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1974, toujours un coin qui me rappelle

Monsieur Nostalgie tente de retenir le parfum de l’année 1974, des derniers jours du président Pompidou à la diffusion des « Brigades du Tigre » à la télévision


Encore un instant, Monsieur le bourreau ! Après, c’est juré, vous pourrez commencer votre travail de sape, de désintégration minutieuse de notre canevas national ; c’est promis, vous aurez les mains libres pour détricoter notre mémoire collective et faire advenir un monde meilleur, plus équitable et altruiste, plus inclusif et doux. A bas les oripeaux de grand-papa et sa liberté d’expression factieuse ! Laissez-nous juste quelques minutes pour nous retourner, une dernière fois, faire le deuil de nos piteuses Trente Glorieuses et accepter cette fatalitas chère à Chéri-Bibi. On ne vous embêtera plus avec cette nostalgie abrasive qui est le signe des peuples réfractaires. Nous ne vous encombrerons plus avec notre barda hétéroclite, de lectures ennuyeuses et d’objets démodés, nous avons conscience que nos souvenirs sont un frein à notre émancipation. Ils pèsent défavorablement sur notre humeur. Ils dérèglent notre vision du présent. Ils nous empêchent d’avancer. Toujours un œil dans le rétroviseur, nous voyons tout en noir et en recul systémique. Oui, mille fois oui, vous avez raison de nous tancer et de nous gronder. Nous ne sommes que des enfants incorrigibles, englués dans la naphtaline, à ressasser de vieilles comptines, à fantasmer une époque survendue par des boomers en manque d’idéal, incapables d’adopter la digitalisation des esprits, alors que vous nous offrez sur un plateau d’argent la civilisation du mouvement et du décloisonnement. Une ère nouvelle où l’Homme pourra enfin s’épanouir par le travail collaboratif et le communautarisme heureux. Nous sommes des ingrats, enfermés dans nos frontières et nos habitudes provinciales, nous croyons encore aux échanges épistolaires et aux usines remplies d’ouvriers ; à la chanson de variété intelligente et aux silences des bibliothèques. Désolé de vous importuner avec ces mirages d’avant les crises pétrolifères et vendettas identitaires. Je suis sûr que vous allez parvenir, à force de lois et d’injonctions, à coups de pédagogie, à nous faire accepter ce destin lumineux. Nous ne mesurons pas la chance de vous avoir à nos côtés, votre vigilance nous honore, vous êtes toujours là, pour remettre de l’ordre et des règles dans notre bric-à-brac décadent. Nous avons tellement besoin d’être recadrés et cornaqués. Sans votre surveillance omnisciente, nous sombrerions dans une mélancolie puérile avec nos gros godillots, à pleurer sur nos gloires anciennes et notre art de vivre disparu. C’est ridicule, pathétique, je le concède, de ne pas pouvoir brûler notre camisole idéologique. Nous allons y travailler, je vous le jure. Quelle ingratitude de notre part surtout avec tout le mal que vous vous donnez pour liquéfier notre histoire commune et réenchanter notre quotidien. Merci de nous déconstruire, chaque jour un peu plus, et de nous (ré)apprendre à marcher dignement. Culturellement, économiquement, sécuritairement, partout, dans tous les domaines, à l’école, à l’hôpital, dans la rue, aux champs et sur nos tablettes, grâce à vous, nous entrevoyons un avenir radieux. La fin des temps tragiques. Sans vous, nous serions bloqués en cette année 1974. Un président cantalou, amateur de poésie et de Porsche 356, avec la force tranquille d’un fils d’instituteurs ayant pris le train de la méritocratie, s’éteindrait bientôt. Marcel Pagnol, un autre bon élève, le suivrait de quelques jours. À la radio, la famille était à l’honneur. Daniel Guichard nous arrachait des larmes avec « Mon vieux » et le sémillant Sacha Distel cajolait « La Vieille Dame » pendant que Michel Jonasz proclamait son hymne à « Super Nana ». C’était mièvre et misogyne. Salement populaire. À la télévision, le générique de Chapi Chapo composé par François de Roubaix éclairait le regard des enfants tandis que « Les Brigades du Tigre » à la gloire de Clémenceau s’ouvraient sur les illustrations d’André Raffray et quelques notes hypnotiques de Claude Bolling, notre pays se vautrait dans la Troisième République et les prémices de la musique électronique. Aux États-Unis, c’était pire, Happy Days débarquait avec un Fonzie viriliste et un Richie, sorte de Tanguy suburbain, dans un décor en carton-pâte, pâle résurgence de l’embellie « fifties ». Au cinéma, Michel Deville dans « Le Mouton enragé » mettait en scène un affreux arriviste, Jean-Louis Trintignant, qui se servait des femmes pour grimper à l’échelle sociale ; Resnais nous montrait la chute de Stavisky avec Belmondo, comme si Le Magnifique pouvait incarner Serge Alexandre et Alain Delon se glissait dans la peau d’un député ministrable dans « La Race des seigneurs », film adapté du roman Creezy de Félicien Marceau. Ces images déplorables promouvaient à chaque fois le pouvoir de la séduction. Dans les librairies, le passéisme était à la mode, Kléber Haedens signait Adios et Jean d’Ormesson triomphait avec Au plaisir de dieu, la figure de Sosthène de Plessis à Saint-Fargeau et celle de Jérôme Dutoit à la Feria de Pampelune éduquèrent bien maladroitement les jeunesses rêveuses, pendant ce temps-là, René Fallet obtenait le Prix Scarron dont le dernier récipiendaire fut l’inénarrable Sim, pour Ersatz, une potacherie qui déplut à Pivot. Dans les concessions, Citroën en phase terminale d’absorption par Peugeot, lançait son oblongue CX dotée du tableau de bord « lunule », aussi mystérieux que lunaire. Où que j’aille, où que je regarde, il y a toujours un coin qui me rappelle cette année 1974, mais je vous promets de me faire soigner.

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Mystérieux Malraux

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François de Saint-Cheron publie Malraux devant le Christ, et démontre que, si André Malraux était un agnostique revendiqué, sa vie fut aussi marquée par une quête ardente de transcendance. De là à le christianiser de force, non…


André Malraux n’est pas tendance. C’est que notre basse époque mercantile et inculte ne comprend plus rien à ses engagements, non pas politiques, mais esthétiques. Son lyrisme porté par une voix tremblante, parfois à la limite de la rupture, où sont évoqués Jeanne d’Arc, le Général de Gaulle et la France de la résistance, fait grimacer de dégoût les petits fonctionnaires du nihilisme. Quelques écrivains pâles comme l’aube sale haussent les épaules, qu’ils ont étroites, quand ils évoquent le style de l’auteur de La Condition humaine, prix Goncourt 1933. J’ose affirmer que cet homme, qui est d’abord l’homme du « non », nous manque terriblement. L’ouvrage de François de Saint-Cheron, Malraux devant le Christ, est donc une bonne nouvelle. Il tombe même à pic, puisque j’écris ces lignes le vendredi Saint. L’auteur, dans sa jeunesse, a eu le privilège de rencontrer Malraux. Il est aujourd’hui maître de conférences à la Faculté des lettres de la Sorbonne. Il a collaboré à l’édition des Œuvres complètes d’André Malraux. L’enjeu de l’ouvrage, qui se lit comme une enquête minutieuse et référencée, est de montrer que l’itinéraire de celui qui s’autoproclama colonel Berger fut marqué par une quête sinon de Dieu, d’un moins d’une forme de transcendance. Or, d’emblée, François de Saint-Cheron nous rappelle la phrase extraite D’une jeunesse européenne (1927) : « Nous qui ne sommes plus chrétiens ». Affirmation péremptoire confirmée un demi-siècle plus tard dans Lazare (1974) : « J’ai perdu la foi après ma confirmation. » Malraux confirme, à plusieurs reprises, qu’il n’a pas la foi. Le général de Gaulle lui en fait du reste le reproche amical : « Pourquoi parlez-vous comme si vous aviez la foi, puisque vous ne l’avez pas ? » Malraux déclare au micro de Jacques Chancel, dans l’émission « Radioscopie », deux ans avant sa mort, qu’il est agnostique. Ce qui n’est pas nouveau puisque François de Saint-Cheron rappelle les propos de l’ancien ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle tenus en 1971 : « Être agnostique, ça veut dire : penser qu’il n’y a pas de lien possible entre la pensée humaine et la conception d’une transcendance absolue. Ça ne veut pas dire du tout qu’on est athée, parce qu’être athée, ça veut dire : ‘’ c’est faux, la transcendance n’existe pas.’’ » Dans la plupart de ses romans, ou face aux œuvres d’art, ou encore en côtoyant les grandes figures catholiques, Malraux ne cesse de questionner le « mystère chrétien », comme le prouve l’étude de François de Saint-Cheron. Même la mort accidentelle de ses deux fils, le 23 mai 1961, ne parvient pas à éteindre « sa sensibilité » d’homme tourmenté par ce mystère-là. Et lorsqu’il est hospitalisé à la Salpêtrière, du 19 octobre au 16 novembre 1972, dans un état préoccupant, il relate son séjour et l’intitule Lazare, personnage ressuscité par Jésus. En vérité, Malraux ne cesse de tourner, le visage fiévreux, les mains agitées, autour du trou noir. C’est un Pascal sans Dieu que ni l’écriture, ni l’action, ne parviennent à calmer véritablement. L’absurde, la mort, le néant ne cessent de le hanter. Tout ce que notre société, dominée par la Technique, est incapable de penser, étant noyée sous les flots des discours publicitaires.

Pourquoi l’auteur des Antimémoires tient-il absolument à regarder en face le soleil noir ? À Élisabeth de Miribel, qui dactylographia l’Appel du 18 juin 1940, à Londres, Malraux avoue : « J’admire les chrétiens, je respecte leur foi mais je ne veux pas renoncer à l’inquiétude. C’est ce qu’il y a de plus grand chez l’homme ! »

C’est peu dire qu’il nous manque à l’heure où les chênes nains du Quercy ne cachent plus aucun maquis.


François de Saint-Cheron, Malraux devant le Christ, Éditions Desclée de Brouwer.

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L’Écosse contre le « monstre de la haine »

Une nouvelle loi limitant la liberté d’expression de tous les citoyens entre en vigueur le 1er avril. Censée encourager la tolérance en interdisant la haine, cette législation est justifiée par une vidéo officielle infantilisante (voir plus bas). Elle parle du « monstre de la haine » qui est tapi à l’intérieur de chacun d’entre nous et qu’il faut éradiquer. Aujourd’hui, Big Brother porte un kilt et il veut entrer dans le cerveau même de tous les membres de la classe ouvrière blanche.


Sous la direction de son Premier ministre Humza Yousaf, le gouvernement wokiste et islamo-gauchiste de l’Écosse emprunte un chemin de plus en plus autoritaire. Le signe le plus visible de cette dérive est une loi, dite Loi relative aux crimes de haine et à l’ordre public, proposée en 2020, promulguée en 2021 et qui doit entrer en vigueur le 1er avril 2024. Pour le malheur des Écossais, il ne s’agit nullement d’un poisson d’avril.

« Don’t feed the hate monster » Capture YouTube.

Et la grossophobie ?

Quel est le crime que cette nouvelle loi est destinée à sanctionner ? Celui de la « provocation à la haine » (« stirring up hatred »). Contre qui ? Une loi contre l’incitation à la haine raciale existe depuis 1986. Maintenant, il s’agit de punir tout ce qui provoque à la haine à l’égard de certaines « caractéristiques protégées ». Lesquelles ? L’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité transgenre et – catégorie obscure mais qu’on suppose comprendre toutes les gradations de non-binarité – « des variations dans les caractéristiques sexuelles ». La catégorie du sexe, qui permettrait de sanctionner le sexisme à l’égard des femmes, n’est pas incluse car, selon le gouvernement, ce dernier va préparer une autre loi sur cette question. On devine surtout que la cause des femmes est insuffisamment compatible avec celle des trans pour que les deux figurent côte à côte dans la même loi.

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Qu’apporte cette nouvelle loi par rapport à la législation déjà existante ? D’abord, des peines extraordinairement sévères. La provocation à la haine est punissable – jusqu’à sept ans de prison ! Ensuite, la gamme des situations où on peut fauter est très large. Les publications sur les réseaux sociaux en ligne tombent évidemment dans le périmètre de la loi. Mais on peut aussi être sanctionné pour des paroles tenues dans l’intimité de sa propre maison. Ce qui veut dire que des enfants peuvent dénoncer leurs parents. Retour à la censure d’une autre époque, les représentations théâtrales sont dans le viseur de la justice. En théorie, certaines pièces de Shakespeare et même certains passages de la Bible lus par un prêtre à l’église pourraient attirer des sanctions. Tout indique que les humoristes du stand up – des spécialistes professionnel de la provocation – seront dans le collimateur des forces de l’ordre, bien que les représentants de ces dernières insistent sur le fait qu’ils ne vont pas assister à tous les spectacles pour les évaluer. Dans un passé récent, beaucoup de spectacles d’humoristes ont été annulés à cause de la pression exercée par l’opinion wokiste ; désormais, les comiques eux-mêmes pourront être mis en tôle.

Bienvenue dans l’ère des « incidents de haine non-criminels »

La liste des inconvénients ne s’arrête pas là. La porte sera ouverte à la délation. Des centres seront créés où des individus pourront déposer une plainte contre un autre de manière anonyme. De tels centres sont prévus – sans trop de surprise – sur des campus universitaires. Il y en aura même un dans un sex shop à Glasgow, sous prétexte que les gens se confient plus facilement dans ce genre de boutique. Si la police décide que telle ou telle plainte ne constitue pas un véritable crime de haine, l’incident reste néanmoins sur le casier judiciaire de l’accusé sous le qualificatif absurde d’« incident de haine non-criminel ». La loi sera une véritable invitation à tous les accusateurs vexatoires et abusifs, et les magistrats auront du fil à retordre pour démêler les accusations justifiées et les accusations frivoles.

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Mais le pire défaut de cette loi, c’est qu’elle ne définit pas le terme fondamental de « provocation à la haine ». Est-ce que c’est la formule utilisée qui est importante, le ressenti de la personne qui se prétend lésée, ou tout autre critère ? La responsabilité est déléguée aux policiers et à leur jugement subjectif. Si la loi n’entre en vigueur que trois ans après sa promulgation, c’est parce qu’il a fallu tout ce temps, non pas pour former la police à cette nouvelle tâche, mais pour concevoir le programme de formation ! À l’heure actuelle, tous les signes indiquent que la préparation en vue de la date du 1er avril a été rudimentaire et axée sur une approche autoritaire et répressive. Selon le secrétaire général de la Fédération de la police écossaise, sont réunis « tous les ingrédients d’une catastrophe ». Les forces de l’ordre disposent-elles des ressources nécessaires pour gérer l’avalanche de plaintes qui risque de se déclencher ? Au mois de mars, la police a annoncé que, faute des ressources, elle allait cesser d’enquêter sur des crimes de « moindre importance », tels que des vols où l’image du responsable n’a pas été enregistrée par une caméra de surveillance. Pourtant, la police écossaise s’est engagée à traiter chaque plainte.

Infantilisation générale

Afin de préparer le public, la police a diffusé une vidéo ridicule et condescendante, un dessin animé de mauvaise facture qui met en scène « le monstre de la haine » qui se cacherait à l’intérieur de chacun d’entre nous et ne demanderait qu’à se libérer. Sauf que, comme l’indiquent clairement la vidéo et d’autres documents publics, il ne s’agit pas de chacun d’entre nous. La cible de cette loi est une catégorie particulière de citoyens. La haine serait surtout le fait de personnes qui se sentent économiquement défavorisées mais qui croient posséder des privilèges parce qu’ils sont blancs. Autrement dit, la loi vise spécifiquement les classes ouvrières blanches, notamment les mâles en colère, les gens que les élites progressistes méprisent plus que toute autre catégorie. Mais la loi semble aussi adaptée à des cas individuels. J. K. Rowling habite à Édimbourg. Dans un cas sur lequel la police s’est entraînée, une femme nommée « Jo » a le tort d’affirmer qu’il n’y a que deux sexes. Il est clair que c’est la créatrice de Harry Potter qui est visée. Comble de la mauvaise foi, cette Jo imaginaire aurait déclaré que les trans devraient être envoyés dans des chambres à gaz…

Non, malheureusement, ce n’est pas un poisson d’avril de mauvais goût. Et pour assombrir encore le printemps qui essaie de montrer le bout de son nez, nous venons d’apprendre que le gouvernement irlandais prépare une loi similaire.

Agde: le maire, la diseuse de bonne aventure et les culs nus

Les récents déboires judiciaires du maire d’Agde (34) projettent une lumière crue sur la ville, dont une partie du territoire est minée par des activités sexuelles un peu sordides.


Madame Irma est canon !

Que se passe-t-il à Agde, ville méditerranéenne dont le maire vient d’être arrêté, accusé d’avoir utilisé de l’argent qui ne lui appartenait pas pour payer une prétendue diseuse de bonne aventure ventriloque qui l’avait apparemment ensorcelé ? Soupçonné d’avoir détourné 300 000 euros d’argent public, Gilles d’Ettore, ancien policier, maire LR d’Agde depuis vingt ans, a été placé en garde à vue pour « corruption passive, prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics », révèle Le Midi Libre. Aussi arrêtée : Sophia Martinez, qui ne ressemble pas du tout au stéréotype de la voyante mature un peu moche.

Les procureurs disent que Mme Martinez a admis avoir dupé d’Ettorre, 55 ans, avec des séances mettant en vedette sa voix projetée, depuis qu’ils se sont rencontrés en 2020. Sur l’insistance de la voix, le maire l’aurait inondée de faveurs financées par la municipalité, y compris le paiement de son deuxième mariage dans un château, l’octroi d’emplois au conseil à son mari et à cinq membres de sa famille, et la fourniture d’une voiture du conseil et d’un chauffeur.

« Protégez Sophia, protégez Sophia, prenez soin d’elle et de son peuple », aurait imploré la voix dans des appels téléphoniques réguliers au maire dans son bureau, a déclaré la police. « Sa stratégie consistait à modifier sa voix, y compris avec les membres de sa famille et ses amis proches », a déclaré Raphaël Balland, le procureur. « En utilisant cette voix masculine et rauque, elle a réussi à leur faire croire qu’ils parlaient avec un être surnaturel de l’au-delà », a-t-il ajouté.

Gilles d’Ettore n’est pourtant pas un idiot : il détient une maîtrise de la faculté de droit de Montpellier. Durant son parcours professionnel, il est inspecteur de police et lieutenant dans les renseignements généraux à Lyon de 1992 à 2000. D’Ettore s’est donc justifié auprès des enquêteurs, expliquant avoir été contacté par téléphone depuis l’au-delà… La voix entendue au bout du fil lui aurait demandé de faire des dons d’argent et de financer des projets… Confronté à la version de la voyante qui a avoué ses méfaits, l’élu a maintenu sa version : il assure avoir été contacté par des voix de l’au-delà et non pas par la médium, selon La Dépêche ! (Révélation complète : je connais le maire Gilles d’Ettore. Il s’est marié avec une fille du pays dans le parc de ma maison dans un village près d’Agde. Il a ensuite généreusement offert des stages à plusieurs de mes étudiants de l’université du Michigan.)

C’est quoi ce bordel ?

M. d’Ettore n’est pas seulement maire d’Agde, il est aussi président de l’agglomération locale et a siégé une fois à l’Assemblée nationale (député UMP 2007-2012). Le voilà en prison ! Il est probablement temps pour les autorités d’examiner attentivement la situation à Agde, et de ne pas limiter leurs efforts à l’incident bizarre de la diseuse de bonne aventure. Ils devraient prêter une attention particulière à l’énorme enclave naturiste du Cap d’Agde, une station balnéaire qui m’a été décrite dernièrement par un agent des forces de l’ordre local comme « le plus grand bordel d’Europe ».

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Le Cap d’Agde est réputé non seulement pour le libertinage débridé de la plage connue localement sous le nom de Baie des Cochons, mais aussi comme centre de prostitution, de pornographie ou de drogue. Pourquoi est-ce apparemment toléré ? Les habitants ont leurs soupçons et racontent des histoires qu’il serait judiciairement dangereux de répéter. Pendant la journée, la plage est connue pour ses exhibitions sexuelles nues. La nuit, le centre commercial abrite des boîtes de nuit. Les soupçons selon lesquels le quartier est infesté de gangsters sont renforcés par des actes de violence, dont des incendies criminels – que certains attribuent aux activités de racket de protection. Les enquêtes des autorités n’ont jamais été concluantes.

La tolérance y’a des maisons pour ça

Curieusement, il y a quelques années, lorsqu’un membre du conseil municipal d’Agde, Florence Denestebe, a osé soulever la question, le maire M. d’Ettore a refusé d’écouter et a fermement défendu le quartier naturiste comme étant essentiel à l’économie locale. Agde, qui compte 25 000 habitants, accueille 225 000 visiteurs par an, dont beaucoup se rendent sur les plages de nudistes.

Les visiteurs viennent du monde entier, mais les plaques d’immatriculation belges, allemandes et britanniques sont particulièrement bien représentées dans les parkings. C’est essentiellement sordide et hideux. Dans le Sunday Times de Londres, la journaliste Helena Frith Powell a décrit le Cap d’Agde comme un « village de vacances en béton sinistre ». Bâtie sur un marais dans les années 70, Agde a une réputation sulfureuse, depuis des décennies. Il y a cinq ans, Le Midi Libre rapportait l’existence d’une étude qui avait osé classer la ville comme la commune « la plus dangereuse de France » ! Une allégation alors démentie avec colère par le maire. Reste que, quand la conseillère municipale de l’opposition Florence Debeneste a défié le maire d’agir contre le quartier naturiste, elle s’est vue opposer une fin de non-recevoir ! Et pour des raisons inexplicables, les médias locaux ont adopté une attitude très tolérante à l’égard du fameux quartier naturiste. En 2005, le roman Les Particules Elémentaires de Michel Houellebecq en avait dressé un portrait peu reluisant. Roman auquel La Tribune de l’Hérault a répondu par un article largement à décharge : « Il ne nous appartient pas de juger le livre, la liberté d’expression tout comme la liberté sexuelle est un droit que nous ne nions à personne. Il serait toutefois utile de rappeler aux lecteurs que si ce type de pratiques sexuelles se développent et peuvent être considérées comme un véritable phénomène de société, le Cap d’Agde demeure une station de villégiature familiale. »

Le Midi Libre va plus loin et célèbre régulièrement le Cap d’Agde, avec des reportages annuels, richement photographiés, sur des vacanciers nus ! “C’est une chose de plonger dans la grande bleue sans maillot. C’est une autre paire de tongues que se balader les fesses à l’air dans le plus grand village naturiste d’Europe, et finalement du monde” s’enthousiasme la journaliste Annick Koscielniak. Cependant, une recherche dans les archives du journal révèle aussi toute une série de problèmes, y compris, plus récemment, des allégations d’agression contre trois vigiles employés à la station. L’affaire est en instance.

« Nos visiteurs y trouvent une multitude d’autres activités et de loisirs beaucoup plus consensuels et populaires » assurait en 2005 Patrick Vincent sur le site Hérault Tribune. « La micro-société « échangiste et libertine » est encore minoritaire dans un Village Naturiste où la pratique saine et familiale du naturisme est engagement de respect mutuel, excluant toute pratique qui pourrait nuire à autrui. L’amalgame et le raccourci qui peuvent être faits dans les médias pourraient être préjudiciables à terme, pour l’image de notre station, il serait bon d’en mesurer les effets » ajoutait-il.

Entre-temps, le Cap d’Agde est devenu plus sordide que jamais, selon un ami qui y travaille. Une recherche sur le terme « Agde » sur les sites pornographiques permet de s’en rendre compte. Il y a par exemple toute une micro-industrie qui filme la copulation publique à la Baie des Cochons… La longue suzeraineté du malheureux maire d’Ettore sur la ville touche vraisemblablement à sa fin, mais, étant donné que le Cap d’Agde est littéralement une vache à lait pour la ville, il est peu probable que les choses changent vraiment un jour, à moins que les autorités supérieures ne s’y intéressent enfin d’un peu plus près.

De la virilité au virilisme

Enthousiasmé par les images du biceps présidentiel sur lequel court comme un serpent gonflé une veine céphalique digne des meilleurs jours de Sylvester Stallone, notre chroniqueur, lui-même grand consommateur de salles de musculation et d’exercices quotidiens au sac de sable, s’est lancé dans un rappel historique des figures emblématiques de l’Homme — avant-hier l’Hercule Farnèse, hier encore Arnold Schwarzenegger, et désormais Emmanuel Macron.


Longtemps l’homme a été simplement viril : c’était une sorte de pléonasme, puisque vir, en latin, c’est justement l’homme par rapport à la femme — et non homo, comme le croient les enthousiastes d’Olympes de Gouges, les féministes ignorantes et les LGBT.

Puis, les mœurs s’adoucissant, l’égalité des droits engendrant un homme nouveau à musculature faible, l’homme viril est devenu un gros macho, dérivation du latin masculus. Le machisme a remplacé la virilité, source de tant d’aberrations, nous a-t-on expliqué.

Brighelli, the Rock

L’intérêt de cette substitution, c’est qu’on pouvait être machiste tout en étant musclé comme un vélo de course. À la suprématie naturelle du muscle succédait la prétention cérébrale du mâle accroché à son service trois-pièces et à sa carte Gold ou Platinum. Le modèle masculin était soit un fifrelin, soit un gros tas — rappelez-vous cette pub Brandt des années 1970…


Arrive désormais le virilisme — qui comme tous les mots affublés de ce vilain suffixe dépréciateur, désigne le retour prétentieux de la belle brute blonde ou du minet surgonflé. D’ailleurs, la salle de musculation où je traîne chaque matin le corps admirable que m’ont légué mes parents (117 rue Sainte, 13007, venez m’y retrouver sur le coup de 8 heures, nous prendrons un café ensemble) est de plus en plus peuplée de jeunes gens qui s’y font des muscles époustouflants…

Bien sûr, l’apparition du virilisme ne signifie pas un retour en grâce de la virilité. Il marque juste une réaction aux excès de dévirilisation de ces trente dernières années. Le modèle était autrefois Humphrey Bogart ou Robert Mitchum, il est passé chez Stallone et autres stars bodybuildées, il s’exprime désormais chez des mâles cabossés, hier Bruce Willis ou Gerard Butler, aujourd’hui Dwayne « The Rock » Johnson. La vogue des super-héros ne dit pas autre chose.

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Et, désormais, Macron. Par la grâce de quelques clichés dus à la photographe officielle de Not’ Président, Soazig de la Moissonnière, nous savons à présent que le nouveau standard de la virilité réside au 55 rue du Fg Saint-Honoré, Paris 75008.
Bien sûr, cette mise en scène est à usage politique, tout comme les annonces guerrières d’il y a quinze jours. Virilisme et bellicisme se rejoignent dans leurs objectifs : non pas défier Poutine (judoka 8ème dan, mieux que Teddy Riner, qui n’en est qu’au 5ème) sur le terrain de la force, dont le président russe a usé et abusé — dans le pays de l’Ours, on révère les gros costauds —, mais se poser face à un RN qui gagnera les prochaines élections, provoquera la colère de tous les francs démocrates qui, comme leur nom l’indique, ne tolèrent pas un verdict des urnes, dégénèrera en émeutes… Et qui se dressera alors, dans sa stature de guerrier protecteur du peuple, pour revendiquer une troisième présidence ?

Corps de guerriers

À noter que ce n’est pas n’importe quel pan de la société qui exalte désormais le virilisme. Les jeunes des quartiers déshérités s’intéressent puissamment à la MMA, qui n’est pas exactement un sport de fillettes, et élèvent des autels à Cyril Gane. Ils se passionnent pour le body-building (ils savent, eux, qui sont Morgan Aste, Lionel Beyeke, Serge « The Black Panther » Nubret, Joël Stubbs ou Mohamed Makkawy). Et nombre de garçons empâtés au McDo s’inscrivent dans les salles de musculation.
C’est même, à en croire un document officiel envoyé à tous les enseignants du rectorat d’Aix-Marseille, et probablement aux autres, l’un des signes auxquels on repère l’éventuelle radicalisation. L’un des « cas » analysé dans ces documents commence ainsi :
« Le jeune X est élève en classe de 3e. D’ordinaire ponctuel et assidu, il commence à avoir des absences de plus en plus régulières. Ses amis avec qui il a de moins en moins de contacts l’aperçoivent avec des « grands » qui viennent le chercher à la fin des cours.
Depuis quelque temps, il s’est affûté et il passe du temps à faire des exercices physiques. »

Le jihad commence par un combat face à soi-même pour se forger un corps de guerrier. À noter que d’autres jeunes, à idéologie inverse, s’inscrivent, eux, à des stages de krav-maga. Nous sommes sur une mauvaise pente où chacun se prépare à une guerre civile — et plus si affinités.

Le virilisme est l’expression de cette hyper-virilité. Chez Macron, cela relève de l’obsession narcissique, utilisée comme marqueur d’une force supposée. Chez d’autres, c’est le début d’une formation spartiate à la guerre. Dans tous les cas, c’est le marqueur d’un renversement de perspective : l’homme féminisé, le doux écolo, l’amateur de médecines douces et de nouvelles mobilités, a peut-être vécu : sur sa gauche comme sur sa droite, le guerrier renaît.

Défense de la continuité historique française

Dans la veine de ses tribunes publiées dans Causeur1, l’avocat toulousain Wilfried Kloepfer aborde dans son petit opuscule la question du wokisme, analyse la contestation du principe de laïcité et questionne la problématique du « gouvernement des juges »… Réussi.


Wilfried Kloepfer, docteur en droit spécialiste en droit public, nous livre dans un court et brillant essai une analyse qui pour être pessimiste, n’en est pas moins lucide. La cancel culture a pris le pouvoir en France et cette idéologie met en péril la culture chrétienne de nos ancêtres et est à l’origine de bien des maux : dénonciation du mâle hétérosexuel blanc, islamo-gauchisme, laïcité mal comprise et communautarisme, puisque si l’on peut intégrer des individus, on n’intègre pas des peuples.

Souveraineté de l’interprète

Le problème du « gouvernement des juges » n’arrange pas la situation : le Conseil constitutionnel a réussi à s’émanciper depuis 1974 de sa mission originelle, en décidant par exemple en 2018 la valeur constitutionnelle du « principe de fraternité » sans tenir compte de la régularité de séjour sur le territoire national… Le juge est donc alors seul maître de ses décisions, ce que l’auteur nomme « souveraineté de l’interprète », qui devient créateur de normes en créant un précédent. C’est ainsi que l’on n’a pas pu refouler vers Sfax les migrants de Lampedusa en vertu d’une jurisprudence de la CEDH, et qu’une fois en Italie, ils pouvaient librement franchir la frontière française. Sur la question des transgenres, on a vu également quelques aberrations…

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Depuis quelques années, les juridictions n’hésitent plus à « judiciariser » la sphère politique au détriment du secret professionnel de l’avocat. L’affaire Bismuth et celle des « fadettes », sans oublier le fameux « mur des cons » ont mis en évidence les positions du Syndicat de la Magistrature et leur emprise sur les politiques.

Quand touchera-t-on enfin le fond pour pouvoir remonter ?

Comment remonter la pente ? L’auteur nous donne une lueur d’espoir en rappelant que ce n’est pas la première fois dans l’histoire que notre pays tutoie l’abîme : Guerre de Cent ans, guerres de religion, Révolution de 1789 et occupation allemande ont montré qu’une résistance pouvait tout sauver. Encore faudrait-il que les parents et les instituteurs enseignent aux jeunes les raisons d’aimer la France, en désignant les vrais ennemis de son identité sans se tromper d’adversaire en vouant perpétuellement le RN aux gémonies, ce qui du reste ne fonctionne pas si bien, à en croire les sondages. J’entends déjà son pas dans l’escalier…

Wilfried Kloepfer, Le Droit à la continuité historique, Vérone Editions.

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  1. https://www.causeur.fr/author/wkloepfer ↩︎

Inédit de García Márquez: bref et somptueux

La lecture du court roman posthume de l’écrivain colombien laisse une impression de parfaite satisfaction.


Cela fait dix ans que Gabriel García Márquez s’est éteint à Mexico, après avoir écrit une œuvre considérable, couronnée par le prix Nobel de littérature en 1982. Et voilà que ses ayants droit nous offrent un bref roman inédit de lui, présenté presque comme un fond de tiroir qui aurait été mis de côté en attendant des jours meilleurs… Or, ce texte, écrit à la fin de sa vie, est un petit bijou littéraire dans lequel García Márquez a comme synthétisé toute sa science romanesque, acquise au fil de sa vie ! Autant dire qu’il s’agit là d’une prose essentielle, qui introduit de manière somptueuse à tout un pan de la littérature latino-américaine dont García Márquez fut le chantre génial.

Un portrait de femme

En une centaine de pages, le romancier colombien dresse le portrait psychologique et amoureux d’une femme très belle, Ana Magdalena Bach, âgée d’une quarantaine d’années et professeur (sans doute de littérature). Ana Magdalena a pris l’habitude de se rendre chaque année, au mois d’août, dans une île touristique de la mer des Caraïbes, afin de déposer sur la tombe de sa mère, qui y est enterrée, un bouquet de glaïeuls. Elle accomplit ainsi avec régularité une sorte de pèlerinage, ponctué de rituels précis. Selon les circonstances du moment, elle s’arrange pour séduire un homme, si possible un mâle accompli, et passer avec lui la nuit à l’hôtel. Puis elle rentre chez elle, dès le lendemain matin, comme si de rien n’était, laissant son mari dans l’ignorance des détails de son périple mémoriel.

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Ces visites sur l’île finissent par provoquer des changements dans sa personnalité, imperceptibles au début, mais de plus en plus manifestes ensuite.García Márquez décrit par exemple ainsi l’indifférence grandissante de son héroïne vis-à-vis de son monde quotidien, au retour de l’île : « Aussitôt entrée sous son toit, à cinq heures du soir, elle découvrit à quel point elle commençait à se sentir étrangère aux siens. » Le culte qu’Ana Magdalena voue une fois l’an à sa mère, agrémenté de la rencontre avec un inconnu, la transporte dans une dimension spirituelle qu’elle découvre petit à petit. Sous la plume de García Márquez, l’inlassable répétition du même que vit Ana Magdalena devient un cérémonial païen, comme inspiré du chamanisme et spécifique à cette terre sauvage.

Une vie nouvelle

García Márquez insiste sur l’aspect purement érotique des rencontres d’Ana Magdalena avec ses amants d’une nuit. Tout se passe comme si cela aussi était un rite initiatique digne des anciens mystères, qui allait la transformer et la faire renaître à une autre vie. García Márquez évoque par exemple ainsi ces séances amoureuses : « ils se livrèrent ensemble au plaisir inconcevable de la force bestiale subjuguée par la douceur ». Quand elle retrouve ensuite son mari, Ana Magdalena ne peut s’empêcher de se sentir détachée de lui, surtout lorsqu’il lui révèle qu’il l’a trompée au moins une fois avec une Chinoise à New York. Elle en éprouve une douleur intense, un goût de mort.

García Márquez analyse avec une fulgurante précision les états de conscience d’Ana Magdalena, et fait montre, au fil de la plume, d’une compréhension profonde pour l’âme féminine. Ce qui l’intéresse, en somme, c’est la part de l’éternel féminin qui s’incarne ici, de manière complexe et universelle, en cette femme à la recherche d’elle-même, hantée par la solitude et la mort, comme nombre de personnages de García Márquez.

Retrouver la mère

Dans les derniers chapitres du roman, la vie d’Ana Magdalena vire de bord. Sur l’île, elle a trouvé une voie vers davantage de liberté intérieure et d’autonomie : « la leçon, écrit García Márquez, ne laissait place à aucun doute : il était absurde d’attendre une année entière pour soumettre au hasard d’une nuit le restant de ses jours ». Ana Magdalena est particulièrement réceptive à l’idée d’un message que lui enverrait sa mère d’outre-tombe. Ce qu’elle voudrait, c’est perpétuer sa mère à travers elle-même, accomplir complètement ce que sa mère a commencé à vivre et qu’elle ne connaît pas encore vraiment, mais qui désormais, soupçonne-t-elle, se trouve être partie intégrante de sa personne.

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« Quand elle sortit du cimetière, Ana Magdalena Bach était une autre femme », peut écrire García Márquez. En si peu de pages, celui-ci réussit à montrer l’évolution décisive de son personnage de femme. D’où l’impression de parfaite satisfaction que laisse ce roman. Ce texte posthume est l’occasion, pour l’auteur de Cent ans de solitude, de nous livrer de manière définitive sa vérité sur les êtres humains et, en même temps (c’est la même chose), sur la littérature, et tout ceci à travers la description de la psyché féminine, comme si là était la clef de l’univers.

García Márquez, Nous nous verrons en août. Traduit de l’espagnol (Colombie) par Gabriel Iaculli. Éd. Grasset.

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Jeux Olympiques: et si l’on séparait sport et politique?

Paris n’échappera pas à cette règle des jeux : le monde entier cherchera à pousser son agenda politique dans la capitale française cet été. Malheureusement.


Rien n’est sans doute plus politique que le sport, fors la politique elle-même. Pourtant, rien ne devrait plus échapper à celle-ci que les joutes sportives. Tandis que nous espérons voir briller les Jeux Olympiques par les performances des athlètes, certains entendent déjà s’accaparer la grand-messe quadriennale pour faire avancer leur propre agenda.   

L’histoire regorge de ces épisodes où sport et politique n’ont, pour le meilleur et pour le pire, fait qu’un. Les Jeux, ce moment hors du temps durant lequel la compétition est portée à son acmé, n’ont jamais échappé à la règle : on se souvient du triomphe remarquable de Jesse Owens, en 1936 à Berlin, devant Adolf Hitler, des JO de 1980 à Moscou tenus en l’absence d’athlètes américains et issus de pays… musulmans suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique et, une olympiade plus tard, de ceux de Los Angeles boycottés par les Russes qui organisèrent en réaction des Jeux de l’Amitié, du poing levé de Tommie Smith et John Carlos à Mexico ou encore de l’attentat perpétré contre la délégation israélienne lors des Jeux de Munich par l’organisation terroriste Septembre noir.

D’autres imbrications politico-olympiques sont moins connues, mais également chargées d’une puissante symbolique : les Finlandais concoururent sous leur propre bannière – mais sans drapeau ostensible – et non plus sous celle de l’Empire russe en 1908 ; la déchirure d’un empire austro-hongrois en capilotade se fit béante lorsque les deux délégations défilèrent séparément à Stockholm en 1912 ; a contrario, un semblant de rapprochement entre les deux Corées se fit lorsque leurs athlètes respectifs défilèrent ensemble lors des Jeux d’Hiver de 2018 à Pyeongchang ; les Pays-Bas et l’Espagne refusèrent de se rendre aux Jeux de 1956 pour protester contre la présence d’athlètes soviétiques après l’invasion de Budapest.  

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Les JO de Paris n’échapperont pas à la règle. Les voix des traditionnels islamo-gauchistes se lèvent aujourd’hui pour faire participer les athlètes israéliens sous bannière neutre, de la même manière que doivent le faire leurs homologues russes, déjà déclarés sportivement apatrides… depuis la mise au jour d’un système de dopage organisé dans leur pays. Si on peut se réjouir que les sportifs de ces nations puissent prendre part à la fête du sport, on peut regretter la grande hypocrisie, tant personne n’est dupe, entourant l’affichage ou non de la nationalité des athlètes engagés. Surtout, à l’allure olympique avec laquelle les wokistes effacent, quelle nation est à ce point irréprochable qu’elle échappera à l’invisibilisation ?

Le procédé de l’ostracisation n’est pas nouveau : deux ans après la fin de la Grande Guerre, les perdants furent exclus des  Jeux d’Anvers où, pour la première fois, flotta le drapeau olympique ; en 1948, au lendemain d’un conflit encore dans tous les esprits, les forces de l’Axe, Allemagne et Japon, furent priées de ne pas se rendre à Londres ; l’Afrique du Sud a quant à elle été exclue de la compétition planétaire de 1964 à 1992 en raison de la politique d’apartheid qui sévissait alors dans le pays… 

Le sport antique prévoyait une cessation du conflit durant les agônes (événements sportifs) et les Jeux olympiques. Leur adaptation moderne a quant à elle souvent été prise en tenaille entre ambitions sportives et considérations politiques (voire impératifs moraux). Si l’on n’abordera pas ici la tentative d’Emmanuel Macron de faire main basse sur l’événement planétaire pour masquer son bilan calamiteux en bien des domaines, on peut craindre que les Jeux soient désormais pris en otage par l’idéologie. Pour les associations militantes (climatiques, pro-palestiniennes, LGBT…), il n’y a pas de trêve olympique et on les imagine déjà faire des JO de Paris leur terrain de jeu, alors que nous aimerions tant qu’il soit uniquement celui des athlètes. Espérons dès lors que les Jeux de 2024 soient marqués par l’émergence de dignes successeurs aux grands champions que furent Paavo Nuurmi, Emil Zatopek, Larissa Latynina, Michael Phelps ou encore Usain Bolt. Et, au moment où sera allumée la vasque, par Marie-José Pérec et/ou un(e) autre athlète, que place soit faite au sport. Et rien qu’au sport.

La cage aux fols

Tous les « fous de Dieu » ne sont pas des assassins. Car toutes les religions ne commandent pas de tuer les impies. À cette nuance, oubliée des Occidentaux, s’ajoute désormais le « trouble psychiatrique » associé aux terroristes islamistes. De quoi enterrer l’origine du problème.


Alors que d’autres attaques au couteau ont eu lieu depuis l’attentat terroriste du Pont-Bir-Hakeim, à Paris, on continue de parler, pour désigner ces meurtriers, de « fous de Dieu » – souffrant par ailleurs de troubles psychiques, c’est désormais un cas d’école. Si tout le monde s’accorde à penser qu’un traitement médical aurait évité le passage à l’acte au Pont-Bir-Hakeim – rien de tel qu’une camisole chimique pour museler les fanatiques ! –, la polémique s’emballe dès lors qu’un trouble psychique est instrumentalisé pour faire diversion et occulter la réalité : l’islamisme radical tue et ne demande qu’à continuer, comme l’ont rappelé les dirigeants du Hamas bien déterminés à recommencer, et même à améliorer leurs performances macabres.

À petites doses

L’extrémisme religieux serait-il en soi une maladie mentale, difficilement curable comme le prouve l’échec de la « déradicalisation » ? Une pathologie psychique en tout cas, échappant au radar intellectuel des Occidentaux qui, lorsqu’ils ne sont pas athées, se font de la religion une idée plus consensuelle en accord avec les valeurs humanistes et républicaines. Mais choisit-on de suivre inconditionnellement Allah, le Christ ou Bouddha comme on entre dans une organisation humanitaire ?

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Pas d’engagement religieux sans une certaine dose de « folie », puisqu’en se détournant des biens de ce monde au profit de nourritures spirituelles, on inverse les rapports communément établis entre démence et sagesse, normalité et pathologie. C’est bien en ce sens la « folie de la Croix » que saint Paul fraîchement converti prêcha aux Corinthiens : « Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (1 Cor. 25). Que de comportements étranges, que d’extravagances les religions n’ont-elles pas provoqués, sinon toujours approuvés ! Étaient-ils vraiment « normaux », ces ermites revenus à l’état quasi sauvage qui peuplaient les déserts du Proche-Orient au début de l’ère chrétienne, ou ces « fol-en-Christ » arpentant la steppe russe tout en récitant continûment la prière du cœur ? Ne le sont pas davantage les yogis méditant des années durant dans des grottes obscures sur les hauts plateaux himalayens, ou les adeptes de la « folle sagesse » tantrique. Et que dire des mystiques extatiques, des moines errants (gyrovagues), des ascètes émaciés au regard brûlant ! Empédocle, Socrate, Diogène n’étaient-ils pas eux aussi des « fous » pour avoir écouté la voix qui les incitait à défier la normalité de leur temps ? Aucun d’entre eux n’aurait pourtant imaginé attenter à la vie d’autrui avec la cruauté barbare des islamistes radicaux.

Croire n’est pas être malade mental

Quelle certitude intérieure faut-il par ailleurs avoir acquise pour préférer le martyre au reniement de sa foi ? Les premiers chrétiens livrés aux lions tout comme les cathares montant au bûcher furent à cet égard des « résistants », aussi inébranlables que certains maquisards et méritant, comme eux, notre considération. Un martyr (du grec martus, témoin) est d’abord un croyant qui, tel Hallâj en terre d’islam[1] ou les trois Hébreux dans la fournaise (Livre de Daniel), témoigne de la gloire de Dieu au milieu des pires supplices, et non une brute sanguinaire maniant le couteau ou la kalachnikov tout en rêvant aux vierges qu’il déflorera une fois arrivé au paradis d’Allah. S’il est vrai qu’on ne peut pas grand-chose contre un individu prêt à perdre la vie pour une cause qu’il juge légitime, on peut au moins n’être pas dupe du coup de force perpétré par les islamistes défigurant par la terreur le sens spirituel du martyre. Que les Occidentaux se fassent aujourd’hui une tout autre idée de la pratique religieuse ne les rend que plus démunis face à cet extrémisme sanglant ; incapables qu’ils sont par ailleurs de valoriser ce qui, dans leur héritage spirituel, leur permettrait de sympathiser avec certains aspects de la « folie » religieuse, dès lors qu’elle est inoffensive, et témoigne d’une liberté d’esprit et d’un choix de vie que la « normalité » technocratique et consumériste tend à faire disparaître.

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L’erreur serait donc de conclure, au vu des exactions islamistes, qu’il faut en finir avec toute pratique religieuse sous prétexte qu’elle s’apparenterait de près ou de loin à une maladie mentale et conduirait tôt ou tard à commettre des actes inhumains, comme on a cherché à le démontrer au xixe siècle au nom du rationalisme et du scientisme qui avaient alors le vent en poupe. Ce fut le temps des grandes critiques de la religion, et des diagnostics sans nuances sur la « mort de Dieu » (Nietzsche), « l’opium du peuple » (Marx) ou la névrose religieuse (Freud) que la psychanalyse permettrait de guérir. Mais on a déchanté depuis, et les exécutions de masse commises au nom de telle ou telle idéologie – Camus parle dans L’Homme révolté de « meurtre logique » – ont été, au xxe siècle, suffisamment nombreuses et monstrueuses pour n’être pas imputables à la religion, même si l’on peut parler en la circonstance d’une « religion » de la Raison, de la Science ou du Parti. Toutes les idéologies mortifères à cet égard se ressemblent et les crimes de Staline, d’Hitler ou de Pol Pot n’ont rien à envier aux massacres commis au nom de Dieu.

Annecy, 8 juin 2023 © Mourad ALLILI/SIPA

On sait en tout cas aujourd’hui qu’il est un usage fanatique de la rationalité qui ne nous sauvera pas de la religion lorsqu’elle est elle-même devenue folle, et déshonore ce qu’il peut aussi y avoir en elle de « folie » respectable. La clé du conflit avec l’islamisme n’est donc pas politique, mais culturelle et spirituelle ; les responsables politiques ne pouvant au mieux qu’accompagner et soutenir une décision collective d’insoumission radicale prise à la fois au nom de la liberté de conscience et de la confiance en une vie spirituelle qui ne tue pas, ne viole pas et s’enrichit des comportements divers et variés à travers lesquels chaque être humain est en droit de vivre sa relation personnelle à ce qui le dépasse.


[1] Louis Massignon, La Passion de Hallâj : martyr mystique de l’islam, Gallimard, 1990.

De l’honnêteté d’informer

L’arrêt du Conseil d’État va à rebours de la doctrine de l’Arcom et des jurisprudences française et européenne : plus il y a de supports médiatiques, moins leur liberté éditoriale doit être bridée. Seules les chaînes de service public, tenues par le principe de neutralité, doivent refléter tous les courants d’opinion.


Le 13 février dernier, le Conseil d’État a jugé que, pour vérifier le respect de l’obligation de pluralisme de l’information par une chaîne de télévision (en l’espèce CNews), l’Arcom ne devait pas se limiter à veiller à une répartition équitable des temps de parole des personnalités politiques, mais également prendre en compte les interventions de l’ensemble des participants aux programmes, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités. Le Conseil d’État impose ainsi une exigence de « pluralisme interne » incontrôlable, infondée et préjudiciable à la liberté éditoriale.

On peut s’étonner que d’éminents juristes amalgament les différentes dimensions du pluralisme, sans distinguer pluralisme de l’information et honnêteté de l’information, ni articuler pluralisme interne et pluralisme externe[1].

L’arrêt va à rebours de la doctrine constante de l’autorité de régulation de l’audiovisuel comme de la jurisprudence française et européenne. Cette doctrine et cette jurisprudence sont de bon sens : plus s’exerce le pluralisme externe (et c’est l’enjeu des appels à candidature conduits par l’autorité de régulation), moins doit être bridée la liberté éditoriale.

Ainsi, dans son arrêt NIT c. Moldavie du 5 avril 2022,la Cour européenne des droits de l’homme juge que « les dimensions du pluralisme interne et externe doivent se combiner »et que, dans le cadre d’un régime national de licences, un manque de pluralisme interne peut être compensé par l’existence d’un pluralisme externe effectif. C’est le cas si l’autorité derégulation fait en sorte que« les programmes offerts au public, considérés dans leur ensemble, assurent une diversité qui reflète la variété des courants d’opinion qui existent dans la société ». L’arrêt du 13 février 2024 rompt également avec la propre jurisprudence du Conseil d’État, qui combinait jusqu’ici libéralement pluralisme et liberté éditoriale : n’a-t-il pas, par exemple, jugé impossible d’imposer à une radio exprimant un courant de pensée particulier d’ouvrir son antenne à d’autres courants (27 novembre 2015, Radio Solidarité) ?

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L’exigence de « pluralisme interne » est inadaptée à un environnement marqué par la multiplication des supports par voie terrestre, satellitaire et en ligne, ainsi que par la réception de chaînes étrangères. Aujourd’hui, la pluralité des supports permet le pluralisme externe, et donc l’existence de chaînes portant un courant d’opinion comme CNews. Dans ce nouvel environnement, on ne peut exiger de chaque service de communication audiovisuelle, sauf d’une chaîne de service public tenue par le principe de neutralité, qu’il respecte le « pluralisme interne », c’est-à-dire que ses programmes reflètent toute la diversité des courants de pensée et d’opinion.

Ce qu’impose la loi à une chaîne, c’est que l’information soit honnête (elle ne doit être ni falsifiée ni tronquée) ; que certains sujets soient traités ; que la couverture des campagnes électorales et la répartition des temps d’antenne entre personnalités politiques soient équitables. Chaque opérateur doit en outre respecter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (qui prohibe l’injure, la diffamation, l’incitation à la commission d’infractions ou la provocation à la haine contre un groupe de personnes). C’est déjà contraignant pour les opérateurs et difficile à contrôler pour l’Arcom. Aller au-delà serait contraire à la liberté éditoriale comme à l’esprit du « Media Freedom Act » en cours d’élaboration à Bruxelles.

Comment alors expliquer l’embardée que constitue la décision du 13 février 2024 ? Selon moi, par un biais cognitif. Le « populisme » est devenu le mauvais objet obsessionnel de ce petit milieu socioculturel moralisateur auquel appartiennent la plupart des gens de médias et une partie des membres du Conseil d’État. Même si sa part d’audience ne dépasse pas 3 % aux heures de grande écoute, CNews dénature, selon eux, la liberté de communication en flattant les préjugés populaires et en transformant des faits divers en faits de société. Dans cette « reductio ad extremam dextram » fantasmatique, le groupe Bolloré est un diable contre lequel il est urgent de pratiquer un exorcisme. Le droit a donc été instrumentalisé pour prononcer le vade retro. Mais c’est raté.

Autre question : comment sortir de l’impasse dans laquelle nous enferme (et s’enferme) le Conseil d’État ? Deux voies sont envisageables.

Une première consisterait à interpréter de façon « neutralisante » la décision du Conseil d’État. Elle est résumée, dans ses propos à La Tribune, par Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom : l’autorité de régulation considérerait qu’il ne lui est pas demandé de comptabiliser chacun des intervenants. Il n’y aurait de catalogage ni des journalistes ni des invités. L’Arcom, rappelle salutairement son président, « n’est ni une police de la pensée, ni un tribunal d’opinion. La loi de 1986 est d’abord une loi de liberté, qui consacre la liberté de communication et la liberté éditoriale ». L’Arcom n’en devrait pas moins, pour l’exécution de l’arrêt du 13 février, porter une appréciation globale sur le pluralisme de l’ensemble des programmes. C’est confier encore à l’Arcom un rôle– qu’elle récuse à juste titre– de surveillance de la pensée et s’exposer à l’arbitraire (comme toujours lorsqu’on demande à des hommes de contrôler les opinions d’autres hommes).

Une voie plus satisfaisante, mais plus radicale, serait d’inscrire explicitement dans la loi de 1986 le principe selon lequel chaque éditeur de service de communication audiovisuelle détermine librement sa ligne éditoriale et choisit librement les personnes qui interviennent sur son antenne.Et que l’exigencede pluralisme politique interne s’entend de la répartition équitable des temps d’antenne alloués aux personnalités représentant les formations politiques. Resterait exigé,en tout état de cause,lerespect de l’honnêteté de l’information dans chaque émission.


[1] Le pluralisme externe, c’est la diversité des chaînes de télévision ou des titres dans les kiosques à journaux. Le pluralism einterne, c’est la diversité des opinions sur les plateaux d’une même chaîne ou dans une même salle de rédaction.

1974, toujours un coin qui me rappelle

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Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider dans le film "Le Mouton Enragé" de Michel Deville 1974 © NANA PRODUCTIONS/SIPA

Monsieur Nostalgie tente de retenir le parfum de l’année 1974, des derniers jours du président Pompidou à la diffusion des « Brigades du Tigre » à la télévision


Encore un instant, Monsieur le bourreau ! Après, c’est juré, vous pourrez commencer votre travail de sape, de désintégration minutieuse de notre canevas national ; c’est promis, vous aurez les mains libres pour détricoter notre mémoire collective et faire advenir un monde meilleur, plus équitable et altruiste, plus inclusif et doux. A bas les oripeaux de grand-papa et sa liberté d’expression factieuse ! Laissez-nous juste quelques minutes pour nous retourner, une dernière fois, faire le deuil de nos piteuses Trente Glorieuses et accepter cette fatalitas chère à Chéri-Bibi. On ne vous embêtera plus avec cette nostalgie abrasive qui est le signe des peuples réfractaires. Nous ne vous encombrerons plus avec notre barda hétéroclite, de lectures ennuyeuses et d’objets démodés, nous avons conscience que nos souvenirs sont un frein à notre émancipation. Ils pèsent défavorablement sur notre humeur. Ils dérèglent notre vision du présent. Ils nous empêchent d’avancer. Toujours un œil dans le rétroviseur, nous voyons tout en noir et en recul systémique. Oui, mille fois oui, vous avez raison de nous tancer et de nous gronder. Nous ne sommes que des enfants incorrigibles, englués dans la naphtaline, à ressasser de vieilles comptines, à fantasmer une époque survendue par des boomers en manque d’idéal, incapables d’adopter la digitalisation des esprits, alors que vous nous offrez sur un plateau d’argent la civilisation du mouvement et du décloisonnement. Une ère nouvelle où l’Homme pourra enfin s’épanouir par le travail collaboratif et le communautarisme heureux. Nous sommes des ingrats, enfermés dans nos frontières et nos habitudes provinciales, nous croyons encore aux échanges épistolaires et aux usines remplies d’ouvriers ; à la chanson de variété intelligente et aux silences des bibliothèques. Désolé de vous importuner avec ces mirages d’avant les crises pétrolifères et vendettas identitaires. Je suis sûr que vous allez parvenir, à force de lois et d’injonctions, à coups de pédagogie, à nous faire accepter ce destin lumineux. Nous ne mesurons pas la chance de vous avoir à nos côtés, votre vigilance nous honore, vous êtes toujours là, pour remettre de l’ordre et des règles dans notre bric-à-brac décadent. Nous avons tellement besoin d’être recadrés et cornaqués. Sans votre surveillance omnisciente, nous sombrerions dans une mélancolie puérile avec nos gros godillots, à pleurer sur nos gloires anciennes et notre art de vivre disparu. C’est ridicule, pathétique, je le concède, de ne pas pouvoir brûler notre camisole idéologique. Nous allons y travailler, je vous le jure. Quelle ingratitude de notre part surtout avec tout le mal que vous vous donnez pour liquéfier notre histoire commune et réenchanter notre quotidien. Merci de nous déconstruire, chaque jour un peu plus, et de nous (ré)apprendre à marcher dignement. Culturellement, économiquement, sécuritairement, partout, dans tous les domaines, à l’école, à l’hôpital, dans la rue, aux champs et sur nos tablettes, grâce à vous, nous entrevoyons un avenir radieux. La fin des temps tragiques. Sans vous, nous serions bloqués en cette année 1974. Un président cantalou, amateur de poésie et de Porsche 356, avec la force tranquille d’un fils d’instituteurs ayant pris le train de la méritocratie, s’éteindrait bientôt. Marcel Pagnol, un autre bon élève, le suivrait de quelques jours. À la radio, la famille était à l’honneur. Daniel Guichard nous arrachait des larmes avec « Mon vieux » et le sémillant Sacha Distel cajolait « La Vieille Dame » pendant que Michel Jonasz proclamait son hymne à « Super Nana ». C’était mièvre et misogyne. Salement populaire. À la télévision, le générique de Chapi Chapo composé par François de Roubaix éclairait le regard des enfants tandis que « Les Brigades du Tigre » à la gloire de Clémenceau s’ouvraient sur les illustrations d’André Raffray et quelques notes hypnotiques de Claude Bolling, notre pays se vautrait dans la Troisième République et les prémices de la musique électronique. Aux États-Unis, c’était pire, Happy Days débarquait avec un Fonzie viriliste et un Richie, sorte de Tanguy suburbain, dans un décor en carton-pâte, pâle résurgence de l’embellie « fifties ». Au cinéma, Michel Deville dans « Le Mouton enragé » mettait en scène un affreux arriviste, Jean-Louis Trintignant, qui se servait des femmes pour grimper à l’échelle sociale ; Resnais nous montrait la chute de Stavisky avec Belmondo, comme si Le Magnifique pouvait incarner Serge Alexandre et Alain Delon se glissait dans la peau d’un député ministrable dans « La Race des seigneurs », film adapté du roman Creezy de Félicien Marceau. Ces images déplorables promouvaient à chaque fois le pouvoir de la séduction. Dans les librairies, le passéisme était à la mode, Kléber Haedens signait Adios et Jean d’Ormesson triomphait avec Au plaisir de dieu, la figure de Sosthène de Plessis à Saint-Fargeau et celle de Jérôme Dutoit à la Feria de Pampelune éduquèrent bien maladroitement les jeunesses rêveuses, pendant ce temps-là, René Fallet obtenait le Prix Scarron dont le dernier récipiendaire fut l’inénarrable Sim, pour Ersatz, une potacherie qui déplut à Pivot. Dans les concessions, Citroën en phase terminale d’absorption par Peugeot, lançait son oblongue CX dotée du tableau de bord « lunule », aussi mystérieux que lunaire. Où que j’aille, où que je regarde, il y a toujours un coin qui me rappelle cette année 1974, mais je vous promets de me faire soigner.

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Mystérieux Malraux

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© Desclée de Brouwer

François de Saint-Cheron publie Malraux devant le Christ, et démontre que, si André Malraux était un agnostique revendiqué, sa vie fut aussi marquée par une quête ardente de transcendance. De là à le christianiser de force, non…


André Malraux n’est pas tendance. C’est que notre basse époque mercantile et inculte ne comprend plus rien à ses engagements, non pas politiques, mais esthétiques. Son lyrisme porté par une voix tremblante, parfois à la limite de la rupture, où sont évoqués Jeanne d’Arc, le Général de Gaulle et la France de la résistance, fait grimacer de dégoût les petits fonctionnaires du nihilisme. Quelques écrivains pâles comme l’aube sale haussent les épaules, qu’ils ont étroites, quand ils évoquent le style de l’auteur de La Condition humaine, prix Goncourt 1933. J’ose affirmer que cet homme, qui est d’abord l’homme du « non », nous manque terriblement. L’ouvrage de François de Saint-Cheron, Malraux devant le Christ, est donc une bonne nouvelle. Il tombe même à pic, puisque j’écris ces lignes le vendredi Saint. L’auteur, dans sa jeunesse, a eu le privilège de rencontrer Malraux. Il est aujourd’hui maître de conférences à la Faculté des lettres de la Sorbonne. Il a collaboré à l’édition des Œuvres complètes d’André Malraux. L’enjeu de l’ouvrage, qui se lit comme une enquête minutieuse et référencée, est de montrer que l’itinéraire de celui qui s’autoproclama colonel Berger fut marqué par une quête sinon de Dieu, d’un moins d’une forme de transcendance. Or, d’emblée, François de Saint-Cheron nous rappelle la phrase extraite D’une jeunesse européenne (1927) : « Nous qui ne sommes plus chrétiens ». Affirmation péremptoire confirmée un demi-siècle plus tard dans Lazare (1974) : « J’ai perdu la foi après ma confirmation. » Malraux confirme, à plusieurs reprises, qu’il n’a pas la foi. Le général de Gaulle lui en fait du reste le reproche amical : « Pourquoi parlez-vous comme si vous aviez la foi, puisque vous ne l’avez pas ? » Malraux déclare au micro de Jacques Chancel, dans l’émission « Radioscopie », deux ans avant sa mort, qu’il est agnostique. Ce qui n’est pas nouveau puisque François de Saint-Cheron rappelle les propos de l’ancien ministre des Affaires culturelles du général de Gaulle tenus en 1971 : « Être agnostique, ça veut dire : penser qu’il n’y a pas de lien possible entre la pensée humaine et la conception d’une transcendance absolue. Ça ne veut pas dire du tout qu’on est athée, parce qu’être athée, ça veut dire : ‘’ c’est faux, la transcendance n’existe pas.’’ » Dans la plupart de ses romans, ou face aux œuvres d’art, ou encore en côtoyant les grandes figures catholiques, Malraux ne cesse de questionner le « mystère chrétien », comme le prouve l’étude de François de Saint-Cheron. Même la mort accidentelle de ses deux fils, le 23 mai 1961, ne parvient pas à éteindre « sa sensibilité » d’homme tourmenté par ce mystère-là. Et lorsqu’il est hospitalisé à la Salpêtrière, du 19 octobre au 16 novembre 1972, dans un état préoccupant, il relate son séjour et l’intitule Lazare, personnage ressuscité par Jésus. En vérité, Malraux ne cesse de tourner, le visage fiévreux, les mains agitées, autour du trou noir. C’est un Pascal sans Dieu que ni l’écriture, ni l’action, ne parviennent à calmer véritablement. L’absurde, la mort, le néant ne cessent de le hanter. Tout ce que notre société, dominée par la Technique, est incapable de penser, étant noyée sous les flots des discours publicitaires.

Pourquoi l’auteur des Antimémoires tient-il absolument à regarder en face le soleil noir ? À Élisabeth de Miribel, qui dactylographia l’Appel du 18 juin 1940, à Londres, Malraux avoue : « J’admire les chrétiens, je respecte leur foi mais je ne veux pas renoncer à l’inquiétude. C’est ce qu’il y a de plus grand chez l’homme ! »

C’est peu dire qu’il nous manque à l’heure où les chênes nains du Quercy ne cachent plus aucun maquis.


François de Saint-Cheron, Malraux devant le Christ, Éditions Desclée de Brouwer.

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L’Écosse contre le « monstre de la haine »

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Les adversaires de Humza Yousaf l'ont prévenu: sa législation absurde ne fera qu'attiser la haine, Edimbourg, 28 mars 2024 © Jane Barlow/AP/SIPA

Une nouvelle loi limitant la liberté d’expression de tous les citoyens entre en vigueur le 1er avril. Censée encourager la tolérance en interdisant la haine, cette législation est justifiée par une vidéo officielle infantilisante (voir plus bas). Elle parle du « monstre de la haine » qui est tapi à l’intérieur de chacun d’entre nous et qu’il faut éradiquer. Aujourd’hui, Big Brother porte un kilt et il veut entrer dans le cerveau même de tous les membres de la classe ouvrière blanche.


Sous la direction de son Premier ministre Humza Yousaf, le gouvernement wokiste et islamo-gauchiste de l’Écosse emprunte un chemin de plus en plus autoritaire. Le signe le plus visible de cette dérive est une loi, dite Loi relative aux crimes de haine et à l’ordre public, proposée en 2020, promulguée en 2021 et qui doit entrer en vigueur le 1er avril 2024. Pour le malheur des Écossais, il ne s’agit nullement d’un poisson d’avril.

« Don’t feed the hate monster » Capture YouTube.

Et la grossophobie ?

Quel est le crime que cette nouvelle loi est destinée à sanctionner ? Celui de la « provocation à la haine » (« stirring up hatred »). Contre qui ? Une loi contre l’incitation à la haine raciale existe depuis 1986. Maintenant, il s’agit de punir tout ce qui provoque à la haine à l’égard de certaines « caractéristiques protégées ». Lesquelles ? L’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité transgenre et – catégorie obscure mais qu’on suppose comprendre toutes les gradations de non-binarité – « des variations dans les caractéristiques sexuelles ». La catégorie du sexe, qui permettrait de sanctionner le sexisme à l’égard des femmes, n’est pas incluse car, selon le gouvernement, ce dernier va préparer une autre loi sur cette question. On devine surtout que la cause des femmes est insuffisamment compatible avec celle des trans pour que les deux figurent côte à côte dans la même loi.

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Qu’apporte cette nouvelle loi par rapport à la législation déjà existante ? D’abord, des peines extraordinairement sévères. La provocation à la haine est punissable – jusqu’à sept ans de prison ! Ensuite, la gamme des situations où on peut fauter est très large. Les publications sur les réseaux sociaux en ligne tombent évidemment dans le périmètre de la loi. Mais on peut aussi être sanctionné pour des paroles tenues dans l’intimité de sa propre maison. Ce qui veut dire que des enfants peuvent dénoncer leurs parents. Retour à la censure d’une autre époque, les représentations théâtrales sont dans le viseur de la justice. En théorie, certaines pièces de Shakespeare et même certains passages de la Bible lus par un prêtre à l’église pourraient attirer des sanctions. Tout indique que les humoristes du stand up – des spécialistes professionnel de la provocation – seront dans le collimateur des forces de l’ordre, bien que les représentants de ces dernières insistent sur le fait qu’ils ne vont pas assister à tous les spectacles pour les évaluer. Dans un passé récent, beaucoup de spectacles d’humoristes ont été annulés à cause de la pression exercée par l’opinion wokiste ; désormais, les comiques eux-mêmes pourront être mis en tôle.

Bienvenue dans l’ère des « incidents de haine non-criminels »

La liste des inconvénients ne s’arrête pas là. La porte sera ouverte à la délation. Des centres seront créés où des individus pourront déposer une plainte contre un autre de manière anonyme. De tels centres sont prévus – sans trop de surprise – sur des campus universitaires. Il y en aura même un dans un sex shop à Glasgow, sous prétexte que les gens se confient plus facilement dans ce genre de boutique. Si la police décide que telle ou telle plainte ne constitue pas un véritable crime de haine, l’incident reste néanmoins sur le casier judiciaire de l’accusé sous le qualificatif absurde d’« incident de haine non-criminel ». La loi sera une véritable invitation à tous les accusateurs vexatoires et abusifs, et les magistrats auront du fil à retordre pour démêler les accusations justifiées et les accusations frivoles.

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Mais le pire défaut de cette loi, c’est qu’elle ne définit pas le terme fondamental de « provocation à la haine ». Est-ce que c’est la formule utilisée qui est importante, le ressenti de la personne qui se prétend lésée, ou tout autre critère ? La responsabilité est déléguée aux policiers et à leur jugement subjectif. Si la loi n’entre en vigueur que trois ans après sa promulgation, c’est parce qu’il a fallu tout ce temps, non pas pour former la police à cette nouvelle tâche, mais pour concevoir le programme de formation ! À l’heure actuelle, tous les signes indiquent que la préparation en vue de la date du 1er avril a été rudimentaire et axée sur une approche autoritaire et répressive. Selon le secrétaire général de la Fédération de la police écossaise, sont réunis « tous les ingrédients d’une catastrophe ». Les forces de l’ordre disposent-elles des ressources nécessaires pour gérer l’avalanche de plaintes qui risque de se déclencher ? Au mois de mars, la police a annoncé que, faute des ressources, elle allait cesser d’enquêter sur des crimes de « moindre importance », tels que des vols où l’image du responsable n’a pas été enregistrée par une caméra de surveillance. Pourtant, la police écossaise s’est engagée à traiter chaque plainte.

Infantilisation générale

Afin de préparer le public, la police a diffusé une vidéo ridicule et condescendante, un dessin animé de mauvaise facture qui met en scène « le monstre de la haine » qui se cacherait à l’intérieur de chacun d’entre nous et ne demanderait qu’à se libérer. Sauf que, comme l’indiquent clairement la vidéo et d’autres documents publics, il ne s’agit pas de chacun d’entre nous. La cible de cette loi est une catégorie particulière de citoyens. La haine serait surtout le fait de personnes qui se sentent économiquement défavorisées mais qui croient posséder des privilèges parce qu’ils sont blancs. Autrement dit, la loi vise spécifiquement les classes ouvrières blanches, notamment les mâles en colère, les gens que les élites progressistes méprisent plus que toute autre catégorie. Mais la loi semble aussi adaptée à des cas individuels. J. K. Rowling habite à Édimbourg. Dans un cas sur lequel la police s’est entraînée, une femme nommée « Jo » a le tort d’affirmer qu’il n’y a que deux sexes. Il est clair que c’est la créatrice de Harry Potter qui est visée. Comble de la mauvaise foi, cette Jo imaginaire aurait déclaré que les trans devraient être envoyés dans des chambres à gaz…

Non, malheureusement, ce n’est pas un poisson d’avril de mauvais goût. Et pour assombrir encore le printemps qui essaie de montrer le bout de son nez, nous venons d’apprendre que le gouvernement irlandais prépare une loi similaire.

Agde: le maire, la diseuse de bonne aventure et les culs nus

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Le Cap d'Agde, image d'archive © WITT/SIPA

Les récents déboires judiciaires du maire d’Agde (34) projettent une lumière crue sur la ville, dont une partie du territoire est minée par des activités sexuelles un peu sordides.


Madame Irma est canon !

Que se passe-t-il à Agde, ville méditerranéenne dont le maire vient d’être arrêté, accusé d’avoir utilisé de l’argent qui ne lui appartenait pas pour payer une prétendue diseuse de bonne aventure ventriloque qui l’avait apparemment ensorcelé ? Soupçonné d’avoir détourné 300 000 euros d’argent public, Gilles d’Ettore, ancien policier, maire LR d’Agde depuis vingt ans, a été placé en garde à vue pour « corruption passive, prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics », révèle Le Midi Libre. Aussi arrêtée : Sophia Martinez, qui ne ressemble pas du tout au stéréotype de la voyante mature un peu moche.

Les procureurs disent que Mme Martinez a admis avoir dupé d’Ettorre, 55 ans, avec des séances mettant en vedette sa voix projetée, depuis qu’ils se sont rencontrés en 2020. Sur l’insistance de la voix, le maire l’aurait inondée de faveurs financées par la municipalité, y compris le paiement de son deuxième mariage dans un château, l’octroi d’emplois au conseil à son mari et à cinq membres de sa famille, et la fourniture d’une voiture du conseil et d’un chauffeur.

« Protégez Sophia, protégez Sophia, prenez soin d’elle et de son peuple », aurait imploré la voix dans des appels téléphoniques réguliers au maire dans son bureau, a déclaré la police. « Sa stratégie consistait à modifier sa voix, y compris avec les membres de sa famille et ses amis proches », a déclaré Raphaël Balland, le procureur. « En utilisant cette voix masculine et rauque, elle a réussi à leur faire croire qu’ils parlaient avec un être surnaturel de l’au-delà », a-t-il ajouté.

Gilles d’Ettore n’est pourtant pas un idiot : il détient une maîtrise de la faculté de droit de Montpellier. Durant son parcours professionnel, il est inspecteur de police et lieutenant dans les renseignements généraux à Lyon de 1992 à 2000. D’Ettore s’est donc justifié auprès des enquêteurs, expliquant avoir été contacté par téléphone depuis l’au-delà… La voix entendue au bout du fil lui aurait demandé de faire des dons d’argent et de financer des projets… Confronté à la version de la voyante qui a avoué ses méfaits, l’élu a maintenu sa version : il assure avoir été contacté par des voix de l’au-delà et non pas par la médium, selon La Dépêche ! (Révélation complète : je connais le maire Gilles d’Ettore. Il s’est marié avec une fille du pays dans le parc de ma maison dans un village près d’Agde. Il a ensuite généreusement offert des stages à plusieurs de mes étudiants de l’université du Michigan.)

C’est quoi ce bordel ?

M. d’Ettore n’est pas seulement maire d’Agde, il est aussi président de l’agglomération locale et a siégé une fois à l’Assemblée nationale (député UMP 2007-2012). Le voilà en prison ! Il est probablement temps pour les autorités d’examiner attentivement la situation à Agde, et de ne pas limiter leurs efforts à l’incident bizarre de la diseuse de bonne aventure. Ils devraient prêter une attention particulière à l’énorme enclave naturiste du Cap d’Agde, une station balnéaire qui m’a été décrite dernièrement par un agent des forces de l’ordre local comme « le plus grand bordel d’Europe ».

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Le Cap d’Agde est réputé non seulement pour le libertinage débridé de la plage connue localement sous le nom de Baie des Cochons, mais aussi comme centre de prostitution, de pornographie ou de drogue. Pourquoi est-ce apparemment toléré ? Les habitants ont leurs soupçons et racontent des histoires qu’il serait judiciairement dangereux de répéter. Pendant la journée, la plage est connue pour ses exhibitions sexuelles nues. La nuit, le centre commercial abrite des boîtes de nuit. Les soupçons selon lesquels le quartier est infesté de gangsters sont renforcés par des actes de violence, dont des incendies criminels – que certains attribuent aux activités de racket de protection. Les enquêtes des autorités n’ont jamais été concluantes.

La tolérance y’a des maisons pour ça

Curieusement, il y a quelques années, lorsqu’un membre du conseil municipal d’Agde, Florence Denestebe, a osé soulever la question, le maire M. d’Ettore a refusé d’écouter et a fermement défendu le quartier naturiste comme étant essentiel à l’économie locale. Agde, qui compte 25 000 habitants, accueille 225 000 visiteurs par an, dont beaucoup se rendent sur les plages de nudistes.

Les visiteurs viennent du monde entier, mais les plaques d’immatriculation belges, allemandes et britanniques sont particulièrement bien représentées dans les parkings. C’est essentiellement sordide et hideux. Dans le Sunday Times de Londres, la journaliste Helena Frith Powell a décrit le Cap d’Agde comme un « village de vacances en béton sinistre ». Bâtie sur un marais dans les années 70, Agde a une réputation sulfureuse, depuis des décennies. Il y a cinq ans, Le Midi Libre rapportait l’existence d’une étude qui avait osé classer la ville comme la commune « la plus dangereuse de France » ! Une allégation alors démentie avec colère par le maire. Reste que, quand la conseillère municipale de l’opposition Florence Debeneste a défié le maire d’agir contre le quartier naturiste, elle s’est vue opposer une fin de non-recevoir ! Et pour des raisons inexplicables, les médias locaux ont adopté une attitude très tolérante à l’égard du fameux quartier naturiste. En 2005, le roman Les Particules Elémentaires de Michel Houellebecq en avait dressé un portrait peu reluisant. Roman auquel La Tribune de l’Hérault a répondu par un article largement à décharge : « Il ne nous appartient pas de juger le livre, la liberté d’expression tout comme la liberté sexuelle est un droit que nous ne nions à personne. Il serait toutefois utile de rappeler aux lecteurs que si ce type de pratiques sexuelles se développent et peuvent être considérées comme un véritable phénomène de société, le Cap d’Agde demeure une station de villégiature familiale. »

Le Midi Libre va plus loin et célèbre régulièrement le Cap d’Agde, avec des reportages annuels, richement photographiés, sur des vacanciers nus ! “C’est une chose de plonger dans la grande bleue sans maillot. C’est une autre paire de tongues que se balader les fesses à l’air dans le plus grand village naturiste d’Europe, et finalement du monde” s’enthousiasme la journaliste Annick Koscielniak. Cependant, une recherche dans les archives du journal révèle aussi toute une série de problèmes, y compris, plus récemment, des allégations d’agression contre trois vigiles employés à la station. L’affaire est en instance.

« Nos visiteurs y trouvent une multitude d’autres activités et de loisirs beaucoup plus consensuels et populaires » assurait en 2005 Patrick Vincent sur le site Hérault Tribune. « La micro-société « échangiste et libertine » est encore minoritaire dans un Village Naturiste où la pratique saine et familiale du naturisme est engagement de respect mutuel, excluant toute pratique qui pourrait nuire à autrui. L’amalgame et le raccourci qui peuvent être faits dans les médias pourraient être préjudiciables à terme, pour l’image de notre station, il serait bon d’en mesurer les effets » ajoutait-il.

Entre-temps, le Cap d’Agde est devenu plus sordide que jamais, selon un ami qui y travaille. Une recherche sur le terme « Agde » sur les sites pornographiques permet de s’en rendre compte. Il y a par exemple toute une micro-industrie qui filme la copulation publique à la Baie des Cochons… La longue suzeraineté du malheureux maire d’Ettore sur la ville touche vraisemblablement à sa fin, mais, étant donné que le Cap d’Agde est littéralement une vache à lait pour la ville, il est peu probable que les choses changent vraiment un jour, à moins que les autorités supérieures ne s’y intéressent enfin d’un peu plus près.

De la virilité au virilisme

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DR.

Enthousiasmé par les images du biceps présidentiel sur lequel court comme un serpent gonflé une veine céphalique digne des meilleurs jours de Sylvester Stallone, notre chroniqueur, lui-même grand consommateur de salles de musculation et d’exercices quotidiens au sac de sable, s’est lancé dans un rappel historique des figures emblématiques de l’Homme — avant-hier l’Hercule Farnèse, hier encore Arnold Schwarzenegger, et désormais Emmanuel Macron.


Longtemps l’homme a été simplement viril : c’était une sorte de pléonasme, puisque vir, en latin, c’est justement l’homme par rapport à la femme — et non homo, comme le croient les enthousiastes d’Olympes de Gouges, les féministes ignorantes et les LGBT.

Puis, les mœurs s’adoucissant, l’égalité des droits engendrant un homme nouveau à musculature faible, l’homme viril est devenu un gros macho, dérivation du latin masculus. Le machisme a remplacé la virilité, source de tant d’aberrations, nous a-t-on expliqué.

Brighelli, the Rock

L’intérêt de cette substitution, c’est qu’on pouvait être machiste tout en étant musclé comme un vélo de course. À la suprématie naturelle du muscle succédait la prétention cérébrale du mâle accroché à son service trois-pièces et à sa carte Gold ou Platinum. Le modèle masculin était soit un fifrelin, soit un gros tas — rappelez-vous cette pub Brandt des années 1970…


Arrive désormais le virilisme — qui comme tous les mots affublés de ce vilain suffixe dépréciateur, désigne le retour prétentieux de la belle brute blonde ou du minet surgonflé. D’ailleurs, la salle de musculation où je traîne chaque matin le corps admirable que m’ont légué mes parents (117 rue Sainte, 13007, venez m’y retrouver sur le coup de 8 heures, nous prendrons un café ensemble) est de plus en plus peuplée de jeunes gens qui s’y font des muscles époustouflants…

Bien sûr, l’apparition du virilisme ne signifie pas un retour en grâce de la virilité. Il marque juste une réaction aux excès de dévirilisation de ces trente dernières années. Le modèle était autrefois Humphrey Bogart ou Robert Mitchum, il est passé chez Stallone et autres stars bodybuildées, il s’exprime désormais chez des mâles cabossés, hier Bruce Willis ou Gerard Butler, aujourd’hui Dwayne « The Rock » Johnson. La vogue des super-héros ne dit pas autre chose.

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Et, désormais, Macron. Par la grâce de quelques clichés dus à la photographe officielle de Not’ Président, Soazig de la Moissonnière, nous savons à présent que le nouveau standard de la virilité réside au 55 rue du Fg Saint-Honoré, Paris 75008.
Bien sûr, cette mise en scène est à usage politique, tout comme les annonces guerrières d’il y a quinze jours. Virilisme et bellicisme se rejoignent dans leurs objectifs : non pas défier Poutine (judoka 8ème dan, mieux que Teddy Riner, qui n’en est qu’au 5ème) sur le terrain de la force, dont le président russe a usé et abusé — dans le pays de l’Ours, on révère les gros costauds —, mais se poser face à un RN qui gagnera les prochaines élections, provoquera la colère de tous les francs démocrates qui, comme leur nom l’indique, ne tolèrent pas un verdict des urnes, dégénèrera en émeutes… Et qui se dressera alors, dans sa stature de guerrier protecteur du peuple, pour revendiquer une troisième présidence ?

Corps de guerriers

À noter que ce n’est pas n’importe quel pan de la société qui exalte désormais le virilisme. Les jeunes des quartiers déshérités s’intéressent puissamment à la MMA, qui n’est pas exactement un sport de fillettes, et élèvent des autels à Cyril Gane. Ils se passionnent pour le body-building (ils savent, eux, qui sont Morgan Aste, Lionel Beyeke, Serge « The Black Panther » Nubret, Joël Stubbs ou Mohamed Makkawy). Et nombre de garçons empâtés au McDo s’inscrivent dans les salles de musculation.
C’est même, à en croire un document officiel envoyé à tous les enseignants du rectorat d’Aix-Marseille, et probablement aux autres, l’un des signes auxquels on repère l’éventuelle radicalisation. L’un des « cas » analysé dans ces documents commence ainsi :
« Le jeune X est élève en classe de 3e. D’ordinaire ponctuel et assidu, il commence à avoir des absences de plus en plus régulières. Ses amis avec qui il a de moins en moins de contacts l’aperçoivent avec des « grands » qui viennent le chercher à la fin des cours.
Depuis quelque temps, il s’est affûté et il passe du temps à faire des exercices physiques. »

Le jihad commence par un combat face à soi-même pour se forger un corps de guerrier. À noter que d’autres jeunes, à idéologie inverse, s’inscrivent, eux, à des stages de krav-maga. Nous sommes sur une mauvaise pente où chacun se prépare à une guerre civile — et plus si affinités.

Le virilisme est l’expression de cette hyper-virilité. Chez Macron, cela relève de l’obsession narcissique, utilisée comme marqueur d’une force supposée. Chez d’autres, c’est le début d’une formation spartiate à la guerre. Dans tous les cas, c’est le marqueur d’un renversement de perspective : l’homme féminisé, le doux écolo, l’amateur de médecines douces et de nouvelles mobilités, a peut-être vécu : sur sa gauche comme sur sa droite, le guerrier renaît.

Défense de la continuité historique française

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DR.

Dans la veine de ses tribunes publiées dans Causeur1, l’avocat toulousain Wilfried Kloepfer aborde dans son petit opuscule la question du wokisme, analyse la contestation du principe de laïcité et questionne la problématique du « gouvernement des juges »… Réussi.


Wilfried Kloepfer, docteur en droit spécialiste en droit public, nous livre dans un court et brillant essai une analyse qui pour être pessimiste, n’en est pas moins lucide. La cancel culture a pris le pouvoir en France et cette idéologie met en péril la culture chrétienne de nos ancêtres et est à l’origine de bien des maux : dénonciation du mâle hétérosexuel blanc, islamo-gauchisme, laïcité mal comprise et communautarisme, puisque si l’on peut intégrer des individus, on n’intègre pas des peuples.

Souveraineté de l’interprète

Le problème du « gouvernement des juges » n’arrange pas la situation : le Conseil constitutionnel a réussi à s’émanciper depuis 1974 de sa mission originelle, en décidant par exemple en 2018 la valeur constitutionnelle du « principe de fraternité » sans tenir compte de la régularité de séjour sur le territoire national… Le juge est donc alors seul maître de ses décisions, ce que l’auteur nomme « souveraineté de l’interprète », qui devient créateur de normes en créant un précédent. C’est ainsi que l’on n’a pas pu refouler vers Sfax les migrants de Lampedusa en vertu d’une jurisprudence de la CEDH, et qu’une fois en Italie, ils pouvaient librement franchir la frontière française. Sur la question des transgenres, on a vu également quelques aberrations…

A lire aussi, Jean-Baptiste Roques: Conseil d’État, Conseil constitutionnel: le coup d’étau permanent

Depuis quelques années, les juridictions n’hésitent plus à « judiciariser » la sphère politique au détriment du secret professionnel de l’avocat. L’affaire Bismuth et celle des « fadettes », sans oublier le fameux « mur des cons » ont mis en évidence les positions du Syndicat de la Magistrature et leur emprise sur les politiques.

Quand touchera-t-on enfin le fond pour pouvoir remonter ?

Comment remonter la pente ? L’auteur nous donne une lueur d’espoir en rappelant que ce n’est pas la première fois dans l’histoire que notre pays tutoie l’abîme : Guerre de Cent ans, guerres de religion, Révolution de 1789 et occupation allemande ont montré qu’une résistance pouvait tout sauver. Encore faudrait-il que les parents et les instituteurs enseignent aux jeunes les raisons d’aimer la France, en désignant les vrais ennemis de son identité sans se tromper d’adversaire en vouant perpétuellement le RN aux gémonies, ce qui du reste ne fonctionne pas si bien, à en croire les sondages. J’entends déjà son pas dans l’escalier…

Wilfried Kloepfer, Le Droit à la continuité historique, Vérone Editions.

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  1. https://www.causeur.fr/author/wkloepfer ↩︎

Inédit de García Márquez: bref et somptueux

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Gabriel Garcia Marquez photographié à Guadalajara au Mexique en 2008 © Miguel Tovar/AP/SIPA

La lecture du court roman posthume de l’écrivain colombien laisse une impression de parfaite satisfaction.


Cela fait dix ans que Gabriel García Márquez s’est éteint à Mexico, après avoir écrit une œuvre considérable, couronnée par le prix Nobel de littérature en 1982. Et voilà que ses ayants droit nous offrent un bref roman inédit de lui, présenté presque comme un fond de tiroir qui aurait été mis de côté en attendant des jours meilleurs… Or, ce texte, écrit à la fin de sa vie, est un petit bijou littéraire dans lequel García Márquez a comme synthétisé toute sa science romanesque, acquise au fil de sa vie ! Autant dire qu’il s’agit là d’une prose essentielle, qui introduit de manière somptueuse à tout un pan de la littérature latino-américaine dont García Márquez fut le chantre génial.

Un portrait de femme

En une centaine de pages, le romancier colombien dresse le portrait psychologique et amoureux d’une femme très belle, Ana Magdalena Bach, âgée d’une quarantaine d’années et professeur (sans doute de littérature). Ana Magdalena a pris l’habitude de se rendre chaque année, au mois d’août, dans une île touristique de la mer des Caraïbes, afin de déposer sur la tombe de sa mère, qui y est enterrée, un bouquet de glaïeuls. Elle accomplit ainsi avec régularité une sorte de pèlerinage, ponctué de rituels précis. Selon les circonstances du moment, elle s’arrange pour séduire un homme, si possible un mâle accompli, et passer avec lui la nuit à l’hôtel. Puis elle rentre chez elle, dès le lendemain matin, comme si de rien n’était, laissant son mari dans l’ignorance des détails de son périple mémoriel.

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Ces visites sur l’île finissent par provoquer des changements dans sa personnalité, imperceptibles au début, mais de plus en plus manifestes ensuite.García Márquez décrit par exemple ainsi l’indifférence grandissante de son héroïne vis-à-vis de son monde quotidien, au retour de l’île : « Aussitôt entrée sous son toit, à cinq heures du soir, elle découvrit à quel point elle commençait à se sentir étrangère aux siens. » Le culte qu’Ana Magdalena voue une fois l’an à sa mère, agrémenté de la rencontre avec un inconnu, la transporte dans une dimension spirituelle qu’elle découvre petit à petit. Sous la plume de García Márquez, l’inlassable répétition du même que vit Ana Magdalena devient un cérémonial païen, comme inspiré du chamanisme et spécifique à cette terre sauvage.

Une vie nouvelle

García Márquez insiste sur l’aspect purement érotique des rencontres d’Ana Magdalena avec ses amants d’une nuit. Tout se passe comme si cela aussi était un rite initiatique digne des anciens mystères, qui allait la transformer et la faire renaître à une autre vie. García Márquez évoque par exemple ainsi ces séances amoureuses : « ils se livrèrent ensemble au plaisir inconcevable de la force bestiale subjuguée par la douceur ». Quand elle retrouve ensuite son mari, Ana Magdalena ne peut s’empêcher de se sentir détachée de lui, surtout lorsqu’il lui révèle qu’il l’a trompée au moins une fois avec une Chinoise à New York. Elle en éprouve une douleur intense, un goût de mort.

García Márquez analyse avec une fulgurante précision les états de conscience d’Ana Magdalena, et fait montre, au fil de la plume, d’une compréhension profonde pour l’âme féminine. Ce qui l’intéresse, en somme, c’est la part de l’éternel féminin qui s’incarne ici, de manière complexe et universelle, en cette femme à la recherche d’elle-même, hantée par la solitude et la mort, comme nombre de personnages de García Márquez.

Retrouver la mère

Dans les derniers chapitres du roman, la vie d’Ana Magdalena vire de bord. Sur l’île, elle a trouvé une voie vers davantage de liberté intérieure et d’autonomie : « la leçon, écrit García Márquez, ne laissait place à aucun doute : il était absurde d’attendre une année entière pour soumettre au hasard d’une nuit le restant de ses jours ». Ana Magdalena est particulièrement réceptive à l’idée d’un message que lui enverrait sa mère d’outre-tombe. Ce qu’elle voudrait, c’est perpétuer sa mère à travers elle-même, accomplir complètement ce que sa mère a commencé à vivre et qu’elle ne connaît pas encore vraiment, mais qui désormais, soupçonne-t-elle, se trouve être partie intégrante de sa personne.

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« Quand elle sortit du cimetière, Ana Magdalena Bach était une autre femme », peut écrire García Márquez. En si peu de pages, celui-ci réussit à montrer l’évolution décisive de son personnage de femme. D’où l’impression de parfaite satisfaction que laisse ce roman. Ce texte posthume est l’occasion, pour l’auteur de Cent ans de solitude, de nous livrer de manière définitive sa vérité sur les êtres humains et, en même temps (c’est la même chose), sur la littérature, et tout ceci à travers la description de la psyché féminine, comme si là était la clef de l’univers.

García Márquez, Nous nous verrons en août. Traduit de l’espagnol (Colombie) par Gabriel Iaculli. Éd. Grasset.

Nous nous verrons en août: Roman

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Jeux Olympiques: et si l’on séparait sport et politique?

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A Paris, la place de la Concorde se prépare à accueillir les Jeux olympiques, 28 mars 2024 © Houpline Renard/SIPA

Paris n’échappera pas à cette règle des jeux : le monde entier cherchera à pousser son agenda politique dans la capitale française cet été. Malheureusement.


Rien n’est sans doute plus politique que le sport, fors la politique elle-même. Pourtant, rien ne devrait plus échapper à celle-ci que les joutes sportives. Tandis que nous espérons voir briller les Jeux Olympiques par les performances des athlètes, certains entendent déjà s’accaparer la grand-messe quadriennale pour faire avancer leur propre agenda.   

L’histoire regorge de ces épisodes où sport et politique n’ont, pour le meilleur et pour le pire, fait qu’un. Les Jeux, ce moment hors du temps durant lequel la compétition est portée à son acmé, n’ont jamais échappé à la règle : on se souvient du triomphe remarquable de Jesse Owens, en 1936 à Berlin, devant Adolf Hitler, des JO de 1980 à Moscou tenus en l’absence d’athlètes américains et issus de pays… musulmans suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique et, une olympiade plus tard, de ceux de Los Angeles boycottés par les Russes qui organisèrent en réaction des Jeux de l’Amitié, du poing levé de Tommie Smith et John Carlos à Mexico ou encore de l’attentat perpétré contre la délégation israélienne lors des Jeux de Munich par l’organisation terroriste Septembre noir.

D’autres imbrications politico-olympiques sont moins connues, mais également chargées d’une puissante symbolique : les Finlandais concoururent sous leur propre bannière – mais sans drapeau ostensible – et non plus sous celle de l’Empire russe en 1908 ; la déchirure d’un empire austro-hongrois en capilotade se fit béante lorsque les deux délégations défilèrent séparément à Stockholm en 1912 ; a contrario, un semblant de rapprochement entre les deux Corées se fit lorsque leurs athlètes respectifs défilèrent ensemble lors des Jeux d’Hiver de 2018 à Pyeongchang ; les Pays-Bas et l’Espagne refusèrent de se rendre aux Jeux de 1956 pour protester contre la présence d’athlètes soviétiques après l’invasion de Budapest.  

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Les JO de Paris n’échapperont pas à la règle. Les voix des traditionnels islamo-gauchistes se lèvent aujourd’hui pour faire participer les athlètes israéliens sous bannière neutre, de la même manière que doivent le faire leurs homologues russes, déjà déclarés sportivement apatrides… depuis la mise au jour d’un système de dopage organisé dans leur pays. Si on peut se réjouir que les sportifs de ces nations puissent prendre part à la fête du sport, on peut regretter la grande hypocrisie, tant personne n’est dupe, entourant l’affichage ou non de la nationalité des athlètes engagés. Surtout, à l’allure olympique avec laquelle les wokistes effacent, quelle nation est à ce point irréprochable qu’elle échappera à l’invisibilisation ?

Le procédé de l’ostracisation n’est pas nouveau : deux ans après la fin de la Grande Guerre, les perdants furent exclus des  Jeux d’Anvers où, pour la première fois, flotta le drapeau olympique ; en 1948, au lendemain d’un conflit encore dans tous les esprits, les forces de l’Axe, Allemagne et Japon, furent priées de ne pas se rendre à Londres ; l’Afrique du Sud a quant à elle été exclue de la compétition planétaire de 1964 à 1992 en raison de la politique d’apartheid qui sévissait alors dans le pays… 

Le sport antique prévoyait une cessation du conflit durant les agônes (événements sportifs) et les Jeux olympiques. Leur adaptation moderne a quant à elle souvent été prise en tenaille entre ambitions sportives et considérations politiques (voire impératifs moraux). Si l’on n’abordera pas ici la tentative d’Emmanuel Macron de faire main basse sur l’événement planétaire pour masquer son bilan calamiteux en bien des domaines, on peut craindre que les Jeux soient désormais pris en otage par l’idéologie. Pour les associations militantes (climatiques, pro-palestiniennes, LGBT…), il n’y a pas de trêve olympique et on les imagine déjà faire des JO de Paris leur terrain de jeu, alors que nous aimerions tant qu’il soit uniquement celui des athlètes. Espérons dès lors que les Jeux de 2024 soient marqués par l’émergence de dignes successeurs aux grands champions que furent Paavo Nuurmi, Emil Zatopek, Larissa Latynina, Michael Phelps ou encore Usain Bolt. Et, au moment où sera allumée la vasque, par Marie-José Pérec et/ou un(e) autre athlète, que place soit faite au sport. Et rien qu’au sport.

La cage aux fols

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Mémorial de la victime ayant la double nationalité allemande et philippine, tuée à coups de couteau à Bir Hakeim le 2 décembre 2023. Deux autres personnes ont été blessées ce jour-là © CARON/ZEPPELIN/SIPA

Tous les « fous de Dieu » ne sont pas des assassins. Car toutes les religions ne commandent pas de tuer les impies. À cette nuance, oubliée des Occidentaux, s’ajoute désormais le « trouble psychiatrique » associé aux terroristes islamistes. De quoi enterrer l’origine du problème.


Alors que d’autres attaques au couteau ont eu lieu depuis l’attentat terroriste du Pont-Bir-Hakeim, à Paris, on continue de parler, pour désigner ces meurtriers, de « fous de Dieu » – souffrant par ailleurs de troubles psychiques, c’est désormais un cas d’école. Si tout le monde s’accorde à penser qu’un traitement médical aurait évité le passage à l’acte au Pont-Bir-Hakeim – rien de tel qu’une camisole chimique pour museler les fanatiques ! –, la polémique s’emballe dès lors qu’un trouble psychique est instrumentalisé pour faire diversion et occulter la réalité : l’islamisme radical tue et ne demande qu’à continuer, comme l’ont rappelé les dirigeants du Hamas bien déterminés à recommencer, et même à améliorer leurs performances macabres.

À petites doses

L’extrémisme religieux serait-il en soi une maladie mentale, difficilement curable comme le prouve l’échec de la « déradicalisation » ? Une pathologie psychique en tout cas, échappant au radar intellectuel des Occidentaux qui, lorsqu’ils ne sont pas athées, se font de la religion une idée plus consensuelle en accord avec les valeurs humanistes et républicaines. Mais choisit-on de suivre inconditionnellement Allah, le Christ ou Bouddha comme on entre dans une organisation humanitaire ?

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Pas d’engagement religieux sans une certaine dose de « folie », puisqu’en se détournant des biens de ce monde au profit de nourritures spirituelles, on inverse les rapports communément établis entre démence et sagesse, normalité et pathologie. C’est bien en ce sens la « folie de la Croix » que saint Paul fraîchement converti prêcha aux Corinthiens : « Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (1 Cor. 25). Que de comportements étranges, que d’extravagances les religions n’ont-elles pas provoqués, sinon toujours approuvés ! Étaient-ils vraiment « normaux », ces ermites revenus à l’état quasi sauvage qui peuplaient les déserts du Proche-Orient au début de l’ère chrétienne, ou ces « fol-en-Christ » arpentant la steppe russe tout en récitant continûment la prière du cœur ? Ne le sont pas davantage les yogis méditant des années durant dans des grottes obscures sur les hauts plateaux himalayens, ou les adeptes de la « folle sagesse » tantrique. Et que dire des mystiques extatiques, des moines errants (gyrovagues), des ascètes émaciés au regard brûlant ! Empédocle, Socrate, Diogène n’étaient-ils pas eux aussi des « fous » pour avoir écouté la voix qui les incitait à défier la normalité de leur temps ? Aucun d’entre eux n’aurait pourtant imaginé attenter à la vie d’autrui avec la cruauté barbare des islamistes radicaux.

Croire n’est pas être malade mental

Quelle certitude intérieure faut-il par ailleurs avoir acquise pour préférer le martyre au reniement de sa foi ? Les premiers chrétiens livrés aux lions tout comme les cathares montant au bûcher furent à cet égard des « résistants », aussi inébranlables que certains maquisards et méritant, comme eux, notre considération. Un martyr (du grec martus, témoin) est d’abord un croyant qui, tel Hallâj en terre d’islam[1] ou les trois Hébreux dans la fournaise (Livre de Daniel), témoigne de la gloire de Dieu au milieu des pires supplices, et non une brute sanguinaire maniant le couteau ou la kalachnikov tout en rêvant aux vierges qu’il déflorera une fois arrivé au paradis d’Allah. S’il est vrai qu’on ne peut pas grand-chose contre un individu prêt à perdre la vie pour une cause qu’il juge légitime, on peut au moins n’être pas dupe du coup de force perpétré par les islamistes défigurant par la terreur le sens spirituel du martyre. Que les Occidentaux se fassent aujourd’hui une tout autre idée de la pratique religieuse ne les rend que plus démunis face à cet extrémisme sanglant ; incapables qu’ils sont par ailleurs de valoriser ce qui, dans leur héritage spirituel, leur permettrait de sympathiser avec certains aspects de la « folie » religieuse, dès lors qu’elle est inoffensive, et témoigne d’une liberté d’esprit et d’un choix de vie que la « normalité » technocratique et consumériste tend à faire disparaître.

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L’erreur serait donc de conclure, au vu des exactions islamistes, qu’il faut en finir avec toute pratique religieuse sous prétexte qu’elle s’apparenterait de près ou de loin à une maladie mentale et conduirait tôt ou tard à commettre des actes inhumains, comme on a cherché à le démontrer au xixe siècle au nom du rationalisme et du scientisme qui avaient alors le vent en poupe. Ce fut le temps des grandes critiques de la religion, et des diagnostics sans nuances sur la « mort de Dieu » (Nietzsche), « l’opium du peuple » (Marx) ou la névrose religieuse (Freud) que la psychanalyse permettrait de guérir. Mais on a déchanté depuis, et les exécutions de masse commises au nom de telle ou telle idéologie – Camus parle dans L’Homme révolté de « meurtre logique » – ont été, au xxe siècle, suffisamment nombreuses et monstrueuses pour n’être pas imputables à la religion, même si l’on peut parler en la circonstance d’une « religion » de la Raison, de la Science ou du Parti. Toutes les idéologies mortifères à cet égard se ressemblent et les crimes de Staline, d’Hitler ou de Pol Pot n’ont rien à envier aux massacres commis au nom de Dieu.

Annecy, 8 juin 2023 © Mourad ALLILI/SIPA

On sait en tout cas aujourd’hui qu’il est un usage fanatique de la rationalité qui ne nous sauvera pas de la religion lorsqu’elle est elle-même devenue folle, et déshonore ce qu’il peut aussi y avoir en elle de « folie » respectable. La clé du conflit avec l’islamisme n’est donc pas politique, mais culturelle et spirituelle ; les responsables politiques ne pouvant au mieux qu’accompagner et soutenir une décision collective d’insoumission radicale prise à la fois au nom de la liberté de conscience et de la confiance en une vie spirituelle qui ne tue pas, ne viole pas et s’enrichit des comportements divers et variés à travers lesquels chaque être humain est en droit de vivre sa relation personnelle à ce qui le dépasse.


[1] Louis Massignon, La Passion de Hallâj : martyr mystique de l’islam, Gallimard, 1990.

De l’honnêteté d’informer

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Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), est l’invité de l’émission « L’heure des pros » sur CNews, 15 février 2024. DR.

L’arrêt du Conseil d’État va à rebours de la doctrine de l’Arcom et des jurisprudences française et européenne : plus il y a de supports médiatiques, moins leur liberté éditoriale doit être bridée. Seules les chaînes de service public, tenues par le principe de neutralité, doivent refléter tous les courants d’opinion.


Le 13 février dernier, le Conseil d’État a jugé que, pour vérifier le respect de l’obligation de pluralisme de l’information par une chaîne de télévision (en l’espèce CNews), l’Arcom ne devait pas se limiter à veiller à une répartition équitable des temps de parole des personnalités politiques, mais également prendre en compte les interventions de l’ensemble des participants aux programmes, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités. Le Conseil d’État impose ainsi une exigence de « pluralisme interne » incontrôlable, infondée et préjudiciable à la liberté éditoriale.

On peut s’étonner que d’éminents juristes amalgament les différentes dimensions du pluralisme, sans distinguer pluralisme de l’information et honnêteté de l’information, ni articuler pluralisme interne et pluralisme externe[1].

L’arrêt va à rebours de la doctrine constante de l’autorité de régulation de l’audiovisuel comme de la jurisprudence française et européenne. Cette doctrine et cette jurisprudence sont de bon sens : plus s’exerce le pluralisme externe (et c’est l’enjeu des appels à candidature conduits par l’autorité de régulation), moins doit être bridée la liberté éditoriale.

Ainsi, dans son arrêt NIT c. Moldavie du 5 avril 2022,la Cour européenne des droits de l’homme juge que « les dimensions du pluralisme interne et externe doivent se combiner »et que, dans le cadre d’un régime national de licences, un manque de pluralisme interne peut être compensé par l’existence d’un pluralisme externe effectif. C’est le cas si l’autorité derégulation fait en sorte que« les programmes offerts au public, considérés dans leur ensemble, assurent une diversité qui reflète la variété des courants d’opinion qui existent dans la société ». L’arrêt du 13 février 2024 rompt également avec la propre jurisprudence du Conseil d’État, qui combinait jusqu’ici libéralement pluralisme et liberté éditoriale : n’a-t-il pas, par exemple, jugé impossible d’imposer à une radio exprimant un courant de pensée particulier d’ouvrir son antenne à d’autres courants (27 novembre 2015, Radio Solidarité) ?

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L’exigence de « pluralisme interne » est inadaptée à un environnement marqué par la multiplication des supports par voie terrestre, satellitaire et en ligne, ainsi que par la réception de chaînes étrangères. Aujourd’hui, la pluralité des supports permet le pluralisme externe, et donc l’existence de chaînes portant un courant d’opinion comme CNews. Dans ce nouvel environnement, on ne peut exiger de chaque service de communication audiovisuelle, sauf d’une chaîne de service public tenue par le principe de neutralité, qu’il respecte le « pluralisme interne », c’est-à-dire que ses programmes reflètent toute la diversité des courants de pensée et d’opinion.

Ce qu’impose la loi à une chaîne, c’est que l’information soit honnête (elle ne doit être ni falsifiée ni tronquée) ; que certains sujets soient traités ; que la couverture des campagnes électorales et la répartition des temps d’antenne entre personnalités politiques soient équitables. Chaque opérateur doit en outre respecter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (qui prohibe l’injure, la diffamation, l’incitation à la commission d’infractions ou la provocation à la haine contre un groupe de personnes). C’est déjà contraignant pour les opérateurs et difficile à contrôler pour l’Arcom. Aller au-delà serait contraire à la liberté éditoriale comme à l’esprit du « Media Freedom Act » en cours d’élaboration à Bruxelles.

Comment alors expliquer l’embardée que constitue la décision du 13 février 2024 ? Selon moi, par un biais cognitif. Le « populisme » est devenu le mauvais objet obsessionnel de ce petit milieu socioculturel moralisateur auquel appartiennent la plupart des gens de médias et une partie des membres du Conseil d’État. Même si sa part d’audience ne dépasse pas 3 % aux heures de grande écoute, CNews dénature, selon eux, la liberté de communication en flattant les préjugés populaires et en transformant des faits divers en faits de société. Dans cette « reductio ad extremam dextram » fantasmatique, le groupe Bolloré est un diable contre lequel il est urgent de pratiquer un exorcisme. Le droit a donc été instrumentalisé pour prononcer le vade retro. Mais c’est raté.

Autre question : comment sortir de l’impasse dans laquelle nous enferme (et s’enferme) le Conseil d’État ? Deux voies sont envisageables.

Une première consisterait à interpréter de façon « neutralisante » la décision du Conseil d’État. Elle est résumée, dans ses propos à La Tribune, par Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom : l’autorité de régulation considérerait qu’il ne lui est pas demandé de comptabiliser chacun des intervenants. Il n’y aurait de catalogage ni des journalistes ni des invités. L’Arcom, rappelle salutairement son président, « n’est ni une police de la pensée, ni un tribunal d’opinion. La loi de 1986 est d’abord une loi de liberté, qui consacre la liberté de communication et la liberté éditoriale ». L’Arcom n’en devrait pas moins, pour l’exécution de l’arrêt du 13 février, porter une appréciation globale sur le pluralisme de l’ensemble des programmes. C’est confier encore à l’Arcom un rôle– qu’elle récuse à juste titre– de surveillance de la pensée et s’exposer à l’arbitraire (comme toujours lorsqu’on demande à des hommes de contrôler les opinions d’autres hommes).

Une voie plus satisfaisante, mais plus radicale, serait d’inscrire explicitement dans la loi de 1986 le principe selon lequel chaque éditeur de service de communication audiovisuelle détermine librement sa ligne éditoriale et choisit librement les personnes qui interviennent sur son antenne.Et que l’exigencede pluralisme politique interne s’entend de la répartition équitable des temps d’antenne alloués aux personnalités représentant les formations politiques. Resterait exigé,en tout état de cause,lerespect de l’honnêteté de l’information dans chaque émission.


[1] Le pluralisme externe, c’est la diversité des chaînes de télévision ou des titres dans les kiosques à journaux. Le pluralism einterne, c’est la diversité des opinions sur les plateaux d’une même chaîne ou dans une même salle de rédaction.