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L’Arcom commence son fichage politique, sueurs froides à France inter

La première radio de France, qui est une antenne publique et non privée comme CNews, ne se caractérise pas franchement par le pluralisme


L’Arcom commence son fichage politique, sueurs froides à France inter
Image: JOËL SAGET / AFP

RSF a raison : il est temps de vérifier si le pluralisme est bien respecté sur certains médias ! s’amuse notre chroniqueur Didier Desrimais.


Ce qui se passe actuellement en France est incroyable. Suite à une saisine de Reporters sans frontières (RSF), ONG ayant en principe « pour objectif la défense de la liberté de la presse », le Conseil d’État a décidé d’inciter l’Arcom à faire respecter le pluralisme dans les médias audiovisuels en tenant compte non plus seulement du temps de parole des personnalités politiques invitées mais également de l’orientation de pensée supposée des participants, chroniqueurs et animateurs des différentes émissions. Cela s’appelle un fichage politique et est normalement interdit sous nos latitudes démocratiques. Pourtant, sous la férule de RSF, le Conseil d’État demande à l’Arcom de se pencher sur le dossier CNews dans un délai de six mois. Pourquoi spécifiquement CNews ? C’est que la chaîne connaît un succès grandissant. Succès qu’elle doit aux sujets abordés (parfois par elle seule), aux reportages sur la vie réelle des Français, aux débats qu’ils suscitent sur les plateaux grâce à ses excellents journalistes, chroniqueurs et invités. La ligne éditoriale de CNews n’est un mystère pour personne. La ligne éditoriale de France Inter n’est pas plus mystérieuse. Différence notable : CNews est une chaîne privée ; France Inter, une radio publique. Question pluralisme, je ne suis pas certain que France Inter, qui devrait être la radio de tous les Français puisque tous les Français paient pour elle, soit la mieux placée : une partie de l’électorat y est régulièrement conspué, l’écologisme y a une place prépondérante (une charte environnementale interne proscrit explicitement tout débat contradictoire et remise en question des rapports du GIEC), l’idéologie européiste y prospère gentiment, le wokisme également, la matinale d’information est le summum de l’entre-soi gaucho-libéral-libertaire.

Concernant cette dernière, lorsque Nicolas Demorand, Léa Salamé, Sonia Devillers et Claude Askolovitch sont en vacances, ce sont leurs clones, Simon Le Baron, Alexandra Bensaid et Laetitia Gayet qui les remplacent. Votre serviteur a écouté attentivement la matinale du mardi 3 février animée par ces derniers. Compte-rendu :              

7h44. L’édito politique. Yaël Goosz méprise certains Français. Il trouve qu’ils ont des idées nauséabondes et qu’ils votent mal. Il méprise tout autant les représentants politiques qui ont été élus par ces Français. Ce matin-là, il s’interroge – « Un tabou politique est-il en train de tomber face au RN ? » – et répond immédiatement par l’affirmative en montrant du doigt les coupables, Emmanuel Macron et Gabriel Attal qui, selon lui, ont enterré « la notion “d’arc républicain” ». Attal a eu en effet l’outrecuidance d’expliquer dans les médias que son « arc républicain » à lui, c’est tout l’hémicycle – c’est-à-dire l’ensemble des élus issus d’élections démocratiques – ce qui semble chagriner l’éditorialiste politique qui ne comprend pas : dans son discours de politique générale le Premier ministre sonnait pourtant la charge contre le « parti du Frexit déguisé » et les « amis de Poutine ». Au goût de M. Goosz ce discours manquait quand même un peu de cette coloration brunâtre qui distingue les méchants fachos des gentils républicains. Du coup, le journaliste s’y colle : il rappelle d’abord que Jordan Bardella a récemment affirmé ne pas croire que Jean-Marie Le Pen était antisémite ; puis, profitant grossièrement de l’émotion suscitée par la mort de Robert Badinter, que ce dernier « a passé sa vie à alerter contre la “lepénisation des esprits” ». Visiblement agacé par « l’atonie du camp macroniste » face au RN, Yaël Goosz s’est trituré les méninges pour écrire un bon mot supposé faire mouche – « Sans arc, on cherche les flèches ! » – suivi bientôt d’un second : « À force de tirer sur la corde, l’arc finit par casser. » L’éditorialiste est la proie des idées fixes, que voulez-vous, le RN l’obsède. Dans son avant-dernier édito, il s’étranglait d’indignation en évoquant l’annonce de Gérald Darmanin sur la fin du droit du sol à Mayotte : « Emmanuel Macron est-il prêt à s’appuyer sur le RN, sur ses voix, pour faire passer la révision ? » Dans son antépénultième chronique, il se demandait si François Bayrou ne faisait pas le jeu du RN. Quelques jours auparavant il affirmait que le RN surfait sur la crise agricole en se « repaissant des souffrances » des agriculteurs. La proie des idées fixes, vous dis-je. 

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7h50. Alexandra Bensaid, alias Miss Woke, reçoit l’actrice Jodie Foster à l’occasion de la sortie de la quatrième saison de la série True Detective. Deux mots sur le cinéma hollywoodien comparé aux séries produites par HBO ou Netflix, trois bricoles sur le scénario de la série en question, puis Alexandra Bensaid lance les sujets sociétaux qui lui tiennent vraiment à cœur : le casting de la nouvelle saison de True Detective est formidable, « c’est une représentante des minorités (Kali Race, collègue de Foster dans la série, est “racisée”) et deux femmes en tête d’affiche – ça dit à quel point le cinéma américain a changé ! » La journaliste évoque ensuite l’affaire Weinstein, Gérard Depardieu, les déclarations de Judith Godrèche. « Je sais que vous vivez en France un moment assez MeeToo », dit l’actrice tout en affirmant être une « femme forte » n’ayant jamais rencontré de problèmes avec ses réalisateurs et ses producteurs. Enfin, Alexandra Bensaid avoue son inquiétude pour les Etats-Unis : « Il y a beaucoup de retours en arrière. La discrimination positive a disparu dans les facs. Il y a beaucoup de grandes entreprises qui sont en train de revenir en arrière sur leurs programmes de diversité. Est-ce que vous sentez tout ça ? » Jodie Foster botte en touche : « Vous posez beaucoup de questions politiques mais moi je fais du cinéma avant tout. » La journaliste ne comprend visiblement pas le français que l’actrice américaine parle pourtant à la perfection et la relance sur les « inquiétudes qui pèsent sur la démocratie américaine », entre autres la possible future élection de Trump « dont les électeurs ont lancé l’assaut du Capitole en janvier 2021 », rappelle-t-elle avec une subtilité de mammouth. Constatant qu’Alexandra Bensaid a la comprenette difficile, Jodie Foster – diplômée de Yale, polyglotte, QI de 132 – précise simplement mais fermement sa pensée : « Je ne parle pas de politique américaine. C’est une très mauvaise idée pour moi et pour les acteurs en général. Moi je fais du cinéma, c’est ça mon job à moi. » Mme Bensaid est désappointée : d’habitude, quand elle interviouwe une actrice française sur la politique, celle-ci embraie aussitôt pour asséner avec une éloquence de perroquet les banalités progressistes, féministes ou écologistes de la gauche culturelle. Il faut dire que les actrices françaises donneuses de leçons de morale à deux balles n’ont pas la moitié du quart du QI de Jodie Foster. Il est vrai aussi que nombre d’entre elles n’ont pas le quart de la moitié de son talent. Et je ne parle pas que de Léa Seydoux.

8h17. Pierre Haski, ancien directeur adjoint de Libération, fondateur du site d’extrême gauche Rue89 et membre de Reporters sans Frontières, consacre sa chronique géopolitique à « la catastrophe humanitaire en cours à Rafah ». Il évoque le témoignage apocalyptique du docteur Raphaël Pitti, médecin humanitaire de l’ONG Mehad, la veille sur France Culture. Le 6 février, France Info relayait déjà sur ses ondes les informations du même docteur Pitti de retour de Gaza. Le 8 février, le docteur Pitti était déjà dans les studios de France Inter et, conformément à l’aberrante propagande répandue pour faire des Israéliens les nouveaux nazis, comparait Gaza au… Ghetto de Varsovie, tout en refusant de condamner clairement le Hamas. Sur la radio publique, quand on tient un intervenant qui se conforme à la ligne pro-palestinienne de ladite radio, on ne le lâche pas et on se le prête de studio en studio !

8H47. La revue de presse. Laetitia Gayet remplace Claude Askolovitch, ce qui ne change strictement rien quant au choix des journaux cités préférentiellement. Libération a droit à sa pub quotidienne – la veille, le quotidien avait déjà fait l’essentiel de la revue de presse de Mme Gayet. Le Monde et L’Obs sont régulièrement cités. Sur France Inter on n’évoque jamais les magazines Valeurs actuelles, L’Incorrect ou Causeur, sauf pour les accuser d’être… d’extrême droite. On peut en revanche, comme ce matin-là, citer longuement la revue Regards en omettant de dire qu’elle est une revue d’extrême gauche qui se fit connaître pour son titre de couverture tout en nuances en juillet 2023 : « Dire les faits : 1) La police tue. 2) Son racisme est systémique. » Le lendemain, Laetitia Gayet citera La Croix, Le Canard enchaîné, L’Obs, Le 1, Le Monde et Libération – c’est-à-dire la fine fleur de la presse de centre gauche, de gauche et d’extrême gauche. Le même jour, pour débattre sur « les combats de Robert Badinter », Simon Le Baron recevra Thomas Legrand, journaliste à France Inter et à Libération, Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, et Pablo Pillaud-Vivien, journaliste et rédacteur en chef de la revue d’extrême gauche Regards. Facétieux, l’auditeur attentif Gilles-William Goldnadel notera immédiatement sur son compte X : « Triomphe du pluralisme de sévices publics. »

9H43. L’édito média. Cyril Lacarrière rappelle ce que les fidèles auditeurs sont censés déjà savoir puisque Edwy Plenel était la veille dans les studios de France Inter pour annoncer qu’il quitte la présidence de Médiapart. « C’est une espèce en voie de disparition qui part avec lui : le patron de presse à l’ancienne », se lamente le chroniqueur en regrettant qu’aujourd’hui une certaine presse, suivez mon regard, promeuve « une idéologie politique » – ce qui n’a jamais été le cas de Médiapart, comme chacun sait. Ah ! bien sûr, concède Cyril Lacarrière, Plenel a des défauts ; Plenel s’est mis à dos Charlie Hebdo ; Plenel a protégé Tariq Ramadan ; Plenel a un côté donneur de leçons qui peut énerver. Mais, s’enflamme le chroniqueur, quel homme, quel journaliste, quelle force, quelle personnalité, quelle réussite ! On comprend mieux pourquoi Plenel pense qu’il est une sorte de dieu aux yeux des journalistes.

Fin d’une matinale de France Inter ressemblant à toutes les matinales de France Inter.

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Le Conseil d’État juge que, pour apprécier le respect du pluralisme de l’information par un média audiovisuel, « lArcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et dopinions représentés par lensemble des participants des programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps dintervention des personnalités politiques ». Si l’Arcom veut se faire la main, nous lui conseillons de commencer par un média où le relevé des « courants de pensée et d’opinions de l’ensemble des participants » sera relativement aisé, évident, rapide et incontestable. J’ai bien une petite idée mais je ne veux influencer personne – ce dont je suis certain, c’est que ce n’est sans doute pas CNews qui viendra en premier à l’esprit des membres de l’Arcom si l’expression « honnêteté intellectuelle » veut encore dire quelque chose.

D’ailleurs, Yaël Goosz semble penser la même chose que moi et prend les devants: « L’Arcom, dit-il pour conclure son édito du 15 février, doit inventer de toutes pièces, pour l’automne, la nomenclature qui permettra de dire si une chaîne est pluraliste ou non, hors temps de parole politique. En « fliquant » chroniqueurs, journalistes, producteurs ? On m’a certifié que non. Il n’empêche, il y aura bien un nouveau cadre, défini par qui ? Comment ? Ce n’est pas parce que CNews tousse, que la chasse aux dérives doit devenir virale. » Cette déclaration sonne comme un aveu.

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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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