Accueil Politique Éric Zemmour: «Comment nier que le prénom puisse être un sujet politique?»

Éric Zemmour: «Comment nier que le prénom puisse être un sujet politique?»

Entretien avec Eric Zemmour


Éric Zemmour: «Comment nier que le prénom puisse être un sujet politique?»
Eric Zemmour photographié à Paris, 29 février 2024 © J.E.E/SIPA

Il n’aura pas eu le dernier mot. Après sa condamnation en appel dans le procès qui l’opposait à Hapsatou Sy, Éric Zemmour n’en démord pas: donner un prénom français à son enfant, c’est faire un pas vers la France. « À travers moi, ce sont des millions de Français que l’on veut faire taire ». Il regrette surtout qu’un débat sur l’assimilation se termine par une condamnation au tribunal, et dénonce un harcèlement judiciaire à son encontre qui s’accélère depuis qu’il s’est attaqué à la politique. Enfin, il nous explique qu’il n’est pas fâché avec Marion Maréchal, et en quoi il vaut mieux selon lui voter pour la liste de cette dernière que pour celle de Jordan Bardella.


Causeur. Le Corinnegate vous vaut une nouvelle condamnation pour injure à caractère raciste. Allez-vous vous pourvoir en cassation ?

Eric Zemmour. Oui, sait-on jamais : certains juges peuvent faire du droit et pas de la politique ! Il y a aujourd’hui 155 000 Corinne en France. Elles seront ravies d’apprendre que leur prénom est devenu une « insulte pour la France » et une « injure raciale » grâce à Madame Hapsatou Sy.

Ne pouviez-vous pas lui dire la même chose de façon plus légère ? Vous avez renvoyé à Hapsatou Sy son terme, « insulte pour la France », au sujet de son prénom, n’était-ce pas un peu violent ?

J’ai démontré que les parents d’Hapsatou Sy avaient enfreint la loi, encore en vigueur au moment de sa naissance, en nommant leur fille Hapsatou. Enfreindre la loi d’un pays c’est l’insulter. Je ne compte absolument pas m’excuser. Une vérité, même condamnée par des juges politisés, reste une vérité.

Au demeurant cette affaire de prénoms ne vous porte pas chance. Beaucoup de gens qui vous apprécient sont très hostiles à l’idée d’une loi sur les prénoms. Franchement, croyez-vous que la France de 2024 est prête à revenir à la tradition napoléonienne et à laisser l’Etat se mêler des prénoms de ses enfants ?

C’est un débat important, mais qui n’avait rien à faire dans une cour de justice. Quand la justice est au service de la politique, c’est que notre régime prend une pente dangereuse.

Cela vous permet au moins de me reparler du fond de l’affaire : l’assimilation. Comment peut-on parler d’assimilation sans parler de l’élément premier de votre identité qui indique immédiatement dans quel univers culturel vous avez été élevé ? Il n’y a qu’à voir à quel point le fait de révéler ou non le prénom des mis en cause dans certaines affaires est un sujet hautement sensible. Comment nier que le prénom puisse être un sujet politique ?

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Ce que me répond Hapsatou Sy dans cette émission est d’ailleurs révélateur[1]. Elle me dit : « vous voudriez que ma mère me donne un prénom comme Marie, qui ne lui inspire rien ? » Voilà tout le problème : notre histoire n’inspire rien à toute une partie de la population que nous avons accueillie généreusement. Je ne reproche pas aux gens de se nommer comme ils se nomment, je dis aux futurs parents que donner un prénom français à son enfant, c’est faire un pas vers la France. Le nom de famille et le deuxième prénom rappelleront vos racines et vos origines. Mes ancêtres ont fait cet effort, comme les Espagnols, les Italiens, les Portugais, les Arméniens, les Asiatiques, les Libanais, et tant d’autres. Pourquoi les nouvelles vagues en seraient incapables ?

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En dehors de ce cas, vous êtes, comme le remarque Libération avec une joie non dissimulée un habitué de la 17ème avec déjà quelques condamnations définitives. Êtes-vous victime d’un acharnement judiciaire ? Ne croyez-vous pas que votre langage est parfois trop cru et inutilement blessant ?

En 12 ans, j’ai été trainé 12 fois devant les tribunaux. Depuis deux ans ce n’est plus une attaque par an, mais presque une attaque par mois. Oui, cela s’appelle un harcèlement judiciaire et il s’accélère depuis la campagne présidentielle.

À travers moi, ce sont des millions de Français qui sont d’accord avec les propos qu’on me reproche que l’on veut faire taire. Ce langage cru, c’est le langage libre que les Français attendent : on meurt de tout édulcorer, de mentir et de louvoyer depuis trop longtemps. Faites un sondage sur mes propos et demandez combien de Français sont d’accord avec ce qui m’a valu d’être condamné… Vous seriez surprise du résultat, quand on sait que la justice est rendue « au nom du peuple français ». D’ailleurs regardez la loi qui vient de passer à l’Assemblée dans le silence des oppositions : une loi pour censurer les propos privés ! Après moi, ce sera au tour des Français si on se laisse avoir.

Dans plusieurs cas, ce qui vous a valu d’être condamné, c’est de dire « les » (les migrants, les musulmans) plutôt que « des » ou « beaucoup » ou « une forte proportion » etc… Vous allez me dire que pour penser, il faut généraliser, mais en mettant tout un groupe dans le même sac, vous oubliez que des individus peuvent échapper au groupe, nous en connaissons des tas d’exemples.

Oui, bien sûr, je suis entièrement d’accord avec vous. J’ai souvent répété cette phrase de Benjamin Constant : « tout est moral chez les individus, tout est physique dans la masse ». Parce que je suis de culture judéo-chrétienne, je crois en la personne humaine et en l’émancipation individuelle. J’aimerais que davantage se détachent de leurs déterminismes et ce n’est pas ma faute si toutes les enquêtes d’opinion montrent que la masse ne s’en détache pas. Gardons une autre notion chrétienne : l’espérance !

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Vous êtes contre les lois mémorielles. Mais pensez-vous que la liberté d’expression devrait être totale (ce qui n’existe nulle part dans le monde) ? Avez-vous envie de vivre dans un monde où on peut publiquement clamer sa haine des juifs, des noirs ou des coiffeurs ? Une société peut-elle se passer d’interdits en matière de parole publique ?

Entre le zéro et l’infini, il y a toutes les nuances possibles. Je vous donne un exemple : aux États-Unis, il n’y a pas de loi qui censure la liberté d’expression, et c’est le pays où, par exemple, les juifs sont le plus en sécurité. En France, on censure tout et l’antisémitisme est plus important chaque année chez certains. La gauche ment effrontément sur les résultats concrets de sa stratégie de censure permanente : ils sont catastrophiques.

Puisque je vous tiens, j’en profite. Que se passe-t-il avec Marion Maréchal ? Sur quoi porte votre différend ? Et ne dites pas qu’il n’y en a aucun, quand les médias brodent, c’est toujours à partir d’un bout de vérité.

Le bout de vérité sur lequel ils brodent, c’est ce que j’aime le plus au monde: le débat ouvert et la confrontation libre des idées. Chez Reconquête, tout le monde n’est pas d’accord sur tout et tout le temps, et je nous en félicite. Marion et moi, partageons l’essentiel des convictions : c’est pour cela qu’elle m’a rejoint. Mais il y a des journalistes qui sont des petites natures. Il suffit qu’une rumeur de discussion un peu animée leur parvienne pour qu’ils s’écrient : c’est l’apocalypse ! Et comme les journalistes n’ont rien à dire, ils adorent s’imiter les uns les autres. Leurs gesticulations dans le vide bondissent d’une rédaction à l’autre comme la puce change de chien. Le journaliste qui a lancé cette affaire devrait travailler en Corée du Nord : il a vu un scandale où il y avait de la démocratie. Avec Marion, nous sommes deux personnalités fortes, et c’est pour cela que nous nous entendons et que nous convaincrons ensemble le maximum de monde le 9 juin !

Marion Maréchal et Eric Zemmour, Paris, 10 mars 2024 © EMMANUEL DUNAND / AFP

D’après Le Point, certains « marionistes » disent que vous êtes trop présent dans la campagne. Est-ce votre avis ? Après tout, c’est elle la tête de liste…

Je ne sais pas qui sont les « marionistes », mais je sais que ce n’est pas Marion. Elle compte sur moi comme je compte sur elle pour mener l’offensive sabre au clair, avec tout le panache dont elle est capable. C’est parce que je crois en elle que je l’ai choisie pour mener la grande bataille des européennes. Et elle peut compter sur moi pour contre-attaquer chaque fois qu’elle sera prise pour cible.

J’ai analysé la vie politique pendant 30 ans. J’en ai connu des chefs qui lâchaient leurs lieutenants. Qui attendaient leur défaite les bras croisés et parfois même en se frottant les mains.  Eh bien ce n’est pas mon genre ! Moi je me mouille, je vais à la bataille parce que je suis comme ça. Je suis allé aux législatives avec mes troupes, je soutiens Marion aujourd’hui à 100%. Je suis derrière elle. Et s’il faut prendre des coups pour que Reconquête soit au plus haut le 9 juin, je les prendrai. C’est mon caractère, c’est mon parti et les gens me font confiance pour ça.

Pourquoi un électeur devrait-il plutôt voter pour vous que pour la liste Bardella ?

Pour envoyer des députés français qui pèseront, qui travailleront et qui se battront au Parlement européen. Pour donner de la force à Reconquête, un jeune parti qui vient de naître et a beaucoup d’ambition pour la France. Pour défendre ses convictions : nous sommes les seuls à lutter à la fois contre l’islamisation du pays, contre le wokisme et pour une économie de droite.

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[1] « Les Terriens du dimanche », émission de Thierry Ardisson, C8, septembre 2018 NDLR.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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