Chaque jour nous apporte un peu plus la démonstration que le camp des certitudes sombre dans la panique. Il s’y noie. Voilà que ses tenants se voient toujours davantage contraints de sortir du bois. Alors, les masques tombent.
Tant qu’ils n’avaient pas à gesticuler hors de leur zone de confort, nous pouvions les créditer a priori et sans plus d’examen d’une certaine capacité intellectuelle, d’une puissance dialectique potentiellement supérieure, d’un brio de la pensée et du verbe dignes de respect, si ce n’est d’admiration. Or, au gré des rares confrontations qu’ils acceptent – ou plutôt qu’ils ne sont plus en mesure d’éviter – on ne peut que constater chez eux un niveau plutôt consternant. Deloire et Jost, respectivement instigateur et artisan de la croisade anti-CNews, en sont les consternants exemples de ces derniers jours. Ils font l’actualité, et ils la font mal.
Nous passerons ici sous silence l’indigence des arguments qu’ils s’imaginent livrer dans les interviews. Quand ils en livrent. M. Deloire n’en est pas encore à ce stade, manifestement. Faute d’en avoir vraiment sous le pied, et réalisant sans doute qu’il s’est trompé de cour où faire rouler sa bille, il fuit, il quitte le plateau. François Jost, lui, sémiologue, prof d’université, ce qui peut valoir excuse aux yeux de certains, avoue tranquillement sur l’antenne de Sud Radio qu’il se range à l’avis du journal le Monde pour classer à l’extrême droite tel groupe ou telle association. Le Monde érigé, donc, en mètre étalon de mesure et de jauge idéologique pour la classification et l’évaluation de la pensée et des opinions. De même, quand on demande à ce grand intellectuel de se situer, puisqu’il faudra, selon lui et ces nouveaux inquisiteurs, que tout locuteur invité des médias le fasse, il répond, sans rire, Humaniste. « Je suis humaniste ». Outre que la réponse est des plus plates et d’une lâcheté déconcertante, elle est surtout sans aucune valeur. Pour un marxiste-léniniste, pour un révolutionnaire convaincu, un individu se déclarant humaniste est immédiatement classé à droite, relégué dans le marécage de la réaction bourgeoise. Pour un religieux traditionaliste, par exemple, il est à caser dans l’engeance plus ou moins voltairienne, agnostique, voire athée, donc à gauche. On aperçoit ainsi la nullité de la réponse apportée et, au-delà, la paresse du raisonnement.
Mais il y a bien pire. Et ce pire du pire est à chercher dans le principe même de la démarche. Ses promoteurs ne sont même pas dans l’état de vigilance intellectuelle qui leur permettrait de réaliser à quel point ce principe est, en soi, une impasse. Ou pour parler dru, une phénoménale connerie. Ils affirment être les chevaliers blancs du pluralisme. Sauf qu’ils en seront à terme les fossoyeurs (Ce qui, après tout, est peut-être bien leur but réel). Monsieur de La Palisse l’aurait dit infiniment mieux que moi : il n’y a pas de pluralisme sans pluralité, et c’est précisément cette réalité bien concrète que représente – ou tente de représenter – le système médiatique que nous connaissons. La liberté de la presse en actes, fruit d’un rude et noble combat. Avec au bout, donc, une pluralité, une diversité d’offres. Et c’est ainsi que ce pluralisme s’est trouvé – mécaniquement – enrichi par l’avènement d’une chaine comme CNews, puisque cette offre n’existait pas auparavant. En bonne logique, nos croisés du pluralisme devraient s’en réjouir. Au lieu de cela, au prix d’un contresens intellectuel à peine concevable, ils s’emploient à déplacer la norme du pluralisme de l’ensemble du spectre de la presse française à chacun de ses éléments, à chaque média en particulier (avec une focalisation militante, évidemment, sur CNews). Le pluralisme, la pluralité de l’offre ne relèverait plus de l’ensemble du paysage, mais, répétons-le de chaque élément, de chaque titre.
Transposé à la presse écrite, ce procédé reviendrait à exiger de L’Humanité une pluralité d’approches, d’invités, d’interviews, de sensibilités, etc. parfaite, conforme au manuel Deloire-Jost. Et, bien sûr, même exigence pour Le Figaro. Ce qui fera que, à terme, on aboutira tout bonnement, et surtout inéluctablement, à l’uniformité des contenus. C’est l’évidence même. Le résultat ne sera rien d’autre que la négation même de la pluralité, la vraie, la réelle, appréhendée comme elle doit l’être conformément à son principe, c’est à dire en prenant en compte l’intégralité de l’offre de presse et non sa fragmentation façon puzzle. Si on s’écarte de cette logique-là, la seule qui vaille, un seul journal suffira, au fond. Tel est peut-être bien l’impensé ou l’inavoué des Deloire et Jost (et de leurs mandants, bien sûr). D’ailleurs, Jost, mine de rien, nous a fait gagner un temps précieux dans la perception de cette affaire puisqu’il nous a livré le titre du journal unique et idéal selon lui : Le Monde.
L’ordre puritain est en marche. Au nom de l’égalité et de la justice, les progressistes et les néoféministes traquent le moindre écart, la transgression, l’expression du fantasme. La sexualité doit répondre à l’impératif de transparence, et les rapports homme/femme à une charte aseptisée. C’est la rééducation à l’ère MeToo.
Pour leurs 50 ans, Les Valseuses sont privées de sortie. Le film autrefois culte est déprogrammé par M6. À vrai dire ce qui est étonnant, c’est qu’une chaîne de télé ait envisagé de le diffuser. Et pas seulement parce qu’il est habité par un Depardieu (magnétique) que la bonne société a mis au ban. L’errance amicale, délinquante et sexuelle de deux voyous sexy est une insulte à notre époque. Dans Les Valseuses, les viols sont requalifiés en romances (avec la complicité des victimes) ; aujourd’hui, des romances sont requalifiées en viol. La relation consentie, puis regrettée est en effet un classique des prétoires – j’étais sous emprise. Avant, on appelait ça le désir. On dira, comme Zemmour, que Les Valseuses fait l’apologie de l’individualisme triomphant et conquérant (je veux, je prends). Dans le climat actuel, il rappelle surtout que la sexualité, autrefois, pouvait être transgressive, tragique, joyeuse – et impérieuse. Comme l’observait Sade, « il n’est point d’homme qui ne veuille être despote quand il bande ». Dans le fond, les féministes d’aujourd’hui ne disent pas autre chose. Sauf qu’elles ont ce despotisme en horreur. Au cas où ce texte serait lu par des mal-comprenants, ce despotisme qui se joue dans l’ordre symbolique ne signifie en rien qu’il faille tolérer la moindre violence, mais que le fantasme n’est pas soumis à l’impératif démocratique.
Miou-Miou, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans le film culte de Bertrand Blier, Les Valseuses (1974).
Domine-moi
En tout cas, aucun ado de 1974 n’aurait pu prédire qu’un demi-siècle plus tard, on ferait dans la presse comme il faut l’apologie de la sexualité sans pénétration, celle-ci étant réduite à une technique de domination, voire aux prémices du viol. Ni que de jeunes adultes se glorifieraient de n’avoir aucune sexualité. Beaucoup revendiquent bruyamment leur abstinence, et pas parce que « le désir s’accroît quand l’effet se recule » (Racine). Pour Thelma, interrogée par Libération en 2020, c’est « une construction sociale » qui doit lui éviter de céder à « la possibilité de désirer, de fantasmer et d’avoir un rapport sexuel ». Thelma est à l’avant-garde. Un monde sans fantasme, voilà l’utopie du xxie siècle. Il s’agit bien, sous couvert d’égalité et de justice, de domestiquer la sexualité, c’est-à-dire d’en finir avec elle. Il n’est pas question de réprimer les instincts, rôle dévolu à la civilisation, mais d’effacer jusqu’à leur souvenir, d’où la rage mise à nier toute spécificité du désir masculin. Comme le montre Muray, légiste sourcilleux de l’humanité historique et ennemi irréconciliable du nouvel homme (qui est une femme comme les autres), la sexualité est le plus grand obstacle à l’utopie d’un monde délivré du mal, l’ultime refuge de la négativité et des séparations qui, écrit-il dans un texte comme toujours visionnaire, « animèrent pendant des siècles la merveilleuse confrontation comique et dialectique entre Éros et Thanatos[1] ». Il n’y a pas de sexualité sans altérité (y compris entre personnes du même sexe), et l’altérité fondamentale reste malgré tout la division sexuée de l’espèce. Aussi le catéchisme contemporain interdit-il d’y faire référence. Comme le souligne Mathieu Bock-Côté dans l’entretien qu’il nous donne ce mois-ci, dans 1984, des adultes sont obligés de dire que deux et deux font cinq. Aujourd’hui, il leur est interdit de dire qu’il y a des hommes et des femmes.
Cette entreprise de normalisation de l’intime vient de loin. Muray en détecte les prémices au xixe siècle : « L’état de catastrophe dans lequel se trouve désormais la vie sexuelle est le résultat de la victoire du romantisme, c’est-à-dire de la religion de l’authenticité sur l’art tortueux et sophistiqué du libertinage. » La religion de l’authenticité, c’est l’exacte définition du puritanisme.
La ruse de ce puritanisme est de s’acoquiner avec une apparence de permissivité maximale. Comment peut-on parler de puritanisme quand le sexe est partout, s’indignent les progressistes. « L’évocation sexuelle est devenue la métaphore générale de la satisfaction, écrivait Paul Yonnet en 2000 dans le numéro du quarantième anniversaire du Débat[2]. Personne ne s’en étonne, personne ne s’en offusque. » Un quart de siècle plus tard, ça offusque pas mal de monde au point que la publicité s’est rangée des bagnoles : plus personne n’oserait vendre une voiture en promettant la femme[3]. Les temps ont changé… et c’est très bien, faut-il s’empresser d’ajouter si on veut vivre tranquille.
Une nouvelle addiction
Il est vrai cependant que la détestation du sexe va de pair avec l’omniprésence du porno. Certes, celui-ci représentait 14 % des entrées en 1974, l’année de sortie d’Emmanuelle, et 25 % en 1975. Déjà, Yonnet constatait que cette avalanche de sons, images et mots n’avait aucune influence sur la vie amoureuse : « On aurait pu s’attendre à une société dionysiaque, un bond en avant de la libido et des expériences amoureuses, bref une atmosphère d’érotisation compulsive des mœurs. » Il n’en a rien été. Les mœurs sexuelles des Français sont restées passablement stables et conjugales. La porno, en revanche, a beaucoup changé. En plus d’être de plus en plus violent, il est, pour nombre d’adolescents (et sans doute des adultes), une véritable addiction. Justement : le porno n’est plus un adjuvant, un excitant, mais un substitut au sexe charnel.
Dans les milieux conservateurs, le point de vue courant sur le nouveau puritanisme est qu’il serait un backlash, un retour de bâton, par rapport aux excès de la libération sexuelle. La satiété aurait tué le désir. Il y a du vrai à l’échelle d’individus, comme ces enfants de soixante-huitards devenus intraitables sur les bonnes mœurs[4]. Mais peut-être que la libération sexuelle a été une étape dans l’étouffement de la sexualité par positivité. « Si la libido est descendue dans la rue en mai 68, résume lumineusement Muray, c’est qu’elle n’avait plus rien à cacher. Et seuls les morts n’ont rien à cacher. »
Ce qui tue la sexualité, ce n’est pas la répression, c’est la lumière. « La volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal », écrit Baudelaire. On ne fait pas le mal en public. Soumise à l’impératif sacré de transparence, la libido doit signer des engagements, expier ses péchés, obéir à un code de bonne conduite, partager les tâches domestiques. La terreur sociale, confortée par le droit, s’invite « jusque sous nos draps », pour reprendre l’expression de Noémie Halioua (voir l’article sur son livre de Frédéric Magellan dans notre dossier). Pas étonnant que nos imaginaires soient tentés d’aller voir ailleurs.
Notre époque qui croit être passée de l’ombre à la lumière avec #MeToo, ne tolère plus sur la sexualité qu’un discours clinique ou apocalyptique. La vie sexuelle doit se conformer à la grammaire de la démocratie et de la bonne foi. Répétons encore, pour les malentendants que le déplorer, ce n’est pas accepter que l’homme propose et dispose mais penser que, s’il plaît aux humains de jouer avec les anciens rôles sexués, c’est leur liberté. Cela fait longtemps que les femmes ne sont plus assignées à l’intérieur – même si certaines choisissent ce rôle, ce qui est aussi leur liberté. Ainsi, observe Muray, nous voyons disparaître parce que frappées d’opprobre, voire d’illégalité « des choses devenues impensables comme la division des sexes, le corps différencié, le plaisir égoïste, le secret, les interdits, la conquête, l’immoralité, la trahison, l’obscénité, la complicité, l’opacité, la duplicité, la culpabilité, la lascivité et tant d’autres choses encore qui se nourrissaient non seulement de l’opposition entre hommes et femmes, mais aussi de la division entre public et privé ».
La menace hygiéniste
Cette conception hygiéniste se double d’un discours apocalyptique qui confond la norme avec sa transgression, et ne dépeint la sexualité et singulièrement l’hétérosexualité que sous les auspices de la violence et de la domination. Comme le Blanc du discours décolonial, l’homme du discours féministe est structurellement coupable.
Une relation clairement consentie peut être qualifiée de viol, en particulier quand la femme est mineure – nonobstant le fait que la majorité sexuelle est à 15 ans. La zone trouble des amours interdites n’appelle que des condamnations dépourvues de toute compréhension.
Campé sur son statut victimaire et sur la créance que cela lui donne sur la gent masculine, le féminisme post-MeToo fait tomber des têtes. Pour de vrai. Tout homme célèbre n’ayant pas une vie sexuelle irréprochable est menacé. Sur les plateaux de cinéma, on ne parle que de ça. Les proscrits se passent des textes et des références sur le maccarthysme. C’est qu’acteurs et réalisateurs sont à la merci d’une dénonciation suivie d’une mise au ban, s’appuyant ou pas sur une blague déplacée, un regard en coin, voire, cela arrive, un comportement réellement répréhensible. La meilleure preuve que ça marche, c’est que, sans n’avoir jamais rien fait d’illégal, des hommes autrefois coureurs de jupons se rangent. Au rythme où nous « avançons », le vagabondage sexuel sera bientôt puni par la loi. En attendant, l’inquisition s’en charge. Les producteurs de cinéma ont été sommés par le CNC d’assister à un stage de rééducation, comme ils fleurissent désormais dans de nombreuses institutions.
Certes, les tribunaux résistent, comme le montre la liste des acquittés célèbres, établie par Jean-Baptiste Roques. Ils ne condamnent pas le dragueur lourd, l’inquisition s’en charge. Pour combien de temps ? Une magistrate qui a assisté au séminaire de l’École nationale de la magistrature sur les « violences sexistes et sexuelles », résume ainsi les travaux : « Jour 1 : l’homme est ontologiquement violent. Jour 2: une femme qui se plaint a nécessairement une vérité à dire, même si elle ment sur les détails. »
Freud l’annonçait : « Celui qui promettrait à l’humanité de la délivrer de la sujétion sexuelle, quelque sottise qu’il dise, serait considéré comme un héros. » Nous y sommes. Tout cela, répétons-le, n’a pas commencé avec MeToo. Mais pourrait bien finir avec MeToo. Si aucun régime communiste n’est parvenu à faire dépérir l’État, le dépérissement de la sexualité est en bonne voie. Le féminisme sera peut-être, pour notre malheur à tous, la seule révolution de l’histoire qui réalisera son programme.
[1] « Sortie de la libido, entrée des artistes », Critique, juin-juil. 2000 (repris dans Essais, Les Belles-Lettres, 2010).
[2] Paul Yonnet, « Libérer le sexe pour se libérer du sexe », Le Débat, n° 112(5), nov.-déc. 2000.
[3] « Il a la voiture, il aura la femme », promettait je ne sais plus quelle marque automobile dans les années 1990.
[4] Raison pour laquelle, outre l’envie de faire une petite blague, nous avons choisi ce titre de une.
RSF a raison : il est temps de vérifier si le pluralisme est bien respecté sur certains médias ! s’amuse notre chroniqueur Didier Desrimais.
Ce qui se passe actuellement en France est incroyable. Suite à une saisine de Reporters sans frontières (RSF), ONG ayant en principe « pour objectif la défense de la liberté de la presse », le Conseil d’État a décidé d’inciter l’Arcom à faire respecter le pluralisme dans les médias audiovisuels en tenant compte non plus seulement du temps de parole des personnalités politiques invitées mais également de l’orientation de pensée supposée des participants, chroniqueurs et animateurs des différentes émissions. Cela s’appelle un fichage politique et est normalement interdit sous nos latitudes démocratiques. Pourtant, sous la férule de RSF, le Conseil d’État demande à l’Arcom de se pencher sur le dossier CNews dans un délai de six mois. Pourquoi spécifiquement CNews ? C’est que la chaîne connaît un succès grandissant. Succès qu’elle doit aux sujets abordés (parfois par elle seule), aux reportages sur la vie réelle des Français, aux débats qu’ils suscitent sur les plateaux grâce à ses excellents journalistes, chroniqueurs et invités. La ligne éditoriale de CNews n’est un mystère pour personne. La ligne éditoriale de France Inter n’est pas plus mystérieuse. Différence notable : CNews est une chaîne privée ; France Inter, une radio publique. Question pluralisme, je ne suis pas certain que France Inter, qui devrait être la radio de tous les Français puisque tous les Français paient pour elle, soit la mieux placée : une partie de l’électorat y est régulièrement conspué, l’écologisme y a une place prépondérante (une charte environnementale interne proscrit explicitement tout débat contradictoire et remise en question des rapports du GIEC), l’idéologie européiste y prospère gentiment, le wokisme également, la matinale d’information est le summum de l’entre-soi gaucho-libéral-libertaire.
Concernant cette dernière, lorsque Nicolas Demorand, Léa Salamé, Sonia Devillers et Claude Askolovitch sont en vacances, ce sont leurs clones, Simon Le Baron, Alexandra Bensaid et Laetitia Gayet qui les remplacent. Votre serviteur a écouté attentivement la matinale du mardi 3 février animée par ces derniers. Compte-rendu :
7h44. L’édito politique. Yaël Goosz méprise certains Français. Il trouve qu’ils ont des idées nauséabondes et qu’ils votent mal. Il méprise tout autant les représentants politiques qui ont été élus par ces Français. Ce matin-là, il s’interroge – « Un tabou politique est-il en train de tomber face au RN ? » – et répond immédiatement par l’affirmative en montrant du doigt les coupables, Emmanuel Macron et Gabriel Attal qui, selon lui, ont enterré « la notion “d’arc républicain” ». Attal a eu en effet l’outrecuidance d’expliquer dans les médias que son « arc républicain » à lui, c’est tout l’hémicycle – c’est-à-dire l’ensemble des élus issus d’élections démocratiques – ce qui semble chagriner l’éditorialiste politique qui ne comprend pas : dans son discours de politique générale le Premier ministre sonnait pourtant la charge contre le « parti du Frexit déguisé » et les « amis de Poutine ». Au goût de M. Goosz ce discours manquait quand même un peu de cette coloration brunâtre qui distingue les méchants fachos des gentils républicains. Du coup, le journaliste s’y colle : il rappelle d’abord que Jordan Bardella a récemment affirmé ne pas croire que Jean-Marie Le Pen était antisémite ; puis, profitant grossièrement de l’émotion suscitée par la mort de Robert Badinter, que ce dernier « a passé sa vie à alerter contre la “lepénisation des esprits” ». Visiblement agacé par « l’atonie du camp macroniste » face au RN, Yaël Goosz s’est trituré les méninges pour écrire un bon mot supposé faire mouche – « Sans arc, on cherche les flèches ! » – suivi bientôt d’un second : « À force de tirer sur la corde, l’arc finit par casser. » L’éditorialiste est la proie des idées fixes, que voulez-vous, le RN l’obsède. Dans son avant-dernier édito, il s’étranglait d’indignation en évoquant l’annonce de Gérald Darmanin sur la fin du droit du sol à Mayotte : « Emmanuel Macron est-il prêt à s’appuyer sur le RN, sur ses voix, pour faire passer la révision ? » Dans son antépénultième chronique, il se demandait si François Bayrou ne faisait pas le jeu du RN. Quelques jours auparavant il affirmait que le RN surfait sur la crise agricole en se « repaissant des souffrances » des agriculteurs. La proie des idées fixes, vous dis-je.
7h50. Alexandra Bensaid, alias Miss Woke, reçoit l’actrice Jodie Foster à l’occasion de la sortie de la quatrième saison de la série True Detective. Deux mots sur le cinéma hollywoodien comparé aux séries produites par HBO ou Netflix, trois bricoles sur le scénario de la série en question, puis Alexandra Bensaid lance les sujets sociétaux qui lui tiennent vraiment à cœur : le casting de la nouvelle saison de True Detective est formidable, « c’est une représentante des minorités (Kali Race, collègue de Foster dans la série, est “racisée”) et deux femmes en tête d’affiche – ça dit à quel point le cinéma américain a changé ! » La journaliste évoque ensuite l’affaire Weinstein, Gérard Depardieu, les déclarations de Judith Godrèche. « Je sais que vous vivez en France un moment assez MeeToo », dit l’actrice tout en affirmant être une « femme forte » n’ayant jamais rencontré de problèmes avec ses réalisateurs et ses producteurs. Enfin, Alexandra Bensaid avoue son inquiétude pour les Etats-Unis : « Il y a beaucoup de retours en arrière. La discrimination positive a disparu dans les facs. Il y a beaucoup de grandes entreprises qui sont en train de revenir en arrière sur leurs programmes de diversité. Est-ce que vous sentez tout ça ? » Jodie Foster botte en touche : « Vous posez beaucoup de questions politiques mais moi je fais du cinéma avant tout. » La journaliste ne comprend visiblement pas le français que l’actrice américaine parle pourtant à la perfection et la relance sur les « inquiétudes qui pèsent sur la démocratie américaine », entre autres la possible future élection de Trump « dont les électeurs ont lancé l’assaut du Capitole en janvier 2021 », rappelle-t-elle avec une subtilité de mammouth. Constatant qu’Alexandra Bensaid a la comprenette difficile, Jodie Foster – diplômée de Yale, polyglotte, QI de 132 – précise simplement mais fermement sa pensée : « Je ne parle pas de politique américaine. C’est une très mauvaise idée pour moi et pour les acteurs en général. Moi je fais du cinéma, c’est ça mon job à moi. » Mme Bensaid est désappointée : d’habitude, quand elle interviouwe une actrice française sur la politique, celle-ci embraie aussitôt pour asséner avec une éloquence de perroquet les banalités progressistes, féministes ou écologistes de la gauche culturelle. Il faut dire que les actrices françaises donneuses de leçons de morale à deux balles n’ont pas la moitié du quart du QI de Jodie Foster. Il est vrai aussi que nombre d’entre elles n’ont pas le quart de la moitié de son talent. Et je ne parle pas que de Léa Seydoux.
8h17. Pierre Haski, ancien directeur adjoint de Libération, fondateur du site d’extrême gauche Rue89 et membre de Reporters sans Frontières, consacre sa chronique géopolitique à « la catastrophe humanitaire en cours à Rafah ». Il évoque le témoignage apocalyptique du docteur Raphaël Pitti, médecin humanitaire de l’ONG Mehad, la veille sur France Culture. Le 6 février, France Info relayait déjà sur ses ondes les informations du même docteur Pitti de retour de Gaza. Le 8 février, le docteur Pitti était déjà dans les studios de France Inter et, conformément à l’aberrante propagande répandue pour faire des Israéliens les nouveaux nazis, comparait Gaza au… Ghetto de Varsovie, tout en refusant de condamner clairement le Hamas. Sur la radio publique, quand on tient un intervenant qui se conforme à la ligne pro-palestinienne de ladite radio, on ne le lâche pas et on se le prête de studio en studio !
8H47. La revue de presse. Laetitia Gayet remplace Claude Askolovitch, ce qui ne change strictement rien quant au choix des journaux cités préférentiellement. Libération a droit à sa pub quotidienne – la veille, le quotidien avait déjà fait l’essentiel de la revue de presse de Mme Gayet. Le Monde et L’Obs sont régulièrement cités. Sur France Inter on n’évoque jamais les magazines Valeurs actuelles, L’Incorrect ou Causeur, sauf pour les accuser d’être… d’extrême droite. On peut en revanche, comme ce matin-là, citer longuement la revue Regards en omettant de dire qu’elle est une revue d’extrême gauche qui se fit connaître pour son titre de couverture tout en nuances en juillet 2023 : « Dire les faits : 1) La police tue. 2) Son racisme est systémique. » Le lendemain, Laetitia Gayet citera La Croix, Le Canard enchaîné, L’Obs, Le 1, Le Monde et Libération – c’est-à-dire la fine fleur de la presse de centre gauche, de gauche et d’extrême gauche. Le même jour, pour débattre sur « les combats de Robert Badinter », Simon Le Baron recevra Thomas Legrand, journaliste à France Inter et à Libération, Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, et Pablo Pillaud-Vivien, journaliste et rédacteur en chef de la revue d’extrême gauche Regards. Facétieux, l’auditeur attentif Gilles-William Goldnadel notera immédiatement sur son compte X : « Triomphe du pluralisme de sévices publics. »
9H43. L’édito média. Cyril Lacarrière rappelle ce que les fidèles auditeurs sont censés déjà savoir puisque Edwy Plenel était la veille dans les studios de France Inter pour annoncer qu’il quitte la présidence de Médiapart. « C’est une espèce en voie de disparition qui part avec lui : le patron de presse à l’ancienne », se lamente le chroniqueur en regrettant qu’aujourd’hui une certaine presse, suivez mon regard, promeuve « une idéologie politique » – ce qui n’a jamais été le cas de Médiapart, comme chacun sait. Ah ! bien sûr, concède Cyril Lacarrière, Plenel a des défauts ; Plenel s’est mis à dos Charlie Hebdo ; Plenel a protégé Tariq Ramadan ; Plenel a un côté donneur de leçons qui peut énerver. Mais, s’enflamme le chroniqueur, quel homme, quel journaliste, quelle force, quelle personnalité, quelle réussite ! On comprend mieux pourquoi Plenel pense qu’il est une sorte de dieu aux yeux des journalistes.
Fin d’une matinale de France Inter ressemblant à toutes les matinales de France Inter.
Le Conseil d’État juge que, pour apprécier le respect du pluralisme de l’information par un média audiovisuel, « l’Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants des programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ». Si l’Arcom veut se faire la main, nous lui conseillons de commencer par un média où le relevé des « courants de pensée et d’opinions de l’ensemble des participants » sera relativement aisé, évident, rapide et incontestable. J’ai bien une petite idée mais je ne veux influencer personne – ce dont je suis certain, c’est que ce n’est sans doute pas CNews qui viendra en premier à l’esprit des membres de l’Arcom si l’expression « honnêteté intellectuelle » veut encore dire quelque chose.
D’ailleurs, Yaël Goosz semble penser la même chose que moi et prend les devants: « L’Arcom, dit-il pour conclure son édito du 15 février, doit inventer de toutes pièces, pour l’automne, la nomenclature qui permettra de dire si une chaîne est pluraliste ou non, hors temps de parole politique. En « fliquant » chroniqueurs, journalistes, producteurs ? On m’a certifié que non. Il n’empêche, il y aura bien un nouveau cadre, défini par qui ? Comment ? Ce n’est pas parce que CNews tousse, que la chasse aux dérives doit devenir virale. » Cette déclaration sonne comme un aveu.
Une étude universitaire prétend que Tsahal pollue trop depuis le début de la guerre contre le Hamas… À toutes les calamités dont Israël est systématiquement accusé, s’ajoute donc le problème écolo.
Depuis le début de sa campagne militaire pour neutraliser le Hamas dans la bande de Gaza, Israël est accusé de tous les maux, de la violation des droits humains au génocide. Maintenant, ses critiques ont trouvé un nouvel angle d’attaque : son action serait en train d’exacerber la catastrophe climatique qui menace la planète. C’est la thèse d’une étude publiée en janvier par des chercheurs britanniques et américains[1]. Ces derniers affirment que les émissions de gaz à effet de serre générées au cours des deux premiers mois de la guerre seraient plus grandes que l’empreinte carbone annuelle de plus de vingt autres pays et territoires (sans spécifier lesquels). Selon leurs calculs, au moins 281 000 tonnes métriques de CO2 auraient été émises par avions, chars, missiles et bombes, ainsi que par les usines qui les fabriquent. Presque la moitié de ces émissions serait attribuable à des avions de transport américains qui ont livré des fournitures militaires aux Israéliens.
L’étude, prépubliée en ligne, a été favorablement accueillie par le journal anglais de gauche The Guardian, puis largement reprise par les médias progressistes[2]. Elle a été saluée par un rapporteur spécial des Nations unies. Les faibles moyens militaires du Hamas sont présentés presque de manière vertueuse par The Guardian, puisque ses tirs de roquettes n’ont généré que 713 tonnes de CO2. Mais le 1,7 million de tonnes israéliennes (mesuré sur un an) représente peu à côté d’autres chiffres. En 2022, les forces armées américaines ont émis 48 millions pour seulement une partie de leurs activités. Selon l’Agence européenne de la sécurité aérienne, les avions partant d’aéroports européens en ont émis 147 millions en 2019. Et qui s’aventurerait à évaluer le bilan carbone de la guerre en Ukraine ? Certes, la planète se réchauffe, mais les critiques d’Israël sont surchauffés.
[1]. « A Multitemporal Snapshot of Greenhouse Gas Emissions from the Israel-Gaza Conflict », Social Science Research Network, 9 janvier 2024.
[2]. Nina Lakhani, « Emissions from Israel’s War in Gaza have “immense” effect on climate catastrophe », 9 janvier 2024.
L’année 2023 a été riche en non-lieux et en acquittements dans diverses affaires sexuelles visant des people. Les prédateurs ne sont pas forcément ceux qu’on accuse.
L’année qui vient de s’écouler a été riche en non-lieux et en acquittements dans diverses affaires sexuelles visant des people. Six ans après le début de l’affaire Weinstein, le néoféminisme a du plomb dans l’aile. En 2023, plusieurs décisions judiciaires ont été prononcées en faveur de célébrités mises en cause dans le climat hystérique du mouvement MeToo. Précision importante : nous ne mentionnons ci-dessous que des affaires « recevables », ce qui écarte les dossiers classés sans suite pour cause de prescription (Berry, Hulot, Lévêque, Louvain, Matzneff, PPDA…). Bien sûr, ces heureux dénouements privés n’ont qu’une seule vertu publique, celle de nous rappeler combien la présomption d’innocence doit être chérie dans un État de droit. On aurait tort en revanche de conclure que la criminalité sexuelle est un phénomène marginal dans nos sociétés.
Sans avoir attendu MeToo, pas moins de 20 condamnations pour viol sont prononcées chaque jour dans les tribunaux français. Dans les deux tiers des affaires jugées, les coupables écopent d’au moins dix ans de prison ferme.
24 janvier 2023 : Gérald Darmanin acquitté en appel
La cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu rendu en juillet 2022 à l’issue du procès opposant l’ex-maire de Tourcoing à l’une de ses anciennes administrées, Sophie Patterson-Spatz, qui l’accusait de l’avoir violée en 2009. La jeune femme, dont la première plainte remonte à 2017, a annoncé qu’elle se pourvoyait en cassation.
21 juin 2023 : L’innocence de Luc Besson confirmée définitivement en cassation
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a rejeté le pourvoi formé par l’actrice Sand Van Roy, qui accusait le cinéaste de viol. La décision met un terme définitif à la procédure, initiée en 2018. Du moins en France, car la plaignante a fait savoir qu’elle saisirait la justice européenne.
14 juillet 2023 : Benjamin Mendy jugé non coupable au Royaume-Uni
Déjà acquitté en janvier dans une première affaire (où il était poursuivi pour six viols présumés), le footballeur faisait l’objet de deux autres accusations, pour lesquelles le tribunal de Chester, au nord-ouest de l’Angleterre, a prononcé un non-lieu. Il était soupçonné du viol d’une femme de 24 ans en 2020 et de tentative de viol sur une femme de 29 ans en 2018.
19 juillet 2023 : Ary Abittan placé sous simple statut de témoin assisté
L’acteur était mis en examen depuis novembre 2021 suite à une plainte pour viol déposée par une femme de 23 ans avec qui il venait de passer la nuit. Mais des « éléments » du dossier ont conduit les juges d’instruction à réviser son statut judiciaire, laissant présager un abandon des charges.
26 juillet 2023 : Kevin Spacey déclaré innocent au Royaume-Uni
L’acteur a été acquitté par un tribunal de Londres, après avoir été inculpé en octobre 2022 pour des agressions sexuelles prétendument commises entre 2005 et 2013 contre trois hommes au Royaume-Uni. En mai 2022, il avait obtenu une décision favorable dans un autre dossier : l’acteur Anthony Rapp, qui l’accusait d’attouchements sexuels durant son adolescence, a été débouté par un tribunal civil de New York.
Il arrive de plus en plus souvent qu’à la tragédie de la mort d’une personnalité illustre et remarquable, s’ajoutent des incompréhensions qui projettent comme une ombre. Ainsi pour Robert Badinter et la volonté de sa famille d’écarter de l’hommage national le RN et LFI. Marine Le Pen a pris acte de cette exclusion et s’est abstenue. LFI s’est fait représenter par deux de ses députés.
L’hommage national rendu au ministère de la Justice a eu beaucoup d’allure et sa dignité a été exemplaire. La panthéonisation de Robert Badinter a été annoncée et, selon mon mauvais esprit habituel, j’ai immédiatement songé à tous les citoyens qui ne l’auraient pas souhaitée pour lui. Même si, évidemment, avec la propension de notre président à multiplier cette suprême consécration républicaine, on ne pouvait pas soutenir qu’il ne la méritait pas par rapport à d’autres. Si je n’approuve pas Jean-Luc Mélenchon dénonçant le fait qu’un hommage national, par principe, ne doit exclure personne – chaque famille de disparu est libre de ses choix – et il est décent d’en prendre acte sans les transgresser, il n’en demeure pas moins que la splendide et austère ordonnance de la cérémonie de deuil en l’honneur de RB autorise quelques interrogations, sans irrévérence.
Belles phrases
D’abord celle au sujet du verbe présidentiel, que l’allocution ait été rédigée par une « plume », comme c’est certain, et qu’elle ait été revue et relue par Emmanuel Macron lui-même, comme c’est sûr. On ne peut nier qu’elle a été de qualité, avec de la pompe, de l’ornement, avec des bonheurs d’expression tellement recherchés qu’ils en devenaient proches de l’enflure à force de lyrisme surjoué sur la mort, la guillotine, les camps… C’est la principale faiblesse des discours présidentiels, dans ces moments forts, dramatiques où le regret, l’admiration et les leçons pour le futur viennent se poser sur des vies brisées. En ne se méfiant pas assez de la surenchère dans le culte des belles phrases dont se délecte celui qui les prononce, avec pourtant une authentique tristesse. Je me suis toujours gardé en cour d’assises d’une forme d’émotion pléonastique, d’intensité redondante par rapport à l’extrémité tellement explosive, suffisante à elle seule, du réel criminel dont il était question. Malgré le caractère incomparable de cette pratique et la noblesse de cet hommage national, ma critique me semble cependant justifiée, du moins acceptable.
Au-delà de cette gêne, j’avoue être en général mal à l’aise face à ces étouffements funèbres qui à force d’hyperboles ne sont pas loin de faire perdre au mort ce qu’il avait eu de formidablement vivant – sa grandeur, sa richesse, ses pulsions, ses colères, ses contradictions et son humanité précisément, toute de lumières incontestables et de quelques ombres inéluctables.
Je mesure bien les contraintes d’un hommage de cette sorte mais je ne suis pas persuadé qu’embaumer Robert Badinter par le verbe lui rende justice et qu’une approche moins confite mais évidemment fidèle, digne et respectueuse ne l’aurait pas rendu plus plausible, au-delà de ses très proches accablés par le chagrin, en tout cas pour l’immense cercle de tous ceux qui ont pu le connaître, avec ses divers visages et manières d »exister, au cours de l’accomplissement de ses nombreuses missions.
Il y avait un Robert Badinter pour sa famille, pour la famille politique de gauche, pour les progressistes qui n’en revenaient pas de voir exprimer avec tant de force une philosophie de faiblesse et des principes de désarmement social, pour les humanistes de tous bords qui approuvaient l’abolition de la peine de mort, si largement préparée par un François Mitterrand longtemps partisan des hautes œuvres mortelles puis revenu courageusement à résipiscence…
D’ailleurs il faut bien considérer que la suppression de la peine de mort – pour des raisons que j’ai déjà expliquées, je ne l’aurais jamais requise, même si un dossier m’en avait imposé l’éventualité – ne relève pas de la politique ni de la politique pénale mais d’une conception de la transcendance, d’un humanisme à tout prix, et de la vie en société, de sorte qu’on peut célébrer Robert Badinter sur ce plan. Sans pour cela stigmatiser les adversaires de l’abolition qui subissent une double peine: les élites les méprisent et ils n’ont jamais pu donner leur avis !
Mansuétude pénale
En revanche, on aura le droit de lui reprocher d’avoir mis en place, avec une ou deux avancées, à coups de suppressions et d’adoucissements dangereux, les bases d’une mansuétude pénale désastreuse dont les effets délétères sont encore en cours dans certains programmes et idéologies et qui pourrait se résumer par : la société est plus coupable que le criminel ou le délinquant, d’ailleurs surgis de ses flancs. Il n’y a pas loin du Badinter compassionnel au Macron alternatif… Lorsque le respect tourne à l’idolâtrie, on élimine la multitude qui n’était pas séduite par le parcours exceptionnel d’un Robert Badinter, soit parce qu’elle le connaissait très mal, soit parce qu’elle ne l’appréhendait qu’au travers du prisme de l’avocat plus acharné à combattre le risque de mort qu’encouraient ses clients qu’indigné par les crimes de ceux-ci, soit, enfin, parce qu’elle était rétive à l’ambiguïté de cette personnalité, ayant été à la fois sénateur socialiste et étiquetée sublime conscience de gauche (qui en manquait, il est vrai).
Ces réserves pèsent peu et ne réclament que le droit à leur expression, dans le respect que Robert Badinter – dont le destin fut à la fois tragique, un miracle d’intelligence et de réussite, une consécration officielle, un exemple pour la lucidité juridique et le droit international, l’énergie et l’obstination d’un militant pour une social-démocratie paisible et civilisée, en résumé un être superbement brillant et profondément humain – inspire évidemment à beaucoup. Quels que soient les controverses et les dissentiments. On accepte l’immensité des éloges si on ne nous prive pas de quelques piécettes de dénonciation. L’idolâtrie le statufie. Alors qu’il va bouger longtemps dans l’esprit et le cœur de ceux qui l’aiment, l’admirent ou le discutent. Dans tous les cas il sera vivant pour toujours.
N’en déplaise aux nouvelles ligues de vertu, acteur n’est pas un métier comme un autre. Pour être magnifiés par un metteur en scène, les comédiens doivent accepter d’incarner un troublant objet du désir.
Le cinéma capte et restitue la lumière de la beauté. La lumière du regard divin et diabolique de l’acteur, où brille le feu du sacré et du sacrilège. Le cinéma exacerbe le désir de s’approcher du feu, de le posséder, de le « mettre en boîte ». Dans la Laternamagica, disait Bergman. Dans le cercle de lumière, répète Blanche DuBois1. En bravant l’interdit et risquant la brûlure. De cette quête, on ne sort pas indemne. Il s’agit d’un pacte faustien. Non Mlle Gardin. Être acteur, actrice ou metteur en scène, ce n’est pas comme d’être boulanger2. Au boulanger, on ne demande pas de mimer pour la caméra un baiser sur la bouche, de feindre une étreinte sexuelle, de se mettre nu, de se livrer à des ébats avec un ou plusieurs partenaires, de pleurer désespérément, de simuler un coït, d’éprouver du plaisir.
Non Mlles Haenel et Godrèche, vous n’empêcherez pas le metteur en scène qui vous sublime et vous magnifie en vous confiant un premier rôle au cinéma de s’approcher de vous, de tomber amoureux de vous. Demandez à Marlene Dietrich, elle vous parlera de von Sternberg.
Oui, acteur est une activité à part. Que les philosophes grecs déploraient. Que l’église condamnait à l’excommunication. Que les femmes n’eurent pas le droit de pratiquer pendant vingt siècles. Et lorsqu’elles eurent ce droit, elles furent regardées longtemps à l’égal des courtisanes. Aujourd’hui, acteur est une activité qui conduit nombre d’hommes et de femmes au désespoir, à la délinquance, à la drogue, à l’alcool, aux conduites extrêmes, à la folie et à la mort.
Cocteau disait plaisamment qu’acteur et prostitué sont les deux métiers où le marchand est également la marchandise. On a l’air d’exiger qu’actrice soit un job comme assistante sociale, caissière ou puéricultrice. Un métier comme un autre, où celle, celui qui l’exerce pour subsister en n’ayant pas le choix est protégé de toute violence sociale par des lois et un syndicat. C’est pourquoi on ne se revendique pas « artiste interprète » mais « intermittent du spectacle ». C’est un faux-semblant. Acteur est un métier parfaitement inutile. Un art indispensable, fascinant et merveilleux.
Metoo passera, comme avant lui le scandale « Fatty »Arbuckle et le code Hays qui en résulta. Cela fit les gros titres des journaux de l’entre-deux-guerres, et occupa Hollywood pendant vingt ans. Qui s’en souvient ?
Ne me touche pas, dit Delon à Visconti. Or, l’ayant touché, il en fit un mythe.
Personnage de la pièce de Tennessee Williams Un tramway nommé désir.↩︎
Lors de la cérémonie télévisée des Molière 2017, Blanche Gardin avait accablé Polanski en soulignant que son métier de réalisateur n’était en rien une excuse: « On ne dit pas, par exemple, d’un boulanger: ‘oui d’accord c’est vrai, il viole un peu des gosses dans le fournil, mais bon il fait une baguette extraordinaire’ », avait lancé l’humoriste aux défenseurs du célèbre réalisateur. ↩︎
Notre chroniqueuse attend désespérément le retour de la bonne comédie populaire «made in France». Cocorico la satisfera-t-elle ?
Lorsque mon rédacteur en chef m’a proposé de chroniquer Cocorico de Julien Hervé, sorti en salle le 7 février, je reconnais que cela m’a laissé assez perplexe… Férue de comédies populaires comme la France en avait le secret mais dont les cinéastes semblent avoir perdu la recette depuis quelques années, avec mes a priori de cinéphile, cette idée, je l’avoue, ne m’enchantait pas. Mais que diable ! Sortons de notre zone de confort, comme on dit dans les bouquins de développement personnel. Et je dois dire que je n’ai pas été déçue, on s’y amuse beaucoup, et le propos n’est pas si inintéressant. D’ailleurs le public est au rendez-vous : plus de 500 000 entrées en une semaine.
Clavier est-il un Français au carré? Un pitch simple et efficace
Un jeune couple issu de milieux sociaux différents – d’un côté des aristocrates vignerons bordelais, de l’autre des parvenus ayant fait fortune dans l’automobile – décide de faire les grandes présentations en vue du mariage. Pour fêter ça, les amoureux ont l’idée d’offrir aux deux familles des tests ADN. Ceux-ci font des ravages en ce moment : en effet, 200 000 Français feraient appel chaque année à des sociétés américaines – la pratique étant interdite en France – pour découvrir leurs origines lointaines. S’ancrer dans ses origines, un des dadas de notre siècle déboussolé ?
Et là, bien évidemment, c’est le drame. N’en dévoilons pas davantage, nous pouvons juste révéler qu’aucun des personnages ne se découvre d’ancêtres trop « exotiques », c’est-à-dire juifs, arabes ou noirs. Et ceci est intelligent de la part des scénaristes, car cela nous épargne le couplet du vivre ensemble à l’image de Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu ?
Voyage dans le temps, me voilà rapidement propulsée dans l’émission culte de mon enfance (de notre enfance à tous) : Au théâtre ce soir ! Car tout y est : le rythme, la qualité des acteurs (nous reviendrons sur la performance de Clavier), le découpage dramatique. En effet, nous pouvons considérer que Cocorico est un vaudeville en trois actes : la découverte du pot aux roses, les réactions des protagonistes qui servent de principaux ressorts comiques, et bien sûr le dénouement heureux. Mais ici, il ne s’agit pas de « Ciel mon mari ! », mais de « Ciel mon ADN ! » Tout cela représente la signature du meilleur de cette tradition bien française qu’est le Théâtre de Boulevard… Les scénaristes ont bien entendu abusé des clichés qui correspondent aux nouvelles origines des personnages, mais ce dispositif n’est nullement gênant, car en noyant le cliché dans le cliché, celui-ci finit par disparaître.
Alerte spoiler
Je ne résiste pas à la tentation de « spoiler » un peu, à dévoiler un des résultats des tests, le plus farfelu. Le personnage de Christian Clavier, Frédéric Bouvier-Sauvage, qui se targue d’être Français depuis la nuit des temps, preuves à l’appui – les portraits de ses ancêtres qui ornent les murs du château – se découvre des origines… cherokees. Après une période de déni et de dépression, son sang cherokee ne fait qu’un tour. Il fonce avec sa voiture dans un restaurant Buffalo Grill, avec dans l’idée de sauver le bison, emblème de la chaîne. Cela donne lieu à la scène la plus drôle du film. Et on éclate d’un rire spontané et clair, comme lorsque nous étions enfant.
Le casting est très réussi : Clavier fait du Clavier sans trop en faire et maîtrise à merveille sa vis comica, quant à Didier Bourdon il réussit à tenir à bonne distance son personnage de « beauf » enrichi dans lequel on l’a déjà vu. Les deux actrices qui interprètent leurs épouses respectives : Sylvie Testud et Marianne Denicourt sont issues du cinéma d’auteur, et elles ne font pas tache, bien au contraire, le mariage « intello-popu » fonctionne ici à merveille. Toutes proportions gardées, ce film n’est pas sans rappeler le cinéma de Lauzier des années 70-80, dont Clavier fut un des acteurs fétiches. Lauzier y dénonçait les mœurs post soixante-huitardes avec beaucoup de sarcasmes. Ces mêmes pointes de sarcasme que nous pouvons déceler dans Cocorico.
Assisterons-nous, avec ce film, à un retour de la bonne comédie populaire made in France ? Les paris sont ouverts.
L’armée israélienne a découvert un tunnel du Hamas sous les bureaux de l’UNRWA. La Française et ancienne ministre Catherine Colonna préside un groupe chargé de déterminer si l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens fait le nécessaire pour «assurer sa neutralité», après qu’Israël a accusé douze de ses employés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre 2023.
Après que des Hamasniks aient été pris la main sur leur badge de l’UNRWA, l’agence de l’ONU au service exclusif des réfugiés palestiniens a licencié ceux de ses salariés qui cumulaient cet emploi avec un mandat d’artificier ou de tueur pour le Hamas.
Et voici qu’un autre scandale touche cette malheureuse agence, avec la découverte d’un tunnel informatique du Hamas sous son siège central, dans le quartier luxueux de Rimal, à l’ouest de la ville de Gaza.
Visitez Gaza, son UNRWA et ses tunnels…
Une expédition dans ledit tunnel a été organisée pour la presse avec le colonel Nissim Hazan, qui commandait l’équipe responsable de la découverte. Le tunnel, long de 700 mètres et profond de 18, menait à un bureau, avec des coffres-forts en acier (qui avaient été ouverts et vidés), à des toilettes carrelées et à de grandes pièces, notamment l’une pour les serveurs informatiques et une autre pour le stockage de piles de batteries industrielles.
Le guide a expliqué : « Nous sommes au cœur du secret, dans les entrepôts de serveurs. … Il y a dix armoires de serveurs ici, pleines de gadgets… A côté d’eux se trouvait une puissante salle électrique. Ces deux pièces étaient exactement sous la salle centrale de communication du siège de l’UNRWA[1]. »
Apparemment, l’électricité était fournie par l’UNRWA : les câbles électriques entre les deux ont été sectionnés, mais laissés en place. Ils sont donc visibles, au départ dans le sous-sol de l’UNRWA et à l’arrivée, dans les installations du Hamas sous celui-ci.
Collusion entre l’UNRWA et le Hamas ? Élémentaire, mon cher Watson
Le monde entier fait mine de s’en étonner, mais elle est inévitable : Gaza est un État de facto depuis que les Israéliens s’en sont retirés sans contrepartie en juillet 2005, il y a 18 ans.
18 ans ! Il y a donc des Palestiniens, en âge de voter (si des élections étaient organisées), qui n’ont jamais rencontré un juif de leur vie.
Avant d’être Hamasnik, Gaza appartenait à la zone A, déterminée par les Accords d’Oslo. Signés en 1993, par Yasser Arafat pour l’OLP et Yitzhak Rabin pour Israël, ces accords prévoyaient la création d’un État palestinien en cinq ans, si les étapes pour y mener étaient respectées par les deux parties. Yasser Arafat devait reconnaître le droit d’Israël à vivre en paix et abandonner la lutte armée et Yitzhak Rabin devait reconnaître l’OLP en tant que « représentant légitime du peuple palestinien », ce qui fut fait et acté par le changement de nom du mouvement en « Autorité palestinienne » à qui l’occupant remit les clés de la zone A dès 1994.
La Cisjordanie et Gaza étaient réparties en trois zones A, B et C : la zone A gouvernée exclusivement par les Palestiniens, la zone B gouvernée par les Palestiniens pour tout ce qui était civil et les Israéliens pour tout ce qui était sécuritaire et la zone C restant, dans un premier temps sous contrôle israélien. 90% des Palestiniens vivaient en zones A et B.
Gaza étant en zone A, la Bande était gouvernée par l’Autorité palestinienne depuis 1994. À la mort d’Arafat, Mahmoud Abbas fut élu président de l’Autorité palestinienne et donc de Gaza, en 2005 pour un mandat de quatre ans.
Bien que la partie palestinienne n’ait pas rempli ses obligations vis-à-vis des Accords d’Oslo (reconnaissance d’Israël et arrêt des attentats), les Israéliens s’en sont retirés en 2005 : les civils juifs ont abandonné leurs villages, ce qui rendait inutile la présence des militaires, uniquement présents sur place pour protéger leur vie et leur sécurité.
Pour mémoire, il y a sur le territoire israélien non disputé, 2,1 millions de citoyens israéliens arabes qui vivent, sans avoir besoin de protection.
À Gaza, près de deux millions de Palestiniens vivent donc depuis 18 ans sur un territoire autonome, gouvernés par des autorités qu’ils ont choisies, dans des villes créées par la charité internationale, que l’on nomme à tort « camps de réfugiés », dont toutes les dépenses régaliennes sont couvertes par la communauté internationale : éducation, santé, voirie… mais pas la police ni l’armée.
Puisqu’il n’y a que des Palestiniens musulmans à Gaza, les employés de l’agence exclusivement au service des « réfugiés palestiniens » (à ne pas confondre avec les réfugiés tout court, qui relèvent du Haut-Commissariat aux Réfugiés) sont forcément des musulmans palestiniens. Etant donné que, depuis 2005, Gaza est une dictature dure, où rien ne peut advenir sans l’imprimatur lourdement taxé du Hamas, les 13 000 employés que l’UNRWA y salarie sont nommés ou accrédités par lui.
L’UNRWA n’est pas le gardien de son frère
Le Suisse Pierre Krähenbühl ayant dû démissionner en 2019 de son poste de directeur de l’UNRWA, suite à des accusations entre abus de pouvoir, népotisme et scandales sexuels, il a été promu à la tête de la Croix-Rouge internationale.
C’est donc son successeur et compatriote Philippe Lazzarini à qui est échu le devoir de plaider son ignorance pour l’épisode post-7 octobre.
Un tunnel aurait été construit sous ses locaux et des troupes du Hamas y auraient travaillé ? Ah bon ? Toute personne habitant trois étages au-dessus d’un appartement en travaux peut témoigner qu’il n’y a aucun moyen de se rendre compte de l’existence d’un chantier dans l’immeuble, a fortiori quand il s’agit d’en construire un second en-dessous.
Dans son communiqué, l’UNRWA a indiqué qu’elle n’avait « pas l’expertise militaire et sécuritaire ni la capacité d’entreprendre des inspections militaires de ce qui se trouve ou pourrait se trouver dans ses locaux »[2], ce d’autant moins qu’elle avait quitté son QG le 12 octobre, cinq jours après le début de la guerre.
Les mêmes habitants de l’immeuble ci-dessus imaginé attesteront certainement qu’un tunnel de 700 mètres de long, doté des infrastructures nécessaires à la vie de dizaines de personnes et au maintien d’un réseau informatique de haut niveau peut être construit en moins de quatre mois sans qu’il manque un bouton de culotte à l’air conditionné.
Invité à aller visiter le tunnel, Lazzarini a passé son tour
Le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a frotté le nez de Lazzarini dans ses contradictions : « Mais si, vous saviez ! Le creusement d’un tunnel prend plus de quatre mois. Nous avons invité des hauts fonctionnaires de l’ONU à venir voir, et lors de réunions passées avec vous et d’autres fonctionnaires de l’ONU, nous vous avons informé que le Hamas utilisait le siège de l’UNRWA », a-t-il tweeté sur X.
Parmi les visiteurs à qui Tsahal a montré ces tunnels, un journaliste a déclaré : « il a fallu au total deux minutes de visite du siège de l’UNRWA, situé au cœur du quartier chic de Rimal, pour comprendre qu’ils savaient tout. »[3]
Il a vu, il a reconnu, mais de retour au bureau, vaincra-t-il la réticence de son rédacteur en chef ?
De la théorie du genre à la bioéthique en passant par l’antispécisme : panorama non exhaustif des thèses universitaires les plus absurdes, les plus immorales ou les plus risibles – le cumul n’étant pas interdit.
Avant de disséquer dans son dernier ouvrage, La religion woke (1), les thèses déconstructivistes qui ravagent les sociétés occidentales, Jean-François Braunstein avait déjà examiné de près dans La philosophie devenue folle (2), l’excellent essai dont il va être question ici, les travaux de certains « penseurs » très à la mode et ayant participé à l’entrisme, dans le monde universitaire, des théories les plus farfelues devenues, par la force de l’ignorance, de la bêtise idéologique et de la paresse intellectuelle, des thèses « acceptables » et relayées par des professeurs se targuant de progressisme.
Conversations « illicites » avec ma chienne
La théorie du genre est maintenant incontournable dans les universités anglo-saxonnes et connaît un réel succès en France. Le jargon butlérien, après avoir fait le bonheur d’Éric Fassin et de Paris-VIII, a envahi les amphis de la Sorbonne, de Sciences Po, de l’ENS et de quasiment toutes les universités françaises. La théorie en question est aussi fluide, trouble et maigrelette que le liquide rachidien de ses thuriféraires mais les conséquences de son enseignement sont catastrophiques : le transgenrisme, dernier avatar de l’obsession démiurgique et narcissique des déconstructeurs de la distinction sexuelle, ravage une partie de notre jeunesse avec la complicité de l’Éducation nationale, de l’université et de la caste médiatico-culturelle wokiste. Concomitamment, écrit Braunstein, l’idéologie de la « libération animale », initiée par le philosophe et professeur de bioéthique australien Peter Singer, a favorisé l’émergence de l’animalisme et de l’antispécisme chers à Aymeric Caron. Singer, effaçant d’un trait les différences entre « l’animal humain » et « l’animal non humain », s’étonne que les relations sexuelles entre les hommes et les animaux soient encore taboues. Dans la foulée, Monika Bakke, une universitaire polonaise adepte des thèses de Singer, regrette qu’ « aucun pays ne reconnaisse le mariage entre les humains et les animaux ». De son côté, l’universitaire américaine Donna Haraway décrit sa relation avec Mlle Cayenne Pepper, sa chienne, les « baisers mouillés et profonds » qu’elles échangent et les « conversations illicites » qu’elles tiennent, le but étant de « troubler » les distinctions entre les espèces pour finir par « s’entremêler avec le riz, les abeilles, les tulipes, la flore intestinale et tout être organique auquel l’existence humaine doit d’être ce qu’elle est, et réciproquement ». Bref, sous couvert de réflexion philosophique, ça délire à plein tube. Et ce n’est pas fini. Et même ça s’accélère – du plus abject au plus risible.
Selon Singer, écrit J. F. Braunstein, si l’on définit l’humanité par le langage, la conscience et la raison, les humains ne jouissant plus de toutes ces facultés – « les enfants et adultes handicapés mentaux, les vieillards séniles ou les personnes en coma dépassé », selon lui – peuvent éventuellement devenir des cobayes d’expérimentations à la place d’animaux « beaucoup plus conscients ou intelligents que ces humains extrêmement diminués ». À un journaliste l’interrogeant sur l’utilisation des chimpanzés dans la recherche pharmacologique, Singer répond qu’il préférerait qu’on cherche à « obtenir le consentement des proches de gens qui sont dans des états végétatifs » et qu’on expérimente les nouveaux traitements sur ces « animaux humains diminués ». Cette idée révoltante n’est pas un « dérapage malheureux », affirme Braunstein en rappelant que Peter Singer est partisan, comme nombre de ses collègues éthiciens, de l’euthanasie sans consentement des personnes dans le coma, des vieillards souffrant de démence sénile ou des enfants « défectueux » – Singer trouve par exemple raisonnable la suggestion du prix Nobel de médecine Francis Crick, à savoir la possibilité d’un délai de trois jours après la naissance d’un enfant pour que les parents puissent effectuer certains tests sur son potentiel génétique puis décider de le laisser vivre ou de le tuer. Si, demain, l’euthanasie est légalisée en France, sommes-nous certains d’échapper longtemps à ce que nous considérons aujourd’hui comme des débordements monstrueux ? Est-il inconcevable d’imaginer que ces derniers puissent devenir, sous la pression des idéologies progressistes, les gestes routiniers et utilitaristes d’une organisation totalitaire, bio-technocratique et eugéniste dirigée par des individus ayant oublié le sens tragique de l’existence et dénués de toute morale ?
Refermons l’excellent essai de Jean-François Braunstein et soumettons à son auteur le cas d’Anna Smajdor, cas remarquable qui pourrait introduire un nouvel ouvrage sur la folie grandissante dans le monde philosophique et universitaire.
GPA « éthique » ?
Anna Smajdor est professeure agrégée de philosophie à l’université d’Oslo. Il y a quelques mois, dans un article intitulé « Whole-Body gestionnal donation » (WGBD ou « Don gestationnel de corps entier ») et paru dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics(3), cette éthicienne pro-GPA a émis l’hypothèse d’utiliser comme mères porteuses des femmes… en état de mort cérébrale. « Il n’y a pas de raison médicale évidente pour laquelle l’initiation de telles grossesses ne serait pas possible », décrète-t-elle en introduction de son article. Par ailleurs, elle considère qu’il serait raisonnable de proposer le « don gestationnel de corps entier » (ou WGBD) à toute personne voulant « éviter les risques et les contraintes liés à la gestation d’un fœtus dans son propre corps ». Pour les cas où certaines de ces GPA échoueraient, Anna Smajdor déroule une argumentation abjecte, qu’elle estime, elle, « raisonnable » et « éthique » : « Si les fœtus sont gravement endommagés par des facteurs inattendus découlant de la gestation en état de mort cérébrale – nul besoin de laisser naître des bébés gravement endommagés. […] L’avortement, en particulier l’avortement tardif, peut être traumatisant pour les femmes enceintes, à la fois émotionnellement et physiquement. Cependant, dans le cas du WGBD, la femme gestante est déjà morte et ne peut pas être blessée. Les parents mandatés peuvent décider de l’avortement sans avoir à se soucier des effets sur la donneuse gestante. » Afin d’écarter d’éventuelles récriminations féministes, Anna Smajdor propose que les hommes en état de mort cérébrale participent également au programme WGBD. Bien sûr, concède la chercheuse, il y a des risques mortels, surtout au moment de l’accouchement – « maispour les donneurs en état de mort cérébrale, le concept de “mortel” n’a aucun sens : le gestateur est déjà mort. » Ces idées délirantes ont suscité de vives polémiques – mais pour combien de temps encore ? Comme le note Sylviane Agacinski dans L’ homme désincarné (4) : « Nos contemporains ont beau répéter à l’envi toute l’horreur que leur inspirent les totalitarismes, ils n’en tirent aucune leçon. On tourne “la morale” en dérision et l’on se moque des “vieux tabous”. Tout est justifié au nom des intérêts individuels et des “demandes sociétales” que le droit est sommé de ne pas entraver. »
Les divagations d’Anna Smajdor s’accordent parfaitement avec le projet de déconstruction de l’humanité et d’élimination de la moralité que soutiennent à leur manière philosophes utilitaristes et théoriciens du genre. L’un d’entre eux, Paul B. Preciado, disciple halluciné de Derrida et de Butler, escompte l’avènement du transgenrisme, de la bio-technologie et de l’utérus artificiel afin de mettre à bas ce qu’il appelle, dans ce salmigondis infect, l’ordre hétéro-patriarco-colonial. Tandis qu’Anna Smajdor envisage une nouvelle manière, monstrueuse, de GPA, Preciado propose « l’arrêt de l’assignation du sexe à la naissance » en demandant que les sages-femmes cessent de dire aux parents : « Vous avez eu un garçon (ou une fille) », pour leur annoncer triomphalement : « Bravo ! Vous avez eu un corps vivant ». Le plus curieux est de constater qu’il existe des individus qui écoutent les délires de ces énergumènes le plus sérieusement du monde, sans frémir devant le projet immoral de cette philosophie devenue folle ou sans éclater de rire devant les idées sottes – ou d’une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire, selon la célèbre formule d’Orwell – qui lui servent d’arguments.
Quand le sperme est classé « pathogène »
Finissons sur une drôlerie. Car face à ces élucubrations désespérantes, il arrive un moment où se dégourdir les zygomatiques devient nécessaire et même vital. Dieu merci, les Butler, Haraway, Preciado, Smajdor et autres baudruches intellectuelles déconstructionnistes nous facilitent souvent la tâche. Les thèses chimériques de ces diafoirus universitaires mêlant jargon philosophique, baragouin sociologique et charabia scientifique, n’impressionnent que les cancres estudiantins et les journalistes ignares. Une première et très efficace façon de contrecarrer les ratiocinations bouffonnes de ces imposteurs est de s’en moquer, d’en rire de ce rire qui est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert). Anna Smajdor, encore elle, nous a fourni dernièrement une belle occasion d’appliquer cette redoutable méthode. Cette femme savante a en effet écrit avec Joona Räsänen, un professeur de philosophie finlandais qui semble aussi perché qu’elle, un article ahurissant paru dans Journal of Medical Ethics(5). On croit d’abord à un canular – du genre de ceux que Helen Plukrose, James Lindsay et Peter Boghossian firent il y a quelques années afin de dénoncer la vacuité intellectuelle de certaines revues universitaires spécialisées dans les études de genre ou les feminist studies. On comprend rapidement que ce n’en est pas un – et on s’esclaffe. Anna Smajdor et son comparse affirment en effet, dès l’entame de l’article, « qu’il existe des raisons impérieuses de considérer la grossesse comme une maladie. » Suit un résumé hallucinant de la thèse : « Comme une maladie, la grossesse affecte la santé de la personne enceinte, provoquant toute une gamme de symptômes allant de l’inconfort à la mort. Comme une maladie, la grossesse peut être traitée médicalement. Comme une maladie, la grossesse est provoquée par un agent pathogène, un organisme externe envahissant le corps de l’hôte. Comme pour une maladie, le risque de tomber enceinte peut être réduit en utilisant des mesures prophylactiques. »
Les auteurs comparent alors la grossesse à… la rougeole – et ça vaut le détour : « Comme la rougeole, la grossesse est une maladie spontanément résolutive. Elle suit une trajectoire prévisible qui se termine généralement par le rétablissement du patient. La grossesse et la rougeole impliquent également des symptômes qui peuvent altérer la capacité fonctionnelle normale de la personne. […] La grossesse est nocive (comme la rougeole). »Enfin, le summum de cette pitrerie :« Comme la rougeole, la grossesse est également causée par un organisme d’origine externe qui pénètre dans le corps et provoque les conséquences néfastes que nous avons décrites. Ainsi, de ce point de vue, le sperme pourrait être considéré comme un agent pathogène au même titre que le virus de la rougeole. » Les occasions de rire se faisant rares, nous tiendrons nos lecteurs au courant des prochaines publications d’Anna Smajdor, comique agrégée de philosophie délirante au cirque universitaire d’Oslo.
Chaque jour nous apporte un peu plus la démonstration que le camp des certitudes sombre dans la panique. Il s’y noie. Voilà que ses tenants se voient toujours davantage contraints de sortir du bois. Alors, les masques tombent.
Tant qu’ils n’avaient pas à gesticuler hors de leur zone de confort, nous pouvions les créditer a priori et sans plus d’examen d’une certaine capacité intellectuelle, d’une puissance dialectique potentiellement supérieure, d’un brio de la pensée et du verbe dignes de respect, si ce n’est d’admiration. Or, au gré des rares confrontations qu’ils acceptent – ou plutôt qu’ils ne sont plus en mesure d’éviter – on ne peut que constater chez eux un niveau plutôt consternant. Deloire et Jost, respectivement instigateur et artisan de la croisade anti-CNews, en sont les consternants exemples de ces derniers jours. Ils font l’actualité, et ils la font mal.
Nous passerons ici sous silence l’indigence des arguments qu’ils s’imaginent livrer dans les interviews. Quand ils en livrent. M. Deloire n’en est pas encore à ce stade, manifestement. Faute d’en avoir vraiment sous le pied, et réalisant sans doute qu’il s’est trompé de cour où faire rouler sa bille, il fuit, il quitte le plateau. François Jost, lui, sémiologue, prof d’université, ce qui peut valoir excuse aux yeux de certains, avoue tranquillement sur l’antenne de Sud Radio qu’il se range à l’avis du journal le Monde pour classer à l’extrême droite tel groupe ou telle association. Le Monde érigé, donc, en mètre étalon de mesure et de jauge idéologique pour la classification et l’évaluation de la pensée et des opinions. De même, quand on demande à ce grand intellectuel de se situer, puisqu’il faudra, selon lui et ces nouveaux inquisiteurs, que tout locuteur invité des médias le fasse, il répond, sans rire, Humaniste. « Je suis humaniste ». Outre que la réponse est des plus plates et d’une lâcheté déconcertante, elle est surtout sans aucune valeur. Pour un marxiste-léniniste, pour un révolutionnaire convaincu, un individu se déclarant humaniste est immédiatement classé à droite, relégué dans le marécage de la réaction bourgeoise. Pour un religieux traditionaliste, par exemple, il est à caser dans l’engeance plus ou moins voltairienne, agnostique, voire athée, donc à gauche. On aperçoit ainsi la nullité de la réponse apportée et, au-delà, la paresse du raisonnement.
Mais il y a bien pire. Et ce pire du pire est à chercher dans le principe même de la démarche. Ses promoteurs ne sont même pas dans l’état de vigilance intellectuelle qui leur permettrait de réaliser à quel point ce principe est, en soi, une impasse. Ou pour parler dru, une phénoménale connerie. Ils affirment être les chevaliers blancs du pluralisme. Sauf qu’ils en seront à terme les fossoyeurs (Ce qui, après tout, est peut-être bien leur but réel). Monsieur de La Palisse l’aurait dit infiniment mieux que moi : il n’y a pas de pluralisme sans pluralité, et c’est précisément cette réalité bien concrète que représente – ou tente de représenter – le système médiatique que nous connaissons. La liberté de la presse en actes, fruit d’un rude et noble combat. Avec au bout, donc, une pluralité, une diversité d’offres. Et c’est ainsi que ce pluralisme s’est trouvé – mécaniquement – enrichi par l’avènement d’une chaine comme CNews, puisque cette offre n’existait pas auparavant. En bonne logique, nos croisés du pluralisme devraient s’en réjouir. Au lieu de cela, au prix d’un contresens intellectuel à peine concevable, ils s’emploient à déplacer la norme du pluralisme de l’ensemble du spectre de la presse française à chacun de ses éléments, à chaque média en particulier (avec une focalisation militante, évidemment, sur CNews). Le pluralisme, la pluralité de l’offre ne relèverait plus de l’ensemble du paysage, mais, répétons-le de chaque élément, de chaque titre.
Transposé à la presse écrite, ce procédé reviendrait à exiger de L’Humanité une pluralité d’approches, d’invités, d’interviews, de sensibilités, etc. parfaite, conforme au manuel Deloire-Jost. Et, bien sûr, même exigence pour Le Figaro. Ce qui fera que, à terme, on aboutira tout bonnement, et surtout inéluctablement, à l’uniformité des contenus. C’est l’évidence même. Le résultat ne sera rien d’autre que la négation même de la pluralité, la vraie, la réelle, appréhendée comme elle doit l’être conformément à son principe, c’est à dire en prenant en compte l’intégralité de l’offre de presse et non sa fragmentation façon puzzle. Si on s’écarte de cette logique-là, la seule qui vaille, un seul journal suffira, au fond. Tel est peut-être bien l’impensé ou l’inavoué des Deloire et Jost (et de leurs mandants, bien sûr). D’ailleurs, Jost, mine de rien, nous a fait gagner un temps précieux dans la perception de cette affaire puisqu’il nous a livré le titre du journal unique et idéal selon lui : Le Monde.
L’ordre puritain est en marche. Au nom de l’égalité et de la justice, les progressistes et les néoféministes traquent le moindre écart, la transgression, l’expression du fantasme. La sexualité doit répondre à l’impératif de transparence, et les rapports homme/femme à une charte aseptisée. C’est la rééducation à l’ère MeToo.
Pour leurs 50 ans, Les Valseuses sont privées de sortie. Le film autrefois culte est déprogrammé par M6. À vrai dire ce qui est étonnant, c’est qu’une chaîne de télé ait envisagé de le diffuser. Et pas seulement parce qu’il est habité par un Depardieu (magnétique) que la bonne société a mis au ban. L’errance amicale, délinquante et sexuelle de deux voyous sexy est une insulte à notre époque. Dans Les Valseuses, les viols sont requalifiés en romances (avec la complicité des victimes) ; aujourd’hui, des romances sont requalifiées en viol. La relation consentie, puis regrettée est en effet un classique des prétoires – j’étais sous emprise. Avant, on appelait ça le désir. On dira, comme Zemmour, que Les Valseuses fait l’apologie de l’individualisme triomphant et conquérant (je veux, je prends). Dans le climat actuel, il rappelle surtout que la sexualité, autrefois, pouvait être transgressive, tragique, joyeuse – et impérieuse. Comme l’observait Sade, « il n’est point d’homme qui ne veuille être despote quand il bande ». Dans le fond, les féministes d’aujourd’hui ne disent pas autre chose. Sauf qu’elles ont ce despotisme en horreur. Au cas où ce texte serait lu par des mal-comprenants, ce despotisme qui se joue dans l’ordre symbolique ne signifie en rien qu’il faille tolérer la moindre violence, mais que le fantasme n’est pas soumis à l’impératif démocratique.
Miou-Miou, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans le film culte de Bertrand Blier, Les Valseuses (1974).
Domine-moi
En tout cas, aucun ado de 1974 n’aurait pu prédire qu’un demi-siècle plus tard, on ferait dans la presse comme il faut l’apologie de la sexualité sans pénétration, celle-ci étant réduite à une technique de domination, voire aux prémices du viol. Ni que de jeunes adultes se glorifieraient de n’avoir aucune sexualité. Beaucoup revendiquent bruyamment leur abstinence, et pas parce que « le désir s’accroît quand l’effet se recule » (Racine). Pour Thelma, interrogée par Libération en 2020, c’est « une construction sociale » qui doit lui éviter de céder à « la possibilité de désirer, de fantasmer et d’avoir un rapport sexuel ». Thelma est à l’avant-garde. Un monde sans fantasme, voilà l’utopie du xxie siècle. Il s’agit bien, sous couvert d’égalité et de justice, de domestiquer la sexualité, c’est-à-dire d’en finir avec elle. Il n’est pas question de réprimer les instincts, rôle dévolu à la civilisation, mais d’effacer jusqu’à leur souvenir, d’où la rage mise à nier toute spécificité du désir masculin. Comme le montre Muray, légiste sourcilleux de l’humanité historique et ennemi irréconciliable du nouvel homme (qui est une femme comme les autres), la sexualité est le plus grand obstacle à l’utopie d’un monde délivré du mal, l’ultime refuge de la négativité et des séparations qui, écrit-il dans un texte comme toujours visionnaire, « animèrent pendant des siècles la merveilleuse confrontation comique et dialectique entre Éros et Thanatos[1] ». Il n’y a pas de sexualité sans altérité (y compris entre personnes du même sexe), et l’altérité fondamentale reste malgré tout la division sexuée de l’espèce. Aussi le catéchisme contemporain interdit-il d’y faire référence. Comme le souligne Mathieu Bock-Côté dans l’entretien qu’il nous donne ce mois-ci, dans 1984, des adultes sont obligés de dire que deux et deux font cinq. Aujourd’hui, il leur est interdit de dire qu’il y a des hommes et des femmes.
Cette entreprise de normalisation de l’intime vient de loin. Muray en détecte les prémices au xixe siècle : « L’état de catastrophe dans lequel se trouve désormais la vie sexuelle est le résultat de la victoire du romantisme, c’est-à-dire de la religion de l’authenticité sur l’art tortueux et sophistiqué du libertinage. » La religion de l’authenticité, c’est l’exacte définition du puritanisme.
La ruse de ce puritanisme est de s’acoquiner avec une apparence de permissivité maximale. Comment peut-on parler de puritanisme quand le sexe est partout, s’indignent les progressistes. « L’évocation sexuelle est devenue la métaphore générale de la satisfaction, écrivait Paul Yonnet en 2000 dans le numéro du quarantième anniversaire du Débat[2]. Personne ne s’en étonne, personne ne s’en offusque. » Un quart de siècle plus tard, ça offusque pas mal de monde au point que la publicité s’est rangée des bagnoles : plus personne n’oserait vendre une voiture en promettant la femme[3]. Les temps ont changé… et c’est très bien, faut-il s’empresser d’ajouter si on veut vivre tranquille.
Une nouvelle addiction
Il est vrai cependant que la détestation du sexe va de pair avec l’omniprésence du porno. Certes, celui-ci représentait 14 % des entrées en 1974, l’année de sortie d’Emmanuelle, et 25 % en 1975. Déjà, Yonnet constatait que cette avalanche de sons, images et mots n’avait aucune influence sur la vie amoureuse : « On aurait pu s’attendre à une société dionysiaque, un bond en avant de la libido et des expériences amoureuses, bref une atmosphère d’érotisation compulsive des mœurs. » Il n’en a rien été. Les mœurs sexuelles des Français sont restées passablement stables et conjugales. La porno, en revanche, a beaucoup changé. En plus d’être de plus en plus violent, il est, pour nombre d’adolescents (et sans doute des adultes), une véritable addiction. Justement : le porno n’est plus un adjuvant, un excitant, mais un substitut au sexe charnel.
Dans les milieux conservateurs, le point de vue courant sur le nouveau puritanisme est qu’il serait un backlash, un retour de bâton, par rapport aux excès de la libération sexuelle. La satiété aurait tué le désir. Il y a du vrai à l’échelle d’individus, comme ces enfants de soixante-huitards devenus intraitables sur les bonnes mœurs[4]. Mais peut-être que la libération sexuelle a été une étape dans l’étouffement de la sexualité par positivité. « Si la libido est descendue dans la rue en mai 68, résume lumineusement Muray, c’est qu’elle n’avait plus rien à cacher. Et seuls les morts n’ont rien à cacher. »
Ce qui tue la sexualité, ce n’est pas la répression, c’est la lumière. « La volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal », écrit Baudelaire. On ne fait pas le mal en public. Soumise à l’impératif sacré de transparence, la libido doit signer des engagements, expier ses péchés, obéir à un code de bonne conduite, partager les tâches domestiques. La terreur sociale, confortée par le droit, s’invite « jusque sous nos draps », pour reprendre l’expression de Noémie Halioua (voir l’article sur son livre de Frédéric Magellan dans notre dossier). Pas étonnant que nos imaginaires soient tentés d’aller voir ailleurs.
Notre époque qui croit être passée de l’ombre à la lumière avec #MeToo, ne tolère plus sur la sexualité qu’un discours clinique ou apocalyptique. La vie sexuelle doit se conformer à la grammaire de la démocratie et de la bonne foi. Répétons encore, pour les malentendants que le déplorer, ce n’est pas accepter que l’homme propose et dispose mais penser que, s’il plaît aux humains de jouer avec les anciens rôles sexués, c’est leur liberté. Cela fait longtemps que les femmes ne sont plus assignées à l’intérieur – même si certaines choisissent ce rôle, ce qui est aussi leur liberté. Ainsi, observe Muray, nous voyons disparaître parce que frappées d’opprobre, voire d’illégalité « des choses devenues impensables comme la division des sexes, le corps différencié, le plaisir égoïste, le secret, les interdits, la conquête, l’immoralité, la trahison, l’obscénité, la complicité, l’opacité, la duplicité, la culpabilité, la lascivité et tant d’autres choses encore qui se nourrissaient non seulement de l’opposition entre hommes et femmes, mais aussi de la division entre public et privé ».
La menace hygiéniste
Cette conception hygiéniste se double d’un discours apocalyptique qui confond la norme avec sa transgression, et ne dépeint la sexualité et singulièrement l’hétérosexualité que sous les auspices de la violence et de la domination. Comme le Blanc du discours décolonial, l’homme du discours féministe est structurellement coupable.
Une relation clairement consentie peut être qualifiée de viol, en particulier quand la femme est mineure – nonobstant le fait que la majorité sexuelle est à 15 ans. La zone trouble des amours interdites n’appelle que des condamnations dépourvues de toute compréhension.
Campé sur son statut victimaire et sur la créance que cela lui donne sur la gent masculine, le féminisme post-MeToo fait tomber des têtes. Pour de vrai. Tout homme célèbre n’ayant pas une vie sexuelle irréprochable est menacé. Sur les plateaux de cinéma, on ne parle que de ça. Les proscrits se passent des textes et des références sur le maccarthysme. C’est qu’acteurs et réalisateurs sont à la merci d’une dénonciation suivie d’une mise au ban, s’appuyant ou pas sur une blague déplacée, un regard en coin, voire, cela arrive, un comportement réellement répréhensible. La meilleure preuve que ça marche, c’est que, sans n’avoir jamais rien fait d’illégal, des hommes autrefois coureurs de jupons se rangent. Au rythme où nous « avançons », le vagabondage sexuel sera bientôt puni par la loi. En attendant, l’inquisition s’en charge. Les producteurs de cinéma ont été sommés par le CNC d’assister à un stage de rééducation, comme ils fleurissent désormais dans de nombreuses institutions.
Certes, les tribunaux résistent, comme le montre la liste des acquittés célèbres, établie par Jean-Baptiste Roques. Ils ne condamnent pas le dragueur lourd, l’inquisition s’en charge. Pour combien de temps ? Une magistrate qui a assisté au séminaire de l’École nationale de la magistrature sur les « violences sexistes et sexuelles », résume ainsi les travaux : « Jour 1 : l’homme est ontologiquement violent. Jour 2: une femme qui se plaint a nécessairement une vérité à dire, même si elle ment sur les détails. »
Freud l’annonçait : « Celui qui promettrait à l’humanité de la délivrer de la sujétion sexuelle, quelque sottise qu’il dise, serait considéré comme un héros. » Nous y sommes. Tout cela, répétons-le, n’a pas commencé avec MeToo. Mais pourrait bien finir avec MeToo. Si aucun régime communiste n’est parvenu à faire dépérir l’État, le dépérissement de la sexualité est en bonne voie. Le féminisme sera peut-être, pour notre malheur à tous, la seule révolution de l’histoire qui réalisera son programme.
[1] « Sortie de la libido, entrée des artistes », Critique, juin-juil. 2000 (repris dans Essais, Les Belles-Lettres, 2010).
[2] Paul Yonnet, « Libérer le sexe pour se libérer du sexe », Le Débat, n° 112(5), nov.-déc. 2000.
[3] « Il a la voiture, il aura la femme », promettait je ne sais plus quelle marque automobile dans les années 1990.
[4] Raison pour laquelle, outre l’envie de faire une petite blague, nous avons choisi ce titre de une.
RSF a raison : il est temps de vérifier si le pluralisme est bien respecté sur certains médias ! s’amuse notre chroniqueur Didier Desrimais.
Ce qui se passe actuellement en France est incroyable. Suite à une saisine de Reporters sans frontières (RSF), ONG ayant en principe « pour objectif la défense de la liberté de la presse », le Conseil d’État a décidé d’inciter l’Arcom à faire respecter le pluralisme dans les médias audiovisuels en tenant compte non plus seulement du temps de parole des personnalités politiques invitées mais également de l’orientation de pensée supposée des participants, chroniqueurs et animateurs des différentes émissions. Cela s’appelle un fichage politique et est normalement interdit sous nos latitudes démocratiques. Pourtant, sous la férule de RSF, le Conseil d’État demande à l’Arcom de se pencher sur le dossier CNews dans un délai de six mois. Pourquoi spécifiquement CNews ? C’est que la chaîne connaît un succès grandissant. Succès qu’elle doit aux sujets abordés (parfois par elle seule), aux reportages sur la vie réelle des Français, aux débats qu’ils suscitent sur les plateaux grâce à ses excellents journalistes, chroniqueurs et invités. La ligne éditoriale de CNews n’est un mystère pour personne. La ligne éditoriale de France Inter n’est pas plus mystérieuse. Différence notable : CNews est une chaîne privée ; France Inter, une radio publique. Question pluralisme, je ne suis pas certain que France Inter, qui devrait être la radio de tous les Français puisque tous les Français paient pour elle, soit la mieux placée : une partie de l’électorat y est régulièrement conspué, l’écologisme y a une place prépondérante (une charte environnementale interne proscrit explicitement tout débat contradictoire et remise en question des rapports du GIEC), l’idéologie européiste y prospère gentiment, le wokisme également, la matinale d’information est le summum de l’entre-soi gaucho-libéral-libertaire.
Concernant cette dernière, lorsque Nicolas Demorand, Léa Salamé, Sonia Devillers et Claude Askolovitch sont en vacances, ce sont leurs clones, Simon Le Baron, Alexandra Bensaid et Laetitia Gayet qui les remplacent. Votre serviteur a écouté attentivement la matinale du mardi 3 février animée par ces derniers. Compte-rendu :
7h44. L’édito politique. Yaël Goosz méprise certains Français. Il trouve qu’ils ont des idées nauséabondes et qu’ils votent mal. Il méprise tout autant les représentants politiques qui ont été élus par ces Français. Ce matin-là, il s’interroge – « Un tabou politique est-il en train de tomber face au RN ? » – et répond immédiatement par l’affirmative en montrant du doigt les coupables, Emmanuel Macron et Gabriel Attal qui, selon lui, ont enterré « la notion “d’arc républicain” ». Attal a eu en effet l’outrecuidance d’expliquer dans les médias que son « arc républicain » à lui, c’est tout l’hémicycle – c’est-à-dire l’ensemble des élus issus d’élections démocratiques – ce qui semble chagriner l’éditorialiste politique qui ne comprend pas : dans son discours de politique générale le Premier ministre sonnait pourtant la charge contre le « parti du Frexit déguisé » et les « amis de Poutine ». Au goût de M. Goosz ce discours manquait quand même un peu de cette coloration brunâtre qui distingue les méchants fachos des gentils républicains. Du coup, le journaliste s’y colle : il rappelle d’abord que Jordan Bardella a récemment affirmé ne pas croire que Jean-Marie Le Pen était antisémite ; puis, profitant grossièrement de l’émotion suscitée par la mort de Robert Badinter, que ce dernier « a passé sa vie à alerter contre la “lepénisation des esprits” ». Visiblement agacé par « l’atonie du camp macroniste » face au RN, Yaël Goosz s’est trituré les méninges pour écrire un bon mot supposé faire mouche – « Sans arc, on cherche les flèches ! » – suivi bientôt d’un second : « À force de tirer sur la corde, l’arc finit par casser. » L’éditorialiste est la proie des idées fixes, que voulez-vous, le RN l’obsède. Dans son avant-dernier édito, il s’étranglait d’indignation en évoquant l’annonce de Gérald Darmanin sur la fin du droit du sol à Mayotte : « Emmanuel Macron est-il prêt à s’appuyer sur le RN, sur ses voix, pour faire passer la révision ? » Dans son antépénultième chronique, il se demandait si François Bayrou ne faisait pas le jeu du RN. Quelques jours auparavant il affirmait que le RN surfait sur la crise agricole en se « repaissant des souffrances » des agriculteurs. La proie des idées fixes, vous dis-je.
7h50. Alexandra Bensaid, alias Miss Woke, reçoit l’actrice Jodie Foster à l’occasion de la sortie de la quatrième saison de la série True Detective. Deux mots sur le cinéma hollywoodien comparé aux séries produites par HBO ou Netflix, trois bricoles sur le scénario de la série en question, puis Alexandra Bensaid lance les sujets sociétaux qui lui tiennent vraiment à cœur : le casting de la nouvelle saison de True Detective est formidable, « c’est une représentante des minorités (Kali Race, collègue de Foster dans la série, est “racisée”) et deux femmes en tête d’affiche – ça dit à quel point le cinéma américain a changé ! » La journaliste évoque ensuite l’affaire Weinstein, Gérard Depardieu, les déclarations de Judith Godrèche. « Je sais que vous vivez en France un moment assez MeeToo », dit l’actrice tout en affirmant être une « femme forte » n’ayant jamais rencontré de problèmes avec ses réalisateurs et ses producteurs. Enfin, Alexandra Bensaid avoue son inquiétude pour les Etats-Unis : « Il y a beaucoup de retours en arrière. La discrimination positive a disparu dans les facs. Il y a beaucoup de grandes entreprises qui sont en train de revenir en arrière sur leurs programmes de diversité. Est-ce que vous sentez tout ça ? » Jodie Foster botte en touche : « Vous posez beaucoup de questions politiques mais moi je fais du cinéma avant tout. » La journaliste ne comprend visiblement pas le français que l’actrice américaine parle pourtant à la perfection et la relance sur les « inquiétudes qui pèsent sur la démocratie américaine », entre autres la possible future élection de Trump « dont les électeurs ont lancé l’assaut du Capitole en janvier 2021 », rappelle-t-elle avec une subtilité de mammouth. Constatant qu’Alexandra Bensaid a la comprenette difficile, Jodie Foster – diplômée de Yale, polyglotte, QI de 132 – précise simplement mais fermement sa pensée : « Je ne parle pas de politique américaine. C’est une très mauvaise idée pour moi et pour les acteurs en général. Moi je fais du cinéma, c’est ça mon job à moi. » Mme Bensaid est désappointée : d’habitude, quand elle interviouwe une actrice française sur la politique, celle-ci embraie aussitôt pour asséner avec une éloquence de perroquet les banalités progressistes, féministes ou écologistes de la gauche culturelle. Il faut dire que les actrices françaises donneuses de leçons de morale à deux balles n’ont pas la moitié du quart du QI de Jodie Foster. Il est vrai aussi que nombre d’entre elles n’ont pas le quart de la moitié de son talent. Et je ne parle pas que de Léa Seydoux.
8h17. Pierre Haski, ancien directeur adjoint de Libération, fondateur du site d’extrême gauche Rue89 et membre de Reporters sans Frontières, consacre sa chronique géopolitique à « la catastrophe humanitaire en cours à Rafah ». Il évoque le témoignage apocalyptique du docteur Raphaël Pitti, médecin humanitaire de l’ONG Mehad, la veille sur France Culture. Le 6 février, France Info relayait déjà sur ses ondes les informations du même docteur Pitti de retour de Gaza. Le 8 février, le docteur Pitti était déjà dans les studios de France Inter et, conformément à l’aberrante propagande répandue pour faire des Israéliens les nouveaux nazis, comparait Gaza au… Ghetto de Varsovie, tout en refusant de condamner clairement le Hamas. Sur la radio publique, quand on tient un intervenant qui se conforme à la ligne pro-palestinienne de ladite radio, on ne le lâche pas et on se le prête de studio en studio !
8H47. La revue de presse. Laetitia Gayet remplace Claude Askolovitch, ce qui ne change strictement rien quant au choix des journaux cités préférentiellement. Libération a droit à sa pub quotidienne – la veille, le quotidien avait déjà fait l’essentiel de la revue de presse de Mme Gayet. Le Monde et L’Obs sont régulièrement cités. Sur France Inter on n’évoque jamais les magazines Valeurs actuelles, L’Incorrect ou Causeur, sauf pour les accuser d’être… d’extrême droite. On peut en revanche, comme ce matin-là, citer longuement la revue Regards en omettant de dire qu’elle est une revue d’extrême gauche qui se fit connaître pour son titre de couverture tout en nuances en juillet 2023 : « Dire les faits : 1) La police tue. 2) Son racisme est systémique. » Le lendemain, Laetitia Gayet citera La Croix, Le Canard enchaîné, L’Obs, Le 1, Le Monde et Libération – c’est-à-dire la fine fleur de la presse de centre gauche, de gauche et d’extrême gauche. Le même jour, pour débattre sur « les combats de Robert Badinter », Simon Le Baron recevra Thomas Legrand, journaliste à France Inter et à Libération, Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, et Pablo Pillaud-Vivien, journaliste et rédacteur en chef de la revue d’extrême gauche Regards. Facétieux, l’auditeur attentif Gilles-William Goldnadel notera immédiatement sur son compte X : « Triomphe du pluralisme de sévices publics. »
9H43. L’édito média. Cyril Lacarrière rappelle ce que les fidèles auditeurs sont censés déjà savoir puisque Edwy Plenel était la veille dans les studios de France Inter pour annoncer qu’il quitte la présidence de Médiapart. « C’est une espèce en voie de disparition qui part avec lui : le patron de presse à l’ancienne », se lamente le chroniqueur en regrettant qu’aujourd’hui une certaine presse, suivez mon regard, promeuve « une idéologie politique » – ce qui n’a jamais été le cas de Médiapart, comme chacun sait. Ah ! bien sûr, concède Cyril Lacarrière, Plenel a des défauts ; Plenel s’est mis à dos Charlie Hebdo ; Plenel a protégé Tariq Ramadan ; Plenel a un côté donneur de leçons qui peut énerver. Mais, s’enflamme le chroniqueur, quel homme, quel journaliste, quelle force, quelle personnalité, quelle réussite ! On comprend mieux pourquoi Plenel pense qu’il est une sorte de dieu aux yeux des journalistes.
Fin d’une matinale de France Inter ressemblant à toutes les matinales de France Inter.
Le Conseil d’État juge que, pour apprécier le respect du pluralisme de l’information par un média audiovisuel, « l’Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants des programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ». Si l’Arcom veut se faire la main, nous lui conseillons de commencer par un média où le relevé des « courants de pensée et d’opinions de l’ensemble des participants » sera relativement aisé, évident, rapide et incontestable. J’ai bien une petite idée mais je ne veux influencer personne – ce dont je suis certain, c’est que ce n’est sans doute pas CNews qui viendra en premier à l’esprit des membres de l’Arcom si l’expression « honnêteté intellectuelle » veut encore dire quelque chose.
D’ailleurs, Yaël Goosz semble penser la même chose que moi et prend les devants: « L’Arcom, dit-il pour conclure son édito du 15 février, doit inventer de toutes pièces, pour l’automne, la nomenclature qui permettra de dire si une chaîne est pluraliste ou non, hors temps de parole politique. En « fliquant » chroniqueurs, journalistes, producteurs ? On m’a certifié que non. Il n’empêche, il y aura bien un nouveau cadre, défini par qui ? Comment ? Ce n’est pas parce que CNews tousse, que la chasse aux dérives doit devenir virale. » Cette déclaration sonne comme un aveu.
Une étude universitaire prétend que Tsahal pollue trop depuis le début de la guerre contre le Hamas… À toutes les calamités dont Israël est systématiquement accusé, s’ajoute donc le problème écolo.
Depuis le début de sa campagne militaire pour neutraliser le Hamas dans la bande de Gaza, Israël est accusé de tous les maux, de la violation des droits humains au génocide. Maintenant, ses critiques ont trouvé un nouvel angle d’attaque : son action serait en train d’exacerber la catastrophe climatique qui menace la planète. C’est la thèse d’une étude publiée en janvier par des chercheurs britanniques et américains[1]. Ces derniers affirment que les émissions de gaz à effet de serre générées au cours des deux premiers mois de la guerre seraient plus grandes que l’empreinte carbone annuelle de plus de vingt autres pays et territoires (sans spécifier lesquels). Selon leurs calculs, au moins 281 000 tonnes métriques de CO2 auraient été émises par avions, chars, missiles et bombes, ainsi que par les usines qui les fabriquent. Presque la moitié de ces émissions serait attribuable à des avions de transport américains qui ont livré des fournitures militaires aux Israéliens.
L’étude, prépubliée en ligne, a été favorablement accueillie par le journal anglais de gauche The Guardian, puis largement reprise par les médias progressistes[2]. Elle a été saluée par un rapporteur spécial des Nations unies. Les faibles moyens militaires du Hamas sont présentés presque de manière vertueuse par The Guardian, puisque ses tirs de roquettes n’ont généré que 713 tonnes de CO2. Mais le 1,7 million de tonnes israéliennes (mesuré sur un an) représente peu à côté d’autres chiffres. En 2022, les forces armées américaines ont émis 48 millions pour seulement une partie de leurs activités. Selon l’Agence européenne de la sécurité aérienne, les avions partant d’aéroports européens en ont émis 147 millions en 2019. Et qui s’aventurerait à évaluer le bilan carbone de la guerre en Ukraine ? Certes, la planète se réchauffe, mais les critiques d’Israël sont surchauffés.
[1]. « A Multitemporal Snapshot of Greenhouse Gas Emissions from the Israel-Gaza Conflict », Social Science Research Network, 9 janvier 2024.
[2]. Nina Lakhani, « Emissions from Israel’s War in Gaza have “immense” effect on climate catastrophe », 9 janvier 2024.
L’année 2023 a été riche en non-lieux et en acquittements dans diverses affaires sexuelles visant des people. Les prédateurs ne sont pas forcément ceux qu’on accuse.
L’année qui vient de s’écouler a été riche en non-lieux et en acquittements dans diverses affaires sexuelles visant des people. Six ans après le début de l’affaire Weinstein, le néoféminisme a du plomb dans l’aile. En 2023, plusieurs décisions judiciaires ont été prononcées en faveur de célébrités mises en cause dans le climat hystérique du mouvement MeToo. Précision importante : nous ne mentionnons ci-dessous que des affaires « recevables », ce qui écarte les dossiers classés sans suite pour cause de prescription (Berry, Hulot, Lévêque, Louvain, Matzneff, PPDA…). Bien sûr, ces heureux dénouements privés n’ont qu’une seule vertu publique, celle de nous rappeler combien la présomption d’innocence doit être chérie dans un État de droit. On aurait tort en revanche de conclure que la criminalité sexuelle est un phénomène marginal dans nos sociétés.
Sans avoir attendu MeToo, pas moins de 20 condamnations pour viol sont prononcées chaque jour dans les tribunaux français. Dans les deux tiers des affaires jugées, les coupables écopent d’au moins dix ans de prison ferme.
24 janvier 2023 : Gérald Darmanin acquitté en appel
La cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu rendu en juillet 2022 à l’issue du procès opposant l’ex-maire de Tourcoing à l’une de ses anciennes administrées, Sophie Patterson-Spatz, qui l’accusait de l’avoir violée en 2009. La jeune femme, dont la première plainte remonte à 2017, a annoncé qu’elle se pourvoyait en cassation.
21 juin 2023 : L’innocence de Luc Besson confirmée définitivement en cassation
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a rejeté le pourvoi formé par l’actrice Sand Van Roy, qui accusait le cinéaste de viol. La décision met un terme définitif à la procédure, initiée en 2018. Du moins en France, car la plaignante a fait savoir qu’elle saisirait la justice européenne.
14 juillet 2023 : Benjamin Mendy jugé non coupable au Royaume-Uni
Déjà acquitté en janvier dans une première affaire (où il était poursuivi pour six viols présumés), le footballeur faisait l’objet de deux autres accusations, pour lesquelles le tribunal de Chester, au nord-ouest de l’Angleterre, a prononcé un non-lieu. Il était soupçonné du viol d’une femme de 24 ans en 2020 et de tentative de viol sur une femme de 29 ans en 2018.
19 juillet 2023 : Ary Abittan placé sous simple statut de témoin assisté
L’acteur était mis en examen depuis novembre 2021 suite à une plainte pour viol déposée par une femme de 23 ans avec qui il venait de passer la nuit. Mais des « éléments » du dossier ont conduit les juges d’instruction à réviser son statut judiciaire, laissant présager un abandon des charges.
26 juillet 2023 : Kevin Spacey déclaré innocent au Royaume-Uni
L’acteur a été acquitté par un tribunal de Londres, après avoir été inculpé en octobre 2022 pour des agressions sexuelles prétendument commises entre 2005 et 2013 contre trois hommes au Royaume-Uni. En mai 2022, il avait obtenu une décision favorable dans un autre dossier : l’acteur Anthony Rapp, qui l’accusait d’attouchements sexuels durant son adolescence, a été débouté par un tribunal civil de New York.
Il arrive de plus en plus souvent qu’à la tragédie de la mort d’une personnalité illustre et remarquable, s’ajoutent des incompréhensions qui projettent comme une ombre. Ainsi pour Robert Badinter et la volonté de sa famille d’écarter de l’hommage national le RN et LFI. Marine Le Pen a pris acte de cette exclusion et s’est abstenue. LFI s’est fait représenter par deux de ses députés.
L’hommage national rendu au ministère de la Justice a eu beaucoup d’allure et sa dignité a été exemplaire. La panthéonisation de Robert Badinter a été annoncée et, selon mon mauvais esprit habituel, j’ai immédiatement songé à tous les citoyens qui ne l’auraient pas souhaitée pour lui. Même si, évidemment, avec la propension de notre président à multiplier cette suprême consécration républicaine, on ne pouvait pas soutenir qu’il ne la méritait pas par rapport à d’autres. Si je n’approuve pas Jean-Luc Mélenchon dénonçant le fait qu’un hommage national, par principe, ne doit exclure personne – chaque famille de disparu est libre de ses choix – et il est décent d’en prendre acte sans les transgresser, il n’en demeure pas moins que la splendide et austère ordonnance de la cérémonie de deuil en l’honneur de RB autorise quelques interrogations, sans irrévérence.
Belles phrases
D’abord celle au sujet du verbe présidentiel, que l’allocution ait été rédigée par une « plume », comme c’est certain, et qu’elle ait été revue et relue par Emmanuel Macron lui-même, comme c’est sûr. On ne peut nier qu’elle a été de qualité, avec de la pompe, de l’ornement, avec des bonheurs d’expression tellement recherchés qu’ils en devenaient proches de l’enflure à force de lyrisme surjoué sur la mort, la guillotine, les camps… C’est la principale faiblesse des discours présidentiels, dans ces moments forts, dramatiques où le regret, l’admiration et les leçons pour le futur viennent se poser sur des vies brisées. En ne se méfiant pas assez de la surenchère dans le culte des belles phrases dont se délecte celui qui les prononce, avec pourtant une authentique tristesse. Je me suis toujours gardé en cour d’assises d’une forme d’émotion pléonastique, d’intensité redondante par rapport à l’extrémité tellement explosive, suffisante à elle seule, du réel criminel dont il était question. Malgré le caractère incomparable de cette pratique et la noblesse de cet hommage national, ma critique me semble cependant justifiée, du moins acceptable.
Au-delà de cette gêne, j’avoue être en général mal à l’aise face à ces étouffements funèbres qui à force d’hyperboles ne sont pas loin de faire perdre au mort ce qu’il avait eu de formidablement vivant – sa grandeur, sa richesse, ses pulsions, ses colères, ses contradictions et son humanité précisément, toute de lumières incontestables et de quelques ombres inéluctables.
Je mesure bien les contraintes d’un hommage de cette sorte mais je ne suis pas persuadé qu’embaumer Robert Badinter par le verbe lui rende justice et qu’une approche moins confite mais évidemment fidèle, digne et respectueuse ne l’aurait pas rendu plus plausible, au-delà de ses très proches accablés par le chagrin, en tout cas pour l’immense cercle de tous ceux qui ont pu le connaître, avec ses divers visages et manières d »exister, au cours de l’accomplissement de ses nombreuses missions.
Il y avait un Robert Badinter pour sa famille, pour la famille politique de gauche, pour les progressistes qui n’en revenaient pas de voir exprimer avec tant de force une philosophie de faiblesse et des principes de désarmement social, pour les humanistes de tous bords qui approuvaient l’abolition de la peine de mort, si largement préparée par un François Mitterrand longtemps partisan des hautes œuvres mortelles puis revenu courageusement à résipiscence…
D’ailleurs il faut bien considérer que la suppression de la peine de mort – pour des raisons que j’ai déjà expliquées, je ne l’aurais jamais requise, même si un dossier m’en avait imposé l’éventualité – ne relève pas de la politique ni de la politique pénale mais d’une conception de la transcendance, d’un humanisme à tout prix, et de la vie en société, de sorte qu’on peut célébrer Robert Badinter sur ce plan. Sans pour cela stigmatiser les adversaires de l’abolition qui subissent une double peine: les élites les méprisent et ils n’ont jamais pu donner leur avis !
Mansuétude pénale
En revanche, on aura le droit de lui reprocher d’avoir mis en place, avec une ou deux avancées, à coups de suppressions et d’adoucissements dangereux, les bases d’une mansuétude pénale désastreuse dont les effets délétères sont encore en cours dans certains programmes et idéologies et qui pourrait se résumer par : la société est plus coupable que le criminel ou le délinquant, d’ailleurs surgis de ses flancs. Il n’y a pas loin du Badinter compassionnel au Macron alternatif… Lorsque le respect tourne à l’idolâtrie, on élimine la multitude qui n’était pas séduite par le parcours exceptionnel d’un Robert Badinter, soit parce qu’elle le connaissait très mal, soit parce qu’elle ne l’appréhendait qu’au travers du prisme de l’avocat plus acharné à combattre le risque de mort qu’encouraient ses clients qu’indigné par les crimes de ceux-ci, soit, enfin, parce qu’elle était rétive à l’ambiguïté de cette personnalité, ayant été à la fois sénateur socialiste et étiquetée sublime conscience de gauche (qui en manquait, il est vrai).
Ces réserves pèsent peu et ne réclament que le droit à leur expression, dans le respect que Robert Badinter – dont le destin fut à la fois tragique, un miracle d’intelligence et de réussite, une consécration officielle, un exemple pour la lucidité juridique et le droit international, l’énergie et l’obstination d’un militant pour une social-démocratie paisible et civilisée, en résumé un être superbement brillant et profondément humain – inspire évidemment à beaucoup. Quels que soient les controverses et les dissentiments. On accepte l’immensité des éloges si on ne nous prive pas de quelques piécettes de dénonciation. L’idolâtrie le statufie. Alors qu’il va bouger longtemps dans l’esprit et le cœur de ceux qui l’aiment, l’admirent ou le discutent. Dans tous les cas il sera vivant pour toujours.
Alain Delon et Luchino Visconti lors
du tournage de Rocco et ses frères (1960). DR.
N’en déplaise aux nouvelles ligues de vertu, acteur n’est pas un métier comme un autre. Pour être magnifiés par un metteur en scène, les comédiens doivent accepter d’incarner un troublant objet du désir.
Le cinéma capte et restitue la lumière de la beauté. La lumière du regard divin et diabolique de l’acteur, où brille le feu du sacré et du sacrilège. Le cinéma exacerbe le désir de s’approcher du feu, de le posséder, de le « mettre en boîte ». Dans la Laternamagica, disait Bergman. Dans le cercle de lumière, répète Blanche DuBois1. En bravant l’interdit et risquant la brûlure. De cette quête, on ne sort pas indemne. Il s’agit d’un pacte faustien. Non Mlle Gardin. Être acteur, actrice ou metteur en scène, ce n’est pas comme d’être boulanger2. Au boulanger, on ne demande pas de mimer pour la caméra un baiser sur la bouche, de feindre une étreinte sexuelle, de se mettre nu, de se livrer à des ébats avec un ou plusieurs partenaires, de pleurer désespérément, de simuler un coït, d’éprouver du plaisir.
Non Mlles Haenel et Godrèche, vous n’empêcherez pas le metteur en scène qui vous sublime et vous magnifie en vous confiant un premier rôle au cinéma de s’approcher de vous, de tomber amoureux de vous. Demandez à Marlene Dietrich, elle vous parlera de von Sternberg.
Oui, acteur est une activité à part. Que les philosophes grecs déploraient. Que l’église condamnait à l’excommunication. Que les femmes n’eurent pas le droit de pratiquer pendant vingt siècles. Et lorsqu’elles eurent ce droit, elles furent regardées longtemps à l’égal des courtisanes. Aujourd’hui, acteur est une activité qui conduit nombre d’hommes et de femmes au désespoir, à la délinquance, à la drogue, à l’alcool, aux conduites extrêmes, à la folie et à la mort.
Cocteau disait plaisamment qu’acteur et prostitué sont les deux métiers où le marchand est également la marchandise. On a l’air d’exiger qu’actrice soit un job comme assistante sociale, caissière ou puéricultrice. Un métier comme un autre, où celle, celui qui l’exerce pour subsister en n’ayant pas le choix est protégé de toute violence sociale par des lois et un syndicat. C’est pourquoi on ne se revendique pas « artiste interprète » mais « intermittent du spectacle ». C’est un faux-semblant. Acteur est un métier parfaitement inutile. Un art indispensable, fascinant et merveilleux.
Metoo passera, comme avant lui le scandale « Fatty »Arbuckle et le code Hays qui en résulta. Cela fit les gros titres des journaux de l’entre-deux-guerres, et occupa Hollywood pendant vingt ans. Qui s’en souvient ?
Ne me touche pas, dit Delon à Visconti. Or, l’ayant touché, il en fit un mythe.
Personnage de la pièce de Tennessee Williams Un tramway nommé désir.↩︎
Lors de la cérémonie télévisée des Molière 2017, Blanche Gardin avait accablé Polanski en soulignant que son métier de réalisateur n’était en rien une excuse: « On ne dit pas, par exemple, d’un boulanger: ‘oui d’accord c’est vrai, il viole un peu des gosses dans le fournil, mais bon il fait une baguette extraordinaire’ », avait lancé l’humoriste aux défenseurs du célèbre réalisateur. ↩︎
Notre chroniqueuse attend désespérément le retour de la bonne comédie populaire «made in France». Cocorico la satisfera-t-elle ?
Lorsque mon rédacteur en chef m’a proposé de chroniquer Cocorico de Julien Hervé, sorti en salle le 7 février, je reconnais que cela m’a laissé assez perplexe… Férue de comédies populaires comme la France en avait le secret mais dont les cinéastes semblent avoir perdu la recette depuis quelques années, avec mes a priori de cinéphile, cette idée, je l’avoue, ne m’enchantait pas. Mais que diable ! Sortons de notre zone de confort, comme on dit dans les bouquins de développement personnel. Et je dois dire que je n’ai pas été déçue, on s’y amuse beaucoup, et le propos n’est pas si inintéressant. D’ailleurs le public est au rendez-vous : plus de 500 000 entrées en une semaine.
Clavier est-il un Français au carré? Un pitch simple et efficace
Un jeune couple issu de milieux sociaux différents – d’un côté des aristocrates vignerons bordelais, de l’autre des parvenus ayant fait fortune dans l’automobile – décide de faire les grandes présentations en vue du mariage. Pour fêter ça, les amoureux ont l’idée d’offrir aux deux familles des tests ADN. Ceux-ci font des ravages en ce moment : en effet, 200 000 Français feraient appel chaque année à des sociétés américaines – la pratique étant interdite en France – pour découvrir leurs origines lointaines. S’ancrer dans ses origines, un des dadas de notre siècle déboussolé ?
Et là, bien évidemment, c’est le drame. N’en dévoilons pas davantage, nous pouvons juste révéler qu’aucun des personnages ne se découvre d’ancêtres trop « exotiques », c’est-à-dire juifs, arabes ou noirs. Et ceci est intelligent de la part des scénaristes, car cela nous épargne le couplet du vivre ensemble à l’image de Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu ?
Voyage dans le temps, me voilà rapidement propulsée dans l’émission culte de mon enfance (de notre enfance à tous) : Au théâtre ce soir ! Car tout y est : le rythme, la qualité des acteurs (nous reviendrons sur la performance de Clavier), le découpage dramatique. En effet, nous pouvons considérer que Cocorico est un vaudeville en trois actes : la découverte du pot aux roses, les réactions des protagonistes qui servent de principaux ressorts comiques, et bien sûr le dénouement heureux. Mais ici, il ne s’agit pas de « Ciel mon mari ! », mais de « Ciel mon ADN ! » Tout cela représente la signature du meilleur de cette tradition bien française qu’est le Théâtre de Boulevard… Les scénaristes ont bien entendu abusé des clichés qui correspondent aux nouvelles origines des personnages, mais ce dispositif n’est nullement gênant, car en noyant le cliché dans le cliché, celui-ci finit par disparaître.
Alerte spoiler
Je ne résiste pas à la tentation de « spoiler » un peu, à dévoiler un des résultats des tests, le plus farfelu. Le personnage de Christian Clavier, Frédéric Bouvier-Sauvage, qui se targue d’être Français depuis la nuit des temps, preuves à l’appui – les portraits de ses ancêtres qui ornent les murs du château – se découvre des origines… cherokees. Après une période de déni et de dépression, son sang cherokee ne fait qu’un tour. Il fonce avec sa voiture dans un restaurant Buffalo Grill, avec dans l’idée de sauver le bison, emblème de la chaîne. Cela donne lieu à la scène la plus drôle du film. Et on éclate d’un rire spontané et clair, comme lorsque nous étions enfant.
Le casting est très réussi : Clavier fait du Clavier sans trop en faire et maîtrise à merveille sa vis comica, quant à Didier Bourdon il réussit à tenir à bonne distance son personnage de « beauf » enrichi dans lequel on l’a déjà vu. Les deux actrices qui interprètent leurs épouses respectives : Sylvie Testud et Marianne Denicourt sont issues du cinéma d’auteur, et elles ne font pas tache, bien au contraire, le mariage « intello-popu » fonctionne ici à merveille. Toutes proportions gardées, ce film n’est pas sans rappeler le cinéma de Lauzier des années 70-80, dont Clavier fut un des acteurs fétiches. Lauzier y dénonçait les mœurs post soixante-huitardes avec beaucoup de sarcasmes. Ces mêmes pointes de sarcasme que nous pouvons déceler dans Cocorico.
Assisterons-nous, avec ce film, à un retour de la bonne comédie populaire made in France ? Les paris sont ouverts.
L’armée israélienne a découvert un tunnel du Hamas sous les bureaux de l’UNRWA. La Française et ancienne ministre Catherine Colonna préside un groupe chargé de déterminer si l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens fait le nécessaire pour «assurer sa neutralité», après qu’Israël a accusé douze de ses employés d’avoir participé aux attaques du 7 octobre 2023.
Après que des Hamasniks aient été pris la main sur leur badge de l’UNRWA, l’agence de l’ONU au service exclusif des réfugiés palestiniens a licencié ceux de ses salariés qui cumulaient cet emploi avec un mandat d’artificier ou de tueur pour le Hamas.
Et voici qu’un autre scandale touche cette malheureuse agence, avec la découverte d’un tunnel informatique du Hamas sous son siège central, dans le quartier luxueux de Rimal, à l’ouest de la ville de Gaza.
Visitez Gaza, son UNRWA et ses tunnels…
Une expédition dans ledit tunnel a été organisée pour la presse avec le colonel Nissim Hazan, qui commandait l’équipe responsable de la découverte. Le tunnel, long de 700 mètres et profond de 18, menait à un bureau, avec des coffres-forts en acier (qui avaient été ouverts et vidés), à des toilettes carrelées et à de grandes pièces, notamment l’une pour les serveurs informatiques et une autre pour le stockage de piles de batteries industrielles.
Le guide a expliqué : « Nous sommes au cœur du secret, dans les entrepôts de serveurs. … Il y a dix armoires de serveurs ici, pleines de gadgets… A côté d’eux se trouvait une puissante salle électrique. Ces deux pièces étaient exactement sous la salle centrale de communication du siège de l’UNRWA[1]. »
Apparemment, l’électricité était fournie par l’UNRWA : les câbles électriques entre les deux ont été sectionnés, mais laissés en place. Ils sont donc visibles, au départ dans le sous-sol de l’UNRWA et à l’arrivée, dans les installations du Hamas sous celui-ci.
Collusion entre l’UNRWA et le Hamas ? Élémentaire, mon cher Watson
Le monde entier fait mine de s’en étonner, mais elle est inévitable : Gaza est un État de facto depuis que les Israéliens s’en sont retirés sans contrepartie en juillet 2005, il y a 18 ans.
18 ans ! Il y a donc des Palestiniens, en âge de voter (si des élections étaient organisées), qui n’ont jamais rencontré un juif de leur vie.
Avant d’être Hamasnik, Gaza appartenait à la zone A, déterminée par les Accords d’Oslo. Signés en 1993, par Yasser Arafat pour l’OLP et Yitzhak Rabin pour Israël, ces accords prévoyaient la création d’un État palestinien en cinq ans, si les étapes pour y mener étaient respectées par les deux parties. Yasser Arafat devait reconnaître le droit d’Israël à vivre en paix et abandonner la lutte armée et Yitzhak Rabin devait reconnaître l’OLP en tant que « représentant légitime du peuple palestinien », ce qui fut fait et acté par le changement de nom du mouvement en « Autorité palestinienne » à qui l’occupant remit les clés de la zone A dès 1994.
La Cisjordanie et Gaza étaient réparties en trois zones A, B et C : la zone A gouvernée exclusivement par les Palestiniens, la zone B gouvernée par les Palestiniens pour tout ce qui était civil et les Israéliens pour tout ce qui était sécuritaire et la zone C restant, dans un premier temps sous contrôle israélien. 90% des Palestiniens vivaient en zones A et B.
Gaza étant en zone A, la Bande était gouvernée par l’Autorité palestinienne depuis 1994. À la mort d’Arafat, Mahmoud Abbas fut élu président de l’Autorité palestinienne et donc de Gaza, en 2005 pour un mandat de quatre ans.
Bien que la partie palestinienne n’ait pas rempli ses obligations vis-à-vis des Accords d’Oslo (reconnaissance d’Israël et arrêt des attentats), les Israéliens s’en sont retirés en 2005 : les civils juifs ont abandonné leurs villages, ce qui rendait inutile la présence des militaires, uniquement présents sur place pour protéger leur vie et leur sécurité.
Pour mémoire, il y a sur le territoire israélien non disputé, 2,1 millions de citoyens israéliens arabes qui vivent, sans avoir besoin de protection.
À Gaza, près de deux millions de Palestiniens vivent donc depuis 18 ans sur un territoire autonome, gouvernés par des autorités qu’ils ont choisies, dans des villes créées par la charité internationale, que l’on nomme à tort « camps de réfugiés », dont toutes les dépenses régaliennes sont couvertes par la communauté internationale : éducation, santé, voirie… mais pas la police ni l’armée.
Puisqu’il n’y a que des Palestiniens musulmans à Gaza, les employés de l’agence exclusivement au service des « réfugiés palestiniens » (à ne pas confondre avec les réfugiés tout court, qui relèvent du Haut-Commissariat aux Réfugiés) sont forcément des musulmans palestiniens. Etant donné que, depuis 2005, Gaza est une dictature dure, où rien ne peut advenir sans l’imprimatur lourdement taxé du Hamas, les 13 000 employés que l’UNRWA y salarie sont nommés ou accrédités par lui.
L’UNRWA n’est pas le gardien de son frère
Le Suisse Pierre Krähenbühl ayant dû démissionner en 2019 de son poste de directeur de l’UNRWA, suite à des accusations entre abus de pouvoir, népotisme et scandales sexuels, il a été promu à la tête de la Croix-Rouge internationale.
C’est donc son successeur et compatriote Philippe Lazzarini à qui est échu le devoir de plaider son ignorance pour l’épisode post-7 octobre.
Un tunnel aurait été construit sous ses locaux et des troupes du Hamas y auraient travaillé ? Ah bon ? Toute personne habitant trois étages au-dessus d’un appartement en travaux peut témoigner qu’il n’y a aucun moyen de se rendre compte de l’existence d’un chantier dans l’immeuble, a fortiori quand il s’agit d’en construire un second en-dessous.
Dans son communiqué, l’UNRWA a indiqué qu’elle n’avait « pas l’expertise militaire et sécuritaire ni la capacité d’entreprendre des inspections militaires de ce qui se trouve ou pourrait se trouver dans ses locaux »[2], ce d’autant moins qu’elle avait quitté son QG le 12 octobre, cinq jours après le début de la guerre.
Les mêmes habitants de l’immeuble ci-dessus imaginé attesteront certainement qu’un tunnel de 700 mètres de long, doté des infrastructures nécessaires à la vie de dizaines de personnes et au maintien d’un réseau informatique de haut niveau peut être construit en moins de quatre mois sans qu’il manque un bouton de culotte à l’air conditionné.
Invité à aller visiter le tunnel, Lazzarini a passé son tour
Le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) a frotté le nez de Lazzarini dans ses contradictions : « Mais si, vous saviez ! Le creusement d’un tunnel prend plus de quatre mois. Nous avons invité des hauts fonctionnaires de l’ONU à venir voir, et lors de réunions passées avec vous et d’autres fonctionnaires de l’ONU, nous vous avons informé que le Hamas utilisait le siège de l’UNRWA », a-t-il tweeté sur X.
Parmi les visiteurs à qui Tsahal a montré ces tunnels, un journaliste a déclaré : « il a fallu au total deux minutes de visite du siège de l’UNRWA, situé au cœur du quartier chic de Rimal, pour comprendre qu’ils savaient tout. »[3]
Il a vu, il a reconnu, mais de retour au bureau, vaincra-t-il la réticence de son rédacteur en chef ?
De la théorie du genre à la bioéthique en passant par l’antispécisme : panorama non exhaustif des thèses universitaires les plus absurdes, les plus immorales ou les plus risibles – le cumul n’étant pas interdit.
Avant de disséquer dans son dernier ouvrage, La religion woke (1), les thèses déconstructivistes qui ravagent les sociétés occidentales, Jean-François Braunstein avait déjà examiné de près dans La philosophie devenue folle (2), l’excellent essai dont il va être question ici, les travaux de certains « penseurs » très à la mode et ayant participé à l’entrisme, dans le monde universitaire, des théories les plus farfelues devenues, par la force de l’ignorance, de la bêtise idéologique et de la paresse intellectuelle, des thèses « acceptables » et relayées par des professeurs se targuant de progressisme.
Conversations « illicites » avec ma chienne
La théorie du genre est maintenant incontournable dans les universités anglo-saxonnes et connaît un réel succès en France. Le jargon butlérien, après avoir fait le bonheur d’Éric Fassin et de Paris-VIII, a envahi les amphis de la Sorbonne, de Sciences Po, de l’ENS et de quasiment toutes les universités françaises. La théorie en question est aussi fluide, trouble et maigrelette que le liquide rachidien de ses thuriféraires mais les conséquences de son enseignement sont catastrophiques : le transgenrisme, dernier avatar de l’obsession démiurgique et narcissique des déconstructeurs de la distinction sexuelle, ravage une partie de notre jeunesse avec la complicité de l’Éducation nationale, de l’université et de la caste médiatico-culturelle wokiste. Concomitamment, écrit Braunstein, l’idéologie de la « libération animale », initiée par le philosophe et professeur de bioéthique australien Peter Singer, a favorisé l’émergence de l’animalisme et de l’antispécisme chers à Aymeric Caron. Singer, effaçant d’un trait les différences entre « l’animal humain » et « l’animal non humain », s’étonne que les relations sexuelles entre les hommes et les animaux soient encore taboues. Dans la foulée, Monika Bakke, une universitaire polonaise adepte des thèses de Singer, regrette qu’ « aucun pays ne reconnaisse le mariage entre les humains et les animaux ». De son côté, l’universitaire américaine Donna Haraway décrit sa relation avec Mlle Cayenne Pepper, sa chienne, les « baisers mouillés et profonds » qu’elles échangent et les « conversations illicites » qu’elles tiennent, le but étant de « troubler » les distinctions entre les espèces pour finir par « s’entremêler avec le riz, les abeilles, les tulipes, la flore intestinale et tout être organique auquel l’existence humaine doit d’être ce qu’elle est, et réciproquement ». Bref, sous couvert de réflexion philosophique, ça délire à plein tube. Et ce n’est pas fini. Et même ça s’accélère – du plus abject au plus risible.
Selon Singer, écrit J. F. Braunstein, si l’on définit l’humanité par le langage, la conscience et la raison, les humains ne jouissant plus de toutes ces facultés – « les enfants et adultes handicapés mentaux, les vieillards séniles ou les personnes en coma dépassé », selon lui – peuvent éventuellement devenir des cobayes d’expérimentations à la place d’animaux « beaucoup plus conscients ou intelligents que ces humains extrêmement diminués ». À un journaliste l’interrogeant sur l’utilisation des chimpanzés dans la recherche pharmacologique, Singer répond qu’il préférerait qu’on cherche à « obtenir le consentement des proches de gens qui sont dans des états végétatifs » et qu’on expérimente les nouveaux traitements sur ces « animaux humains diminués ». Cette idée révoltante n’est pas un « dérapage malheureux », affirme Braunstein en rappelant que Peter Singer est partisan, comme nombre de ses collègues éthiciens, de l’euthanasie sans consentement des personnes dans le coma, des vieillards souffrant de démence sénile ou des enfants « défectueux » – Singer trouve par exemple raisonnable la suggestion du prix Nobel de médecine Francis Crick, à savoir la possibilité d’un délai de trois jours après la naissance d’un enfant pour que les parents puissent effectuer certains tests sur son potentiel génétique puis décider de le laisser vivre ou de le tuer. Si, demain, l’euthanasie est légalisée en France, sommes-nous certains d’échapper longtemps à ce que nous considérons aujourd’hui comme des débordements monstrueux ? Est-il inconcevable d’imaginer que ces derniers puissent devenir, sous la pression des idéologies progressistes, les gestes routiniers et utilitaristes d’une organisation totalitaire, bio-technocratique et eugéniste dirigée par des individus ayant oublié le sens tragique de l’existence et dénués de toute morale ?
Refermons l’excellent essai de Jean-François Braunstein et soumettons à son auteur le cas d’Anna Smajdor, cas remarquable qui pourrait introduire un nouvel ouvrage sur la folie grandissante dans le monde philosophique et universitaire.
GPA « éthique » ?
Anna Smajdor est professeure agrégée de philosophie à l’université d’Oslo. Il y a quelques mois, dans un article intitulé « Whole-Body gestionnal donation » (WGBD ou « Don gestationnel de corps entier ») et paru dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics(3), cette éthicienne pro-GPA a émis l’hypothèse d’utiliser comme mères porteuses des femmes… en état de mort cérébrale. « Il n’y a pas de raison médicale évidente pour laquelle l’initiation de telles grossesses ne serait pas possible », décrète-t-elle en introduction de son article. Par ailleurs, elle considère qu’il serait raisonnable de proposer le « don gestationnel de corps entier » (ou WGBD) à toute personne voulant « éviter les risques et les contraintes liés à la gestation d’un fœtus dans son propre corps ». Pour les cas où certaines de ces GPA échoueraient, Anna Smajdor déroule une argumentation abjecte, qu’elle estime, elle, « raisonnable » et « éthique » : « Si les fœtus sont gravement endommagés par des facteurs inattendus découlant de la gestation en état de mort cérébrale – nul besoin de laisser naître des bébés gravement endommagés. […] L’avortement, en particulier l’avortement tardif, peut être traumatisant pour les femmes enceintes, à la fois émotionnellement et physiquement. Cependant, dans le cas du WGBD, la femme gestante est déjà morte et ne peut pas être blessée. Les parents mandatés peuvent décider de l’avortement sans avoir à se soucier des effets sur la donneuse gestante. » Afin d’écarter d’éventuelles récriminations féministes, Anna Smajdor propose que les hommes en état de mort cérébrale participent également au programme WGBD. Bien sûr, concède la chercheuse, il y a des risques mortels, surtout au moment de l’accouchement – « maispour les donneurs en état de mort cérébrale, le concept de “mortel” n’a aucun sens : le gestateur est déjà mort. » Ces idées délirantes ont suscité de vives polémiques – mais pour combien de temps encore ? Comme le note Sylviane Agacinski dans L’ homme désincarné (4) : « Nos contemporains ont beau répéter à l’envi toute l’horreur que leur inspirent les totalitarismes, ils n’en tirent aucune leçon. On tourne “la morale” en dérision et l’on se moque des “vieux tabous”. Tout est justifié au nom des intérêts individuels et des “demandes sociétales” que le droit est sommé de ne pas entraver. »
Les divagations d’Anna Smajdor s’accordent parfaitement avec le projet de déconstruction de l’humanité et d’élimination de la moralité que soutiennent à leur manière philosophes utilitaristes et théoriciens du genre. L’un d’entre eux, Paul B. Preciado, disciple halluciné de Derrida et de Butler, escompte l’avènement du transgenrisme, de la bio-technologie et de l’utérus artificiel afin de mettre à bas ce qu’il appelle, dans ce salmigondis infect, l’ordre hétéro-patriarco-colonial. Tandis qu’Anna Smajdor envisage une nouvelle manière, monstrueuse, de GPA, Preciado propose « l’arrêt de l’assignation du sexe à la naissance » en demandant que les sages-femmes cessent de dire aux parents : « Vous avez eu un garçon (ou une fille) », pour leur annoncer triomphalement : « Bravo ! Vous avez eu un corps vivant ». Le plus curieux est de constater qu’il existe des individus qui écoutent les délires de ces énergumènes le plus sérieusement du monde, sans frémir devant le projet immoral de cette philosophie devenue folle ou sans éclater de rire devant les idées sottes – ou d’une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire, selon la célèbre formule d’Orwell – qui lui servent d’arguments.
Quand le sperme est classé « pathogène »
Finissons sur une drôlerie. Car face à ces élucubrations désespérantes, il arrive un moment où se dégourdir les zygomatiques devient nécessaire et même vital. Dieu merci, les Butler, Haraway, Preciado, Smajdor et autres baudruches intellectuelles déconstructionnistes nous facilitent souvent la tâche. Les thèses chimériques de ces diafoirus universitaires mêlant jargon philosophique, baragouin sociologique et charabia scientifique, n’impressionnent que les cancres estudiantins et les journalistes ignares. Une première et très efficace façon de contrecarrer les ratiocinations bouffonnes de ces imposteurs est de s’en moquer, d’en rire de ce rire qui est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert). Anna Smajdor, encore elle, nous a fourni dernièrement une belle occasion d’appliquer cette redoutable méthode. Cette femme savante a en effet écrit avec Joona Räsänen, un professeur de philosophie finlandais qui semble aussi perché qu’elle, un article ahurissant paru dans Journal of Medical Ethics(5). On croit d’abord à un canular – du genre de ceux que Helen Plukrose, James Lindsay et Peter Boghossian firent il y a quelques années afin de dénoncer la vacuité intellectuelle de certaines revues universitaires spécialisées dans les études de genre ou les feminist studies. On comprend rapidement que ce n’en est pas un – et on s’esclaffe. Anna Smajdor et son comparse affirment en effet, dès l’entame de l’article, « qu’il existe des raisons impérieuses de considérer la grossesse comme une maladie. » Suit un résumé hallucinant de la thèse : « Comme une maladie, la grossesse affecte la santé de la personne enceinte, provoquant toute une gamme de symptômes allant de l’inconfort à la mort. Comme une maladie, la grossesse peut être traitée médicalement. Comme une maladie, la grossesse est provoquée par un agent pathogène, un organisme externe envahissant le corps de l’hôte. Comme pour une maladie, le risque de tomber enceinte peut être réduit en utilisant des mesures prophylactiques. »
Les auteurs comparent alors la grossesse à… la rougeole – et ça vaut le détour : « Comme la rougeole, la grossesse est une maladie spontanément résolutive. Elle suit une trajectoire prévisible qui se termine généralement par le rétablissement du patient. La grossesse et la rougeole impliquent également des symptômes qui peuvent altérer la capacité fonctionnelle normale de la personne. […] La grossesse est nocive (comme la rougeole). »Enfin, le summum de cette pitrerie :« Comme la rougeole, la grossesse est également causée par un organisme d’origine externe qui pénètre dans le corps et provoque les conséquences néfastes que nous avons décrites. Ainsi, de ce point de vue, le sperme pourrait être considéré comme un agent pathogène au même titre que le virus de la rougeole. » Les occasions de rire se faisant rares, nous tiendrons nos lecteurs au courant des prochaines publications d’Anna Smajdor, comique agrégée de philosophie délirante au cirque universitaire d’Oslo.