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À Paris, les morts peuvent attendre

Quand la rénovation des Catacombes tombe sur un "os"


À Paris, les morts peuvent attendre
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Surendettée sur plusieurs générations, la Ville de Paris néglige jusqu’à l’entretien des Catacombes, l’ossuaire des Parisiens. Cette Mairie qui dépense par ailleurs sans compter, en appelle, ici, au mécénat…


Reconnaissons à Mme Hidalgo et à ses amis une qualité : la cohérence ! Après avoir balafré les rues et places par des pistes à vélos ; brisé les perspectives, idée maîtresse du baron Haussmann, par du mobilier urbain inutile ; et écrasé méthodiquement l’esthétique de notre capitale, l’Hôtel de Ville néglige les Catacombes. En un mot, après avoir maltraité les Parisiens vivants, il abandonne les Parisiens morts.

Hidalgo, une gabegie financière

La Ville de Paris n’a plus un rond mais sait encore se montrer dispendieuse. Oublié, le plan d’économies de 200 millions par an. C’était il y a si longtemps… en 2022. Le budget voté pour 2024 dépasse les 11,3 milliards d’euros, parmi lesquels 1,8 sont destinés à des investissements supplémentaires. À ce rythme, la dette de notre capitale sera de 10 milliards en 2026. Pour mémo, celle-ci était de 4 milliards en 2014, lorsque Mme Hidalgo a pris les clefs de l’Hôtel de Ville, et les comptes étaient positifs lorsque M. Delanoë est arrivé place de Grève en 2001 ! Messieurs Chirac et Tiberi ont certes eu des « frais de bouche » et des proches logés en HLM, mais ils ont su gérer les finances de cette ville tout en en accentuant le rayonnement. Cela nécessite un talent que n’ont pas tous les hommes, et toutes les femmes politiques. Mais grâce à un raisonnement magique, Mme Hidalgo estime que la dette « doit servir à ne pas laisser aux générations futures une ville qui ne sera plus vivable. » Elles n’y vivront plus, tout simplement.

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Au conseil de Paris, on trouve heureusement des gens plus lucides, telle Marie-Claire Carrère-Gée, présidente Les Républicains de la commission des finances. Dans Le Monde du 2 janvier, elle dénonce « la gabegie des subventions aux associations, la préemption intense d’appartements pour les transformer en logements sociaux à des fins électoralistes et le recrutement de 650 agents en 2023, en plus des 58 000 agents existants… » Elle craint « un fait nouveau, un risque d’effet d’avalanche. On accumule beaucoup de dettes, et il faut dorénavant prendre en compte l’explosion des taux d’intérêt, qui s’ajoutent à ces dépenses de fonctionnement non maîtrisées. Si l’on continue ainsi, les finances de la Ville seront bientôt à la main des banques et de l’État ».

Le plus grand cimetière du monde

Et les Parisiens morts dans tout cela ? On n’y pense pas, ou très peu. Les Catacombes constituent l’ossuaire des Parisiens, c’est aussi le plus grand du monde. Ces millions d’ossements anonymes proviennent des différents cimetières de la capitale, lorsque ceux-ci ont été transférés dans les carrières, en marge de la cité, en 1786, pour des raisons sanitaires. Cette prise de conscience est, selon Philippe Muray, le véritable coup d’envoi de la Révolution. Dans Le XIXe siècle à travers les âges, il écrit : « Que l’innocence et le déchet deviennent éloignables l’un de l’autre. Qu’on les divorce. Visiblement. Que le mot innocence soudain prenne sa consistance d’innocence, se transforme en une petite bête décollable, isolable de la réalité de la mort. […] Le non-dit philanthropique : les enfants qui ne doivent plus jouer à l’endroit où les morts reposent ; les putes qui ne doivent plus chasser à l’endroit où les enfants jouent ; les coïts qui doivent cesser là où ne cesse de grossir le charnier. Respect au corps, à l’innocence, respect à la fusion de l’amour, respect à l’éternel repos. Respect à la mort naguère provisoire qui peu à peu devient l’infini et l’éternité mêmes, c’est-à-dire va remplacer Dieu. »

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Certaines galeries ont été, dès le début du XIXe siècle, aménagées « artistiquement » afin d’être ouvertes au public. Crânes et fémurs s’alternent sur plusieurs mètres de long et de profondeur. On appelle ces murets des hagues. Aujourd’hui, une vingtaine d’entre eux, ceux qui contiennent les restes de Parisiens des Xe au XVIIIe siècles, nécessitent une restauration : dans les années 1950, du mortier a été appliqué sur ces vanités monumentales et, bêtement alourdies, celles-ci s’effondrent. Une campagne de restauration a certes été entamée par la Ville de Paris, mais un article du Figaro (16/12/2023) nous apprend qu’elle n’ira pas jusqu’au bout faute… d’argent ! « Ici repose une partie des ancêtres des Parisiens, ce patrimoine doit être non seulement conservé mais transmis aux générations futures », explique au quotidien Isabelle Knafou, administratrice générale des Catacombes. Malheureusement, quand Mme Hidalgo pense aux « générations futures », elle ne pense pas à leur transmettre en héritage le patrimoine qui leur revient de droit. C’est pourquoi, sans honte, la Mairie va lancer un appel au mécénat. Elle attend de généreux dons pour entretenir la mémoire dont elle est pourtant garante. Quand la honte le dispute à l’indignité…

Avec 600 000 visiteurs par an, les Catacombes sont le site le plus visité des quatorze sites culturels et musées municipaux. Ce tas d’os aiguise le flair de la Mairie qui pense sûrement le rendre plus attractif encore en « réorganisant le circuit de visite ». Nous parlera-t-on bientôt d’installations artistiques et immersives ? Pax mortis.

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Journaliste. Dernière publication "Vivre en ville" (Les éditions du Cerf, 2023)

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