Accueil Site Page 449

Comores: le chantage migratoire de M. Assoumani va se poursuivre

Élection présidentielle aux Comores : changeons le rapport de forces migratoire dans l’océan Indien !


S’ils sont actuellement contestés par l’opposition, les résultats du premier tour de la présidentielle des Comores du 14 janvier devraient confirmer la réélection d’Azali Assoumani pour un troisième mandat.

Le président comorien assume un chantage migratoire sur les autorités françaises en prenant en otage Mayotte, soumis à un chaos migratoire. À nouveau, un pays africain dictera la politique migratoire française ! Seulement, à Mayotte, qui est l’avant-garde des problèmes français, tout est démultiplié : perte de contrôle des frontières face aux vagues migratoires incontrôlées, ultra-violence et appauvrissement généralisé. 

L’instabilité comorienne amplifiera le choc migratoire régional

Les Comores traverseront une crise politique avec la réélection d’Azali Assoumani. De nombreuses irrégularités électorales ont été observées lors des élections du 14 janvier : bourrages d’urnes et abus de pouvoir dénoncés par les oppositions et les observateurs internationaux. En 1999, ce Colonel avait mené un coup d’Etat pour se saisir du pouvoir une première fois avant d’être élu démocratiquement en 2002. Le 7 décembre 2023, il limoge la présidente de la section constitutionnelle et électorale de la Cour suprême Harimia Ahmed, chargée des contentieux relatifs aux élections. Cela s’inscrit dans un contexte de nombreuses arrestations politiques arbitraires et autoritaires et fraudes électorales répétées aux scrutins locaux.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: La préférence pour l’Autre, même s’il est méchant…

La réélection d’Azali Assoumani amplifiera le choc migratoire régional. D’une part, le président actuel ne résoudra pas les problèmes économiques des Comores. En effet, le taux d’inflation des Comores atteint 12,5% en 2023 selon la Banque Africaine de Développement, contre 4,5% à Mayotte selon l’Insee. D’autre part, les divisions politiques ne permettront pas aux Comores de résoudre leurs problèmes, notamment constitutionnels. En effet, la suppression de la limite à deux mandats en 2018 a plongé le pays dans un état de crise politique permanent. Ces deux paramètres pousseront toujours plus de Comoriens à migrer vers Mayotte. D’autant plus qu’Azali Assoumani entretient un chantage migratoire avec Emmanuel Macron. L’accord de coopération migratoire de 2019 contre une aide au développement de 150 millions d’euros a été unilatéralement interrompu par les Comores pendant six mois en 2020 puisque le président comorien affirme que les Comoriens en situation irrégulière à Mayotte y sont chez eux.

Mayotte est l’avant-garde française du chaos migratoire

Mayotte subit le chaos migratoire depuis plusieurs décennies. En effet, le 101ème département français est sous une “pression migratoire élevée” selon un rapport de la Cour des Comptes sur l’immigration irrégulière, publié le 5 janvier. Les chiffres sont sans appel. Pour environ 300 000 habitants, Mayotte comptait 42 134 étrangers en situation irrégulière en 2022, soit une hausse de 82 % en trois ans. Les étrangers représentent désormais 50% de la population de Mayotte, dont 95% proviennent des Comores. Ce seraient 24 000 à 28 000 comoriens qui parviennent illégalement à réaliser la traversée chaque année en “kwassa-kwassa”.

A lire aussi: Pourquoi l’élection de Taïwan n’est pas forcément une défaite pour Pékin

Or, cette submersion migratoire menace la vie des Mahorais. Sur le plan du logement, l’immigration irrégulière alimente massivement le développement des bidonvilles. Ils représentent 39% des logements de l’île. Sur le plan de la sécurité, Mayotte figure parmi les dix départements où plus de 50% des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) sont prononcées. La délinquance générale a augmenté de près de 20% entre début 2022 et début 2023. Selon l’Insee, les actes violents sont proportionnellement dix fois plus fréquents à Mayotte que dans l’Hexagone, trois fois plus pour les vols. Déjà en 2021, environ un Mahorais sur deux se sentait en insécurité, soit cinq à six fois plus qu’en France métropolitaine. Enfin, ajoutons à cela la pire sécheresse depuis 1997 accentuée par un déficit d’infrastructures et d’investissements et la crise de l’eau, un système de santé déficient et un niveau de vie trop faible. Mayotte est l’avant-garde des problèmes français : insécurité galopante et tiers-mondisation des services publics.

Pour une nouvelle politique migratoire dans l’Océan Indien

Pour reprendre le contrôle de notre politique migratoire, il faut adopter une approche diplomatique offensive contre les pays de départ tels que les Comores. Il ne suffit pas de décréter de la fermeté pour qu’elle s’opère efficacement. D’une part, les dirigeants français doivent procéder à des actions choc contre les personnes en situation irrégulière à Mayotte. À ce titre, l’opération “Wuambushu”, lancée en avril 2023 avec pour objectifs principaux la destruction de bidonvilles et des expulsions massives d’étrangers illégaux est une première action qui va dans le bon sens. D’autre part, la France doit mettre en place des sanctions diplomatiques contre les Comores tant qu’elles ne respectent pas deux points : la coopération contre les passeurs pour protéger les frontières et l’obtention de laissez-passer consulaires pour parvenir à expulser un migrant.

Mayotte, 25 avril 2023 © LOUIS WITTER/SIPA

Si les dirigeants français n’arrivent pas à protéger toutes leurs frontières, les armées doivent procéder à un blocus naval. Nous devons empêcher que les migrants Comoriens ne s’éloignent trop des côtes comoriennes pour pouvoir les raccompagner en sécurité. L’expérimentation d’un blocus naval contre les Comores doit être envisagée dans le prochain projet de loi Mayotte – attendu courant 2024 – pour ensuite être déployé en mer Méditerranée. En effet, 7 Français sur 10 sont favorables à un blocus militaire en mer Méditerranée face à la crise migratoire.

La France doit faire respecter son territoire et ses frontières. Garantir à chacun que toute personne peut entrer illégalement en France démontre d’emblée le peu de cas fait à notre Etat de droit. Sans se faire respecter, la France ne pourra jamais faire entendre sa voix alors que nous avons marqué le monde par la grandeur de notre civilisation.


Alessandro Roberto, Analyste au Millénaire ; 

Matthieu Hocque, Directeur adjoint des Etudes du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire.

Maudite Mathilde, puisque te v’là

Après la fiole pleine de punaises de lit brandie à l’Assemblée nationale, un nouveau coup d’éclat de Mathilde Panot ! La députée d’extrême gauche du Val-de-Marne prévoit de passer la nuit avec des sans-abris du 7e arrondissement de Paris. Sur BFMTV, elle a annoncé qu’elle commenterait la conférence de presse du président de la République, aux côtés d’autres parlementaires LFI, depuis ce campement.


The place to be, le campement de Solférino, ce soir. Mathilde Panot s’invite pour suivre la conférence de presse de Macron au beau milieu des sans-abris. Et, cerise sur le gâteau pour ces centaines de privilégiés, elle a promis de partager leur nuit sous la tente ! Et Panot sur la cerise elle annonce qu’elle ne viendra pas seule, mais avec d’autres ami(.e)s élu(.e)s LFI. Si les migrants s’organisent pour rentrer d’urgence au pays, moi, ce soir, je serai avec ma brosse à dents à Solferino.

« Vaudrait p’t-être mieux changer nos draps Mathilde est revenue. »  En 2017, Macron, fraîchement élu, avait promis pour la fin de l’année zéro sans-abris dans les rues de Paris et d’ailleurs. Résultat, c’est aujourd’hui carrément une population parallèle d’ombres vivantes qui rampent sur les trottoirs gelés de la capitale et des grandes villes de province. Là où Macron a échoué, LFI dégaine son arme fatale. Pour contrer le froid polaire du Moscou-Paris, plus chaud que le braséro, plus efficace que le thermolactyl et la graisse de phoque, avec son érotisme sophistiqué : voici le Panot-Show.

A lire aussi, Céline Pina: Un gouvernement de collaborateurs

« Ce soir je boirai mon chagrin, puisque Mathilde… » L’écurie LFI est suffisamment fournie en beaux bestiaux. Alors s’ils avaient le sens du sacrifice, ils auraient pu offrir à tous ces malheureux une de leurs belles pièces Label Rouge à la broche. Non, ils les convient à se taper pendant 4 heures la conf du pré-salé d’Amiens. Mais après la souffrance, le comité des fêtes de LFI a prévu des réjouissances haut de gamme. Soirée pyjama avec la Panot. Le short blanc-collants noirs collector d’Ersilia défilera en chair et sans un os de tentes en tentes. Enfin, la tombola. Mathilde, Ersilia, Danielle et les autres, tireront le numéro de tente où elles passeront la nuit.

« Je crache au ciel encore une fois, ma belle Mathilde, puisque te v’là. » Si mes calculs sont bons, il n’y aura plus un seul migrant à l’heure du tirage. La douce voix de mégaphone de Panot commentant la conf de Macron ayant eu raison de leur patience. Ils seront tous à Lampedusa, cherchant à rejoindre au plus vite les côtes libyennes. Et ceux qui se seront endormis devant le marchand de sable de l’Élysée, pris par un irrépressible mal du pays en ouvrant un œil sur la Mathilde en robe de chambre, chaud-devant ils seront avant bip-bip devant leurs ambassades respectives.

L’amour est dans le pré. Mes calculs étaient les bons. J’avais tous les numéros, je ne pouvais pas perdre. Je ramène Mat au pays, à la ferme. Elle va enfin travailler et arrêter de brailler…

Un gouvernement de collaborateurs

La nation a rendez-vous à 20h15. Mais qu’est-ce qu’Emmanuel Macron va bien pouvoir raconter aux Français ce soir lors de sa conférence de presse retransmise à la télévision ?


L’effet escompté par le choix de Gabriel Attal comme Premier ministre n’a même pas eu le temps de retomber que déjà le président de la République tire le tapis sous les pieds de son nouveau Premier ministre. En Macronie, l’égo présidentiel ne supporte pas la concurrence et accepte difficilement que l’on existe, même dans son ombre. Alors il casse souvent ses jouets en même temps qu’il les exhibe à la foule censée être subjuguée par tant d’audace.

Après mini-moi, Premier ministre, on a donc eu droit au récit du débauchage de Rachida Dati. Mais comme derrière ce nouveau gouvernement, il n’y a toujours pas de ligne politique claire et que la situation de majorité relative (traduite par l’impossibilité de faire voter des lois sans utiliser le 49.3) n’a pas changé, l’impuissance parait toujours de mise. Tellement qu’une semaine à peine après ce bal des nominations, les Français sont déjà passés à autre chose, laissant les rodomontades politiques occuper le haut du trottoir d’une rue déserte.

La créativité présidentielle jamais prise en défaut

Il faut dire que l’encre annonçant l’avènement du divin Gabriel n’était pas encore sèche que déjà Emmanuel Macron annonçait le énième rendez-vous présidentiel avec les Français. Un clou chasse l’autre, la mise en avant du Premier ministre déclenche comme par réflexe la castration présidentielle. Mais c’est logique quand le président considère ses ministres comme des collaborateurs, une forme de super cabinet à sa main et non en cherchant, à travers eux, un chemin vers l’avenir, la proximité avec les Français et la confrontation au réel. Faute de pouvoir s’appuyer sur des personnalités fortes pour pouvoir raconter une histoire ou donner sens à son action, il se replie sur une forme d’exhibition.

On a déjà eu droit à « Emmanuel repasse le grand oral de Sciences-po devant les maires de France ». En langage bureaucratique cet exercice d’autocongratulation a été baptisé « grand débat national ». Lancé à grands renforts de superlatifs, personne n’est capable de dire aujourd’hui à quoi tout ce cirque a abouti, et les cahiers de doléances des Français moisissent dans quelque annexe d’archives s’ils n’ont pas été simplement jetés. Au gré des diverses crises, on a toujours droit au refrain de la démocratie participative. Laquelle parait la version la plus politiquement correcte de « la dictature c’est ‘Ferme ta gueule’, la démocratie c’est ‘Cause toujours’ ». Cela a donné lieu à diverses conventions citoyennes (sur le climat, sur la fin de vie). Une fut annoncée sur les retraites ; elle avorta avant même d’être conçue. Mais la créativité présidentielle jamais prise en défaut a encore accouché d’un nouveau concept : le CNR. Censé réactiver l’espoir que fit naitre après la Seconde Guerre mondiale le Conseil national de la Résistance, qui forgea la Sécurité sociale, ce Conseil national de la refondation est le énième comité Théodule lunaire dont nul ne sait quelle est la mission et dont personne n’attend rien. Tous ces lancements aussi divers que variés ayant fait plouf, voilà qu’Emmanuel Macron espère encore séduire la nation en lançant ce soir un rendez-vous dont plus personne n’attend autre chose que de l’autosatisfaction et des annonces probablement dépourvues de tout effet.

Mais à part le peu d’estime qu’éprouve votre servante pour les talents de notre président, pourquoi autant de cynisme alors même que l’homme n’a pas encore pris la parole ? Peut-être parce qu’agir toujours de la même manière en espérant un résultat différent est sans doute moins une marque de folie que de mépris. Emmanuel Macron fait des claquettes pour gagner du temps, mais incapable de sang-froid et d’orchestrer les séquences, il met lui-même la pagaille dans ses propres mécaniques.

Virage à droite ?

Ainsi, la mise en scène du retour à l’autorité, et du virage à droite, que recelait la communication autour de la nomination du Premier ministre et de son gouvernement, est en train de tourner court. Les secrétariats d’État ne sont même pas nommés que déjà Emmanuel Macron trépigne et tourne le projecteur de son côté. Il faut dire que les premiers pas du nouveau gouvernement sont chancelants. Et pour cause. Hormis Gérald Darmanin et Bruno Le Maire qui existent un peu par eux-mêmes, le reste du gouvernement est composé de personnes venues assurer les représentations politiques (Modem, Horizons), qui, nouveaux entrants ou reconduits, n’ont marqué l’esprit de personne. Pour le reste, les ministres ne sont que des membres de cabinet, fabriqués par le Prince, qui lui doivent tout et n’ont encore rien prouvé de leurs mérites. La seule chose dont nous soyons assurés est de leur loyauté à Emmanuel Macron. En revanche, sur le fait qu’ils aient un rapport à l’intérêt général, une vision pour la France ou des solutions pour répondre aux défis de l’avenir, là n’est visiblement pas la question.

Stéphane Séjourné, le 25/09/22 / © Molecki/East News/SIPA / 01089100_000014

On peut rire des fautes de français d’un Stéphane Séjourné, nouvellement nommé ministre des Affaires étrangères, mais on peut aussi penser qu’il n’est pas interdit d’être émotif, d’avoir la langue qui fourche et surtout que ce n’est pas l’essentiel. Le problème vient de l’inexpérience totale en la matière d’un homme qui se voit mis à la tête d’une institution à la fois traditionnelle et bouleversée. Le corps diplomatique a été cassé d’un geste négligent par un président qui pense qu’être disruptif, c’est se permettre de détruire gratuitement ce qui est, sans prendre le temps de réfléchir aux spécificités de certains domaines. Le problème ici est surtout que Stéphane Séjourné n’a pas la densité politique pour être crédible à ce poste. Il n’est que le gardien en chef du bac à sable présidentiel. Et c’en est ainsi de la plupart des ministres. Ils n’ont ni parcours personnel politique, ni existence propre. S’ils viennent du sérail politique, ils ne sont pas des professionnels de la politique mais des collaborateurs et des assistants. Non que certains ne puissent le devenir, mais certainement pas en passant directement des cabinets au poste de ministre ou de député, sans être passés par le terrain, sans se confronter aux réalités de la gestion locale, des problèmes concrets que l’on rencontre au sein d’une mairie ou d’un Conseil général, sans s’être confronté au réel et aux citoyens, dans un rapport direct, sur des sujets quotidiens ou mettant en jeu l’avenir des communautés locales et des bassins de vie.

Un autre exemple avec Amélie Oudéa-Castéra. La dame récite bien sa leçon. On lui a expliqué que l’Education nationale vivrait mal le fait de n’avoir eu un ministre un peu énergique que durant cinq mois, alors la voilà qui minaude en expliquant que le Premier ministre va la coacher. Elle est en alternance au gouvernement ? Ministre est une formation de luxe ? Tout cela n’est pas très sérieux. Alors quand, à peine nommée, la ministre semble mentir sur les raisons qui l’ont poussée à mettre ses enfants dans une école privée, on ne peut que craindre que la greffe soit difficile à prendre. La prise de Rachida Dati est destinée à occuper le terrain du « coup médiatique » réussi, mais eu égard à l’absence de ligne de ce gouvernement sur à peu près toutes les questions, il n’y a pas de raison que cette nomination se traduise en décisions politiques majeures.

Difficile donc de savoir ce que peuvent donner à leur poste Marie Lebec ou Aurore Bergé tant leur identité politique est floue. Quant aux anciens, de Sylvie Retailleau à Christophe Béchu en passant par Sébastien Lecornu, ils incarnent tellement peu de choses, qu’ils restent des inconnus aux yeux des Français. L’image d’autorité et de détermination du jeune Premier ministre plait aux Français mais l’homme ayant encore peu maçonné, on attend encore de savoir s’il maîtrise l’action et est doté d’une véritable colonne vertébrale. Ne reste que Le Maire et Darmanin qui soient dotés d’une identité propre, à l’ancienne presque. Ils rejoignent le bal des prétendants et des héritiers puisque le président ne peut se représenter. Cela augure d’une solidarité gouvernementale toute relative…

Courage donc à Gabriel Attal qui va devoir conduire le char de l’Etat en prenant garde à droite et à gauche, à côté et autour de lui et surtout au-dessus de lui. Qu’il n’oublie pas que Jupiter avait pour père Chronos, qui dévorait ses enfants. Et apparemment Emmanuel Macron ne s’est pas construit en opposition.

À Paris, les morts peuvent attendre

0

Surendettée sur plusieurs générations, la Ville de Paris néglige jusqu’à l’entretien des Catacombes, l’ossuaire des Parisiens. Cette Mairie qui dépense par ailleurs sans compter, en appelle, ici, au mécénat…


Reconnaissons à Mme Hidalgo et à ses amis une qualité : la cohérence ! Après avoir balafré les rues et places par des pistes à vélos ; brisé les perspectives, idée maîtresse du baron Haussmann, par du mobilier urbain inutile ; et écrasé méthodiquement l’esthétique de notre capitale, l’Hôtel de Ville néglige les Catacombes. En un mot, après avoir maltraité les Parisiens vivants, il abandonne les Parisiens morts.

Hidalgo, une gabegie financière

La Ville de Paris n’a plus un rond mais sait encore se montrer dispendieuse. Oublié, le plan d’économies de 200 millions par an. C’était il y a si longtemps… en 2022. Le budget voté pour 2024 dépasse les 11,3 milliards d’euros, parmi lesquels 1,8 sont destinés à des investissements supplémentaires. À ce rythme, la dette de notre capitale sera de 10 milliards en 2026. Pour mémo, celle-ci était de 4 milliards en 2014, lorsque Mme Hidalgo a pris les clefs de l’Hôtel de Ville, et les comptes étaient positifs lorsque M. Delanoë est arrivé place de Grève en 2001 ! Messieurs Chirac et Tiberi ont certes eu des « frais de bouche » et des proches logés en HLM, mais ils ont su gérer les finances de cette ville tout en en accentuant le rayonnement. Cela nécessite un talent que n’ont pas tous les hommes, et toutes les femmes politiques. Mais grâce à un raisonnement magique, Mme Hidalgo estime que la dette « doit servir à ne pas laisser aux générations futures une ville qui ne sera plus vivable. » Elles n’y vivront plus, tout simplement.

A lire aussi: Les cauchemars d’Anne Hidalgo

Au conseil de Paris, on trouve heureusement des gens plus lucides, telle Marie-Claire Carrère-Gée, présidente Les Républicains de la commission des finances. Dans Le Monde du 2 janvier, elle dénonce « la gabegie des subventions aux associations, la préemption intense d’appartements pour les transformer en logements sociaux à des fins électoralistes et le recrutement de 650 agents en 2023, en plus des 58 000 agents existants… » Elle craint « un fait nouveau, un risque d’effet d’avalanche. On accumule beaucoup de dettes, et il faut dorénavant prendre en compte l’explosion des taux d’intérêt, qui s’ajoutent à ces dépenses de fonctionnement non maîtrisées. Si l’on continue ainsi, les finances de la Ville seront bientôt à la main des banques et de l’État ».

Le plus grand cimetière du monde

Et les Parisiens morts dans tout cela ? On n’y pense pas, ou très peu. Les Catacombes constituent l’ossuaire des Parisiens, c’est aussi le plus grand du monde. Ces millions d’ossements anonymes proviennent des différents cimetières de la capitale, lorsque ceux-ci ont été transférés dans les carrières, en marge de la cité, en 1786, pour des raisons sanitaires. Cette prise de conscience est, selon Philippe Muray, le véritable coup d’envoi de la Révolution. Dans Le XIXe siècle à travers les âges, il écrit : « Que l’innocence et le déchet deviennent éloignables l’un de l’autre. Qu’on les divorce. Visiblement. Que le mot innocence soudain prenne sa consistance d’innocence, se transforme en une petite bête décollable, isolable de la réalité de la mort. […] Le non-dit philanthropique : les enfants qui ne doivent plus jouer à l’endroit où les morts reposent ; les putes qui ne doivent plus chasser à l’endroit où les enfants jouent ; les coïts qui doivent cesser là où ne cesse de grossir le charnier. Respect au corps, à l’innocence, respect à la fusion de l’amour, respect à l’éternel repos. Respect à la mort naguère provisoire qui peu à peu devient l’infini et l’éternité mêmes, c’est-à-dire va remplacer Dieu. »

A lire aussi: Quand on arrive en ville!

Certaines galeries ont été, dès le début du XIXe siècle, aménagées « artistiquement » afin d’être ouvertes au public. Crânes et fémurs s’alternent sur plusieurs mètres de long et de profondeur. On appelle ces murets des hagues. Aujourd’hui, une vingtaine d’entre eux, ceux qui contiennent les restes de Parisiens des Xe au XVIIIe siècles, nécessitent une restauration : dans les années 1950, du mortier a été appliqué sur ces vanités monumentales et, bêtement alourdies, celles-ci s’effondrent. Une campagne de restauration a certes été entamée par la Ville de Paris, mais un article du Figaro (16/12/2023) nous apprend qu’elle n’ira pas jusqu’au bout faute… d’argent ! « Ici repose une partie des ancêtres des Parisiens, ce patrimoine doit être non seulement conservé mais transmis aux générations futures », explique au quotidien Isabelle Knafou, administratrice générale des Catacombes. Malheureusement, quand Mme Hidalgo pense aux « générations futures », elle ne pense pas à leur transmettre en héritage le patrimoine qui leur revient de droit. C’est pourquoi, sans honte, la Mairie va lancer un appel au mécénat. Elle attend de généreux dons pour entretenir la mémoire dont elle est pourtant garante. Quand la honte le dispute à l’indignité…

Avec 600 000 visiteurs par an, les Catacombes sont le site le plus visité des quatorze sites culturels et musées municipaux. Ce tas d’os aiguise le flair de la Mairie qui pense sûrement le rendre plus attractif encore en « réorganisant le circuit de visite ». Nous parlera-t-on bientôt d’installations artistiques et immersives ? Pax mortis.

Vivre en ville

Price: 20,00 €

30 used & new available from 3,97 €

La Grande Armée des marcheurs est épuisée

0

À Sainte-Hélène, Napoléon Macron se prend pour Bonaparte (Le Théâtre et son trouble)


À l’occasion du premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement Attal, le président de la République a remis les pendules à l’heure et les ministres au parfum. Pour assurer le bonheur et la prospérité de la patrie, décorer ses aigles d’une immortelle gloire, Emmanuel Macron a demandé aux petits nouveaux, vieux grognards grognons, d’être des « révolutionnaires », pas des « gestionnaires ». Elisabeth Borne et les sortants apprécieront.

La mouche du coach

« Je vous demande de la solidarité et de la vitesse, qui sont la condition de l’efficacité… Ce gouvernement sera celui de la discipline républicaine… Je ne veux pas d’états d’âme, je veux des états de service… J’attends de vous des résultats, encore des résultats et toujours plus de résultats… Vous incarnez le retour aux sources de ce que nous sommes, le dépassement au service du pays, l’esprit de 2017. C’est une responsabilité historique. Soyez à la hauteur ».

La vitesse, la discipline, les résultats, « l’esprit de 2017 », prolongement de celui du CNR, du 18 juin, de Master Chef et The Voice… Le président ne doute de rien. Un tiers Danton, un tiers Bonaparte, un tiers Charles VI (se prenant pour Charles de Gaulle), Napoléon Macron rêve au soleil d’Austerlitz. « Français, je suis content de moi ! ». Brigitte y croit. « Pourvu que ça dur ».

Le président ressert à la nation la célèbre proclamation du général Bonaparte aux soldats de l’Armée d’Italie, le 27 mars 1796 : « [Français], vous êtes nus, mal nourris ; le gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner. Votre patience, le courage que vous montriez au milieu de ces rochers sont admirables ; mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir ; vous y trouverez honneur, gloire et richesse. [Français], manqueriez-vous de courage ou de constance ? ». Le 7 mai 2017, au pied de la pyramide du Louvre, Emmanuel Bonaparte se prenait pour Napoléon Macron : sept ans de déception plus tard, c’est l’inverse. Retour à Las Cases départ.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience

Grâce à Gabriel Attal, voiturier des berlines de l’empereur, hologramme sympathique, Emmanuel Macron, phénix épuisé des hôtes de son Moi, voudrait renaître de ses cendres. Drone de drame… Six mois à l’Éducation nationale, deux tirades pour la dictée et contre l’abaya, ont donné des ailes au Premier ministre, autoproclamé « garant de la priorité absolue qu’est l’école ». Il emporte la cause (toujours) à Matignon, la « mère des batailles », le « choc des savoirs ». Amélie Oudéa-Castéra fera office de cantinière en chef. Choucroute royale pour L’École Alsacienne, Stan et Ginette. Les Héritiers du Public, descendants de Saint-Louis, Henri IV, Louis-le-Grand, s’étouffent, voient rouge, dénoncent la concurrence déloyale. Les coryphées, Vincent, Benoit, Najat, Jean-Michel, Pap et les autres, ont coulé l’Éducation nationale. Les choreutes, gamins oubliés, égarés par deux générations de Tartufferies Toltèques, flottent, pensifs, au fond de l’étang. Sens au cœur de la nuit, L’onde d’espoir, Ardeur de la vie, Sentier de gloire… Rien ne va changer rue de Grenelle.  

Le Premier ministre a un plan génial, trois axes, pour une remontada vers les plateaux de TF1 et Pratzen, rebondir après sept ans de macronisme. « Garder le contrôle de notre destin, libérer le potentiel français et réarmer notre pays ». Quel aveu ! Qui a désarmé le pays ? Avec ou sans doublure, privé de majorité au Palais Bourbon, dans l’impossibilité de se représenter en 2027, Emmanuel Macron n’est plus maître des horloges. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont d’Arcole, depuis 2017. Chouanneries des gilets jaunes, blocus de la Covid continentale, Bérézina des retraites, Trafalgar aux législatives de 2022. L’Elysée nous a fait au printemps le coup des « Cent jours d’action et d’apaisement ». Cornérisé, le gouvernement multiplie les « Je vous ai compris ».

La Grande Armée des marcheurs est épuisée. Son état-major de courtisans manque d’artillerie, de programmes, de stratèges, de Davout, de tout. L’empereur Emmanuel navigue à vue, sautille de buzz en coups. Grand Connétable de la dépense, vice-roi de la fugue industrielle, Bruno Le Maire est tancé par Pierre Mosco.veni.vidi.vici, architrésorier des déficits, comte de la procrastination. Gérald Fouché-Darmanin, duc d’Otrante pas grand-chose, ne contrôle aucune frontière. Sébastien Lecornu n’a pas fait de service militaire. François Bayrou-Talleyrand complote. L’aiglon ignore le feu électoral. Prince de Parme, Plaisance et Guastalla, grand communiquant, Gabriel Attal confesse sur Sept à huit, ses cinq-à-sept, ses ex, sa libido, son gouvernement de combat, camarillaset Gala. Sur leurs cahiers d’écolier, sur les formes scintillantes, sur la couronne des rois, ils écrivent leurs noms. « On ne va pas chercher une épaulette sur un champ de bataille quand on peut l’avoir dans une antichambre » (Napoléon).

A lire aussi, Martin Pimentel: Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

On ne réchauffe pas un soufflé. Peu importe les incantations, le cinéma, l’histoire et les décors du Roi : Jupiter – étroit mousquetaire -, Rachida Milady pugnace, Éric Dupond-Moretti déguisé en Porthos, les diadoques prépubères, les Machiavel d’opérette, ne relèveront pas le pays. La com sans stratégie, sans programme, sans guerriers, sans potion magique, les mots creux qu’on dit avec les bleus sont désastreux, annoncent une déroute aux Européennes de juin. À 25 kilomètres au sud de Bruxelles : Waterloo.

Matignon ! Matignon ! Borne peine !

Comme une onde qui bout dans une urne pas pleine,
Dans un cirque de lois, promesses et brouillons,
Attal, donc, mènera mes si beaux bataillons.
D’un côté c’est l’Europe et de l’autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l’espérance ;
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O Brigitte ! je pleure et je m’arrête, hélas !
Car mes derniers marcheurs de la dernière guerre
Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
Chassés LR, Flamby, votés pactes malins
Et leur âme chantait dans les clairons d’airain !
Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Nous avions l’offensive et presque la victoire ;
Je tenais les réacs acculés, sans un droit.
Ma lunette à la main, j’observais quelque fois
Le Centre au combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois Horizon, sombre, à la peine,
Soudain, joyeux, je dis : Attal ! …C’était Le Pen ! (…)
Carnage affreux ! Moment fatal ! Je suis inquiet
Sentant que la bataille entre mes mains pliait.
Derrière un mamelon, la garde était massée,
Dati espoir suprême et suprême pensée !
« Allons ! faites donner la garde ! » je m’écris.
Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Branco, qu’Attal eût pris pour coreligionnaires,
Ferrand, Dati, Kohler, qui traînaient des affaires,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Sarkozy, et ceux de chez Mimi,
Comprenant qu’ils allaient souffrir dans cette fête,
Saluèrent leur Dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d’un seul cri, dit : Vive Jupiter ! (…)

(D’après Victor Hugo, Les Châtiments, « L’expiation »)

Mais comment la France issue du 7-Octobre va-t-elle commémorer le 80ème anniversaire du Débarquement?

Si les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui avaient été aux commandes il y a 80 ans, le Jour-J aurait à coup sûr été annulé. Et nous nous trouverions encore sous la botte nazie. 


Parmi les divers fronts qui attendent en 2024 la France issue du 7 octobre, une France qui a choisi de tout entreprendre pour discréditer la riposte existentielle d’Israël contre un totalitarisme islamiste qui tue aussi sur son propre territoire, une France rivée à ses hypocrites injonctions contradictoires – défendez-vous, mais cessez le feu ! –, il en est un que nous n’avons guère anticipé : le front commémoratif. En effet, comment allons-nous faire pour célébrer dans l’honneur, si tant est que ce mot ait encore un sens, le 80ème anniversaire du Débarquement de juin 1944 ? Une date qui, pour les Français, symbolise à elle seule le début de la Libération et allait permettre à la patrie déchue d’être admise au banquet de la victoire au lieu de se voir imposer un protectorat honteux, comme l’Allemagne et l’Italie. Le problème s’annonce épineux.

Il me taraude à titre personnel, la guerre m’ayant surprise à Jérusalem alors que j’achevais la biographie d’un de nos superbes Compagnons de la Libération, le jeune philosophe André Zirnheld (1913-1942), un des premiers rebelles de l’an 1940. Tombé à 29 ans dans le désert de Libye, lui n’a pas pu se joindre à « la bataille suprême », comme l’appelait de Gaulle, à l’instar d’autres fils de cette France libre et debout, dont il était, et qui auront l’honneur de déferler sur les plages de Normandie pour le « choc décisif et tant espéré ». Une France combattante qui n’entendait pas déclarer la paix aux nazis, contrairement à celle de juin 1940 ou de 2023. Ou quand les cataclysmes historiques transforment des leaders jusque-là considérés comme raisonnables en pantins inconsistants. Comment publier ce livre en 2024 sans avoir le sentiment de participer à une mascarade ?

20 000, ou le nombre de victimes civiles du Jour-J

Pourquoi rapprocher juin 1944 et octobre 2023 ? Dans les deux cas, une guerre sans merci, une guerre de survie, une guerre juste contre un ennemi aussi puissant que redoutable avec lequel aucun modus vivendi n’est possible. Ici, un combat visant à libérer l’Europe de l’hydre nazie, là à se libérer d’une menace analogue, portée par une organisation terroriste et totalitaire nourrissant un objectif identique : l’extermination des Juifs et rien d’autre. Un programme d’ailleurs largement inspiré du nazisme, avec lequel les Frères musulmans s’étaient alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Un héritage toujours vivace à en juger par les exemplaires de Mein Kampf en arabe retrouvés cet automne dans les tunnels de Gaza ou encore par l’IPad de cette petite fille avec Hitler en fond d’écran, découvert à la mi-janvier. Surtout, comment fêter cette fois le Jour-J en ayant à l’esprit le terrible bilan humain induit par les raids aériens que les Alliés ont dû mener sur la Normandie à l’été 1944 – à l’instar des Israéliens en 2023 – pour assurer le succès du Débarquement ? Et pour que « derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes », réapparaisse « le soleil de notre grandeur », disait encore de Gaulle ? 20 000 victimes collatérales seront à déplorer parmi les Français. Une tragédie qui, jusque-là, ne nous avait pas empêché de célébrer le 6 juin 1944 comme un fait d’armes majeur.

Ce lourd tribut, généralement considéré comme un drame inévitable par les historiens, le fut aussi par nombre de malheureux en temps réel, qui n’hésitèrent pas à protéger leurs libérateurs une fois au sol. À l’aune des surréalistes critères appliqués à l’Etat hébreu en 2023, il faudrait cependant innover et peut-être tout repenser. Cohérence oblige. Ne conviendrait-il pas d’y voir désormais la plus grande catastrophe humanitaire que la France ait jamais connue, un carnage dû à un usage « disproportionné » de la force, bref, un massacre éhonté ? Transformer les villes normandes en champs de ruines et en « cimetières d’enfants », comme dirait le secrétaire général de l’ONU, est-ce acceptable ? Et si on requalifiait « le Jour le plus long » de jour le plus noir de notre histoire ?

Et le bilan de la guerre à Gaza ? Un « crime contre l’humanité »

Trois mois après le plus grand crime de masse commis contre des Juifs depuis la Shoah – mais à l’évidence, Auschwitz n’oblige plus grand-monde –, l’opinion occidentale n’a donc plus qu’un chiffre invérifiable, mais idéalement accusateur et presque jubilatoire à la bouche : plus de 20 000 victimes « innocentes » à Gaza, enfin selon l’estimation fournie par le Hamas. À condition bien sûr d’inclure parmi ces innocents quelque 9 000 terroristes armés jusqu’aux dents, dont des cerveaux et des assassins du 7 octobre, neutralisés au fil de féroces combats urbains. À condition aussi d’imputer à Israël les morts dus aux quelque 15 000 roquettes tirées par le Hamas, dont deux sur dix retombent dans l’enclave, soit autour de 1 500. Et à condition de faire comme si l’écrasante majorité des victimes n’était pas due à l’abjecte stratégie du Hamas qui consiste à transformer les Gazaouïs en boucliers humains en installant de façon systématique l’ensemble de ses infrastructures de guerre sous des infrastructures civiles. De fait, il n’est pas un hôpital, un dispensaire, un jardin d’enfants, une aire de jeux, une zone humanitaire sécurisée, une mosquée ni une école financée par l’UNWRA, c’est-à-dire par nos impôts, qui à Gaza n’abrite en sous-sol ou dans ses murs des batteries lance-missiles, des entrepôts d’armes et de munitions, des fabriques d’explosifs, des stocks de provision ou des QG opérationnels, les puits des tunnels débouchant en général dans les salles de classe, les halls d’immeubles et parfois même sur les parkings des hôtels où sont logés les journalistes…

A lire ensuite, Jeremy Stubbs: Génocides à la carte

De l’aveu même de terroristes arrêtés après le 7 octobre, la tactique est payante : « Nous aimons la mort, les Juifs aiment la vie et rechignent à bombarder ces sanctuaires : c’est leur point faible, nous l’exploitons et l’Occident relaie ». Une pratique qui, à cette échelle et à ce degré de cynisme, relève du jamais-vu. On feindra bien sûr d’ignorer que le Hamas interdit à sa population tout accès à ses 800 kilomètres de tunnels (soit plus que la distance qui sépare Paris de Marseille) pour s’y abriter en cas de frappes. On fera comme s’il ne s’employait pas à empêcher les familles d’évacuer, d’où ces routes de l’automne 2023 à Gaza jonchées de cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens n’ayant pas respecté la consigne. Et comme si le Hamas ne pillait pas les trois quarts de l’aide humanitaire au profit de ses combattants, revendant le reste à prix d’or sur les marchés, d’où la crise alimentaire.

La méthode est simple, assumée et elle fonctionne à tous les coups : « Le sang de nos martyrs pave la voie de la victoire », se vantent les terroristes. Plus il y a de morts, plus il y aura d’idiots utiles ou de pervers subtils de par le monde pour incriminer l’Etat juif et se faire ainsi les complices objectifs de la barbarie islamiste. Ce pourquoi Israël tente précisément de minimiser les pertes quand le Hamas s’efforce de les maximiser pour accroître la pression internationale sur leur ennemi juré. Quant à la question de savoir pour quelles obscures raisons le souci humanitaire ne se déchaîne que lorsqu’il s’agit de condamner l’Etat hébreu – les 400 000 morts dus à la rébellion des Houthis au Yémen n’ont jamais fait descendre quiconque dans la rue –, l’énigme reste entière.

Mais passons sur ces détails. 20 000 victimes, donc, sans parler des destructions matérielles : un crime contre l’humanité ! Depuis quand ne cède-t-on pas à la monstrueuse tactique des terroristes qui vise justement à saper la riposte ? « Tout vaut mieux que d’être mis hors de combat sans combattre », affirmait de Gaulle le 11 juin. Depuis quand l’armée d’un pays sauvagement attaqué et humilié, un peu comme la France en juin 1940, se permet-il de frapper son agresseur de façon intensive afin de dégager des voies d’accès à ses troupes terrestres au lieu de les envoyer à l’abattoir ? Pourquoi pas allumer des bougies, comme on sait si bien le faire en France après chaque attaque, en attendant la suivante ? Un pur scandale, à croire qu’il n’y a que les Juifs pour faire une chose pareille. De quoi les traîner devant la Cour internationale de justice de La Haye pour… « génocide », comme vient de le faire l’Afrique du Sud. Et les Européens n’ont évidemment rien dit, à l’exception de l’Allemagne et de la Hongrie. L’argument de la légitime défense ? Refusé au motif qu’Israël, qui s’est retiré de Gaza en 2005, l’« occuperait » toujours… C’est que ce drôle d’occupant entendait contrôler les marchandises autorisées à entrer dans l’enclave. Pour désespérer ses habitants ? Non, pour éviter que le Hamas n’accumule d’immenses moyens d’attaque visant à l’anéantir. Le ciment pour la reconstruction ? Israël, dans son ignominie, l’a autorisé : il a servi à bâtir une imprenable forteresse souterraine. Les tuyaux destinés aux canalisations ? Aussitôt détournés pour fabriquer des missiles…

Normandie, été 1944 : tapis de bombes et champs de ruines

Gaza, 2023 – Normandie, 1944. Petit exercice de transposition. 20 000 Normands, dont 8 000 dans le Calvados et environ 4 000 dans la Manche, ont donc péri sous les tapis de bombes, de surcroît « amies », largués par les Alliés avant et après le D-Day. Sans parler des flots de blessés et de déplacés. En quelques jours, une dizaine de villes, autant de nœuds routiers, comme Pont-l’Evêque, Avranches ou Alençon, ne sont plus que décombres. Et sous les décombres, des femmes et des enfants. Un bain de sang. Evrecy perd un tiers de ses habitants, Caen déplore 2000 morts et Rouen 1000 pour la seule journée du 19 avril 1944.  Lisieux et Falaise sont détruites à 75% ; Villers-Bocage à 88%, Vire à 95%. Plus un édifice debout. Les photos de l’époque parlent d’elles-mêmes : la Normandie ou Gaza puissance dix. Saint-Lô, surnommée la « capitale des ruines », est rasée à 95%. Et Evreux verra son centre-ville réduit en poussières dès le 13 juin. Un calvaire qui ne se terminera que début septembre avec le Havre, écrasé sous 12 000 tonnes de projectiles et rasé à 82%. Quant aux ports de l’Atlantique, comme Brest, Saint-Nazaire, Lorient ou Royan, ils seront eux aussi dévastés à plus de 80%. Des scènes d’apocalypse. Au total, les bombardements alliés sur l’Hexagone entre 1940 et 1945 ont coûté la vie à 75 000 innocents, dont 40 000 pour la seule année 1944, soit la première cause de mortalité pendant la guerre.

Il y a donc un hic. Si les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui avaient été aux commandes il y a 80 ans, le Jour-J aurait à coup sûr été annulé. Et nous nous trouverions encore sous la botte nazie. Imaginons un instant que le président Emmanuel Macron ait été à la manœuvre lors des préparatifs du Débarquement. Il se serait insurgé : frapper les défenses adverses pour permettre aux soldats d’avancer ? Perturber les voies de communication afin d’entraver l’acheminement des renforts allemands sur les plages ? Mais à quel prix ? Vous n’y pensez pas ! se serait-il sans doute indigné. Considérer comme des cibles tout ce qui permet à Hitler de faire la guerre, y compris en zones urbaines : industries, gares, dépôts d’armements, batteries côtières, ponts, routes, voies ferrées, ateliers de réparation, installations portuaires…  Et si les populations devaient en pâtir ?

« La bataille suprême » : disproportionnée et immorale !

En juin 1944, le général de Gaulle se serait-il soustrait à son plus élémentaire devoir en invitant ses Français libres, dont une centaine de pilotes, à mener la bataille « avec fureur » et à « détruire l’ennemi qui écrase et souille la patrie » ? Il conviendrait d’examiner la chose de près : cet impitoyable général n’a manifestement pas hésité à « cibler » et sacrifier des milliers de ses compatriotes. Et si on le jugeait par contumace pour « crimes d’atrocité », selon la jolie formule d’une commissaire européenne à propos de Gaza ?

Ce serait innovant : le procureur rappellerait qu’en pleine offensive terrestre – âpre, meurtrière et incertaine, comme le fut la Bataille de Normandie –, « préserver les civils constitue une nécessité non-négociable » devant primer sur toute autre considération, assénait déjà le président français lors de la conférence humanitaire de Paris, début novembre. En juin 1944, certains, dans l’entourage de Roosevelt, auraient également pu voir dans le D-Day « une réponse militaire disproportionnée, immorale et contraire au droit international ». Et, de là, appeler le Congrès à « rejeter le financement des opérations » au motif que « les contribuables américains ne sauraient être complices de la destruction de vies d’hommes, de femmes et d’enfants », ainsi que le réclamait le démocrate américain Bernie Sanders à l’encontre d’Israël ce 3 janvier 2024. On l’a échappé belle…

Serions-nous devenus plus civilisés ? À propos du rôle dévolu à l’aviation dans la plus grande opération amphibie de l’histoire, le général Eisenhower remarquait que « si ces mains s’en trouvaient à être liées, les périls d’une entreprise déjà hasardeuse en seraient fortement renforcés ». Lier les mains de l’Etat juif, surtout quand il emporte bataille sur bataille sur le terrain, tel est pourtant le vertueux objectif « humanitaire » que s’est fixé la communauté internationale à l’encontre du seul avant-poste du monde libre au Moyen Orient. En décembre déjà, les Israéliens étaient engagés sur six fronts : contre le Hamas au Sud, le Hezbollah au Nord, les terroristes de Cisjordanie à l’Est, la Syrie, le Yémen en mer Rouge et l’Irak. Plutôt que de se porter à leur côté, l’Europe a au contraire jugé bon, au fil d’un marathon onusien insensé, d’ouvrir un septième front. Et de voter une résolution réclamant l’arrêt des hostilités, autrement dit la disparition de l’Etat juif, prié de se coucher face à ses ennemis mortels.

A lire aussi, Elisabeth Nattiv : L’apaisement à tout prix, «traumatisme de guerre» de l’Occident

Aux Israéliens agressés, on intime à tout bout de champ l’ordre de « cesser le combat », comme disait Pétain. Aux agresseurs islamistes, on ne demande rien. La France aurait pu faire un autre choix. Début décembre, alors que des centaines de terroristes commençaient à se constituer prisonniers, elle aurait pu dire à leurs chefs : « Rendez-vous, libérez les otages, cessez cette folie et demandez pardon ! À votre peuple d’abord, que vous entraînez dans l’abîme. À l’Occident ensuite pour avoir détourné en faveur de votre machine de guerre les milliards d’euros que nous déversons depuis près de vingt ans dans votre enclave, des sommes gigantesques censées transformer Gaza en Singapour du Moyen-Orient. Nous raisonnions à l’occidentale, comme les Israéliens, et nous nous sommes trompés car on l’a compris ce 7 octobre, vous vous moquez du développement économique et social de votre fief, seule vous important la destruction pure et simple d’Israël. Ne comptez plus sur notre complicité, elle se révèle déjà assez embarrassante ». On a trouvé plus digne de prolonger par d’autres moyens le joyeux labeur du pogrom entamé le 7 octobre, ainsi passé de local à mondial – d’où l’éclatement du tout premier pogrom planétaire de l’histoire.

Détruire l’ennemi ? Cruels libérateurs

S’en sortira-t-on en avançant, à l’avantage des Alliés, qu’à l’époque, les frappes étaient forcément moins précises ? Sauf que cet argument se trouve largement compensé par le fait que Tsahal opère sur le pire théâtre qui soit. Un cas unique dans les annales de l’histoire militaire. Car Gaza ne désigne pas un territoire où des équipements guerriers seraient disséminés par-ci par-là, mais une zone entièrement transformée en gigantesque et tentaculaire mégalopole de la terreur, en sous-sol comme en surface. Une base terroriste à l’échelle d’une province. D’où des ennemis invisibles et insaisissables, sortant de terre comme des rats pour attaquer avant de rentrer dans leurs tunnels, souvent enfouis à 20 ou 50 mètres, assez larges pour laisser passer des véhicules, dotés du confort le plus moderne (électricité, système de ventilation, ascenseurs, etc.), le tout sur plusieurs étages dûment protégés par des fortifications en chair et en os. Même les nazis n’y avaient pas pensé !

Comment les Alliés auraient-ils procédé si la Bataille de France les avait placés face à un tel défi ? Pour épargner les populations et limiter les dommages collatéraux, auraient-ils mis sur pied un régiment spécial dont l’unique vocation est de prévenir les populations en larguant des millions de tracts pour les inviter, avant les frappes, à déserter les lieux visés ? À la télévision israélienne, un présentateur du soir montrait ainsi sur une carte les zones de l’enclave devant être ciblées le lendemain, des flèches indiquant les voies à emprunter pour évacuer, des avertissements également envoyés par SMS ou par téléphone, quitte à compromettre l’effet de surprise. Une scène plutôt inédite par temps de guerre. Pour permettre aux Français, aux administratifs allemands ou aux familles des soldats d’occupation de s’éloigner avant les bombardements, on ne sache pas non plus que Churchill et Roosevelt aient songé à dépêcher des unités avec pour mission de s’interposer par les armes entre ces foules et, en face, d’éventuels tueurs SS chargés, comme à Gaza, de pilonner les colonnes pour les dissuader de se mettre à l’abri. On n’a pas non plus souvenir que des corridors à destination des civils, français ou allemands, aient été envisagés en Normandie. Et ces milliers de camions d’aide humanitaire (plus d’une centaine par jour à Gaza) à destination de l’adversaire, une aide dont la distribution est contrôlée par le Hamas et dont la portée tactique peut se révéler fatale à Tsahal ? En 1944, rien non plus de la sorte. De Gaulle n’a pas pensé à mobiliser la Croix-Rouge ni à consentir à des « trêves » de charité de façon à ce que l’ennemi, « prêt à tout faire pour échapper à son destin », se refasse une santé. Il est assez rare qu’un belligérant, qui a en principe intérêt à mettre son adversaire à genoux, accepte d’entretenir son effort de guerre en lui permettant de reconstituer quotidiennement ses stocks de carburant, de vivres et de médicaments. Force est de l’admettre, Tsahal fait comparativement beaucoup mieux que les cruels libérateurs de juin 1944.

Alors comment la France de l’après 7 octobre, c’est-à-dire de juin 1940, va-t-elle s’y prendre pour commémorer en grande pompe les 80 ans d’un Débarquement en forme de « massacre », d’inadmissible « carnage » humanitaire, du moins à suivre les critères appliqués à Israël en 2023 ? Il y a trois options : se ressaisir, décréter le 6 juin 1944 jour de deuil national ou se livrer une fois de plus à une opération en trompe-l’œil relevant de l’art pour l’art. Le genre de manœuvre « à laquelle les Français attachent une importance d’autant plus grande qu’elle ne dupe personne, même pas eux-mêmes », écrivait le colonel de Larminat dans ses Chroniques irrévérencieuses. Mais quelle importance puisque les uns ne s’en apercevront pas et que les autres se tairont ?

Le Compagnon de la Libération André Zirnheld doit, lui, se retourner dans sa tombe… D’autant que sans l’extraordinaire soutien apporté par les pionniers de Palestine mandataire aux jeunes déserteurs français du Levant ayant rallié de Gaulle à l’été 1940, ces derniers auraient été tragiquement seuls. Comme Israël aujourd’hui.

Famille, je vous hais

La version préliminaire de l’édition hollandaise du nouveau livre du journaliste Omid Scobie avançait que c’est Charles III et Kate Middleton qui auraient tenu des propos racistes envers Meghan Markle.


En 2020, le journaliste britannique Omid Scobie, très proche de Meghan Markle et de son mari, le prince Harry, a eu un beau succès en tant que co-auteur d’un best-seller flatteur consacré au couple royal, Libres. Son nouveau livre, sorti en novembre, devait à la fois reproduire le succès du précédent et dépasser la sphère des mondanités pour entrer dans celle de la politique. Fin de règne : où va la monarchie britannique, les derniers scandales révélés promettait d’ébranler la maison Windsor. Dans son brûlot, l’auteur n’hésite pas à qualifier cette dernière « d’entreprise familiale instable » et « d’institution en déclin ». Il présente toujours Harry et Meghan comme les victimes angéliques d’un « système desséché », tandis que le roi Charles III, le prince William et la princesse Kate sont caricaturés en méchants d’un film Disney : machiavéliques, conspirateurs et sans cœur. La clé de voûte de la construction de Scobie est l’accusation de racisme portée contre un membre de la famille royale par Harry et Meghan lors d’une interview avec Oprah Winfrey en 2021. Cette personne aurait spéculé sur la couleur de peau éventuelle de leur fils à naître.

A lire aussi : Harry, un ami qui vous veut du mal

Le livre de Scobie réitère cette accusation, en la portant contre deux membres de la famille qui ne sont toujours pas nommés – selon lui, par pure délicatesse. Pourtant, après la sortie du livre, on s’est aperçu que l’édition néerlandaise cite bien les deux noms qui sont… Charles et Kate. Scobie a prétendu que c’était une erreur, que les deux noms figuraient dans une version préliminaire du manuscrit – ce que l’éditeur néerlandais a fermement nié. Ce coup de publicité raté s’est retourné contre l’auteur du pavé de 400 pages, dont les ventes ont dégringolé de façon spectaculaire, se montrant cinq fois inférieures à celles de son ouvrage précédent au cours de sa première semaine. Le livre a même été bradé dans certaines librairies. Perçu comme le porte-parole de Harry et Meghan, dont les pleurnicheries ont fini par lasser le public, Scobie n’a affaibli que sa propre réputation et, pour le pauvre prince Harry, les chances d’une réconciliation avec sa famille.

Fin de règne: Où va la monarchie britannique : les derniers scandales révélés

Price: 23,50 €

30 used & new available from 2,60 €

Pourquoi l’élection de Taïwan n’est pas forcément une défaite pour Pékin

0

Sur l’île de Formose, que la Chine rêve de remettre sous sa férule, le libéral William Lai a été élu hier avec 40% des voix. Il nous est présenté comme le candidat démocrate dont ne voulait par Pékin. Mais, lors de ses vœux, le président chinois Xi Jinping annonçait qu’une réunification était selon lui inévitable, et cette élection pourrait ne pas être une si mauvaise nouvelle pour lui… Analyse.


La première réaction de beaucoup d’observateurs plus ou moins aguerris au soir de l’élection présidentielle à Taïwan fut de comparer la victoire du libéral William Lai à une douche froide pour Pékin. Pour autant, même si l’élection du candidat le plus opposé à la discussion avec le continent ne ravit pas la Chine populaire, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles ne paraissent. La victoire à la Pyrrhus de Lai ne conduira pas le Parti Communiste chinois à la réaction attendue.

L’élection mitigée de William Lai

Pour la première fois de l’histoire démocratique de Taïwan et la fin de la loi martiale le 15 juillet 1987, un parti a réussi à remporter l’élection présidentielle trois fois d’affilée. William Lai, du DPP (Parti Démocratique Progressiste), a été élu président de l’île et prendra ses fonctions le 20 mai prochain. Il est issu d’un parti qui est historiquement hostile à Pékin et à tout rapprochement avec le continent. Sous Tsai Ing-wen, l’actuelle présidente, les tensions entre les deux Chines ont connu un sommet jamais atteint depuis près de trois décennies. Lai a amélioré sa popularité en étant la cible privilégiée des fakes-news lancées par Pékin et sa campagne d’influence. La Chine continentale a perdu son pari et a vu le candidat qui lui est le moins favorable être élu. Cela pourrait inciter les dirigeants communistes à intensifier la pression sur l’île, mettant un terme à leurs espoirs de réunification pacifique.

En parallèle, les élections législatives se tenaient le même jour sur l’île ; elles ont débouché sur un échec du président élu. Ce dernier n’est pas parvenu à sécuriser une majorité absolue au Yuan Législatif, lui laissant un goût d’inachevé. Depuis les premières élections présidentielles ouvertes en 1996, nous avions l’habitude de voir le président élu bénéficier d’une majorité à la chambre, lui permettant de mettre en application son programme. William Lai est donc un président mal élu, n’ayant recueilli que 40% des voix populaires et ne disposant que d’une majorité relative à la chambre. Cette demi-victoire va considérablement mettre un frein à la présidence Lai, qui démarre donc mal et présage une crise politique d’envergure.

Le nouveau président doit composer avec un parlement hostile

Les élections du 13 janvier à Taïwan ont délivré deux enseignements majeurs : les forces favorables à la Chine n’ont pas perdu de terrain, car elles représentent plus de la moitié de l’électorat et disposent de la majorité au parlement ; ces élections ont vu l’émergence d’une troisième force politique, le TPP de Ko Wen-je qui apparaît déjà comme le faiseur de roi.

William Lai va devoir composer avec une chambre législative hostile. En effet, les deux partis d’oppositions, le Kuomintang et le TPP sont favorables à un rapprochement avec la Chine. Si William Kai ne veut pas se retrouver avec un pays ingouvernable, il devra faire des concessions et éviter de s’attaquer frontalement au continent. Ainsi, Lai ne pourra pas imposer les politiques sécuritaire et extérieure qu’il avait défendues durant la campagne. Ce changement radical a déjà pu être observé dans ses premières déclarations de président nouvellement élu, qui n’exclut plus le dialogue mais veut se montrer pragmatique et modéré. Ce revirement devrait plaire à Pékin, qui s’évite un régime hostile sur l’île qu’elle revendique.

À lire aussi, Jeremy Stubbs: Génocides à la carte

Dans sa quête de trouver un allié parlementaire, William Lai semble vouloir se tourner vers le TPP et son dirigeant Ko Wen-je. Le président fraîchement élu ne pourra pas s’allier avec le Kuomintang pour des raisons historiques, en revanche des points communs existent avec le TPP. Ko Wen-je, bien que partisan d’un rapprochement économique avec la Chine, veut accentuer les efforts sécuritaires et renforcer les capacités de défense de l’île. Cependant, cette alliance peut se montrer nocive pour le président élu. Ko, s’étant distingué par un discours aux accents populistes, n’a pas hésité à critiquer le système en place et le DPP. Cet antisystème séduit dans une population critique face à la classe politique traditionnelle, ce qui fait du TPP le seul parti qui a amélioré son score par rapport à l’élection de 2020.

Pékin garde les deux options sur la table : militaire ou pacifique

L’éventualité d’une 4ème crise du détroit de Taïwan s’est considérablement réduite avec le résultat des élections. L’élection de William Lai, qui doit s’accommoder d’une majorité relative au parlement, rebat véritablement les cartes. Ainsi, le régime communiste ne peut plus totalement exclure qu’une réunification progressive et pacifique soit possible. Les résultats des dernières élections ne peuvent être interprétés comme une défaite intégrale de la Chine, car elles maintiennent la possibilité d’une réunification pacifique. Cette option était mise à mal durant la présidence de Tsai, et on observait un éloignement de plus en plus important de l’île du continent.

La présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, en compagnie de la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, dans le bureau présidentiel à Taipei, le 3 août 2022 © TAIWAN PRESIDENTIAL OFFICE/AP/SIPA

Cela ne veut pas dire pour autant que Xi Jinping va exclure l’option militaire, alors qu’il a rappelé lors de ses vœux, que la réunification était inévitable. Ainsi, la Chine va évidemment continuer à investir pour moderniser et préparer son armée afin qu’elle soit prête pour une invasion militaire d’ici 2027… Il s’agit d’une année symbolique pour le président chinois, car elle marquera le 100ème anniversaire de la fondation de l’Armée Populaire de Libération, mais surtout, elle coïncidera avec la fin de son troisième mandat à la tête du parti communiste. Il voudra certainement se présenter au Congrès du PCC fort d’une réussite majeure, notamment avec l’idée d’une réunification avec Taiwan – qu’importe la manière. Les élections à Taïwan ouvrent une fenêtre de tir pour le régime communiste chinois qui doit arbitrer la meilleure manière d’opérer une réunification avec l’île. Les résultats initialement apparus comme hostiles, doivent être analysés avec plus de profondeur. Ainsi, ils peuvent laisser place à un rapprochement ou à une réunification pacifique selon l’attitude adoptée par le président chinois, qui reste le maitre des horloges sur cette question essentielle.


William Thay, président du Millénaire, think-tank indépendant spécialisé en politiques publiques

Pierre Clairé, Directeur adjoint des Études et spécialiste des questions internationales et européennes.

Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

Vous allez peut-être finir par croire que je regarde beaucoup trop la télévision. Car nous allons évoquer ici le passage de Brigitte Macron, au journal télévisé de TF1…


Rassurez-vous, nous allons essayer de ne pas faire sombrer ce site de haute tenue intellectuelle dans des commérages dignes de la presse people. Et rassurez-vous également, nous ne comptons pas non plus faire une énième analyse institutionnelle sur la place que la Ve République devrait laisser à la « Première Dame », ou sur les évolutions qu’il faudrait apporter à son statut. Même si elle n’a pas obtenu de mandat des citoyens français, que la femme du président ait un chauffeur, un budget ou un bureau à l’Élysée, cela n’a finalement rien de choquant !

Que faisait Brigitte Macron au 13 heures de TF1, mercredi dernier ?

Je vous le concède, c’est peut-être un peu people au début, malgré tout. La mère Macron était invitée du journal de Marie-Sophie Lacarrau, avec Didier Deschamps, pour le lancement de la 35e opération des Pièces Jaunes1. Comme Bernadette Chirac autrefois, M’ame Macron est la présidente de la Fondation des Hôpitaux. Quant à Didier Deschamps, il est le parrain de l’opération.

A lire aussi: La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience

Évidemment, on a vite compris que les journalistes de TF1 n’en avaient pas grand-chose à fiche des petites boites en carton qu’on remplit des pièces qui trainent dans nos fonds de poche au profit des enfants malades. En plein remaniement ministériel, et alors que l’affaire Depardieu fait rage à coup de pétitions et contre pétitions sanglantes dans la presse, c’est sur ces sujets qu’il fallait cuisiner notre Première dame… Oh ! cependant, ce n’est pas émettre des doutes infamants quant aux aptitudes professionnelles de la rédaction de TF1 ou de Marie-Sophie Lacarrau que de penser que, peut-être, avant de se déplacer dans la Tour TF1 de Boulogne-Billancourt, ces thèmes avaient été communiqués au palais de l’Elysée.

Aller au JT de 13 heures, c’est intéressant pour la macronie. Même si les audiences du rendez-vous sont structurellement en baisse depuis les années d’or de Jean-Pierre Pernaut, ce journal reste très suivi, avec des millions de fidèles chaque jour et jusqu’à un téléspectateur sur deux devant TF1. Surtout, c’est essentiellement la France active de nos provinces qui regarde ce rendez-vous. Des citoyens qui ne sont pas forcément les électeurs d’Emmanuel Macron. Des électeurs de la France périphérique que sa femme peut donc tenter de séduire dans un but électoral, avec sa parole calme et non polémique.

Mais alors, qu’a dit « Brigitte » ?

Nous avons dû revoir une deuxième fois la séquence en entier pour prendre quelques notes car, vraiment, la première fois, le brushing de M’me Macron était tellement travaillé que l’on ne regardait que çà. Ne soyons pas trop sexistes en ne commentant que l’aspect des femmes : le nouveau sourire lavabo de l’entraineur de l’équipe de France était aussi particulièrement impressionnant. Tout d’abord, sur le nouveau Premier ministre qui venait d’être nommé, notons que Brigitte Macron l’appelle par son prénom, « Gabriel ». Elle lui souhaite bonne chance, bien sûr, et, elle veut nous faire croire, comme l’a affirmé la journaliste Marie-Sophie Lacarrau, qu’elle n’aime pas commenter les décisions politiques de son mari. Oh non ! Surtout pas !

Reste qu’elle trouve Gabriel Attal formidable. Comme tout le monde apparemment : pensez, il est si jeune ! Nous avons bien lu la presse la semaine dernière, et contrairement à ce qui avait cours dans l’ancien monde, l’inexpérience c’est désormais une qualité professionnelle, apparemment. TF1 a quand même posé une question piège à Brigitte sur ce fantastique nouveau Premier ministre. A-t-il un défaut ? Eh bien, la femme d’Emmanuel Macron a calé. Elle le connait pourtant très bien, car il soutient le couple Macron depuis le début, dès leur première campagne. Mais de défaut, elle ne lui en a trouvé aucun. Vous voyez, la France a vraiment de la chance ! Citons la Mère Macron, qui, après avoir remercié Elisabeth Borne pour son service et avoir presque semblé être peinée de voir partir celle que ses admirateurs appellent affectueusement « Mamie Vapota » dans les commentaires de Causeur, a donné la description suivante de Gabriel Attal : « Gabriel est courageux, il est audacieux, c’est un homme d’action ». Elle en est presqu’amoureuse ! Je ne citerais pas en revanche le nom de l’affreux membre de Causeur qui m’a dit qu’il fallait qu’elle redescende un peu : « Celui-là, il est vraiment gay » a persiflé ce collaborateur. C’est vraiment une blague que je ne reprendrais pas à mon compte.

Et Gérard Depardieu, alors ?

Brigitte Macron nous a offert un grand numéro de « en même temps » mi-woke mi-réac, concernant Gérard Depardieu, sous l’oeil bienveillant de son faire-valoir Didier Deschamps.

Notre patronne estime que les lecteurs de Causeur qui trouvent que nous en faisons beaucoup trop sur cette affaire Depardieu ont tort, et a expliqué à Jeremy Stubbs en quoi ici. L’histoire des propos grivois et des agressions sexuelles présumées de Gerard Depardieu, ce n’est pas une histoire à reléguer aux pages de la presse people. Au-delà du cas de Gerard Depardieu, on observe un basculement sociétal, un maccarthisme de plateaux tv et une nouvelle police des braguettes qui se mettent en place. Et si cela vous gêne et que vous osez le dire, vous serez rapidement accusé de faire partie du « vieux monde sexiste ». Il convient de dénoncer ces âneries néoféministes, comme il convenait de dénoncer les nombreux aspects délétères des mouvements Balance Ton Porc ou Metoo. Brigitte Macron a dit qu’elle ne voulait pas ajouter du commentaire au commentaire, car, selon elle, avec toutes ces tribunes et toutes ces prises de parole, « on est servi pour les commentaires ». Dans un premier temps, elle nous a fait du politiquement correct, et a ressorti la tarte à la crème de la sacrosainte « parole des femmes », qui comme chacun le sait se libère, et qu’il conviendrait de soutenir. « Elles parlent et il faut continuer de parler, c’est très courageux de parler », estime la femme du président.

A lire aussi: Kompromat à la française

Oui, mais voilà : juste avant Noël, le président de la République avait dit sur France 5 que l’ex-ministre de la Culture Rima Abdul-Malak (depuis tombée en disgrâce) s’était avancée concernant l’affaire, que Gérard Depardieu était un immense acteur et que, oui, il rendait selon lui « fière » la France. Brigitte Macron, à qui on a rappelé ces propos sur TF1, a donc botté en touche et dit qu’il fallait la comprendre. Ah bon ? On ne voit pas en quoi elle pourrait nous donner son appréciation du Premier ministre et pas soutenir son mari dans l’affaire Depardieu. Avec ses déclarations sur France 5, M. Macron semblait plutôt se positionner du côté de ceux qui ont signé la fameuse tribune de Yannis Ezziadi.

Ce qu’a ensuite dit Brigitte est quand même bienvenu : « Je ne peux pas commenter ce commentaire [l’appréciation d’Emmanuel Macron sur Gérard Depardieu sur France 5] mais par contre je commenterai la présomption d’innocence. Un des piliers de la démocratie, c’est la justice, et un des critères fondamentaux de la justice c’est la présomption d’innocence » a développé la Première Dame. Voilà qui est dit pour toutes nos néo féministes et actrices dénonçant ces jours-ci la culture du viol ! Sans être encore plus désagréable que nous l’avons été jusqu’à maintenant, observons aussi que Brigitte Macron appartient finalement aux anciennes générations – elle a tout de même 24 ans de plus que son époux. D’ailleurs, sa rencontre avec le président, alors qu’il était un de ses jeunes élèves, pourrait facilement être réécrite à la lumière de la théorie de l’emprise par des idiots – l’emprise, c’est une thèse que Lio, Mediapart, Anouk Grinberg ou Judith Godrèche nous resservent tous les jours ces derniers temps. Et, très franchement, ces théories et ces leçons de morale ne valent pas beaucoup mieux que les thèses des complotistes qui avaient voulu nous faire croire qu’Emmanuel Macron était en couple avec le patron de Radio France ou que Brigitte Macron avait changé de sexe comme Amanda Lear… Tout ça, c’est du délire.

Laissons la justice travailler, laissons la vie privée des gens tranquille, laissons les gens avoir une vie amoureuse audacieuse s’ils en ont envie, et défendons ceux qui se font lyncher dans les médias, parfois pour de simples rumeurs sur les réseaux sociaux.

Pour résumer cette séquence « Brigitte » sur TF1 : le blabla bienpensant de Brigitte Macron sur la parole des femmes, non merci ! Mais pour la présomption d’innocence de Gérard Depardieu : merci Brigitte !

  1. https://www.tf1.fr/tf1/jt-13h/videos/pieces-jaunes-2024-brigitte-macron-et-didier-deschamps-invites-exceptionnels-du-jt-41564358.html ↩︎

Génocides à la carte

Pour étayer la thèse d’ « actes génocidaires » perpétrés par Israël à Gaza, l’Afrique du Sud devra démontrer une intentionnalité. Quelles que soient l’indépendance et l’impartialité des juges de la CIJ, les différentes institutions de l’ONU constituent depuis des années un théâtre où Israël joue presque toujours le rôle du méchant.


Les accusations de génocide portées contre Israël par ceux qui prétendent soutenir la cause palestinienne ou combattre le sionisme sont devenues banales depuis le 7 octobre. Avant Noël, des militants qui manifestaient devant un théâtre new-yorkais où devait se produire Jerry Seinfeld, ont accusé l’humoriste de « complicité de génocide » pour avoir déclaré publiquement sa solidarité avec Israël. Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a lancé un processus pour donner un statut officiel à de telles accusations en saisissant la Cour internationale de justice des Nations Unies (CIJ).

Selon les avocats de la nation arc-en-ciel, Israël aurait commis des « actes génocidaires » dans sa campagne contre le Hamas à Gaza. Les 11 et 12 janvier, les magistrats de cette instance ont écouté les arguments des Sud-Africains et les contre-arguments des Israéliens.

Que représente une accusation de génocide aujourd’hui, et Israël peut-il s’attendre à être traité avec impartialité par une institution faisant partie de l’ONU ? La formulation de la notion de génocide au lendemain de la Seconde Guerre mondiale était censée initier une nouvelle ère de justice à l’échelle planétaire. Malheureusement, le concept se révèle aujourd’hui être à géométrie variable. Il a été appliqué efficacement dans le cas du génocide des Tutsis au Rwanda, mais les membres démocratiques des Nations unies n’ont toujours pas réussi à sanctionner juridiquement la Chine pour son traitement des Ouïghours, tandis qu’un génocide en cours au Soudan ne semble intéresser ni la communauté internationale ni les groupes de militants qui sont si prompts à accuser Israël.

Le fait vaut-il l’intention ?

C’est dans un document de 84 pages que les avocats de l’Afrique du Sud détaillent des « violations alléguées » par Israël de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui date de 1948. Pour justifier cette accusation, le réquisitoire cite le nombre de morts de civils à Gaza, le déplacement d’une partie de la population, les difficultés à approvisionner les habitants en eau et nourriture et la prétendue volonté des autorités israéliennes d’entraver l’accès au territoire des organismes d’aide humanitaire.

L’objectif immédiat de la partie poursuivante n’est pas de convaincre la Cour de condamner Israël comme génocidaire, ce qui pourrait prendre des années de délibérations. Il s’agit dans un premier temps de la persuader d’ordonner à Israël de prendre des mesures provisoires consistant essentiellement à « mettre fin à toutes les opérations militaires qui constituent ou donnent lieu à des violations de la Convention sur le génocide ». Bref, un cessez-le-feu. La Cour pourrait prendre quelques semaines pour statuer sur cette première question.

Le génocide est compris comme la volonté intentionnelle de détruire les membres d’un groupe en tant que membres de ce groupe. Cette nécessité de prouver une intentionnalité de la part des persécuteurs allégués n’a pas échappé aux autorités sud-africaines. Selon la déclaration devant la Cour de l’avocate, Adila Hassim : « Les génocides ne sont jamais déclarés à l’avance, mais cette cour bénéficie des 13 dernières semaines de preuves qui montrent de manière incontestable un modèle de comportement et d’intention qui justifie une allégation plausible d’actes génocidaires ». Pour fonder l’allégation d’intentionnalité, le réquisitoire cite des propos violents de certains dirigeants israéliens et même, afin de démontrer combien la « rhétorique du génocide » est ancrée dans la société israélienne, des déclarations inconsidérées par deux chanteurs populaires maîtres du style Mizrahi. Dans une interview, Eyal Golan a appelé à « effacer Gaza et à n’y laisser personne », tandis que, dans une vidéo ayant rencontré du succès sur les réseaux sociaux, Kobi Peretz a chanté : « que Gaza soit effacée ! »

La démonstration faite par l’Afrique du Sud semble être tout sauf « incontestable », selon le mot employé par son avocate. Mais si jamais la CIJ décide de condamner Israël, a-t-elle les moyens de faire respecter son verdict ? Le Conseil de sécurité de l’ONU possède ce pouvoir, mais ses cinq membres permanents – la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie – ont un pouvoir de véto. En mars 2022, la CIJ a ordonné à la Russie de cesser son invasion de l’Ukraine – avec le résultat que l’on connaît. Or, les États-Unis et le Royaume Uni ont déjà déclaré le dossier pénal de l’Afrique du Sud sans fondement. Ainsi, même si la Cour condamnait Israël et demandait au Conseil de sécurité d’agir, il ne se passerait rien. Cette action en justice représente-t-elle donc beaucoup de bruit pour rien ?

Le procès : l’éternel retour du même

L’accusation de génocide, qu’elle soit approuvée ou non par le tribunal, constitue une étape importante dans une longue campagne pour condamner Israël des pires infâmies. Et ce n’est pas la seule tentative pour y arriver sur le plan juridique. Il faut rappeler que la Cour internationale de justice (CIJ) de l’ONU, bien qu’elle aussi siège à La Haye, est différente de la Cour pénale internationale (CPI). Tandis que la CIJ a pour mission de régler les disputes entre les États, la CPI poursuit des individus accusés de crimes contre l’humanité, comme dans le cas du dirigeant serbe Slobodan Milošević, ou celui du Rwandais Félicien Kabuga. Or, le 17 novembre, la CPI a déclaré que le procureur de la Cour, saisie par l’autorité palestinienne et cinq États, l’Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti, enquêtait sur des crimes de guerre allégués que des Israéliens auraient commis à Gaza et en Cisjordanie à partir de 2014. La commission de ces crimes serait une violation du Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale. Israël est un des signataires de ce traité. En 2020, la CPI a renoncé à poursuivre la Chine au sujet de la persécution des Ouïghours car la Chine n’est pas signataire du Statut de Rome. Il est ainsi clair – si jamais on avait besoin de preuves – qu’Israël est une société infiniment plus démocratique et libérale que la Chine. Il est clair aussi que cette association avec la tradition occidentale fait partie des raisons qui poussent des membres moins démocratiques de l’ONU à vouloir faire infliger à Israël une condamnation aussi terrible que définitive.

Soldat israélien à la frontière avec Gaza, 24 novembre 2023 © Tsafrir Abayov/AP/SIPA

Certes, le rôle de l’Afrique du Sud dans l’affaire actuelle peut s’expliquer dans une certaine mesure par le sentiment de solidarité avec le peuple palestinien qui remonte à l’époque de Nelson Mandela. Le leader du Congrès national africain voyant en Yasser Arafat un frère d’armes dans la lutte contre les régimes d’apartheid. Mais encore aujourd’hui, cette complicité va très loin. L’Afrique du Sud est un des rares pays à avoir des relations diplomatiques avec le Hamas. Son gouvernement a été lent à condamner les atrocités du 7 octobre, mais prompt à condamner l’invasion de Gaza. En novembre, son parlement a voté la suspension des relations diplomatiques avec Israël, bien que cette résolution n’ait pas été suivie d’effets. La question palestinienne a suffisamment d’importance auprès de la population sud-africaine pour être exploitée à des fins électorales. La dénonciation d’Israël sert à masquer les problèmes de corruption qui assaillent le régime du président Cyril Ramaphosa, ainsi que le niveau de violence criminelle qui afflige le pays. Poursuivre Israël représente aussi une façon pour l’Afrique du Sud de s’acheter de l’influence sur la scène internationale et notamment de prendre le leadership au sein de ce qu’on a nommé « le Sud global », cet ensemble de pays en développement qui seraient en train de s’opposer à l’influence occidentale et qui ne rechigneraient pas à faire cause commune avec la Russie ou la Chine quand cela les arrange. Israël, l’incarnation supposée de la tradition – voire du colonialisme – occidentaux constitue une cible de choix. Et, dans une certaine mesure, ça marche, car le procès initié par l’Afrique du Sud a déjà reçu le soutien de la Turquie, de la Jordanie, de la Malaisie, de la Bolivie, de la Colombie, du Brésil, du Pakistan et d’autres.

Cette pression internationale pour condamner Israël est constante et infatigable, même si les États occidentaux ont tendance à y résister. C’est dans ce contexte que les accusations sud-africaines seront instrumentalisées, surtout au sein des Nations unies, par les pays qui s’opposent à Israël. Les relations entre Israël et l’ONU sont au plus bas. Selon l’ONG UN Watch, au cours de l’année 2023, l’Assemblée générale de l’ONU a voté 14 résolutions censurant Israël, deux fois plus que le nombre total de celles dénonçant d’autres pays. Depuis longtemps, Israël accuse les agences de l’ONU de nourrir des préjugés à son égard, tandis que l’ONU, notamment à travers l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), accuse Israël de violer les droits humains des Palestiniens. Depuis le début de la guerre à Gaza, l’UNRWA allègue qu’Israël a bombardé ses propres installations, tandis que ce dernier maintient que le Hamas utilise certains des bâtiments en question pour camoufler ses équipements militaires. Quelles que soient l’indépendance et l’impartialité des juges de la CIJ, les différentes institutions de l’ONU constituent un théâtre où Israël joue presque toujours le rôle du méchant.

N’oubliez pas le Darfour

Ironie du sort, au cours de la semaine qui a précédé celle de l’ouverture des auditions à La Haye, le président de l’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa a reçu la visite de Mohamed Hamdan Dogolo, le commandant d’une puissante milice soudanaise qui est accusée de génocide et de crimes de guerre au Darfour. C’est en avril 2023 qu’une guerre civile se déclenche entre ce chef de guerre, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), et le général Abdel Fattah al-Burhan qui commande les Forces armées soudanaises (FAS). La région de Darfour, qui a déjà été la scène d’un génocide en 2003, voit de nouveau des massacres de civils, commis aujourd’hui par les hommes de Mohamed Hamdan Dogolo. Ils n’hésitent pas à employer la violence sexuelle et la réduction en esclavage contre les femmes et les enfants. Les victimes de ce nettoyage ethnique sont majoritairement de la communauté masalit, un groupe non-arabe, tandis que leurs bourreaux sont majoritairement arabes. Il y a eu plus de 10 000 morts et 7 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, 1,4 million dans des pays avoisinants, surtout le Tchad. Les Émirats arabes unis sont accusés de soutenir les FSR mais le nient. En novembre, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, ainsi qu’une lettre ouverte signée par 70 experts en droit international, ont essayé d’attirer l’attention générale sur une crise humanitaire d’une rare gravité. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 25 millions de personnes ont besoin d’aide – plus de dix fois la population de la bande de Gaza. Mais à la différence de ce qui se passe à Gaza, la tragédie soudanaise se poursuit dans l’indifférence (jusqu’ici) des 55 États-membres de l’Union africaine et dans celle du Conseil de sécurité de l’ONU. Le décalage entre l’agitation autour des actions d’Israël à Gaza et l’apathie générale devant le carnage du Darfour peut s’expliquer en grande partie de la façon suivante : le drame soudanais est traité comme une question humanitaire, tandis que celui de Gaza est traité comme une question politique. Et une question politique est toujours une source potentielle de bénéfices politiques. Qui, les 11 et 12 janvier, se faisait photographier à La Haye en affichant son soutien inconditionnel à l’action en justice de l’Afrique du Sud ? Ces grands humanitaires que sont le Français, Jean-Luc Mélenchon, et l’Anglais, Jeremy Corbyn.

Comores: le chantage migratoire de M. Assoumani va se poursuivre

Élection présidentielle aux Comores : changeons le rapport de forces migratoire dans l’océan Indien !


S’ils sont actuellement contestés par l’opposition, les résultats du premier tour de la présidentielle des Comores du 14 janvier devraient confirmer la réélection d’Azali Assoumani pour un troisième mandat.

Le président comorien assume un chantage migratoire sur les autorités françaises en prenant en otage Mayotte, soumis à un chaos migratoire. À nouveau, un pays africain dictera la politique migratoire française ! Seulement, à Mayotte, qui est l’avant-garde des problèmes français, tout est démultiplié : perte de contrôle des frontières face aux vagues migratoires incontrôlées, ultra-violence et appauvrissement généralisé. 

L’instabilité comorienne amplifiera le choc migratoire régional

Les Comores traverseront une crise politique avec la réélection d’Azali Assoumani. De nombreuses irrégularités électorales ont été observées lors des élections du 14 janvier : bourrages d’urnes et abus de pouvoir dénoncés par les oppositions et les observateurs internationaux. En 1999, ce Colonel avait mené un coup d’Etat pour se saisir du pouvoir une première fois avant d’être élu démocratiquement en 2002. Le 7 décembre 2023, il limoge la présidente de la section constitutionnelle et électorale de la Cour suprême Harimia Ahmed, chargée des contentieux relatifs aux élections. Cela s’inscrit dans un contexte de nombreuses arrestations politiques arbitraires et autoritaires et fraudes électorales répétées aux scrutins locaux.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: La préférence pour l’Autre, même s’il est méchant…

La réélection d’Azali Assoumani amplifiera le choc migratoire régional. D’une part, le président actuel ne résoudra pas les problèmes économiques des Comores. En effet, le taux d’inflation des Comores atteint 12,5% en 2023 selon la Banque Africaine de Développement, contre 4,5% à Mayotte selon l’Insee. D’autre part, les divisions politiques ne permettront pas aux Comores de résoudre leurs problèmes, notamment constitutionnels. En effet, la suppression de la limite à deux mandats en 2018 a plongé le pays dans un état de crise politique permanent. Ces deux paramètres pousseront toujours plus de Comoriens à migrer vers Mayotte. D’autant plus qu’Azali Assoumani entretient un chantage migratoire avec Emmanuel Macron. L’accord de coopération migratoire de 2019 contre une aide au développement de 150 millions d’euros a été unilatéralement interrompu par les Comores pendant six mois en 2020 puisque le président comorien affirme que les Comoriens en situation irrégulière à Mayotte y sont chez eux.

Mayotte est l’avant-garde française du chaos migratoire

Mayotte subit le chaos migratoire depuis plusieurs décennies. En effet, le 101ème département français est sous une “pression migratoire élevée” selon un rapport de la Cour des Comptes sur l’immigration irrégulière, publié le 5 janvier. Les chiffres sont sans appel. Pour environ 300 000 habitants, Mayotte comptait 42 134 étrangers en situation irrégulière en 2022, soit une hausse de 82 % en trois ans. Les étrangers représentent désormais 50% de la population de Mayotte, dont 95% proviennent des Comores. Ce seraient 24 000 à 28 000 comoriens qui parviennent illégalement à réaliser la traversée chaque année en “kwassa-kwassa”.

A lire aussi: Pourquoi l’élection de Taïwan n’est pas forcément une défaite pour Pékin

Or, cette submersion migratoire menace la vie des Mahorais. Sur le plan du logement, l’immigration irrégulière alimente massivement le développement des bidonvilles. Ils représentent 39% des logements de l’île. Sur le plan de la sécurité, Mayotte figure parmi les dix départements où plus de 50% des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) sont prononcées. La délinquance générale a augmenté de près de 20% entre début 2022 et début 2023. Selon l’Insee, les actes violents sont proportionnellement dix fois plus fréquents à Mayotte que dans l’Hexagone, trois fois plus pour les vols. Déjà en 2021, environ un Mahorais sur deux se sentait en insécurité, soit cinq à six fois plus qu’en France métropolitaine. Enfin, ajoutons à cela la pire sécheresse depuis 1997 accentuée par un déficit d’infrastructures et d’investissements et la crise de l’eau, un système de santé déficient et un niveau de vie trop faible. Mayotte est l’avant-garde des problèmes français : insécurité galopante et tiers-mondisation des services publics.

Pour une nouvelle politique migratoire dans l’Océan Indien

Pour reprendre le contrôle de notre politique migratoire, il faut adopter une approche diplomatique offensive contre les pays de départ tels que les Comores. Il ne suffit pas de décréter de la fermeté pour qu’elle s’opère efficacement. D’une part, les dirigeants français doivent procéder à des actions choc contre les personnes en situation irrégulière à Mayotte. À ce titre, l’opération “Wuambushu”, lancée en avril 2023 avec pour objectifs principaux la destruction de bidonvilles et des expulsions massives d’étrangers illégaux est une première action qui va dans le bon sens. D’autre part, la France doit mettre en place des sanctions diplomatiques contre les Comores tant qu’elles ne respectent pas deux points : la coopération contre les passeurs pour protéger les frontières et l’obtention de laissez-passer consulaires pour parvenir à expulser un migrant.

Mayotte, 25 avril 2023 © LOUIS WITTER/SIPA

Si les dirigeants français n’arrivent pas à protéger toutes leurs frontières, les armées doivent procéder à un blocus naval. Nous devons empêcher que les migrants Comoriens ne s’éloignent trop des côtes comoriennes pour pouvoir les raccompagner en sécurité. L’expérimentation d’un blocus naval contre les Comores doit être envisagée dans le prochain projet de loi Mayotte – attendu courant 2024 – pour ensuite être déployé en mer Méditerranée. En effet, 7 Français sur 10 sont favorables à un blocus militaire en mer Méditerranée face à la crise migratoire.

La France doit faire respecter son territoire et ses frontières. Garantir à chacun que toute personne peut entrer illégalement en France démontre d’emblée le peu de cas fait à notre Etat de droit. Sans se faire respecter, la France ne pourra jamais faire entendre sa voix alors que nous avons marqué le monde par la grandeur de notre civilisation.


Alessandro Roberto, Analyste au Millénaire ; 

Matthieu Hocque, Directeur adjoint des Etudes du think-tank gaulliste et indépendant Le Millénaire.

Maudite Mathilde, puisque te v’là

0
Mathilde Panot, invitée "exceptionnelle" de BFMTV, 16 janvier 2024. Capture d'écran.

Après la fiole pleine de punaises de lit brandie à l’Assemblée nationale, un nouveau coup d’éclat de Mathilde Panot ! La députée d’extrême gauche du Val-de-Marne prévoit de passer la nuit avec des sans-abris du 7e arrondissement de Paris. Sur BFMTV, elle a annoncé qu’elle commenterait la conférence de presse du président de la République, aux côtés d’autres parlementaires LFI, depuis ce campement.


The place to be, le campement de Solférino, ce soir. Mathilde Panot s’invite pour suivre la conférence de presse de Macron au beau milieu des sans-abris. Et, cerise sur le gâteau pour ces centaines de privilégiés, elle a promis de partager leur nuit sous la tente ! Et Panot sur la cerise elle annonce qu’elle ne viendra pas seule, mais avec d’autres ami(.e)s élu(.e)s LFI. Si les migrants s’organisent pour rentrer d’urgence au pays, moi, ce soir, je serai avec ma brosse à dents à Solferino.

« Vaudrait p’t-être mieux changer nos draps Mathilde est revenue. »  En 2017, Macron, fraîchement élu, avait promis pour la fin de l’année zéro sans-abris dans les rues de Paris et d’ailleurs. Résultat, c’est aujourd’hui carrément une population parallèle d’ombres vivantes qui rampent sur les trottoirs gelés de la capitale et des grandes villes de province. Là où Macron a échoué, LFI dégaine son arme fatale. Pour contrer le froid polaire du Moscou-Paris, plus chaud que le braséro, plus efficace que le thermolactyl et la graisse de phoque, avec son érotisme sophistiqué : voici le Panot-Show.

A lire aussi, Céline Pina: Un gouvernement de collaborateurs

« Ce soir je boirai mon chagrin, puisque Mathilde… » L’écurie LFI est suffisamment fournie en beaux bestiaux. Alors s’ils avaient le sens du sacrifice, ils auraient pu offrir à tous ces malheureux une de leurs belles pièces Label Rouge à la broche. Non, ils les convient à se taper pendant 4 heures la conf du pré-salé d’Amiens. Mais après la souffrance, le comité des fêtes de LFI a prévu des réjouissances haut de gamme. Soirée pyjama avec la Panot. Le short blanc-collants noirs collector d’Ersilia défilera en chair et sans un os de tentes en tentes. Enfin, la tombola. Mathilde, Ersilia, Danielle et les autres, tireront le numéro de tente où elles passeront la nuit.

« Je crache au ciel encore une fois, ma belle Mathilde, puisque te v’là. » Si mes calculs sont bons, il n’y aura plus un seul migrant à l’heure du tirage. La douce voix de mégaphone de Panot commentant la conf de Macron ayant eu raison de leur patience. Ils seront tous à Lampedusa, cherchant à rejoindre au plus vite les côtes libyennes. Et ceux qui se seront endormis devant le marchand de sable de l’Élysée, pris par un irrépressible mal du pays en ouvrant un œil sur la Mathilde en robe de chambre, chaud-devant ils seront avant bip-bip devant leurs ambassades respectives.

L’amour est dans le pré. Mes calculs étaient les bons. J’avais tous les numéros, je ne pouvais pas perdre. Je ramène Mat au pays, à la ferme. Elle va enfin travailler et arrêter de brailler…

Un gouvernement de collaborateurs

0
Chantilly, 11 janvier 2024 © Blondet Eliot /POOL/SIPA

La nation a rendez-vous à 20h15. Mais qu’est-ce qu’Emmanuel Macron va bien pouvoir raconter aux Français ce soir lors de sa conférence de presse retransmise à la télévision ?


L’effet escompté par le choix de Gabriel Attal comme Premier ministre n’a même pas eu le temps de retomber que déjà le président de la République tire le tapis sous les pieds de son nouveau Premier ministre. En Macronie, l’égo présidentiel ne supporte pas la concurrence et accepte difficilement que l’on existe, même dans son ombre. Alors il casse souvent ses jouets en même temps qu’il les exhibe à la foule censée être subjuguée par tant d’audace.

Après mini-moi, Premier ministre, on a donc eu droit au récit du débauchage de Rachida Dati. Mais comme derrière ce nouveau gouvernement, il n’y a toujours pas de ligne politique claire et que la situation de majorité relative (traduite par l’impossibilité de faire voter des lois sans utiliser le 49.3) n’a pas changé, l’impuissance parait toujours de mise. Tellement qu’une semaine à peine après ce bal des nominations, les Français sont déjà passés à autre chose, laissant les rodomontades politiques occuper le haut du trottoir d’une rue déserte.

La créativité présidentielle jamais prise en défaut

Il faut dire que l’encre annonçant l’avènement du divin Gabriel n’était pas encore sèche que déjà Emmanuel Macron annonçait le énième rendez-vous présidentiel avec les Français. Un clou chasse l’autre, la mise en avant du Premier ministre déclenche comme par réflexe la castration présidentielle. Mais c’est logique quand le président considère ses ministres comme des collaborateurs, une forme de super cabinet à sa main et non en cherchant, à travers eux, un chemin vers l’avenir, la proximité avec les Français et la confrontation au réel. Faute de pouvoir s’appuyer sur des personnalités fortes pour pouvoir raconter une histoire ou donner sens à son action, il se replie sur une forme d’exhibition.

On a déjà eu droit à « Emmanuel repasse le grand oral de Sciences-po devant les maires de France ». En langage bureaucratique cet exercice d’autocongratulation a été baptisé « grand débat national ». Lancé à grands renforts de superlatifs, personne n’est capable de dire aujourd’hui à quoi tout ce cirque a abouti, et les cahiers de doléances des Français moisissent dans quelque annexe d’archives s’ils n’ont pas été simplement jetés. Au gré des diverses crises, on a toujours droit au refrain de la démocratie participative. Laquelle parait la version la plus politiquement correcte de « la dictature c’est ‘Ferme ta gueule’, la démocratie c’est ‘Cause toujours’ ». Cela a donné lieu à diverses conventions citoyennes (sur le climat, sur la fin de vie). Une fut annoncée sur les retraites ; elle avorta avant même d’être conçue. Mais la créativité présidentielle jamais prise en défaut a encore accouché d’un nouveau concept : le CNR. Censé réactiver l’espoir que fit naitre après la Seconde Guerre mondiale le Conseil national de la Résistance, qui forgea la Sécurité sociale, ce Conseil national de la refondation est le énième comité Théodule lunaire dont nul ne sait quelle est la mission et dont personne n’attend rien. Tous ces lancements aussi divers que variés ayant fait plouf, voilà qu’Emmanuel Macron espère encore séduire la nation en lançant ce soir un rendez-vous dont plus personne n’attend autre chose que de l’autosatisfaction et des annonces probablement dépourvues de tout effet.

Mais à part le peu d’estime qu’éprouve votre servante pour les talents de notre président, pourquoi autant de cynisme alors même que l’homme n’a pas encore pris la parole ? Peut-être parce qu’agir toujours de la même manière en espérant un résultat différent est sans doute moins une marque de folie que de mépris. Emmanuel Macron fait des claquettes pour gagner du temps, mais incapable de sang-froid et d’orchestrer les séquences, il met lui-même la pagaille dans ses propres mécaniques.

Virage à droite ?

Ainsi, la mise en scène du retour à l’autorité, et du virage à droite, que recelait la communication autour de la nomination du Premier ministre et de son gouvernement, est en train de tourner court. Les secrétariats d’État ne sont même pas nommés que déjà Emmanuel Macron trépigne et tourne le projecteur de son côté. Il faut dire que les premiers pas du nouveau gouvernement sont chancelants. Et pour cause. Hormis Gérald Darmanin et Bruno Le Maire qui existent un peu par eux-mêmes, le reste du gouvernement est composé de personnes venues assurer les représentations politiques (Modem, Horizons), qui, nouveaux entrants ou reconduits, n’ont marqué l’esprit de personne. Pour le reste, les ministres ne sont que des membres de cabinet, fabriqués par le Prince, qui lui doivent tout et n’ont encore rien prouvé de leurs mérites. La seule chose dont nous soyons assurés est de leur loyauté à Emmanuel Macron. En revanche, sur le fait qu’ils aient un rapport à l’intérêt général, une vision pour la France ou des solutions pour répondre aux défis de l’avenir, là n’est visiblement pas la question.

Stéphane Séjourné, le 25/09/22 / © Molecki/East News/SIPA / 01089100_000014

On peut rire des fautes de français d’un Stéphane Séjourné, nouvellement nommé ministre des Affaires étrangères, mais on peut aussi penser qu’il n’est pas interdit d’être émotif, d’avoir la langue qui fourche et surtout que ce n’est pas l’essentiel. Le problème vient de l’inexpérience totale en la matière d’un homme qui se voit mis à la tête d’une institution à la fois traditionnelle et bouleversée. Le corps diplomatique a été cassé d’un geste négligent par un président qui pense qu’être disruptif, c’est se permettre de détruire gratuitement ce qui est, sans prendre le temps de réfléchir aux spécificités de certains domaines. Le problème ici est surtout que Stéphane Séjourné n’a pas la densité politique pour être crédible à ce poste. Il n’est que le gardien en chef du bac à sable présidentiel. Et c’en est ainsi de la plupart des ministres. Ils n’ont ni parcours personnel politique, ni existence propre. S’ils viennent du sérail politique, ils ne sont pas des professionnels de la politique mais des collaborateurs et des assistants. Non que certains ne puissent le devenir, mais certainement pas en passant directement des cabinets au poste de ministre ou de député, sans être passés par le terrain, sans se confronter aux réalités de la gestion locale, des problèmes concrets que l’on rencontre au sein d’une mairie ou d’un Conseil général, sans s’être confronté au réel et aux citoyens, dans un rapport direct, sur des sujets quotidiens ou mettant en jeu l’avenir des communautés locales et des bassins de vie.

Un autre exemple avec Amélie Oudéa-Castéra. La dame récite bien sa leçon. On lui a expliqué que l’Education nationale vivrait mal le fait de n’avoir eu un ministre un peu énergique que durant cinq mois, alors la voilà qui minaude en expliquant que le Premier ministre va la coacher. Elle est en alternance au gouvernement ? Ministre est une formation de luxe ? Tout cela n’est pas très sérieux. Alors quand, à peine nommée, la ministre semble mentir sur les raisons qui l’ont poussée à mettre ses enfants dans une école privée, on ne peut que craindre que la greffe soit difficile à prendre. La prise de Rachida Dati est destinée à occuper le terrain du « coup médiatique » réussi, mais eu égard à l’absence de ligne de ce gouvernement sur à peu près toutes les questions, il n’y a pas de raison que cette nomination se traduise en décisions politiques majeures.

Difficile donc de savoir ce que peuvent donner à leur poste Marie Lebec ou Aurore Bergé tant leur identité politique est floue. Quant aux anciens, de Sylvie Retailleau à Christophe Béchu en passant par Sébastien Lecornu, ils incarnent tellement peu de choses, qu’ils restent des inconnus aux yeux des Français. L’image d’autorité et de détermination du jeune Premier ministre plait aux Français mais l’homme ayant encore peu maçonné, on attend encore de savoir s’il maîtrise l’action et est doté d’une véritable colonne vertébrale. Ne reste que Le Maire et Darmanin qui soient dotés d’une identité propre, à l’ancienne presque. Ils rejoignent le bal des prétendants et des héritiers puisque le président ne peut se représenter. Cela augure d’une solidarité gouvernementale toute relative…

Courage donc à Gabriel Attal qui va devoir conduire le char de l’Etat en prenant garde à droite et à gauche, à côté et autour de lui et surtout au-dessus de lui. Qu’il n’oublie pas que Jupiter avait pour père Chronos, qui dévorait ses enfants. Et apparemment Emmanuel Macron ne s’est pas construit en opposition.

À Paris, les morts peuvent attendre

0
DR

Surendettée sur plusieurs générations, la Ville de Paris néglige jusqu’à l’entretien des Catacombes, l’ossuaire des Parisiens. Cette Mairie qui dépense par ailleurs sans compter, en appelle, ici, au mécénat…


Reconnaissons à Mme Hidalgo et à ses amis une qualité : la cohérence ! Après avoir balafré les rues et places par des pistes à vélos ; brisé les perspectives, idée maîtresse du baron Haussmann, par du mobilier urbain inutile ; et écrasé méthodiquement l’esthétique de notre capitale, l’Hôtel de Ville néglige les Catacombes. En un mot, après avoir maltraité les Parisiens vivants, il abandonne les Parisiens morts.

Hidalgo, une gabegie financière

La Ville de Paris n’a plus un rond mais sait encore se montrer dispendieuse. Oublié, le plan d’économies de 200 millions par an. C’était il y a si longtemps… en 2022. Le budget voté pour 2024 dépasse les 11,3 milliards d’euros, parmi lesquels 1,8 sont destinés à des investissements supplémentaires. À ce rythme, la dette de notre capitale sera de 10 milliards en 2026. Pour mémo, celle-ci était de 4 milliards en 2014, lorsque Mme Hidalgo a pris les clefs de l’Hôtel de Ville, et les comptes étaient positifs lorsque M. Delanoë est arrivé place de Grève en 2001 ! Messieurs Chirac et Tiberi ont certes eu des « frais de bouche » et des proches logés en HLM, mais ils ont su gérer les finances de cette ville tout en en accentuant le rayonnement. Cela nécessite un talent que n’ont pas tous les hommes, et toutes les femmes politiques. Mais grâce à un raisonnement magique, Mme Hidalgo estime que la dette « doit servir à ne pas laisser aux générations futures une ville qui ne sera plus vivable. » Elles n’y vivront plus, tout simplement.

A lire aussi: Les cauchemars d’Anne Hidalgo

Au conseil de Paris, on trouve heureusement des gens plus lucides, telle Marie-Claire Carrère-Gée, présidente Les Républicains de la commission des finances. Dans Le Monde du 2 janvier, elle dénonce « la gabegie des subventions aux associations, la préemption intense d’appartements pour les transformer en logements sociaux à des fins électoralistes et le recrutement de 650 agents en 2023, en plus des 58 000 agents existants… » Elle craint « un fait nouveau, un risque d’effet d’avalanche. On accumule beaucoup de dettes, et il faut dorénavant prendre en compte l’explosion des taux d’intérêt, qui s’ajoutent à ces dépenses de fonctionnement non maîtrisées. Si l’on continue ainsi, les finances de la Ville seront bientôt à la main des banques et de l’État ».

Le plus grand cimetière du monde

Et les Parisiens morts dans tout cela ? On n’y pense pas, ou très peu. Les Catacombes constituent l’ossuaire des Parisiens, c’est aussi le plus grand du monde. Ces millions d’ossements anonymes proviennent des différents cimetières de la capitale, lorsque ceux-ci ont été transférés dans les carrières, en marge de la cité, en 1786, pour des raisons sanitaires. Cette prise de conscience est, selon Philippe Muray, le véritable coup d’envoi de la Révolution. Dans Le XIXe siècle à travers les âges, il écrit : « Que l’innocence et le déchet deviennent éloignables l’un de l’autre. Qu’on les divorce. Visiblement. Que le mot innocence soudain prenne sa consistance d’innocence, se transforme en une petite bête décollable, isolable de la réalité de la mort. […] Le non-dit philanthropique : les enfants qui ne doivent plus jouer à l’endroit où les morts reposent ; les putes qui ne doivent plus chasser à l’endroit où les enfants jouent ; les coïts qui doivent cesser là où ne cesse de grossir le charnier. Respect au corps, à l’innocence, respect à la fusion de l’amour, respect à l’éternel repos. Respect à la mort naguère provisoire qui peu à peu devient l’infini et l’éternité mêmes, c’est-à-dire va remplacer Dieu. »

A lire aussi: Quand on arrive en ville!

Certaines galeries ont été, dès le début du XIXe siècle, aménagées « artistiquement » afin d’être ouvertes au public. Crânes et fémurs s’alternent sur plusieurs mètres de long et de profondeur. On appelle ces murets des hagues. Aujourd’hui, une vingtaine d’entre eux, ceux qui contiennent les restes de Parisiens des Xe au XVIIIe siècles, nécessitent une restauration : dans les années 1950, du mortier a été appliqué sur ces vanités monumentales et, bêtement alourdies, celles-ci s’effondrent. Une campagne de restauration a certes été entamée par la Ville de Paris, mais un article du Figaro (16/12/2023) nous apprend qu’elle n’ira pas jusqu’au bout faute… d’argent ! « Ici repose une partie des ancêtres des Parisiens, ce patrimoine doit être non seulement conservé mais transmis aux générations futures », explique au quotidien Isabelle Knafou, administratrice générale des Catacombes. Malheureusement, quand Mme Hidalgo pense aux « générations futures », elle ne pense pas à leur transmettre en héritage le patrimoine qui leur revient de droit. C’est pourquoi, sans honte, la Mairie va lancer un appel au mécénat. Elle attend de généreux dons pour entretenir la mémoire dont elle est pourtant garante. Quand la honte le dispute à l’indignité…

Avec 600 000 visiteurs par an, les Catacombes sont le site le plus visité des quatorze sites culturels et musées municipaux. Ce tas d’os aiguise le flair de la Mairie qui pense sûrement le rendre plus attractif encore en « réorganisant le circuit de visite ». Nous parlera-t-on bientôt d’installations artistiques et immersives ? Pax mortis.

Le XIXe siècle à travers les âges

Price: 19,00 €

21 used & new available from 13,90 €

Vivre en ville

Price: 20,00 €

30 used & new available from 3,97 €

La Grande Armée des marcheurs est épuisée

0
Orange, 1er septembre 2023 © Blondet Eliot -POOL/SIPA

À Sainte-Hélène, Napoléon Macron se prend pour Bonaparte (Le Théâtre et son trouble)


À l’occasion du premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement Attal, le président de la République a remis les pendules à l’heure et les ministres au parfum. Pour assurer le bonheur et la prospérité de la patrie, décorer ses aigles d’une immortelle gloire, Emmanuel Macron a demandé aux petits nouveaux, vieux grognards grognons, d’être des « révolutionnaires », pas des « gestionnaires ». Elisabeth Borne et les sortants apprécieront.

La mouche du coach

« Je vous demande de la solidarité et de la vitesse, qui sont la condition de l’efficacité… Ce gouvernement sera celui de la discipline républicaine… Je ne veux pas d’états d’âme, je veux des états de service… J’attends de vous des résultats, encore des résultats et toujours plus de résultats… Vous incarnez le retour aux sources de ce que nous sommes, le dépassement au service du pays, l’esprit de 2017. C’est une responsabilité historique. Soyez à la hauteur ».

La vitesse, la discipline, les résultats, « l’esprit de 2017 », prolongement de celui du CNR, du 18 juin, de Master Chef et The Voice… Le président ne doute de rien. Un tiers Danton, un tiers Bonaparte, un tiers Charles VI (se prenant pour Charles de Gaulle), Napoléon Macron rêve au soleil d’Austerlitz. « Français, je suis content de moi ! ». Brigitte y croit. « Pourvu que ça dur ».

Le président ressert à la nation la célèbre proclamation du général Bonaparte aux soldats de l’Armée d’Italie, le 27 mars 1796 : « [Français], vous êtes nus, mal nourris ; le gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner. Votre patience, le courage que vous montriez au milieu de ces rochers sont admirables ; mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir ; vous y trouverez honneur, gloire et richesse. [Français], manqueriez-vous de courage ou de constance ? ». Le 7 mai 2017, au pied de la pyramide du Louvre, Emmanuel Bonaparte se prenait pour Napoléon Macron : sept ans de déception plus tard, c’est l’inverse. Retour à Las Cases départ.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience

Grâce à Gabriel Attal, voiturier des berlines de l’empereur, hologramme sympathique, Emmanuel Macron, phénix épuisé des hôtes de son Moi, voudrait renaître de ses cendres. Drone de drame… Six mois à l’Éducation nationale, deux tirades pour la dictée et contre l’abaya, ont donné des ailes au Premier ministre, autoproclamé « garant de la priorité absolue qu’est l’école ». Il emporte la cause (toujours) à Matignon, la « mère des batailles », le « choc des savoirs ». Amélie Oudéa-Castéra fera office de cantinière en chef. Choucroute royale pour L’École Alsacienne, Stan et Ginette. Les Héritiers du Public, descendants de Saint-Louis, Henri IV, Louis-le-Grand, s’étouffent, voient rouge, dénoncent la concurrence déloyale. Les coryphées, Vincent, Benoit, Najat, Jean-Michel, Pap et les autres, ont coulé l’Éducation nationale. Les choreutes, gamins oubliés, égarés par deux générations de Tartufferies Toltèques, flottent, pensifs, au fond de l’étang. Sens au cœur de la nuit, L’onde d’espoir, Ardeur de la vie, Sentier de gloire… Rien ne va changer rue de Grenelle.  

Le Premier ministre a un plan génial, trois axes, pour une remontada vers les plateaux de TF1 et Pratzen, rebondir après sept ans de macronisme. « Garder le contrôle de notre destin, libérer le potentiel français et réarmer notre pays ». Quel aveu ! Qui a désarmé le pays ? Avec ou sans doublure, privé de majorité au Palais Bourbon, dans l’impossibilité de se représenter en 2027, Emmanuel Macron n’est plus maître des horloges. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont d’Arcole, depuis 2017. Chouanneries des gilets jaunes, blocus de la Covid continentale, Bérézina des retraites, Trafalgar aux législatives de 2022. L’Elysée nous a fait au printemps le coup des « Cent jours d’action et d’apaisement ». Cornérisé, le gouvernement multiplie les « Je vous ai compris ».

La Grande Armée des marcheurs est épuisée. Son état-major de courtisans manque d’artillerie, de programmes, de stratèges, de Davout, de tout. L’empereur Emmanuel navigue à vue, sautille de buzz en coups. Grand Connétable de la dépense, vice-roi de la fugue industrielle, Bruno Le Maire est tancé par Pierre Mosco.veni.vidi.vici, architrésorier des déficits, comte de la procrastination. Gérald Fouché-Darmanin, duc d’Otrante pas grand-chose, ne contrôle aucune frontière. Sébastien Lecornu n’a pas fait de service militaire. François Bayrou-Talleyrand complote. L’aiglon ignore le feu électoral. Prince de Parme, Plaisance et Guastalla, grand communiquant, Gabriel Attal confesse sur Sept à huit, ses cinq-à-sept, ses ex, sa libido, son gouvernement de combat, camarillaset Gala. Sur leurs cahiers d’écolier, sur les formes scintillantes, sur la couronne des rois, ils écrivent leurs noms. « On ne va pas chercher une épaulette sur un champ de bataille quand on peut l’avoir dans une antichambre » (Napoléon).

A lire aussi, Martin Pimentel: Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

On ne réchauffe pas un soufflé. Peu importe les incantations, le cinéma, l’histoire et les décors du Roi : Jupiter – étroit mousquetaire -, Rachida Milady pugnace, Éric Dupond-Moretti déguisé en Porthos, les diadoques prépubères, les Machiavel d’opérette, ne relèveront pas le pays. La com sans stratégie, sans programme, sans guerriers, sans potion magique, les mots creux qu’on dit avec les bleus sont désastreux, annoncent une déroute aux Européennes de juin. À 25 kilomètres au sud de Bruxelles : Waterloo.

Matignon ! Matignon ! Borne peine !

Comme une onde qui bout dans une urne pas pleine,
Dans un cirque de lois, promesses et brouillons,
Attal, donc, mènera mes si beaux bataillons.
D’un côté c’est l’Europe et de l’autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l’espérance ;
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O Brigitte ! je pleure et je m’arrête, hélas !
Car mes derniers marcheurs de la dernière guerre
Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
Chassés LR, Flamby, votés pactes malins
Et leur âme chantait dans les clairons d’airain !
Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Nous avions l’offensive et presque la victoire ;
Je tenais les réacs acculés, sans un droit.
Ma lunette à la main, j’observais quelque fois
Le Centre au combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois Horizon, sombre, à la peine,
Soudain, joyeux, je dis : Attal ! …C’était Le Pen ! (…)
Carnage affreux ! Moment fatal ! Je suis inquiet
Sentant que la bataille entre mes mains pliait.
Derrière un mamelon, la garde était massée,
Dati espoir suprême et suprême pensée !
« Allons ! faites donner la garde ! » je m’écris.
Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Branco, qu’Attal eût pris pour coreligionnaires,
Ferrand, Dati, Kohler, qui traînaient des affaires,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Sarkozy, et ceux de chez Mimi,
Comprenant qu’ils allaient souffrir dans cette fête,
Saluèrent leur Dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d’un seul cri, dit : Vive Jupiter ! (…)

(D’après Victor Hugo, Les Châtiments, « L’expiation »)

Mais comment la France issue du 7-Octobre va-t-elle commémorer le 80ème anniversaire du Débarquement?

0
Gaza, 1 er janvier 2024 © IDF/GPO/SIPA

Si les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui avaient été aux commandes il y a 80 ans, le Jour-J aurait à coup sûr été annulé. Et nous nous trouverions encore sous la botte nazie. 


Parmi les divers fronts qui attendent en 2024 la France issue du 7 octobre, une France qui a choisi de tout entreprendre pour discréditer la riposte existentielle d’Israël contre un totalitarisme islamiste qui tue aussi sur son propre territoire, une France rivée à ses hypocrites injonctions contradictoires – défendez-vous, mais cessez le feu ! –, il en est un que nous n’avons guère anticipé : le front commémoratif. En effet, comment allons-nous faire pour célébrer dans l’honneur, si tant est que ce mot ait encore un sens, le 80ème anniversaire du Débarquement de juin 1944 ? Une date qui, pour les Français, symbolise à elle seule le début de la Libération et allait permettre à la patrie déchue d’être admise au banquet de la victoire au lieu de se voir imposer un protectorat honteux, comme l’Allemagne et l’Italie. Le problème s’annonce épineux.

Il me taraude à titre personnel, la guerre m’ayant surprise à Jérusalem alors que j’achevais la biographie d’un de nos superbes Compagnons de la Libération, le jeune philosophe André Zirnheld (1913-1942), un des premiers rebelles de l’an 1940. Tombé à 29 ans dans le désert de Libye, lui n’a pas pu se joindre à « la bataille suprême », comme l’appelait de Gaulle, à l’instar d’autres fils de cette France libre et debout, dont il était, et qui auront l’honneur de déferler sur les plages de Normandie pour le « choc décisif et tant espéré ». Une France combattante qui n’entendait pas déclarer la paix aux nazis, contrairement à celle de juin 1940 ou de 2023. Ou quand les cataclysmes historiques transforment des leaders jusque-là considérés comme raisonnables en pantins inconsistants. Comment publier ce livre en 2024 sans avoir le sentiment de participer à une mascarade ?

20 000, ou le nombre de victimes civiles du Jour-J

Pourquoi rapprocher juin 1944 et octobre 2023 ? Dans les deux cas, une guerre sans merci, une guerre de survie, une guerre juste contre un ennemi aussi puissant que redoutable avec lequel aucun modus vivendi n’est possible. Ici, un combat visant à libérer l’Europe de l’hydre nazie, là à se libérer d’une menace analogue, portée par une organisation terroriste et totalitaire nourrissant un objectif identique : l’extermination des Juifs et rien d’autre. Un programme d’ailleurs largement inspiré du nazisme, avec lequel les Frères musulmans s’étaient alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Un héritage toujours vivace à en juger par les exemplaires de Mein Kampf en arabe retrouvés cet automne dans les tunnels de Gaza ou encore par l’IPad de cette petite fille avec Hitler en fond d’écran, découvert à la mi-janvier. Surtout, comment fêter cette fois le Jour-J en ayant à l’esprit le terrible bilan humain induit par les raids aériens que les Alliés ont dû mener sur la Normandie à l’été 1944 – à l’instar des Israéliens en 2023 – pour assurer le succès du Débarquement ? Et pour que « derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes », réapparaisse « le soleil de notre grandeur », disait encore de Gaulle ? 20 000 victimes collatérales seront à déplorer parmi les Français. Une tragédie qui, jusque-là, ne nous avait pas empêché de célébrer le 6 juin 1944 comme un fait d’armes majeur.

Ce lourd tribut, généralement considéré comme un drame inévitable par les historiens, le fut aussi par nombre de malheureux en temps réel, qui n’hésitèrent pas à protéger leurs libérateurs une fois au sol. À l’aune des surréalistes critères appliqués à l’Etat hébreu en 2023, il faudrait cependant innover et peut-être tout repenser. Cohérence oblige. Ne conviendrait-il pas d’y voir désormais la plus grande catastrophe humanitaire que la France ait jamais connue, un carnage dû à un usage « disproportionné » de la force, bref, un massacre éhonté ? Transformer les villes normandes en champs de ruines et en « cimetières d’enfants », comme dirait le secrétaire général de l’ONU, est-ce acceptable ? Et si on requalifiait « le Jour le plus long » de jour le plus noir de notre histoire ?

Et le bilan de la guerre à Gaza ? Un « crime contre l’humanité »

Trois mois après le plus grand crime de masse commis contre des Juifs depuis la Shoah – mais à l’évidence, Auschwitz n’oblige plus grand-monde –, l’opinion occidentale n’a donc plus qu’un chiffre invérifiable, mais idéalement accusateur et presque jubilatoire à la bouche : plus de 20 000 victimes « innocentes » à Gaza, enfin selon l’estimation fournie par le Hamas. À condition bien sûr d’inclure parmi ces innocents quelque 9 000 terroristes armés jusqu’aux dents, dont des cerveaux et des assassins du 7 octobre, neutralisés au fil de féroces combats urbains. À condition aussi d’imputer à Israël les morts dus aux quelque 15 000 roquettes tirées par le Hamas, dont deux sur dix retombent dans l’enclave, soit autour de 1 500. Et à condition de faire comme si l’écrasante majorité des victimes n’était pas due à l’abjecte stratégie du Hamas qui consiste à transformer les Gazaouïs en boucliers humains en installant de façon systématique l’ensemble de ses infrastructures de guerre sous des infrastructures civiles. De fait, il n’est pas un hôpital, un dispensaire, un jardin d’enfants, une aire de jeux, une zone humanitaire sécurisée, une mosquée ni une école financée par l’UNWRA, c’est-à-dire par nos impôts, qui à Gaza n’abrite en sous-sol ou dans ses murs des batteries lance-missiles, des entrepôts d’armes et de munitions, des fabriques d’explosifs, des stocks de provision ou des QG opérationnels, les puits des tunnels débouchant en général dans les salles de classe, les halls d’immeubles et parfois même sur les parkings des hôtels où sont logés les journalistes…

A lire ensuite, Jeremy Stubbs: Génocides à la carte

De l’aveu même de terroristes arrêtés après le 7 octobre, la tactique est payante : « Nous aimons la mort, les Juifs aiment la vie et rechignent à bombarder ces sanctuaires : c’est leur point faible, nous l’exploitons et l’Occident relaie ». Une pratique qui, à cette échelle et à ce degré de cynisme, relève du jamais-vu. On feindra bien sûr d’ignorer que le Hamas interdit à sa population tout accès à ses 800 kilomètres de tunnels (soit plus que la distance qui sépare Paris de Marseille) pour s’y abriter en cas de frappes. On fera comme s’il ne s’employait pas à empêcher les familles d’évacuer, d’où ces routes de l’automne 2023 à Gaza jonchées de cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens n’ayant pas respecté la consigne. Et comme si le Hamas ne pillait pas les trois quarts de l’aide humanitaire au profit de ses combattants, revendant le reste à prix d’or sur les marchés, d’où la crise alimentaire.

La méthode est simple, assumée et elle fonctionne à tous les coups : « Le sang de nos martyrs pave la voie de la victoire », se vantent les terroristes. Plus il y a de morts, plus il y aura d’idiots utiles ou de pervers subtils de par le monde pour incriminer l’Etat juif et se faire ainsi les complices objectifs de la barbarie islamiste. Ce pourquoi Israël tente précisément de minimiser les pertes quand le Hamas s’efforce de les maximiser pour accroître la pression internationale sur leur ennemi juré. Quant à la question de savoir pour quelles obscures raisons le souci humanitaire ne se déchaîne que lorsqu’il s’agit de condamner l’Etat hébreu – les 400 000 morts dus à la rébellion des Houthis au Yémen n’ont jamais fait descendre quiconque dans la rue –, l’énigme reste entière.

Mais passons sur ces détails. 20 000 victimes, donc, sans parler des destructions matérielles : un crime contre l’humanité ! Depuis quand ne cède-t-on pas à la monstrueuse tactique des terroristes qui vise justement à saper la riposte ? « Tout vaut mieux que d’être mis hors de combat sans combattre », affirmait de Gaulle le 11 juin. Depuis quand l’armée d’un pays sauvagement attaqué et humilié, un peu comme la France en juin 1940, se permet-il de frapper son agresseur de façon intensive afin de dégager des voies d’accès à ses troupes terrestres au lieu de les envoyer à l’abattoir ? Pourquoi pas allumer des bougies, comme on sait si bien le faire en France après chaque attaque, en attendant la suivante ? Un pur scandale, à croire qu’il n’y a que les Juifs pour faire une chose pareille. De quoi les traîner devant la Cour internationale de justice de La Haye pour… « génocide », comme vient de le faire l’Afrique du Sud. Et les Européens n’ont évidemment rien dit, à l’exception de l’Allemagne et de la Hongrie. L’argument de la légitime défense ? Refusé au motif qu’Israël, qui s’est retiré de Gaza en 2005, l’« occuperait » toujours… C’est que ce drôle d’occupant entendait contrôler les marchandises autorisées à entrer dans l’enclave. Pour désespérer ses habitants ? Non, pour éviter que le Hamas n’accumule d’immenses moyens d’attaque visant à l’anéantir. Le ciment pour la reconstruction ? Israël, dans son ignominie, l’a autorisé : il a servi à bâtir une imprenable forteresse souterraine. Les tuyaux destinés aux canalisations ? Aussitôt détournés pour fabriquer des missiles…

Normandie, été 1944 : tapis de bombes et champs de ruines

Gaza, 2023 – Normandie, 1944. Petit exercice de transposition. 20 000 Normands, dont 8 000 dans le Calvados et environ 4 000 dans la Manche, ont donc péri sous les tapis de bombes, de surcroît « amies », largués par les Alliés avant et après le D-Day. Sans parler des flots de blessés et de déplacés. En quelques jours, une dizaine de villes, autant de nœuds routiers, comme Pont-l’Evêque, Avranches ou Alençon, ne sont plus que décombres. Et sous les décombres, des femmes et des enfants. Un bain de sang. Evrecy perd un tiers de ses habitants, Caen déplore 2000 morts et Rouen 1000 pour la seule journée du 19 avril 1944.  Lisieux et Falaise sont détruites à 75% ; Villers-Bocage à 88%, Vire à 95%. Plus un édifice debout. Les photos de l’époque parlent d’elles-mêmes : la Normandie ou Gaza puissance dix. Saint-Lô, surnommée la « capitale des ruines », est rasée à 95%. Et Evreux verra son centre-ville réduit en poussières dès le 13 juin. Un calvaire qui ne se terminera que début septembre avec le Havre, écrasé sous 12 000 tonnes de projectiles et rasé à 82%. Quant aux ports de l’Atlantique, comme Brest, Saint-Nazaire, Lorient ou Royan, ils seront eux aussi dévastés à plus de 80%. Des scènes d’apocalypse. Au total, les bombardements alliés sur l’Hexagone entre 1940 et 1945 ont coûté la vie à 75 000 innocents, dont 40 000 pour la seule année 1944, soit la première cause de mortalité pendant la guerre.

Il y a donc un hic. Si les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui avaient été aux commandes il y a 80 ans, le Jour-J aurait à coup sûr été annulé. Et nous nous trouverions encore sous la botte nazie. Imaginons un instant que le président Emmanuel Macron ait été à la manœuvre lors des préparatifs du Débarquement. Il se serait insurgé : frapper les défenses adverses pour permettre aux soldats d’avancer ? Perturber les voies de communication afin d’entraver l’acheminement des renforts allemands sur les plages ? Mais à quel prix ? Vous n’y pensez pas ! se serait-il sans doute indigné. Considérer comme des cibles tout ce qui permet à Hitler de faire la guerre, y compris en zones urbaines : industries, gares, dépôts d’armements, batteries côtières, ponts, routes, voies ferrées, ateliers de réparation, installations portuaires…  Et si les populations devaient en pâtir ?

« La bataille suprême » : disproportionnée et immorale !

En juin 1944, le général de Gaulle se serait-il soustrait à son plus élémentaire devoir en invitant ses Français libres, dont une centaine de pilotes, à mener la bataille « avec fureur » et à « détruire l’ennemi qui écrase et souille la patrie » ? Il conviendrait d’examiner la chose de près : cet impitoyable général n’a manifestement pas hésité à « cibler » et sacrifier des milliers de ses compatriotes. Et si on le jugeait par contumace pour « crimes d’atrocité », selon la jolie formule d’une commissaire européenne à propos de Gaza ?

Ce serait innovant : le procureur rappellerait qu’en pleine offensive terrestre – âpre, meurtrière et incertaine, comme le fut la Bataille de Normandie –, « préserver les civils constitue une nécessité non-négociable » devant primer sur toute autre considération, assénait déjà le président français lors de la conférence humanitaire de Paris, début novembre. En juin 1944, certains, dans l’entourage de Roosevelt, auraient également pu voir dans le D-Day « une réponse militaire disproportionnée, immorale et contraire au droit international ». Et, de là, appeler le Congrès à « rejeter le financement des opérations » au motif que « les contribuables américains ne sauraient être complices de la destruction de vies d’hommes, de femmes et d’enfants », ainsi que le réclamait le démocrate américain Bernie Sanders à l’encontre d’Israël ce 3 janvier 2024. On l’a échappé belle…

Serions-nous devenus plus civilisés ? À propos du rôle dévolu à l’aviation dans la plus grande opération amphibie de l’histoire, le général Eisenhower remarquait que « si ces mains s’en trouvaient à être liées, les périls d’une entreprise déjà hasardeuse en seraient fortement renforcés ». Lier les mains de l’Etat juif, surtout quand il emporte bataille sur bataille sur le terrain, tel est pourtant le vertueux objectif « humanitaire » que s’est fixé la communauté internationale à l’encontre du seul avant-poste du monde libre au Moyen Orient. En décembre déjà, les Israéliens étaient engagés sur six fronts : contre le Hamas au Sud, le Hezbollah au Nord, les terroristes de Cisjordanie à l’Est, la Syrie, le Yémen en mer Rouge et l’Irak. Plutôt que de se porter à leur côté, l’Europe a au contraire jugé bon, au fil d’un marathon onusien insensé, d’ouvrir un septième front. Et de voter une résolution réclamant l’arrêt des hostilités, autrement dit la disparition de l’Etat juif, prié de se coucher face à ses ennemis mortels.

A lire aussi, Elisabeth Nattiv : L’apaisement à tout prix, «traumatisme de guerre» de l’Occident

Aux Israéliens agressés, on intime à tout bout de champ l’ordre de « cesser le combat », comme disait Pétain. Aux agresseurs islamistes, on ne demande rien. La France aurait pu faire un autre choix. Début décembre, alors que des centaines de terroristes commençaient à se constituer prisonniers, elle aurait pu dire à leurs chefs : « Rendez-vous, libérez les otages, cessez cette folie et demandez pardon ! À votre peuple d’abord, que vous entraînez dans l’abîme. À l’Occident ensuite pour avoir détourné en faveur de votre machine de guerre les milliards d’euros que nous déversons depuis près de vingt ans dans votre enclave, des sommes gigantesques censées transformer Gaza en Singapour du Moyen-Orient. Nous raisonnions à l’occidentale, comme les Israéliens, et nous nous sommes trompés car on l’a compris ce 7 octobre, vous vous moquez du développement économique et social de votre fief, seule vous important la destruction pure et simple d’Israël. Ne comptez plus sur notre complicité, elle se révèle déjà assez embarrassante ». On a trouvé plus digne de prolonger par d’autres moyens le joyeux labeur du pogrom entamé le 7 octobre, ainsi passé de local à mondial – d’où l’éclatement du tout premier pogrom planétaire de l’histoire.

Détruire l’ennemi ? Cruels libérateurs

S’en sortira-t-on en avançant, à l’avantage des Alliés, qu’à l’époque, les frappes étaient forcément moins précises ? Sauf que cet argument se trouve largement compensé par le fait que Tsahal opère sur le pire théâtre qui soit. Un cas unique dans les annales de l’histoire militaire. Car Gaza ne désigne pas un territoire où des équipements guerriers seraient disséminés par-ci par-là, mais une zone entièrement transformée en gigantesque et tentaculaire mégalopole de la terreur, en sous-sol comme en surface. Une base terroriste à l’échelle d’une province. D’où des ennemis invisibles et insaisissables, sortant de terre comme des rats pour attaquer avant de rentrer dans leurs tunnels, souvent enfouis à 20 ou 50 mètres, assez larges pour laisser passer des véhicules, dotés du confort le plus moderne (électricité, système de ventilation, ascenseurs, etc.), le tout sur plusieurs étages dûment protégés par des fortifications en chair et en os. Même les nazis n’y avaient pas pensé !

Comment les Alliés auraient-ils procédé si la Bataille de France les avait placés face à un tel défi ? Pour épargner les populations et limiter les dommages collatéraux, auraient-ils mis sur pied un régiment spécial dont l’unique vocation est de prévenir les populations en larguant des millions de tracts pour les inviter, avant les frappes, à déserter les lieux visés ? À la télévision israélienne, un présentateur du soir montrait ainsi sur une carte les zones de l’enclave devant être ciblées le lendemain, des flèches indiquant les voies à emprunter pour évacuer, des avertissements également envoyés par SMS ou par téléphone, quitte à compromettre l’effet de surprise. Une scène plutôt inédite par temps de guerre. Pour permettre aux Français, aux administratifs allemands ou aux familles des soldats d’occupation de s’éloigner avant les bombardements, on ne sache pas non plus que Churchill et Roosevelt aient songé à dépêcher des unités avec pour mission de s’interposer par les armes entre ces foules et, en face, d’éventuels tueurs SS chargés, comme à Gaza, de pilonner les colonnes pour les dissuader de se mettre à l’abri. On n’a pas non plus souvenir que des corridors à destination des civils, français ou allemands, aient été envisagés en Normandie. Et ces milliers de camions d’aide humanitaire (plus d’une centaine par jour à Gaza) à destination de l’adversaire, une aide dont la distribution est contrôlée par le Hamas et dont la portée tactique peut se révéler fatale à Tsahal ? En 1944, rien non plus de la sorte. De Gaulle n’a pas pensé à mobiliser la Croix-Rouge ni à consentir à des « trêves » de charité de façon à ce que l’ennemi, « prêt à tout faire pour échapper à son destin », se refasse une santé. Il est assez rare qu’un belligérant, qui a en principe intérêt à mettre son adversaire à genoux, accepte d’entretenir son effort de guerre en lui permettant de reconstituer quotidiennement ses stocks de carburant, de vivres et de médicaments. Force est de l’admettre, Tsahal fait comparativement beaucoup mieux que les cruels libérateurs de juin 1944.

Alors comment la France de l’après 7 octobre, c’est-à-dire de juin 1940, va-t-elle s’y prendre pour commémorer en grande pompe les 80 ans d’un Débarquement en forme de « massacre », d’inadmissible « carnage » humanitaire, du moins à suivre les critères appliqués à Israël en 2023 ? Il y a trois options : se ressaisir, décréter le 6 juin 1944 jour de deuil national ou se livrer une fois de plus à une opération en trompe-l’œil relevant de l’art pour l’art. Le genre de manœuvre « à laquelle les Français attachent une importance d’autant plus grande qu’elle ne dupe personne, même pas eux-mêmes », écrivait le colonel de Larminat dans ses Chroniques irrévérencieuses. Mais quelle importance puisque les uns ne s’en apercevront pas et que les autres se tairont ?

Le Compagnon de la Libération André Zirnheld doit, lui, se retourner dans sa tombe… D’autant que sans l’extraordinaire soutien apporté par les pionniers de Palestine mandataire aux jeunes déserteurs français du Levant ayant rallié de Gaulle à l’été 1940, ces derniers auraient été tragiquement seuls. Comme Israël aujourd’hui.

Famille, je vous hais

0
D.R

La version préliminaire de l’édition hollandaise du nouveau livre du journaliste Omid Scobie avançait que c’est Charles III et Kate Middleton qui auraient tenu des propos racistes envers Meghan Markle.


En 2020, le journaliste britannique Omid Scobie, très proche de Meghan Markle et de son mari, le prince Harry, a eu un beau succès en tant que co-auteur d’un best-seller flatteur consacré au couple royal, Libres. Son nouveau livre, sorti en novembre, devait à la fois reproduire le succès du précédent et dépasser la sphère des mondanités pour entrer dans celle de la politique. Fin de règne : où va la monarchie britannique, les derniers scandales révélés promettait d’ébranler la maison Windsor. Dans son brûlot, l’auteur n’hésite pas à qualifier cette dernière « d’entreprise familiale instable » et « d’institution en déclin ». Il présente toujours Harry et Meghan comme les victimes angéliques d’un « système desséché », tandis que le roi Charles III, le prince William et la princesse Kate sont caricaturés en méchants d’un film Disney : machiavéliques, conspirateurs et sans cœur. La clé de voûte de la construction de Scobie est l’accusation de racisme portée contre un membre de la famille royale par Harry et Meghan lors d’une interview avec Oprah Winfrey en 2021. Cette personne aurait spéculé sur la couleur de peau éventuelle de leur fils à naître.

A lire aussi : Harry, un ami qui vous veut du mal

Le livre de Scobie réitère cette accusation, en la portant contre deux membres de la famille qui ne sont toujours pas nommés – selon lui, par pure délicatesse. Pourtant, après la sortie du livre, on s’est aperçu que l’édition néerlandaise cite bien les deux noms qui sont… Charles et Kate. Scobie a prétendu que c’était une erreur, que les deux noms figuraient dans une version préliminaire du manuscrit – ce que l’éditeur néerlandais a fermement nié. Ce coup de publicité raté s’est retourné contre l’auteur du pavé de 400 pages, dont les ventes ont dégringolé de façon spectaculaire, se montrant cinq fois inférieures à celles de son ouvrage précédent au cours de sa première semaine. Le livre a même été bradé dans certaines librairies. Perçu comme le porte-parole de Harry et Meghan, dont les pleurnicheries ont fini par lasser le public, Scobie n’a affaibli que sa propre réputation et, pour le pauvre prince Harry, les chances d’une réconciliation avec sa famille.

Fin de règne: Où va la monarchie britannique : les derniers scandales révélés

Price: 23,50 €

30 used & new available from 2,60 €

Pourquoi l’élection de Taïwan n’est pas forcément une défaite pour Pékin

0
Lai Ching-te, aussi appelé William Lai, le soir de son élection, Taipei, Taiwan, 13 janvier 2024 © Louise Delmotte/AP/SIPA

Sur l’île de Formose, que la Chine rêve de remettre sous sa férule, le libéral William Lai a été élu hier avec 40% des voix. Il nous est présenté comme le candidat démocrate dont ne voulait par Pékin. Mais, lors de ses vœux, le président chinois Xi Jinping annonçait qu’une réunification était selon lui inévitable, et cette élection pourrait ne pas être une si mauvaise nouvelle pour lui… Analyse.


La première réaction de beaucoup d’observateurs plus ou moins aguerris au soir de l’élection présidentielle à Taïwan fut de comparer la victoire du libéral William Lai à une douche froide pour Pékin. Pour autant, même si l’élection du candidat le plus opposé à la discussion avec le continent ne ravit pas la Chine populaire, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles ne paraissent. La victoire à la Pyrrhus de Lai ne conduira pas le Parti Communiste chinois à la réaction attendue.

L’élection mitigée de William Lai

Pour la première fois de l’histoire démocratique de Taïwan et la fin de la loi martiale le 15 juillet 1987, un parti a réussi à remporter l’élection présidentielle trois fois d’affilée. William Lai, du DPP (Parti Démocratique Progressiste), a été élu président de l’île et prendra ses fonctions le 20 mai prochain. Il est issu d’un parti qui est historiquement hostile à Pékin et à tout rapprochement avec le continent. Sous Tsai Ing-wen, l’actuelle présidente, les tensions entre les deux Chines ont connu un sommet jamais atteint depuis près de trois décennies. Lai a amélioré sa popularité en étant la cible privilégiée des fakes-news lancées par Pékin et sa campagne d’influence. La Chine continentale a perdu son pari et a vu le candidat qui lui est le moins favorable être élu. Cela pourrait inciter les dirigeants communistes à intensifier la pression sur l’île, mettant un terme à leurs espoirs de réunification pacifique.

En parallèle, les élections législatives se tenaient le même jour sur l’île ; elles ont débouché sur un échec du président élu. Ce dernier n’est pas parvenu à sécuriser une majorité absolue au Yuan Législatif, lui laissant un goût d’inachevé. Depuis les premières élections présidentielles ouvertes en 1996, nous avions l’habitude de voir le président élu bénéficier d’une majorité à la chambre, lui permettant de mettre en application son programme. William Lai est donc un président mal élu, n’ayant recueilli que 40% des voix populaires et ne disposant que d’une majorité relative à la chambre. Cette demi-victoire va considérablement mettre un frein à la présidence Lai, qui démarre donc mal et présage une crise politique d’envergure.

Le nouveau président doit composer avec un parlement hostile

Les élections du 13 janvier à Taïwan ont délivré deux enseignements majeurs : les forces favorables à la Chine n’ont pas perdu de terrain, car elles représentent plus de la moitié de l’électorat et disposent de la majorité au parlement ; ces élections ont vu l’émergence d’une troisième force politique, le TPP de Ko Wen-je qui apparaît déjà comme le faiseur de roi.

William Lai va devoir composer avec une chambre législative hostile. En effet, les deux partis d’oppositions, le Kuomintang et le TPP sont favorables à un rapprochement avec la Chine. Si William Kai ne veut pas se retrouver avec un pays ingouvernable, il devra faire des concessions et éviter de s’attaquer frontalement au continent. Ainsi, Lai ne pourra pas imposer les politiques sécuritaire et extérieure qu’il avait défendues durant la campagne. Ce changement radical a déjà pu être observé dans ses premières déclarations de président nouvellement élu, qui n’exclut plus le dialogue mais veut se montrer pragmatique et modéré. Ce revirement devrait plaire à Pékin, qui s’évite un régime hostile sur l’île qu’elle revendique.

À lire aussi, Jeremy Stubbs: Génocides à la carte

Dans sa quête de trouver un allié parlementaire, William Lai semble vouloir se tourner vers le TPP et son dirigeant Ko Wen-je. Le président fraîchement élu ne pourra pas s’allier avec le Kuomintang pour des raisons historiques, en revanche des points communs existent avec le TPP. Ko Wen-je, bien que partisan d’un rapprochement économique avec la Chine, veut accentuer les efforts sécuritaires et renforcer les capacités de défense de l’île. Cependant, cette alliance peut se montrer nocive pour le président élu. Ko, s’étant distingué par un discours aux accents populistes, n’a pas hésité à critiquer le système en place et le DPP. Cet antisystème séduit dans une population critique face à la classe politique traditionnelle, ce qui fait du TPP le seul parti qui a amélioré son score par rapport à l’élection de 2020.

Pékin garde les deux options sur la table : militaire ou pacifique

L’éventualité d’une 4ème crise du détroit de Taïwan s’est considérablement réduite avec le résultat des élections. L’élection de William Lai, qui doit s’accommoder d’une majorité relative au parlement, rebat véritablement les cartes. Ainsi, le régime communiste ne peut plus totalement exclure qu’une réunification progressive et pacifique soit possible. Les résultats des dernières élections ne peuvent être interprétés comme une défaite intégrale de la Chine, car elles maintiennent la possibilité d’une réunification pacifique. Cette option était mise à mal durant la présidence de Tsai, et on observait un éloignement de plus en plus important de l’île du continent.

La présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, en compagnie de la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, dans le bureau présidentiel à Taipei, le 3 août 2022 © TAIWAN PRESIDENTIAL OFFICE/AP/SIPA

Cela ne veut pas dire pour autant que Xi Jinping va exclure l’option militaire, alors qu’il a rappelé lors de ses vœux, que la réunification était inévitable. Ainsi, la Chine va évidemment continuer à investir pour moderniser et préparer son armée afin qu’elle soit prête pour une invasion militaire d’ici 2027… Il s’agit d’une année symbolique pour le président chinois, car elle marquera le 100ème anniversaire de la fondation de l’Armée Populaire de Libération, mais surtout, elle coïncidera avec la fin de son troisième mandat à la tête du parti communiste. Il voudra certainement se présenter au Congrès du PCC fort d’une réussite majeure, notamment avec l’idée d’une réunification avec Taiwan – qu’importe la manière. Les élections à Taïwan ouvrent une fenêtre de tir pour le régime communiste chinois qui doit arbitrer la meilleure manière d’opérer une réunification avec l’île. Les résultats initialement apparus comme hostiles, doivent être analysés avec plus de profondeur. Ainsi, ils peuvent laisser place à un rapprochement ou à une réunification pacifique selon l’attitude adoptée par le président chinois, qui reste le maitre des horloges sur cette question essentielle.


William Thay, président du Millénaire, think-tank indépendant spécialisé en politiques publiques

Pierre Clairé, Directeur adjoint des Études et spécialiste des questions internationales et européennes.

Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

0
Brigitte Macron et son faire-valoir Didier Deschamps, TF1, 10 janvier 2024. Capture TF1.

Vous allez peut-être finir par croire que je regarde beaucoup trop la télévision. Car nous allons évoquer ici le passage de Brigitte Macron, au journal télévisé de TF1…


Rassurez-vous, nous allons essayer de ne pas faire sombrer ce site de haute tenue intellectuelle dans des commérages dignes de la presse people. Et rassurez-vous également, nous ne comptons pas non plus faire une énième analyse institutionnelle sur la place que la Ve République devrait laisser à la « Première Dame », ou sur les évolutions qu’il faudrait apporter à son statut. Même si elle n’a pas obtenu de mandat des citoyens français, que la femme du président ait un chauffeur, un budget ou un bureau à l’Élysée, cela n’a finalement rien de choquant !

Que faisait Brigitte Macron au 13 heures de TF1, mercredi dernier ?

Je vous le concède, c’est peut-être un peu people au début, malgré tout. La mère Macron était invitée du journal de Marie-Sophie Lacarrau, avec Didier Deschamps, pour le lancement de la 35e opération des Pièces Jaunes1. Comme Bernadette Chirac autrefois, M’ame Macron est la présidente de la Fondation des Hôpitaux. Quant à Didier Deschamps, il est le parrain de l’opération.

A lire aussi: La communication, c’est un boulot, et Amélie Oudéa-Castéra vient d’en faire la rude expérience

Évidemment, on a vite compris que les journalistes de TF1 n’en avaient pas grand-chose à fiche des petites boites en carton qu’on remplit des pièces qui trainent dans nos fonds de poche au profit des enfants malades. En plein remaniement ministériel, et alors que l’affaire Depardieu fait rage à coup de pétitions et contre pétitions sanglantes dans la presse, c’est sur ces sujets qu’il fallait cuisiner notre Première dame… Oh ! cependant, ce n’est pas émettre des doutes infamants quant aux aptitudes professionnelles de la rédaction de TF1 ou de Marie-Sophie Lacarrau que de penser que, peut-être, avant de se déplacer dans la Tour TF1 de Boulogne-Billancourt, ces thèmes avaient été communiqués au palais de l’Elysée.

Aller au JT de 13 heures, c’est intéressant pour la macronie. Même si les audiences du rendez-vous sont structurellement en baisse depuis les années d’or de Jean-Pierre Pernaut, ce journal reste très suivi, avec des millions de fidèles chaque jour et jusqu’à un téléspectateur sur deux devant TF1. Surtout, c’est essentiellement la France active de nos provinces qui regarde ce rendez-vous. Des citoyens qui ne sont pas forcément les électeurs d’Emmanuel Macron. Des électeurs de la France périphérique que sa femme peut donc tenter de séduire dans un but électoral, avec sa parole calme et non polémique.

Mais alors, qu’a dit « Brigitte » ?

Nous avons dû revoir une deuxième fois la séquence en entier pour prendre quelques notes car, vraiment, la première fois, le brushing de M’me Macron était tellement travaillé que l’on ne regardait que çà. Ne soyons pas trop sexistes en ne commentant que l’aspect des femmes : le nouveau sourire lavabo de l’entraineur de l’équipe de France était aussi particulièrement impressionnant. Tout d’abord, sur le nouveau Premier ministre qui venait d’être nommé, notons que Brigitte Macron l’appelle par son prénom, « Gabriel ». Elle lui souhaite bonne chance, bien sûr, et, elle veut nous faire croire, comme l’a affirmé la journaliste Marie-Sophie Lacarrau, qu’elle n’aime pas commenter les décisions politiques de son mari. Oh non ! Surtout pas !

Reste qu’elle trouve Gabriel Attal formidable. Comme tout le monde apparemment : pensez, il est si jeune ! Nous avons bien lu la presse la semaine dernière, et contrairement à ce qui avait cours dans l’ancien monde, l’inexpérience c’est désormais une qualité professionnelle, apparemment. TF1 a quand même posé une question piège à Brigitte sur ce fantastique nouveau Premier ministre. A-t-il un défaut ? Eh bien, la femme d’Emmanuel Macron a calé. Elle le connait pourtant très bien, car il soutient le couple Macron depuis le début, dès leur première campagne. Mais de défaut, elle ne lui en a trouvé aucun. Vous voyez, la France a vraiment de la chance ! Citons la Mère Macron, qui, après avoir remercié Elisabeth Borne pour son service et avoir presque semblé être peinée de voir partir celle que ses admirateurs appellent affectueusement « Mamie Vapota » dans les commentaires de Causeur, a donné la description suivante de Gabriel Attal : « Gabriel est courageux, il est audacieux, c’est un homme d’action ». Elle en est presqu’amoureuse ! Je ne citerais pas en revanche le nom de l’affreux membre de Causeur qui m’a dit qu’il fallait qu’elle redescende un peu : « Celui-là, il est vraiment gay » a persiflé ce collaborateur. C’est vraiment une blague que je ne reprendrais pas à mon compte.

Et Gérard Depardieu, alors ?

Brigitte Macron nous a offert un grand numéro de « en même temps » mi-woke mi-réac, concernant Gérard Depardieu, sous l’oeil bienveillant de son faire-valoir Didier Deschamps.

Notre patronne estime que les lecteurs de Causeur qui trouvent que nous en faisons beaucoup trop sur cette affaire Depardieu ont tort, et a expliqué à Jeremy Stubbs en quoi ici. L’histoire des propos grivois et des agressions sexuelles présumées de Gerard Depardieu, ce n’est pas une histoire à reléguer aux pages de la presse people. Au-delà du cas de Gerard Depardieu, on observe un basculement sociétal, un maccarthisme de plateaux tv et une nouvelle police des braguettes qui se mettent en place. Et si cela vous gêne et que vous osez le dire, vous serez rapidement accusé de faire partie du « vieux monde sexiste ». Il convient de dénoncer ces âneries néoféministes, comme il convenait de dénoncer les nombreux aspects délétères des mouvements Balance Ton Porc ou Metoo. Brigitte Macron a dit qu’elle ne voulait pas ajouter du commentaire au commentaire, car, selon elle, avec toutes ces tribunes et toutes ces prises de parole, « on est servi pour les commentaires ». Dans un premier temps, elle nous a fait du politiquement correct, et a ressorti la tarte à la crème de la sacrosainte « parole des femmes », qui comme chacun le sait se libère, et qu’il conviendrait de soutenir. « Elles parlent et il faut continuer de parler, c’est très courageux de parler », estime la femme du président.

A lire aussi: Kompromat à la française

Oui, mais voilà : juste avant Noël, le président de la République avait dit sur France 5 que l’ex-ministre de la Culture Rima Abdul-Malak (depuis tombée en disgrâce) s’était avancée concernant l’affaire, que Gérard Depardieu était un immense acteur et que, oui, il rendait selon lui « fière » la France. Brigitte Macron, à qui on a rappelé ces propos sur TF1, a donc botté en touche et dit qu’il fallait la comprendre. Ah bon ? On ne voit pas en quoi elle pourrait nous donner son appréciation du Premier ministre et pas soutenir son mari dans l’affaire Depardieu. Avec ses déclarations sur France 5, M. Macron semblait plutôt se positionner du côté de ceux qui ont signé la fameuse tribune de Yannis Ezziadi.

Ce qu’a ensuite dit Brigitte est quand même bienvenu : « Je ne peux pas commenter ce commentaire [l’appréciation d’Emmanuel Macron sur Gérard Depardieu sur France 5] mais par contre je commenterai la présomption d’innocence. Un des piliers de la démocratie, c’est la justice, et un des critères fondamentaux de la justice c’est la présomption d’innocence » a développé la Première Dame. Voilà qui est dit pour toutes nos néo féministes et actrices dénonçant ces jours-ci la culture du viol ! Sans être encore plus désagréable que nous l’avons été jusqu’à maintenant, observons aussi que Brigitte Macron appartient finalement aux anciennes générations – elle a tout de même 24 ans de plus que son époux. D’ailleurs, sa rencontre avec le président, alors qu’il était un de ses jeunes élèves, pourrait facilement être réécrite à la lumière de la théorie de l’emprise par des idiots – l’emprise, c’est une thèse que Lio, Mediapart, Anouk Grinberg ou Judith Godrèche nous resservent tous les jours ces derniers temps. Et, très franchement, ces théories et ces leçons de morale ne valent pas beaucoup mieux que les thèses des complotistes qui avaient voulu nous faire croire qu’Emmanuel Macron était en couple avec le patron de Radio France ou que Brigitte Macron avait changé de sexe comme Amanda Lear… Tout ça, c’est du délire.

Laissons la justice travailler, laissons la vie privée des gens tranquille, laissons les gens avoir une vie amoureuse audacieuse s’ils en ont envie, et défendons ceux qui se font lyncher dans les médias, parfois pour de simples rumeurs sur les réseaux sociaux.

Pour résumer cette séquence « Brigitte » sur TF1 : le blabla bienpensant de Brigitte Macron sur la parole des femmes, non merci ! Mais pour la présomption d’innocence de Gérard Depardieu : merci Brigitte !

  1. https://www.tf1.fr/tf1/jt-13h/videos/pieces-jaunes-2024-brigitte-macron-et-didier-deschamps-invites-exceptionnels-du-jt-41564358.html ↩︎

Génocides à la carte

0
La Haye, Pays-Bas, 12 janvier 2024 © SOPA Images/SIPA

Pour étayer la thèse d’ « actes génocidaires » perpétrés par Israël à Gaza, l’Afrique du Sud devra démontrer une intentionnalité. Quelles que soient l’indépendance et l’impartialité des juges de la CIJ, les différentes institutions de l’ONU constituent depuis des années un théâtre où Israël joue presque toujours le rôle du méchant.


Les accusations de génocide portées contre Israël par ceux qui prétendent soutenir la cause palestinienne ou combattre le sionisme sont devenues banales depuis le 7 octobre. Avant Noël, des militants qui manifestaient devant un théâtre new-yorkais où devait se produire Jerry Seinfeld, ont accusé l’humoriste de « complicité de génocide » pour avoir déclaré publiquement sa solidarité avec Israël. Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a lancé un processus pour donner un statut officiel à de telles accusations en saisissant la Cour internationale de justice des Nations Unies (CIJ).

Selon les avocats de la nation arc-en-ciel, Israël aurait commis des « actes génocidaires » dans sa campagne contre le Hamas à Gaza. Les 11 et 12 janvier, les magistrats de cette instance ont écouté les arguments des Sud-Africains et les contre-arguments des Israéliens.

Que représente une accusation de génocide aujourd’hui, et Israël peut-il s’attendre à être traité avec impartialité par une institution faisant partie de l’ONU ? La formulation de la notion de génocide au lendemain de la Seconde Guerre mondiale était censée initier une nouvelle ère de justice à l’échelle planétaire. Malheureusement, le concept se révèle aujourd’hui être à géométrie variable. Il a été appliqué efficacement dans le cas du génocide des Tutsis au Rwanda, mais les membres démocratiques des Nations unies n’ont toujours pas réussi à sanctionner juridiquement la Chine pour son traitement des Ouïghours, tandis qu’un génocide en cours au Soudan ne semble intéresser ni la communauté internationale ni les groupes de militants qui sont si prompts à accuser Israël.

Le fait vaut-il l’intention ?

C’est dans un document de 84 pages que les avocats de l’Afrique du Sud détaillent des « violations alléguées » par Israël de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui date de 1948. Pour justifier cette accusation, le réquisitoire cite le nombre de morts de civils à Gaza, le déplacement d’une partie de la population, les difficultés à approvisionner les habitants en eau et nourriture et la prétendue volonté des autorités israéliennes d’entraver l’accès au territoire des organismes d’aide humanitaire.

L’objectif immédiat de la partie poursuivante n’est pas de convaincre la Cour de condamner Israël comme génocidaire, ce qui pourrait prendre des années de délibérations. Il s’agit dans un premier temps de la persuader d’ordonner à Israël de prendre des mesures provisoires consistant essentiellement à « mettre fin à toutes les opérations militaires qui constituent ou donnent lieu à des violations de la Convention sur le génocide ». Bref, un cessez-le-feu. La Cour pourrait prendre quelques semaines pour statuer sur cette première question.

Le génocide est compris comme la volonté intentionnelle de détruire les membres d’un groupe en tant que membres de ce groupe. Cette nécessité de prouver une intentionnalité de la part des persécuteurs allégués n’a pas échappé aux autorités sud-africaines. Selon la déclaration devant la Cour de l’avocate, Adila Hassim : « Les génocides ne sont jamais déclarés à l’avance, mais cette cour bénéficie des 13 dernières semaines de preuves qui montrent de manière incontestable un modèle de comportement et d’intention qui justifie une allégation plausible d’actes génocidaires ». Pour fonder l’allégation d’intentionnalité, le réquisitoire cite des propos violents de certains dirigeants israéliens et même, afin de démontrer combien la « rhétorique du génocide » est ancrée dans la société israélienne, des déclarations inconsidérées par deux chanteurs populaires maîtres du style Mizrahi. Dans une interview, Eyal Golan a appelé à « effacer Gaza et à n’y laisser personne », tandis que, dans une vidéo ayant rencontré du succès sur les réseaux sociaux, Kobi Peretz a chanté : « que Gaza soit effacée ! »

La démonstration faite par l’Afrique du Sud semble être tout sauf « incontestable », selon le mot employé par son avocate. Mais si jamais la CIJ décide de condamner Israël, a-t-elle les moyens de faire respecter son verdict ? Le Conseil de sécurité de l’ONU possède ce pouvoir, mais ses cinq membres permanents – la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie – ont un pouvoir de véto. En mars 2022, la CIJ a ordonné à la Russie de cesser son invasion de l’Ukraine – avec le résultat que l’on connaît. Or, les États-Unis et le Royaume Uni ont déjà déclaré le dossier pénal de l’Afrique du Sud sans fondement. Ainsi, même si la Cour condamnait Israël et demandait au Conseil de sécurité d’agir, il ne se passerait rien. Cette action en justice représente-t-elle donc beaucoup de bruit pour rien ?

Le procès : l’éternel retour du même

L’accusation de génocide, qu’elle soit approuvée ou non par le tribunal, constitue une étape importante dans une longue campagne pour condamner Israël des pires infâmies. Et ce n’est pas la seule tentative pour y arriver sur le plan juridique. Il faut rappeler que la Cour internationale de justice (CIJ) de l’ONU, bien qu’elle aussi siège à La Haye, est différente de la Cour pénale internationale (CPI). Tandis que la CIJ a pour mission de régler les disputes entre les États, la CPI poursuit des individus accusés de crimes contre l’humanité, comme dans le cas du dirigeant serbe Slobodan Milošević, ou celui du Rwandais Félicien Kabuga. Or, le 17 novembre, la CPI a déclaré que le procureur de la Cour, saisie par l’autorité palestinienne et cinq États, l’Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti, enquêtait sur des crimes de guerre allégués que des Israéliens auraient commis à Gaza et en Cisjordanie à partir de 2014. La commission de ces crimes serait une violation du Statut de Rome, le traité international qui a créé la Cour pénale internationale. Israël est un des signataires de ce traité. En 2020, la CPI a renoncé à poursuivre la Chine au sujet de la persécution des Ouïghours car la Chine n’est pas signataire du Statut de Rome. Il est ainsi clair – si jamais on avait besoin de preuves – qu’Israël est une société infiniment plus démocratique et libérale que la Chine. Il est clair aussi que cette association avec la tradition occidentale fait partie des raisons qui poussent des membres moins démocratiques de l’ONU à vouloir faire infliger à Israël une condamnation aussi terrible que définitive.

Soldat israélien à la frontière avec Gaza, 24 novembre 2023 © Tsafrir Abayov/AP/SIPA

Certes, le rôle de l’Afrique du Sud dans l’affaire actuelle peut s’expliquer dans une certaine mesure par le sentiment de solidarité avec le peuple palestinien qui remonte à l’époque de Nelson Mandela. Le leader du Congrès national africain voyant en Yasser Arafat un frère d’armes dans la lutte contre les régimes d’apartheid. Mais encore aujourd’hui, cette complicité va très loin. L’Afrique du Sud est un des rares pays à avoir des relations diplomatiques avec le Hamas. Son gouvernement a été lent à condamner les atrocités du 7 octobre, mais prompt à condamner l’invasion de Gaza. En novembre, son parlement a voté la suspension des relations diplomatiques avec Israël, bien que cette résolution n’ait pas été suivie d’effets. La question palestinienne a suffisamment d’importance auprès de la population sud-africaine pour être exploitée à des fins électorales. La dénonciation d’Israël sert à masquer les problèmes de corruption qui assaillent le régime du président Cyril Ramaphosa, ainsi que le niveau de violence criminelle qui afflige le pays. Poursuivre Israël représente aussi une façon pour l’Afrique du Sud de s’acheter de l’influence sur la scène internationale et notamment de prendre le leadership au sein de ce qu’on a nommé « le Sud global », cet ensemble de pays en développement qui seraient en train de s’opposer à l’influence occidentale et qui ne rechigneraient pas à faire cause commune avec la Russie ou la Chine quand cela les arrange. Israël, l’incarnation supposée de la tradition – voire du colonialisme – occidentaux constitue une cible de choix. Et, dans une certaine mesure, ça marche, car le procès initié par l’Afrique du Sud a déjà reçu le soutien de la Turquie, de la Jordanie, de la Malaisie, de la Bolivie, de la Colombie, du Brésil, du Pakistan et d’autres.

Cette pression internationale pour condamner Israël est constante et infatigable, même si les États occidentaux ont tendance à y résister. C’est dans ce contexte que les accusations sud-africaines seront instrumentalisées, surtout au sein des Nations unies, par les pays qui s’opposent à Israël. Les relations entre Israël et l’ONU sont au plus bas. Selon l’ONG UN Watch, au cours de l’année 2023, l’Assemblée générale de l’ONU a voté 14 résolutions censurant Israël, deux fois plus que le nombre total de celles dénonçant d’autres pays. Depuis longtemps, Israël accuse les agences de l’ONU de nourrir des préjugés à son égard, tandis que l’ONU, notamment à travers l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), accuse Israël de violer les droits humains des Palestiniens. Depuis le début de la guerre à Gaza, l’UNRWA allègue qu’Israël a bombardé ses propres installations, tandis que ce dernier maintient que le Hamas utilise certains des bâtiments en question pour camoufler ses équipements militaires. Quelles que soient l’indépendance et l’impartialité des juges de la CIJ, les différentes institutions de l’ONU constituent un théâtre où Israël joue presque toujours le rôle du méchant.

N’oubliez pas le Darfour

Ironie du sort, au cours de la semaine qui a précédé celle de l’ouverture des auditions à La Haye, le président de l’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa a reçu la visite de Mohamed Hamdan Dogolo, le commandant d’une puissante milice soudanaise qui est accusée de génocide et de crimes de guerre au Darfour. C’est en avril 2023 qu’une guerre civile se déclenche entre ce chef de guerre, à la tête des Forces de soutien rapide (FSR), et le général Abdel Fattah al-Burhan qui commande les Forces armées soudanaises (FAS). La région de Darfour, qui a déjà été la scène d’un génocide en 2003, voit de nouveau des massacres de civils, commis aujourd’hui par les hommes de Mohamed Hamdan Dogolo. Ils n’hésitent pas à employer la violence sexuelle et la réduction en esclavage contre les femmes et les enfants. Les victimes de ce nettoyage ethnique sont majoritairement de la communauté masalit, un groupe non-arabe, tandis que leurs bourreaux sont majoritairement arabes. Il y a eu plus de 10 000 morts et 7 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, 1,4 million dans des pays avoisinants, surtout le Tchad. Les Émirats arabes unis sont accusés de soutenir les FSR mais le nient. En novembre, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, ainsi qu’une lettre ouverte signée par 70 experts en droit international, ont essayé d’attirer l’attention générale sur une crise humanitaire d’une rare gravité. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 25 millions de personnes ont besoin d’aide – plus de dix fois la population de la bande de Gaza. Mais à la différence de ce qui se passe à Gaza, la tragédie soudanaise se poursuit dans l’indifférence (jusqu’ici) des 55 États-membres de l’Union africaine et dans celle du Conseil de sécurité de l’ONU. Le décalage entre l’agitation autour des actions d’Israël à Gaza et l’apathie générale devant le carnage du Darfour peut s’expliquer en grande partie de la façon suivante : le drame soudanais est traité comme une question humanitaire, tandis que celui de Gaza est traité comme une question politique. Et une question politique est toujours une source potentielle de bénéfices politiques. Qui, les 11 et 12 janvier, se faisait photographier à La Haye en affichant son soutien inconditionnel à l’action en justice de l’Afrique du Sud ? Ces grands humanitaires que sont le Français, Jean-Luc Mélenchon, et l’Anglais, Jeremy Corbyn.