Accueil Site Page 428

Euthanasie, GPA, antispécisme, genre: le wokisme en a encore sous le pied!

De la théorie du genre à la bioéthique en passant par l’antispécisme : panorama non exhaustif des thèses universitaires les plus absurdes, les plus immorales ou les plus risibles – le cumul n’étant pas interdit.


Avant de disséquer dans son dernier ouvrage, La religion woke (1), les thèses déconstructivistes qui ravagent les sociétés occidentales, Jean-François Braunstein avait déjà examiné de près dans La philosophie devenue folle (2), l’excellent essai dont il va être question ici, les travaux de certains « penseurs » très à la mode et ayant participé à l’entrisme, dans le monde universitaire, des théories les plus farfelues devenues, par la force de l’ignorance, de la bêtise idéologique et de la paresse intellectuelle, des thèses « acceptables » et relayées par des professeurs se targuant de progressisme.

Conversations « illicites » avec ma chienne

La théorie du genre est maintenant incontournable dans les universités anglo-saxonnes et connaît un réel succès en France. Le jargon butlérien, après avoir fait le bonheur d’Éric Fassin et de Paris-VIII, a envahi les amphis de la Sorbonne, de Sciences Po, de l’ENS et de quasiment toutes les universités françaises. La théorie en question est aussi fluide, trouble et maigrelette que le liquide rachidien de ses thuriféraires mais les conséquences de son enseignement sont catastrophiques : le transgenrisme, dernier avatar de l’obsession démiurgique et narcissique des déconstructeurs de la distinction sexuelle, ravage une partie de notre jeunesse avec la complicité de l’Éducation nationale, de l’université et de la caste médiatico-culturelle wokiste. Concomitamment, écrit Braunstein, l’idéologie de la « libération animale », initiée par le philosophe et professeur de bioéthique australien Peter Singer, a favorisé l’émergence de l’animalisme et de l’antispécisme chers à Aymeric Caron. Singer, effaçant d’un trait les différences entre « l’animal humain » et « l’animal non humain », s’étonne que les relations sexuelles entre les hommes et les animaux soient encore taboues. Dans la foulée, Monika Bakke, une universitaire polonaise adepte des thèses de Singer, regrette qu’ « aucun pays ne reconnaisse le mariage entre les humains et les animaux ». De son côté, l’universitaire américaine Donna Haraway décrit sa relation avec Mlle Cayenne Pepper, sa chienne, les « baisers mouillés et profonds » qu’elles échangent et les « conversations illicites » qu’elles tiennent, le but étant de « troubler » les distinctions entre les espèces pour finir par « s’entremêler avec le riz, les abeilles, les tulipes, la flore intestinale et tout être organique auquel l’existence humaine doit d’être ce qu’elle est, et réciproquement ». Bref, sous couvert de réflexion philosophique, ça délire à plein tube. Et ce n’est pas fini. Et même ça s’accélère  – du plus abject au plus risible. 

A lire aussi, du même auteur: Woke fiction, le cinéma français n’est pas épargné

Selon Singer, écrit J. F. Braunstein, si l’on définit l’humanité par le langage, la conscience et la raison, les humains ne jouissant plus de toutes ces facultés – « les enfants et adultes handicapés mentaux, les vieillards séniles ou les personnes en coma dépassé », selon luipeuvent éventuellement devenir des cobayes d’expérimentations à la place d’animaux « beaucoup plus conscients ou intelligents que ces humains extrêmement diminués ». À un journaliste l’interrogeant sur l’utilisation des chimpanzés dans la recherche pharmacologique, Singer répond qu’il préférerait qu’on cherche à « obtenir le consentement des proches de gens qui sont dans des états végétatifs » et qu’on expérimente les nouveaux traitements sur ces « animaux humains diminués ». Cette idée révoltante n’est pas un « dérapage malheureux », affirme Braunstein en rappelant que Peter Singer est partisan, comme nombre de ses collègues éthiciens, de l’euthanasie sans consentement des personnes dans le coma, des vieillards souffrant de démence sénile ou des enfants « défectueux » – Singer trouve par exemple raisonnable la suggestion du prix Nobel de médecine Francis Crick, à savoir la possibilité d’un délai de trois jours après la naissance d’un enfant pour que les parents puissent effectuer certains tests sur son potentiel génétique puis décider de le laisser vivre ou de le tuer. Si, demain, l’euthanasie est légalisée en France, sommes-nous certains d’échapper longtemps à ce que nous considérons aujourd’hui comme des débordements monstrueux ? Est-il inconcevable d’imaginer que ces derniers puissent devenir, sous la pression des idéologies progressistes, les gestes routiniers et utilitaristes d’une organisation totalitaire, bio-technocratique et eugéniste dirigée par des individus ayant oublié le sens tragique de l’existence et dénués de toute morale ?


Refermons l’excellent essai de Jean-François Braunstein et soumettons à son auteur le cas d’Anna Smajdor, cas remarquable qui pourrait introduire un nouvel ouvrage sur la folie grandissante dans le monde philosophique et universitaire.

GPA « éthique » ?

Anna Smajdor est professeure agrégée de philosophie à l’université d’Oslo. Il y a quelques mois, dans un article intitulé « Whole-Body gestionnal donation » (WGBD ou « Don gestationnel de corps entier ») et paru dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics (3), cette éthicienne pro-GPA a émis l’hypothèse d’utiliser comme mères porteuses des femmes… en état de mort cérébrale. « Il n’y a pas de raison médicale évidente pour laquelle l’initiation de telles grossesses ne serait pas possible », décrète-t-elle en introduction de son article. Par ailleurs, elle considère qu’il serait raisonnable de proposer le « don gestationnel de corps entier » (ou WGBD) à toute personne voulant « éviter les risques et les contraintes liés à la gestation d’un fœtus dans son propre corps ». Pour les cas où certaines de ces GPA échoueraient, Anna Smajdor déroule une argumentation abjecte, qu’elle estime, elle, « raisonnable » et « éthique » : « Si les fœtus sont gravement endommagés par des facteurs inattendus découlant de la gestation en état de mort cérébrale – nul besoin de laisser naître des bébés gravement endommagés. […] L’avortement, en particulier l’avortement tardif, peut être traumatisant pour les femmes enceintes, à la fois émotionnellement et physiquement. Cependant, dans le cas du WGBD, la femme gestante est déjà morte et ne peut pas être blessée. Les parents mandatés peuvent décider de l’avortement sans avoir à se soucier des effets sur la donneuse gestante. » Afin d’écarter d’éventuelles récriminations féministes, Anna Smajdor propose que les hommes en état de mort cérébrale participent également au programme WGBD. Bien sûr, concède la chercheuse, il y a des risques mortels, surtout au moment de l’accouchement – « mais pour les donneurs en état de mort cérébrale, le concept de “mortel” n’a aucun sens : le gestateur est déjà mort. » Ces idées délirantes ont suscité de vives polémiques – mais pour combien de temps encore ? Comme le note Sylviane Agacinski dans L’ homme désincarné (4) : « Nos contemporains ont beau répéter à l’envi toute l’horreur que leur inspirent les totalitarismes, ils n’en tirent aucune leçon. On tourne “la morale” en dérision et l’on se moque des “vieux tabous”. Tout est justifié au nom des intérêts individuels et des “demandes sociétales” que le droit est sommé de ne pas entraver. »

A lire aussi, Peggy Sastre: Muriel Salmona: la psy qui traumatise

Les divagations d’Anna Smajdor s’accordent parfaitement avec le projet de déconstruction de l’humanité et d’élimination de la moralité que soutiennent à leur manière philosophes utilitaristes et théoriciens du genre. L’un d’entre eux, Paul B. Preciado, disciple halluciné de Derrida et de Butler, escompte l’avènement du transgenrisme, de la bio-technologie et de l’utérus artificiel afin de mettre à bas ce qu’il appelle, dans ce salmigondis infect, l’ordre hétéro-patriarco-colonial. Tandis qu’Anna Smajdor envisage une nouvelle manière, monstrueuse, de GPA, Preciado propose « l’arrêt de l’assignation du sexe à la naissance » en demandant que les sages-femmes cessent de dire aux parents : « Vous avez eu un garçon (ou une fille) », pour leur annoncer triomphalement : « Bravo ! Vous avez eu un corps vivant ». Le plus curieux est de constater qu’il existe des individus qui écoutent les délires de ces énergumènes le plus sérieusement du monde, sans frémir devant le projet immoral de cette philosophie devenue folle ou sans éclater de rire devant les idées sottes – ou d’une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire, selon la célèbre formule d’Orwell – qui lui servent d’arguments.

Quand le sperme est classé « pathogène »

Finissons sur une drôlerie. Car face à ces élucubrations désespérantes, il arrive un moment où se dégourdir les zygomatiques devient nécessaire et même vital. Dieu merci, les Butler, Haraway, Preciado, Smajdor et autres baudruches intellectuelles déconstructionnistes nous facilitent souvent la tâche. Les thèses chimériques de ces diafoirus universitaires mêlant jargon philosophique, baragouin sociologique et charabia scientifique, n’impressionnent que les cancres estudiantins et les journalistes ignares. Une première et très efficace façon de contrecarrer les ratiocinations bouffonnes de ces imposteurs est de s’en moquer, d’en rire de ce rire qui est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert). Anna Smajdor, encore elle, nous a fourni dernièrement une belle occasion d’appliquer cette redoutable méthode. Cette femme savante a en effet écrit avec Joona Räsänen, un professeur de philosophie finlandais qui semble aussi perché qu’elle, un article ahurissant paru dans Journal of Medical Ethics (5). On croit d’abord à un canular – du genre de ceux que Helen Plukrose, James Lindsay et Peter Boghossian firent il y a quelques années afin de dénoncer la vacuité intellectuelle de certaines revues universitaires spécialisées dans les études de genre ou les feminist studies. On comprend rapidement que ce n’en est pas un – et on s’esclaffe. Anna Smajdor et son comparse affirment en effet, dès l’entame de l’article, « qu’il existe des raisons impérieuses de considérer la grossesse comme une maladie. » Suit un résumé hallucinant de la thèse : « Comme une maladie, la grossesse affecte la santé de la personne enceinte, provoquant toute une gamme de symptômes allant de l’inconfort à la mort. Comme une maladie, la grossesse peut être traitée médicalement. Comme une maladie, la grossesse est provoquée par un agent pathogène, un organisme externe envahissant le corps de l’hôte. Comme pour une maladie, le risque de tomber enceinte peut être réduit en utilisant des mesures prophylactiques. »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Aurore Bergé contre #NousToutes: le gouvernement coupera-t-il les subventions?

Les auteurs comparent alors la grossesse à… la rougeole – et ça vaut le détour : « Comme la rougeole, la grossesse est une maladie spontanément résolutive. Elle suit une trajectoire prévisible qui se termine généralement par le rétablissement du patient. La grossesse et la rougeole impliquent également des symptômes qui peuvent altérer la capacité fonctionnelle normale de la personne. […] La grossesse est nocive (comme la rougeole). »Enfin, le summum de cette pitrerie :« Comme la rougeole, la grossesse est également causée par un organisme d’origine externe qui pénètre dans le corps et provoque les conséquences néfastes que nous avons décrites. Ainsi, de ce point de vue, le sperme pourrait être considéré comme un agent pathogène au même titre que le virus de la rougeole. » Les occasions de rire se faisant rares, nous tiendrons nos lecteurs au courant des prochaines publications d’Anna Smajdor, comique agrégée de philosophie délirante au cirque universitaire d’Oslo. 

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €


(1) Jean-François Braunstein, La religion woke, 2022, Éditions Grasset.

(2) Jean-François Braunstein, La philosophie devenue folle (le genre, l’animal, la mort), 2018, Éditions Grasset.

(3) Anna Smajdor, Whole body gestational donation, 2022, Theoretical Medicine and Bioethics.

(4) Sylviane Agacinski, L’homme désincarné, du corps charnel au corps fabriqué, 2019, Tracts Gallimard.

(5) Anna Smajdor, Joona Räsänen, Is pregnancy disease ? A normative approach, Journal of Medical Ethics.

Coût pour coût

Les immigrationnistes prétendent que les nouveaux arrivants sont une aubaine pour l’économie du pays qui les accueille. Une étude montre que c’est le contraire.


425 milliards d’euros. C’est ce qu’aurait coûté l’immigration aux Pays-Bas de 1995 à 2019. En effet, d’après l’étude « État providence sans frontières[1] », réalisée par plusieurs chercheurs et publiée par l’université d’Amsterdam, l’immigration non occidentale a coûté, annuellement, 17 milliards d’euros au gouvernement néerlandais en redistributions de toutes sortes. Et ce, pendant vingt-cinq ans. À l’inverse, pour ce qui est des bénéfices, l’immigration occidentale ne rapporterait qu’un milliard d’euros par an. L’un des auteurs de cette étude, le mathématicien Jan van de Beek, pointe du doigt l’État providence du pays, qui, par sa générosité, n’incite pas les nouveaux arrivants à trouver du travail. De plus, le grand nombre d’immigrants et les aides sociales qu’ils perçoivent fragilisent le système de protection sociale. Alors que les dépenses publiques en leur faveur sont supérieures à la moyenne pour l’éducation ou la sécurité sociale, les immigrés paient moins d’impôts et de cotisations. L’immigration aura-t-elle la peau de l’État providence néerlandais ? L’étude conclut en effet qu’entre immigration de masse et État providence, il faut choisir. Par ailleurs, ces chercheurs précisent que leurs conclusions « pourraient inspirer les chercheurs et les décideurs politiques dans d’autres pays, en particulier en Europe, ayant un État providence comparable ».

A lire aussi : Aux Pays-Bas, le coût de l’immigration n’est plus une question taboue

Comme la France par exemple, mais il semble que nous n’en prenons pas le chemin et il ne faut pas compter sur le monde économique. Sur Radio Classique, le 19 décembre, Patrick Martin, président du Medef, affirmait que « d’ici 2050, nous aurons besoin, sauf à réinventer notre modèle social et économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ». Même son de cloche au niveau européen, il n’y a qu’à écouter Ylva Johansson, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, pour s’en convaincre. En Grèce, le 8 janvier, elle déclarait que l’UE avait besoin de 4,5 millions d’immigrés par an. Les contribuables n’ont pas fini de casquer.


[1] « Borderless Welfare State. The Consequences of Immigration for Public Finances », University of Amsterdam School of Economics, 2023.

Italie et Israël, les deux font la paire

L’Italie et Israël sont fortement liés par une proximité à la fois régionale, culturelle et économique. Et les chiffres de leurs échanges économiques le démontrent. En quelques années, l’Italie est passée de dixième à cinquième partenaire d’Israël. De son côté, Israël est devenu le point de référence en matière de technologie et sécurité.


Les relations entre l’Italie et Israël ont connu un important pas en avant ces dernières années. Bien que l’Italie ait été parmi les premières nations à reconnaître l’État d’Israël en 1949, les rapports entre les deux pays ont pris un véritable élan au début des années 1990 grâce surtout aux partis de droite. Gianfranco Fini, leader du parti de Giorgia Meloni, Alleanza Nazionale (aujourd’hui Fratelli d’Italia), lors du congrès du parti à Fiuggi en 1993, a condamné pour la première fois le fascisme, en citant notamment sa responsabilité dans la promulgation des lois raciales considérées comme « infâmes ». Il marquait ainsi une rupture historique avec le passé de son parti par rapport à Mussolini. En 2000, c’est Silvio Berlusconi qui a radicalement changé la politique italienne au Moyen-Orient, jusque-là caractérisée par une politique d’égale proximité avec Israël et avec les pays arabes. Berlusconi a toujours déclaré que l’Holocauste était un mal absolu, sur lequel aucun révisionnisme, déni ou sous-estimation n’était tolérable. Selon lui : « J’ai appris cette valeur, cette grande valeur de la liberté, de mon père, exilé en Suisse pour ne pas être arrêté par les nazis-fascistes, et de ma mère qui, enceinte, a risqué sa vie pour enlever une femme juive à un soldat nazi qui était destinée aux camps d’extermination ». Il Cavaliere fut l’initiateur et le promoteur d’une série d’accords économiques avec Israël, créant une synergie industrielle notamment sur le plan de la sécurité et de la défense.

Au cours des vingt dernières années, les relations entre les deux pays se sont développées par le biais de nombreuses initiatives et projets de coopération bilatérale. L’Italie et Israël possèdent une complémentarité naturelle : la forte vocation manufacturière italienne alliée à l’avant-garde des technologies israéliennes. En effet, de plus en plus d’entreprises italiennes participent à de nombreux appels d’offres publics et privés, notamment dans le cadre de l’Accord de Coopération Industrielle, Scientifique et Technologique signé en 2000 qui a financé plus de 200 projets d’intérêt commun.

Rapprochement culturel

Une coopération culturelle bilatérale repose sur un accord de coopération datant de 1971 et sur des programmes triennaux. Ainsi les Instituts culturels italiens de Tel-Aviv et de Haïfa ont entrepris des actions destinées à promouvoir les initiatives culturelles. Les résultats dans les domaines de l’édition, du cinéma, du design, de l’art et de la musique sont particulièrement positifs. La culture italienne est très appréciée par les Israéliens, qui visitent souvent la Péninsule pour des motifs d’études, de travail ou de tourisme. Au cours des dix dernières années, 105 livres de grands auteurs italiens – du XXe siècle et de l’époque contemporaine –  (Pierpaolo Pasolini, Antonio Gramsci, Giacomo Leopardi, Eugenio Montale, Primo Levi, Erri De Luca, Natalia Ginzburg) ont été traduits en hébreu. L’italien est devenu la troisième langue traduite en hébreu, précédée uniquement par l’anglais et l’allemand.

A lire aussi: Le 7 octobre et après

En Italie, il existe un intérêt constant pour la littérature juive. Des dizaines d’écrivains écrivant en hébreu ont été traduits en italien et l’appréciation de leur travail ne cesse de croître. Et, aux côtés des grands noms (Avraham Yehoshua, Amos Oz lui-même, David Grossman), des auteurs comme Etgar Keret font leur apparition dans les librairies italiennes. Les écrivains israéliens ont également été honorés par la Foire du livre de Turin qui les a choisis en 2008 comme invités d’honneur.

Enfin, trois missions archéologiques sont actives en Israël et bénéficient de contributions publiques. À leur tête des chercheurs italiens de l’université La Sapienza de Rome, de la deuxième université de Naples, l’université de la Campanie Luigi-Vanvitellie et de l’université de Florence. En outre, l’Italie accueille chaque année de nombreux événements culturels israéliens tels que des expositions d’art, des concerts de musique et des festivals de films.

Synergies économiques

Le marché israélien reste d’un grand intérêt pour l’Italie. Israël bénéficie d’une excellente réputation dans les secteurs liés à la haute technologie, à la biomédecine, à l’innovation agricole, à la sécurité et aux énergies renouvelables. Cette innovation technologique séduit les industriels italiens désireux d’apporter une complémentarité à la fois dans la phase de recherche, de dépôts de brevets, mais aussi au niveau de la création et de la commercialisation des produits finis. L’Italie est considérée comme un partenaire sérieux dans la phase d’industrialisation des produits et des technologies, grâce à l’importance, la diversification et la flexibilité de son système industriel.

La collaboration dans le domaine énergétique se structure dans le temps et se manifeste avant tout à travers des collaborations entre entreprises privées. Parmi les principales associations figurent différents pôles d’innovation créés en Israël par le premier opérateur électrique d’Italie ENEL, tels que l’« Innovation Hub » (actif depuis 2016 à Tel Aviv), « Infralab » (Haïfa de 2020 à 2021), « FinSec Lab » (depuis 2021 à Beer-Sheva, avec Mastercard), « AI&Robotics Lab » (Tel Aviv depuis  2022). D’autres accords ont été signés par la principale entreprise italienne de transport de gaz, SNAM, en 2020 avec trois entreprises israéliennes : Delek Drilling et DAN pour ce qui est de la transition au gaz naturel liquéfié dans les transports publics ; avec DAN pour le développement de projets de mobilité verte ; et avec la start-up H2PRO dans la recherche sur l’hydrogène. Le groupe multiservice italien A2A et l’israélien IIA ont signé un accord-cadre en 2021 pour des projets de collaboration dans le domaine de l’innovation avec les entreprises.

Dans le domaine de la sécurité, le dialogue entre les institutions italiennes et israéliennes dans le domaine de la cybertechnologie et de la sécurité de l’information se poursuit. De nombreuses entreprises israéliennes collaborent avec des entreprises italiennes sur ce sujet. Un projet italo-israélien a même débuté dans le secteur spatial pour la réalisation de quatre expériences de recherche biologique et pharmacologique en microgravité grâce à DIDO III. Ce satellite miniaturisé développé par la société israélienne SpacePharma a été mis en orbite par l’italien Fusée Vega en septembre 2020.

Les échanges commerciaux enregistrent quant à eux un progrès certain. Ils se sont élevés à 4,8 milliards d’euros en 2022, une hausse de 17,1% par rapport à l’année précédente. L’Italie est devenue le deuxième fournisseur et le septième client européen d’Israël. Ces résultats ne feront qu’augmenter dans les années à venir. Le renforcement de cette coopération sera sans doute stratégique et aussi utile aux deux pays pour faire face aux différents défis : menace terroriste, instabilité politique internationale, crise énergétique mondiale.

Moi est un autre

0

Condamné à mort en 1948 pour crimes de sang, celui qui s’appelle alors Joseph Damiani, truand englué dans la délinquance sordide, n’est pas encore l’Autre, José Giovanni, l’auteur Gallimard et le scénariste proche de Ventura et Delon. Ce long chemin vers la rédemption nous est raconté par un maître du genre, Gilles Antonowicz.


Gilles Antonowicz, habitué des prétoires et des zones grises, cherche la vérité dans le parcours brumeux d’hommes hors-cadre, d’hommes bannis par la bonne société. Les réprouvés et les exclus du système ont toujours eu sa préférence. Cet avocat honoraire examine les pièces d’un dossier avec un flair de pointer, retourne les bibliothèques de France, ne se satisfait jamais d’une explication simpliste et rassurante sur la psychologie d’un condamné. Il ne croit pas aux raccourcis, aux aveux téléguidés, aux marchandages médiatiques et autres simagrées de justice. Son obstination est à la hauteur de son courage d’écrivain. Car, il en faut pour consacrer des essais charpentés sur des affaires louches, indéfendables, sensibles, aux relents de Collaboration et d’égarements politiques, à ceux aussi dont le sort est scellé d’avance, les recalés des salles d’audience et les perpétuels reclus. Les dissidents, armes à la main ou code pénal dans la manche, aux amitiés douteuses et aux compromissions torves, l’intéressent pour ce qu’ils disent ou ne disent pas des époques incertaines. Antonowicz n’a pas la passion du crime et de ses assesseurs pour satisfaire le sensationnalisme de la ménagère, il aime se plonger dans des périodes complexes où les rôles sont parfois interchangeables, où la palette des nuances est nécessaire pour appréhender au plus près la vérité de chacun. Notre société manichéenne ne peut comprendre cette subtilité-là. Elle n’autorise que la schlague et les intimidations. Elle est trop lourde pour saisir l’âme humaine face au tumulte du monde extérieur. Antonowicz n’excuse pas, il n’absout pas, il n’est ni un juge, ni un curé, il raconte avec une précision qui devrait rendre jaloux ses jeunes confrères du barreau. Il ne se contente pas de la pulpe des choses, de la surface éphémère d’un procès, il en décortique la mécanique et l’infernal tourbillon. Antonowicz aurait pu travailler chez les maîtres horlogers suisses, sa « réserve de marche » est infinie. Avec lui, sous une plume soyeuse et chirurgicale, nous sommes déjà entrés dans l’intimité de Jacques Isorni, de Maurice Garçon et de Pierre Pucheu. Si ces noms vous sont totalement inconnus, lisez Antonowicz pour avoir une vue d’ensemble. Dernièrement, il a travaillé sur les affaires d’Outreau et les berrichons Mis et Thiennot. Ses conclusions ne font pas plaisir à tout le monde. On pourrait croire qu’il a une vision romantique d’un destin. Sa lucidité et sa rigueur nous apportent très souvent un éclairage nouveau aux banalités répétées sans cesse sur des événements vieux désormais de soixante-dix ans. Lire Antonowicz, c’est souvent s’arcbouter sur un sujet vitreux, rebattre les cartes, démêler la pelote, éviter les autoroutes de la pensée, apprendre à douter de soi et aussi faire montre d’une magnanimité sur une descente aux enfers. L’auteur sait combien la linéarité est un leurre, un masque pour continuer de barboter tranquillement en société.

Gilles Antonowicz © Alain Le BOT/Opale.photo

Il a jeté sa gourme cette fois-ci sur José Giovanni (1923 – 2004), son passé dans le couloir de la mort, douze ans de détention, sa grâce, son entrée en littérature sous les bons auspices de son avocat Stephen Hecquet (Le Trou, Le Deuxième Souffle, Classe tous risques, l’Excommunié, Ho !, Les Ruffians, etc..) et ses millions d’entrées au cinéma avec Becker, Deray, Enrico ou Verneuil. Du personnage, les cinéphiles avaient quelques tuyaux usés, de vagues réminiscences, on savait que Giovanni avait été dans de beaux draps, il avait frôlé la grande faucheuse de très près, il en parlait peu, même si son cinéma est rempli de mauvais garçons et de haines féroces, d’impasses et d’impossibles renaissances. Cet ancien de Stanislas termina sa vie sous la croix helvétique, entre ces deux pôles, Antonowicz vous dit tout. Alphonse Boudard, un autre camarade de Centrale et de salons du livre, s’était plus longuement épanché sur sa jeunesse turbulente, il en gardait les séquelles mais tentait de faire rire avec ses déboires en cascade. Giovanni était plus tendu, plus crispé, plus tourmenté aussi, même dans les interviews anodines, on sentait son extrême nervosité, cette sensibilité qui fait grincer les dents. Comme à son habitude, Antonowicz part sans idées préconçues, rien que les faits, les dates, les recoupements, les témoignages, un décryptage historique et il resserre la focale sur le bonhomme. C’est prodigieux. Dans cette « Histoire d’une rédemption » aux éditions Glyphe, il trace les pleins et les déliés, les hauts et les bas, les carences et les refoulements successifs d’un itinéraire « fascinant ». Les pages sur l’enfance et la jeunesse de celui qui s’appelle Damiani sont remarquables ; on voit ce gamin sur la pente fatale, puis c’est l’enchainement, la fidélité au frère, l’attachement à la mère, dans une atmosphère corso-mafieuse poreuse, le jeu et les filles, les hôtels, l’argent facile, les déveines, les promiscuités honteuses, le PPF, les Chantiers de jeunesse, la montagne comme seul exutoire, la Libération et ses ombres, un embrouillamini qui n’effraie pas Antonowicz. Et puis, tout au fond, la lumière des salles obscures, le retour chaotique à la « normalité ».

« Je n’avais pas assez de sens moral pour faire la part des choses. Le retour à la vie normale vous attriste par sa fadeur » avouait-il. Le cinéma et la littérature auront été ses exhausteurs d’existence.

José Giovanni – Histoire d’une rédemption – de Gilles Antonowicz – éditions Glyphe  

Le coup de force des juges contre CNews, coupable de sa liberté

CNews contre ces nazes…


La liberté d’expression, régulièrement malmenée par la macronie dans sa lutte contre les mal-pensants, est frontalement attaquée depuis mardi par des juges cloueurs de becs, avec le soutien d’une presse acquise à la censure. La dérive liberticide du pouvoir, mobilisé pour faire taire la pensée récalcitrante, se rapproche du modèle totalitaire, dont le but est l’élimination autoritaire de toute pensée alternative. 

Les frontières idéologiques de Christophe Deloire

Aujourd’hui, existe le risque d’une nationalisation de l’information. Saisi par Reporters sans frontières (RSF), association présidée par le journaliste Christophe Deloire (notre vidéo ci-dessous), le Conseil d’État a ainsi sommé l’Arcom, instance de régulation de l’audiovisuel, de renforcer son contrôle éditorial sur CNews. RSF et le Conseil d’État reprochent à la chaîne de Vincent Bolloré, qui rencontre un succès d’audience en lien avec son approche du réel, de ne pas respecter le pluralisme des opinions. En réalité, l’Arcom est incitée par la gauche la plus intolérante à retirer le droit de diffusion de la chaîne privée, donc à la réduire au silence. Pour cela, CNews, qui respecte l’équilibre des temps de parole des politiques, est sommée par la justice administrative de changer sa ligne éditoriale, représentée aussi par ses chroniqueurs, ses animateurs et ses invités. Jamais une intrusion des juges dans la liberté d’expression n’aura été aussi brutale. Jamais une association de journalistes, RSF, n’aura été si loin dans la traque aux confrères déviants de la pensée officielle. Revient cette réflexion de Soljenitsyne, lors de son passage en Vendée en 1993 : « Aujourd’hui les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest ». Nous y sommes.

A relire, Elisabeth Lévy: Nos impôts, leur radio

Où l’illibéralisme peut se nicher…

Cet assaut des juges contre CNews relève du coup de force. Un magistrat n’a pas compétence, sauf en dictature, pour apprécier la ligne éditoriale d’un média ni pour le placer sous surveillance. Reste que cette décision illibérale comble d’aise, ce mercredi, la presse « progressiste », qui ne s’est jamais émue de l’absence de pluralisme dans l’audiovisuel public. En plus de quarante ans de journalisme, je n’ai pour ma part jamais été invité à France Inter, radio publique théoriquement soumise, plus que d’autres, à l’équilibre des opinions et des débats. Le militantisme est une réalité admise dans l’audiovisuel public. Ni RSF ni le Conseil d’État n’y ont jamais trouvé à redire. Ils ne disent mot non plus sur les appels au boycott de la chaîne privée par une partie de la gauche et de l’extrême gauche. Ceux-ci prennent prétexte de leur absence volontaire pour dénoncer un parti pris politique de CNews.

Et si on regardait du côté de France inter ?

Pour y participer comme chroniqueur, je peux témoigner de son esprit d’ouverture, de sa liberté de ton et de son goût pour la confrontation des idées.

L’effet de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État pourrait bien d’ailleurs obliger Radio France, dépositaire de la pensée dominante, à s’ouvrir aux indésirables et autres parias. En attendant, CNews se voit promue par ses censeurs comme la chaîne qui montre ce que le conformisme voudrait occulter. Il n’y a pas là plus bel hommage à sa liberté.

Ted, le nouvel ami de mes voisins vignerons

0

Dans sa campagne, notre chroniqueur vient de croiser le premier robot viticole du village.


Le panneau indique : « Machine autonome en fonctionnement ici. Restez à l’écart ». Et au lieu du bavardage des vendangeuses, c’est le bourdonnement d’un robot qui se fait entendre.

Bienvenue dans le sud de la France, en 2024, juste à côté de chez moi, où, en promenant les chiens dans les vignes, je tombe sur Ted, un cultivateur compact, vert et blanc, doté d’une intelligence artificielle, alimenté par batterie et infatigable désherbeur.  

Ted travaille d’arrache-pied, enjambant les vignes et coupant les herbes mauves. Il n’est ni mignon ni amical. Il s’arrête net s’il rencontre un obstacle humain. Mais il est dévoué. Il ne s’arrête pas pour déjeuner et, à la fin de la journée, Fabien, son tuteur humain, le branche pour recharger ses batteries.  

Désherber sous les vignes, au lieu de les arroser de produits chimiques, est un travail fastidieux et exigeant. La précision est essentielle pour couper les mauvaises herbes sans endommager les vignes. Pour les producteurs biologiques, et les nombreux autres qui pratiquent une agriculture raisonnable, les herbicides sont interdits ou évités. C’est alors qu’entre en scène Ted, avec ses lames pour cultiver la terre et ses « doigts » flexibles pour s’attaquer aux mauvaises herbes, les arracher afin qu’elles puissent être replacées dans le sol.

Les vignerons ne rigolent plus

Parmi les différentes tâches d’un viticulteur, le désherbage n’est pas la plus recherchée. Mais Ted ne rechigne pas à ce travail, c’est même sa seule raison d’être. Ted a été fabriqué par Naïo technologies, une start-up française basée à l’ouest d’ici, près de Toulouse. Il s’agit d’un prototype et, au début, les vignerons se sont moqués. Mais le scepticisme est en train de disparaître. « C’est une transformation qui pourrait se produire rapidement », m’a dit Philippe, un viticulteur local. « Encore plus vite s’ils nous laissent installer des panneaux solaires et alors nous n’aurons même plus besoin d’acheter du diesel ».

Ted ronronne pendant six heures avant que sa batterie ne s’épuise, désherbant et cultivant.  Il compense en endurance ce qui lui manque en vitesse. Le champ – plus il est grand, mieux c’est – est cartographié à l’avance à l’aide d’un récepteur de positionnement, puis Ted se débrouille tout seul. 

A lire aussi, Thomas Ménagé: Colère des agriculteurs: la macronie récolte les graines qu’elle a semées

Il est admirablement discret. S’il n’y avait pas les panneaux d’avertissement obligatoires en matière de santé et de sécurité au bord des parcelles sur lesquelles il travaille, les passants ne se douteraient peut-être même pas de sa présence. Ted est plus discret qu’un tracteur, il est pratiquement silencieux et ne rejette pas de gazole nauséabond. 

Qu’est-ce qui ne plaît pas à Ted est une question dont la réponse est nuancée. Les agriculteurs se plaignent toujours, de tout, de la météo aux prix. Ils consomment des milliards de subventions et exigent constamment d’être protégés de la concurrence. Ils affirment avec raison que leur travail est éreintant et dangereux.  Ils exigent des congés et une assurance maladie pour s’adonner à des tâches abrutissantes, comme conduire des tracteurs climatisés dans des champs toute la journée. 

Est-il cynique de se demander si la robotique n’est pas l’occasion de se débarrasser de ces hommes et femmes perpétuellement ennuyés ? Remplacer les agriculteurs pleurnichards par l’intelligence artificielle semble être une bonne affaire. L’économie semble favoriser un remplacement rapide de ces agriculteurs turbulents.

Mais il est également vrai qu’il y a quelque chose à perdre ici, moins matériel, plus spirituel, en rompant un accord ancien entre les agriculteurs et les consommateurs pour le remplacer par l’IA.

Prenons par exemple le vin rouge moelleux produit par Pierre au coin de la rue, dont les raisins ont été cueillis à la main. Il ne piétine pas les raisins pieds nus. Il possède une centrifugeuse italienne hors de prix. Mais il joue du saxophone sur son jus en fermentation, alors qu’il repose dans ses cuves en acier inoxydable. Cela compte sûrement.  Je le vois bien se lancer dans un Ted, en fait. Même le vigneron biologique le plus dévoué finit par se lasser de cultiver et de désherber.

Les fruits de l’agriculture sont bien plus que des marchandises. Nous les mettons en bouche. Qu’il s’agisse de bœuf, de pain de maïs, d’olives, de fromage ou de vin, ce sont des produits consommables. Ted s’arrête-t-il là ? À quels algorithmes confierez-vous ce que vous mangez ?  Peut-être s’agira-t-il d’une croyance de luxe. Mais je ne suis pas sûr que le Château AI soit la tasse de thé de tout le monde.

Ted est le premier robot agricole à avoir atteint notre commune endormie, ce qui prouve à suffisance qu’il ne s’agit pas d’une révolution lointaine, mais qu’elle est sur le pas de la porte. L’ère de la machine pilotée par l’homme est révolue, les énormes machines à vendanger sont des mastodontes. Les robots récolteront bientôt le raisin et bientôt tout le reste. Il ne reste plus qu’à produire une machine pour tailler et former les vignes. Celle-ci ne tardera pas à arriver.

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: Sauternes oblige

Des entreprises de machines agricoles bien établies, comme John Deere et Kubota, et des start-ups spécialisées dans l’IA aux États-Unis, en Italie et en France se lancent sur le marché. Des robots cueillent déjà des fraises en Espagne. Sur YouTube, on peut voir la vidéo d’un robot israélien cueillant des pêches, presque comme un ballet.

On s’était dit rendez-vous dans mille ans

Le vin est la principale activité de mon village depuis 1 000 ans. Les Romains y produisaient du vin, une bouillie sirupeuse qui n’a pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui, en utilisant des esclaves. Le Canal du Midi, au XVIIe siècle, a été le premier bond en avant pour la région et les premiers faux châteaux sont apparus. Il y avait 300 chevaux dans notre village lorsque le chemin de fer est arrivé au XVIIIe siècle, et les villageois se sont enrichis grâce aux exportations de vin ordinaire qui aurait été assez médiocre, mais plus sûr à boire que l’eau, la plupart du temps. Cette prospérité s’est arrêtée avec le phylloxéra qui a tué les vignes, puis la Grande Guerre, la dépression et à nouveau la guerre.  Les pieds noirs expulsés d’Algérie sont arrivés dans les années soixante, achetant terres et tracteurs.  Aujourd’hui, nous avons le TGV, les autoroutes et les aéroports. Plus récemment, des garagistes ambitieux sont arrivés, achetant des vignes, les convertissant à l’agriculture biologique, produisant des vins innovants et raffinés.  Nous sommes soudain devenus la Floride de l’Europe, avec du raisin.

Et maintenant, que se passe-t-il ? Est-ce la fin de la viticulture et de l’agriculture traditionnelles, le début d’une nouvelle ère qui élimine les agriculteurs et les remplace par des ingénieurs systèmes, chargés de faire fonctionner les robots ? Je pense que la résistance sera vaine. Les producteurs les plus grands et les plus riches seront les premiers à sauter le pas, et les petits producteurs de boutiques résisteront le plus longtemps, récoltant leurs raisins à la main jusqu’à ce qu’ils deviennent des curiosités nationales.

L’imminent Salon de l’agriculture à Paris, la spectaculaire vitrine annuelle de l’agriculture française, attirera cette année plus de robots agricoles que jamais, ce qui donne un avant-goût des choses à venir. À une époque où les agriculteurs semblent être devenus plus exigeants que jamais, il est inévitable que cette ancienne forme d’activité humaine, la production d’aliments et de boissons, tombe sous l’influence des robots et de l’IA.  

Ces moteurs permettront peut-être un jour d’éliminer ce qui rend l’agriculture si difficile, à savoir les agriculteurs eux-mêmes, mais à table, nous ne saurons peut-être pas ce que nous avons perdu avant qu’il n’y en ait plus.

France, a Nation on the Verge of a Nervous Breakdown

Price: 15,60 €

14 used & new available from 13,80 €

Le 7 octobre et après

Meurtri au plus profond de lui-même par la barbarie du Hamas, Gilles-William Goldnadel s’est enrôlé dans la défense médiatique quotidienne d’Israël. Son nouveau livre dévoile les coulisses de ce combat acharné.


Dans la matinée du 7 octobre, Gilles-William Goldnadel est réveillé par la sonnerie de son téléphone portable. C’est un SMS de son fils. « Nous sommes en guerre », lui écrit-il de Tel-Aviv. Au fil des heures, l’avocat franco-israélien comprend que l’impossible est arrivé. Et que le « nous » recouvre une communauté humaine bien plus vaste que la seule population de l’État hébreu, touchée de plein fouet par le terrorisme islamiste.

Non pas qu’il ait attendu cet indicible massacre pour se sentir passionnément sioniste. Seulement le juriste madré, l’essayiste cultivé (fin connaisseur notamment des théories de Gustave Le Bon et de Sigmund Freud sur la psychologie des foules), le bretteur télévisuel aux effets de manche si caustiques ne se reconnaît plus lui-même. Désormais l’horreur du Hamas le hante jour et nuit. « Je n’imaginais pas ça, confie-t-il à son journal. Mes enfants sont partis en Israël pour ne pas connaître ça. L’humiliation d’être redevenu un juif craintif. Et la peur pour mes enfants. Et la crainte indicible de leur survivre. »

Un deuil écrasant

On devine la vocation première de ce texte : redonner du courage à ceux qui, juifs ou non, sont abattus, désespérés par le pogrom survenu il y a quatre mois. L’auteur ne cache rien, lui-même, de ses propres passages à vide, de ces journées durant lesquelles seules une salade de roquette au parmesan ou une discussion professionnelle au sujet d’un banal client convaincu d’escroquerie le distraient quelques instants, avant que l’effroi et la colère ne reprennent place dans son esprit.

Ce livre est en somme le témoignage d’un corps dans la tourmente, avec son chagrin, sa douleur, ses insomnies. Ses envies de vengeance aussi. « Je me serais volontiers vengé des nazis, justifie-t-il. Les services israéliens ont éliminé un à un les responsables de l’attentat contre leurs athlètes. Cette vengeance de Munich me paraît très juste et très humaine. » On aura compris que notre chroniqueur ne s’accordera pas de répit aussi longtemps que ceux qui, là-bas, se battent en treillis sur le terrain ne pourront se reposer. Son portrait, en couverture du livre, exprime parfaitement cette détermination. Le visage est marqué par l’angoisse et la fatigue, le regard est d’une tristesse profonde.

Au fil des pages du journal, chaque jour connaît sa peine. Chaque jour sauf un : « rien », écrit Goldnadel le 7 octobre. Mais pas le « rien » consigné par Louis XVI au soir du 14 juillet 1789. Pas un « rien à signaler », mais un rien de sidération, d’un choc terrible qui empêche d’écrire, qui ne permet que d’expédier le plus urgent. Puis, à partir du lendemain, 8 octobre, Goldnadel entre dans la tranchée des juifs. Car il sait que, de l’autre côté de la Méditerranée, les Israéliens sont ensemble et doivent faire face aux urgences et aux drames.

A lire aussi : Le Hamas, ou le retour de l’archaïque à l’âge du digital

Que faire ? Y aller, en Israël, pour être avec les autres, partager la nouvelle adversité ? Non, plutôt rester en France et faire la guerre ici, dans les médias avec sa voix et sa plume. Une automobilisation autant physique qu’intellectuelle, et qui fait penser – on trouvera peut-être la comparaison audacieuse – à Maurice Barrès décidant, en 1914, alors âgé de 52 ans et donc trop âgé pour le port de l’uniforme, de s’astreindre à donner un texte par jour à L’Écho de Paris pendant toute la durée du conflit, comme pour participer à l’effort de ceux qui sont sur le champ de bataille.

Certes, ce n’est pas la première fois. Depuis plus de quarante ans, chaque crise violente entre Israël et ses ennemis – Intifada, Liban, Gaza – provoque dans le reste du monde une vague étouffante d’antisémitisme. Les juifs de la diaspora se retrouvent écrasés entre deux fronts. À la violence là-bas s’ajoute un sentiment de rejet et d’incompréhension ici.

Les menaces sont identifiées

Il y a bien longtemps du reste que Goldnadel alerte ses coreligionnaires sur le péril mortel du djihadisme, à ses yeux infiniment plus dangereux en Occident qu’un hypothétique réveil de la bête immonde fasciste. « Je me fous de Jean-Marie Le Pen, assume-t-il. Le souvenir de la Shoah me hante, mais je le garde pour moi. Je me fous de l’antisémitisme de papa. Je me bats contre celui, islamiste, d’aujourd’hui. »

Le chroniqueur de CNews est aussi l’un des tout premiers à avoir compris que la menace principale viendrait désormais aussi d’une partie de la gauche, de cette extrême gauche qui, comme il l’a déjà écrit à de multiples reprises, voit dans chaque juif un « Blanc au carré », forcément complice d’une prétendue colonisation au Proche-Orient. Hostile à la politique d’implantations, Goldnadel voit pourtant rouge dès que le mot infamant colonisation est prononcé pour décrire la situation en Cisjordanie. Comment ose-t-on appeler « colons » ceux qui se trouvent, serait-ce à tort, sur une terre où ont vécu leurs ancêtres ?

A lire aussi : 7-Octobre: ce qui unit Israël et la France

Seulement, depuis le 7 octobre, cette affligeante inversion des valeurs est encore plus implacable. Elle est devenue le mot d’ordre des djihadistes et de leurs alliés, si prompts à crier leur joie mauvaise, à clamer que le peuple victime de la Shoah serait à présent coupable d’un génocide. De la blague douteuse de Guillaume Meurice à la procédure entamée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de La Haye en passant par le négationnisme des crimes commis par le Hamas, les enjeux sont aussi évidents que terribles : il faut que les juifs soient transformés en nazis, que Nétanyahou soit pire qu’Hitler.

Cette terrible injustice traverse ce journal de guerre comme elle transperce l’âme des millions des juifs partout dans le monde. Et là se trouve sans doute la plus grande valeur de ce texte, document truffé de morceaux de vie et de bravoure, d’esprit et de tendresse, sur un juif du quotidien en temps de guerre.

Gilles-William Goldnadel, Journal de guerre, Fayard, 2024.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

Price: 19,50 €

33 used & new available from 3,15 €

Reporters avec frontières

0

Le Conseil d’État vient d’ordonner à l’Arcom de réexaminer le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme. Le ton et certaines idées que l’on entend sur le canal 17 gênent. Surtout, certains s’inquiètent que les citoyens puissent s’échapper de leur goulag mental…


Après octobre noir, voici février gris ! Vert de gris, oserais-je. Octobre, le pogrom du terrorisme islamiste dans sa déclinaison Hamas, la déferlante de sang et de barbarie sur la terre d’Israël. Février, des journalistes de France – oui de France, terre de Beaumarchais, Diderot, Voltaire, Hugo, Zola, Camus et tant d’autres – ourdissent un bas procès visant ni plus ni moins à faire interdire d’autres journalistes, leurs confrères…

Qui en veut à la liberté de la presse ?

Les deux événements ne sont pas, il s’en faut de beaucoup, de même gravité, de même intensité, de même nature, ni porteurs d’aussi terrifiantes conséquences. Leur seul lien, ténu je le confesse, est que ma petite personne, modestement, était jusqu’alors bien persuadée de ne jamais avoir à assister sa vie durant à tant d’horreur d’une part, et à tant d’ignominie intellectuelle d’autre part.

Je nous en croyais prémunis, considérant la vie humaine et l’intégrité de l’être comme métaphysiquement sacrées et la liberté d’expression tout aussi sacrée, du moins civiquement, philosophiquement. Une interrogation oppressante émerge. Jusqu’où régressera-t-on ? Jusqu’où nous laisserons-nous embarquer dans ces spirales obscurantistes où se déploient chaque jour un peu plus la haine et la plus abyssale bêtise?

A lire aussi: France 2 trop commerciale et pas assez culturelle selon TF1: de quoi je me mêle?

Voilà bien que Reporters sans Frontières, organisation non gouvernementale qu’on veut bien feindre de croire non inféodée politiquement, se pervertit au point d’entreprendre de bâtir, ici, en France, un mur, exactement de ceux qu’elle est censée devoir détruire partout ailleurs de par le monde. Les murs de la censure. Les murs de la vérité bâillonnée. Les murs du goulag mental… Mais au fond, rien de bien surprenant à cela: toutes les menées à visée inquisitoriale reposent sur une contradiction originelle dont elles finissent par crever. Elles en viennent toujours à générer la négation pure et simple de ce qu’elles font profession de défendre et promouvoir. Le communisme, brandissant sans vergogne l’étendard de l’égalité la plus absolue, fabrique en réalité, avec une obsessionnelle méticulosité, la nomenklatura la plus illégitimement inégalitaire de l’ère contemporaine. Les exemples abondent. Dans un registre, là aussi peu comparable, mais symboliquement tout aussi pervers, voilà donc que Reporters sans Frontières s’emploie à en dresser une, de frontière. Un comble. Une frontière destinée à rejeter hors du champ journalistique la chaîne d’information CNews. On pourrait se croire plongé dans un cauchemar ou victime d’une très mauvaise farce.

Il faut dire que cette antenne cumule deux travers inexpiables vus de cette ONG qui, très probablement, se voit en détentrice exclusive des critères objectifs permettant de déterminer ce qui doit être porté ou non à la connaissance du public et comment cela doit être livré. Donc, premier péché impardonnable, CNews rencontre le succès. Succès d’audience, et, de surcroît, succès de considération, d’estime. C’est beaucoup. Seconde tare tout aussi rédhibitoire, ses programmes s’ingénient à dire le réel. Le réel tel qu’en lui-même. Non l’édulcoration façon camomille que servent depuis des décennies les médias autorisés. Le réel pleine face, affronté bille en tête. Nouveau, très nouveau dans le paysage. Alors, forcément, ça dérange, ça déstabilise. Le doux ronron qui ne ronronne plus, enfin vous voyez…

Billard à trois bandes

La manœuvre de RSF, en fin de compte, ne mériterait que « le sarcasme de la gaieté et l’indulgence du mépris » – comme dit si brillamment Chamfort – si l’enjeu n’était aussi grave, aussi existentiellement déterminant. Il s’agit de la liberté de dire. La liberté d’aller voir avant de dire pour – là est le point névralgique – dire ce que l’on voit. Tout simplement.

A lire aussi: Tibo InShape vs Usul

Avec cette manœuvre d’exclusion, disais-je, on bordaille l’association de malfaiteurs. RSF s’en va pleurnicher du côté du Conseil d’Etat qui ira quant à lui déverser leurs doléances communes auprès de l’Arcom où, dit-on, on serait assez bien disposé à les entendre. Le billard à trois bandes, mais très loin de la subtilité ordinairement requise pour ce jeu passionnant.

Je nommais Voltaire. Il n’a, paraît-il, jamais prononcé la fameuse phrase : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez continuer à le dire. » Elle lui va pourtant comme un gant. Aussi, puisqu’elle ne lui appartient pas, considérons qu’elle est à tout le monde. Même aux petits marquis effarouchés de la presse idéologiquement encartée. Qu’ils s’en emparent. Et ils auront, cette fois, bien mérité de leur beau métier.


Mitterrand, Don Juan en politique

Price: 9,71 €

1 used & new available from 9,71 €

Narco glamour

On reproche à la nouvelle série de Netflix Griselda d’être complaisante avec la violence. Une critique qui n’est pas juste, selon notre chroniqueur


Les pèlerins du bien en seront pour leurs frais : Griselda Blanco n’est pas précisément un parangon de vertu. Dans la ligne (si j’ose dire) des séries (visibles sur Netflix) Narcos (2015) puis Narcos : Mexico (2021), le fringant cinéaste originaire de Cali, Andrés Baiz, 49 ans, spécialiste du thriller latino horrifique, a confié le rôle-titre de sa nouvelle série à la star américano-colombienne Sofia Vergara. Elle en est également productrice exécutive.

Concurrente d’Escobar

Voilà donc, en six épisodes -à mater bien accroché aux accoudoirs de son fauteuil-, Griselda, dont s’il faut en croire la citation de Pablo Escobar placée en exergue du film d’ouverture, la femme qu’on surnommera « la marraine » ou « la veuve noire » est, dit-il, « le seul homme dont j’ai toujours eu peur ». Figure pionnière du marché de la dope, l’impitoyable « reine de la coca » telle qu’incarnée ici par la flamboyante vedette d’Hollywood n’a pas acquise la dimension mythique du sicaire de Medellin. Quoiqu’il en soit, concocté par une bonne dizaine de scénaristes, le script s’empare de ce destin fuligineux sans craindre d’y instiller, pour les besoins de la fiction, quelques infidélités aux faits réels. Notez qu’en 2012, le journaliste José Guarnizo a publié La patrona de Pablo Escobar, biographie de la vraie Griselda Blanco. Chacun son travail.

Car peu importe l’exactitude : au-delà de leur remarquable efficacité sur le plan de l’action comme des dialogues, ces six heures de cinéma de divertissement rythmées sans temps mort investissent l’époque des années 1970-1980 avec une opulence décorative et vestimentaire en tous points convaincants d’un bout à l’autre. Dios mio, ces faciès ! Ce vestiaire (d’une séquence à l’autre, Griselda ne porte jamais les mêmes fringues) ! Ces bagnoles ! Ces bicoques, ces motels, ces claques, ces boîtes de nuit ! Reconstitutions impeccables.

Jalonnant un bon nombre d’allers-retours hauts en couleur de Medellin à Long Beach, en passant par Miami ou les Bahamas, une bande-son sensationnelle ressuscite, tout du long, une flopée de morceaux insérés avec esprit dans la trame du récit  – de Joe Dassin à Umberto Tozzi (Gloria), de Charanga Sencacion (Charanga Pa’Gozar) à Grand Pa (Ou La La), de Gainsbourg à Bowie (Let’s Dance) et j’en passe…

Flippante

Quant au personnage de Griselda, sous ses dehors de mère attentive à protéger l’innocence de ses trois garçons Ozzy, Dixon et Uber, plus l’enfant qui naîtra de son remariage avec son ex guardaespaldas, l’appétissant sicario latino Dario Sepulveda, (excellemment interprété par l’acteur cubain Alberto Guerra, déjà présent dans la saison 3 de Narcos : Mexico), la bouchère sanguinaire et sans scrupule, la femme d’affaire ivre de pouvoir, la vengeresse sadique et, pour finir, la paranoïaque camée au crack s’autodétruisant de façon pathétique dans un jeu de massacre digne de Shakespeare, rien de ce qui constitue sa nature fondamentalement flippante ne nous est masqué.

A lire aussi, Martin Pimentel: «Causeur» a vu le «film de Noël» des Obama!

Corps démembrés, décapités, brûlés vifs, tranchés à la machette, tronçonnés, étranglés – furtivement, sans y insister outre mesure, quelques séquences pas piquées des hannetons donnent la mesure de ce que la lionne est capable de sacrifier à son hubris : après avoir occis en secret le géniteur taré de ses trois fils (lesquels continuaient de le croire en voyage), l’ancienne hétaïre en fuite à Miami avec pour tout viatique son sachet d’1kg de blanche sous emballage plastique, renoue avec sa copine, honorablement reconvertie quant à elle en honnête voyagiste (leur relation finira très mal, cf. épisode 6), et démarre son business en imprimant des billets d’avion à destination d’une brochette de mules parties de Medellin, « putas perras »(sic) aux lourdes mamelles chargées de poudre dans la doublure de leurs sous-tifs, direction Miami. Entrée en matière d’une guerre des gangs dont les comparses crèveront les uns après les autres, ou ne devront leur sursis (très provisoire) qu’à la chance ou au retournement de veste.

Juteux

En parallèle, le film suit les difficiles progrès de June, aux US, jeune inspectrice peinant à convaincre sa hiérarchie qu’une faible femme, et non un homme, est à la tête du trafic et la seule commanditaire de cette hécatombe.

Griselda, d’épisode en épisode, intègre en arrière-plan le contexte géopolitique du temps. Telles par exemple les circonstances qui permettront à la « patronne » d’inonder de cocaïne les nantis de la côte Ouest, audacieusement fournis, à perte, par une noria de jeunes « marielitas  », ces filles de mauvaise vie embarquées depuis le port cubain de Mariel pour un exode sans retour en Floride, lorsque Fidel Castro, en 1980, expulsa près de 125 000 « contre-révolutionnaires »… Étape cruciale dans le plan de carrière de madame Blanco, liée à l’extension du marché addictif aux sphères privilégiées de la société nord-américaine. De l’ascension à la chute, il s’écoulera une dizaine d’années. Le dernier épisode, Long Beach, est vertigineux.

Pour mordre à pleines dents dans ce fruit plutôt juteux, il est essentiel d’y goûter dans la version VO sous-titrée : un des régals de la série consiste en son caractère polyglotte. Le bilinguisme anglais-espagnol des comparses préserve même la saveur de leurs accents autochtones – une des gâteries supplémentaires de Griselda. Il se trouvera toujours des grincheux bien-pensants pour taxer la série de complaisante dans son approche de la violence liée à « la drogue-ce-fléau ». Que répondre à ce genre de procès d’intention ? Divertissement n’a pas fonction d’avertissement. Au reste, l’épilogue sauve la morale : Griselda est grillée.  


Griselda. Mini-série d’Andrés Baiz. Avec Sofia Vergara. Colombie/ Etats-Unis, couleur, 2023.

Durée : 6x 1h. Sur Netflix depuis le 24 janvier 2024

Caméra voilée

La loi belge a beau garantir l’égalité de traitement entre tous les citoyens en matière d’accès au travail ; et l’âge, le sexe, l’origine ethnique ou les convictions religieuses être autant de critères de discrimination combattus par les tribunaux, la télévision publique RTBF n’a aucun scrupule à faire la promotion d’un site de recrutement réservé aux femmes revêtues du voile islamique. Correspondance.


À l’heure où Christophe Deloire se ridiculise sur CNews et où l’ARCOM prend BFMTV comme étalon de l’éthique journalistique, il est peut-être intéressant de jeter un œil au-delà des frontières et plus précisément en Belgique. Ce petit royaume n’est pas, ou plus exactement, n’est plus, la France. Et c’est particulièrement vrai pour la Belgique francophone, ce qui peut paraître surprenant.

Amis français, c’est pire en Belgique !

Les médias belges francophones, service public ou médias stipendiés, ont de longue date inventé le « cordon sanitaire » afin d’empêcher certains courants de pensée de parvenir au micro. Quels courants ? Le parti socialiste belge, qui multiplie depuis 40 ans un nombre de cas de corruption avérés ? Le parti « islam » qui a pour programme l’instauration de la charia en lieu et place des lois du peuple belge ? Le PTB qui emprunte sa rhétorique au petit livre rouge de Mao ? D’autres partis largement implantés dans le paysage politique ? Pas du tout ! Ce cordon sanitaire vise exclusivement les formations étiquetées d’extrême-droite, quand bien même celles-ci récusent cette appellation. Mathieu Bock-Côté avait fort bien rendu compte de cette inquisition qui règne férocement sur les médias belges[1] et qui font passer la France pour l’Eden de la liberté d’expression.

A lire aussi: Le Parti socialiste belge invente la « gauche cocaïne »

De la discrimination au recrutement… si vous n’êtes pas musulman

Bien entendu, la RTBF, organe de propagande de la Wallonie, est particulièrement sourcilleuse sur la question ! N’est-elle pas la vigilante vestale attisant le feu du juste et du bien ? N’est-elle pas la dépositaire du façonnage des cervelles belges ? Bref, n’a-t-elle pas reçu pour mission sacrée de nous dire que voir, que lire et que penser ? C’est probablement à ce titre qu’elle peut sans vergogne s’émanciper de ses obligations de neutralité confessionnelle. Si la chose est passée un peu inaperçue, elle est pourtant de taille. C’est en effet via son média « Les Grenades », censé « décortiquer l’actualité sous le prisme du genre », ce qui doit être une palpitante activité, que la sainte RTBF a fait la promotion enthousiaste de la plateforme « Hijabis at Work ». Cette plateforme « Hijabis at Work » répertorie et diffuse auprès des intéressées les sociétés qui acceptent des travailleuses musulmanes voilées. Quand on sait que la RTBF n’a que le mot féminisme à la bouche et s’est donné la « diversité » pour mission sacrée, on ne peut qu’être surpris. Le voile musulman est en effet l’objet, par excellence, de la discrimination sexuelle, proclamant qu’une femme est un être inférieur, corrupteur et impur. Nous voilà loin, très loin, de la « diversité » et du « féminisme ». Mais nous nous rapprochons du théocratisme.

Le Conseil d’Administration de la RTBF n’y voit cependant pas grand-chose à redire, lui que l’on retrouve en PLS à la simple évocation de… Causeur !


[1] https://www.youtube.com/watch?v=sKUJQpsWiAg

Euthanasie, GPA, antispécisme, genre: le wokisme en a encore sous le pied!

0
Image d'illustration Pixabay

De la théorie du genre à la bioéthique en passant par l’antispécisme : panorama non exhaustif des thèses universitaires les plus absurdes, les plus immorales ou les plus risibles – le cumul n’étant pas interdit.


Avant de disséquer dans son dernier ouvrage, La religion woke (1), les thèses déconstructivistes qui ravagent les sociétés occidentales, Jean-François Braunstein avait déjà examiné de près dans La philosophie devenue folle (2), l’excellent essai dont il va être question ici, les travaux de certains « penseurs » très à la mode et ayant participé à l’entrisme, dans le monde universitaire, des théories les plus farfelues devenues, par la force de l’ignorance, de la bêtise idéologique et de la paresse intellectuelle, des thèses « acceptables » et relayées par des professeurs se targuant de progressisme.

Conversations « illicites » avec ma chienne

La théorie du genre est maintenant incontournable dans les universités anglo-saxonnes et connaît un réel succès en France. Le jargon butlérien, après avoir fait le bonheur d’Éric Fassin et de Paris-VIII, a envahi les amphis de la Sorbonne, de Sciences Po, de l’ENS et de quasiment toutes les universités françaises. La théorie en question est aussi fluide, trouble et maigrelette que le liquide rachidien de ses thuriféraires mais les conséquences de son enseignement sont catastrophiques : le transgenrisme, dernier avatar de l’obsession démiurgique et narcissique des déconstructeurs de la distinction sexuelle, ravage une partie de notre jeunesse avec la complicité de l’Éducation nationale, de l’université et de la caste médiatico-culturelle wokiste. Concomitamment, écrit Braunstein, l’idéologie de la « libération animale », initiée par le philosophe et professeur de bioéthique australien Peter Singer, a favorisé l’émergence de l’animalisme et de l’antispécisme chers à Aymeric Caron. Singer, effaçant d’un trait les différences entre « l’animal humain » et « l’animal non humain », s’étonne que les relations sexuelles entre les hommes et les animaux soient encore taboues. Dans la foulée, Monika Bakke, une universitaire polonaise adepte des thèses de Singer, regrette qu’ « aucun pays ne reconnaisse le mariage entre les humains et les animaux ». De son côté, l’universitaire américaine Donna Haraway décrit sa relation avec Mlle Cayenne Pepper, sa chienne, les « baisers mouillés et profonds » qu’elles échangent et les « conversations illicites » qu’elles tiennent, le but étant de « troubler » les distinctions entre les espèces pour finir par « s’entremêler avec le riz, les abeilles, les tulipes, la flore intestinale et tout être organique auquel l’existence humaine doit d’être ce qu’elle est, et réciproquement ». Bref, sous couvert de réflexion philosophique, ça délire à plein tube. Et ce n’est pas fini. Et même ça s’accélère  – du plus abject au plus risible. 

A lire aussi, du même auteur: Woke fiction, le cinéma français n’est pas épargné

Selon Singer, écrit J. F. Braunstein, si l’on définit l’humanité par le langage, la conscience et la raison, les humains ne jouissant plus de toutes ces facultés – « les enfants et adultes handicapés mentaux, les vieillards séniles ou les personnes en coma dépassé », selon luipeuvent éventuellement devenir des cobayes d’expérimentations à la place d’animaux « beaucoup plus conscients ou intelligents que ces humains extrêmement diminués ». À un journaliste l’interrogeant sur l’utilisation des chimpanzés dans la recherche pharmacologique, Singer répond qu’il préférerait qu’on cherche à « obtenir le consentement des proches de gens qui sont dans des états végétatifs » et qu’on expérimente les nouveaux traitements sur ces « animaux humains diminués ». Cette idée révoltante n’est pas un « dérapage malheureux », affirme Braunstein en rappelant que Peter Singer est partisan, comme nombre de ses collègues éthiciens, de l’euthanasie sans consentement des personnes dans le coma, des vieillards souffrant de démence sénile ou des enfants « défectueux » – Singer trouve par exemple raisonnable la suggestion du prix Nobel de médecine Francis Crick, à savoir la possibilité d’un délai de trois jours après la naissance d’un enfant pour que les parents puissent effectuer certains tests sur son potentiel génétique puis décider de le laisser vivre ou de le tuer. Si, demain, l’euthanasie est légalisée en France, sommes-nous certains d’échapper longtemps à ce que nous considérons aujourd’hui comme des débordements monstrueux ? Est-il inconcevable d’imaginer que ces derniers puissent devenir, sous la pression des idéologies progressistes, les gestes routiniers et utilitaristes d’une organisation totalitaire, bio-technocratique et eugéniste dirigée par des individus ayant oublié le sens tragique de l’existence et dénués de toute morale ?


Refermons l’excellent essai de Jean-François Braunstein et soumettons à son auteur le cas d’Anna Smajdor, cas remarquable qui pourrait introduire un nouvel ouvrage sur la folie grandissante dans le monde philosophique et universitaire.

GPA « éthique » ?

Anna Smajdor est professeure agrégée de philosophie à l’université d’Oslo. Il y a quelques mois, dans un article intitulé « Whole-Body gestionnal donation » (WGBD ou « Don gestationnel de corps entier ») et paru dans la revue Theoretical Medicine and Bioethics (3), cette éthicienne pro-GPA a émis l’hypothèse d’utiliser comme mères porteuses des femmes… en état de mort cérébrale. « Il n’y a pas de raison médicale évidente pour laquelle l’initiation de telles grossesses ne serait pas possible », décrète-t-elle en introduction de son article. Par ailleurs, elle considère qu’il serait raisonnable de proposer le « don gestationnel de corps entier » (ou WGBD) à toute personne voulant « éviter les risques et les contraintes liés à la gestation d’un fœtus dans son propre corps ». Pour les cas où certaines de ces GPA échoueraient, Anna Smajdor déroule une argumentation abjecte, qu’elle estime, elle, « raisonnable » et « éthique » : « Si les fœtus sont gravement endommagés par des facteurs inattendus découlant de la gestation en état de mort cérébrale – nul besoin de laisser naître des bébés gravement endommagés. […] L’avortement, en particulier l’avortement tardif, peut être traumatisant pour les femmes enceintes, à la fois émotionnellement et physiquement. Cependant, dans le cas du WGBD, la femme gestante est déjà morte et ne peut pas être blessée. Les parents mandatés peuvent décider de l’avortement sans avoir à se soucier des effets sur la donneuse gestante. » Afin d’écarter d’éventuelles récriminations féministes, Anna Smajdor propose que les hommes en état de mort cérébrale participent également au programme WGBD. Bien sûr, concède la chercheuse, il y a des risques mortels, surtout au moment de l’accouchement – « mais pour les donneurs en état de mort cérébrale, le concept de “mortel” n’a aucun sens : le gestateur est déjà mort. » Ces idées délirantes ont suscité de vives polémiques – mais pour combien de temps encore ? Comme le note Sylviane Agacinski dans L’ homme désincarné (4) : « Nos contemporains ont beau répéter à l’envi toute l’horreur que leur inspirent les totalitarismes, ils n’en tirent aucune leçon. On tourne “la morale” en dérision et l’on se moque des “vieux tabous”. Tout est justifié au nom des intérêts individuels et des “demandes sociétales” que le droit est sommé de ne pas entraver. »

A lire aussi, Peggy Sastre: Muriel Salmona: la psy qui traumatise

Les divagations d’Anna Smajdor s’accordent parfaitement avec le projet de déconstruction de l’humanité et d’élimination de la moralité que soutiennent à leur manière philosophes utilitaristes et théoriciens du genre. L’un d’entre eux, Paul B. Preciado, disciple halluciné de Derrida et de Butler, escompte l’avènement du transgenrisme, de la bio-technologie et de l’utérus artificiel afin de mettre à bas ce qu’il appelle, dans ce salmigondis infect, l’ordre hétéro-patriarco-colonial. Tandis qu’Anna Smajdor envisage une nouvelle manière, monstrueuse, de GPA, Preciado propose « l’arrêt de l’assignation du sexe à la naissance » en demandant que les sages-femmes cessent de dire aux parents : « Vous avez eu un garçon (ou une fille) », pour leur annoncer triomphalement : « Bravo ! Vous avez eu un corps vivant ». Le plus curieux est de constater qu’il existe des individus qui écoutent les délires de ces énergumènes le plus sérieusement du monde, sans frémir devant le projet immoral de cette philosophie devenue folle ou sans éclater de rire devant les idées sottes – ou d’une telle absurdité que seuls des intellectuels peuvent y croire, selon la célèbre formule d’Orwell – qui lui servent d’arguments.

Quand le sperme est classé « pathogène »

Finissons sur une drôlerie. Car face à ces élucubrations désespérantes, il arrive un moment où se dégourdir les zygomatiques devient nécessaire et même vital. Dieu merci, les Butler, Haraway, Preciado, Smajdor et autres baudruches intellectuelles déconstructionnistes nous facilitent souvent la tâche. Les thèses chimériques de ces diafoirus universitaires mêlant jargon philosophique, baragouin sociologique et charabia scientifique, n’impressionnent que les cancres estudiantins et les journalistes ignares. Une première et très efficace façon de contrecarrer les ratiocinations bouffonnes de ces imposteurs est de s’en moquer, d’en rire de ce rire qui est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert). Anna Smajdor, encore elle, nous a fourni dernièrement une belle occasion d’appliquer cette redoutable méthode. Cette femme savante a en effet écrit avec Joona Räsänen, un professeur de philosophie finlandais qui semble aussi perché qu’elle, un article ahurissant paru dans Journal of Medical Ethics (5). On croit d’abord à un canular – du genre de ceux que Helen Plukrose, James Lindsay et Peter Boghossian firent il y a quelques années afin de dénoncer la vacuité intellectuelle de certaines revues universitaires spécialisées dans les études de genre ou les feminist studies. On comprend rapidement que ce n’en est pas un – et on s’esclaffe. Anna Smajdor et son comparse affirment en effet, dès l’entame de l’article, « qu’il existe des raisons impérieuses de considérer la grossesse comme une maladie. » Suit un résumé hallucinant de la thèse : « Comme une maladie, la grossesse affecte la santé de la personne enceinte, provoquant toute une gamme de symptômes allant de l’inconfort à la mort. Comme une maladie, la grossesse peut être traitée médicalement. Comme une maladie, la grossesse est provoquée par un agent pathogène, un organisme externe envahissant le corps de l’hôte. Comme pour une maladie, le risque de tomber enceinte peut être réduit en utilisant des mesures prophylactiques. »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Aurore Bergé contre #NousToutes: le gouvernement coupera-t-il les subventions?

Les auteurs comparent alors la grossesse à… la rougeole – et ça vaut le détour : « Comme la rougeole, la grossesse est une maladie spontanément résolutive. Elle suit une trajectoire prévisible qui se termine généralement par le rétablissement du patient. La grossesse et la rougeole impliquent également des symptômes qui peuvent altérer la capacité fonctionnelle normale de la personne. […] La grossesse est nocive (comme la rougeole). »Enfin, le summum de cette pitrerie :« Comme la rougeole, la grossesse est également causée par un organisme d’origine externe qui pénètre dans le corps et provoque les conséquences néfastes que nous avons décrites. Ainsi, de ce point de vue, le sperme pourrait être considéré comme un agent pathogène au même titre que le virus de la rougeole. » Les occasions de rire se faisant rares, nous tiendrons nos lecteurs au courant des prochaines publications d’Anna Smajdor, comique agrégée de philosophie délirante au cirque universitaire d’Oslo. 

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €


(1) Jean-François Braunstein, La religion woke, 2022, Éditions Grasset.

(2) Jean-François Braunstein, La philosophie devenue folle (le genre, l’animal, la mort), 2018, Éditions Grasset.

(3) Anna Smajdor, Whole body gestational donation, 2022, Theoretical Medicine and Bioethics.

(4) Sylviane Agacinski, L’homme désincarné, du corps charnel au corps fabriqué, 2019, Tracts Gallimard.

(5) Anna Smajdor, Joona Räsänen, Is pregnancy disease ? A normative approach, Journal of Medical Ethics.

Coût pour coût

0
D.R

Les immigrationnistes prétendent que les nouveaux arrivants sont une aubaine pour l’économie du pays qui les accueille. Une étude montre que c’est le contraire.


425 milliards d’euros. C’est ce qu’aurait coûté l’immigration aux Pays-Bas de 1995 à 2019. En effet, d’après l’étude « État providence sans frontières[1] », réalisée par plusieurs chercheurs et publiée par l’université d’Amsterdam, l’immigration non occidentale a coûté, annuellement, 17 milliards d’euros au gouvernement néerlandais en redistributions de toutes sortes. Et ce, pendant vingt-cinq ans. À l’inverse, pour ce qui est des bénéfices, l’immigration occidentale ne rapporterait qu’un milliard d’euros par an. L’un des auteurs de cette étude, le mathématicien Jan van de Beek, pointe du doigt l’État providence du pays, qui, par sa générosité, n’incite pas les nouveaux arrivants à trouver du travail. De plus, le grand nombre d’immigrants et les aides sociales qu’ils perçoivent fragilisent le système de protection sociale. Alors que les dépenses publiques en leur faveur sont supérieures à la moyenne pour l’éducation ou la sécurité sociale, les immigrés paient moins d’impôts et de cotisations. L’immigration aura-t-elle la peau de l’État providence néerlandais ? L’étude conclut en effet qu’entre immigration de masse et État providence, il faut choisir. Par ailleurs, ces chercheurs précisent que leurs conclusions « pourraient inspirer les chercheurs et les décideurs politiques dans d’autres pays, en particulier en Europe, ayant un État providence comparable ».

A lire aussi : Aux Pays-Bas, le coût de l’immigration n’est plus une question taboue

Comme la France par exemple, mais il semble que nous n’en prenons pas le chemin et il ne faut pas compter sur le monde économique. Sur Radio Classique, le 19 décembre, Patrick Martin, président du Medef, affirmait que « d’ici 2050, nous aurons besoin, sauf à réinventer notre modèle social et économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ». Même son de cloche au niveau européen, il n’y a qu’à écouter Ylva Johansson, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, pour s’en convaincre. En Grèce, le 8 janvier, elle déclarait que l’UE avait besoin de 4,5 millions d’immigrés par an. Les contribuables n’ont pas fini de casquer.


[1] « Borderless Welfare State. The Consequences of Immigration for Public Finances », University of Amsterdam School of Economics, 2023.

Italie et Israël, les deux font la paire

0
Benjamin Netanyahu et Giorgia Meloni à Rome, 10 mars 2023 © Andrew Medichini/AP/SIPA

L’Italie et Israël sont fortement liés par une proximité à la fois régionale, culturelle et économique. Et les chiffres de leurs échanges économiques le démontrent. En quelques années, l’Italie est passée de dixième à cinquième partenaire d’Israël. De son côté, Israël est devenu le point de référence en matière de technologie et sécurité.


Les relations entre l’Italie et Israël ont connu un important pas en avant ces dernières années. Bien que l’Italie ait été parmi les premières nations à reconnaître l’État d’Israël en 1949, les rapports entre les deux pays ont pris un véritable élan au début des années 1990 grâce surtout aux partis de droite. Gianfranco Fini, leader du parti de Giorgia Meloni, Alleanza Nazionale (aujourd’hui Fratelli d’Italia), lors du congrès du parti à Fiuggi en 1993, a condamné pour la première fois le fascisme, en citant notamment sa responsabilité dans la promulgation des lois raciales considérées comme « infâmes ». Il marquait ainsi une rupture historique avec le passé de son parti par rapport à Mussolini. En 2000, c’est Silvio Berlusconi qui a radicalement changé la politique italienne au Moyen-Orient, jusque-là caractérisée par une politique d’égale proximité avec Israël et avec les pays arabes. Berlusconi a toujours déclaré que l’Holocauste était un mal absolu, sur lequel aucun révisionnisme, déni ou sous-estimation n’était tolérable. Selon lui : « J’ai appris cette valeur, cette grande valeur de la liberté, de mon père, exilé en Suisse pour ne pas être arrêté par les nazis-fascistes, et de ma mère qui, enceinte, a risqué sa vie pour enlever une femme juive à un soldat nazi qui était destinée aux camps d’extermination ». Il Cavaliere fut l’initiateur et le promoteur d’une série d’accords économiques avec Israël, créant une synergie industrielle notamment sur le plan de la sécurité et de la défense.

Au cours des vingt dernières années, les relations entre les deux pays se sont développées par le biais de nombreuses initiatives et projets de coopération bilatérale. L’Italie et Israël possèdent une complémentarité naturelle : la forte vocation manufacturière italienne alliée à l’avant-garde des technologies israéliennes. En effet, de plus en plus d’entreprises italiennes participent à de nombreux appels d’offres publics et privés, notamment dans le cadre de l’Accord de Coopération Industrielle, Scientifique et Technologique signé en 2000 qui a financé plus de 200 projets d’intérêt commun.

Rapprochement culturel

Une coopération culturelle bilatérale repose sur un accord de coopération datant de 1971 et sur des programmes triennaux. Ainsi les Instituts culturels italiens de Tel-Aviv et de Haïfa ont entrepris des actions destinées à promouvoir les initiatives culturelles. Les résultats dans les domaines de l’édition, du cinéma, du design, de l’art et de la musique sont particulièrement positifs. La culture italienne est très appréciée par les Israéliens, qui visitent souvent la Péninsule pour des motifs d’études, de travail ou de tourisme. Au cours des dix dernières années, 105 livres de grands auteurs italiens – du XXe siècle et de l’époque contemporaine –  (Pierpaolo Pasolini, Antonio Gramsci, Giacomo Leopardi, Eugenio Montale, Primo Levi, Erri De Luca, Natalia Ginzburg) ont été traduits en hébreu. L’italien est devenu la troisième langue traduite en hébreu, précédée uniquement par l’anglais et l’allemand.

A lire aussi: Le 7 octobre et après

En Italie, il existe un intérêt constant pour la littérature juive. Des dizaines d’écrivains écrivant en hébreu ont été traduits en italien et l’appréciation de leur travail ne cesse de croître. Et, aux côtés des grands noms (Avraham Yehoshua, Amos Oz lui-même, David Grossman), des auteurs comme Etgar Keret font leur apparition dans les librairies italiennes. Les écrivains israéliens ont également été honorés par la Foire du livre de Turin qui les a choisis en 2008 comme invités d’honneur.

Enfin, trois missions archéologiques sont actives en Israël et bénéficient de contributions publiques. À leur tête des chercheurs italiens de l’université La Sapienza de Rome, de la deuxième université de Naples, l’université de la Campanie Luigi-Vanvitellie et de l’université de Florence. En outre, l’Italie accueille chaque année de nombreux événements culturels israéliens tels que des expositions d’art, des concerts de musique et des festivals de films.

Synergies économiques

Le marché israélien reste d’un grand intérêt pour l’Italie. Israël bénéficie d’une excellente réputation dans les secteurs liés à la haute technologie, à la biomédecine, à l’innovation agricole, à la sécurité et aux énergies renouvelables. Cette innovation technologique séduit les industriels italiens désireux d’apporter une complémentarité à la fois dans la phase de recherche, de dépôts de brevets, mais aussi au niveau de la création et de la commercialisation des produits finis. L’Italie est considérée comme un partenaire sérieux dans la phase d’industrialisation des produits et des technologies, grâce à l’importance, la diversification et la flexibilité de son système industriel.

La collaboration dans le domaine énergétique se structure dans le temps et se manifeste avant tout à travers des collaborations entre entreprises privées. Parmi les principales associations figurent différents pôles d’innovation créés en Israël par le premier opérateur électrique d’Italie ENEL, tels que l’« Innovation Hub » (actif depuis 2016 à Tel Aviv), « Infralab » (Haïfa de 2020 à 2021), « FinSec Lab » (depuis 2021 à Beer-Sheva, avec Mastercard), « AI&Robotics Lab » (Tel Aviv depuis  2022). D’autres accords ont été signés par la principale entreprise italienne de transport de gaz, SNAM, en 2020 avec trois entreprises israéliennes : Delek Drilling et DAN pour ce qui est de la transition au gaz naturel liquéfié dans les transports publics ; avec DAN pour le développement de projets de mobilité verte ; et avec la start-up H2PRO dans la recherche sur l’hydrogène. Le groupe multiservice italien A2A et l’israélien IIA ont signé un accord-cadre en 2021 pour des projets de collaboration dans le domaine de l’innovation avec les entreprises.

Dans le domaine de la sécurité, le dialogue entre les institutions italiennes et israéliennes dans le domaine de la cybertechnologie et de la sécurité de l’information se poursuit. De nombreuses entreprises israéliennes collaborent avec des entreprises italiennes sur ce sujet. Un projet italo-israélien a même débuté dans le secteur spatial pour la réalisation de quatre expériences de recherche biologique et pharmacologique en microgravité grâce à DIDO III. Ce satellite miniaturisé développé par la société israélienne SpacePharma a été mis en orbite par l’italien Fusée Vega en septembre 2020.

Les échanges commerciaux enregistrent quant à eux un progrès certain. Ils se sont élevés à 4,8 milliards d’euros en 2022, une hausse de 17,1% par rapport à l’année précédente. L’Italie est devenue le deuxième fournisseur et le septième client européen d’Israël. Ces résultats ne feront qu’augmenter dans les années à venir. Le renforcement de cette coopération sera sans doute stratégique et aussi utile aux deux pays pour faire face aux différents défis : menace terroriste, instabilité politique internationale, crise énergétique mondiale.

Moi est un autre

0
© Éditions Glyphe

Condamné à mort en 1948 pour crimes de sang, celui qui s’appelle alors Joseph Damiani, truand englué dans la délinquance sordide, n’est pas encore l’Autre, José Giovanni, l’auteur Gallimard et le scénariste proche de Ventura et Delon. Ce long chemin vers la rédemption nous est raconté par un maître du genre, Gilles Antonowicz.


Gilles Antonowicz, habitué des prétoires et des zones grises, cherche la vérité dans le parcours brumeux d’hommes hors-cadre, d’hommes bannis par la bonne société. Les réprouvés et les exclus du système ont toujours eu sa préférence. Cet avocat honoraire examine les pièces d’un dossier avec un flair de pointer, retourne les bibliothèques de France, ne se satisfait jamais d’une explication simpliste et rassurante sur la psychologie d’un condamné. Il ne croit pas aux raccourcis, aux aveux téléguidés, aux marchandages médiatiques et autres simagrées de justice. Son obstination est à la hauteur de son courage d’écrivain. Car, il en faut pour consacrer des essais charpentés sur des affaires louches, indéfendables, sensibles, aux relents de Collaboration et d’égarements politiques, à ceux aussi dont le sort est scellé d’avance, les recalés des salles d’audience et les perpétuels reclus. Les dissidents, armes à la main ou code pénal dans la manche, aux amitiés douteuses et aux compromissions torves, l’intéressent pour ce qu’ils disent ou ne disent pas des époques incertaines. Antonowicz n’a pas la passion du crime et de ses assesseurs pour satisfaire le sensationnalisme de la ménagère, il aime se plonger dans des périodes complexes où les rôles sont parfois interchangeables, où la palette des nuances est nécessaire pour appréhender au plus près la vérité de chacun. Notre société manichéenne ne peut comprendre cette subtilité-là. Elle n’autorise que la schlague et les intimidations. Elle est trop lourde pour saisir l’âme humaine face au tumulte du monde extérieur. Antonowicz n’excuse pas, il n’absout pas, il n’est ni un juge, ni un curé, il raconte avec une précision qui devrait rendre jaloux ses jeunes confrères du barreau. Il ne se contente pas de la pulpe des choses, de la surface éphémère d’un procès, il en décortique la mécanique et l’infernal tourbillon. Antonowicz aurait pu travailler chez les maîtres horlogers suisses, sa « réserve de marche » est infinie. Avec lui, sous une plume soyeuse et chirurgicale, nous sommes déjà entrés dans l’intimité de Jacques Isorni, de Maurice Garçon et de Pierre Pucheu. Si ces noms vous sont totalement inconnus, lisez Antonowicz pour avoir une vue d’ensemble. Dernièrement, il a travaillé sur les affaires d’Outreau et les berrichons Mis et Thiennot. Ses conclusions ne font pas plaisir à tout le monde. On pourrait croire qu’il a une vision romantique d’un destin. Sa lucidité et sa rigueur nous apportent très souvent un éclairage nouveau aux banalités répétées sans cesse sur des événements vieux désormais de soixante-dix ans. Lire Antonowicz, c’est souvent s’arcbouter sur un sujet vitreux, rebattre les cartes, démêler la pelote, éviter les autoroutes de la pensée, apprendre à douter de soi et aussi faire montre d’une magnanimité sur une descente aux enfers. L’auteur sait combien la linéarité est un leurre, un masque pour continuer de barboter tranquillement en société.

Gilles Antonowicz © Alain Le BOT/Opale.photo

Il a jeté sa gourme cette fois-ci sur José Giovanni (1923 – 2004), son passé dans le couloir de la mort, douze ans de détention, sa grâce, son entrée en littérature sous les bons auspices de son avocat Stephen Hecquet (Le Trou, Le Deuxième Souffle, Classe tous risques, l’Excommunié, Ho !, Les Ruffians, etc..) et ses millions d’entrées au cinéma avec Becker, Deray, Enrico ou Verneuil. Du personnage, les cinéphiles avaient quelques tuyaux usés, de vagues réminiscences, on savait que Giovanni avait été dans de beaux draps, il avait frôlé la grande faucheuse de très près, il en parlait peu, même si son cinéma est rempli de mauvais garçons et de haines féroces, d’impasses et d’impossibles renaissances. Cet ancien de Stanislas termina sa vie sous la croix helvétique, entre ces deux pôles, Antonowicz vous dit tout. Alphonse Boudard, un autre camarade de Centrale et de salons du livre, s’était plus longuement épanché sur sa jeunesse turbulente, il en gardait les séquelles mais tentait de faire rire avec ses déboires en cascade. Giovanni était plus tendu, plus crispé, plus tourmenté aussi, même dans les interviews anodines, on sentait son extrême nervosité, cette sensibilité qui fait grincer les dents. Comme à son habitude, Antonowicz part sans idées préconçues, rien que les faits, les dates, les recoupements, les témoignages, un décryptage historique et il resserre la focale sur le bonhomme. C’est prodigieux. Dans cette « Histoire d’une rédemption » aux éditions Glyphe, il trace les pleins et les déliés, les hauts et les bas, les carences et les refoulements successifs d’un itinéraire « fascinant ». Les pages sur l’enfance et la jeunesse de celui qui s’appelle Damiani sont remarquables ; on voit ce gamin sur la pente fatale, puis c’est l’enchainement, la fidélité au frère, l’attachement à la mère, dans une atmosphère corso-mafieuse poreuse, le jeu et les filles, les hôtels, l’argent facile, les déveines, les promiscuités honteuses, le PPF, les Chantiers de jeunesse, la montagne comme seul exutoire, la Libération et ses ombres, un embrouillamini qui n’effraie pas Antonowicz. Et puis, tout au fond, la lumière des salles obscures, le retour chaotique à la « normalité ».

« Je n’avais pas assez de sens moral pour faire la part des choses. Le retour à la vie normale vous attriste par sa fadeur » avouait-il. Le cinéma et la littérature auront été ses exhausteurs d’existence.

José Giovanni – Histoire d’une rédemption – de Gilles Antonowicz – éditions Glyphe  

Le coup de force des juges contre CNews, coupable de sa liberté

0
© SICCOLI PATRICK/SIPA

CNews contre ces nazes…


La liberté d’expression, régulièrement malmenée par la macronie dans sa lutte contre les mal-pensants, est frontalement attaquée depuis mardi par des juges cloueurs de becs, avec le soutien d’une presse acquise à la censure. La dérive liberticide du pouvoir, mobilisé pour faire taire la pensée récalcitrante, se rapproche du modèle totalitaire, dont le but est l’élimination autoritaire de toute pensée alternative. 

Les frontières idéologiques de Christophe Deloire

Aujourd’hui, existe le risque d’une nationalisation de l’information. Saisi par Reporters sans frontières (RSF), association présidée par le journaliste Christophe Deloire (notre vidéo ci-dessous), le Conseil d’État a ainsi sommé l’Arcom, instance de régulation de l’audiovisuel, de renforcer son contrôle éditorial sur CNews. RSF et le Conseil d’État reprochent à la chaîne de Vincent Bolloré, qui rencontre un succès d’audience en lien avec son approche du réel, de ne pas respecter le pluralisme des opinions. En réalité, l’Arcom est incitée par la gauche la plus intolérante à retirer le droit de diffusion de la chaîne privée, donc à la réduire au silence. Pour cela, CNews, qui respecte l’équilibre des temps de parole des politiques, est sommée par la justice administrative de changer sa ligne éditoriale, représentée aussi par ses chroniqueurs, ses animateurs et ses invités. Jamais une intrusion des juges dans la liberté d’expression n’aura été aussi brutale. Jamais une association de journalistes, RSF, n’aura été si loin dans la traque aux confrères déviants de la pensée officielle. Revient cette réflexion de Soljenitsyne, lors de son passage en Vendée en 1993 : « Aujourd’hui les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest ». Nous y sommes.

A relire, Elisabeth Lévy: Nos impôts, leur radio

Où l’illibéralisme peut se nicher…

Cet assaut des juges contre CNews relève du coup de force. Un magistrat n’a pas compétence, sauf en dictature, pour apprécier la ligne éditoriale d’un média ni pour le placer sous surveillance. Reste que cette décision illibérale comble d’aise, ce mercredi, la presse « progressiste », qui ne s’est jamais émue de l’absence de pluralisme dans l’audiovisuel public. En plus de quarante ans de journalisme, je n’ai pour ma part jamais été invité à France Inter, radio publique théoriquement soumise, plus que d’autres, à l’équilibre des opinions et des débats. Le militantisme est une réalité admise dans l’audiovisuel public. Ni RSF ni le Conseil d’État n’y ont jamais trouvé à redire. Ils ne disent mot non plus sur les appels au boycott de la chaîne privée par une partie de la gauche et de l’extrême gauche. Ceux-ci prennent prétexte de leur absence volontaire pour dénoncer un parti pris politique de CNews.

Et si on regardait du côté de France inter ?

Pour y participer comme chroniqueur, je peux témoigner de son esprit d’ouverture, de sa liberté de ton et de son goût pour la confrontation des idées.

L’effet de la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État pourrait bien d’ailleurs obliger Radio France, dépositaire de la pensée dominante, à s’ouvrir aux indésirables et autres parias. En attendant, CNews se voit promue par ses censeurs comme la chaîne qui montre ce que le conformisme voudrait occulter. Il n’y a pas là plus bel hommage à sa liberté.

Ted, le nouvel ami de mes voisins vignerons

0
© Naio Technologies

Dans sa campagne, notre chroniqueur vient de croiser le premier robot viticole du village.


Le panneau indique : « Machine autonome en fonctionnement ici. Restez à l’écart ». Et au lieu du bavardage des vendangeuses, c’est le bourdonnement d’un robot qui se fait entendre.

Bienvenue dans le sud de la France, en 2024, juste à côté de chez moi, où, en promenant les chiens dans les vignes, je tombe sur Ted, un cultivateur compact, vert et blanc, doté d’une intelligence artificielle, alimenté par batterie et infatigable désherbeur.  

Ted travaille d’arrache-pied, enjambant les vignes et coupant les herbes mauves. Il n’est ni mignon ni amical. Il s’arrête net s’il rencontre un obstacle humain. Mais il est dévoué. Il ne s’arrête pas pour déjeuner et, à la fin de la journée, Fabien, son tuteur humain, le branche pour recharger ses batteries.  

Désherber sous les vignes, au lieu de les arroser de produits chimiques, est un travail fastidieux et exigeant. La précision est essentielle pour couper les mauvaises herbes sans endommager les vignes. Pour les producteurs biologiques, et les nombreux autres qui pratiquent une agriculture raisonnable, les herbicides sont interdits ou évités. C’est alors qu’entre en scène Ted, avec ses lames pour cultiver la terre et ses « doigts » flexibles pour s’attaquer aux mauvaises herbes, les arracher afin qu’elles puissent être replacées dans le sol.

Les vignerons ne rigolent plus

Parmi les différentes tâches d’un viticulteur, le désherbage n’est pas la plus recherchée. Mais Ted ne rechigne pas à ce travail, c’est même sa seule raison d’être. Ted a été fabriqué par Naïo technologies, une start-up française basée à l’ouest d’ici, près de Toulouse. Il s’agit d’un prototype et, au début, les vignerons se sont moqués. Mais le scepticisme est en train de disparaître. « C’est une transformation qui pourrait se produire rapidement », m’a dit Philippe, un viticulteur local. « Encore plus vite s’ils nous laissent installer des panneaux solaires et alors nous n’aurons même plus besoin d’acheter du diesel ».

Ted ronronne pendant six heures avant que sa batterie ne s’épuise, désherbant et cultivant.  Il compense en endurance ce qui lui manque en vitesse. Le champ – plus il est grand, mieux c’est – est cartographié à l’avance à l’aide d’un récepteur de positionnement, puis Ted se débrouille tout seul. 

A lire aussi, Thomas Ménagé: Colère des agriculteurs: la macronie récolte les graines qu’elle a semées

Il est admirablement discret. S’il n’y avait pas les panneaux d’avertissement obligatoires en matière de santé et de sécurité au bord des parcelles sur lesquelles il travaille, les passants ne se douteraient peut-être même pas de sa présence. Ted est plus discret qu’un tracteur, il est pratiquement silencieux et ne rejette pas de gazole nauséabond. 

Qu’est-ce qui ne plaît pas à Ted est une question dont la réponse est nuancée. Les agriculteurs se plaignent toujours, de tout, de la météo aux prix. Ils consomment des milliards de subventions et exigent constamment d’être protégés de la concurrence. Ils affirment avec raison que leur travail est éreintant et dangereux.  Ils exigent des congés et une assurance maladie pour s’adonner à des tâches abrutissantes, comme conduire des tracteurs climatisés dans des champs toute la journée. 

Est-il cynique de se demander si la robotique n’est pas l’occasion de se débarrasser de ces hommes et femmes perpétuellement ennuyés ? Remplacer les agriculteurs pleurnichards par l’intelligence artificielle semble être une bonne affaire. L’économie semble favoriser un remplacement rapide de ces agriculteurs turbulents.

Mais il est également vrai qu’il y a quelque chose à perdre ici, moins matériel, plus spirituel, en rompant un accord ancien entre les agriculteurs et les consommateurs pour le remplacer par l’IA.

Prenons par exemple le vin rouge moelleux produit par Pierre au coin de la rue, dont les raisins ont été cueillis à la main. Il ne piétine pas les raisins pieds nus. Il possède une centrifugeuse italienne hors de prix. Mais il joue du saxophone sur son jus en fermentation, alors qu’il repose dans ses cuves en acier inoxydable. Cela compte sûrement.  Je le vois bien se lancer dans un Ted, en fait. Même le vigneron biologique le plus dévoué finit par se lasser de cultiver et de désherber.

Les fruits de l’agriculture sont bien plus que des marchandises. Nous les mettons en bouche. Qu’il s’agisse de bœuf, de pain de maïs, d’olives, de fromage ou de vin, ce sont des produits consommables. Ted s’arrête-t-il là ? À quels algorithmes confierez-vous ce que vous mangez ?  Peut-être s’agira-t-il d’une croyance de luxe. Mais je ne suis pas sûr que le Château AI soit la tasse de thé de tout le monde.

Ted est le premier robot agricole à avoir atteint notre commune endormie, ce qui prouve à suffisance qu’il ne s’agit pas d’une révolution lointaine, mais qu’elle est sur le pas de la porte. L’ère de la machine pilotée par l’homme est révolue, les énormes machines à vendanger sont des mastodontes. Les robots récolteront bientôt le raisin et bientôt tout le reste. Il ne reste plus qu’à produire une machine pour tailler et former les vignes. Celle-ci ne tardera pas à arriver.

A lire aussi, Emmanuel Tresmontant: Sauternes oblige

Des entreprises de machines agricoles bien établies, comme John Deere et Kubota, et des start-ups spécialisées dans l’IA aux États-Unis, en Italie et en France se lancent sur le marché. Des robots cueillent déjà des fraises en Espagne. Sur YouTube, on peut voir la vidéo d’un robot israélien cueillant des pêches, presque comme un ballet.

On s’était dit rendez-vous dans mille ans

Le vin est la principale activité de mon village depuis 1 000 ans. Les Romains y produisaient du vin, une bouillie sirupeuse qui n’a pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui, en utilisant des esclaves. Le Canal du Midi, au XVIIe siècle, a été le premier bond en avant pour la région et les premiers faux châteaux sont apparus. Il y avait 300 chevaux dans notre village lorsque le chemin de fer est arrivé au XVIIIe siècle, et les villageois se sont enrichis grâce aux exportations de vin ordinaire qui aurait été assez médiocre, mais plus sûr à boire que l’eau, la plupart du temps. Cette prospérité s’est arrêtée avec le phylloxéra qui a tué les vignes, puis la Grande Guerre, la dépression et à nouveau la guerre.  Les pieds noirs expulsés d’Algérie sont arrivés dans les années soixante, achetant terres et tracteurs.  Aujourd’hui, nous avons le TGV, les autoroutes et les aéroports. Plus récemment, des garagistes ambitieux sont arrivés, achetant des vignes, les convertissant à l’agriculture biologique, produisant des vins innovants et raffinés.  Nous sommes soudain devenus la Floride de l’Europe, avec du raisin.

Et maintenant, que se passe-t-il ? Est-ce la fin de la viticulture et de l’agriculture traditionnelles, le début d’une nouvelle ère qui élimine les agriculteurs et les remplace par des ingénieurs systèmes, chargés de faire fonctionner les robots ? Je pense que la résistance sera vaine. Les producteurs les plus grands et les plus riches seront les premiers à sauter le pas, et les petits producteurs de boutiques résisteront le plus longtemps, récoltant leurs raisins à la main jusqu’à ce qu’ils deviennent des curiosités nationales.

L’imminent Salon de l’agriculture à Paris, la spectaculaire vitrine annuelle de l’agriculture française, attirera cette année plus de robots agricoles que jamais, ce qui donne un avant-goût des choses à venir. À une époque où les agriculteurs semblent être devenus plus exigeants que jamais, il est inévitable que cette ancienne forme d’activité humaine, la production d’aliments et de boissons, tombe sous l’influence des robots et de l’IA.  

Ces moteurs permettront peut-être un jour d’éliminer ce qui rend l’agriculture si difficile, à savoir les agriculteurs eux-mêmes, mais à table, nous ne saurons peut-être pas ce que nous avons perdu avant qu’il n’y en ait plus.

France, a Nation on the Verge of a Nervous Breakdown

Price: 15,60 €

14 used & new available from 13,80 €

Le 7 octobre et après

0
Gilles-William Goldnadel. © AP Photo/Michel Euler/Sipa

Meurtri au plus profond de lui-même par la barbarie du Hamas, Gilles-William Goldnadel s’est enrôlé dans la défense médiatique quotidienne d’Israël. Son nouveau livre dévoile les coulisses de ce combat acharné.


Dans la matinée du 7 octobre, Gilles-William Goldnadel est réveillé par la sonnerie de son téléphone portable. C’est un SMS de son fils. « Nous sommes en guerre », lui écrit-il de Tel-Aviv. Au fil des heures, l’avocat franco-israélien comprend que l’impossible est arrivé. Et que le « nous » recouvre une communauté humaine bien plus vaste que la seule population de l’État hébreu, touchée de plein fouet par le terrorisme islamiste.

Non pas qu’il ait attendu cet indicible massacre pour se sentir passionnément sioniste. Seulement le juriste madré, l’essayiste cultivé (fin connaisseur notamment des théories de Gustave Le Bon et de Sigmund Freud sur la psychologie des foules), le bretteur télévisuel aux effets de manche si caustiques ne se reconnaît plus lui-même. Désormais l’horreur du Hamas le hante jour et nuit. « Je n’imaginais pas ça, confie-t-il à son journal. Mes enfants sont partis en Israël pour ne pas connaître ça. L’humiliation d’être redevenu un juif craintif. Et la peur pour mes enfants. Et la crainte indicible de leur survivre. »

Un deuil écrasant

On devine la vocation première de ce texte : redonner du courage à ceux qui, juifs ou non, sont abattus, désespérés par le pogrom survenu il y a quatre mois. L’auteur ne cache rien, lui-même, de ses propres passages à vide, de ces journées durant lesquelles seules une salade de roquette au parmesan ou une discussion professionnelle au sujet d’un banal client convaincu d’escroquerie le distraient quelques instants, avant que l’effroi et la colère ne reprennent place dans son esprit.

Ce livre est en somme le témoignage d’un corps dans la tourmente, avec son chagrin, sa douleur, ses insomnies. Ses envies de vengeance aussi. « Je me serais volontiers vengé des nazis, justifie-t-il. Les services israéliens ont éliminé un à un les responsables de l’attentat contre leurs athlètes. Cette vengeance de Munich me paraît très juste et très humaine. » On aura compris que notre chroniqueur ne s’accordera pas de répit aussi longtemps que ceux qui, là-bas, se battent en treillis sur le terrain ne pourront se reposer. Son portrait, en couverture du livre, exprime parfaitement cette détermination. Le visage est marqué par l’angoisse et la fatigue, le regard est d’une tristesse profonde.

Au fil des pages du journal, chaque jour connaît sa peine. Chaque jour sauf un : « rien », écrit Goldnadel le 7 octobre. Mais pas le « rien » consigné par Louis XVI au soir du 14 juillet 1789. Pas un « rien à signaler », mais un rien de sidération, d’un choc terrible qui empêche d’écrire, qui ne permet que d’expédier le plus urgent. Puis, à partir du lendemain, 8 octobre, Goldnadel entre dans la tranchée des juifs. Car il sait que, de l’autre côté de la Méditerranée, les Israéliens sont ensemble et doivent faire face aux urgences et aux drames.

A lire aussi : Le Hamas, ou le retour de l’archaïque à l’âge du digital

Que faire ? Y aller, en Israël, pour être avec les autres, partager la nouvelle adversité ? Non, plutôt rester en France et faire la guerre ici, dans les médias avec sa voix et sa plume. Une automobilisation autant physique qu’intellectuelle, et qui fait penser – on trouvera peut-être la comparaison audacieuse – à Maurice Barrès décidant, en 1914, alors âgé de 52 ans et donc trop âgé pour le port de l’uniforme, de s’astreindre à donner un texte par jour à L’Écho de Paris pendant toute la durée du conflit, comme pour participer à l’effort de ceux qui sont sur le champ de bataille.

Certes, ce n’est pas la première fois. Depuis plus de quarante ans, chaque crise violente entre Israël et ses ennemis – Intifada, Liban, Gaza – provoque dans le reste du monde une vague étouffante d’antisémitisme. Les juifs de la diaspora se retrouvent écrasés entre deux fronts. À la violence là-bas s’ajoute un sentiment de rejet et d’incompréhension ici.

Les menaces sont identifiées

Il y a bien longtemps du reste que Goldnadel alerte ses coreligionnaires sur le péril mortel du djihadisme, à ses yeux infiniment plus dangereux en Occident qu’un hypothétique réveil de la bête immonde fasciste. « Je me fous de Jean-Marie Le Pen, assume-t-il. Le souvenir de la Shoah me hante, mais je le garde pour moi. Je me fous de l’antisémitisme de papa. Je me bats contre celui, islamiste, d’aujourd’hui. »

Le chroniqueur de CNews est aussi l’un des tout premiers à avoir compris que la menace principale viendrait désormais aussi d’une partie de la gauche, de cette extrême gauche qui, comme il l’a déjà écrit à de multiples reprises, voit dans chaque juif un « Blanc au carré », forcément complice d’une prétendue colonisation au Proche-Orient. Hostile à la politique d’implantations, Goldnadel voit pourtant rouge dès que le mot infamant colonisation est prononcé pour décrire la situation en Cisjordanie. Comment ose-t-on appeler « colons » ceux qui se trouvent, serait-ce à tort, sur une terre où ont vécu leurs ancêtres ?

A lire aussi : 7-Octobre: ce qui unit Israël et la France

Seulement, depuis le 7 octobre, cette affligeante inversion des valeurs est encore plus implacable. Elle est devenue le mot d’ordre des djihadistes et de leurs alliés, si prompts à crier leur joie mauvaise, à clamer que le peuple victime de la Shoah serait à présent coupable d’un génocide. De la blague douteuse de Guillaume Meurice à la procédure entamée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice de La Haye en passant par le négationnisme des crimes commis par le Hamas, les enjeux sont aussi évidents que terribles : il faut que les juifs soient transformés en nazis, que Nétanyahou soit pire qu’Hitler.

Cette terrible injustice traverse ce journal de guerre comme elle transperce l’âme des millions des juifs partout dans le monde. Et là se trouve sans doute la plus grande valeur de ce texte, document truffé de morceaux de vie et de bravoure, d’esprit et de tendresse, sur un juif du quotidien en temps de guerre.

Gilles-William Goldnadel, Journal de guerre, Fayard, 2024.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

Price: 19,50 €

33 used & new available from 3,15 €

Reporters avec frontières

0
© ROMAIN DOUCELIN/SIPA

Le Conseil d’État vient d’ordonner à l’Arcom de réexaminer le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme. Le ton et certaines idées que l’on entend sur le canal 17 gênent. Surtout, certains s’inquiètent que les citoyens puissent s’échapper de leur goulag mental…


Après octobre noir, voici février gris ! Vert de gris, oserais-je. Octobre, le pogrom du terrorisme islamiste dans sa déclinaison Hamas, la déferlante de sang et de barbarie sur la terre d’Israël. Février, des journalistes de France – oui de France, terre de Beaumarchais, Diderot, Voltaire, Hugo, Zola, Camus et tant d’autres – ourdissent un bas procès visant ni plus ni moins à faire interdire d’autres journalistes, leurs confrères…

Qui en veut à la liberté de la presse ?

Les deux événements ne sont pas, il s’en faut de beaucoup, de même gravité, de même intensité, de même nature, ni porteurs d’aussi terrifiantes conséquences. Leur seul lien, ténu je le confesse, est que ma petite personne, modestement, était jusqu’alors bien persuadée de ne jamais avoir à assister sa vie durant à tant d’horreur d’une part, et à tant d’ignominie intellectuelle d’autre part.

Je nous en croyais prémunis, considérant la vie humaine et l’intégrité de l’être comme métaphysiquement sacrées et la liberté d’expression tout aussi sacrée, du moins civiquement, philosophiquement. Une interrogation oppressante émerge. Jusqu’où régressera-t-on ? Jusqu’où nous laisserons-nous embarquer dans ces spirales obscurantistes où se déploient chaque jour un peu plus la haine et la plus abyssale bêtise?

A lire aussi: France 2 trop commerciale et pas assez culturelle selon TF1: de quoi je me mêle?

Voilà bien que Reporters sans Frontières, organisation non gouvernementale qu’on veut bien feindre de croire non inféodée politiquement, se pervertit au point d’entreprendre de bâtir, ici, en France, un mur, exactement de ceux qu’elle est censée devoir détruire partout ailleurs de par le monde. Les murs de la censure. Les murs de la vérité bâillonnée. Les murs du goulag mental… Mais au fond, rien de bien surprenant à cela: toutes les menées à visée inquisitoriale reposent sur une contradiction originelle dont elles finissent par crever. Elles en viennent toujours à générer la négation pure et simple de ce qu’elles font profession de défendre et promouvoir. Le communisme, brandissant sans vergogne l’étendard de l’égalité la plus absolue, fabrique en réalité, avec une obsessionnelle méticulosité, la nomenklatura la plus illégitimement inégalitaire de l’ère contemporaine. Les exemples abondent. Dans un registre, là aussi peu comparable, mais symboliquement tout aussi pervers, voilà donc que Reporters sans Frontières s’emploie à en dresser une, de frontière. Un comble. Une frontière destinée à rejeter hors du champ journalistique la chaîne d’information CNews. On pourrait se croire plongé dans un cauchemar ou victime d’une très mauvaise farce.

Il faut dire que cette antenne cumule deux travers inexpiables vus de cette ONG qui, très probablement, se voit en détentrice exclusive des critères objectifs permettant de déterminer ce qui doit être porté ou non à la connaissance du public et comment cela doit être livré. Donc, premier péché impardonnable, CNews rencontre le succès. Succès d’audience, et, de surcroît, succès de considération, d’estime. C’est beaucoup. Seconde tare tout aussi rédhibitoire, ses programmes s’ingénient à dire le réel. Le réel tel qu’en lui-même. Non l’édulcoration façon camomille que servent depuis des décennies les médias autorisés. Le réel pleine face, affronté bille en tête. Nouveau, très nouveau dans le paysage. Alors, forcément, ça dérange, ça déstabilise. Le doux ronron qui ne ronronne plus, enfin vous voyez…

Billard à trois bandes

La manœuvre de RSF, en fin de compte, ne mériterait que « le sarcasme de la gaieté et l’indulgence du mépris » – comme dit si brillamment Chamfort – si l’enjeu n’était aussi grave, aussi existentiellement déterminant. Il s’agit de la liberté de dire. La liberté d’aller voir avant de dire pour – là est le point névralgique – dire ce que l’on voit. Tout simplement.

A lire aussi: Tibo InShape vs Usul

Avec cette manœuvre d’exclusion, disais-je, on bordaille l’association de malfaiteurs. RSF s’en va pleurnicher du côté du Conseil d’Etat qui ira quant à lui déverser leurs doléances communes auprès de l’Arcom où, dit-on, on serait assez bien disposé à les entendre. Le billard à trois bandes, mais très loin de la subtilité ordinairement requise pour ce jeu passionnant.

Je nommais Voltaire. Il n’a, paraît-il, jamais prononcé la fameuse phrase : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez continuer à le dire. » Elle lui va pourtant comme un gant. Aussi, puisqu’elle ne lui appartient pas, considérons qu’elle est à tout le monde. Même aux petits marquis effarouchés de la presse idéologiquement encartée. Qu’ils s’en emparent. Et ils auront, cette fois, bien mérité de leur beau métier.


Mitterrand, Don Juan en politique

Price: 9,71 €

1 used & new available from 9,71 €

Narco glamour

0
Sofía Vergara dans "Griselda", 2024 © Netflix

On reproche à la nouvelle série de Netflix Griselda d’être complaisante avec la violence. Une critique qui n’est pas juste, selon notre chroniqueur


Les pèlerins du bien en seront pour leurs frais : Griselda Blanco n’est pas précisément un parangon de vertu. Dans la ligne (si j’ose dire) des séries (visibles sur Netflix) Narcos (2015) puis Narcos : Mexico (2021), le fringant cinéaste originaire de Cali, Andrés Baiz, 49 ans, spécialiste du thriller latino horrifique, a confié le rôle-titre de sa nouvelle série à la star américano-colombienne Sofia Vergara. Elle en est également productrice exécutive.

Concurrente d’Escobar

Voilà donc, en six épisodes -à mater bien accroché aux accoudoirs de son fauteuil-, Griselda, dont s’il faut en croire la citation de Pablo Escobar placée en exergue du film d’ouverture, la femme qu’on surnommera « la marraine » ou « la veuve noire » est, dit-il, « le seul homme dont j’ai toujours eu peur ». Figure pionnière du marché de la dope, l’impitoyable « reine de la coca » telle qu’incarnée ici par la flamboyante vedette d’Hollywood n’a pas acquise la dimension mythique du sicaire de Medellin. Quoiqu’il en soit, concocté par une bonne dizaine de scénaristes, le script s’empare de ce destin fuligineux sans craindre d’y instiller, pour les besoins de la fiction, quelques infidélités aux faits réels. Notez qu’en 2012, le journaliste José Guarnizo a publié La patrona de Pablo Escobar, biographie de la vraie Griselda Blanco. Chacun son travail.

Car peu importe l’exactitude : au-delà de leur remarquable efficacité sur le plan de l’action comme des dialogues, ces six heures de cinéma de divertissement rythmées sans temps mort investissent l’époque des années 1970-1980 avec une opulence décorative et vestimentaire en tous points convaincants d’un bout à l’autre. Dios mio, ces faciès ! Ce vestiaire (d’une séquence à l’autre, Griselda ne porte jamais les mêmes fringues) ! Ces bagnoles ! Ces bicoques, ces motels, ces claques, ces boîtes de nuit ! Reconstitutions impeccables.

Jalonnant un bon nombre d’allers-retours hauts en couleur de Medellin à Long Beach, en passant par Miami ou les Bahamas, une bande-son sensationnelle ressuscite, tout du long, une flopée de morceaux insérés avec esprit dans la trame du récit  – de Joe Dassin à Umberto Tozzi (Gloria), de Charanga Sencacion (Charanga Pa’Gozar) à Grand Pa (Ou La La), de Gainsbourg à Bowie (Let’s Dance) et j’en passe…

Flippante

Quant au personnage de Griselda, sous ses dehors de mère attentive à protéger l’innocence de ses trois garçons Ozzy, Dixon et Uber, plus l’enfant qui naîtra de son remariage avec son ex guardaespaldas, l’appétissant sicario latino Dario Sepulveda, (excellemment interprété par l’acteur cubain Alberto Guerra, déjà présent dans la saison 3 de Narcos : Mexico), la bouchère sanguinaire et sans scrupule, la femme d’affaire ivre de pouvoir, la vengeresse sadique et, pour finir, la paranoïaque camée au crack s’autodétruisant de façon pathétique dans un jeu de massacre digne de Shakespeare, rien de ce qui constitue sa nature fondamentalement flippante ne nous est masqué.

A lire aussi, Martin Pimentel: «Causeur» a vu le «film de Noël» des Obama!

Corps démembrés, décapités, brûlés vifs, tranchés à la machette, tronçonnés, étranglés – furtivement, sans y insister outre mesure, quelques séquences pas piquées des hannetons donnent la mesure de ce que la lionne est capable de sacrifier à son hubris : après avoir occis en secret le géniteur taré de ses trois fils (lesquels continuaient de le croire en voyage), l’ancienne hétaïre en fuite à Miami avec pour tout viatique son sachet d’1kg de blanche sous emballage plastique, renoue avec sa copine, honorablement reconvertie quant à elle en honnête voyagiste (leur relation finira très mal, cf. épisode 6), et démarre son business en imprimant des billets d’avion à destination d’une brochette de mules parties de Medellin, « putas perras »(sic) aux lourdes mamelles chargées de poudre dans la doublure de leurs sous-tifs, direction Miami. Entrée en matière d’une guerre des gangs dont les comparses crèveront les uns après les autres, ou ne devront leur sursis (très provisoire) qu’à la chance ou au retournement de veste.

Juteux

En parallèle, le film suit les difficiles progrès de June, aux US, jeune inspectrice peinant à convaincre sa hiérarchie qu’une faible femme, et non un homme, est à la tête du trafic et la seule commanditaire de cette hécatombe.

Griselda, d’épisode en épisode, intègre en arrière-plan le contexte géopolitique du temps. Telles par exemple les circonstances qui permettront à la « patronne » d’inonder de cocaïne les nantis de la côte Ouest, audacieusement fournis, à perte, par une noria de jeunes « marielitas  », ces filles de mauvaise vie embarquées depuis le port cubain de Mariel pour un exode sans retour en Floride, lorsque Fidel Castro, en 1980, expulsa près de 125 000 « contre-révolutionnaires »… Étape cruciale dans le plan de carrière de madame Blanco, liée à l’extension du marché addictif aux sphères privilégiées de la société nord-américaine. De l’ascension à la chute, il s’écoulera une dizaine d’années. Le dernier épisode, Long Beach, est vertigineux.

Pour mordre à pleines dents dans ce fruit plutôt juteux, il est essentiel d’y goûter dans la version VO sous-titrée : un des régals de la série consiste en son caractère polyglotte. Le bilinguisme anglais-espagnol des comparses préserve même la saveur de leurs accents autochtones – une des gâteries supplémentaires de Griselda. Il se trouvera toujours des grincheux bien-pensants pour taxer la série de complaisante dans son approche de la violence liée à « la drogue-ce-fléau ». Que répondre à ce genre de procès d’intention ? Divertissement n’a pas fonction d’avertissement. Au reste, l’épilogue sauve la morale : Griselda est grillée.  


Griselda. Mini-série d’Andrés Baiz. Avec Sofia Vergara. Colombie/ Etats-Unis, couleur, 2023.

Durée : 6x 1h. Sur Netflix depuis le 24 janvier 2024

Caméra voilée

0
Site de la RTBF

La loi belge a beau garantir l’égalité de traitement entre tous les citoyens en matière d’accès au travail ; et l’âge, le sexe, l’origine ethnique ou les convictions religieuses être autant de critères de discrimination combattus par les tribunaux, la télévision publique RTBF n’a aucun scrupule à faire la promotion d’un site de recrutement réservé aux femmes revêtues du voile islamique. Correspondance.


À l’heure où Christophe Deloire se ridiculise sur CNews et où l’ARCOM prend BFMTV comme étalon de l’éthique journalistique, il est peut-être intéressant de jeter un œil au-delà des frontières et plus précisément en Belgique. Ce petit royaume n’est pas, ou plus exactement, n’est plus, la France. Et c’est particulièrement vrai pour la Belgique francophone, ce qui peut paraître surprenant.

Amis français, c’est pire en Belgique !

Les médias belges francophones, service public ou médias stipendiés, ont de longue date inventé le « cordon sanitaire » afin d’empêcher certains courants de pensée de parvenir au micro. Quels courants ? Le parti socialiste belge, qui multiplie depuis 40 ans un nombre de cas de corruption avérés ? Le parti « islam » qui a pour programme l’instauration de la charia en lieu et place des lois du peuple belge ? Le PTB qui emprunte sa rhétorique au petit livre rouge de Mao ? D’autres partis largement implantés dans le paysage politique ? Pas du tout ! Ce cordon sanitaire vise exclusivement les formations étiquetées d’extrême-droite, quand bien même celles-ci récusent cette appellation. Mathieu Bock-Côté avait fort bien rendu compte de cette inquisition qui règne férocement sur les médias belges[1] et qui font passer la France pour l’Eden de la liberté d’expression.

A lire aussi: Le Parti socialiste belge invente la « gauche cocaïne »

De la discrimination au recrutement… si vous n’êtes pas musulman

Bien entendu, la RTBF, organe de propagande de la Wallonie, est particulièrement sourcilleuse sur la question ! N’est-elle pas la vigilante vestale attisant le feu du juste et du bien ? N’est-elle pas la dépositaire du façonnage des cervelles belges ? Bref, n’a-t-elle pas reçu pour mission sacrée de nous dire que voir, que lire et que penser ? C’est probablement à ce titre qu’elle peut sans vergogne s’émanciper de ses obligations de neutralité confessionnelle. Si la chose est passée un peu inaperçue, elle est pourtant de taille. C’est en effet via son média « Les Grenades », censé « décortiquer l’actualité sous le prisme du genre », ce qui doit être une palpitante activité, que la sainte RTBF a fait la promotion enthousiaste de la plateforme « Hijabis at Work ». Cette plateforme « Hijabis at Work » répertorie et diffuse auprès des intéressées les sociétés qui acceptent des travailleuses musulmanes voilées. Quand on sait que la RTBF n’a que le mot féminisme à la bouche et s’est donné la « diversité » pour mission sacrée, on ne peut qu’être surpris. Le voile musulman est en effet l’objet, par excellence, de la discrimination sexuelle, proclamant qu’une femme est un être inférieur, corrupteur et impur. Nous voilà loin, très loin, de la « diversité » et du « féminisme ». Mais nous nous rapprochons du théocratisme.

Le Conseil d’Administration de la RTBF n’y voit cependant pas grand-chose à redire, lui que l’on retrouve en PLS à la simple évocation de… Causeur !


[1] https://www.youtube.com/watch?v=sKUJQpsWiAg