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Art: et si le classicisme n’était pas aussi dégueulasse qu’on le dit?

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Le classicisme, ou l’extase de l’arc tendu


S’il est un crime à ne jamais laisser impuni, c’est bien celui de salir des lieux d’exception par des lieux communs. Combien de fois, dans les ailes de musée consacrées au classicisme, n’ai-je entendu d’inepties s’échapper de bouches mondaines. Amoureux du Beau, je vous en conjure : devant les helléniades de Poussin, les Madone de Raphaël, tendez l’oreille, et faites-en l’expérience. Vous entendrez toujours de ces risibles doléances : « Un beau trait, de belles formes, certes, mais enfin, tout cela manque un peu d’air. C’est trop sec, trop rigide ! » Autrement dit, l’ordre et la tradition dans l’art, passés leur heure de gloire, ne se laissent plus briller, ne se laissent  plus voir.

Blasés

« On nous dit, ironisait Gustave Thibon, que nous vivons dans une époque passionnante. Alors d’où vient le fait que nous soyons si peu passionnés ? » Étrange conception du progrès, celle voulant que, pour nombre de contemporains, les œuvres qui faisaient frémir hier fassent bailler aujourd’hui. Or, si l’on attend d’un adolescent qu’il rejette les vieilles mœurs, on s’attend aussi au regain de clairvoyance, tôt ou tard. Et pourtant, bien trop d’intellectuels blasés semblent bloqués au stade de rébellion, en confondant passé et passéisme.

Tout a commencé par une farce, du moins, en apparence, lorsque Marcel Duchamp exposa son fameux urinoir ready-made, en 1917. C’est que, voyez-vous, il jugeait l’art antérieur trop « rétinien » – c’est-à-dire axé uniquement sur la beauté visuelle – et trop peu « intellectuel ». Il prônait l’abandon de critères de beauté traditionnels, et un art ne servant qu’à véhiculer un message, un concept, une idée. Ainsi, Duchamp porta le premier coup de couteau à une continuité esthétique remontant à l’Antiquité que les dadaïstes, cubistes, plasticiens et autres portèrent à leur tour. Ajoutez d’autres facteurs, y compris, aujourd’hui, l’assimilation de la croyance en une Beauté objective à des courants politiques infréquentables, et vous obtenez un establishment artistique et, par extension, une certaine élite, devenus insensibles à l’art classique.

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À peine ces lignes s’écrivent-elles que s’élèveront des objections faciles. Par exemple, le fait que dans l’histoire de l’art, la révolte contre la tradition a toujours existé. Un artiste, en effet, cherche à innover. Il suffit de regarder les préraphaélites : à leurs yeux, l’art de leur époque était enfermé dans de strictes règles comme dans une camisole de force. Ils décidèrent de balayer nombre de conventions, donnant lieu à des contes de fées et des légendes de chevalerie qui s’inscrivirent par la suite dans le canon occidental. Alors quelle différence, concluront certains, entre cette révolte-là et celles qui suivirent, si toutes furent d’abord honnies, puis adulées ?

Il est souhaitable que la créativité artistique se renouvelle, mais…

La différence est très claire : les préraphaélites, tout en cherchant de nouveaux horizons, ne perdirent pas de vue leur héritage artistique, ni l’amour du Beau éternel. L’on ne saurait en dire autant de l’art moderne. Et s’il est normal, même souhaitable, que la créativité artistique se renouvelle, il est en revanche inacceptable d’y sacrifier le salut de l’âme par la plus profonde beauté.

Ce qui nous ramène à nos chères œuvres classicistes. Comment faire pour redonner goût à l’ordre dans une époque vouée au relâchement ? Au subtil, au concret et à l’éternel, dans un milieu habitué au grossier, à l’abstrait et à l’éphémère ? Pensez au Diane et Endymion de Poussin, au Tu Marcellus eris d’Ingres, ou encore aux Sabines de David : tandis que certains n’y voient que des formes restreintes ne laissant place à nulle liberté, nous voyons plutôt la concentration de toute tension dramatique en un point culminant, déclenchant une réaction spirituelle des plus intenses. Voyez-vous, le classicisme est une alchimie : puiser dans le domaine du mythe et le tourbillon des idées, les canaliser dans une valve à pression pour les figer dans des lignes épurées et des formes gracieuses. Les exigences les plus strictes ne sont pas synonymes de stérilité, au contraire. Si les muscles se façonnent par la contrainte, et l’intelligence par l’examen, pourquoi l’esprit ne s’aiguiserait-il pas aussi sur la meule des anciens chefs-d’œuvre ?

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Loin d’être une tare, cette rectitude propre au classicisme est sa plus grande force. En brisant les codes esthétiques et en bannissant toute limite, nos contemporains ont renoncé aux vertus de la tempérance. C’est le chaos enfermé dans un ordre parfait, cette retenue dans la splendeur, qui crée, dans une œuvre d’art, la tension la plus stimulante.

Pour visualiser la chose, imaginez la flèche d’un archer, braqué sur vous. Son arc, tendu, presque au point de rupture. Maintenant, songez à cette question : entre cet instant-là – où vous sentez la sueur perler sur votre front, votre cœur battre la chamade et votre corps se paralyser, où les doigts de l’archer tremblent sur son arc, où la flèche ne demande plus qu’à percer votre chair – et l’instant d’après, où l’acte est accompli, où vous n’êtes plus ; entre ces deux instants, entre pressentiment et accomplissement du carnage, lequel suscite la plus grande intensité sensorielle ? La plus vive expérience spirituelle ?

Marc-Aurèle a écrit que la peur de la douleur est pire que la douleur elle-même. De la même manière, le carnage artistique, l’éventrement de la beauté, où tout fut révélé, où plus rien n’était insinué, fait pâle figure par rapport à l’idée du carnage, qu’incarne le classicisme : l’expérience esthétique dans la retenue féconde. L’extase de l’arc tendu.

Tu Marcellus eris, Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1812. DR.

Bayrou: le vertige du Rubicon

Notre chroniqueur s’amuse du petit caprice du dernier grand phare de notre vie politique nationale…


Nul ne peut le contester, Monsieur Bayrou est un homme de conviction ferme et d’opinion du même métal. L’opinion qu’il a de lui-même, tout d’abord, extrêmement positive, favorable, flatteuse, adossée à la conviction que, sans lui, la France aurait depuis belle lurette basculé dans le gouffre de néant au bord duquel elle ne cesse de faire l’équilibriste.

Blanchi au bénéfice du doute – le doute en ces matières est, pour l’opinion publique, ce petit rien qui empêche tout simplement de laver plus blanc que blanc – acquitté, donc, il pouvait légitimement voir s’ouvrir devant lui au plus large les portes du gouvernement. Au plus large, disais-je, car il visait haut. Il avait, fort de l’opinion et de la conviction tout juste évoquées, des exigences que de mauvaises langues, des esprits mesquins pourraient qualifier de caprices de diva. Le bruit a couru qu’il se voyait volontiers au moins ministre d’État, numéro 2 du gouvernement, ce qui, dans son esprit devait sans doute être pris pour une manifestation de grande modestie, d’extrême humilité, tellement il paraît persuadé que la première place, partout et toujours, doit lui revenir pratiquement de droit.

M. Bayrou nous donne l’impression de se comporter vis-à-vis du président de la République comme ces barons turbulents et infatués du Moyen Âge qui ne se gênaient guère de harceler leur roi élu de cette pique destinée à le ramener à résipiscence lorsqu’il se prenait pour plus qu’il n’était ou se la jouait par trop perso. «  N’oublie pas qui t’a fait roi ! », lui lançaient-ils. À quoi il avait beau jeu de rétorquer : « N’oubliez pas qui vous a fait barons ? » M. Bayrou, en effet, ne laisse passer aucune occasion de rappeler à qui veut l’entendre que sans lui et son ralliement en rase campagne lors de la présidentielle de 2017, de M. Macron à l’Élysée il n’y aurait pas eu. Cela n’est pas faux. Mais c’est loin, déjà. Or, le temps passe vite et le souvenir des bienfaits plus vite encore, surtout en politique ou la reconnaissance est une vertu de faible amplitude et de courte vie.

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La voie gouvernementale se serait bien trouvée ouverte devant M. Bayrou, certes, mais pas assez royale. On lui parlait Armée, il ambitionnait Éducation nationale ou un grand ministère de réconciliation entre ceux d’en bas et ceux d’en haut. (On passera sous silence le fait que cette belle mission aurait pu être le cœur d’ouvrage du Haut-Commissaire au plan qu’il était et est sans doute toujours, encore qu’on ait parfois du mal à le situer avec précision).

Bref, refusant l’entrée au gouvernement et se retirant sous sa tente tel Achille, M. Bayrou a tenu à porter à la connaissance du public son désaveu de la politique gouvernementale. En général, ce rôle de contempteur de l’exécutif est le domaine réservé et la zone de confort de l’opposition. Qu’à cela ne tienne ! Malgré cette dissonance plutôt mal venue surtout en ce moment, notre homme tient à réaffirmer son appartenance et celle de ses troupes à la majorité présidentielle. Comme quoi le « en même temps » parvient quelquefois à faire école. Pourtant, on le sent peu ou prou atteint du vertige du Rubicon. Au bord de la rupture, au bord de franchir le pas ultime. Il n’est pas le premier en politique à se trouver sur la rive de ce fleuve. La tentation du Rubicon vient inévitablement titiller tout ambitieux véritable. Il y a ceux, plutôt rares, qui l’ont franchi pour de bon et avec succès, tel M. Macron en son temps ; ceux plus nombreux qui s’y sont noyés. Et ceux plus nombreux encore qui n’ont fait qu’y barboter. À leur plus grande honte et désavantage. M. Bayrou a donc le choix. On tâchera de suivre cela, si possible avec passion.

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France 2 trop commerciale et pas assez culturelle selon TF1: de quoi je me mêle?

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Panique à TF1 : l’audience de la 2 pourrait bien passer devant son éternelle rivale, grâce à la diffusion des Jeux Olympiques ! Aussi, le groupe privé s’en va pleurer à Bruxelles, et y dénonce des «aides d’État illégales». Mais le défi de la transmission et de l’éveil d’un large public à des contenus de qualité ou plus culturels se réalise par un continuum. En ne proposant plus que des programmes culturels intimidants, en ne rassemblant personne, ce dont rêverait TF1, l’audiovisuel public manquerait à ses missions (cultiver, informer et divertir).


France 2 est-elle devenue une pâle copie de TF1 ? C’est en substance ce que la première chaine reproche à la seconde, et plus largement à France Télévisions, la Une ayant décidé de poursuivre le groupe dirigé par Delphine Ernotte devant la Commission européenne pour « aide d’État illégale » au motif qu’il se comporterait comme un groupe privé, multipliant les programmes commerciaux au détriment de ses missions de service public. TF1 reproche notamment à France Télévisions de ne pas diffuser assez de programmes culturels. Une accusation étonnante, qui ne résiste pas longtemps à l’analyse.

Rodolphe Belmer pense que France 2 est une concurrence préjudiciable à son groupe

En 2016, Olivier Babeau signait pour La Fondation pour l’innovation politique une note intitulée Refonder l’audiovisuel public. A quoi bon, se demandait l’essayiste, conserver une offre audiovisuelle publique si elle ne se démarque pas des chaines privées ? Selon lui, France Télévisions, pour se différencier, devrait abandonner le divertissement, segment sur lequel le groupe n’a pas de valeur-ajoutée par rapport au privé, pour se concentrer sur ses deux autres missions : informer, au nom du pluralisme, et cultiver, ce que les chaines privées ne font pas1.

Rodolphe Belmer, le patron de TF1, pense à peu près la même chose. Il reproche à France TV d’avoir mis le holà sur ses missions de service public, de diffuser trop de polars en prime time et pas assez de culture. En un mot, comme l’a résumé Delphine Ernotte, d’être « trop populaire ». Le 22 janvier, Le Figaro révélait ainsi que la filiale de Bouygues avait porté plainte, en novembre dernier, contre France Télévisions et l’État français auprès de la Commission européenne pour « aide d’État illégale »2. Principal grief : le financement accordé par l’État à France Télévisions ne serait pas suffisamment assorti de contrôles de ses missions de service public.

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Ce n’est pas la première fois que TF1 intente des actions à Bruxelles. En 1993 et 2008 déjà, la chaine privée se dressait contre ces mêmes aides publiques, avant d’être déboutée. TF1 était alors archidominante, ce qui n’est plus le cas – elle ne représentait plus que 18,6% de l’audience globale en 2023, contre 15,3% pour France 2. Cette lente érosion de ses audiences est évidemment due à la concurrence effrénée des plateformes de streaming (YouTube, Netflix, Amazon Prime, etc.), mais elle est également due à la montée en puissance de France 2. Dans les couloirs de France Télévisions, on n’hésite pas à y voir les fruits d’une modernisation de la grille des programmes, quand TF1 préfèrerait jouer la carte de la nostalgie, pour ne pas dire du passéisme (Star Academy, The Voice, Plus belle la Vie…). Fait inédit, la 2 pourrait bien passer devant son éternelle rivale dès cet été grâce à la diffusion des Jeux Olympiques.

Culture et divertissement peuvent faire bon ménage

Si les craintes de TF1 ne sont pas infondées, sa plainte devant la Commission européenne est-elle pour autant fondée ? C’est oublier un peu vite les nombreuses émissions et pastilles culturelles que l’on trouve sur les chaines publiques (Beau Geste, émission hebdo sur le cinéma, La Grande Librairie, seule émission dédiée aux livres en prime time sur une chaine généraliste en Europe, Le Grand échiquier, qui propose de partir à la découverte des artistes du monde ou encore Prodiges, concours de jeunes virtuoses de la musique classique, véritable succès d’audience, pour ne citer qu’elles), sans compter les documentaires exigeants, le spectacle vivant (concerts, théâtre, danse…), le cinéma d’auteur et même les émissions hybrides ou, au prétexte de divertir, la culture générale tient le haut du pavé (pensons à l’indéboulonnable Questions pour un Champion.)

Oui, France Télévisions diffuse encore de nombreux programmes culturels, et s’autorise même parfois à leur donner une forme ludique. Et les courbes d’audiences montrent que la recette fonctionne. Et c’est là toute la limite du raisonnement qui voudrait opposer divertissement et culture, comme si aucune porosité n’était possible entre les deux, comme si l’un ne servait pas l’autre. Tout l’enjeu est au contraire de profiter de l’appel d’air que constitue le divertissement pour orienter le public vers des programmes culturels plus exigeants.

Sans doute France Télévisions pourrait-elle réserver encore plus de place à la culture. Pour autant, une télévision publique uniquement dédiée à des concerts de musique classique, à des spectacles de danse ou à des pièces de théâtre, ouvrirait-elle davantage la culture aux Français ? Il est à craindre que non. Le public non averti la considèrerait comme une simple bizarrerie, un espace médiatique cloisonné et élitiste. Elle laisserait sur le bas-côté la grande majorité de l’audimat.

Le défi de l’accès du public à des contenus culturels de qualité se réalise par un panachage des programmes de divertissement et de culture, par un savant mélange des deux. En effet, on trouvera de nombreux films et émissions « commerciaux » et grand public sur France 2, à même de « concurrencer » TF1, mais c’est paradoxalement là la condition de l’existence et de la visibilité de programmes plus confidentiels et pointus en parallèle. On peut critiquer ce principe. Mais ce n’est pas le rôle d’une chaine privée de le faire. Ce n’est pas à TF1 de décider de la « politique culturelle française », pour paraphraser Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions.


  1. L’auteur proposait alors la « suppression de France 3, France 4 et France Ô, la privatisation de France 2 et l’établissement sur le canal 3 d’une chaîne culturelle libérée de toute contrainte d’audience, complémentaire avec France 5 et Arte » (…) « Dans quelle mesure le libre jeu du marché, c’est-à-dire des initiatives privées, ne pourrait-il obtenir un résultat au moins égal, et à moindre coût pour la collectivité ? » se demandait-il. Huit ans plus tard, si France Ô a bien tiré sa révérence, les autres chaines de France Télévisions font de la résistance, France 2 grignotant des parts d’audience. ↩︎
  2. https://www.lefigaro.fr/medias/tf1-poursuit-france-televisions-et-l-etat-francais-20240122 ↩︎

«La crise rurale est liée à une idéologie de la décroissance» 

Tête de liste LR aux prochaines élections européennes, François-Xavier Bellamy accuse la majorité macroniste de tenir un double langage sur l’agriculture, en soutenant à Bruxelles une réglementation qui étouffe les paysans, tout en prônant à Paris une simplification censée les soulager.


Causeur. La politique absurde de Bruxelles, qui impose aux agriculteurs européens un empilement de normes dont les importateurs étrangers sont exemptés, est au cœur de la révolte paysanne de cet hiver. Comment expliquer de telles aberrations ?

François-Xavier Bellamy. Elles s’expliquent par une idéologie de centre gauche, dont le macronisme est l’un des supplétifs, et qui vise à la décroissance européenne – avec pour effet de fragiliser tous ceux qui produisent en France – tout en ouvrant « en même temps » le continent à tous les vents de la mondialisation. D’où ces normes, aussi nombreuses qu’anarchiques, voire contradictoires, sans cohérence entre elles, qui finissent par engendrer de l’insécurité et de l’instabilité. Tandis que l’ouverture des marchés, elle, crée des inégalités en termes d’exigence entre producteurs et importateurs, et fausse la concurrence. J’ai un exemple très concret en tête. En novembre dernier, le groupe macroniste au Parlement européen, par la voix de Pascal Canfin, a défendu la loi sur la « restauration de la nature », qui implique la diminution des surfaces agricoles et accentue encore la perte d’autonomie alimentaire.

Quelle est la position de votre groupe sur cette loi ?

Nous ferraillons contre elle, et sommes accusés pour cela d’être des « trumpistes européens ». Pascal Canfin n’a d’ailleurs pas eu de mots assez durs à notre encontre. On ne peut qu’admirer la facilité et la plasticité avec laquelle la Macronie a retourné, depuis, ses éléments de langage… Reste le moment de vérité. L’accord trouvé sur cette loi doit être voté dans quelques semaines à Strasbourg. Nous continuerons de nous y opposer. Quid de Renaissance ?

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Les agriculteurs évoquent aussi souvent la question de la « surtransposition des normes » (qui consiste à transcrire un texte européen dans le droit national en y ajoutant des contraintes supplémentaires), sorte de malheurs de la vertu appliqués au monde agricole…

Cette surenchère de pureté, visant à s’afficher comme le meilleur élève de la classe Europe, a des conséquences délétères pour les producteurs puisque cela augmente les coûts et les prix tout en faussant la concurrence. Par exemple, on autorise en Belgique certains produits phytosanitaires, tels que les néonicotinoïdes pour la betterave sucrière, mais on les interdit en France. Alors que ces deux pays sont sur un même marché, qui n’a pas de frontières, pas de barrières, pas de droits de douane. Par ces décisions absurdes, nous détruisons notre économie. Le pire est que, depuis 2019, nous avons la preuve qu’une telle politique nous mène à l’impasse.

Comment cela ?

C’est à partir de cette année là que la balance commerciale de la France est devenue déficitaire sur les produits alimentaires. On est sauvé par le vin et les spiritueux qui permettent encore de maintenir la balance agricole globale, mais aujourd’hui nous sommes devenus dépendants en ce qui concerne notre alimentation. C’est un signal d’alarme terrible.

Francois-Xavier Bellamy. Credit:Jacques Witt/SIPA

Alors que faire ?

Commencer par des choses simples. D’abord, ne jamais importer en Europe ce qui est interdit d’y produire, ou ce qui ne respecte pas les normes imposées aux producteurs européens. Ensuite, ne jamais imposer à Paris une règle plus exigeante que celle qui est imposée par Bruxelles. Enfin exiger un moratoire réglementaire sur les normes environnementales, afin de faire l’inventaire, puis de supprimer quelques couches du mille-feuille.

Ne faut-il pas reconnaître que le gouvernement a quand même entendu les agriculteurs ?

Ceux-ci ont commencé à essayer de se faire entendre avec un mouvement non dénué d’humour consistant à retourner les panneaux d’entrée des villes pour symboliser le fait que l’on marchait sur la tête. Qui a repris leurs revendications ? Qui a entendu leur désespoir ? S’ils ont réussi à se faire entendre, c’est parce qu’ils ont fini par quitter leurs exploitations pour mettre vraiment la pression sur le gouvernement. C’est la peur qui fait réagir ce pouvoir et le rend un peu plus à l’écoute. Mais pour combien de temps ? Le problème, c’est que répondre aux demandes des agriculteurs demande de la constance, de la clarté et la capacité à inscrire une action dans la durée. Or la Macronie se caractérise par une grande fluidité. Est-ce que le gouvernement est prêt, à Paris comme à Bruxelles, à changer de cap, à abandonner une logique de suspicion et de contrôles tatillons pour redonner de la confiance aux agriculteurs ? S’il ne le fait pas rapidement, nous courrons le risque d’asphyxier notre agriculture, comme nous avons déjà asphyxié notre industrie.

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Vous paraissez douter de la bonne volonté du gouvernement…

La crise que nous connaissons est liée à une idéologie de la décroissance, qu’explique très bien la stratégie « Farm to Fork » (« de la ferme à la fourchette ») de la Commission européenne. Selon des études américaines, néerlandaises et même européennes, cette stratégie aura pour conséquence de geler 10 % de la surface agricole utile, de faire baisser fortement la production agricole de 15 % environ, et d’augmenter les prix tout en faisant baisser les revenus des agriculteurs. Or les élus Renaissance ont complètement adhéré à cette démarche, qu’ils ont promue et soutenue, tandis qu’Anne Sander, ma collègue LR membre de la commission de l’agriculture au Parlement européen et moi-même combattions cette stratégie et ses conséquences, telles que la loi « Restauration de la nature ». Le gouvernement Macron va-t-il cesser d’avoir un double langage, de désavouer en France ce qu’il soutient à Strasbourg et à Bruxelles ? Rien n’est moins sûr.

7-Octobre: ce qui unit Israël et la France

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Lors de l’hommage aux ressortissants français tués lors de l’attaque du 7 octobre en Israël, le président Macron a dénoncé le «plus grand massacre antisémite de notre siècle». Toutefois, promettre par la suite un «temps mémoriel» pour les victimes de Gaza n’est pas un choix opportun, selon notre chroniqueur. Car si toutes les vies innocentes se valent dans le conflit qui oppose la démocratie israélienne à la terreur islamiste du Hamas, toutes les morts ne sont pas équivalentes.


La haine d’Israël annonce la haine de la France ; la haine du Juif annonce la haine de tous. Une communauté de destin unit plus que jamais les deux plus vieilles nations. Certes, les 28 rois d’Israël qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris rappellent l’historique filiation de l’Eglise catholique. La roi David n’a-t-il pas légué à la royauté la fleur de lys ? Cependant, la guerre déclarée aux démocraties occidentales, et singulièrement à Israël et à la France, par l’islam suprémaciste renforce la solidarité entre les deux pays. En ce sens, l’hommage rendu aux Invalides ce mercredi par Emmanuel Macron aux 42 victimes franco-israéliennes du terrorisme islamiste, dépasse le sort du seul État hébreu. Derrière le pogrom anti-juifs du 7 octobre (1160 morts), conduit depuis Gaza par le Hamas, s’esquisse une même mise en danger des autres pays libres. C’est la haine de la France qui a conduit Mohamed Mogouchkov à assassiner au couteau son ancien professeur Dominique Bernard à Arras, le 13 octobre 2023. Ses motivations, révélées dans Le Parisien de mardi, puisaient moins dans un mimétisme avec le Hamas que dans la lecture compulsive du Coran guerrier et des versets appelant au djihad contre les ennemis de l’islam. « Ces versets-là s’enchaînent et se répètent », a reconnu Mogouchkov. Cette détestation de la France a poussé, samedi, le malien Kassogue S., présenté comme « musulman pratiquant non radicalisé », à blesser trois personnes Gare de Lyon, à Paris, à coups de couteau et de marteau. « Je déteste tous les Français », a-t-il expliqué en reprenant la rhétorique des minorités se disant victimes de l’Etat colonial.

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C’est ce totalitarisme islamiste, qui a des parentés avec le nazisme dans sa quête de l’homme pur et son obsession judéophobe, que soutient La France Insoumise, en mal de révolution prolétarienne. Son absurde entêtement à vouloir participer à l’hommage national contre le terrorisme, en dépit de l’opposition de familles de victimes choquées par le négationnisme de certains de ses membres, ne peut faire oublier sa traitrise. LFI, en refusant de qualifier de terroriste le massacre du 7 octobre, s’est enfermée dans une radicalité qui comble d’aise l’antisémitisme coranique, ce ressort religieux qui peut aller jusqu’à donner la mort au nom d’Allah offensé. Depuis quatre mois, les actes antisémites auraient augmenté de plus de 1000% ! Jean-Luc Mélenchon est devenu le porte-voix inaudible de ceux qui détestent Israël, la France et les démocraties.
Ceux-ci sont prêts à toutes les acrobaties pour disculper ceux qu’ils protègent.
Pour l’extrême gauche, le Hamas est un mouvement de résistance, tandis que l’État hébreu attaqué commet un génocide à Gaza. La victime devient bourreau, et inversement.
Or il devient urgent de choisir et de défendre son camp. En cela, Macron commet une faute en suggérant, en même temps, un « temps mémoriel » pour les victimes françaises à Gaza. Suggérer une équivalence entre un pogrom et une riposte militaire ajoute à la confusion des esprits. La lâcheté ne peut être la réponse à la haine.


Patriotisme d’importation

Jusqu’où un vice-président de la Commission européenne peut-il aller pour inciter les jeunes citoyens du Vieux Continent à voter? 


Si l’Union européenne se surpasse dans un domaine, c’est dans l’art de refiler les patates chaudes. Après avoir délégué une partie de sa production manufacturière aux Chinois, une partie de sa politique énergétique aux Russes et une partie de son « réarmement démographique » aux Africains, le Vieux Continent pourrait bien sous-traiter une partie de son civisme à… une citoyenne américaine. Le 10 janvier, un vice-président de la Commission, le Grec Margarítis Schinás, a très officiellement émis le souhait que Taylor Swift, talentueuse chanteuse d’outre-Atlantique, se mette au service de l’institution bruxelloise pour encourager les jeunes à voter lors des prochaines élections européennes le 9 juin. « J’espère que quelqu’un de son équipe médiatique suivra cette conférence de presse et lui transmettra ma demande », a lancé béatement le technocrate. Défense de rire ! Comment une idée aussi consternante a-t-elle pu germer ? Secrète passion pour la musique country ? Burn-out lié à un cruel sentiment d’inutilité ? Banal complexe provincial vis-à-vis des États-Unis ?

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La troisième solution est la bonne. En septembre dernier, la star aux 170 millions de disques vendus, connue pour son patriotisme, a appelé sur les réseaux sociaux ses jeunes concitoyens à voter aux prochaines présidentielles. Résultat, 35 000 d’entre eux se sont inscrits sur les listes électorales dès le lendemain. Un record. En attendant de connaître la réponse que Mlle Swift donnera à M. Schinás, remarquons que celui-ci n’est pas parvenu à identifier la moindre vedette européenne à même de satisfaire son désir mimétique. Preuve, s’il en était besoin, de l’inexistence d’une culture populaire commune sur notre continent. Quant à la mobilisation de la jeunesse lors des scrutins européens, elle est à peine plus consistante. La dernière fois, en 2019, la participation au vote des moins de 25 ans a atteint 42 %, contre 50 % pour l’ensemble de la population.

François Bayrou entre hier et demain…

Le maire de Pau, relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires, annonce avec fracas être en désaccord profond avec la politique suivie par Gabriel Attal, et il refuse de rentrer au gouvernement. L’homme politique de 72 ans semble ainsi se préparer pour 2027. Avec un argument simple: réconcilier la France d’en haut et d’en bas, pour empêcher l’arrivée du RN aux manettes. Ce que la trop parisienne macronie serait incapable de faire…


François Bayrou a refusé d’être ministre des Armées ; et pour l’Éducation nationale, « faute d’accord profond sur la politique à suivre », il n’entrera pas au gouvernement. Je perçois comme un ouf de soulagement du Premier ministre… On peut deviner que la philosophie éducative de François Bayrou l’aurait conduit vraisemblablement à être plus souple et moins réactif que l’ancien ministre Gabriel Attal. Ceux qui prédisaient qu’à tout prix il participerait à ce gouvernement qui n’en finit pas d’être inachevé en sont pour leurs frais. Je n’ai jamais vraiment apprécié le François Bayrou faiseur de président puisqu’il est clair que, sans lui, Emmanuel Macron n’aurait jamais été élu en 2017, si on ajoute la calamité judiciaire qui a amoindri François Fillon. Je n’ai pas davantage aimé l’auxiliaire dévoué et fidèle du macronisme, qui, malgré quelques accès surjoués d’indépendance, n’a jamais dérogé à une ligne qui me l’a rendu quasiment étranger par rapport à la personnalité que j’avais croisée puis connue et saluée au cours d’une période où il avait eu un rôle décisif de vigilance durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sans oublier une direction vigoureuse du parti centriste qu’il avait sorti de la tiédeur et de l’équivoque constante.

Bayrou relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem

Comme je me doute que beaucoup, dans tous les cas, s’en prendront à lui en glosant sur son âge, son incroyable bonne fortune judiciaire – y aura-t-il appel ou non ? -, son ambition jamais rassasiée, son obstination à ne pas sacrifier toute espérance présidentielle pour 2027 et sur son faible bilan lors de son passage rue de Grenelle (de 1994 à 1997), comme on va insister sur les ombres du personnage, sur la plaie de sa longévité dans notre monde politique, je voudrais au contraire, avec nostalgie, rappeler la chance qu’il a été et les lumières projetées par une destinée singulière, entêtée, courageuse et tolérante à une certaine époque.

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Je n’oublie pas, je n’oublie rien. À chaque université d’été du CDS, il avait la délicatesse de me proposer d’intervenir en me garantissant une totale liberté. Il l’a toujours respectée et je n’ai jamais perçu, chez lui, la moindre inquiétude face à un discours imprévisible, désaccordé d’avec les rails du centrisme classique, parfois provocateur. J’ai pu ainsi vérifier sa sincérité dans l’affirmation de ses valeurs et la validité de ce que bien plus tard il a déclaré : quand tous pensent la même chose, on ne pense plus rien. Quand Nicolas Sarkozy était président de la République, ses avertissements sur le déficit, le scandale de l’arbitrage Sarkozy-Tapie-Lagarde, une pratique du pouvoir ne brillant pas par l’allure et la dignité, ont rassuré plus d’un citoyen. Il a représenté alors une forte espérance et dans l’ensemble de ses interventions et actions, sa vision de la politique, caractérisée par une volonté de dépassement de la droite et de la gauche et par un humanisme social, n’était pas sans anticiper ce qu’Emmanuel Macron a exploité par la suite. Sa propre campagne présidentielle en 2002 n’a pas été médiocre et s’il n’est pas parvenu au second tour, les thèmes qu’il a développés ont marqué l’opinion ainsi que telle ou telle de ses réactions impulsives, par exemple sa petite tape à un gamin qui voulait le voler.

Traversée du désert

François Mitterrand qui était aussi impitoyable sur les autres que complaisant avec lui-même, avait toujours été impressionné par l’effort et la constance dont François Bayrou avait dû user pour vaincre son bégaiement. Ce serait se tromper sur lui que de l’appréhender seulement au regard de ses expériences ministérielles (l’une de très courte durée place Vendôme) et de sa traversée du désert (très relative) avec le haut-commissariat au Plan durant l’attente de l’issue judiciaire le concernant. Maire de Pau, je crois savoir qu’une majorité des habitants est satisfaite de ses orientations et de son action.

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Tourner en dérision cette personnalité parce qu’elle serait depuis trop longtemps dans notre espace démocratique serait faire fi d’un homme politique qui n’a jamais fait honte à la République, d’un homme que l’humanité n’a jamais déserté et peut-être d’un futur candidat qui n’a pas dit son dernier mot.

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Monsieur myself

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En 2019, Régis Debray nous régalait, et nous régale toujours, avec un livre intitulé Du génie français. Pourquoi Stendhal a-t-il détrôné Hugo ? Et que nous dit le premier de ce que nous sommes aujourd’hui ? Pour le savoir, il faut vite lire ou relire ce petit grand livre aussi instructif que drôle, dans cette veine qui caractérise Monsieur Debray, où la cruauté du constat est contrebalancée par une écriture joyeusement ironique.


« Monsieur Myself » est le titre du chapitre III de l’essai de Régis Debray, et fait entendre la concordance des temps entre les trois égotistes Lucien Leuwen, Fabrice del Dongo et Julien Sorel et le semi-autiste d’aujourd’hui qui déambule dans les rues, casque vissé sur la tête, ou oreillettes blanches pendouillant sous les lobes, et vous bousculant sans même s’excuser. « [Les personnages de Stendhal] sont jeunes, n’ont pas d’enfants, pas de famille, et, interdits de vieillissement, nous quittent en trois lignes. » Le jeunisme, avec lui, est en marche : « Vitamine C pour une société vieillissante qu’est la nôtre. Et que ça saute ! Fouette, cocher ! » Son style dont lui-même dit qu’il est « trop abrupt, trop heurté », « déplaît à son époque et enchante la nôtre. Raccourcis, ellipses, télescopages, ce décousu main est devenu standard. » (…) On « veut du brut, du cash et du leste ».

Stendhal, Balzac, Hugo

Balzac à côté est pesant ; ses descriptions n’en finissent pas. Qui n’a pas sauté quelques pages où un bahut était ausculté avec une minutie soporifique ? « Chez Beyle, les passages à sauter, il les saute lui-même » ! Et, contrairement à Hugo que les malheurs du monde – esclavage, peine de mort, travail des enfants – affectent, Stendhal n’en a cure : « Il est un Français léger, sociable, spirituel. » (…) « Son destin aura été de se libérer de l’Histoire comme destin. Croyant porter Napoléon aux nues, il hissait Fabrice sur le pavois. » (…) Et si «  L’Histoire reste nécessaire, c’est comme décor, comme toile de fond ». À l’image de ceux qui aujourd’hui se prennent en selfie devant tel ou tel monument, voire en live lors d’évènements.

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« L’idée qu’une personne ne saurait se réaliser qu’en participant à un collectif qui le dépasse et l’exprime à la fois – parti, église, classe, nation ou Internationale – et que c’est alors qu’elle devient libre, est à présent une idée dangereuse et son improbable avocat, l’idiot utile d’un goulag en chantier. Être libre, dorénavant, c’est couper les attaches ». Julien, Fabrice et Lucien sont les précurseurs de l’injonction de notre temps : « Deviens un autoentrepreneur, fais-toi un nom, un magot et un programme avec tes initiales ». Le passage où Régis Debray égrène tous les vocables qui commencent par auto est un répertoire historique et jubilatoire : « Entre l’autodétermination en alibi et l’autocratie en repoussoir, nous courons tous après l’autonomie en politique, l’autobiographie en librairie, l’autofiction en fin du fin (…) l’automobile à la campagne (my car is my castle) l’autoérotisme à demeure (il est sain de se masturber) ». Et ce n’est pas fini ! L’auto-engendrement de soi-même n’a pas de limites. « L’autiste conversationnel a besoin des autres pour converser avec lui-même », ce qui fait que « là où Balzac décrit et Flaubert s’efface, Stendhal se raconte ».

Quand le singulier se substitue au pluriel

Le singulier se substitue au pluriel, même si l’individualiste actuel n’est pas forcément singulier… Toujours est-il que notre fin limier s’interroge : « D’où vient que le titre qui marche est au singulier, le pluriel porte la poisse. Aurélien, oui. Les communistes, non. Jean Barois, oui. Les Thibault, non. Corydon, oui. Les Faux-Monnayeurs, non. L’enfance d’un chef, oui. Les chemins de la liberté, non. Knock, oui. Les Hommes de bonne volonté, non. Etc. » C’est que la « story » a remplacé l’Histoire. Dès lors, Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, les Châtiments et les Orientales ne sont plus de saison. Que voulez-vous, le peuple fait populiste et le public qui le remplace est au spectacle.

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Les quelques pages consacrées à Victor Hugo sont – on s’en sera douté – à l’avantage de l’ogre de Guernesey. « Stendhal réduit l’homme à l’individu, Hugo voit l’homme à travers l’individu. » C’est la fameuse « ouverture de compas », si chère à Régis Debray, qui manque au « spectateur dégagé » que fut Henri Beyle et dont on apprend, par ailleurs, qu’il n’aimait pas la France. L’Italie vous avait tout de même une autre luminosité… Enfin, notre philosophe écrivain lui porte le coup de grâce : « Quatre-vingt-treize, qui dit le tout de la Révolution, c’est tempête sous un crâne. La vie de Henry Brulard, c’est plus cosy et peut se lire au lit. » A notre époque qui a substitué la couette ouatée à la couverture un peu rêche et le jeune loup solitaire à une communauté de destin, Stendhal se porte évidemment bien mieux que Victor Hugo.

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LFI aux Invalides: il est curieux de forcer la porte d’un enterrement

La présence de députés LFI, ayant tenu des propos controversés sur le Hamas, ce matin aux Invalides à l’hommage aux 42 victimes franco-israéliennes du 7 octobre, est dure à avaler. Pourquoi ne pas avoir envoyé François Ruffin ? Une honte pour la gauche. Le président Macron devrait parler à midi.


L’hommage aux victimes françaises du 7 octobre suscite beaucoup de polémiques. Si le président Macron comptait faire l’unité autour de cet hommage, c’est raté.

Le scandale, évidemment, est arrivé par les Insoumis. Ils sont invités, ils viendront. L’Élysée s’en est lavé les mains : aux partis de faire ce qui est « juste et élégant ». Des mots qui visiblement n’ont pas le même sens pour tous.

Coquerel et Panot oseront-ils regarder les familles en face ?

Bien sûr, que les députés LFI viennent à l’hommage, c’est leur droit. Les usages républicains etc, etc. Même si eux s’en moquent, en réalité, des usages républicains! C’est aussi leur droit de ne pas qualifier le Hamas d’organisation terroriste, voire, comme Danièle Obono au micro de Jean-Jacques Bourdin, de l’appeler « mouvement de résistance ». C’est leur droit de traiter Israël d’État « terroriste », « génocidaire » ou de parler d’ « apartheid ». C’est leur droit de faire des appels du pied aux islamo-antisémites. Nous sommes dans une démocratie.

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Mais, c’est aussi leur droit d’être décents. Il est curieux de forcer la porte d’un enterrement. Cinq familles accusent LFI d’« indécence », de « relativisme » et de « négationnisme ». Et elles estiment que la présence de Mathilde Panot serait une injure. Comme l’a dit, également chez Jean-Jacques Bourdin, le député franco-israélien Meyer Habib, LFI aurait pu déléguer François Ruffin ou Alexis Corbière dont la langue n’a pas tremblé après le 7 octobre. Mais non : ce sera Coquerel – qui qualifie Israël d’État terroriste – et Panot ! Peu leur importe de blesser des familles endeuillées. On verra s’ils osent les regarder en face. Le pire, c’est que le président de la République cède à l’extrême gauche en promettant un autre hommage (un temps mémoriel, dit-on à l’Elysée) pour les Français morts à Gaza.

Mais toutes les victimes se valent, me répliquera-t-on !

Évidemment ! Toutes les victimes se valent. Mais toutes les morts ne s’équivalent pas. Toutes les victimes du conflit entre Israël et le Hamas ne sont pas mortes dans les mêmes conditions. Annoncer maintenant qu’on va honorer les victimes de Gaza, c’est établir implicitement une symétrie entre le 7 Octobre et la riposte israélienne. Or, le Hamas a délibérément massacré et torturé des civils – et l’a même filmé. Les Israéliens, de leur côté, tuent des civils dans une guerre qu’ils estiment existentielle – mais ils ne cherchent pas cela. Je vous renvoie vers un article récent de Newsweek qui montre leurs efforts pour épargner les vies civiles [1].

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Un hommage n’est pas seulement une manifestation de compassion, c’est un acte politique. Une façon d’affirmer qu’entre la théocratie terroriste qui gouverne Gaza et la démocratie israélienne, aussi imparfaite soit-elle, la France peut choisir son camp. Si le président veut honorer les Français et tous les civils morts à Gaza, d’accord, très bien, mais qu’il dise alors que le Hamas est responsable de leur malheur.

Seulement, on dirait plutôt qu’Emmanuel Macron veut échapper au soupçon du deux poids-deux mesures. Il est difficile de ne pas y voir un appel du pied à la rue musulmane. Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman. Ce chèvreetchoutisme n’est décidément pas à la hauteur de l’Histoire…


Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale après le journal de 8 heures.


[1] https://www.newsweek.com/israel-implemented-more-measures-prevent-civilian-casualties-any-other-nation-history-opinion-1865613

La chambre hot


Un chantage à la sextape impliquant un sénateur et une assistante médicale déstabilise le Sénat. Gérard Larcher aurait tenu l’affaire secrète depuis des mois.


Avec son président bedonnant, ses élus presque inamovibles, sa bonne table, ses mœurs du début du siècle, le Sénat cultive une image « Belle Epoque » délicieusement surannée. À travers l’histoire que nous raconte aujourd’hui Le Canard enchaîné, nous voilà carrément plongés dans l’ambiance du vaudeville, remis au goût du jour, dans une version 2.0. Une affaire qui ferait des gorges chaudes dans les couloirs feutrés du Palais du Luxembourg…

C’est en effet une histoire de sextape qui donnerait des sueurs froides depuis trois mois au président Larcher, deuxième personnage de l’Etat. Dans cette vidéo, on y voit un sénateur « ayant occupé de hautes fonctions », le pantalon sur les chaussettes, dans son bureau, dans une posture à mi-chemin entre Rocco Siffredi et le président Félix Faure peu avant de s’éteindre. La séquence a été filmée par une personne de sexe opposé qui, nous rassure le Canard, a donné tous les signaux de son consentement.

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L’affaire en serait restée là si l’intrigante n’avait décidé de faire de ce chef-d’œuvre cinématographique un outil de pression. Assistante médicale du médecin du Sénat, elle aurait fait vivre « un cauchemar » à celui-ci pendant deux ans, bien certaine d’être « intouchable » car « protégée » par un parlementaire influent. Elle se vante alors de pouvoir faire « virer n’importe qui » grâce à une vidéo. Pour prouver ses dires, l’assistante la transmet même au médecin.

Un beau jour d’octobre 2023, le toubib perd patience et signale le comportement de sa subordonnée à la Directrice des ressources humaines de la prestigieuse maison. Quelques jours plus tard, la secrétaire générale de la questure (la plus haute fonctionnaire du Sénat) s’enquiert de l’affaire et s’entretient avec le médecin. Consciencieux, le médecin donne une description précise de la vidéo. L’affaire remonte jusqu’à la présidence. C’est alors que Gérard Larcher demande que lui soit remise une copie de la vidéo. On imagine presque le président, une fois le téléchargement terminé, rejouant la fameuse scène de Daniel Gélin dans La vie est un long fleuve tranquille.

Hélas, pour notre bon médecin, c’est le début des ennuis. En janvier dernier, il reçoit une lettre de dix pages lui annonçant l’ouverture d’une procédure de licenciement. En cinq années de bons et loyaux services, il n’y avait pas grand-chose à reprocher au praticien, mais en fouillant dans les poubelles, on trouve bien une demi-journée d’absence injustifiée. Pas de mention, en revanche, de l’affaire de la vidéo, parmi les motifs de licenciement.

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Une intrigue qui s’emboîte avec une autre, toujours au Sénat, toujours avec le même médecin. En novembre 2023, souvenez-vous, le sénateur au petit chat Joël Guerriau défraye la chronique[1]. Arrêté par la police et mis en examen, il est soupçonné d’avoir tenté de droguer à son domicile une députée MoDem, probablement dans le but d’en faire son quatre heures. Après sa mise en examen, l’élu de Loire-Atlantique est allé consulter le médecin du Sénat, lequel lui a prescrit un arrêt de travail. Un choix qui n’a pas plu, mais alors pas du tout plu au président Larcher, qui s’est mis en colère tout rouge. Gardien de la tranquillité de sa vénérable institution, Gérard Larcher n’avait qu’une hâte, avant même les conclusions de l’enquête judicaire : pousser l’encombrant sénateur à démissionner. Mais tant que l’arrêt de travail court, impossible ! Gérard Larcher contacte alors le conseil de l’ordre départemental des médecins, qui défend le confrère : « soumis au secret médical, le docteur a justifié l’entièreté de ses décisions thérapeutiques ».

Ni le président du Sénat, ni le médecin n’ont souhaité répondre à la presse suite aux révélations du jour du Canard Enchainé. Dans un ultime paragraphe de l’article de nos confrères, on apprend que c’est le fameux sénateur de la vidéo qui a imposé au médecin l’effrontée collaboratrice ! En avril 2021, l’élu se serait même ému, auprès du président Larcher, de la modeste paye de l’assistante. Peu après, celle-ci a bénéficié d’un vrai coup de pouce, avec une augmentation de 45%. Le palmipède conclut : « à l’époque, personne n’avait pipé mot ».


[1] https://www.causeur.fr/la-deputee-sandrine-josso-le-senateur-joel-guerriau-et-le-petit-chat-270140

Art: et si le classicisme n’était pas aussi dégueulasse qu’on le dit?

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Diane et Endymion, Nicolas Poussin, 1630. DR.

Le classicisme, ou l’extase de l’arc tendu


S’il est un crime à ne jamais laisser impuni, c’est bien celui de salir des lieux d’exception par des lieux communs. Combien de fois, dans les ailes de musée consacrées au classicisme, n’ai-je entendu d’inepties s’échapper de bouches mondaines. Amoureux du Beau, je vous en conjure : devant les helléniades de Poussin, les Madone de Raphaël, tendez l’oreille, et faites-en l’expérience. Vous entendrez toujours de ces risibles doléances : « Un beau trait, de belles formes, certes, mais enfin, tout cela manque un peu d’air. C’est trop sec, trop rigide ! » Autrement dit, l’ordre et la tradition dans l’art, passés leur heure de gloire, ne se laissent plus briller, ne se laissent  plus voir.

Blasés

« On nous dit, ironisait Gustave Thibon, que nous vivons dans une époque passionnante. Alors d’où vient le fait que nous soyons si peu passionnés ? » Étrange conception du progrès, celle voulant que, pour nombre de contemporains, les œuvres qui faisaient frémir hier fassent bailler aujourd’hui. Or, si l’on attend d’un adolescent qu’il rejette les vieilles mœurs, on s’attend aussi au regain de clairvoyance, tôt ou tard. Et pourtant, bien trop d’intellectuels blasés semblent bloqués au stade de rébellion, en confondant passé et passéisme.

Tout a commencé par une farce, du moins, en apparence, lorsque Marcel Duchamp exposa son fameux urinoir ready-made, en 1917. C’est que, voyez-vous, il jugeait l’art antérieur trop « rétinien » – c’est-à-dire axé uniquement sur la beauté visuelle – et trop peu « intellectuel ». Il prônait l’abandon de critères de beauté traditionnels, et un art ne servant qu’à véhiculer un message, un concept, une idée. Ainsi, Duchamp porta le premier coup de couteau à une continuité esthétique remontant à l’Antiquité que les dadaïstes, cubistes, plasticiens et autres portèrent à leur tour. Ajoutez d’autres facteurs, y compris, aujourd’hui, l’assimilation de la croyance en une Beauté objective à des courants politiques infréquentables, et vous obtenez un establishment artistique et, par extension, une certaine élite, devenus insensibles à l’art classique.

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À peine ces lignes s’écrivent-elles que s’élèveront des objections faciles. Par exemple, le fait que dans l’histoire de l’art, la révolte contre la tradition a toujours existé. Un artiste, en effet, cherche à innover. Il suffit de regarder les préraphaélites : à leurs yeux, l’art de leur époque était enfermé dans de strictes règles comme dans une camisole de force. Ils décidèrent de balayer nombre de conventions, donnant lieu à des contes de fées et des légendes de chevalerie qui s’inscrivirent par la suite dans le canon occidental. Alors quelle différence, concluront certains, entre cette révolte-là et celles qui suivirent, si toutes furent d’abord honnies, puis adulées ?

Il est souhaitable que la créativité artistique se renouvelle, mais…

La différence est très claire : les préraphaélites, tout en cherchant de nouveaux horizons, ne perdirent pas de vue leur héritage artistique, ni l’amour du Beau éternel. L’on ne saurait en dire autant de l’art moderne. Et s’il est normal, même souhaitable, que la créativité artistique se renouvelle, il est en revanche inacceptable d’y sacrifier le salut de l’âme par la plus profonde beauté.

Ce qui nous ramène à nos chères œuvres classicistes. Comment faire pour redonner goût à l’ordre dans une époque vouée au relâchement ? Au subtil, au concret et à l’éternel, dans un milieu habitué au grossier, à l’abstrait et à l’éphémère ? Pensez au Diane et Endymion de Poussin, au Tu Marcellus eris d’Ingres, ou encore aux Sabines de David : tandis que certains n’y voient que des formes restreintes ne laissant place à nulle liberté, nous voyons plutôt la concentration de toute tension dramatique en un point culminant, déclenchant une réaction spirituelle des plus intenses. Voyez-vous, le classicisme est une alchimie : puiser dans le domaine du mythe et le tourbillon des idées, les canaliser dans une valve à pression pour les figer dans des lignes épurées et des formes gracieuses. Les exigences les plus strictes ne sont pas synonymes de stérilité, au contraire. Si les muscles se façonnent par la contrainte, et l’intelligence par l’examen, pourquoi l’esprit ne s’aiguiserait-il pas aussi sur la meule des anciens chefs-d’œuvre ?

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Loin d’être une tare, cette rectitude propre au classicisme est sa plus grande force. En brisant les codes esthétiques et en bannissant toute limite, nos contemporains ont renoncé aux vertus de la tempérance. C’est le chaos enfermé dans un ordre parfait, cette retenue dans la splendeur, qui crée, dans une œuvre d’art, la tension la plus stimulante.

Pour visualiser la chose, imaginez la flèche d’un archer, braqué sur vous. Son arc, tendu, presque au point de rupture. Maintenant, songez à cette question : entre cet instant-là – où vous sentez la sueur perler sur votre front, votre cœur battre la chamade et votre corps se paralyser, où les doigts de l’archer tremblent sur son arc, où la flèche ne demande plus qu’à percer votre chair – et l’instant d’après, où l’acte est accompli, où vous n’êtes plus ; entre ces deux instants, entre pressentiment et accomplissement du carnage, lequel suscite la plus grande intensité sensorielle ? La plus vive expérience spirituelle ?

Marc-Aurèle a écrit que la peur de la douleur est pire que la douleur elle-même. De la même manière, le carnage artistique, l’éventrement de la beauté, où tout fut révélé, où plus rien n’était insinué, fait pâle figure par rapport à l’idée du carnage, qu’incarne le classicisme : l’expérience esthétique dans la retenue féconde. L’extase de l’arc tendu.

Tu Marcellus eris, Jean-Auguste-Dominique Ingres, 1812. DR.

Bayrou: le vertige du Rubicon

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François Bayrou, 8 février 2024 © Capture France info.

Notre chroniqueur s’amuse du petit caprice du dernier grand phare de notre vie politique nationale…


Nul ne peut le contester, Monsieur Bayrou est un homme de conviction ferme et d’opinion du même métal. L’opinion qu’il a de lui-même, tout d’abord, extrêmement positive, favorable, flatteuse, adossée à la conviction que, sans lui, la France aurait depuis belle lurette basculé dans le gouffre de néant au bord duquel elle ne cesse de faire l’équilibriste.

Blanchi au bénéfice du doute – le doute en ces matières est, pour l’opinion publique, ce petit rien qui empêche tout simplement de laver plus blanc que blanc – acquitté, donc, il pouvait légitimement voir s’ouvrir devant lui au plus large les portes du gouvernement. Au plus large, disais-je, car il visait haut. Il avait, fort de l’opinion et de la conviction tout juste évoquées, des exigences que de mauvaises langues, des esprits mesquins pourraient qualifier de caprices de diva. Le bruit a couru qu’il se voyait volontiers au moins ministre d’État, numéro 2 du gouvernement, ce qui, dans son esprit devait sans doute être pris pour une manifestation de grande modestie, d’extrême humilité, tellement il paraît persuadé que la première place, partout et toujours, doit lui revenir pratiquement de droit.

M. Bayrou nous donne l’impression de se comporter vis-à-vis du président de la République comme ces barons turbulents et infatués du Moyen Âge qui ne se gênaient guère de harceler leur roi élu de cette pique destinée à le ramener à résipiscence lorsqu’il se prenait pour plus qu’il n’était ou se la jouait par trop perso. «  N’oublie pas qui t’a fait roi ! », lui lançaient-ils. À quoi il avait beau jeu de rétorquer : « N’oubliez pas qui vous a fait barons ? » M. Bayrou, en effet, ne laisse passer aucune occasion de rappeler à qui veut l’entendre que sans lui et son ralliement en rase campagne lors de la présidentielle de 2017, de M. Macron à l’Élysée il n’y aurait pas eu. Cela n’est pas faux. Mais c’est loin, déjà. Or, le temps passe vite et le souvenir des bienfaits plus vite encore, surtout en politique ou la reconnaissance est une vertu de faible amplitude et de courte vie.

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La voie gouvernementale se serait bien trouvée ouverte devant M. Bayrou, certes, mais pas assez royale. On lui parlait Armée, il ambitionnait Éducation nationale ou un grand ministère de réconciliation entre ceux d’en bas et ceux d’en haut. (On passera sous silence le fait que cette belle mission aurait pu être le cœur d’ouvrage du Haut-Commissaire au plan qu’il était et est sans doute toujours, encore qu’on ait parfois du mal à le situer avec précision).

Bref, refusant l’entrée au gouvernement et se retirant sous sa tente tel Achille, M. Bayrou a tenu à porter à la connaissance du public son désaveu de la politique gouvernementale. En général, ce rôle de contempteur de l’exécutif est le domaine réservé et la zone de confort de l’opposition. Qu’à cela ne tienne ! Malgré cette dissonance plutôt mal venue surtout en ce moment, notre homme tient à réaffirmer son appartenance et celle de ses troupes à la majorité présidentielle. Comme quoi le « en même temps » parvient quelquefois à faire école. Pourtant, on le sent peu ou prou atteint du vertige du Rubicon. Au bord de la rupture, au bord de franchir le pas ultime. Il n’est pas le premier en politique à se trouver sur la rive de ce fleuve. La tentation du Rubicon vient inévitablement titiller tout ambitieux véritable. Il y a ceux, plutôt rares, qui l’ont franchi pour de bon et avec succès, tel M. Macron en son temps ; ceux plus nombreux qui s’y sont noyés. Et ceux plus nombreux encore qui n’ont fait qu’y barboter. À leur plus grande honte et désavantage. M. Bayrou a donc le choix. On tâchera de suivre cela, si possible avec passion.

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France 2 trop commerciale et pas assez culturelle selon TF1: de quoi je me mêle?

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DR.

Panique à TF1 : l’audience de la 2 pourrait bien passer devant son éternelle rivale, grâce à la diffusion des Jeux Olympiques ! Aussi, le groupe privé s’en va pleurer à Bruxelles, et y dénonce des «aides d’État illégales». Mais le défi de la transmission et de l’éveil d’un large public à des contenus de qualité ou plus culturels se réalise par un continuum. En ne proposant plus que des programmes culturels intimidants, en ne rassemblant personne, ce dont rêverait TF1, l’audiovisuel public manquerait à ses missions (cultiver, informer et divertir).


France 2 est-elle devenue une pâle copie de TF1 ? C’est en substance ce que la première chaine reproche à la seconde, et plus largement à France Télévisions, la Une ayant décidé de poursuivre le groupe dirigé par Delphine Ernotte devant la Commission européenne pour « aide d’État illégale » au motif qu’il se comporterait comme un groupe privé, multipliant les programmes commerciaux au détriment de ses missions de service public. TF1 reproche notamment à France Télévisions de ne pas diffuser assez de programmes culturels. Une accusation étonnante, qui ne résiste pas longtemps à l’analyse.

Rodolphe Belmer pense que France 2 est une concurrence préjudiciable à son groupe

En 2016, Olivier Babeau signait pour La Fondation pour l’innovation politique une note intitulée Refonder l’audiovisuel public. A quoi bon, se demandait l’essayiste, conserver une offre audiovisuelle publique si elle ne se démarque pas des chaines privées ? Selon lui, France Télévisions, pour se différencier, devrait abandonner le divertissement, segment sur lequel le groupe n’a pas de valeur-ajoutée par rapport au privé, pour se concentrer sur ses deux autres missions : informer, au nom du pluralisme, et cultiver, ce que les chaines privées ne font pas1.

Rodolphe Belmer, le patron de TF1, pense à peu près la même chose. Il reproche à France TV d’avoir mis le holà sur ses missions de service public, de diffuser trop de polars en prime time et pas assez de culture. En un mot, comme l’a résumé Delphine Ernotte, d’être « trop populaire ». Le 22 janvier, Le Figaro révélait ainsi que la filiale de Bouygues avait porté plainte, en novembre dernier, contre France Télévisions et l’État français auprès de la Commission européenne pour « aide d’État illégale »2. Principal grief : le financement accordé par l’État à France Télévisions ne serait pas suffisamment assorti de contrôles de ses missions de service public.

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Ce n’est pas la première fois que TF1 intente des actions à Bruxelles. En 1993 et 2008 déjà, la chaine privée se dressait contre ces mêmes aides publiques, avant d’être déboutée. TF1 était alors archidominante, ce qui n’est plus le cas – elle ne représentait plus que 18,6% de l’audience globale en 2023, contre 15,3% pour France 2. Cette lente érosion de ses audiences est évidemment due à la concurrence effrénée des plateformes de streaming (YouTube, Netflix, Amazon Prime, etc.), mais elle est également due à la montée en puissance de France 2. Dans les couloirs de France Télévisions, on n’hésite pas à y voir les fruits d’une modernisation de la grille des programmes, quand TF1 préfèrerait jouer la carte de la nostalgie, pour ne pas dire du passéisme (Star Academy, The Voice, Plus belle la Vie…). Fait inédit, la 2 pourrait bien passer devant son éternelle rivale dès cet été grâce à la diffusion des Jeux Olympiques.

Culture et divertissement peuvent faire bon ménage

Si les craintes de TF1 ne sont pas infondées, sa plainte devant la Commission européenne est-elle pour autant fondée ? C’est oublier un peu vite les nombreuses émissions et pastilles culturelles que l’on trouve sur les chaines publiques (Beau Geste, émission hebdo sur le cinéma, La Grande Librairie, seule émission dédiée aux livres en prime time sur une chaine généraliste en Europe, Le Grand échiquier, qui propose de partir à la découverte des artistes du monde ou encore Prodiges, concours de jeunes virtuoses de la musique classique, véritable succès d’audience, pour ne citer qu’elles), sans compter les documentaires exigeants, le spectacle vivant (concerts, théâtre, danse…), le cinéma d’auteur et même les émissions hybrides ou, au prétexte de divertir, la culture générale tient le haut du pavé (pensons à l’indéboulonnable Questions pour un Champion.)

Oui, France Télévisions diffuse encore de nombreux programmes culturels, et s’autorise même parfois à leur donner une forme ludique. Et les courbes d’audiences montrent que la recette fonctionne. Et c’est là toute la limite du raisonnement qui voudrait opposer divertissement et culture, comme si aucune porosité n’était possible entre les deux, comme si l’un ne servait pas l’autre. Tout l’enjeu est au contraire de profiter de l’appel d’air que constitue le divertissement pour orienter le public vers des programmes culturels plus exigeants.

Sans doute France Télévisions pourrait-elle réserver encore plus de place à la culture. Pour autant, une télévision publique uniquement dédiée à des concerts de musique classique, à des spectacles de danse ou à des pièces de théâtre, ouvrirait-elle davantage la culture aux Français ? Il est à craindre que non. Le public non averti la considèrerait comme une simple bizarrerie, un espace médiatique cloisonné et élitiste. Elle laisserait sur le bas-côté la grande majorité de l’audimat.

Le défi de l’accès du public à des contenus culturels de qualité se réalise par un panachage des programmes de divertissement et de culture, par un savant mélange des deux. En effet, on trouvera de nombreux films et émissions « commerciaux » et grand public sur France 2, à même de « concurrencer » TF1, mais c’est paradoxalement là la condition de l’existence et de la visibilité de programmes plus confidentiels et pointus en parallèle. On peut critiquer ce principe. Mais ce n’est pas le rôle d’une chaine privée de le faire. Ce n’est pas à TF1 de décider de la « politique culturelle française », pour paraphraser Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions.


  1. L’auteur proposait alors la « suppression de France 3, France 4 et France Ô, la privatisation de France 2 et l’établissement sur le canal 3 d’une chaîne culturelle libérée de toute contrainte d’audience, complémentaire avec France 5 et Arte » (…) « Dans quelle mesure le libre jeu du marché, c’est-à-dire des initiatives privées, ne pourrait-il obtenir un résultat au moins égal, et à moindre coût pour la collectivité ? » se demandait-il. Huit ans plus tard, si France Ô a bien tiré sa révérence, les autres chaines de France Télévisions font de la résistance, France 2 grignotant des parts d’audience. ↩︎
  2. https://www.lefigaro.fr/medias/tf1-poursuit-france-televisions-et-l-etat-francais-20240122 ↩︎

«La crise rurale est liée à une idéologie de la décroissance» 

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François-Xavier Bellamy. © Jacques Witt/SIPA

Tête de liste LR aux prochaines élections européennes, François-Xavier Bellamy accuse la majorité macroniste de tenir un double langage sur l’agriculture, en soutenant à Bruxelles une réglementation qui étouffe les paysans, tout en prônant à Paris une simplification censée les soulager.


Causeur. La politique absurde de Bruxelles, qui impose aux agriculteurs européens un empilement de normes dont les importateurs étrangers sont exemptés, est au cœur de la révolte paysanne de cet hiver. Comment expliquer de telles aberrations ?

François-Xavier Bellamy. Elles s’expliquent par une idéologie de centre gauche, dont le macronisme est l’un des supplétifs, et qui vise à la décroissance européenne – avec pour effet de fragiliser tous ceux qui produisent en France – tout en ouvrant « en même temps » le continent à tous les vents de la mondialisation. D’où ces normes, aussi nombreuses qu’anarchiques, voire contradictoires, sans cohérence entre elles, qui finissent par engendrer de l’insécurité et de l’instabilité. Tandis que l’ouverture des marchés, elle, crée des inégalités en termes d’exigence entre producteurs et importateurs, et fausse la concurrence. J’ai un exemple très concret en tête. En novembre dernier, le groupe macroniste au Parlement européen, par la voix de Pascal Canfin, a défendu la loi sur la « restauration de la nature », qui implique la diminution des surfaces agricoles et accentue encore la perte d’autonomie alimentaire.

Quelle est la position de votre groupe sur cette loi ?

Nous ferraillons contre elle, et sommes accusés pour cela d’être des « trumpistes européens ». Pascal Canfin n’a d’ailleurs pas eu de mots assez durs à notre encontre. On ne peut qu’admirer la facilité et la plasticité avec laquelle la Macronie a retourné, depuis, ses éléments de langage… Reste le moment de vérité. L’accord trouvé sur cette loi doit être voté dans quelques semaines à Strasbourg. Nous continuerons de nous y opposer. Quid de Renaissance ?

A lire aussi : Droite: Bellamy, tête de liste et tête de turc

Les agriculteurs évoquent aussi souvent la question de la « surtransposition des normes » (qui consiste à transcrire un texte européen dans le droit national en y ajoutant des contraintes supplémentaires), sorte de malheurs de la vertu appliqués au monde agricole…

Cette surenchère de pureté, visant à s’afficher comme le meilleur élève de la classe Europe, a des conséquences délétères pour les producteurs puisque cela augmente les coûts et les prix tout en faussant la concurrence. Par exemple, on autorise en Belgique certains produits phytosanitaires, tels que les néonicotinoïdes pour la betterave sucrière, mais on les interdit en France. Alors que ces deux pays sont sur un même marché, qui n’a pas de frontières, pas de barrières, pas de droits de douane. Par ces décisions absurdes, nous détruisons notre économie. Le pire est que, depuis 2019, nous avons la preuve qu’une telle politique nous mène à l’impasse.

Comment cela ?

C’est à partir de cette année là que la balance commerciale de la France est devenue déficitaire sur les produits alimentaires. On est sauvé par le vin et les spiritueux qui permettent encore de maintenir la balance agricole globale, mais aujourd’hui nous sommes devenus dépendants en ce qui concerne notre alimentation. C’est un signal d’alarme terrible.

Francois-Xavier Bellamy. Credit:Jacques Witt/SIPA

Alors que faire ?

Commencer par des choses simples. D’abord, ne jamais importer en Europe ce qui est interdit d’y produire, ou ce qui ne respecte pas les normes imposées aux producteurs européens. Ensuite, ne jamais imposer à Paris une règle plus exigeante que celle qui est imposée par Bruxelles. Enfin exiger un moratoire réglementaire sur les normes environnementales, afin de faire l’inventaire, puis de supprimer quelques couches du mille-feuille.

Ne faut-il pas reconnaître que le gouvernement a quand même entendu les agriculteurs ?

Ceux-ci ont commencé à essayer de se faire entendre avec un mouvement non dénué d’humour consistant à retourner les panneaux d’entrée des villes pour symboliser le fait que l’on marchait sur la tête. Qui a repris leurs revendications ? Qui a entendu leur désespoir ? S’ils ont réussi à se faire entendre, c’est parce qu’ils ont fini par quitter leurs exploitations pour mettre vraiment la pression sur le gouvernement. C’est la peur qui fait réagir ce pouvoir et le rend un peu plus à l’écoute. Mais pour combien de temps ? Le problème, c’est que répondre aux demandes des agriculteurs demande de la constance, de la clarté et la capacité à inscrire une action dans la durée. Or la Macronie se caractérise par une grande fluidité. Est-ce que le gouvernement est prêt, à Paris comme à Bruxelles, à changer de cap, à abandonner une logique de suspicion et de contrôles tatillons pour redonner de la confiance aux agriculteurs ? S’il ne le fait pas rapidement, nous courrons le risque d’asphyxier notre agriculture, comme nous avons déjà asphyxié notre industrie.

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Vous paraissez douter de la bonne volonté du gouvernement…

La crise que nous connaissons est liée à une idéologie de la décroissance, qu’explique très bien la stratégie « Farm to Fork » (« de la ferme à la fourchette ») de la Commission européenne. Selon des études américaines, néerlandaises et même européennes, cette stratégie aura pour conséquence de geler 10 % de la surface agricole utile, de faire baisser fortement la production agricole de 15 % environ, et d’augmenter les prix tout en faisant baisser les revenus des agriculteurs. Or les élus Renaissance ont complètement adhéré à cette démarche, qu’ils ont promue et soutenue, tandis qu’Anne Sander, ma collègue LR membre de la commission de l’agriculture au Parlement européen et moi-même combattions cette stratégie et ses conséquences, telles que la loi « Restauration de la nature ». Le gouvernement Macron va-t-il cesser d’avoir un double langage, de désavouer en France ce qu’il soutient à Strasbourg et à Bruxelles ? Rien n’est moins sûr.

7-Octobre: ce qui unit Israël et la France

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Cérémonie en hommage aux victimes françaises des attaques terroristes du 7 octobre 2023 en Israël, Cour d'Honneur des Invalides, Paris, 7 février 2024 © Eric TSCHAEN-POOL/SIPA

Lors de l’hommage aux ressortissants français tués lors de l’attaque du 7 octobre en Israël, le président Macron a dénoncé le «plus grand massacre antisémite de notre siècle». Toutefois, promettre par la suite un «temps mémoriel» pour les victimes de Gaza n’est pas un choix opportun, selon notre chroniqueur. Car si toutes les vies innocentes se valent dans le conflit qui oppose la démocratie israélienne à la terreur islamiste du Hamas, toutes les morts ne sont pas équivalentes.


La haine d’Israël annonce la haine de la France ; la haine du Juif annonce la haine de tous. Une communauté de destin unit plus que jamais les deux plus vieilles nations. Certes, les 28 rois d’Israël qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris rappellent l’historique filiation de l’Eglise catholique. La roi David n’a-t-il pas légué à la royauté la fleur de lys ? Cependant, la guerre déclarée aux démocraties occidentales, et singulièrement à Israël et à la France, par l’islam suprémaciste renforce la solidarité entre les deux pays. En ce sens, l’hommage rendu aux Invalides ce mercredi par Emmanuel Macron aux 42 victimes franco-israéliennes du terrorisme islamiste, dépasse le sort du seul État hébreu. Derrière le pogrom anti-juifs du 7 octobre (1160 morts), conduit depuis Gaza par le Hamas, s’esquisse une même mise en danger des autres pays libres. C’est la haine de la France qui a conduit Mohamed Mogouchkov à assassiner au couteau son ancien professeur Dominique Bernard à Arras, le 13 octobre 2023. Ses motivations, révélées dans Le Parisien de mardi, puisaient moins dans un mimétisme avec le Hamas que dans la lecture compulsive du Coran guerrier et des versets appelant au djihad contre les ennemis de l’islam. « Ces versets-là s’enchaînent et se répètent », a reconnu Mogouchkov. Cette détestation de la France a poussé, samedi, le malien Kassogue S., présenté comme « musulman pratiquant non radicalisé », à blesser trois personnes Gare de Lyon, à Paris, à coups de couteau et de marteau. « Je déteste tous les Français », a-t-il expliqué en reprenant la rhétorique des minorités se disant victimes de l’Etat colonial.

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C’est ce totalitarisme islamiste, qui a des parentés avec le nazisme dans sa quête de l’homme pur et son obsession judéophobe, que soutient La France Insoumise, en mal de révolution prolétarienne. Son absurde entêtement à vouloir participer à l’hommage national contre le terrorisme, en dépit de l’opposition de familles de victimes choquées par le négationnisme de certains de ses membres, ne peut faire oublier sa traitrise. LFI, en refusant de qualifier de terroriste le massacre du 7 octobre, s’est enfermée dans une radicalité qui comble d’aise l’antisémitisme coranique, ce ressort religieux qui peut aller jusqu’à donner la mort au nom d’Allah offensé. Depuis quatre mois, les actes antisémites auraient augmenté de plus de 1000% ! Jean-Luc Mélenchon est devenu le porte-voix inaudible de ceux qui détestent Israël, la France et les démocraties.
Ceux-ci sont prêts à toutes les acrobaties pour disculper ceux qu’ils protègent.
Pour l’extrême gauche, le Hamas est un mouvement de résistance, tandis que l’État hébreu attaqué commet un génocide à Gaza. La victime devient bourreau, et inversement.
Or il devient urgent de choisir et de défendre son camp. En cela, Macron commet une faute en suggérant, en même temps, un « temps mémoriel » pour les victimes françaises à Gaza. Suggérer une équivalence entre un pogrom et une riposte militaire ajoute à la confusion des esprits. La lâcheté ne peut être la réponse à la haine.


Patriotisme d’importation

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D.R

Jusqu’où un vice-président de la Commission européenne peut-il aller pour inciter les jeunes citoyens du Vieux Continent à voter? 


Si l’Union européenne se surpasse dans un domaine, c’est dans l’art de refiler les patates chaudes. Après avoir délégué une partie de sa production manufacturière aux Chinois, une partie de sa politique énergétique aux Russes et une partie de son « réarmement démographique » aux Africains, le Vieux Continent pourrait bien sous-traiter une partie de son civisme à… une citoyenne américaine. Le 10 janvier, un vice-président de la Commission, le Grec Margarítis Schinás, a très officiellement émis le souhait que Taylor Swift, talentueuse chanteuse d’outre-Atlantique, se mette au service de l’institution bruxelloise pour encourager les jeunes à voter lors des prochaines élections européennes le 9 juin. « J’espère que quelqu’un de son équipe médiatique suivra cette conférence de presse et lui transmettra ma demande », a lancé béatement le technocrate. Défense de rire ! Comment une idée aussi consternante a-t-elle pu germer ? Secrète passion pour la musique country ? Burn-out lié à un cruel sentiment d’inutilité ? Banal complexe provincial vis-à-vis des États-Unis ?

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La troisième solution est la bonne. En septembre dernier, la star aux 170 millions de disques vendus, connue pour son patriotisme, a appelé sur les réseaux sociaux ses jeunes concitoyens à voter aux prochaines présidentielles. Résultat, 35 000 d’entre eux se sont inscrits sur les listes électorales dès le lendemain. Un record. En attendant de connaître la réponse que Mlle Swift donnera à M. Schinás, remarquons que celui-ci n’est pas parvenu à identifier la moindre vedette européenne à même de satisfaire son désir mimétique. Preuve, s’il en était besoin, de l’inexistence d’une culture populaire commune sur notre continent. Quant à la mobilisation de la jeunesse lors des scrutins européens, elle est à peine plus consistante. La dernière fois, en 2019, la participation au vote des moins de 25 ans a atteint 42 %, contre 50 % pour l’ensemble de la population.

François Bayrou entre hier et demain…

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Le maire de Pau, relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires, annonce avec fracas être en désaccord profond avec la politique suivie par Gabriel Attal, et il refuse de rentrer au gouvernement. L’homme politique de 72 ans semble ainsi se préparer pour 2027. Avec un argument simple: réconcilier la France d’en haut et d’en bas, pour empêcher l’arrivée du RN aux manettes. Ce que la trop parisienne macronie serait incapable de faire…


François Bayrou a refusé d’être ministre des Armées ; et pour l’Éducation nationale, « faute d’accord profond sur la politique à suivre », il n’entrera pas au gouvernement. Je perçois comme un ouf de soulagement du Premier ministre… On peut deviner que la philosophie éducative de François Bayrou l’aurait conduit vraisemblablement à être plus souple et moins réactif que l’ancien ministre Gabriel Attal. Ceux qui prédisaient qu’à tout prix il participerait à ce gouvernement qui n’en finit pas d’être inachevé en sont pour leurs frais. Je n’ai jamais vraiment apprécié le François Bayrou faiseur de président puisqu’il est clair que, sans lui, Emmanuel Macron n’aurait jamais été élu en 2017, si on ajoute la calamité judiciaire qui a amoindri François Fillon. Je n’ai pas davantage aimé l’auxiliaire dévoué et fidèle du macronisme, qui, malgré quelques accès surjoués d’indépendance, n’a jamais dérogé à une ligne qui me l’a rendu quasiment étranger par rapport à la personnalité que j’avais croisée puis connue et saluée au cours d’une période où il avait eu un rôle décisif de vigilance durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sans oublier une direction vigoureuse du parti centriste qu’il avait sorti de la tiédeur et de l’équivoque constante.

Bayrou relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem

Comme je me doute que beaucoup, dans tous les cas, s’en prendront à lui en glosant sur son âge, son incroyable bonne fortune judiciaire – y aura-t-il appel ou non ? -, son ambition jamais rassasiée, son obstination à ne pas sacrifier toute espérance présidentielle pour 2027 et sur son faible bilan lors de son passage rue de Grenelle (de 1994 à 1997), comme on va insister sur les ombres du personnage, sur la plaie de sa longévité dans notre monde politique, je voudrais au contraire, avec nostalgie, rappeler la chance qu’il a été et les lumières projetées par une destinée singulière, entêtée, courageuse et tolérante à une certaine époque.

A lire aussi, François-Xavier Bellamy: «La crise rurale est liée à une idéologie de la décroissance» 

Je n’oublie pas, je n’oublie rien. À chaque université d’été du CDS, il avait la délicatesse de me proposer d’intervenir en me garantissant une totale liberté. Il l’a toujours respectée et je n’ai jamais perçu, chez lui, la moindre inquiétude face à un discours imprévisible, désaccordé d’avec les rails du centrisme classique, parfois provocateur. J’ai pu ainsi vérifier sa sincérité dans l’affirmation de ses valeurs et la validité de ce que bien plus tard il a déclaré : quand tous pensent la même chose, on ne pense plus rien. Quand Nicolas Sarkozy était président de la République, ses avertissements sur le déficit, le scandale de l’arbitrage Sarkozy-Tapie-Lagarde, une pratique du pouvoir ne brillant pas par l’allure et la dignité, ont rassuré plus d’un citoyen. Il a représenté alors une forte espérance et dans l’ensemble de ses interventions et actions, sa vision de la politique, caractérisée par une volonté de dépassement de la droite et de la gauche et par un humanisme social, n’était pas sans anticiper ce qu’Emmanuel Macron a exploité par la suite. Sa propre campagne présidentielle en 2002 n’a pas été médiocre et s’il n’est pas parvenu au second tour, les thèmes qu’il a développés ont marqué l’opinion ainsi que telle ou telle de ses réactions impulsives, par exemple sa petite tape à un gamin qui voulait le voler.

Traversée du désert

François Mitterrand qui était aussi impitoyable sur les autres que complaisant avec lui-même, avait toujours été impressionné par l’effort et la constance dont François Bayrou avait dû user pour vaincre son bégaiement. Ce serait se tromper sur lui que de l’appréhender seulement au regard de ses expériences ministérielles (l’une de très courte durée place Vendôme) et de sa traversée du désert (très relative) avec le haut-commissariat au Plan durant l’attente de l’issue judiciaire le concernant. Maire de Pau, je crois savoir qu’une majorité des habitants est satisfaite de ses orientations et de son action.

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Tourner en dérision cette personnalité parce qu’elle serait depuis trop longtemps dans notre espace démocratique serait faire fi d’un homme politique qui n’a jamais fait honte à la République, d’un homme que l’humanité n’a jamais déserté et peut-être d’un futur candidat qui n’a pas dit son dernier mot.

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Monsieur myself

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Portrait de Stendhal par Ducis, 1835 DR.

En 2019, Régis Debray nous régalait, et nous régale toujours, avec un livre intitulé Du génie français. Pourquoi Stendhal a-t-il détrôné Hugo ? Et que nous dit le premier de ce que nous sommes aujourd’hui ? Pour le savoir, il faut vite lire ou relire ce petit grand livre aussi instructif que drôle, dans cette veine qui caractérise Monsieur Debray, où la cruauté du constat est contrebalancée par une écriture joyeusement ironique.


« Monsieur Myself » est le titre du chapitre III de l’essai de Régis Debray, et fait entendre la concordance des temps entre les trois égotistes Lucien Leuwen, Fabrice del Dongo et Julien Sorel et le semi-autiste d’aujourd’hui qui déambule dans les rues, casque vissé sur la tête, ou oreillettes blanches pendouillant sous les lobes, et vous bousculant sans même s’excuser. « [Les personnages de Stendhal] sont jeunes, n’ont pas d’enfants, pas de famille, et, interdits de vieillissement, nous quittent en trois lignes. » Le jeunisme, avec lui, est en marche : « Vitamine C pour une société vieillissante qu’est la nôtre. Et que ça saute ! Fouette, cocher ! » Son style dont lui-même dit qu’il est « trop abrupt, trop heurté », « déplaît à son époque et enchante la nôtre. Raccourcis, ellipses, télescopages, ce décousu main est devenu standard. » (…) On « veut du brut, du cash et du leste ».

Stendhal, Balzac, Hugo

Balzac à côté est pesant ; ses descriptions n’en finissent pas. Qui n’a pas sauté quelques pages où un bahut était ausculté avec une minutie soporifique ? « Chez Beyle, les passages à sauter, il les saute lui-même » ! Et, contrairement à Hugo que les malheurs du monde – esclavage, peine de mort, travail des enfants – affectent, Stendhal n’en a cure : « Il est un Français léger, sociable, spirituel. » (…) « Son destin aura été de se libérer de l’Histoire comme destin. Croyant porter Napoléon aux nues, il hissait Fabrice sur le pavois. » (…) Et si «  L’Histoire reste nécessaire, c’est comme décor, comme toile de fond ». À l’image de ceux qui aujourd’hui se prennent en selfie devant tel ou tel monument, voire en live lors d’évènements.

A lire aussi, Jonathan Siksou: Témoins gênants

« L’idée qu’une personne ne saurait se réaliser qu’en participant à un collectif qui le dépasse et l’exprime à la fois – parti, église, classe, nation ou Internationale – et que c’est alors qu’elle devient libre, est à présent une idée dangereuse et son improbable avocat, l’idiot utile d’un goulag en chantier. Être libre, dorénavant, c’est couper les attaches ». Julien, Fabrice et Lucien sont les précurseurs de l’injonction de notre temps : « Deviens un autoentrepreneur, fais-toi un nom, un magot et un programme avec tes initiales ». Le passage où Régis Debray égrène tous les vocables qui commencent par auto est un répertoire historique et jubilatoire : « Entre l’autodétermination en alibi et l’autocratie en repoussoir, nous courons tous après l’autonomie en politique, l’autobiographie en librairie, l’autofiction en fin du fin (…) l’automobile à la campagne (my car is my castle) l’autoérotisme à demeure (il est sain de se masturber) ». Et ce n’est pas fini ! L’auto-engendrement de soi-même n’a pas de limites. « L’autiste conversationnel a besoin des autres pour converser avec lui-même », ce qui fait que « là où Balzac décrit et Flaubert s’efface, Stendhal se raconte ».

Quand le singulier se substitue au pluriel

Le singulier se substitue au pluriel, même si l’individualiste actuel n’est pas forcément singulier… Toujours est-il que notre fin limier s’interroge : « D’où vient que le titre qui marche est au singulier, le pluriel porte la poisse. Aurélien, oui. Les communistes, non. Jean Barois, oui. Les Thibault, non. Corydon, oui. Les Faux-Monnayeurs, non. L’enfance d’un chef, oui. Les chemins de la liberté, non. Knock, oui. Les Hommes de bonne volonté, non. Etc. » C’est que la « story » a remplacé l’Histoire. Dès lors, Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, les Châtiments et les Orientales ne sont plus de saison. Que voulez-vous, le peuple fait populiste et le public qui le remplace est au spectacle.

A lire aussi, Jean Chauvet: Dali, c’est raté

Les quelques pages consacrées à Victor Hugo sont – on s’en sera douté – à l’avantage de l’ogre de Guernesey. « Stendhal réduit l’homme à l’individu, Hugo voit l’homme à travers l’individu. » C’est la fameuse « ouverture de compas », si chère à Régis Debray, qui manque au « spectateur dégagé » que fut Henri Beyle et dont on apprend, par ailleurs, qu’il n’aimait pas la France. L’Italie vous avait tout de même une autre luminosité… Enfin, notre philosophe écrivain lui porte le coup de grâce : « Quatre-vingt-treize, qui dit le tout de la Révolution, c’est tempête sous un crâne. La vie de Henry Brulard, c’est plus cosy et peut se lire au lit. » A notre époque qui a substitué la couette ouatée à la couverture un peu rêche et le jeune loup solitaire à une communauté de destin, Stendhal se porte évidemment bien mieux que Victor Hugo.

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LFI aux Invalides: il est curieux de forcer la porte d’un enterrement

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La députée d'extrême gauche Mathilde Panot, manifestation pro-palestinienne, Paris, 4 novembre 2023 © Gabrielle CEZARD/SIPA

La présence de députés LFI, ayant tenu des propos controversés sur le Hamas, ce matin aux Invalides à l’hommage aux 42 victimes franco-israéliennes du 7 octobre, est dure à avaler. Pourquoi ne pas avoir envoyé François Ruffin ? Une honte pour la gauche. Le président Macron devrait parler à midi.


L’hommage aux victimes françaises du 7 octobre suscite beaucoup de polémiques. Si le président Macron comptait faire l’unité autour de cet hommage, c’est raté.

Le scandale, évidemment, est arrivé par les Insoumis. Ils sont invités, ils viendront. L’Élysée s’en est lavé les mains : aux partis de faire ce qui est « juste et élégant ». Des mots qui visiblement n’ont pas le même sens pour tous.

Coquerel et Panot oseront-ils regarder les familles en face ?

Bien sûr, que les députés LFI viennent à l’hommage, c’est leur droit. Les usages républicains etc, etc. Même si eux s’en moquent, en réalité, des usages républicains! C’est aussi leur droit de ne pas qualifier le Hamas d’organisation terroriste, voire, comme Danièle Obono au micro de Jean-Jacques Bourdin, de l’appeler « mouvement de résistance ». C’est leur droit de traiter Israël d’État « terroriste », « génocidaire » ou de parler d’ « apartheid ». C’est leur droit de faire des appels du pied aux islamo-antisémites. Nous sommes dans une démocratie.

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Mais, c’est aussi leur droit d’être décents. Il est curieux de forcer la porte d’un enterrement. Cinq familles accusent LFI d’« indécence », de « relativisme » et de « négationnisme ». Et elles estiment que la présence de Mathilde Panot serait une injure. Comme l’a dit, également chez Jean-Jacques Bourdin, le député franco-israélien Meyer Habib, LFI aurait pu déléguer François Ruffin ou Alexis Corbière dont la langue n’a pas tremblé après le 7 octobre. Mais non : ce sera Coquerel – qui qualifie Israël d’État terroriste – et Panot ! Peu leur importe de blesser des familles endeuillées. On verra s’ils osent les regarder en face. Le pire, c’est que le président de la République cède à l’extrême gauche en promettant un autre hommage (un temps mémoriel, dit-on à l’Elysée) pour les Français morts à Gaza.

Mais toutes les victimes se valent, me répliquera-t-on !

Évidemment ! Toutes les victimes se valent. Mais toutes les morts ne s’équivalent pas. Toutes les victimes du conflit entre Israël et le Hamas ne sont pas mortes dans les mêmes conditions. Annoncer maintenant qu’on va honorer les victimes de Gaza, c’est établir implicitement une symétrie entre le 7 Octobre et la riposte israélienne. Or, le Hamas a délibérément massacré et torturé des civils – et l’a même filmé. Les Israéliens, de leur côté, tuent des civils dans une guerre qu’ils estiment existentielle – mais ils ne cherchent pas cela. Je vous renvoie vers un article récent de Newsweek qui montre leurs efforts pour épargner les vies civiles [1].

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Un hommage n’est pas seulement une manifestation de compassion, c’est un acte politique. Une façon d’affirmer qu’entre la théocratie terroriste qui gouverne Gaza et la démocratie israélienne, aussi imparfaite soit-elle, la France peut choisir son camp. Si le président veut honorer les Français et tous les civils morts à Gaza, d’accord, très bien, mais qu’il dise alors que le Hamas est responsable de leur malheur.

Seulement, on dirait plutôt qu’Emmanuel Macron veut échapper au soupçon du deux poids-deux mesures. Il est difficile de ne pas y voir un appel du pied à la rue musulmane. Une cuillère pour papa, une cuillère pour maman. Ce chèvreetchoutisme n’est décidément pas à la hauteur de l’Histoire…


Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale après le journal de 8 heures.


[1] https://www.newsweek.com/israel-implemented-more-measures-prevent-civilian-casualties-any-other-nation-history-opinion-1865613

La chambre hot

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Un chantage à la sextape impliquant un sénateur et une assistante médicale déstabilise le Sénat. Gérard Larcher aurait tenu l’affaire secrète depuis des mois.


Avec son président bedonnant, ses élus presque inamovibles, sa bonne table, ses mœurs du début du siècle, le Sénat cultive une image « Belle Epoque » délicieusement surannée. À travers l’histoire que nous raconte aujourd’hui Le Canard enchaîné, nous voilà carrément plongés dans l’ambiance du vaudeville, remis au goût du jour, dans une version 2.0. Une affaire qui ferait des gorges chaudes dans les couloirs feutrés du Palais du Luxembourg…

C’est en effet une histoire de sextape qui donnerait des sueurs froides depuis trois mois au président Larcher, deuxième personnage de l’Etat. Dans cette vidéo, on y voit un sénateur « ayant occupé de hautes fonctions », le pantalon sur les chaussettes, dans son bureau, dans une posture à mi-chemin entre Rocco Siffredi et le président Félix Faure peu avant de s’éteindre. La séquence a été filmée par une personne de sexe opposé qui, nous rassure le Canard, a donné tous les signaux de son consentement.

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L’affaire en serait restée là si l’intrigante n’avait décidé de faire de ce chef-d’œuvre cinématographique un outil de pression. Assistante médicale du médecin du Sénat, elle aurait fait vivre « un cauchemar » à celui-ci pendant deux ans, bien certaine d’être « intouchable » car « protégée » par un parlementaire influent. Elle se vante alors de pouvoir faire « virer n’importe qui » grâce à une vidéo. Pour prouver ses dires, l’assistante la transmet même au médecin.

Un beau jour d’octobre 2023, le toubib perd patience et signale le comportement de sa subordonnée à la Directrice des ressources humaines de la prestigieuse maison. Quelques jours plus tard, la secrétaire générale de la questure (la plus haute fonctionnaire du Sénat) s’enquiert de l’affaire et s’entretient avec le médecin. Consciencieux, le médecin donne une description précise de la vidéo. L’affaire remonte jusqu’à la présidence. C’est alors que Gérard Larcher demande que lui soit remise une copie de la vidéo. On imagine presque le président, une fois le téléchargement terminé, rejouant la fameuse scène de Daniel Gélin dans La vie est un long fleuve tranquille.

Hélas, pour notre bon médecin, c’est le début des ennuis. En janvier dernier, il reçoit une lettre de dix pages lui annonçant l’ouverture d’une procédure de licenciement. En cinq années de bons et loyaux services, il n’y avait pas grand-chose à reprocher au praticien, mais en fouillant dans les poubelles, on trouve bien une demi-journée d’absence injustifiée. Pas de mention, en revanche, de l’affaire de la vidéo, parmi les motifs de licenciement.

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Une intrigue qui s’emboîte avec une autre, toujours au Sénat, toujours avec le même médecin. En novembre 2023, souvenez-vous, le sénateur au petit chat Joël Guerriau défraye la chronique[1]. Arrêté par la police et mis en examen, il est soupçonné d’avoir tenté de droguer à son domicile une députée MoDem, probablement dans le but d’en faire son quatre heures. Après sa mise en examen, l’élu de Loire-Atlantique est allé consulter le médecin du Sénat, lequel lui a prescrit un arrêt de travail. Un choix qui n’a pas plu, mais alors pas du tout plu au président Larcher, qui s’est mis en colère tout rouge. Gardien de la tranquillité de sa vénérable institution, Gérard Larcher n’avait qu’une hâte, avant même les conclusions de l’enquête judicaire : pousser l’encombrant sénateur à démissionner. Mais tant que l’arrêt de travail court, impossible ! Gérard Larcher contacte alors le conseil de l’ordre départemental des médecins, qui défend le confrère : « soumis au secret médical, le docteur a justifié l’entièreté de ses décisions thérapeutiques ».

Ni le président du Sénat, ni le médecin n’ont souhaité répondre à la presse suite aux révélations du jour du Canard Enchainé. Dans un ultime paragraphe de l’article de nos confrères, on apprend que c’est le fameux sénateur de la vidéo qui a imposé au médecin l’effrontée collaboratrice ! En avril 2021, l’élu se serait même ému, auprès du président Larcher, de la modeste paye de l’assistante. Peu après, celle-ci a bénéficié d’un vrai coup de pouce, avec une augmentation de 45%. Le palmipède conclut : « à l’époque, personne n’avait pipé mot ».


[1] https://www.causeur.fr/la-deputee-sandrine-josso-le-senateur-joel-guerriau-et-le-petit-chat-270140