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Une alchimie bien hermétique

Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle (original!), les émotions humaines sont très mal vues. Léa Seydoux et Bertrand Bonello nous ennuient avec leur film SF en VF lourdingue.


Depuis Tiresia (2002), Bertrand Bonello, 56 ans, scénariste, réalisateur, musicien, en outre coproducteur de ses propres films, suit un itinéraire esthétique qui s’évertue à déjouer les attentes, quoique balisé par quelques motifs récurrents : la hantise du temps qui advient (au passé comme au futur), la menace de la catastrophe, la difficulté d’aimer… Son dixième long métrage se porte à bonne distance du court, énigmatique et capiteux roman de Henry James, La Bête dans la jungle, auquel il emprunte son titre, et dont il est censé s’inspirer. La bête du pressentiment tragique s’incarne ici, non pas dans l’Angleterre édouardienne, mais dans le colloque sentimental de Gabrielle (Léa Seydoux) et de Louis (campé par l’excellent acteur britannique George MacKay, rôle de prime abord dévolu à feu Gaspard Ulliel, disparu prématurément comme l’on sait dans un accident de ski). La liaison prend corps dans trois époques: en 1910, dans un Paris inondé par la fameuse crue de la Seine; en 2014 à l’âge du virtuel et des réseaux sociaux ; et en 2044, dans un univers où l’intelligence artificielle a définitivement terrassé les affects.


Une toile, trois ambiances

Intrigue labyrinthique, étagée dans le temps et dans plusieurs espaces géographiques, dont la signature ressortit davantage à un échafaudage intellectuel qu’à une foisonnante construction romanesque. Sous le signe d’Arnold Schönberg dont la bande-son exhumera un passage (tronqué) du génial sextuor à cordes La Nuit transfigurée, Gabrielle s’incarne d’abord dans une pianiste d’avant-garde de la Belle Epoque, jeune femme élégante et mondaine (Léa Seydoux fera l’essayage d’une bonne dizaine de jolies robes d’époque) qui, épouse morose d’un industriel de poupées, courtisée au passage par le couturier Paul Poiret, s’énamoure entre salon, loge d’opéra et véranda, d’un ravissant dandy rêveur à la mise coquettement collet monté, Louis.

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On croit comprendre qu’en fait, Gabrielle, soudain transportée dans un futur proche de notre présent (en 2044, donc), est soumise à un programme scientifique visant à purger son ADN des traumas subis dans ses vies antérieures… Dans sa troisième incarnation, Gabrielle, jeune comédienne au chômage en quête de castings, garde en l’absence des propriétaires une opulente villa moderniste perchée dans les hauteurs de Los Angeles, tandis que Louis s’est mué en harceleur névrosé s’apprêtant à venger dans le sang son supposé manque d’amour (toujours puceau, il ne peut aimer les femmes qu’en rêve) –  nouvel avatar de ces juvéniles serial killers que cultive l’Amérique du Nord.

Propos assez vain

Une chiromancienne de mauvais augure apparaît à l’occasion à Gabrielle, dans une dimension onirique qui ne se prive pas de piller David Lynch de façon quasi littérale. Tantôt allongée nue dans un bain d’eau noire régénérateur, tantôt nageant en sylphide dans une cave envahie par les eaux, l’héroïne solitaire se verra également instiller une piqûre dans l’oreille par un robot d’anticipation, sera draguée à l’occasion par une poupée-robot lesbienne de race noire (Guslagie Malanda)…

L’exercice de style a ses limites. Déjà, on s’en souvient, le cinéaste de L’Apollonide (2011) ou de Saint-Laurent (2014)  nous avait gratifié en 2016 d’un Nocturama (film qu’on peut revoir actuellement sur Netflix) désancré de toute réalité plausible où, dans un Paris en état de siège, une improbable bande de teenagers bon genre (leur obédience islamiste prudemment évacuée au passage) fomentait une série d’attentats à la bombe simultanés, pour finir piégée dans les rayons de la Samaritaine, fatalement pris sous la mitraille du GIGN…


Cette déréalisation est décidément la marque de fabrique d’un cinéaste dont l’ésotérisme abscons agace d’autant plus qu’il ne débouche, en somme, que sur un propos assez vain, plus ennuyeux que stimulant. Même les idées du générique de fin, à scanner sur QR Code, ou encore des green screen sur lesquels Léa Seydoux introduit et clôt son apparition, semblent relever davantage de la pose intellectuelle que d’enjeux esthétiques vitaux. N’est pas alchimiste qui veut.                    

La Bête. Film de Bertrand Bonello. Avec Léa Seydoux, Georges MacKay, Guslagin Malanda. France, couleur, 2023. Durée : 2h26.

Dali, c’est raté

On n’est (vraiment) pas obligé de faire un « biopic » sur tout le monde


La tendance de ce début d’année, c’est biopics tous azimuts : de Florence Arthaud à Pierre Bonnard, en passant par Priscilla Presley et Bob Marley, personne ne semble pouvoir échapper à cette mode généralement désastreuse.

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Le Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux n’échappe hélas pas à la règle. Certes, le cinéaste se moque (très gentiment) du personnage médiatique composé par l’artiste, mais l’ensemble reste à ce premier degré. Seule originalité (toute relative), le peintre espagnol est incarné à l’écran par plusieurs acteurs successifs, entre autres Jonathan Cohen, Édouard Baer et Gilles Lellouche : plusieurs cabots sont nécessaires pour interpréter le cabot Dalí.

On est en droit de trouver l’argument un peu court. Le film l’est aussi (78 minutes), ce qui s’avère être sa principale qualité.

Débureaucratiser aussi la justice…

Et si l’assouplissement des normes, promis aux agriculteurs en colère, faisait tache d’huile dans d’autres secteurs? Notre chroniqueur rappelle son combat au long cours contre l’inflation législative et administrative… Arrêtons d’emmerder les Français!


Pourquoi la cause et le combat des agriculteurs ont-ils suscité un tel soutien, une telle adhésion de la part d’une immense majorité de nos concitoyens ? Parce que d’abord leurs revendications étaient légitimes. Mais surtout à cause du fait que beaucoup se retrouvaient dans leur dénonciation des normes, de la bureaucratie et de l’étouffement de notre liberté et de notre indépendance par une Union européenne prête à faire se déliter notre identité nationale à force d’abstractions déconnectées du réel.

Bureaucratie procédurale à tous les étages

Cela fait longtemps qu’à mon modeste niveau, et nous n’étions pas nombreux à assumer ce point de vue, j’ai mis en cause l’institution judiciaire dans son registre pénal – aussi bien pour les enquêtes que pour les instructions – pour sa propension à la bureaucratie procédurale. Elle n’a cessé de s’accroître ces dernières années. J’ai déploré que la police et la gendarmerie soient ligotées par un formalisme et un pointillisme stérilisants, ce qui les a conduits à consacrer beaucoup moins de temps aux investigations, dans les délais légaux qui leur étaient impartis, qu’à une paperasserie et à des mentions et vérifications que j’ai toujours considérées comme inutiles, voire superfétatoires. Il faudrait tenir compte de la présence obligatoire de l’avocat, du contrôle et de la contradiction qu’elle permet, pour alléger le poids des normes et de la forme.

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Pour le travail des juges d’instruction – certes l’ouverture d’informations s’est beaucoup réduite – il est miraculeux que le carcan procédural, les délais stricts, le byzantinisme et la sophistication des règles dans lesquels on les a enfermés, n’aient pas abouti plus souvent à des catastrophes au détriment de la sauvegarde de la société. Il est impossible – ce sera également vrai pour les juridictions de jugement, notamment les cours d’assises – de se libérer de ces entraves prétendument nécessaires à l’État de droit pour offrir au justiciable, au plaignant, à la partie civile, au prévenu ou à l’accusé une justice humaine, une confrontation des visages et des paroles, un échange des regards, un dialogue authentique. Il est effarant – je l’ai parfois constaté dans ma vie d’avocat général – de relever que la médiocrité de certaines présidences a été aggravée par l’enfouissement dans des dossiers et la vigilance tatillonne. Non pas pour mieux appréhender le fond ou écouter plus attentivement, mais pour ne pas risquer de transgresser une disposition d’intérêt très secondaire.

Enlever l’inutile, partout

Il faut débureaucratiser la Justice dans toutes ses dimensions en plaçant au premier plan la relation de confiance avec les citoyens. Comme la politesse n’est plus d’actualité, il conviendrait d’imposer toujours et partout une réponse aux demandes et aux courriers des justiciables.

Mon expérience d’ancien magistrat et de citoyen engagé m’autorise à dire qu’il y a là une béance, un vide, un manque dévastateur. Quant aux Cours européennes, si elles cessaient d’énoncer des obligations qui relèvent de banalités – délai raisonnable, égalité des armes, etc. – ce serait à saluer. De même qu’on leur saurait gré de ne pas, au nom d’abstractions aussi généreuses que stériles, empêcher nos pays d’exercer en leur sein une véritable autorité régalienne efficace et à la fois respectueuse des droits élémentaires. Débureaucratiser, c’est enlever de la graisse et de l’inutile partout. Contre l’obésité et l’impuissance.

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Sexe: le retour de bâton

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L’ordre puritain est en marche. Au nom de l’égalité et de la justice, les progressistes et les néoféministes traquent le moindre écart par rapport à leur idée de la morale sexuelle. Ils censurent toute expression d’un quelconque fantasme érotique. La sexualité doit répondre à l’impératif de transparence, et les rapports homme/femme à une charte aseptisée. À la différence du communisme et d’autres systèmes dystopiques, nous dit Élisabeth Lévy, « le féminisme sera peut-être, pour notre malheur à tous, la seule révolution de l’histoire qui réalisera son programme ». Le verdict de Mathieu Bock-Côté, interviewé par notre directrice de la rédaction, est sans appel : « On nous condamne à un monde désexualisé, puritain et insultant ». Pour lui, les néoféministes ne cherchent pas simplement à bannir le sexisme. Elles rêvent de proscrire la sexualité, voire d’abolir la différence des sexes. Le titre de son nouveau livre dit tout de leur approche : Le Totalitarisme sans le goulag. Brigitte Lahaie, ancienne star du X, à présent animatrice sur Sud Radio, explique à Jean-Baptiste Roques que le mouvement #MeToo, loin de libérer la parole, a imposé de nouveaux tabous sexuels à la société. Jugement confirmé par le livre qui vient de paraître sous la plume de la journaliste Noémie Halioua, La Terreur jusque sous nos draps. Cette histoire critique de la guerre des sexes déclenchée par #MeToo, que Frédéric Magellan a lue pour nous, montre que ce mouvement se retourne contre celles, les femmes, qu’il était censé défendre. La philosophe et psychanalyste, Sabine Prokhoris, qui vient de publier Qui a peur de Roman Polanski ?, passe en revue les poètes et blagueurs, de Rabelais à Samuel Beckett en passant par les jargonneurs, qui risquent d’être les victimes des nouveaux censeurs. Il en va de même des acteurs, selon Jean-Marie Besset ; pour exercer ce métier désormais à risque, il faut accepter d’incarner un troublant objet du désir. Vous avez dit présomption d’innocence ? Jean-Baptiste Roques répertorie les non-lieux et acquittements de people dans différentes affaires sexuelles qui ont marqué l’année 2023.

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Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy se penche sur la résolution votée par le Parlement européen, le 17 janvier, visant à promouvoir une « conscience historique européenne » en favorisant un enseignement qui rompe avec « les stéréotypes et les vaches sacrées des histoires nationales ». L’extrême-gauche, à l’origine de la résolution, n’a pas apprécié qu’un amendement prolonge la liste qu’elle avait dressée des responsables des crimes du passé en ajoutant aux régimes nazi, fasciste et coloniaux ceux du communisme. Conclusion ? « Le grand rêve européen n’est pas de se réconcilier avec son passé, mais d’en finir avec lui ». Emmanuelle Ménard, députée « divers droite », raconte les hauts et les bas de sa vie à l’Assemblée, notamment la façon dont le Conseil constitutionnel a éviscéré la loi sur l’immigration pourtant votée par le Parlement. Elle suggère au chef de l’État que, à l’avenir, il demande au Conseil constitutionnel, non de censurer les lois mais de les rédiger. « On gagnerait du temps ». Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire de cette haute juridiction, analyse les arguments avancés par le Conseil pour justifier sa décision. Selon lui, leur formalisme cache mal un parti pris politique.

Quelle que soit la solution à court terme que le gouvernement apporte aux problèmes des agriculteurs, la colère de ces derniers représente plus qu’une révolte passagère. Telle est la thèse de Humbert Rambaud et Vincent Piednoir, rédacteurs du magazine Jours de Chasse et auteurs de L’Ouverture de la chasse. Une philosophie, une culture. Pour eux, il s’agit d’un bouleversement civilisationnel, voire anthropologique. Dans la France de Bruxelles, les travailleurs de la terre n’ont plus leur place. Se confiant à Céline Pina, François-Xavier Bellamy, eurodéputé et tête de liste LR aux prochaines élections européennes, accuse la majorité macroniste de tenir un double langage sur l’agriculture, en soutenant à Bruxelles une règlementation qui étouffe les paysans, tout en prônant à Paris une simplification censée les soulager. Pour Ivan Rioufol, ce n’est pas avec un « plan de lutte contre l’infertilité » que le chef de l’État pourra stopper la chute de la natalité française. Le choix d’Emmanuel Macron de résister au RN par une « lutte contre l’immigration clandestine » avalise l’immigration légale. Tout reste en place pour achever la dilution du pays.

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Pour avoir dénoncé dans son pays l’entente tacite entre les militaires et les islamistes, le romancier et essayiste algérien, Boualem Sansal, est devenu la cible d’un parti dévot et la bête noire du pouvoir. Se confiant à Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques, il estime que l’islam a tué la culture et tire pour nous la sonnette d’alarme : la France est en pleine régression et a atteint un point de bascule. Peut-on toujours croire à la « solution à deux États » pour résoudre le conflit israélo-palestinien ? Gil Mihaely nous rappelle qu’elle est sur la table depuis 1947 et que ses premiers opposants étaient les Arabes de Palestine. Si d’autres issues politiques sont sûrement possibles, il faut d’abord que la région soit débarrassée de ses islamistes. Gilles-William Goldnadel vient de publier son Journal de guerre qui, nous dit Jean-Baptiste Roques, dévoile les coulisses de son combat quotidien pour défendre Israël dans les médias.

Qui est l’économiste le plus populaire de France ? Charles Gave gagne sa vie en prédisant l’avenir, et en entretenant un certain art de surprendre – n’est-il pas un actionnaire de Causeur ? Son nouvel essai, La vérité vous rendra libre, est numéro un des ventes dans la catégorie « Économie » sur Amazon depuis deux mois. Il met en garde contre le risque d’effondrement financier de l’État providence européen. Son livre est analysé par Gil Mihaely, et l’auteur est interviewé par Jean-Baptiste Roques à qui il annonce que « la social-démocratie européenne va disparaître ». En nous proposant une autre lecture de notre époque, le président de l’Institut des libertés se distingue de la plupart des autres économistes qui sont aussi plats et prévisibles que ChatGPT. Stéphane Germain confirme le diagnostic : la social-démocratie subit sans doute les assauts de ses ennemis intérieurs et extérieurs – Gafam ou États voyous – mais se meurt plus probablement d’avoir organisé sa propre chute.

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Envie d’un pied de nez à l’arasement contemporain ? C’est l’effet que produit la lecture du nouveau livre d’Alain Finkielkraut, Pêcheur de perles, selon la recension de Jean-Michel Delacomptée qui ouvre nos pages culture. Cet ouvrage, exercice d’admiration et de gratitude, alimenté par des citations d’Arendt, Kundera, Levinas ou Valéry, est une démonstration de lucidité qui se double d’une élégante preuve d’amour. Il faut toujours réviser les classiques, les plus connus comme les moins connus. Didier Desrimais nous permet de redécouvrir Ersatz, le plus méconnu des romans de René Fallet, datant de 1974. Alain Pacaud nous engage à relire le premier roman de Jean Dutourd, Une tête de chien. Ce conte philosophique publié d’abord en 1950, vient de sortir dans une réédition accompagnée d’une préface et de notes précieuses. Pour le contemporain, Jonathan Siksou salue la parution de Retour à Kensington, de Vincent Leroy, qui est à la fois une histoire d’amour et un voyage à travers la littérature du passé. Un bon principe conservateur veut que le présent ait toujours besoin d’être fécondé par le passé. Cela se confirme au cinéma ce mois-ci, où – selon Jean Chauvet – parmi les nouveautés il y a trop de vrais faux biopics français. Qu’il a-t-il de vraiment neuf ? Les deux premiers polars de Claude Sautet, deux bijoux qui ressortent en version restaurée. Les relations complexes entre notre passé et notre présent sont mises en scène dans l’exposition Formes de la ruine, au musée des Beaux-Arts de Lyon. Pour Georgia Ray, cette réunion d’œuvres anciennes et contemporaines prouve que, de la Renaissance à nos jours, le regard que nous portons sur notre propre finitude ne cesse d’évoluer. Si pour vous les meilleurs vestiges sont ceux d’un repas somptueux, Emmanuel Tresmontant recommande de manger chez Frédéric Simonin, l’un des derniers chefs-patrons de Paris qui, aussi attentif envers son personnel qu’à l’origine de ses produits, décline en poète les terroirs de France.

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Colère paysanne: la revanche du «plouc» sur le bobo

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Le monde change. Les caricatures s’inversent: le ridicule est passé du « plouc » au bobo.


La révolte des agriculteurs a dévoilé, par la qualité des leaders et de leurs prises de parole, le visage moderne de la ruralité. C’est probablement chez les paysans que le monde nouveau, plus réaliste et humain, se dessine. Si les tracteurs n’ont pu pénétrer dans Paris, protégé par des blindés, la capitale apparait pour sa part dans son univers étriqué et déconnecté de la vie des gens. Le grotesque de la « votation citoyenne » contre les SUV (sport utiliy vehicle), organisée ce dimanche, le démontre : aucune vision ne sort plus de l’esprit asséché des dirigeants des grandes métropoles mondialistes, hormis leurs génuflexions devant l’écologisme et le diversitisme. Anne Hidalgo, maire de Paris, est le parangon de ce conformisme moutonnier. Son référendum, auquel seuls 5,68% des Parisiens ont répondu, va obliger les propriétaires de véhicules lourds (plus de 1,6 tonne, plus de 2 tonnes pour les électriques) à payer trois fois plus cher leur stationnement (soit 225 euros pour 6 heures !).

Ce faisant se dessine une écologie punitive construite sur le racket municipal (35 millions d’euros de recette espérée), la surveillance collective, la dénonciation du « gros », la discrimination de classe. Les premiers visés ne seront pas les Parisiens, qui le plus souvent n’ont plus de voitures ou qui bénéficient du stationnement résidentiel, mais ceux qui viennent travailler. Ce « passe urbain » est l’expression d’une mentalité d’exclusion, très « petit-bourgeois ».

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Le péquenot des champs a bien davantage à nous dire que le progressiste des villes. Celui qui « fume des clopes et roule au diesel », devant qui la macronie se bouche le nez, a derrière lui la France périphérique et rurale. Encore majoritaires démographiquement, ces oubliés n’entendent plus se contenter de leur marginalisation au profit de minorités déifiées. Une place plus centrale les attend. L’enraciné est plus inspirant que le déraciné.

Il est loin, le cliché du bouseux fruste attaché à sa terre, son pinard et ses bêtes, décrit par exemple par Françoise Sagan (Les faux fuyants), ou par le film La soupe aux choux. Même si la jacquerie des agriculteurs a baissé en intensité depuis vendredi, après les mesures annoncées par le pouvoir, le soutien massif de l’opinion à leur combat demeure. Dans l’urgence, Emmanuel Macron a choisi de lâcher du lest sur les normes écologistes, afin de préserver l’architecture de l’Union européenne. « Nous voulons une Europe plus forte et plus concrète », a-t-il expliqué jeudi en faisant à nouveau l’éloge de la « souveraineté européenne ». Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a précisé que le secteur agricole sera classé parmi les métiers en tension, le rendant ouvert à une immigration irrégulière légalisable. Or c’est bien cette Europe diversitaire, technocratique et sans âme, que rejettent les agriculteurs, en France et ailleurs. L’entêtement de la caste européiste à vouloir imposer son modèle hors-sol se heurte à la révolte d’un peuple excédé mais raisonnable. C’est lui qu’il faut entendre.

Rire de l’ « aliyah interne »

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Bellisha a 26 ans et il vit seul avec sa mère malade. Son quotidien consiste principalement à inventer une réalité parallèle pour que sa mère se sente bien, et ne se rende pas compte que les juifs sont chassés. Le film de Noé Debré parvient à nous faire sourire sur le départ des juifs des banlieues françaises islamisées.


C’est avec un peu de retard que j’ai eu envie de vous parler du premier film de Noé Debré : Le dernier des juifs, sorti en salle le 24 janvier malgré les craintes des exploitants quant au climat délétère, aux forts relents d’antisémitisme, constaté en France depuis la reprise du conflit qui ne finira jamais et cristallise toutes les haines envers la communauté juive.

À mon sens, le titre nous dit déjà beaucoup du propos du film – que j’ai perçu comme un conte philosophique. En effet, le déterminant « des » change tout. Il peut être interprété de deux façons : le dernier des juifs, comme s’il n’en restait plus qu’un seul sur la terre, et le dernier des juifs, qui, de manière péjorative, signifierait que le héros ne mérite pas, finalement, d’être juif.

Agnès Jaoui seule chez elle

Et en effet, le personnage principal, Bellisha (Michael Zindel, qui peut faire penser à Vincent Lacoste), ce jeune homme velléitaire, qui semble à la fois doux et absent, a l’air de s’en foutre de sa judéité, même si, effectivement, sa mère et lui sont quasiment les seuls juifs qui restent dans cette ville de banlieue qui n’est jamais nommée, mais qui fait fichtrement penser à Sarcelles. Même le dernier magasin casher plie bagage. Bellisha est bien embêté, car il entendait acheter un poulet casher pour Shabbat pour faire plaisir à sa mère… Son métier, à Bellisha, c’est de s’occuper de sa mère, Gisèle (magnifiquement interprétée par Agnès Jaoui), qui est malade et ne sort plus de son appartement capharnaüm. Il désire lui faire croire que rien n’a changé à l’extérieur. Il essaie de figer le temps pour elle. Cependant, Gisèle le sait qu’il faudrait partir… Pour aller où ? Elle ne le sait pas. La Terre Promise ne la tente pas. Et elle a d’ailleurs cette réplique, très piquante dans la bouche d’une juive : « Pas en Israël, il n’y a que des juifs, ils vont tous nous escroquer » !


Cependant, elle y tient quand même à ses racines, à sa religion compliquée, car lorsque son fils lui ramène, en désespoir de cause, un poulet qui n’est pas casher mais halal, elle s’en aperçoit et lui ordonne, paniquée, de casheriser la cuisine, et de jeter tous les aliments qui s’y trouvent. Elle s’accroche aux règles strictes de la casherout – pour ne pas oublier d’où elle vient.

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Le vrai sujet du film est celui de l’exil, principalement de l’exil intérieur, et du questionnement talmudique : qu’est-ce qu’être juif ? Comment fait-on pour être juif ? Cela fait des millénaires, il me semble, que cette question reste sans réponse… Bellisha, quant à lui, n’est pas considéré comme un « bon juif » par la communauté: il n’est pas allé à la Yeshiva, il a séché tous ses cours de Krav Maga, et ne parle que très peu hébreu. Une scène hilarante – qui pourrait figurer dans un film de Woody Allen – en témoigne : lorsque sa petite amie, maghrébine, lui demande de lui dire « quelque chose de sale en hébreu », il répond, après réflexion : « Evenou shalom aleichem » le titre de cette chanson bien connue, qui signifie « nous vous apportons la paix ». Quant aux actes antisémites, qui se multiplient en banlieue, ils sont traités de manière très fine et sans discours politique (et d’ailleurs, que dire ?). Avec humour, même, car l’humour est la seule chose qui nous reste lorsque tout est perdu. On s’amuse à voir des individus venus tagger des croix gammées sur la porte de la famille Bellisha se tromper, et souiller celle de l’appartement voisin habité par une famille chinoise.

Un film bisounours ?

Bellisha a malgré tout des potes dans la cité, tous noirs ou arabes. Il est intégré, même s’il semble toujours un peu ailleurs. Un de ces amis, d’origine africaine, lui dit ceci : « De base, je n’aime pas les juifs, mais toi je t’aime bien ». « Et tu en connais beaucoup des juifs ? » lui demande alors Bellisha. « J’en connais un autre, et je l’aime bien aussi ». D’aucuns penseront, à la lecture de ce billet, qu’il s’agit-là de « bisounourisme ». Non : c’est simplement un autre aspect de cette réalité que représente l’antisémitisme de nos banlieues, qui semble inextricable.

Ad Vitam distribution

Et puis, Gisèle se meurt. Lorsque le père de son fils, juif orthodoxe, vient à son chevet pour réciter  quelques prières, il lui reste assez de forces pour lui asséner cette phrase assassine : « Tu as mis ton déguisement ? » Ne jamais perdre son humour, jusqu’à la fin.

Bellisha aura finalement accompli sa mission, sa « mitzva» qui fera de lui un mensch, sa bonne action qui le grandira, qui fera de lui un type bien. Il a rendu plus douce la fin de vie de sa mère. Alors, il s’en va, sans but précis, avec juste une valise. Toujours aussi sympathique. L’exil ne finira jamais.

Même malade, un roi règne

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C’est officiel : Charles III souffre d’un cancer. Qu’est-ce qui changera outre-Manche ? La stabilité de la monarchie est-elle menacée ? L’analyse de Jeremy Stubbs.


Le palais de Buckingham vient d’annoncer, hier soir, que le roi Charles souffre d’un cancer. Lors d’une hospitalisation la semaine dernière dont le but était le traitement d’une prostate élargie, les médecins auraient trouvé un cancer. Ce dernier, selon l’annonce officielle, ne serait pas lié à la prostate, mais aucune autre information n’a été divulguée quant au type de cancer en question.

Un communiqué du Premier ministre, Rishi Sunak, a apporté la précision que le cancer de Charles aurait été diagnostiqué précocement. Pour le moment donc, tout semble suggérer que le roi est bien pris en charge et qu’il pourra surmonter cette épreuve. Aujourd’hui, les patients guérissent beaucoup plus souvent que dans le passé, surtout si le cancer est détecté tôt dans son évolution. Et si, au Royaume-Uni, la pandémie a allongé les listes d’attente du fameux National Health Service (NHS) pour les patients ayant besoin de commencer un traitement anticancéreux, nous pouvons être certains que le roi ne sera pas à la fin de la file d’attente. Pourtant, la santé de Charles a soulevé plusieurs questions, les unes un peu superficielles, les autres plus profondes.

Une nouvelle ère de transparence ?

Certains commentateurs médiatiques se sont excités en parlant d’une nouvelle ère de transparence entamée par la monarchie britannique. En réalité, ils vont un peu vite en besogne. Certes, jusqu’ici, la famille royale s’était toujours montrée très discrète concernant la santé de ses membres et en particulier celle du monarque régnant. À la fin de sa vie, Elisabeth II a été très avare d’informations sur son état, malgré le fait évident qu’elle n’était plus en pleine forme. Mais la reine était très âgée – elle est décédée à l’âge de 96 ans – et le fait que ses apparitions publiques s’espacent n’a surpris personne. En revanche, Charles a joui jusqu’ici d’une bonne santé. Il est très actif et s’épanouit dans son rôle de monarque qu’il prend à bras-le-corps. Il aurait été impossible de cacher le fait qu’il se fait soigner pour un cancer, même en milieu ambulatoire. D’autant que, avec la reine Camilla, il est censé faire un voyage officiel au Canada au mois de mai. Le communiqué du palais a d’ailleurs cité la nécessité de « prévenir toute spéculation ».

A relire, du même auteur: Elizabeth II, l’indétrônable

Cela dit, Charles est le parrain de nombreuses ONG qui s’occupent de questions de santé et notamment de cancer. Sa décision d’assumer publiquement son statut de patient est considérée par beaucoup de gens outre-Manche comme une contribution importante à la sensibilisation, d’abord à la nécessité de se faire tester pour cette maladie, et ensuite au fait que souffrir d’un cancer n’est pas nécessairement incompatible avec la continuation de sa vie professionnelle. Pour tout dire, l’annonce constitue un bon point pour l’image du roi et de la monarchie.

Charles a-t-il la poisse ?

Après avoir patienté pendant des décennies pour accéder enfin au trône, Charles apprend, huit mois après son couronnement, qu’il a un cancer. Il joue de malchance ! Mais rien ne dit que le roi, âgé de 75 ans, sera obligé de disparaître de la scène publique – sans parler d’abdication. Nous avons appris qu’il va réduire son implication dans les événements publics mais qu’il continuera à accomplir ses devoirs constitutionnels, comme la rencontre hebdomadaire avec le Premier ministre. En toute probabilité, il aura de longues années devant lui en tant que roi.

Une réconciliation possible avec Harry ?

Nous savons que les relations entre le roi et son fils cadet, Harry, sont très tendues, depuis que ce dernier a quitté le Royaume-Uni pour vivre aux États-Unis avec son épouse Meghan, et surtout depuis la publication, l’année dernière, du Suppléant1, son autobiographie écrite par un prête-plume, qui a consacré sa subjugation par le wokisme américain et sa volonté de médire de sa propre famille. Lors d’un voyage en Angleterre au mois de septembre dernier, Harry se serait vu refuser la possibilité de passer une nuit au château royal de Windsor. Pourtant, les choses semblent différentes cette fois. Harry doit rendre visite à son père ces jours-ci et tout indique qu’il sera l’invité de son père pour le gîte et le couvert. Tant que Harry restera sous la coupe de son épouse, une vraie réconciliation avec sa famille sera difficile, mais c’est aujourd’hui un pas dans la bonne direction. Et le moral de Charles, qui souffre visiblement de cet éloignement de son deuxième fils, sera revigoré par un relâchement des tensions.

Et la constitution dans tout ça ?

Si jamais Charles était obligé d’abdiquer, quelles en seraient les conséquences ? Son grand-oncle, Edouard VIII, a été contraint de quitter le trône en 1936. Il y a donc un précédent. Dans ce cas, son héritier immédiat, le prince William, serait obligé d’assumer la couronne et tout indique qu’il se prépare à jouer ce rôle un jour. Mais a-t-il déjà acquis suffisamment de maturité ? Dieu sait s’il est beaucoup plus adapté à l’accomplissement des tâches qui incombent à un roi que son frère cadet. Néanmoins, il y a des signes qui suggèrent qu’il a encore du chemin à faire. Selon une biographie du roi Charles par le journaliste spécialisé dans les questions royales, Robert Hardman – biographie qui vient d’être publiée dans le quotidien britannique The Daily Mail – William serait beaucoup moins dévoué à l’Église anglicane que sa grand-mère, Elisabeth II, et serait moins investi dans la spiritualité en général que son père. Actuellement, il serait prêt à réduire au minimum la cérémonie du couronnement et même prêt à renoncer au titre et au rôle traditionnels du monarque en tant que Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre. Or, cette fonction symbolique possède une importance constitutionnelle, comme la cérémonie du couronnement – on l’a vu au mois de mai l’année dernière – possède une importance qu’on peut qualifier de « publicitaire ». Ces deux éléments confèrent à la position du monarque une dimension solennelle, voire sacrée, et relient le présent au passé historique de la nation. Il se peut bien William veuille incarner une monarchie « moderne », mais il y a des risques à ne pas sous-estimer.

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Pendant les longues années où Charles, en tant que prince et héritier, attendait dans les coulisses que sa mère quitte la scène, il avait cultivé une image de réformateur et de modernisateur. Pourtant, une fois monté sur le trône, il s’est montré plus conservateur que prévu. Il a assumé sans complexe la dimension spirituelle de sa charge. Le rituel de son couronnement était légèrement plus spartiate – et moins long ! – que celui de sa mère, mais il en a gardé l’essentiel, en faisant la joie de la foule et des téléspectateurs. La présence de représentants des religions juive, hindoue, sikh et musulmane a reflété le caractère multireligieux du Royaume-Uni actuel, mais le rite anglican a réaffirmé la tutelle, pour ainsi dire, de la tradition chrétienne et nationale comme celle qui, par son histoire, est capable de réunir tous les Britanniques.

Certes, William jouit d’un capital de popularité non négligeable. Mais une monarchie ne peut pas reposer sur la popularité d’un individu, car cette popularité peut toujours s’évaporer. Et vouloir qu’une nation soit fondée uniquement sur des principes rationnels et abstraits, sans aucune dimension sacrée et sans référence à son histoire – et à l’ancienneté de cette histoire – est folie.

Pourtant, si Charles continue à régner pendant un temps appréciable, si William continue à accomplir ses propres fonctions aux côtés de son père et sous l’influence de ce dernier, l’actuel prince de Galles pourra évoluer et mûrir, comme son père l’a fait avant lui. Il pourra comprendre pourquoi, dans ce bas monde, la magie et la mystique restent nécessaires, surtout à la survie d’un État-nation.

Charles III: New King. New Court. The Inside Story.

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  1. Relire notre analyse de la sortie du livre ici : https://www.causeur.fr/harry-un-ami-qui-vous-veut-du-mal-253856 ↩︎

Mâles à matous

Le nouveau phénomène de l’« homme à chat » est salué à gauche comme l’antithèse du patriarcat. Mais gare aux effets pervers de cette déconstruction.


« Avant de me coucher, il m’arrive de regarder des vidéos de chats sur Instagram, avec mon chat », a confié récemment un homme célibataire à Marjorie Philibert, une journaliste du Monde bien décidée à comprendre ce nouveau phénomène : les hommes à chat. Pour surnager « au milieu d’un océan d’interrogations » et appréhender sérieusement ce sujet essentiel, cette journaliste a recueilli de nombreux avis. Ainsi, un sociologue perçoit dans l’homme à chat « une dimension politique clairement de gauche, dans la continuité de Mai 68 », un rejet des « formes anciennes de l’autorité » et une nouvelle identité masculine « construite autour de l’attention et du soin ».

A lire aussi : Réarmement démographique? 95 fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant!

De son côté, la vigilante journaliste Nadia Daam redoute visiblement une ruse du mâle retors qui sommeille en tout homme : « Sur Tinder, beaucoup d’hommes posent avec leur chat, comme pour montrer qu’ils ne sont pas des prédateurs et qu’ils rejettent les codes de la masculinité toxique.» Par ailleurs, affirme Mme Daam qui a décidément l’œil à tout, l’image « attendrissante et sexy » de l’homme à chat est bien plus valorisée socialement que celle de la femme à chat, « perçue comme seule et déprimée ». Lorsqu’il vit en couple, disserte à son tour la journaliste du Monde, l’homme à chat – qui reste un homme avant tout – renoue souvent avec une détestable « répartition inégale de la charge mentale des tâches domestiques » qui voit sa compagne s’occuper seule des soins apportés au minet. Arnaud fait figure d’exception : dans un « souci de partage de la charge mentale du chat », il n’a eu de cesse, assure-t-il, de tout partager avec sa compagne, y compris les soins et les dépenses, inhérents à la présence de Croziflette, son «adorable petite chatte». Mais la vie est parfois cruelle : sa compagne l’a quitté et a embarqué avec elle Croziflette. Arnaud et d’autres hommes à chat ayant vécu la même mésaventure se battent pour obtenir la garde de leurs matous. Certains engagent des poursuites judiciaires. Ce qui ne ravit que moyennement des juges et des greffiers qui disent avoir, en ce moment, d’autres chats à fouetter.

Réarmement démographique? 95 fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant!

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Une étude IFOP pour un marchand de godemichés, publiée ce jour, mesure une baisse historique de la fréquence des rapports sexuels des Français. La proportion de nos concitoyens ayant eu un rapport au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible en cinquante ans. Les activités numériques ne comptent pas pour rien dans cette apathie sexuelle. Et cette montée de l’inactivité sexuelle affecte tout particulièrement la jeunesse.


Lors de la grande conférence de presse qu’il tint au palais l’Élysée, Emmanuel Macron s’est alarmé du vieillissement de la France, se gardant bien, toutefois, de préciser que c’est chez les autochtones qu’il y a le moins de naissances. (Selon les chiffres de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, la femme française n’a qu’1,68 enfant tandis que l’immigrée algérienne, elle, en met au monde à 3,69. En 2022, un tiers des bébés avait au moins un parent né hors de l’Union européenne. Quant aux naissances issues de deux parents nés à l’étranger, elles ont augmenté de 72% entre 2002 et 2022).

Le plan cul d’Emmanuel Macron

Notre belligérant de la République a ensuite souligné la nécessité d’un « réarmement démographique » pour annoncer, martial, le lancement prochain « d’un grand plan » destiné à lutter « contre le fléau de l’infertilité ». En filant avec pompe la métaphore guerrière, Macron n’a pas manqué de s’attirer les foudres des féministes et de la gauche. Déjà, le soutien apporté à Depardieu avait mécontenté. Qu’Emmanuel Macron prétende maintenant mobiliser les utérus des Françaises pour repeupler l’Hexagone, ça n’était décemment plus possible. On a alors vu les défenderesses des droits des utérus à disposer d’eux-mêmes, déjà sur le sentier de la guerre, se lever comme un seul homme pour dénoncer le projet aux relents pétainistes : faire des enfants ne saurait devenir un devoir patriotique ; les femmes ne serviraient pas l’accroissement de la population française. Que la rhétorique présidentielle amuse ou agace, la question de la baisse du taux de natalité des Françaises n’en demeure pas moins préoccupante et nombreuses sont les explications plus ou moins sociologiques avancées pour l’expliquer : éco-anxiété, peur de l’avenir, crainte devant les changements climatiques, incertitudes économiques ou violences géopolitiques.

Et si on prenait les choses autrement ? S’il y avait tout simplement moins de naissances dans l’Hexagone parce que l’activité sexuelle des Français est en berne ? L’Ifop a mené une enquête pour l’entreprise de sex-toys Lelo. Intitulée « Sex recession », cette étude1 révèle que la France, comme d’autres pays européens (États-Unis ou Grande-Bretagne), est entrée en « récession sexuelle ».  C’est officiel:  la pratique de la bête à deux dos a enregistré un recul sans précédent ; les Français hétérosexuels font moins l’amour. On apprend ainsi que la proportion des Français ayant eu un rapport sexuel au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible en cinquante ans et cette montée de l’inactivité sexuelle affecte tout particulièrement la jeunesse. En effet, 28% des jeunes de 18 à 24 ans, initiés sexuellement, admettent ne pas avoir eu de rapport en un an. C’est cinq fois plus qu’en 2009. De plus, les célibataires n’ont pas le monopole de l’abstinence sexuelle, les résultats montrent qu’une personne sur quatre, actuellement en couple, n’a pas (ou plus) d’intimité physique avec son conjoint. La sexualité semblerait avoir cessé d’être l’une des composantes essentielles d’une vie réussie ou, à tout le moins, celle d’une vie de couple harmonieuse. On se revendique désormais assez ouvertement abstinent par choix voire asexuel. Ce désinvestissement, du reste, ne se cantonne pas au seul sexe mais s’étend à d’autres aspects de la vie des Français : travail, civisme, associatif, politique… L’étude précise également, on l’aurait parié, que l’activité sexuelle est largement concurrencée par le numérique (TV, réseaux sociaux, jeux vidéo…). Ainsi, lorsqu’on interroge les jeunes vivant en couple sous le même toit, 50% des hommes et 42% des femmes reconnaissent avoir déjà évité un rapport pour regarder une série ou un film.

Finie la fête du slip

L’absence de rapports sexuels, apprend-t-on enfin, serait mieux vécue par les femmes qu’elle ne l’est par les hommes et il semblerait qu’elles s’affranchissent plus facilement qu’autrefois du « devoir conjugal », quand celui-ci leur pèse.

L’étude précise ainsi qu’on s’achemine vers la « déconstruction du devoir conjugal », dans un contexte marqué par la révolution du rapport au consentement.

Les chiffres indiquent que les Françaises acceptent beaucoup moins de se forcer à faire l’amour qu’il y a quarante ans. Parmi les femmes âgées de 18 à 49 ans, elles ne sont plus que 52% à s’y résoudre contre 76% en 1981. En 2024, Brassens, vieux mâle blanc ne pourrait donc plus chanter :

Quatre-vingt-quinze fois sur cent
La femme s’emmerde en baisant
Qu’elle le taise ou le confesse
C’est pas tous les jours qu’on lui déride les fesses

Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus
À l’heure de l’œuvre de chair
Elle est souvent triste, peuchère !

S’il n’entend le cœur qui bat
Le corps non plus ne bronche pas
Les « encore », les « c’est bon », les « continue »
Qu’elle crie pour simuler qu’elle monte aux nues

C’est pure charité, les soupirs des anges ne sont
En général que de pieux mensonges
C’est à seule fin que son partenaire
Se croit un amant extraordinaire

Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
Ne soit pas déçu

Quoi qu’il en soit, rien de nouveau sous le soleil : ce sont toujours les femmes qui font la nique aux hommes.


  1. https://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2024/02/Analyse_FK_IFOP_LELO_2024.02.01.pdf ↩︎

Carroll/Trump: pour 83 millions de dollars de plus

Donald Trump a été condamné à payer 83 millions de dollars pour « diffamation » à E. Jean Carroll qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement dans les années 90. Une tribune libre d’Alain Destexhe


Nous ne sommes pas dans un film de Sergio Leone, mais dans un tribunal de New York. Un tribunal ? Plutôt un théâtre qui s’apprête à rendre une parodie de justice contre le type contre qui tous les coups sont permis pour l’empêcher de devenir président. Donald Trump au cas où vous ne l’auriez pas deviné.

L’ancien président est condamné à payer 83 millions de dollars de dommages pour avoir « diffamé » E. Jean Carroll, qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement dans les années 90.

La « victime » ne se souvient plus de la date des faits

Dans les années 90 ? En effet, elle ne se souvient plus de l’année au cours de laquelle la prétendue agression sexuelle aurait eu lieu, il y a près de trois décennies. Elle dit qu’elle et le Donald ont commencé à flirter dans un grand magasin pendant les heures d’ouverture, qu’ils se sont ensuite rendus dans les cabines d’essayage, que jusque-là elle était consentante mais qu’ensuite il l’aurait pénétrée digitalement sans son accord. Elle n’a pas porté plainte à l’époque et il n’y a aucun témoin. 

Il nie et dit qu’il ne se souvient pas de l’avoir jamais rencontrée.

La prescription bafouée par une loi rétroactive

Presque 30 ans plus tard, la presque octogénaire gauchiste (liberal en américain) écrit un livre qui se vend très bien grâce à cette histoire, puis porte plainte alors que Donald Trump vient de se déclarer candidat à la présidence. Un milliardaire Démocrate de la Silicon Valley, Reid Hoffman, l’assure de la prise en charge illimitée de ses frais d’avocat, mais – évidemment – il y a prescription. Qu’à cela ne tienne ! Un parlementaire Démocrate, Brad Hoylman-Siga, connu pour son hostilité à Trump, dépose dans l’Etat de New York une proposition de loi ad hoc pour régler le cas Carroll / Trump. Aussitôt adopté, le Adult Survivors Act permet aux « survivantes » présumées d’agression sexuelle de déposer à nouveau plainte dans un délai de 12 mois à partir de la publication de cette nouvelle loi, même si les faits allégués étaient auparavant couverts par la prescription ! Une loi rétroactive donc, au mépris de ce cher Etat de droit et en fait de toutes les règles de droit qui permet à madame Carroll de relancer la machine judiciaire avec les fonds du même capitaliste milliardaire et méga-donateur du Parti démocrate et des causes progressistes.

A lire aussi: Le Parti socialiste belge invente la « gauche cocaïne »

Le procès a montré des dizaines d’incohérences dans le récit de la « victime », « survivante ». Pour n’en donner qu’un exemple, elle affirmait avec certitude porter ce jour-là une robe qui n’existait pas alors sur le marché ! Elles n’ont pas empêché un jury populaire, tiré au sort dans une ville qui vote à 90% pour les Démocrates, de condamner Trump à cinq millions de dollars de dommages.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Donald Trump continue à contester bruyamment les faits alors qu’il vient d’être condamné – au civil notons-le, pas au pénal – pour « coups et blessures ». Elle porte donc plainte en diffamation, prétendant qu’elle a perdu sa chronique de conseils sexuels (elle a 76 ans) dans le magazine Elle qui aurait « ruiné sa carrière » (à 76 ans !). Pour cette chronique, elle était payée quelques dizaines de milliers de dollars par an. Sa déclaration selon laquelle son conflit avec Trump aurait conduit à son licenciement a été fermement démentie par le magazine qui l’a licenciée. Rien à voir selon Elle. Sa chronique n’avait plus le succès d’antan. La perte d’un emploi à 76 ans ne ressemble pas non plus à la fin du monde.

Plaignante de gauche, juge de gauche, jury de gauche

Mais il s’agit de Trump. Une plaignante de gauche, un juge de gauche ouvertement hostile et un jury de gauche, le voilà condamné à… 83 millions de dommages et, s’il ouvre encore la bouche pour rappeler son innocence, la somme pourrait être doublée ! Le voilà muselé. Quatre autres poursuites du même type (plaignant de gauche, juge de gauche, jury de gauche) l’attendent encore à New York.

Ce n’est pas la première loi ciblée, conçue pour rendre un comportement antérieur de Trump, juridiquement inattaquable, légalement susceptible de poursuites du jour au lendemain. Des lois rétroactives visant un seul homme et qui n’auraient jamais été approuvées s’il n’était à nouveau candidat à la présidence.

Big Apple est pourrie

Le visage lifté, tentant désespérément de paraître beaucoup plus jeune, E. Jean Carroll est l’incarnation caricaturale de la femme riche, progressiste, woke, branchée, sans enfants (ce dont elle se réjouit bruyamment,), qui jouit comme une folle de sa nouvelle célébrité et de son bon coup politique au service des Démocrates. Après sa victoire, lors de sa première déclaration à la présentatrice vedette de MSNBC qui tentait tout aussi désespérément de relier son triomphe judiciaire à la cause des femmes, elle annonça, sans humour, qu’elle allait claquer plein de pognon à faire les boutiques et renouveler sa garde-robe. Grand bien lui fasse ! 

Oui, sous la férule des Démocrates, il y a bien quelque chose d’inquiétant et de pourri en république américaine.

Une alchimie bien hermétique

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Léa SEYDOUX et George MACKAY, "La Bête", Bertrand BONELLO (2024) © Carole Bethuel / Ad Vitam Distribution

Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle (original!), les émotions humaines sont très mal vues. Léa Seydoux et Bertrand Bonello nous ennuient avec leur film SF en VF lourdingue.


Depuis Tiresia (2002), Bertrand Bonello, 56 ans, scénariste, réalisateur, musicien, en outre coproducteur de ses propres films, suit un itinéraire esthétique qui s’évertue à déjouer les attentes, quoique balisé par quelques motifs récurrents : la hantise du temps qui advient (au passé comme au futur), la menace de la catastrophe, la difficulté d’aimer… Son dixième long métrage se porte à bonne distance du court, énigmatique et capiteux roman de Henry James, La Bête dans la jungle, auquel il emprunte son titre, et dont il est censé s’inspirer. La bête du pressentiment tragique s’incarne ici, non pas dans l’Angleterre édouardienne, mais dans le colloque sentimental de Gabrielle (Léa Seydoux) et de Louis (campé par l’excellent acteur britannique George MacKay, rôle de prime abord dévolu à feu Gaspard Ulliel, disparu prématurément comme l’on sait dans un accident de ski). La liaison prend corps dans trois époques: en 1910, dans un Paris inondé par la fameuse crue de la Seine; en 2014 à l’âge du virtuel et des réseaux sociaux ; et en 2044, dans un univers où l’intelligence artificielle a définitivement terrassé les affects.


Une toile, trois ambiances

Intrigue labyrinthique, étagée dans le temps et dans plusieurs espaces géographiques, dont la signature ressortit davantage à un échafaudage intellectuel qu’à une foisonnante construction romanesque. Sous le signe d’Arnold Schönberg dont la bande-son exhumera un passage (tronqué) du génial sextuor à cordes La Nuit transfigurée, Gabrielle s’incarne d’abord dans une pianiste d’avant-garde de la Belle Epoque, jeune femme élégante et mondaine (Léa Seydoux fera l’essayage d’une bonne dizaine de jolies robes d’époque) qui, épouse morose d’un industriel de poupées, courtisée au passage par le couturier Paul Poiret, s’énamoure entre salon, loge d’opéra et véranda, d’un ravissant dandy rêveur à la mise coquettement collet monté, Louis.

A lire aussi, Sophie Bachat: Rire de l’ « aliyah interne »

On croit comprendre qu’en fait, Gabrielle, soudain transportée dans un futur proche de notre présent (en 2044, donc), est soumise à un programme scientifique visant à purger son ADN des traumas subis dans ses vies antérieures… Dans sa troisième incarnation, Gabrielle, jeune comédienne au chômage en quête de castings, garde en l’absence des propriétaires une opulente villa moderniste perchée dans les hauteurs de Los Angeles, tandis que Louis s’est mué en harceleur névrosé s’apprêtant à venger dans le sang son supposé manque d’amour (toujours puceau, il ne peut aimer les femmes qu’en rêve) –  nouvel avatar de ces juvéniles serial killers que cultive l’Amérique du Nord.

Propos assez vain

Une chiromancienne de mauvais augure apparaît à l’occasion à Gabrielle, dans une dimension onirique qui ne se prive pas de piller David Lynch de façon quasi littérale. Tantôt allongée nue dans un bain d’eau noire régénérateur, tantôt nageant en sylphide dans une cave envahie par les eaux, l’héroïne solitaire se verra également instiller une piqûre dans l’oreille par un robot d’anticipation, sera draguée à l’occasion par une poupée-robot lesbienne de race noire (Guslagie Malanda)…

L’exercice de style a ses limites. Déjà, on s’en souvient, le cinéaste de L’Apollonide (2011) ou de Saint-Laurent (2014)  nous avait gratifié en 2016 d’un Nocturama (film qu’on peut revoir actuellement sur Netflix) désancré de toute réalité plausible où, dans un Paris en état de siège, une improbable bande de teenagers bon genre (leur obédience islamiste prudemment évacuée au passage) fomentait une série d’attentats à la bombe simultanés, pour finir piégée dans les rayons de la Samaritaine, fatalement pris sous la mitraille du GIGN…


Cette déréalisation est décidément la marque de fabrique d’un cinéaste dont l’ésotérisme abscons agace d’autant plus qu’il ne débouche, en somme, que sur un propos assez vain, plus ennuyeux que stimulant. Même les idées du générique de fin, à scanner sur QR Code, ou encore des green screen sur lesquels Léa Seydoux introduit et clôt son apparition, semblent relever davantage de la pose intellectuelle que d’enjeux esthétiques vitaux. N’est pas alchimiste qui veut.                    

La Bête. Film de Bertrand Bonello. Avec Léa Seydoux, Georges MacKay, Guslagin Malanda. France, couleur, 2023. Durée : 2h26.

Dali, c’est raté

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Jonathan Cohen © France 3 Cinéma

On n’est (vraiment) pas obligé de faire un « biopic » sur tout le monde


La tendance de ce début d’année, c’est biopics tous azimuts : de Florence Arthaud à Pierre Bonnard, en passant par Priscilla Presley et Bob Marley, personne ne semble pouvoir échapper à cette mode généralement désastreuse.

A lire aussi, Sophie Bachat: Rire de l’ « aliyah interne »

Le Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux n’échappe hélas pas à la règle. Certes, le cinéaste se moque (très gentiment) du personnage médiatique composé par l’artiste, mais l’ensemble reste à ce premier degré. Seule originalité (toute relative), le peintre espagnol est incarné à l’écran par plusieurs acteurs successifs, entre autres Jonathan Cohen, Édouard Baer et Gilles Lellouche : plusieurs cabots sont nécessaires pour interpréter le cabot Dalí.

On est en droit de trouver l’argument un peu court. Le film l’est aussi (78 minutes), ce qui s’avère être sa principale qualité.

Débureaucratiser aussi la justice…

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Astérix à la recherche du laisser-passer A 38, Rome, "Les 12 travaux d'Astérix". Capture YouTube.

Et si l’assouplissement des normes, promis aux agriculteurs en colère, faisait tache d’huile dans d’autres secteurs? Notre chroniqueur rappelle son combat au long cours contre l’inflation législative et administrative… Arrêtons d’emmerder les Français!


Pourquoi la cause et le combat des agriculteurs ont-ils suscité un tel soutien, une telle adhésion de la part d’une immense majorité de nos concitoyens ? Parce que d’abord leurs revendications étaient légitimes. Mais surtout à cause du fait que beaucoup se retrouvaient dans leur dénonciation des normes, de la bureaucratie et de l’étouffement de notre liberté et de notre indépendance par une Union européenne prête à faire se déliter notre identité nationale à force d’abstractions déconnectées du réel.

Bureaucratie procédurale à tous les étages

Cela fait longtemps qu’à mon modeste niveau, et nous n’étions pas nombreux à assumer ce point de vue, j’ai mis en cause l’institution judiciaire dans son registre pénal – aussi bien pour les enquêtes que pour les instructions – pour sa propension à la bureaucratie procédurale. Elle n’a cessé de s’accroître ces dernières années. J’ai déploré que la police et la gendarmerie soient ligotées par un formalisme et un pointillisme stérilisants, ce qui les a conduits à consacrer beaucoup moins de temps aux investigations, dans les délais légaux qui leur étaient impartis, qu’à une paperasserie et à des mentions et vérifications que j’ai toujours considérées comme inutiles, voire superfétatoires. Il faudrait tenir compte de la présence obligatoire de l’avocat, du contrôle et de la contradiction qu’elle permet, pour alléger le poids des normes et de la forme.

A lire aussi : Colère des agriculteurs: la macronie récolte les graines qu’elle a semées

Pour le travail des juges d’instruction – certes l’ouverture d’informations s’est beaucoup réduite – il est miraculeux que le carcan procédural, les délais stricts, le byzantinisme et la sophistication des règles dans lesquels on les a enfermés, n’aient pas abouti plus souvent à des catastrophes au détriment de la sauvegarde de la société. Il est impossible – ce sera également vrai pour les juridictions de jugement, notamment les cours d’assises – de se libérer de ces entraves prétendument nécessaires à l’État de droit pour offrir au justiciable, au plaignant, à la partie civile, au prévenu ou à l’accusé une justice humaine, une confrontation des visages et des paroles, un échange des regards, un dialogue authentique. Il est effarant – je l’ai parfois constaté dans ma vie d’avocat général – de relever que la médiocrité de certaines présidences a été aggravée par l’enfouissement dans des dossiers et la vigilance tatillonne. Non pas pour mieux appréhender le fond ou écouter plus attentivement, mais pour ne pas risquer de transgresser une disposition d’intérêt très secondaire.

Enlever l’inutile, partout

Il faut débureaucratiser la Justice dans toutes ses dimensions en plaçant au premier plan la relation de confiance avec les citoyens. Comme la politesse n’est plus d’actualité, il conviendrait d’imposer toujours et partout une réponse aux demandes et aux courriers des justiciables.

Mon expérience d’ancien magistrat et de citoyen engagé m’autorise à dire qu’il y a là une béance, un vide, un manque dévastateur. Quant aux Cours européennes, si elles cessaient d’énoncer des obligations qui relèvent de banalités – délai raisonnable, égalité des armes, etc. – ce serait à saluer. De même qu’on leur saurait gré de ne pas, au nom d’abstractions aussi généreuses que stériles, empêcher nos pays d’exercer en leur sein une véritable autorité régalienne efficace et à la fois respectueuse des droits élémentaires. Débureaucratiser, c’est enlever de la graisse et de l’inutile partout. Contre l’obésité et l’impuissance.

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Sexe: le retour de bâton

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© Causeur

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L’ordre puritain est en marche. Au nom de l’égalité et de la justice, les progressistes et les néoféministes traquent le moindre écart par rapport à leur idée de la morale sexuelle. Ils censurent toute expression d’un quelconque fantasme érotique. La sexualité doit répondre à l’impératif de transparence, et les rapports homme/femme à une charte aseptisée. À la différence du communisme et d’autres systèmes dystopiques, nous dit Élisabeth Lévy, « le féminisme sera peut-être, pour notre malheur à tous, la seule révolution de l’histoire qui réalisera son programme ». Le verdict de Mathieu Bock-Côté, interviewé par notre directrice de la rédaction, est sans appel : « On nous condamne à un monde désexualisé, puritain et insultant ». Pour lui, les néoféministes ne cherchent pas simplement à bannir le sexisme. Elles rêvent de proscrire la sexualité, voire d’abolir la différence des sexes. Le titre de son nouveau livre dit tout de leur approche : Le Totalitarisme sans le goulag. Brigitte Lahaie, ancienne star du X, à présent animatrice sur Sud Radio, explique à Jean-Baptiste Roques que le mouvement #MeToo, loin de libérer la parole, a imposé de nouveaux tabous sexuels à la société. Jugement confirmé par le livre qui vient de paraître sous la plume de la journaliste Noémie Halioua, La Terreur jusque sous nos draps. Cette histoire critique de la guerre des sexes déclenchée par #MeToo, que Frédéric Magellan a lue pour nous, montre que ce mouvement se retourne contre celles, les femmes, qu’il était censé défendre. La philosophe et psychanalyste, Sabine Prokhoris, qui vient de publier Qui a peur de Roman Polanski ?, passe en revue les poètes et blagueurs, de Rabelais à Samuel Beckett en passant par les jargonneurs, qui risquent d’être les victimes des nouveaux censeurs. Il en va de même des acteurs, selon Jean-Marie Besset ; pour exercer ce métier désormais à risque, il faut accepter d’incarner un troublant objet du désir. Vous avez dit présomption d’innocence ? Jean-Baptiste Roques répertorie les non-lieux et acquittements de people dans différentes affaires sexuelles qui ont marqué l’année 2023.

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Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy se penche sur la résolution votée par le Parlement européen, le 17 janvier, visant à promouvoir une « conscience historique européenne » en favorisant un enseignement qui rompe avec « les stéréotypes et les vaches sacrées des histoires nationales ». L’extrême-gauche, à l’origine de la résolution, n’a pas apprécié qu’un amendement prolonge la liste qu’elle avait dressée des responsables des crimes du passé en ajoutant aux régimes nazi, fasciste et coloniaux ceux du communisme. Conclusion ? « Le grand rêve européen n’est pas de se réconcilier avec son passé, mais d’en finir avec lui ». Emmanuelle Ménard, députée « divers droite », raconte les hauts et les bas de sa vie à l’Assemblée, notamment la façon dont le Conseil constitutionnel a éviscéré la loi sur l’immigration pourtant votée par le Parlement. Elle suggère au chef de l’État que, à l’avenir, il demande au Conseil constitutionnel, non de censurer les lois mais de les rédiger. « On gagnerait du temps ». Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire de cette haute juridiction, analyse les arguments avancés par le Conseil pour justifier sa décision. Selon lui, leur formalisme cache mal un parti pris politique.

Quelle que soit la solution à court terme que le gouvernement apporte aux problèmes des agriculteurs, la colère de ces derniers représente plus qu’une révolte passagère. Telle est la thèse de Humbert Rambaud et Vincent Piednoir, rédacteurs du magazine Jours de Chasse et auteurs de L’Ouverture de la chasse. Une philosophie, une culture. Pour eux, il s’agit d’un bouleversement civilisationnel, voire anthropologique. Dans la France de Bruxelles, les travailleurs de la terre n’ont plus leur place. Se confiant à Céline Pina, François-Xavier Bellamy, eurodéputé et tête de liste LR aux prochaines élections européennes, accuse la majorité macroniste de tenir un double langage sur l’agriculture, en soutenant à Bruxelles une règlementation qui étouffe les paysans, tout en prônant à Paris une simplification censée les soulager. Pour Ivan Rioufol, ce n’est pas avec un « plan de lutte contre l’infertilité » que le chef de l’État pourra stopper la chute de la natalité française. Le choix d’Emmanuel Macron de résister au RN par une « lutte contre l’immigration clandestine » avalise l’immigration légale. Tout reste en place pour achever la dilution du pays.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Le grand effacement, ou comment la France peut disparaître

Pour avoir dénoncé dans son pays l’entente tacite entre les militaires et les islamistes, le romancier et essayiste algérien, Boualem Sansal, est devenu la cible d’un parti dévot et la bête noire du pouvoir. Se confiant à Elisabeth Lévy, Gil Mihaely et Jean-Baptiste Roques, il estime que l’islam a tué la culture et tire pour nous la sonnette d’alarme : la France est en pleine régression et a atteint un point de bascule. Peut-on toujours croire à la « solution à deux États » pour résoudre le conflit israélo-palestinien ? Gil Mihaely nous rappelle qu’elle est sur la table depuis 1947 et que ses premiers opposants étaient les Arabes de Palestine. Si d’autres issues politiques sont sûrement possibles, il faut d’abord que la région soit débarrassée de ses islamistes. Gilles-William Goldnadel vient de publier son Journal de guerre qui, nous dit Jean-Baptiste Roques, dévoile les coulisses de son combat quotidien pour défendre Israël dans les médias.

Qui est l’économiste le plus populaire de France ? Charles Gave gagne sa vie en prédisant l’avenir, et en entretenant un certain art de surprendre – n’est-il pas un actionnaire de Causeur ? Son nouvel essai, La vérité vous rendra libre, est numéro un des ventes dans la catégorie « Économie » sur Amazon depuis deux mois. Il met en garde contre le risque d’effondrement financier de l’État providence européen. Son livre est analysé par Gil Mihaely, et l’auteur est interviewé par Jean-Baptiste Roques à qui il annonce que « la social-démocratie européenne va disparaître ». En nous proposant une autre lecture de notre époque, le président de l’Institut des libertés se distingue de la plupart des autres économistes qui sont aussi plats et prévisibles que ChatGPT. Stéphane Germain confirme le diagnostic : la social-démocratie subit sans doute les assauts de ses ennemis intérieurs et extérieurs – Gafam ou États voyous – mais se meurt plus probablement d’avoir organisé sa propre chute.

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Envie d’un pied de nez à l’arasement contemporain ? C’est l’effet que produit la lecture du nouveau livre d’Alain Finkielkraut, Pêcheur de perles, selon la recension de Jean-Michel Delacomptée qui ouvre nos pages culture. Cet ouvrage, exercice d’admiration et de gratitude, alimenté par des citations d’Arendt, Kundera, Levinas ou Valéry, est une démonstration de lucidité qui se double d’une élégante preuve d’amour. Il faut toujours réviser les classiques, les plus connus comme les moins connus. Didier Desrimais nous permet de redécouvrir Ersatz, le plus méconnu des romans de René Fallet, datant de 1974. Alain Pacaud nous engage à relire le premier roman de Jean Dutourd, Une tête de chien. Ce conte philosophique publié d’abord en 1950, vient de sortir dans une réédition accompagnée d’une préface et de notes précieuses. Pour le contemporain, Jonathan Siksou salue la parution de Retour à Kensington, de Vincent Leroy, qui est à la fois une histoire d’amour et un voyage à travers la littérature du passé. Un bon principe conservateur veut que le présent ait toujours besoin d’être fécondé par le passé. Cela se confirme au cinéma ce mois-ci, où – selon Jean Chauvet – parmi les nouveautés il y a trop de vrais faux biopics français. Qu’il a-t-il de vraiment neuf ? Les deux premiers polars de Claude Sautet, deux bijoux qui ressortent en version restaurée. Les relations complexes entre notre passé et notre présent sont mises en scène dans l’exposition Formes de la ruine, au musée des Beaux-Arts de Lyon. Pour Georgia Ray, cette réunion d’œuvres anciennes et contemporaines prouve que, de la Renaissance à nos jours, le regard que nous portons sur notre propre finitude ne cesse d’évoluer. Si pour vous les meilleurs vestiges sont ceux d’un repas somptueux, Emmanuel Tresmontant recommande de manger chez Frédéric Simonin, l’un des derniers chefs-patrons de Paris qui, aussi attentif envers son personnel qu’à l’origine de ses produits, décline en poète les terroirs de France.

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Colère paysanne: la revanche du «plouc» sur le bobo

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Le monde change. Les caricatures s’inversent: le ridicule est passé du « plouc » au bobo.


La révolte des agriculteurs a dévoilé, par la qualité des leaders et de leurs prises de parole, le visage moderne de la ruralité. C’est probablement chez les paysans que le monde nouveau, plus réaliste et humain, se dessine. Si les tracteurs n’ont pu pénétrer dans Paris, protégé par des blindés, la capitale apparait pour sa part dans son univers étriqué et déconnecté de la vie des gens. Le grotesque de la « votation citoyenne » contre les SUV (sport utiliy vehicle), organisée ce dimanche, le démontre : aucune vision ne sort plus de l’esprit asséché des dirigeants des grandes métropoles mondialistes, hormis leurs génuflexions devant l’écologisme et le diversitisme. Anne Hidalgo, maire de Paris, est le parangon de ce conformisme moutonnier. Son référendum, auquel seuls 5,68% des Parisiens ont répondu, va obliger les propriétaires de véhicules lourds (plus de 1,6 tonne, plus de 2 tonnes pour les électriques) à payer trois fois plus cher leur stationnement (soit 225 euros pour 6 heures !).

Ce faisant se dessine une écologie punitive construite sur le racket municipal (35 millions d’euros de recette espérée), la surveillance collective, la dénonciation du « gros », la discrimination de classe. Les premiers visés ne seront pas les Parisiens, qui le plus souvent n’ont plus de voitures ou qui bénéficient du stationnement résidentiel, mais ceux qui viennent travailler. Ce « passe urbain » est l’expression d’une mentalité d’exclusion, très « petit-bourgeois ».

A lire aussi, notre numéro 120, en vente maintenant: Sexe: le retour de bâton

Le péquenot des champs a bien davantage à nous dire que le progressiste des villes. Celui qui « fume des clopes et roule au diesel », devant qui la macronie se bouche le nez, a derrière lui la France périphérique et rurale. Encore majoritaires démographiquement, ces oubliés n’entendent plus se contenter de leur marginalisation au profit de minorités déifiées. Une place plus centrale les attend. L’enraciné est plus inspirant que le déraciné.

Il est loin, le cliché du bouseux fruste attaché à sa terre, son pinard et ses bêtes, décrit par exemple par Françoise Sagan (Les faux fuyants), ou par le film La soupe aux choux. Même si la jacquerie des agriculteurs a baissé en intensité depuis vendredi, après les mesures annoncées par le pouvoir, le soutien massif de l’opinion à leur combat demeure. Dans l’urgence, Emmanuel Macron a choisi de lâcher du lest sur les normes écologistes, afin de préserver l’architecture de l’Union européenne. « Nous voulons une Europe plus forte et plus concrète », a-t-il expliqué jeudi en faisant à nouveau l’éloge de la « souveraineté européenne ». Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a précisé que le secteur agricole sera classé parmi les métiers en tension, le rendant ouvert à une immigration irrégulière légalisable. Or c’est bien cette Europe diversitaire, technocratique et sans âme, que rejettent les agriculteurs, en France et ailleurs. L’entêtement de la caste européiste à vouloir imposer son modèle hors-sol se heurte à la révolte d’un peuple excédé mais raisonnable. C’est lui qu’il faut entendre.

Rire de l’ « aliyah interne »

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Agnès Jaoui et Michael Zindel "Le dernier des juifs" (2024) de Noé DEBRÉ © Simon Birman / Ad Vitam Distribution

Bellisha a 26 ans et il vit seul avec sa mère malade. Son quotidien consiste principalement à inventer une réalité parallèle pour que sa mère se sente bien, et ne se rende pas compte que les juifs sont chassés. Le film de Noé Debré parvient à nous faire sourire sur le départ des juifs des banlieues françaises islamisées.


C’est avec un peu de retard que j’ai eu envie de vous parler du premier film de Noé Debré : Le dernier des juifs, sorti en salle le 24 janvier malgré les craintes des exploitants quant au climat délétère, aux forts relents d’antisémitisme, constaté en France depuis la reprise du conflit qui ne finira jamais et cristallise toutes les haines envers la communauté juive.

À mon sens, le titre nous dit déjà beaucoup du propos du film – que j’ai perçu comme un conte philosophique. En effet, le déterminant « des » change tout. Il peut être interprété de deux façons : le dernier des juifs, comme s’il n’en restait plus qu’un seul sur la terre, et le dernier des juifs, qui, de manière péjorative, signifierait que le héros ne mérite pas, finalement, d’être juif.

Agnès Jaoui seule chez elle

Et en effet, le personnage principal, Bellisha (Michael Zindel, qui peut faire penser à Vincent Lacoste), ce jeune homme velléitaire, qui semble à la fois doux et absent, a l’air de s’en foutre de sa judéité, même si, effectivement, sa mère et lui sont quasiment les seuls juifs qui restent dans cette ville de banlieue qui n’est jamais nommée, mais qui fait fichtrement penser à Sarcelles. Même le dernier magasin casher plie bagage. Bellisha est bien embêté, car il entendait acheter un poulet casher pour Shabbat pour faire plaisir à sa mère… Son métier, à Bellisha, c’est de s’occuper de sa mère, Gisèle (magnifiquement interprétée par Agnès Jaoui), qui est malade et ne sort plus de son appartement capharnaüm. Il désire lui faire croire que rien n’a changé à l’extérieur. Il essaie de figer le temps pour elle. Cependant, Gisèle le sait qu’il faudrait partir… Pour aller où ? Elle ne le sait pas. La Terre Promise ne la tente pas. Et elle a d’ailleurs cette réplique, très piquante dans la bouche d’une juive : « Pas en Israël, il n’y a que des juifs, ils vont tous nous escroquer » !


Cependant, elle y tient quand même à ses racines, à sa religion compliquée, car lorsque son fils lui ramène, en désespoir de cause, un poulet qui n’est pas casher mais halal, elle s’en aperçoit et lui ordonne, paniquée, de casheriser la cuisine, et de jeter tous les aliments qui s’y trouvent. Elle s’accroche aux règles strictes de la casherout – pour ne pas oublier d’où elle vient.

A lire aussi: Les bourreaux côté jardin

Le vrai sujet du film est celui de l’exil, principalement de l’exil intérieur, et du questionnement talmudique : qu’est-ce qu’être juif ? Comment fait-on pour être juif ? Cela fait des millénaires, il me semble, que cette question reste sans réponse… Bellisha, quant à lui, n’est pas considéré comme un « bon juif » par la communauté: il n’est pas allé à la Yeshiva, il a séché tous ses cours de Krav Maga, et ne parle que très peu hébreu. Une scène hilarante – qui pourrait figurer dans un film de Woody Allen – en témoigne : lorsque sa petite amie, maghrébine, lui demande de lui dire « quelque chose de sale en hébreu », il répond, après réflexion : « Evenou shalom aleichem » le titre de cette chanson bien connue, qui signifie « nous vous apportons la paix ». Quant aux actes antisémites, qui se multiplient en banlieue, ils sont traités de manière très fine et sans discours politique (et d’ailleurs, que dire ?). Avec humour, même, car l’humour est la seule chose qui nous reste lorsque tout est perdu. On s’amuse à voir des individus venus tagger des croix gammées sur la porte de la famille Bellisha se tromper, et souiller celle de l’appartement voisin habité par une famille chinoise.

Un film bisounours ?

Bellisha a malgré tout des potes dans la cité, tous noirs ou arabes. Il est intégré, même s’il semble toujours un peu ailleurs. Un de ces amis, d’origine africaine, lui dit ceci : « De base, je n’aime pas les juifs, mais toi je t’aime bien ». « Et tu en connais beaucoup des juifs ? » lui demande alors Bellisha. « J’en connais un autre, et je l’aime bien aussi ». D’aucuns penseront, à la lecture de ce billet, qu’il s’agit-là de « bisounourisme ». Non : c’est simplement un autre aspect de cette réalité que représente l’antisémitisme de nos banlieues, qui semble inextricable.

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Et puis, Gisèle se meurt. Lorsque le père de son fils, juif orthodoxe, vient à son chevet pour réciter  quelques prières, il lui reste assez de forces pour lui asséner cette phrase assassine : « Tu as mis ton déguisement ? » Ne jamais perdre son humour, jusqu’à la fin.

Bellisha aura finalement accompli sa mission, sa « mitzva» qui fera de lui un mensch, sa bonne action qui le grandira, qui fera de lui un type bien. Il a rendu plus douce la fin de vie de sa mère. Alors, il s’en va, sans but précis, avec juste une valise. Toujours aussi sympathique. L’exil ne finira jamais.

Même malade, un roi règne

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Charles III à la cour royale de justice, à Londres, le 14 décembre 2023. © Hannah McKay/WPA Pool/Shuttersto/SIPA

C’est officiel : Charles III souffre d’un cancer. Qu’est-ce qui changera outre-Manche ? La stabilité de la monarchie est-elle menacée ? L’analyse de Jeremy Stubbs.


Le palais de Buckingham vient d’annoncer, hier soir, que le roi Charles souffre d’un cancer. Lors d’une hospitalisation la semaine dernière dont le but était le traitement d’une prostate élargie, les médecins auraient trouvé un cancer. Ce dernier, selon l’annonce officielle, ne serait pas lié à la prostate, mais aucune autre information n’a été divulguée quant au type de cancer en question.

Un communiqué du Premier ministre, Rishi Sunak, a apporté la précision que le cancer de Charles aurait été diagnostiqué précocement. Pour le moment donc, tout semble suggérer que le roi est bien pris en charge et qu’il pourra surmonter cette épreuve. Aujourd’hui, les patients guérissent beaucoup plus souvent que dans le passé, surtout si le cancer est détecté tôt dans son évolution. Et si, au Royaume-Uni, la pandémie a allongé les listes d’attente du fameux National Health Service (NHS) pour les patients ayant besoin de commencer un traitement anticancéreux, nous pouvons être certains que le roi ne sera pas à la fin de la file d’attente. Pourtant, la santé de Charles a soulevé plusieurs questions, les unes un peu superficielles, les autres plus profondes.

Une nouvelle ère de transparence ?

Certains commentateurs médiatiques se sont excités en parlant d’une nouvelle ère de transparence entamée par la monarchie britannique. En réalité, ils vont un peu vite en besogne. Certes, jusqu’ici, la famille royale s’était toujours montrée très discrète concernant la santé de ses membres et en particulier celle du monarque régnant. À la fin de sa vie, Elisabeth II a été très avare d’informations sur son état, malgré le fait évident qu’elle n’était plus en pleine forme. Mais la reine était très âgée – elle est décédée à l’âge de 96 ans – et le fait que ses apparitions publiques s’espacent n’a surpris personne. En revanche, Charles a joui jusqu’ici d’une bonne santé. Il est très actif et s’épanouit dans son rôle de monarque qu’il prend à bras-le-corps. Il aurait été impossible de cacher le fait qu’il se fait soigner pour un cancer, même en milieu ambulatoire. D’autant que, avec la reine Camilla, il est censé faire un voyage officiel au Canada au mois de mai. Le communiqué du palais a d’ailleurs cité la nécessité de « prévenir toute spéculation ».

A relire, du même auteur: Elizabeth II, l’indétrônable

Cela dit, Charles est le parrain de nombreuses ONG qui s’occupent de questions de santé et notamment de cancer. Sa décision d’assumer publiquement son statut de patient est considérée par beaucoup de gens outre-Manche comme une contribution importante à la sensibilisation, d’abord à la nécessité de se faire tester pour cette maladie, et ensuite au fait que souffrir d’un cancer n’est pas nécessairement incompatible avec la continuation de sa vie professionnelle. Pour tout dire, l’annonce constitue un bon point pour l’image du roi et de la monarchie.

Charles a-t-il la poisse ?

Après avoir patienté pendant des décennies pour accéder enfin au trône, Charles apprend, huit mois après son couronnement, qu’il a un cancer. Il joue de malchance ! Mais rien ne dit que le roi, âgé de 75 ans, sera obligé de disparaître de la scène publique – sans parler d’abdication. Nous avons appris qu’il va réduire son implication dans les événements publics mais qu’il continuera à accomplir ses devoirs constitutionnels, comme la rencontre hebdomadaire avec le Premier ministre. En toute probabilité, il aura de longues années devant lui en tant que roi.

Une réconciliation possible avec Harry ?

Nous savons que les relations entre le roi et son fils cadet, Harry, sont très tendues, depuis que ce dernier a quitté le Royaume-Uni pour vivre aux États-Unis avec son épouse Meghan, et surtout depuis la publication, l’année dernière, du Suppléant1, son autobiographie écrite par un prête-plume, qui a consacré sa subjugation par le wokisme américain et sa volonté de médire de sa propre famille. Lors d’un voyage en Angleterre au mois de septembre dernier, Harry se serait vu refuser la possibilité de passer une nuit au château royal de Windsor. Pourtant, les choses semblent différentes cette fois. Harry doit rendre visite à son père ces jours-ci et tout indique qu’il sera l’invité de son père pour le gîte et le couvert. Tant que Harry restera sous la coupe de son épouse, une vraie réconciliation avec sa famille sera difficile, mais c’est aujourd’hui un pas dans la bonne direction. Et le moral de Charles, qui souffre visiblement de cet éloignement de son deuxième fils, sera revigoré par un relâchement des tensions.

Et la constitution dans tout ça ?

Si jamais Charles était obligé d’abdiquer, quelles en seraient les conséquences ? Son grand-oncle, Edouard VIII, a été contraint de quitter le trône en 1936. Il y a donc un précédent. Dans ce cas, son héritier immédiat, le prince William, serait obligé d’assumer la couronne et tout indique qu’il se prépare à jouer ce rôle un jour. Mais a-t-il déjà acquis suffisamment de maturité ? Dieu sait s’il est beaucoup plus adapté à l’accomplissement des tâches qui incombent à un roi que son frère cadet. Néanmoins, il y a des signes qui suggèrent qu’il a encore du chemin à faire. Selon une biographie du roi Charles par le journaliste spécialisé dans les questions royales, Robert Hardman – biographie qui vient d’être publiée dans le quotidien britannique The Daily Mail – William serait beaucoup moins dévoué à l’Église anglicane que sa grand-mère, Elisabeth II, et serait moins investi dans la spiritualité en général que son père. Actuellement, il serait prêt à réduire au minimum la cérémonie du couronnement et même prêt à renoncer au titre et au rôle traditionnels du monarque en tant que Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre. Or, cette fonction symbolique possède une importance constitutionnelle, comme la cérémonie du couronnement – on l’a vu au mois de mai l’année dernière – possède une importance qu’on peut qualifier de « publicitaire ». Ces deux éléments confèrent à la position du monarque une dimension solennelle, voire sacrée, et relient le présent au passé historique de la nation. Il se peut bien William veuille incarner une monarchie « moderne », mais il y a des risques à ne pas sous-estimer.

A lire aussi, Céline Pina: Aux Pays-Bas, le coût de l’immigration n’est plus une question taboue

Pendant les longues années où Charles, en tant que prince et héritier, attendait dans les coulisses que sa mère quitte la scène, il avait cultivé une image de réformateur et de modernisateur. Pourtant, une fois monté sur le trône, il s’est montré plus conservateur que prévu. Il a assumé sans complexe la dimension spirituelle de sa charge. Le rituel de son couronnement était légèrement plus spartiate – et moins long ! – que celui de sa mère, mais il en a gardé l’essentiel, en faisant la joie de la foule et des téléspectateurs. La présence de représentants des religions juive, hindoue, sikh et musulmane a reflété le caractère multireligieux du Royaume-Uni actuel, mais le rite anglican a réaffirmé la tutelle, pour ainsi dire, de la tradition chrétienne et nationale comme celle qui, par son histoire, est capable de réunir tous les Britanniques.

Certes, William jouit d’un capital de popularité non négligeable. Mais une monarchie ne peut pas reposer sur la popularité d’un individu, car cette popularité peut toujours s’évaporer. Et vouloir qu’une nation soit fondée uniquement sur des principes rationnels et abstraits, sans aucune dimension sacrée et sans référence à son histoire – et à l’ancienneté de cette histoire – est folie.

Pourtant, si Charles continue à régner pendant un temps appréciable, si William continue à accomplir ses propres fonctions aux côtés de son père et sous l’influence de ce dernier, l’actuel prince de Galles pourra évoluer et mûrir, comme son père l’a fait avant lui. Il pourra comprendre pourquoi, dans ce bas monde, la magie et la mystique restent nécessaires, surtout à la survie d’un État-nation.

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  1. Relire notre analyse de la sortie du livre ici : https://www.causeur.fr/harry-un-ami-qui-vous-veut-du-mal-253856 ↩︎

Mâles à matous

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D.R

Le nouveau phénomène de l’« homme à chat » est salué à gauche comme l’antithèse du patriarcat. Mais gare aux effets pervers de cette déconstruction.


« Avant de me coucher, il m’arrive de regarder des vidéos de chats sur Instagram, avec mon chat », a confié récemment un homme célibataire à Marjorie Philibert, une journaliste du Monde bien décidée à comprendre ce nouveau phénomène : les hommes à chat. Pour surnager « au milieu d’un océan d’interrogations » et appréhender sérieusement ce sujet essentiel, cette journaliste a recueilli de nombreux avis. Ainsi, un sociologue perçoit dans l’homme à chat « une dimension politique clairement de gauche, dans la continuité de Mai 68 », un rejet des « formes anciennes de l’autorité » et une nouvelle identité masculine « construite autour de l’attention et du soin ».

A lire aussi : Réarmement démographique? 95 fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant!

De son côté, la vigilante journaliste Nadia Daam redoute visiblement une ruse du mâle retors qui sommeille en tout homme : « Sur Tinder, beaucoup d’hommes posent avec leur chat, comme pour montrer qu’ils ne sont pas des prédateurs et qu’ils rejettent les codes de la masculinité toxique.» Par ailleurs, affirme Mme Daam qui a décidément l’œil à tout, l’image « attendrissante et sexy » de l’homme à chat est bien plus valorisée socialement que celle de la femme à chat, « perçue comme seule et déprimée ». Lorsqu’il vit en couple, disserte à son tour la journaliste du Monde, l’homme à chat – qui reste un homme avant tout – renoue souvent avec une détestable « répartition inégale de la charge mentale des tâches domestiques » qui voit sa compagne s’occuper seule des soins apportés au minet. Arnaud fait figure d’exception : dans un « souci de partage de la charge mentale du chat », il n’a eu de cesse, assure-t-il, de tout partager avec sa compagne, y compris les soins et les dépenses, inhérents à la présence de Croziflette, son «adorable petite chatte». Mais la vie est parfois cruelle : sa compagne l’a quitté et a embarqué avec elle Croziflette. Arnaud et d’autres hommes à chat ayant vécu la même mésaventure se battent pour obtenir la garde de leurs matous. Certains engagent des poursuites judiciaires. Ce qui ne ravit que moyennement des juges et des greffiers qui disent avoir, en ce moment, d’autres chats à fouetter.

Réarmement démographique? 95 fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant!

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DR.

Une étude IFOP pour un marchand de godemichés, publiée ce jour, mesure une baisse historique de la fréquence des rapports sexuels des Français. La proportion de nos concitoyens ayant eu un rapport au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible en cinquante ans. Les activités numériques ne comptent pas pour rien dans cette apathie sexuelle. Et cette montée de l’inactivité sexuelle affecte tout particulièrement la jeunesse.


Lors de la grande conférence de presse qu’il tint au palais l’Élysée, Emmanuel Macron s’est alarmé du vieillissement de la France, se gardant bien, toutefois, de préciser que c’est chez les autochtones qu’il y a le moins de naissances. (Selon les chiffres de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, la femme française n’a qu’1,68 enfant tandis que l’immigrée algérienne, elle, en met au monde à 3,69. En 2022, un tiers des bébés avait au moins un parent né hors de l’Union européenne. Quant aux naissances issues de deux parents nés à l’étranger, elles ont augmenté de 72% entre 2002 et 2022).

Le plan cul d’Emmanuel Macron

Notre belligérant de la République a ensuite souligné la nécessité d’un « réarmement démographique » pour annoncer, martial, le lancement prochain « d’un grand plan » destiné à lutter « contre le fléau de l’infertilité ». En filant avec pompe la métaphore guerrière, Macron n’a pas manqué de s’attirer les foudres des féministes et de la gauche. Déjà, le soutien apporté à Depardieu avait mécontenté. Qu’Emmanuel Macron prétende maintenant mobiliser les utérus des Françaises pour repeupler l’Hexagone, ça n’était décemment plus possible. On a alors vu les défenderesses des droits des utérus à disposer d’eux-mêmes, déjà sur le sentier de la guerre, se lever comme un seul homme pour dénoncer le projet aux relents pétainistes : faire des enfants ne saurait devenir un devoir patriotique ; les femmes ne serviraient pas l’accroissement de la population française. Que la rhétorique présidentielle amuse ou agace, la question de la baisse du taux de natalité des Françaises n’en demeure pas moins préoccupante et nombreuses sont les explications plus ou moins sociologiques avancées pour l’expliquer : éco-anxiété, peur de l’avenir, crainte devant les changements climatiques, incertitudes économiques ou violences géopolitiques.

Et si on prenait les choses autrement ? S’il y avait tout simplement moins de naissances dans l’Hexagone parce que l’activité sexuelle des Français est en berne ? L’Ifop a mené une enquête pour l’entreprise de sex-toys Lelo. Intitulée « Sex recession », cette étude1 révèle que la France, comme d’autres pays européens (États-Unis ou Grande-Bretagne), est entrée en « récession sexuelle ».  C’est officiel:  la pratique de la bête à deux dos a enregistré un recul sans précédent ; les Français hétérosexuels font moins l’amour. On apprend ainsi que la proportion des Français ayant eu un rapport sexuel au cours des 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible en cinquante ans et cette montée de l’inactivité sexuelle affecte tout particulièrement la jeunesse. En effet, 28% des jeunes de 18 à 24 ans, initiés sexuellement, admettent ne pas avoir eu de rapport en un an. C’est cinq fois plus qu’en 2009. De plus, les célibataires n’ont pas le monopole de l’abstinence sexuelle, les résultats montrent qu’une personne sur quatre, actuellement en couple, n’a pas (ou plus) d’intimité physique avec son conjoint. La sexualité semblerait avoir cessé d’être l’une des composantes essentielles d’une vie réussie ou, à tout le moins, celle d’une vie de couple harmonieuse. On se revendique désormais assez ouvertement abstinent par choix voire asexuel. Ce désinvestissement, du reste, ne se cantonne pas au seul sexe mais s’étend à d’autres aspects de la vie des Français : travail, civisme, associatif, politique… L’étude précise également, on l’aurait parié, que l’activité sexuelle est largement concurrencée par le numérique (TV, réseaux sociaux, jeux vidéo…). Ainsi, lorsqu’on interroge les jeunes vivant en couple sous le même toit, 50% des hommes et 42% des femmes reconnaissent avoir déjà évité un rapport pour regarder une série ou un film.

Finie la fête du slip

L’absence de rapports sexuels, apprend-t-on enfin, serait mieux vécue par les femmes qu’elle ne l’est par les hommes et il semblerait qu’elles s’affranchissent plus facilement qu’autrefois du « devoir conjugal », quand celui-ci leur pèse.

L’étude précise ainsi qu’on s’achemine vers la « déconstruction du devoir conjugal », dans un contexte marqué par la révolution du rapport au consentement.

Les chiffres indiquent que les Françaises acceptent beaucoup moins de se forcer à faire l’amour qu’il y a quarante ans. Parmi les femmes âgées de 18 à 49 ans, elles ne sont plus que 52% à s’y résoudre contre 76% en 1981. En 2024, Brassens, vieux mâle blanc ne pourrait donc plus chanter :

Quatre-vingt-quinze fois sur cent
La femme s’emmerde en baisant
Qu’elle le taise ou le confesse
C’est pas tous les jours qu’on lui déride les fesses

Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus
À l’heure de l’œuvre de chair
Elle est souvent triste, peuchère !

S’il n’entend le cœur qui bat
Le corps non plus ne bronche pas
Les « encore », les « c’est bon », les « continue »
Qu’elle crie pour simuler qu’elle monte aux nues

C’est pure charité, les soupirs des anges ne sont
En général que de pieux mensonges
C’est à seule fin que son partenaire
Se croit un amant extraordinaire

Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
Ne soit pas déçu

Quoi qu’il en soit, rien de nouveau sous le soleil : ce sont toujours les femmes qui font la nique aux hommes.


  1. https://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2024/02/Analyse_FK_IFOP_LELO_2024.02.01.pdf ↩︎

Carroll/Trump: pour 83 millions de dollars de plus

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La chroniqueuse E. Jean Carroll obtient 83.3 millions de dollars à sa sortie du tribunal, New York, 26 janvier 2024 © UPI/Newscom/SIPA

Donald Trump a été condamné à payer 83 millions de dollars pour « diffamation » à E. Jean Carroll qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement dans les années 90. Une tribune libre d’Alain Destexhe


Nous ne sommes pas dans un film de Sergio Leone, mais dans un tribunal de New York. Un tribunal ? Plutôt un théâtre qui s’apprête à rendre une parodie de justice contre le type contre qui tous les coups sont permis pour l’empêcher de devenir président. Donald Trump au cas où vous ne l’auriez pas deviné.

L’ancien président est condamné à payer 83 millions de dollars de dommages pour avoir « diffamé » E. Jean Carroll, qui l’accuse de l’avoir agressée sexuellement dans les années 90.

La « victime » ne se souvient plus de la date des faits

Dans les années 90 ? En effet, elle ne se souvient plus de l’année au cours de laquelle la prétendue agression sexuelle aurait eu lieu, il y a près de trois décennies. Elle dit qu’elle et le Donald ont commencé à flirter dans un grand magasin pendant les heures d’ouverture, qu’ils se sont ensuite rendus dans les cabines d’essayage, que jusque-là elle était consentante mais qu’ensuite il l’aurait pénétrée digitalement sans son accord. Elle n’a pas porté plainte à l’époque et il n’y a aucun témoin. 

Il nie et dit qu’il ne se souvient pas de l’avoir jamais rencontrée.

La prescription bafouée par une loi rétroactive

Presque 30 ans plus tard, la presque octogénaire gauchiste (liberal en américain) écrit un livre qui se vend très bien grâce à cette histoire, puis porte plainte alors que Donald Trump vient de se déclarer candidat à la présidence. Un milliardaire Démocrate de la Silicon Valley, Reid Hoffman, l’assure de la prise en charge illimitée de ses frais d’avocat, mais – évidemment – il y a prescription. Qu’à cela ne tienne ! Un parlementaire Démocrate, Brad Hoylman-Siga, connu pour son hostilité à Trump, dépose dans l’Etat de New York une proposition de loi ad hoc pour régler le cas Carroll / Trump. Aussitôt adopté, le Adult Survivors Act permet aux « survivantes » présumées d’agression sexuelle de déposer à nouveau plainte dans un délai de 12 mois à partir de la publication de cette nouvelle loi, même si les faits allégués étaient auparavant couverts par la prescription ! Une loi rétroactive donc, au mépris de ce cher Etat de droit et en fait de toutes les règles de droit qui permet à madame Carroll de relancer la machine judiciaire avec les fonds du même capitaliste milliardaire et méga-donateur du Parti démocrate et des causes progressistes.

A lire aussi: Le Parti socialiste belge invente la « gauche cocaïne »

Le procès a montré des dizaines d’incohérences dans le récit de la « victime », « survivante ». Pour n’en donner qu’un exemple, elle affirmait avec certitude porter ce jour-là une robe qui n’existait pas alors sur le marché ! Elles n’ont pas empêché un jury populaire, tiré au sort dans une ville qui vote à 90% pour les Démocrates, de condamner Trump à cinq millions de dollars de dommages.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Donald Trump continue à contester bruyamment les faits alors qu’il vient d’être condamné – au civil notons-le, pas au pénal – pour « coups et blessures ». Elle porte donc plainte en diffamation, prétendant qu’elle a perdu sa chronique de conseils sexuels (elle a 76 ans) dans le magazine Elle qui aurait « ruiné sa carrière » (à 76 ans !). Pour cette chronique, elle était payée quelques dizaines de milliers de dollars par an. Sa déclaration selon laquelle son conflit avec Trump aurait conduit à son licenciement a été fermement démentie par le magazine qui l’a licenciée. Rien à voir selon Elle. Sa chronique n’avait plus le succès d’antan. La perte d’un emploi à 76 ans ne ressemble pas non plus à la fin du monde.

Plaignante de gauche, juge de gauche, jury de gauche

Mais il s’agit de Trump. Une plaignante de gauche, un juge de gauche ouvertement hostile et un jury de gauche, le voilà condamné à… 83 millions de dommages et, s’il ouvre encore la bouche pour rappeler son innocence, la somme pourrait être doublée ! Le voilà muselé. Quatre autres poursuites du même type (plaignant de gauche, juge de gauche, jury de gauche) l’attendent encore à New York.

Ce n’est pas la première loi ciblée, conçue pour rendre un comportement antérieur de Trump, juridiquement inattaquable, légalement susceptible de poursuites du jour au lendemain. Des lois rétroactives visant un seul homme et qui n’auraient jamais été approuvées s’il n’était à nouveau candidat à la présidence.

Big Apple est pourrie

Le visage lifté, tentant désespérément de paraître beaucoup plus jeune, E. Jean Carroll est l’incarnation caricaturale de la femme riche, progressiste, woke, branchée, sans enfants (ce dont elle se réjouit bruyamment,), qui jouit comme une folle de sa nouvelle célébrité et de son bon coup politique au service des Démocrates. Après sa victoire, lors de sa première déclaration à la présentatrice vedette de MSNBC qui tentait tout aussi désespérément de relier son triomphe judiciaire à la cause des femmes, elle annonça, sans humour, qu’elle allait claquer plein de pognon à faire les boutiques et renouveler sa garde-robe. Grand bien lui fasse ! 

Oui, sous la férule des Démocrates, il y a bien quelque chose d’inquiétant et de pourri en république américaine.