du RN, le gouvernement a été contraint de repartir sur le texte issu du Sénat qui était plus ferme. Et pendant la commission mixte paritaire (CMP), ce texte a été considérablement modifié et amélioré. Un certain nombre de mesures portées par Marine Le Pen y ont été intégrées, ce dont on se félicite.

Au final, la loi votée, grâce à nos voix là aussi, n’est pas parfaite, mais elle a le mérite de contenir des points positifs tels que la déchéance de nationalité pour les binationaux qui s’en prennent à la vie de nos forces de l’ordre, le durcissement des conditions de regroupement familial, le rétablissement de délit de séjour irrégulier…

Comment l’exécutif et les Républicains se sont-ils entendus lors de cette CMP ? À quelles tractations avez-vous assisté ?

Les LR, qui avaient rejeté tous nos amendements en commission des lois, ont effectivement été au cœur des négociations avec le gouvernement, pendant mais en dehors de la CMP.

Puisque ce parti n’a ni ligne directrice, ni programme, ils se sont basés sur le programme de Marine Le Pen pour négocier. Tant mieux. Je note qu’ils reconnaissent ainsi que Marine Le Pen a un bon programme. Ce n’est pas la première fois que LR fait du copier-coller de nos mesures, mais je m’en félicite. L’essentiel est le résultat. Je note malgré tout leur incohérence à avoir proposé nos mesures lors des négociations, alors qu’ils avaient voté contre nos amendements sur les mêmes mesures quelques jours plus tôt en commission des lois.

La semaine dernière, la gauche a accusé le ministre de l’Intérieur d’avoir promis des effectifs de police ou de gendarmerie dans des circonscriptions de députés LR. Si c’était avéré, serait-ce selon vous des tractations inacceptables pour essayer d’obtenir leurs voix, ou de la politique comme il s’en est toujours fait ?

On le sait, certains ont l’habitude des tambouilles politiques. Nous les dénonçons depuis longtemps. Obtenir des moyens pour sa circonscription c’est bien, mais pas en échange de renoncements.

Au RN, nous nous battons tous pour obtenir des moyens pour nos circonscriptions et c’est bien normal, mais jamais en échange d’un vote ou d’une compromission. Nous avons à cœur de toujours placer l’intérêt du pays au-dessus de tout.

Marine Le Pen affirmait que la « dureté » des sénateurs LR que nous a présenté la presse ces derniers jours était en réalité une « mollesse absolue ». Mais comment le RN réduirait-il drastiquement l’immigration, s’il arrivait aux responsabilités du pays ?

En 2027, mon vœu le plus cher est de voir Marine Le Pen accéder à l’Élysée. Et je pense que les Français y sont prêts. Ils y sont prêts et la situation du pays l’exige.

Je sais qu’une fois au pouvoir nous aurons la capacité de stopper l’immigration incontrôlée. Nous avons un programme clair et nous sommes prêts à légiférer dès le début du mandat. Marine Le Pen est par ailleurs une femme d’État, qui sait ce qu’elle veut.

Nous mettrons fin à l’immigration de peuplement et au regroupement familial. Nous réformerons le droit d’asile en contraignant les demandeurs à déposer leurs demandes depuis l’étranger. Nous appliquerons une vraie priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi, et conditionnerons à cinq années de travail en France l’accès aux prestations sociales. Nous agirons également en supprimant l’autorisation de séjour aux étrangers déjà présents qui n’auront pas travaillé depuis un an.

Nous ferons également le travail que n’ont pas fait les ministres de l’Intérieur qui se sont succédés en exécutant les OQTF (avec détermination et en sanctionnant les pays d’origine qui refuseraient de reprendre leurs ressortissants dont nous ne voulons plus). Il est temps que la France se fasse à nouveau respecter à l’international.

Enfin, nous supprimerons le droit du sol qui est une aberration. Ce même droit du sol qui a fait du terroriste du pont de Grenelle à Paris un Français ! Être Français, cela s’hérite ou se mérite.

Pour mettre en place toutes ces mesures et les rendre toutes constitutionnelles, Marine Le Pen organisera un référendum. Enfin, je ne peux pas parler de tout cela sans parler de l’idéologie islamiste qui a aussi un lien avec l’immigration. Nous sommes prêts sur ce sujet aussi comme sur bien d’autres. Notre projet de loi est déjà rédigé et même déjà déposé à l’Assemblée. Il n’y aura qu’à le soumettre au vote.

Guy Marchand, de la guerre d’Algérie au hit parade

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Retour sur la vie de Guy Marchand


Qui n’a pas entendu Guy Marchand chanter chez papa Drucker Tutti frutti accompagné par les Alligators, avec Serrault en clown et Birkin, côté charme, ne sait rien. Même Johnny ne chante pas le rock comme ça.

Nestor Burma : culte !

Nestor Burma d’aprés Leo Malet allait sortir. Bientôt, Guy Marchand allait reprendre pour le feuilleton TV le rôle-titre qu’avait tenu Serrault au cinéma en 1982. Personne ne savait que Burma deviendrait culte un jour. Pendant 40 épisodes. 

Papa est ferrailleur, maman est au foyer. Nous sommes à Belleville. Le petit Guy nait en ce Paris de comédie sans savoir que la guerre allait être déclarée deux ans plus tard.

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Il sort de cette déroute… pour découvrir l’Amérique comme tous ceux de sa génération. Plus vieux de cinq ans (Génération Gainsbourg, Nougaro, Ferrer, Aufray) que les Johnny, Jacques, les Eddy, les Dany, son truc, bien sûr, c’est le jazz. Mais comme tous, c’est aussi un obsédé de cinéma. Montgomery Clift, Betty Grable. Pour six sous au Danube, bien sûr! Cinéma de quartier. Toute la chanson française va là sans se connaitre encore. Ils sont voisins et ne le savent pas. Les Dutronc, les Long Chris, les Johnny, les Eddy, les Sardou, les Christophe. Ils se gavent de péplums, de westerns. Tout le monde rêve d’Amérique. Mais cette Amérique qui fume des Luckies et porte de vrais Levi’s va, assimilée, mêlée à nos racines, créer la chanson française. Nashville ou Belleville ? Les deux, mon général. Comme le rock anglais va naître lui aussi d’une Amérique fantasmée, et d’une fascination british pour la France – les Beatles se coiffent comme Jean-Claude Brialy, mais c’est une autre histoire.

Le jeune Guy va au lycée Voltaire… mais passe son temps rue St Benoit. Et dans les boites du cru, il sort la clarinette (le goût est au New Orleans, à Claude Luter et Sydney Bechet). En fait, il aurait préféré la trompette, son père s’est trompé de cadeau. Il danse, drague, se sape, louche sur les voitures décapotables. Une petite MG et trois compères ! C’est St-Germain des-Prés. En cette fameuse rue St Benoit, on y croise la Greco et Miles Davis, Sartre, Bohringer et Jean Yanne, comme la future bande du Drugstore ou les premiers gays affichés. Les fauchés et les fils de famille.  La Sabretache, le Bœuf sur le toit, le Slow club sont les repères. Entre cent autres. Le jazz déborde sur la rue de Rennes ! St-Germain-des-Prés, c’est simple finalement. Les ringards aiment Les 4 barbus et Patachou. Les autres ont un dilemme : BeBop ou jazz tradi ? Autour de Panassié et Vian, ça se déchire. Le Rock and Roll, Elvis ? Les jazzmen n’acceptent encore que Ray Charles et Screamin’ Jay Hawkins. Même s’ils joueront bientôt en loucedé pour les twisters.

Et puis… Et puis tout change. C’est la révolution rock… enfin twist. Le showbiz tremble mais la rue Saint Benoit est toujours aussi fréquentée. Un jour, le beau gosse y croise Eddie Barclay. Cela fait dix ans que le pianiste de jazz et roi des zazous est un gourou showbiz de génie. Il a fondé Jazz magazine, inventé Eddie Constantine, Dalida, invité Quincy Jones. Le rock ? Il a tout compris et signe Vince Taylor, le Satan du truc, comme les Chaussettes Noires. Eddie insiste : il veut Guy, ils vont faire quelque chose ensemble. Au même moment, Jacques Wolfsohn, inventeur de Johnny et Françoise, dit la même chose au jeune Dutronc. Vogue et Barclay mènent la danse.

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Hélas, le service militaire fout tout en l’air. Pau, puis l’Algérie ; malgré une tuberculose enfantine, Guy doit partir. Alors que la myopie de Jacques sauve ce dernier.

Du twist aux Stones, tout s’enchaîne. Ils deviennent tous stars, yéyé ou pas… mais sans lui. Il est dans les Aures quand Dutronc, son cadet, fait l’homme à tout faire chez Vogue.

Un jour, dans le désert, seul avec sa guitare (l’homme joue quasi de tout) et quelque temps avant d’enfin rentrer (dégouté, il s’était engagé dans la Légion) et de rencontrer le cher Eddie, il écrit un tube absurde, différent. Une pochade pour une soirée militaire. Mais qui démontre – ce tango branque – quel chanteur il est. C’est « la passionnata ». Au retour, Barclay n’y croit pas plus que ça et, dans un premier temps, lui donne des boulots de parolier. L’immense premier album de Nicoletta lui doit ainsi son « ça devait arriver », adapté de « I put a spell on you ». Cette « passionnata »  qui ne ressemble à rien sera le tube de l’été 65. Un an avant « Et moi et moi et moi » de Dutronc qui, lui, imite Antoine, le beatnik roi. Les deux beaux gosses ont plein de points en commun, finalement. Cheveux courts, sapés… Un peu Kinks au fond. Mais si terriblement français malgré leurs airs d’Amérique ou d’Angleterre. Marchand donne des interviews ou il explique que tout ça, jazz, rock, blues c’est du pareil au même. Question de basse plus ou moins en avant, de batterie qui cogne ou qui caresse…

Il y aura d’autres tubes (Je cherche une femme, L’Amerloque), des merdes et des choses formidables (“Hey crooner” en pleine furia punk, son duo avec Bardot, l’album “A guy in blue”. « Libertango » avec Astor Piazzolla. En 1982, il compose une parodie avec Cosma : le plus mauvais slow possible. C’est une commande du Splendid. C’est « Destinée », bien sûr. Pour Les sous-doués en vacances. Son rôle de crooner méritait cette bêtise… En fait, c’est “l’Eté indien“ à l’envers. Harmoniquement.

Avant tout un musicien

Il y a longtemps que le cinéma tente Guy Marchand. Même s’il se sent et se veut avant tout musicien. Il fût du casting du “Jour le plus long“ (1962)… Soudain, dix ans plus tard, c’est le roi du second rôle de génie. Soudain, le crooner danseur / chanteur / musicien / auteur compositeur se révèle en prime formidable acteur. Le sale flic de « Garde à vue » (1981), le mari en rage de “Cousin cousine“(1975), le garagiste de “L’été en pente douce“ (1987). On ne les compte plus.

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Ses dernières années, il était devenu écrivain (Un rasoir dans les mains d’un singe – Michel Laffont, 2008) avant de revenir avec un album de standards français (Chansons de ma jeunesse) en 2012. Son ultime disque sera Né à Belleville, en 2020. Après “A guy in blue“ jazzy et blues en diable. Où il s’arrache la voix. Façon Rod Stewart de la grande époque.

Il est mort ruiné. Et quitté par sa dernière épouse. Tout cela tue bien plus efficacement que le Covid. La cause officielle ? Les voitures de collection, selon lui. Les pensions alimentaires, son ex trop jeune selon d’autres… Ce grand élégant s’est tu à ce sujet. Son aveu le plus sincère : « J’ai toujours voulu épater les femmes. Sinon, pourquoi se fatiguer ? »

Un dessin qui dérange

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Cyril Bennasar. ©Hannah Assouline

Le mois dernier, le dessin de Marsault n’a pas plu à Cyril Bennasar. Il s’en explique.


Souvent, je commence la lecture de Causeur par la fin, par le dessin de Marsault. J’aime bien son personnage de Français tout en muscle et en marcel, qui ne se perd pas dans les nuances, ne craint pas de perdre son âme et ne fait pas dans la dentelle pour distribuer généreusement les mandales que méritent le wokisme, le féminisme, l’antiracisme et toutes les variantes de cette religion intersectionnelle des ratés qu’est devenu le gauchisme.

Enfin la plupart du temps mais pas toujours. Je crois me souvenir d’un dessin dans lequel son beauf traitait de pute une jeune fille délurée en crop-top et en string, rejoignant ce mois-là la racaille islamique et Patrick Buisson. Pas le fin stratège, plutôt le coincé du cul(-bénit) qui préfère le voile au string. Évidemment je n’ai pas autant ri que d’habitude, moi qui préfère le string au voile, et même le string tout court.

Le mois dernier, je n’ai pas ri du tout. Son beauf qui renvoyait dos à dos et à Jérusalem les pro-israéliens et les propalestiniens m’a rappelé les heures les plus minables de notre histoire, ces heures où le Français attentiste en charentaises comptait ses tickets de rationnement pendant que d’autres s’engageaient contre le nazisme, ne prenait le maquis que pour s’y planquer et pour échapper au STO en attendant la fin des hostilités entre résistants et collabos. Comment dessinerait-il la guerre sainte des Azéris contre les Arméniens ? Et le génocide de 1915 ? Y verrait-il des affrontements interethniques comme l’histoire officielle turque ? Parlerait-il comme Erdogan mon beauf ?

@MarsaultBreum

Est-ce là tout ce que l’actualité lui inspire ? Ne voit-il pas de différence ici entre l’antisioniste Hamas-friendly et le supporteur d’un pays qui tient tête à des Arabes enragés, fourbes et sanguinaires, comme disait Ariel Sharon ? Entre ceux qui collent des affiches pour mettre des noms et des visages sur des chiffres et ceux qui taguent des étoiles sur les portes de juifs ? Entre ceux qui citent dans des mosquées les passages du Coran qui appellent à tuer des juifs et ceux qui chantent la Marseillaise dans des synagogues ? Entre ceux qui se rassemblent pour témoigner leur soutien aux otages et ceux qui peinent à se contenir de hurler « mort aux juifs » dans leurs manifestations ? Et là-bas, entre ceux qui envoient leurs soldats protéger leurs populations et ceux qui envoient leurs populations protéger leurs soldats ? Et entre les beautés internationales de Tel-Aviv qui militent pour la paix et les boudins imbaisables de Gaza City qu’on ne farcit que pour donner au djihad des martyrs ?

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Pas de différence ? Vraiment ? Ce manque de discernement, cette paresse intellectuelle, ce relent vaguement maurassien me laissent perplexe. Peut-être mes amis de gauche ont-ils raison de dire qu’étant juif, je n’ai sur ces questions ni objectivité ni humour, mais devant ce dessin, je me suis senti comme un juif progressiste qui voit Harvard, qui lit Libé ou le New York Times ou qui entend Mélenchon ou Plenel, un juif qui croyait avoir des compagnons de route et qui se sent seul. La caricature est un exercice difficile qui ne peut pas plaire à tout le monde, comme dirait Charline Vanhoenacker, et on ne peut pas être aussi inspiré tous les mois, alors je ne resterai pas fâché, mais j’espère le retrouver en meilleure forme intellectuelle et morale le mois prochain. Parce que je l’aime bien mon beauf.

Le patois des progressistes

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Samuel Piquet. ©Hannah Assouline

Avec son Dictionnaire des mots haïssables, Samuel Piquet passe en revue la novlangue du camp du bien.


Dans les dîners en ville bobos comme dans les salles de rédaction parisiennes, impossible d’échapper à leur emploi forcené. Ils peuvent être faussement savants (Anthropocène), imposés par les évènements (distanciel) ou tout simplement laids (impacter). Certains sont prétentieusement importés des États-Unis (friendzone), d’autres sont bien de chez nous, mais complètement vidés de leur sens (bienveillance). Quelques-uns sont, reconnaissons-le, d’astucieux néologismes (trouple).

Les mots haïssables n’avaient pas leur dictionnaire, voilà l’erreur enfin réparée. Pour les répertorier, Samuel Piquet, qui en dénombre pas moins de 300 (de A comme addictif à Z comme zèbre, un surnom courant pour les « personnes à haut potentiel intellectuel »), est allé les dénicher dans les colonnes des journaux woke, mais aussi sur les sites web des sociétés du CAC 40. À l’origine, ce vocabulaire se veut en effet apolitique. Il a fait son apparition il y a une vingtaine d’années sous la plume de communicants d’entreprise chargés par le patronat de concevoir un lexique qui rendrait présentable le « sociétal », cette prétention à participer au progrès social sans augmenter les salaires.

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Ainsi, chaque jour que Dieu fait, les chantres du sociétal se donnent-ils bonne conscience en disant « je t’aime » à toutes les minorités possibles, et à Mère Nature bien sûr. Seulement, il ne faut pas que cette ballade hypocrite ressemble à un catéchisme de dame patronnesse. Il faut que cela sonne moderne. Ainsi on évitera: « Il faudrait embaucher plus de handicapés, de femmes et d’Arabes, et leur proposer de bons emplois. » Dites plutôt : « Soyons inclusifs et pratiquons le care avec celles et ceux qui subissent le validisme, le manspreading et l’islamophobie ». Pas étonnant que la gauche ait fini par adopter ce jargon hideux.

Alternant entre les considérations sémiologiques les plus sérieuses et des développements pince-sans-rire du meilleur effet comique, Samuel Piquet, qui a un temps écrit pour Causeur et que l’on peut lire à présent dans Marianne, nous régale à chaque page avec ses bons mots et ses formules assassines. Comme dans cette définition de flexitarien : « n. m. : omnivore qui s’ignore et qui se croit supérieurement conscientisé depuis qu’il ne mange pas de viande le lundi sur les conseils de Juliette Binoche. » Ou à l’occasion de cette méchanceté, parfaitement gratuite : « Si vous êtes un homme et qu’on vous dit que vous êtes glamour, c’est dans doute que vous avez le sex-appeal d’Olivier Dussopt lorsqu’il fait des pompes en slip à 5 h 15 du matin. » Bref, un ouvrage tout à la fois solaire, iconique, disruptif, inclassable et challengeant.

Samuel Piquet, Dictionnaire des mots haïssables, Le Cherche Midi, 2023.

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Darien, Leopardi, Aymé, Vincenot et Lady Chinchilla sous le sapin!

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Lady Chinchilla. DR.

Une sélection de livres (neuf et d’occasion) signée Monsieur Nostalgie…


Demain soir, il sera trop tard. Il ne vous reste que vingt-quatre heures pour trouver le livre idoine. Celui qui vous fera passer pour un être supérieur, c’est-à-dire délicat dans ses sentiments et abrasif au niveau de ses idées. Un être sûr de son goût, oscillant entre le brûlot et une littérature populaire non-victimaire, entre le bagne et les contreforts du Morvan, entre une forme de poésie élitiste et l’ambiance cabaret « seins nus ». Contrairement à ce qu’écrivait Jules Renard dans son journal à la date du 5 décembre 1903 : « On a vite fait de savoir si un poète a du talent. Pour les prosateurs, c’est un peu plus long », chez ceux que je vais vous présenter ici-bas, le talent éclate, irradie et brûle la peau. La plume ne ment pas. On les lit, le sang bouillant et l’esprit querelleur, désinhibé de toutes les fadaises vendues dans les rentrées littéraires avec ce sourire commercial insupportable de rigueur. Qui sont-ils ? Des réfractaires, des dissidents plus ou moins bruyants, de grands oubliés, des figures de l’ancien monde qui viennent nous réveiller à la Noël, des stylistes qui tambourinent fort dans notre cœur. Ils crient le désespoir des pestiférés, ils aboient en dehors des meutes, ils chantent les territoires reculés, ils creusent leur sillon sans regarder la copie du voisin, parfois même, ils font voltiger leur soutien-gorge, n’essayez pas de les capturer, de les classer, de les louanger, ils sont sauvages par nature. Instables et donc, d’une permanence salutaire. Saluons d’abord l’initiative des éditions La mouette de Minerve de publier L’Escarmouche, l’hebdomadaire de huit pages lancé par Georges Darien (1862-1921) entre novembre 1893 et mars 1894, illustré par ses amis qui s’appelaient Toulouse-Lautrec, Bonnard ou Vallotton. Comme tous les Belmondophiles de ma génération, le nom de cet écrivain écorché jusqu’au martyr, m’était parvenu grâce à Louis Malle dont le film « Le voleur » sorti en 1967 était adapté de son roman. J’avais lu Biribi, il y a fort longtemps dans ma jeunesse grinçante, et n’avais pas oublié cette langue âpre, cette violence non contenue, ce flot d’injustices qui ne s’apaise jamais. Mais je ne savais rien du polémiste ; Bruno Lafourcade, l’un des meilleurs pugilistes des lettres du moment, nous donne toutes les clés de compréhension dans une préface et des notes brillantes : « Darien s’en prend aux opportunistes, aux corrompus, aux faux humanistes. Le ton est celui du satiriste, de l’anarchiste, du pamphlétaire ; Darien a tout du polémiste pré-célinien ». Avouez que ça donne envie de sortir ses gants ! Traversons les Alpes et retrouvons Leopardi (1798-1837). Depuis peu, les jeunes écrivains prometteurs, ceux qui briguent les prix d’automne le citent, le commentent l’air pénétré, lui font allégeance et y puisent, semble-t-il, des raisons d’écrire sans très bien connaître son onde multiple. Je préfère me fier au plus grand spécialiste français des Canti dont la traduction (La Dogana 1987, puis Flammarion 1995) fait loi. Il s’agit de Michel Orcel, ancien maître de conférences à l’Université et Grand Prix de poésie de l’Académie française en 2020 pour l’ensemble de son œuvre, il vient de réunir en un seul volume « ses dix essais les plus importants sur le poète de Recanati ». C’est magistral, érudit, de haute volée, toute la puissance de la poésie léopardienne nous est révélée dans cette étude qu’il serait impardonnable de ne pas posséder dans sa bibliothèque. Retournons sur les sentiers de glaise, au milieu des pierres et des fougères, dans le ruissellement des campagnes. Les éditions Le temps qu’il fait republie (30 ans après sa première parution) Marcher à l’estime de l’auvergnat Patrick Cloux, le chroniqueur des chemins d’errance. L’édition augmentée de ce livre sous-titré « Une chronique de nature », bien avant la vogue des marcheurs béats et des randonneurs ébahis, nous appelle à fouler la terre, à sentir les écorces, à faire turbiner notre tête au contact de la nature ; Cloux nous apprend enfin à regarder l’éphémère sans s’ériger en gourou vert. Un écrivain qui démarre cette quête par cette phrase : « Les livres de nature m’ennuient souvent, malgré leurs photographies » sera assurément un bon guide et un excellent compagnon de voyage. Du Puy-de-Dôme, remontons jusqu’en Bourgogne, à la rencontre du « Maître du bonheur » raconté par sa fille dans Mon père Henri Vincenot (1912-1985), ce livre de souvenirs a le miroitement des terrines de Commarin. Demain soir, je rêve de manger un cuissot de marcassin qui baigne « dans une splendide marinade violine aux yeux d’huile », la spécialité du père Vincenot.

En cette période de fêtes, pensez également à vous abonner aux revues littéraires, ce sont elles les véritables influenceuses des temps incertains, je pense à Livr’arbitres de Patrick Wagner, au Bulletin Célinien de Marc Laudelout ou au Cahier Marcel Aymé édité par la société des amis de Marcel Aymé avec le concours du département du Jura. Enfin, dans le titre de cette chronique, je vous parlais d’une certaine Lady Chinchilla, je vous dirais juste qu’elle fit ses débuts au Crazy Horse Saloon et fut connue positivement comme doublure de Brigitte Bardot. Si vous avez la chance de trouver un exemplaire rare d’Histoire et sociologie du strip-tease de Jean Charvil aux éditions Planète datant de 1969 chez un bouquiniste, votre réveillon sera pleinement réussi ! Joyeux Noël !


L’Escarmouche – Georges Darien – Notes & préface Bruno Lafourcade – La mouette de Minerve  

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Leopardi (poésie, pensée, psyché) – Michel Orcel – Arcades Ambo

Marcher à l’estime – Patrick Cloux – Le temps qu’il fait

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Mon père Henri Vincenot – Claudine Vincenot – Le livre de poche – Numéro 14095

Le Maître du bonheur, mon père Henri Vincenot

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Le bulletin Célinien
Le Bulletin Célinien | Périodique mensuel consacré à Louis-Ferdinand Céline (bulletincelinien.com)

Livr’arbitres
Site de la revue littéraire Livr’arbitres – Bienvenue sur le site de livr’arbitres, la revue du pays réel ! (livrarbitres.com)

Cahier Marcel Aymé
SAMA Cahiers Marcel Aymé (CMA) (marcelayme.net)

Histoire et sociologie du strip-tease – Jean Charvil – Préface de Jean Duvignaud – Planète

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Accords de 1968 mystérieusement intouchables: les Algériens pas concernés par la Loi immigration

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Les présidents Macron et Tebboune, Alger, 25 août 2022 © ELIOT BLONDET-POOL/SIPA

Délit de séjour irrégulier, OQTF, accords de 1968 : examen du contenu de la Loi Immigration. En coulisses, l’entourage d’Edouard Philippe et les milieux diplomatiques marocains fulminent…


Les débats puis le vote de la Loi Immigration ont fait l’effet d’un révélateur majeur des profondes dissensions au sein de la classe politique française, singulièrement au sein de la majorité présidentielle qui s’est déchirée. Jugée comme appartenant au registre politique de « l’extrême-droite » par la gauche en voie de sédition, les départements socialistes et la mairie de Paris ayant déjà déclaré qu’ils refuseront d’en appliquer l’essentiel des innovations, le contenu de cette loi n’est en réalité que peu connu des Français. En outre, certaines dispositions défendues au Sénat n’ont pas été retenues par l’effet de jeux politiques d’alcôves qui sont encore largement ignorés, à l’image des épineuses questions relatives aux OQTF et aux accords bilatéraux franco-algériens de 1968.

La philosophie de la loi présentée par l’exécutif était la suivante : articuler la régularisation temporaire des étrangers pour palier des demandes du MEDEF dans les métiers en tension et mieux exécuter les expulsions des étrangers indésirables. Qu’en est-il à l’arrivée ? Au terme de neuf mois de débats houleux qui ont conduit à des bras de fer entre la majorité et les Républicains en Commission mixte paritaire, les parlementaires ont finalement accouché d’un compromis déjà partiellement remis en question par l’exécutif qui espère que certaines dispositions seront censurées par le Conseil Constitutionnel. Pour l’heure, nous allons revenir sur les articles les plus importants qui ont été adoptés.

Ce que la loi contient

Le premier d’entre eux est l’allongement du délai nécessaire pour obtenir les prestations sociales. Les étrangers hors Union européenne devront ainsi pouvoir justifier de 30 mois de présence en France pour en bénéficier, notamment les allocations familiales. S’ils ne travaillent pas, le délai est allongé à cinq ans. Un même raisonnement a été appliqué aux aides au logement communément nommées APL, puisque les non-travailleurs devront attendre cinq ans avant de les toucher contre trois mois pour les étrangers qui travaillent. Néanmoins, les personnes ayant le statut de réfugiés ou une carte de résident ne seront pas concernées par ces dispositions, alors que les premiers sont l’un des nœuds du problème, de nombreux prétendus « réfugiés » étant en réalité des migrants économiques. Considérées comme consacrant le principe de « préférence nationale », ces mesures sont pourtant parfaitement classiques au sein de l’Union européenne ! De la même manière, un étranger ne peut pas être fonctionnaire ou exercer certains métiers dans le commerce. C’est pour cette raison que la nationalité confère la citoyenneté.

A lire aussi: «Depuis 40 ans, la France se couche devant le pouvoir algérien»

Parmi les autres innovations qui suscitent le courroux de la gauche figure notamment une atténuation très partielle du « droit du sol » – la France a pour règle de principe le droit du sang depuis 1804 et l’adoption du Code Civil, mais passons -, puisque les  personnes nées en France de parents étrangers devront faire une demande d’obtention de nationalité entre 16 et 18 ans. Le « regroupement familial » a aussi été durci. Les demandeurs auront l’obligation de justifier une durée minimale de séjour de 24 mois, de disposer d’une assurance maladie mais aussi de prouver qu’ils ont des ressources régulières et suffisantes pour en jouir. L’âge minimal du conjoint sera de 21 ans contre 18 aujourd’hui. Il me semble que nous sommes très éloignés de mesures d’extrême-droite, s’agissant d’un durcissement très relatif des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire français.

Certaines mesures sont même plus douces, à commencer par la régularisation des « sans-papiers » qui sera maintenant soumise à l’aval des préfets qui accorderont les titres de séjours à ceux qui travaillent dans les « métiers en tension » pour une durée d’un an à condition que le salarié en situation d’illégalité ait résidé trois ans en France et exercé au moins 12 mois d’activité sur les deux dernières années. Un travailleur sans-papiers aura le pouvoir de demander sa régularisation sans l’aval de son employeur. Horreur pour les humanistes, de LFI à Sacha Houlié, les étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier judicaire ne pourront pas profiter du dispositif ! Quasiment le nazisme, vous dit-on… 

Le délit de séjour irrégulier est enfin en partie rétabli après sa suppression il y a 11 ans par la gauche au pouvoir, dans une version très molle, puisqu’il n’y aura pas de peine de prison comme c’était autrefois le cas mais une simple amende de 3 750 euros.

Ce que le la loi ne contient pas

La loi n’a pas annulé les accords bilatéraux de 1968 entre la France et l’Algérie en dépit des souhaits manifestés par toute la droite, jusque dans les rangs de la majorité puisque l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a défendu cette idée. Pour en avoir parlé avec différentes personnalités de premier plan, jusque dans l’entourage proche de monsieur Philippe à Horizons, ce sujet fut tabou pour Emmanuel Macron et Gérald Darmanin. Les deux hommes ont refusé avec force que la Loi Immigration s’applique aux ressortissants algériens, alors que ces derniers représentent entre 20 % et un tiers des arrivées d’étrangers sur notre territoire annuellement. Pis, tous les milieux informés savent que le régime, qui nous est d’ailleurs hostile sur d’autres fronts, a pris l’habitude de vider ses hôpitaux psychiatriques et ses prisons en France.

Depuis plusieurs années, Emmanuel Macron se montre très accommodant avec le régime de monsieur Tebboune. Des personnalités de premier plan ont notamment souligné le fait qu’il a personnellement poussé le groupe Renaissance au Parlement européen à adopter une résolution condamnant l’État de droit au Maroc tout en refusant de faire de même pour l’Algérie, pays dont on sait qu’il jouit d’une presse d’une grande liberté de ton… Il s’avère qu’Emmanuel Macron pense qu’il sera l’artisan de la grande réconciliation entre nos deux pays. Cette réconciliation doit-elle passer par le maintien d’une inégalité de traitement en matière migratoire à l’endroit d’un pays qui nous a accusés de tuer les siens lors de l’affaire Nahel, ajoutant encore un peu plus d’huile à un feu très nourri ?

Habitants d’Alger, fête de Aid el Kebir, 25 juin 2023 © Guidoum/PPAgency/SIPA

L’autre question sensible passée sous les radars est celle de l’effectivité des obligations de quitter le territoire français. Il est prévu que le budget consacré à la question augmente de 40 millions d’euros. Une goutte d’eau dans l’océan, car, à en croire Gérald Darmanin, un très petit nombre d’entre elles seraient concrètement exécutées. Le ministre de l’Intérieur a souvent expliqué, d’ailleurs à juste titre, que les pays d’origine rechignaient à délivrer les « laissez-passer consulaires » nécessaires aux expulsions. En juin dernier, Alger a d’ailleurs suspendu leur délivrance. Le ministère avait alors fait savoir qu’il ne ferait « aucun commentaire ». Alger agissait alors en réaction à l’affaire Amira Bouraoui, du nom de cette gynécologue militante du mouvement du Hirak qui avait manifesté son opposition à l’ex-président algérien Bouteflika. Il s’agissait d’un prétexte trouvé pour faire pression et s’assurer que les accords de 1968 ne seraient pas touchés par la loi en cours d’élaboration.

De son côté, le Maroc assure pourtant à qui veut bien les entendre qu’un très petit nombre de demandes de laissez-passer consulaires lui seraient adressées par les autorités comparativement au nombre d’OQTF, ce qui empêcherait de facto leur délivrance. Il ne s’agirait donc pas de mauvaise volonté de leur part, mais bien d’une absence de connaissance des cas. Le mystère reste entier…

Barrès: des préoccupations toujours d’actualité

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© Le Cerf

Avec l’année 2023 s’éteint la dernière occasion avant longtemps de commémorer l’écrivain et homme politique, Maurice Barrès, mort il y a cent ans, le 4 décembre 1923.


Pourquoi s’en souvenir ? Que reste-t-il de lui aujourd’hui ? Un personnage honni qui rend suspect de sympathie avec « l’extrême droite » celui qui « ose » en prononcer le nom. Un infréquentable, nationaliste, antidreyfusard et antisémite viscéral plus marqué que d’autres du sceau de l’infamie.
Ses propos — inacceptables — du temps de l’Affaire Dreyfus ne passent pas, même s’il saura faire l’éloge de ses compatriotes juifs, en 1917, durant la guerre, à l’image d’Abraham Bloch, aumônier des armées, qui perdit la vie en portant un crucifix à un soldat mourant au milieu du champ de bataille. Barrès, toujours en mouvement, qui conciliait écriture et action politique par détestation de l’ennui, n’a pas survécu à la postérité.
L’essentiel le concernant semble avoir été dit, — son sort scellé —, l’installant dans le camp des bannis, au purgatoire des lettres françaises, et pourtant…

Un pan occulté de notre histoire culturelle

Taire son existence au XXIe siècle, — comme c’est le cas dans les programmes scolaires et dans les librairies —, revient à effacer de l’histoire littéraire, pour des raisons idéologiques, l’écrivain lu et renommé qu’il fut, ainsi que le député écouté et respecté de la Troisième République, — durant vingt-et-un ans —, héritier du boulangisme, militant patriote et chantre de l’Union sacrée. Or, ses écrits demeurent une mine d’informations sur le Parlement de la Belle époque, la guerre au quotidien, les suites de l’après-guerre, les cercles artistiques et journalistiques, l’humeur de la société au tournant du XIXe siècle et en ce début de XXe siècle… Notre lecture de Barrès mérite sûrement davantage de nuance et de précision que ce à quoi elle est réduite car son apport à la pensée française n’est pas nul.

A lire aussi: Maurice Barrès: itinéraire intellectuel d’un anti-intellectuel

L’oublier serait nier le passeur, nourri de ses aînés (Taine, Renan, Lamartine, Hugo), influent sur ses cadets (Mauriac, Aragon, Genevoix, Gide, Dutourd, de Gaulle, Mitterrand …). Barrès est un maillon « sensible » unissant les vivants à ses morts qui ne craint pas de célébrer l’identité européenne aux racines judéo-chrétiennes, à travers les figures de Goethe, Dante, Tolstoï. L’oublier équivaudrait surtout à ignorer sa modernité alors que tant de ses combats font écho à notre quotidien. Il aborde déjà la sauvegarde du patrimoine architectural religieux, l’épineuse question du Proche-Orient qu’il connaît bien, l’état de la science et sa défense, et, en général, le rayonnement de la France dans le monde et son affaiblissement qui l’inquiète. 

Des sujets dont on parle encore dans le débat national

Un siècle après la publication de La Grande Pitié des églises de France (1), pamphlet sur les conséquences de la loi de séparation des Églises et de l’État, — Barrès y recensait les églises du pays frappées d’effondrement faute de financement gouvernemental, le sujet s’invite à nouveau dans le débat public.
Édouard de Lamaze, président de l’Observatoire du patrimoine religieux avançait, en septembre 2023, que 10% des édifices était en grand péril. Pire, depuis l’an 2000, le rythme des destructions d’églises s’accroît. S’y ajoutent les actes, en augmentation, de pillages et de vandalisme qui ont récemment poussé les autorités à envisager la protection de ces bâtiments. La préservation de cet héritage culturel est donc loin d’être réglé.
Barrès s’était aussi intéressé au Proche-Orient. En mission parlementaire aux pays du Levant, il pressentait, il y a 110 ans, les fragilités, les fêlures et les dangers de cette région dans son Enquête (2). La lecture de ce texte, paru en 1923, livre des clés de compréhension de la situation actuelle. Déjà, il s’était ému auprès du président Poincaré, en 1919, du sort des Alaouites dont il défendait l’intégrité ; les Chrétiens d’Orient aussi avaient son soutien. Au-delà, il s’était entretenu avec les dignitaires de toutes religions. La guerre en Syrie ainsi que les relations avec la Turquie ont rappelé récemment les particularités de ce territoire complexe, mosaïque de peuples aux intérêts divers et souvent antagonistes.
Il craignait, encore, au sortir de la guerre de 14-18, que le confort matériel revenu ne détourne ses compatriotes du travail intellectuel. Sa campagne pour « la haute intelligence » destinée à stimuler l’esprit français, à remotiver la population traumatisée et à dénoncer « la grande pitié des laboratoires » s’avéra bénéfique : des subventions furent accordées à l’Université par l’État. Si l’action de Barrès en 1919 est un peu à l’origine de la création du CNRS, en 1939, bien des réformes restent à effectuer dans la recherche et l’enseignement scientifiques.
Moins prévisible fut son engagement en faveur du droit de vote des femmes, lorsqu’il s’est agi durant la guerre de proposer une loi pour le suffrage des morts, en 1916. Mais, avec d’autres partisans (la journaliste Séverine, Ferdinand Buisson, Abel Hermant), il s’est heurté aux préjugés sexistes de l’époque et n’a pu imposer à la Chambre le vote des veuves ou des mères endeuillées, qu’il avait qualifié de progrès pour les femmes, lesquelles attendirent 1945 avant d’obtenir le droit de vote aux élections.

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Méconnu et souvent dénigré, Barrès occupe donc une place particulière dans notre mémoire au sens où il est marginalisé. Or, il jouait de son vivant un rôle central dans la société en raison de son autorité intellectuelle. Ni Drumont, ni Maurras, Barrès est l’oublié : trop dilettante, pas assez opportuniste, peu charismatique, jaloux de son indépendance. Plaidons pour un retour à son œuvre (des éditions sont disponibles !), pour une relecture dépassionnée, sans concession ni préjugés, de Maurice Barrès.

Maurice Barrès - Un destin solitaire

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(1) La Grande Pitié des églises de France, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2012.

(2) Une enquête aux pays du Levant, Houilles, éditions Manucius, 2005.

Cage cancellé?

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Nicolas Cage, "Dream Scenario" (2023) de Kristoffer Borgli © Metropolitan

Bizarre… Dans le nouveau film du Danois Kristoffer Borgli, le personnage incarné par l’acteur Nicolas Cage commence à apparaitre dans les rêves de tous ses contemporains…


Il faut admettre que Nicolas Cage a joué dans une bonne flopée de merdes. La star multimillionnaire et laborieusement disjonctée que Sailor et Lula (David Lynch, 1990) avait porté jadis au sommet s’est encore viandé de façon saignante, tout récemment, en vampire parodique dans Renfield, mauvais pastiche signé Chris Mc Kay.

Gloire involontaire

Voilà notre presque retraité du 7ème art opportunément atteint de calvitie – excellent grimage crânien – pour les besoins de son rôle dans Dream Scenario, second long métrage du réalisateur danois qui monte, Kristoffer Borgli, 38 ans, passé pour l’occasion sous pavillon américain. Rappelons que Borgli s’est fait connaître chez nous il y a quelques mois avec Sick of Myself, dans la veine joyeusement corrosive du nouveau cinéma scandinave. Dans ce troisième long métrage du natif d’Oslo, Nicolas Cage campe donc un spécialiste de la biologie de l’évolution, modeste universitaire en mal de reconnaissance scientifique, Paul Matthews, par ailleurs bon mari et bon père de famille, qui commence par apparaître à son insu, dans les rêves de ses proches tout d’abord, puis de ses amis, puis de ses étudiants, et bientôt de la terre entière.

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Un peu pitoyable, le quidam subit de plein fouet son « quart d’heure de célébrité » Warholien : désormais adulé par les siens, propulsé au rang de star dans les médias, il devient la proie vulnérable des réseaux, des pro du marketing et autres influenceurs qui tentent de l’instrumentaliser. Statut Ô combien cruel, qui finit par se retourner contre Paul quand son double onirique surgit dans le sommeil de foules entières, mais cette fois sous forme de cauchemar : agresseur sexuel et agresseur tout court, le voilà ostracisé, annulé, canceled dans l’Amérique versatile, débile et puritaine de 2023. Victime expiatoire d’une gloire involontaire, illégitime et vaine, où le pathétique le dispute au sordide.  

Tragicomédie sardonique et loufoque, Dream Scenario renvoie, non sans une ironie trempée dans l’acide, au destin de Nicolas Cage himself, acteur omniprésent pendant l’heure trois-quart du film, tel le double fictif de la star dévorée par son image. Tétant aux quatre mamelles du buzz où s’allaite la société outre atlantique : le narcissisme, l’arrivisme, la cupidité, le cynisme…   

Dream Scenario. Film de Kristoffer Borgli. Avec Nicolas Cage, Juliana Nicholson, Michael Cora. Durée : 1h41. En salles le 27 décembre 2023.

Le progressiste Donald Tusk met les médias au pas

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La police bloque l'accès aux locaux de TVP, Varsovie, 20 décembre 2023 © SOPA Images/SIPA

En Pologne, le nouveau gouvernement de Donald Tusk, vu comme progressiste et libéral, vient de mettre au pas de manière musclée l’audiovisuel public au nom de « l’impartialité et de la crédibilité des médias publics ». Si la décision s’explique par la véritable mainmise du parti conservateur (le PIS, précédemment au pouvoir) sur l’information délivrée par les chaînes publiques, la brutalité du procédé interroge. Le risque étant réel de voir l’audiovisuel public polonais rester toujours sous la domination du pouvoir et continuer à servir une vision biaisée de l’actualité, n’ayant changé que de maître.


Plus d’image ni de son. Ce mercredi, les spectateurs de la chaîne publique d’information en continu, TVP Info se sont retrouvés devant un écran noir. La chaîne a cessé d’émettre dans la matinée. Les programmes des autres chaînes du service public ont été perturbés, les journaux du soir notamment n’ont pas été diffusés.

Une décision expéditive

La raison d’un tel blackout est simple : le chef du gouvernement, nouvellement élu, Donald Tusk, voulait tenir une de ses promesses de campagne : la dépolitisation de l’audiovisuel public. Selon l’hebdomadaire progressiste Polytika, le message politique accompagnant l’arrêt de la diffusion était on ne peut plus clair : « Aucun citoyen polonais n’est obligé d’écouter la propagande. Il a le droit d’exiger des informations fiables. (…) Au lieu d’une soupe propagandiste, nous voulons offrir de l’eau pure ». Le côté exalté de l’argument peut faire sourire et il faut toujours se rappeler qu’un pouvoir qui promet la pureté devrait susciter un réflexe de défiance. Cependant, force est de constater que la façon dont le PIS, le parti conservateur Droit et justice, utilisait la télé publique était plus que contestable. La partialité de l’institution était régulièrement dénoncée : les journaux télévisés tournaient à l’hagiographie éhontée du gouvernement et seuls les thèmes favoris du PIS étaient traités : interdiction de l’avortement, rejet de l’homosexualité, mise en accusation violente de l’opposition…

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Il n’en reste pas moins que la manière dont Donald Tusk a procédé au limogeage des dirigeants des chaînes publiques et de l’agence de presse d’État a marqué par son côté expéditif. En France, dès que le pouvoir passe de la gauche à la droite et vice-versa, commence souvent également la litanie des affrontements autour de l’audiovisuel public. Les gouvernements successifs étant accusés de mener une chasse aux sorcières pour débarquer des journalistes vus comme inféodés à l’ancien pouvoir. Le tout pour faire la même chose avec leurs propres amis, au nom de leur conception du bien et du pluralisme, que tous promettent et que peu réussissent à établir. Mais la reprise en main se souciait des apparences, les remplacements étaient distillés dans le temps, les apparences préservées et une certaine pluralité malgré tout maintenue malgré certains biais. En Pologne, on ne peut pas dire que l’institution a été ménagée.

Le PIS récolte ce qu’il a semé

Bien sûr le PIS hurle au déni de démocratie. Par le biais du président de la République, Andrzej Duda, proche du PIS au demeurant, il reproche à Donald Tusk de n’être pas passé par la voie législative. Il faut dire que dans ce cas, le président possède un droit de veto qui lui permet de bloquer toute décision. On peut comprendre l’énervement du PIS et du président de la République. Les conservateurs, arrivés premiers aux élections, n’ont pas été en mesure de trouver des accords pour former un gouvernement et se sont vus tirer le tapis sous les pieds par Donald Tusk. Et le retour de boomerang se poursuit avec cet épisode rocambolesque. En effet, la brutalité avec laquelle Donald Tusk a agi, a été possible parce que le gouvernement dirigé par le PIS a levé tous les gardes fous quant au contrôle de la télévision publique. Ils ne récoltent donc que ce qu’ils ont semé.

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Il n’en reste pas moins qu’un tel mode de fonctionnement entraîne le plus souvent une servilité des médias vis-à-vis du pouvoir. Ceux-ci ont servi les représentations du PIS et sa ligne politique et les observateurs craignent que l’histoire ne se répète avec Donald Tusk. Cette fois-ci à l’avantage des libéraux. Le politologue Jan Misiuna a ainsi déclaré : « Avant même le Pis, le gouvernement a toujours bénéficié d’un traitement favorable dans les médias publics :  le mieux que l’on puisse espérer aujourd’hui, c’est un retour à la situation d’avant 2015, avec un audiovisuel peu critique du gouvernement, mais qui permet l’expression du pluralisme politique sur son antenne. »

Une exigence démocratique en train de se transformer en vœu pieu ? Loin de la Pologne, nous constatons chez nous aussi que la diabolisation de l’adversaire empêche la capacité à dialoguer au nom du commun sur ce qui nous différencie, pour trouver ou non un terrain d’entente. Si l’adversaire est le diable, il n’y a plus de terrain d’entente possible, on ne s’assoit pas à la même table et surtout on n’a plus rien en commun ou en partage, rien à préserver et aucune base de dialogue. La polarisation des médias est un des symptômes de cette radicalisation. C’est révélateur de ce qui arrive quand on refuse la pluralité, car on est persuadé d’incarner le Bien. Cela finit souvent en légitimation du bâillonnement de l’Autre, car il est la voix du Mal. Il faut toujours s’inquiéter, quand au nom de la démocratie, les gouvernements veulent faire la police des médias et de l’opinion, sur la base de leur conception du bien et du juste. Malgré les objectifs louables avancés, le résultat est toujours le même : la démocratie finit perdante. 

Le RN en 2023 : une insupportable invisibilité…

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© JEANNE ACCORSINI/SIPA

Alors qu’il n’est pas interdit, toute la démocratie française feint de faire comme si le parti de Jordan Bardella l’était. Un sondage Elabe pour BFMTV indique par ailleurs que 70% des Français interrogés sont satisfaits de la loi immigration votée mardi, alors que l’exécutif invite le conseil constitutionnel à la revoir.


Mon titre est directement inspiré par la « pantalonnade » présidentielle, gouvernementale, parlementaire et démocratique que le vote de la loi sur l’immigration a suscitée pour la plus grande joie de ceux pour lesquels la cause de la politique traditionnelle a été engloutie dans le naufrage de ces derniers mois. Cette insupportable invisibilité concerne le tour de passe-passe qu’Emmanuel Macron a tenté et qui a consisté à tenir pour rien le vote des députés RN à l’Assemblée nationale, comme s’ils n’avaient pas été élus légitimement et que les millions d’électeurs les ayant soutenus étaient indignes, pestiférés.

Absurde stigmatisation éthique

Alors que le 19 décembre, à l’Assemblée nationale, la loi sur l’immigration n’aurait pas été approuvée sans l’aval unanime du groupe RN. Le pouvoir prétendant décompter ces votes qui ne vaudraient pas ceux des autres députés commet, selon Eric Ciotti qui a raison, « un déni de démocratie insupportable ». Mon souci n’est pas de m’indigner face à ce constat et de stigmatiser une loi parce qu’elle aurait été gangrenée par un coup tactique, voire cynique de Marine Le Pen ayant demandé in fine à ses troupes un assentiment parlementaire alors que tout au long, et notamment devant la Commission mixte parlementaire (CMP), le député RN n’avait rien proposé ni validé. Rien de vraiment nouveau du côté de la gauche et de l’extrême gauche qui ont culminé, face à une loi qu’il convenait de démoniser, dans l’opprobre exalté et l’enflure verbale, continuant ce triste processus qui, en dépit de la forte demande des Français, les voyait préférer l’absurde stigmatisation éthique au détriment de la discussion politique critique. Les dispositions qui les plaçaient en apôtres de la morale avaient déjà été adoptées par plusieurs pays européens, d’authentiques démocraties. La priorité nationale qui serait une honte n’était évidemment pas inconnue dans la législation française, qu’on se rapporte au RMI de Michel Rocard ou à notre fonction publique. Les inégalités que la loi décrétait pour les mesures non contributives renvoyaient à des différences de situation et de résidence dont la France avait le droit de tirer des conséquences.

Depuis le vote de cette loi par l’Assemblée nationale (avec une défection substantielle du camp macroniste), des incongruités survenaient qui auraient pu faire rire si le sujet ne concernait le futur de notre pays.

Cacophonie macronienne

Avec d’abord cette volupté frénétique avec laquelle le président de la République, la Première ministre et des ministres, notamment Gérald Darmanin, jouissaient à l’idée des censures tellement désirées du Conseil constitutionnel. On n’avait jamais connu un tel enthousiasme pour le possible détricotage d’articles pourtant advenus à la suite d’un processus parlementaire légitime. Puis cette menace de plusieurs ministres faisant part de leur trouble, voire de leur opposition au texte voté grâce au RN, mais en définitive réduite à la cohérence courageuse d’un seul, le ministre de la santé Aurélien Rousseau. Sans négliger l’incroyable cacophonie gouvernementale passant de la communication pathétique d’un Olivier Véran cherchant à trouver « de la gauche » dans la loi et rendant un hommage démagogique et dégoulinant aux étrangers, à la fermeté claire et nette d’un Bruno Le Maire approuvant totalement le texte. Il est évident qu’avec la fragilité extrême du président qui ne pourra plus se représenter en 2027, toutes les déclarations des principaux ministres, partie prenante de la future joute présidentielle, et des candidats probables hors gouvernement, doivent s’analyser dans le cadre d’un rapport de force destiné à pousser ou à freiner les uns ou les autres. Enfin le président a dialogué durant deux heures dans la soirée du 20 décembre à C à vous (France 5). Ce choix surprenant lui a permis de déployer son talent singulier qui est de savoir être le meilleur dans les exercices médiatiques où on lui offre la possibilité d’argumenter longuement, sans véritable contradiction, sur une multitude de thèmes à l’importance inégale. Cinglant et juste sur Gérard Depardieu, fustigeant une ministre de la Culture trop partisane et précipitée pour susciter le respect, il a tenté de tenir un équilibre délicat entre une démonstration de l’excellence de la loi – et pour une fois il s’est appuyé sur le sentiment largement majoritaire des Français ! – et les minuscules réserves qu’elle suscitait chez lui. Avec une focalisation obsessionnelle sur le RN qui fait un étrange contrepoint par rapport à l’invisibilité parlementaire artificiellement instaurée sur ce même parti. Au point d’ailleurs qu’Emmanuel Macron, ne reculant devant aucun paradoxe, a osé soutenir que la loi qui venait d’être votée était « une défaite du RN » alors qu’à l’évidence sa tonalité générale, bien au-delà du coup tactique de Marine Le Pen, n’aurait pas été validée par elle et son groupe si d’une certaine manière elle n’impliquait pas « une victoire idéologique ». En effet, « le grand déni », comme analyse Libération.

Et cette contradiction fondamentale. La France aurait tous les moyens de se défendre et le pouvoir ne serait pas « dépassé ». Alors pourquoi juger « nécessaire » cette loi ? Le compte n’y était donc pas !

Pour conclure, il me semble que l’une des explications essentielles de ce climat républicain si dégradé depuis la réélection du président est la difficulté qu’éprouvent ce dernier, son gouvernement, les Républicains, la gauche et l’extrême gauche à traiter le RN, aussi critique qu’on veuille être à son encontre, comme il devrait l’être dans le champ de la politique française. Alors qu’il n’est pas interdit, feindre de faire comme s’il l’était. Alors que des millions d’électeurs lui ont apporté leurs suffrages, les prendre de haut, voire les mépriser. Qu’on continue comme cela, et chaque jour fera monter le RN qui est devenu le réceptacle des colères et des désespoirs populaires.

«Nous dénonçons les tambouilles politiques depuis longtemps!»

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Le député de Nîmes Yoann Gillet © Alain ROBERT/SIPA

Au lendemain du vote très commenté de la loi immigration, Yoann Gillet, député RN, seul parlementaire de son parti présent à la commission mixte paritaire, répond à nos questions. Il détaille ce qui lui plaît dans la loi votée mardi (mais qui pourrait bien être « détricoté » par le Conseil constitutionnel) et rappelle que le parti de Marine Le Pen entend abolir le droit du sol.


Causeur. Lorsque vous êtes entrés, en nombre, avec votre famille politique à l’Assemblée nationale au printemps 2022, Marine Le Pen avait promis « une opposition ferme mais constructive ». Pourtant, vous avez voté le rejet de la loi immigration, lundi 11 décembre. Pourquoi ? Si le projet présenté par Gérald Darmanin comportait certainement des lacunes, le ministre de l’Intérieur indiquait qu’il apportait des mesures indispensables aux policiers dans leur travail pour les reconduites à la frontière.

Yoann Gillet. Notre priorité est de défendre et protéger les Français. Voter la motion de rejet était l’occasion de protéger les Français d’un texte de loi immigrationiste, qui aurait amplifié la submersion migratoire dont les Français ne veulent plus. Le projet de loi initial du gouvernement était nocif pour le pays. Celui rejeté en séance qui sortait de la commission des lois encore plus car le gouvernement avait cédé à l’aile gauche de la macronie et à la Nupes en commission des lois.

Grâce au rejet, grâce aux voix du RN, le gouvernement a été contraint de repartir sur le texte issu du Sénat qui était plus ferme. Et pendant la commission mixte paritaire (CMP), ce texte a été considérablement modifié et amélioré. Un certain nombre de mesures portées par Marine Le Pen y ont été intégrées, ce dont on se félicite.

Au final, la loi votée, grâce à nos voix là aussi, n’est pas parfaite, mais elle a le mérite de contenir des points positifs tels que la déchéance de nationalité pour les binationaux qui s’en prennent à la vie de nos forces de l’ordre, le durcissement des conditions de regroupement familial, le rétablissement de délit de séjour irrégulier…

Comment l’exécutif et les Républicains se sont-ils entendus lors de cette CMP ? À quelles tractations avez-vous assisté ?

Les LR, qui avaient rejeté tous nos amendements en commission des lois, ont effectivement été au cœur des négociations avec le gouvernement, pendant mais en dehors de la CMP.

Puisque ce parti n’a ni ligne directrice, ni programme, ils se sont basés sur le programme de Marine Le Pen pour négocier. Tant mieux. Je note qu’ils reconnaissent ainsi que Marine Le Pen a un bon programme. Ce n’est pas la première fois que LR fait du copier-coller de nos mesures, mais je m’en félicite. L’essentiel est le résultat. Je note malgré tout leur incohérence à avoir proposé nos mesures lors des négociations, alors qu’ils avaient voté contre nos amendements sur les mêmes mesures quelques jours plus tôt en commission des lois.

La semaine dernière, la gauche a accusé le ministre de l’Intérieur d’avoir promis des effectifs de police ou de gendarmerie dans des circonscriptions de députés LR. Si c’était avéré, serait-ce selon vous des tractations inacceptables pour essayer d’obtenir leurs voix, ou de la politique comme il s’en est toujours fait ?

On le sait, certains ont l’habitude des tambouilles politiques. Nous les dénonçons depuis longtemps. Obtenir des moyens pour sa circonscription c’est bien, mais pas en échange de renoncements.

Au RN, nous nous battons tous pour obtenir des moyens pour nos circonscriptions et c’est bien normal, mais jamais en échange d’un vote ou d’une compromission. Nous avons à cœur de toujours placer l’intérêt du pays au-dessus de tout.

Marine Le Pen affirmait que la « dureté » des sénateurs LR que nous a présenté la presse ces derniers jours était en réalité une « mollesse absolue ». Mais comment le RN réduirait-il drastiquement l’immigration, s’il arrivait aux responsabilités du pays ?

En 2027, mon vœu le plus cher est de voir Marine Le Pen accéder à l’Élysée. Et je pense que les Français y sont prêts. Ils y sont prêts et la situation du pays l’exige.

Je sais qu’une fois au pouvoir nous aurons la capacité de stopper l’immigration incontrôlée. Nous avons un programme clair et nous sommes prêts à légiférer dès le début du mandat. Marine Le Pen est par ailleurs une femme d’État, qui sait ce qu’elle veut.

Nous mettrons fin à l’immigration de peuplement et au regroupement familial. Nous réformerons le droit d’asile en contraignant les demandeurs à déposer leurs demandes depuis l’étranger. Nous appliquerons une vraie priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi, et conditionnerons à cinq années de travail en France l’accès aux prestations sociales. Nous agirons également en supprimant l’autorisation de séjour aux étrangers déjà présents qui n’auront pas travaillé depuis un an.

Nous ferons également le travail que n’ont pas fait les ministres de l’Intérieur qui se sont succédés en exécutant les OQTF (avec détermination et en sanctionnant les pays d’origine qui refuseraient de reprendre leurs ressortissants dont nous ne voulons plus). Il est temps que la France se fasse à nouveau respecter à l’international.

Enfin, nous supprimerons le droit du sol qui est une aberration. Ce même droit du sol qui a fait du terroriste du pont de Grenelle à Paris un Français ! Être Français, cela s’hérite ou se mérite.

Pour mettre en place toutes ces mesures et les rendre toutes constitutionnelles, Marine Le Pen organisera un référendum. Enfin, je ne peux pas parler de tout cela sans parler de l’idéologie islamiste qui a aussi un lien avec l’immigration. Nous sommes prêts sur ce sujet aussi comme sur bien d’autres. Notre projet de loi est déjà rédigé et même déjà déposé à l’Assemblée. Il n’y aura qu’à le soumettre au vote.

Guy Marchand, de la guerre d’Algérie au hit parade

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Guy Marchand au Casino de Paris en 2012. ©SADAKA EDMOND/SIPA

Retour sur la vie de Guy Marchand


Qui n’a pas entendu Guy Marchand chanter chez papa Drucker Tutti frutti accompagné par les Alligators, avec Serrault en clown et Birkin, côté charme, ne sait rien. Même Johnny ne chante pas le rock comme ça.

Nestor Burma : culte !

Nestor Burma d’aprés Leo Malet allait sortir. Bientôt, Guy Marchand allait reprendre pour le feuilleton TV le rôle-titre qu’avait tenu Serrault au cinéma en 1982. Personne ne savait que Burma deviendrait culte un jour. Pendant 40 épisodes. 

Papa est ferrailleur, maman est au foyer. Nous sommes à Belleville. Le petit Guy nait en ce Paris de comédie sans savoir que la guerre allait être déclarée deux ans plus tard.

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Il sort de cette déroute… pour découvrir l’Amérique comme tous ceux de sa génération. Plus vieux de cinq ans (Génération Gainsbourg, Nougaro, Ferrer, Aufray) que les Johnny, Jacques, les Eddy, les Dany, son truc, bien sûr, c’est le jazz. Mais comme tous, c’est aussi un obsédé de cinéma. Montgomery Clift, Betty Grable. Pour six sous au Danube, bien sûr! Cinéma de quartier. Toute la chanson française va là sans se connaitre encore. Ils sont voisins et ne le savent pas. Les Dutronc, les Long Chris, les Johnny, les Eddy, les Sardou, les Christophe. Ils se gavent de péplums, de westerns. Tout le monde rêve d’Amérique. Mais cette Amérique qui fume des Luckies et porte de vrais Levi’s va, assimilée, mêlée à nos racines, créer la chanson française. Nashville ou Belleville ? Les deux, mon général. Comme le rock anglais va naître lui aussi d’une Amérique fantasmée, et d’une fascination british pour la France – les Beatles se coiffent comme Jean-Claude Brialy, mais c’est une autre histoire.

Le jeune Guy va au lycée Voltaire… mais passe son temps rue St Benoit. Et dans les boites du cru, il sort la clarinette (le goût est au New Orleans, à Claude Luter et Sydney Bechet). En fait, il aurait préféré la trompette, son père s’est trompé de cadeau. Il danse, drague, se sape, louche sur les voitures décapotables. Une petite MG et trois compères ! C’est St-Germain des-Prés. En cette fameuse rue St Benoit, on y croise la Greco et Miles Davis, Sartre, Bohringer et Jean Yanne, comme la future bande du Drugstore ou les premiers gays affichés. Les fauchés et les fils de famille.  La Sabretache, le Bœuf sur le toit, le Slow club sont les repères. Entre cent autres. Le jazz déborde sur la rue de Rennes ! St-Germain-des-Prés, c’est simple finalement. Les ringards aiment Les 4 barbus et Patachou. Les autres ont un dilemme : BeBop ou jazz tradi ? Autour de Panassié et Vian, ça se déchire. Le Rock and Roll, Elvis ? Les jazzmen n’acceptent encore que Ray Charles et Screamin’ Jay Hawkins. Même s’ils joueront bientôt en loucedé pour les twisters.

Et puis… Et puis tout change. C’est la révolution rock… enfin twist. Le showbiz tremble mais la rue Saint Benoit est toujours aussi fréquentée. Un jour, le beau gosse y croise Eddie Barclay. Cela fait dix ans que le pianiste de jazz et roi des zazous est un gourou showbiz de génie. Il a fondé Jazz magazine, inventé Eddie Constantine, Dalida, invité Quincy Jones. Le rock ? Il a tout compris et signe Vince Taylor, le Satan du truc, comme les Chaussettes Noires. Eddie insiste : il veut Guy, ils vont faire quelque chose ensemble. Au même moment, Jacques Wolfsohn, inventeur de Johnny et Françoise, dit la même chose au jeune Dutronc. Vogue et Barclay mènent la danse.

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Hélas, le service militaire fout tout en l’air. Pau, puis l’Algérie ; malgré une tuberculose enfantine, Guy doit partir. Alors que la myopie de Jacques sauve ce dernier.

Du twist aux Stones, tout s’enchaîne. Ils deviennent tous stars, yéyé ou pas… mais sans lui. Il est dans les Aures quand Dutronc, son cadet, fait l’homme à tout faire chez Vogue.

Un jour, dans le désert, seul avec sa guitare (l’homme joue quasi de tout) et quelque temps avant d’enfin rentrer (dégouté, il s’était engagé dans la Légion) et de rencontrer le cher Eddie, il écrit un tube absurde, différent. Une pochade pour une soirée militaire. Mais qui démontre – ce tango branque – quel chanteur il est. C’est « la passionnata ». Au retour, Barclay n’y croit pas plus que ça et, dans un premier temps, lui donne des boulots de parolier. L’immense premier album de Nicoletta lui doit ainsi son « ça devait arriver », adapté de « I put a spell on you ». Cette « passionnata »  qui ne ressemble à rien sera le tube de l’été 65. Un an avant « Et moi et moi et moi » de Dutronc qui, lui, imite Antoine, le beatnik roi. Les deux beaux gosses ont plein de points en commun, finalement. Cheveux courts, sapés… Un peu Kinks au fond. Mais si terriblement français malgré leurs airs d’Amérique ou d’Angleterre. Marchand donne des interviews ou il explique que tout ça, jazz, rock, blues c’est du pareil au même. Question de basse plus ou moins en avant, de batterie qui cogne ou qui caresse…

Il y aura d’autres tubes (Je cherche une femme, L’Amerloque), des merdes et des choses formidables (“Hey crooner” en pleine furia punk, son duo avec Bardot, l’album “A guy in blue”. « Libertango » avec Astor Piazzolla. En 1982, il compose une parodie avec Cosma : le plus mauvais slow possible. C’est une commande du Splendid. C’est « Destinée », bien sûr. Pour Les sous-doués en vacances. Son rôle de crooner méritait cette bêtise… En fait, c’est “l’Eté indien“ à l’envers. Harmoniquement.

Avant tout un musicien

Il y a longtemps que le cinéma tente Guy Marchand. Même s’il se sent et se veut avant tout musicien. Il fût du casting du “Jour le plus long“ (1962)… Soudain, dix ans plus tard, c’est le roi du second rôle de génie. Soudain, le crooner danseur / chanteur / musicien / auteur compositeur se révèle en prime formidable acteur. Le sale flic de « Garde à vue » (1981), le mari en rage de “Cousin cousine“(1975), le garagiste de “L’été en pente douce“ (1987). On ne les compte plus.

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Ses dernières années, il était devenu écrivain (Un rasoir dans les mains d’un singe – Michel Laffont, 2008) avant de revenir avec un album de standards français (Chansons de ma jeunesse) en 2012. Son ultime disque sera Né à Belleville, en 2020. Après “A guy in blue“ jazzy et blues en diable. Où il s’arrache la voix. Façon Rod Stewart de la grande époque.

Il est mort ruiné. Et quitté par sa dernière épouse. Tout cela tue bien plus efficacement que le Covid. La cause officielle ? Les voitures de collection, selon lui. Les pensions alimentaires, son ex trop jeune selon d’autres… Ce grand élégant s’est tu à ce sujet. Son aveu le plus sincère : « J’ai toujours voulu épater les femmes. Sinon, pourquoi se fatiguer ? »