Autant vous le dire de suite, les sifflets dont a été l’objet Frédéric Mitterrand ce samedi à la Fête de l’Huma m’ont profondément attristé.
Vous me connaissez, loin de moi l’idée qu’une personnalité officielle soit, es qualités, intouchable. Le lazzi est une forme de communication politique ancestrale, il appartient à notre patrimoine politique, il nous renvoie, bienheureusement, au temps d’avant les dircom. J’aime qu’on dise leur fait à tous, y compris aux plus puissants, et en retour, je ne suis pas de ceux qui s’étouffent quand le président de la République, offensé, réplique sur le même ton, même si en vrai, j’aurai attendu, dans un monde idéal, une riposte plus empreinte de second degré que de langage de cour de récré.
Pour aller au bout, je ne suis pas forcément bégueule quand l’encolère joint le geste à la parole, saccage une préfecture, séquestre un médiateur, ou envoie un œuf pourri sur le minois d’un ministre de l’Agriculture. On est dans le champ naturel de la démocratie. On y est borderline, mais on y est. On rappellera au plus distraits que nos institutions républicaines en marbre froid sont filles de l’Emeute. Des émeutes où ils n’y avaient pas que des horions ou des boulons qui volaient, mais aussi des balles, voire des têtes.
Mais ce qui s’est passé à la Courneuve, n’était pas borderline mais hors limites, quoiqu’il n’y ait pas eu d’agression autre que verbale : « Social-traître ! », « Vendu ! » et autres indigences chansonnières du style « Casse-toi pauvre con ! ». Ces injures étaient intolérables pour une raison simple, mais nodale : Frédéric Mitterrand était invité par le PCF à la Fête de l’Huma.
Que des militants jugent qu’il est inopportun d’accueillir dans le Saint des Saints un ministre sarkozyste en exercice, fût-il bonasse et cultivé, c’est leur droit le plus absolu – après tout leur direction ne leur répète-t-elle pas tous les jours que l’Autre est le mal incarné – mais le cas échéant, c’est leurs propres chefaillons qu’ils eussent dû engueuler pour l’avoir convié. Ils s’en sont bien gardés, et c’est leur problème à eux s’ils respectent maladivement des dirigeants qui les ont menés avec tant de constance à la cata. M’est avis qu’un de ces jours, le PC risque de crever de n’avoir pas su tuer le père, mais c’est une autre histoire…
En attendant, manquer de respect à un invité est impardonnable, c’est une violation des codes humains. Attention, je ne parle pas là de loi républicaine ou de morale prolétarienne, mais de quelque chose qui est bien au-dessus de tout cela et que nous sommes donc supposés tous partager, du guerrier papou au syndicaliste breton et qui, normalement, devrait fédérer, c’est le cas de le dire, l’Humanité.
Après le remous provoqué par la publication de Hold-uPS, arnaques et trahisons, le livre, qui affirme que les cent et quelques voix d’avance qui ont hissé Martine Aubry à la tête du PS étaient le résultat d’un bourrage d’urnes massifs, une autre affaire, similaire, pourrait bientôt éclabousser les collègues d’en face. Selon nos informations, les élections internes du 28 novembre 2004 qui avaient porté Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP (par 85,09 % des voix contre 9,10 % à Nicolas Dupont-Aignan et 5,82 % à Christine Boutin) ont elles aussi été honteusement magouillées. En vrai, il avait obtenu plus de 100% des suffrages exprimés!
Les salariés de « Culture bière », un resto-musée-concept store consacré à la mousse et sis au 65 Champs-Elysées, sont en grève illimitée avec occupation du lieu de travail. Et pour cause : la direction de l’établissement – propriété du groupe Heineken – a, en effet, décidé de fermer la boutique et de licencier tout le personnel. Si vous passez dans le quartier, n’hésitez pas à aller les soutenir. Ils ont d’autant plus besoin de votre solidarité active qu’ils ne peuvent pas avoir recours aux méthodes traditionnelles : ça ne fera pas peur à grand monde s’ils menacent de faire péter leurs bonbonnes…
Avant-hier innocente, hier démoniaque, je retombe aujourd’hui parmi la plèbe des gens en bonne santé.
Amateurs de sensations fortes, de films d’horreurs ou de scènes de réalité trash et sanglantes filmées au téléphone portable et diffusées sur la Toile, cet article est pour vous.
J’ose espérer qu’à partir de là plus personne ne lit.
Pour les deux pervers qui restent encore en ligne, je retranscris ici, sans commentaire ni jugement de valeurs petits bourgeois mon entretien avec une sériale killeuse (non pédophile cependant, on a sa fierté), ou plutôt son interminable introspection :
« Je sème sur mes pas la mort et la désolation, mon pouvoir est immense, mon souffle est dévastateur. Je connais la jouissance du partouzeur séropositif ou du kamikaze Al Qaïdesque au moment d’appuyer sur la détente. Ma métamorphose est récente, il y a quelques jours encore, j’étais une citoyenne lambda, puis tout a basculé. J’ai ressenti un léger mal de tête, suivi d’une poussée de température fulgurante (un incroyable 37°6), et d’un impitoyable éternuement suivi d’un deuxième… Mon destin était scellé ! J’étais l’une des actrices de la pandémie ! Et là, ma conscience m’a totalement fait défaut. Ai-je précipitamment interrompu mon face-à-face avec un client innocent pour lui sauver la vie ? Non. Ai-je fui dans un couvent ou le sanatorium le plus proche ? Non. Ai-je annulé mes rendez-vous ? Pas plus. Ai-je acheté les masques ? Vous connaissez la réponse. Ai-je contacté les autorités pour me dénoncer ? Je ne vous fais pas un dessin. Ai-je passé à l’alcool mes stylos et le bouton grande tasse de la machine à café (je ne fais pas de café petite tasse) ? Pas davantage. Ai-je arrêté de serrer la main de mes collaborateurs ? Oui évidemment ! Je poursuis avec passion ma nouvelle vocation de meurtrière, mais je ne vais quand même pas risquer de diminuer mes revenus en causant une série d’arrêts-maladie au sein de mon personnel !
Rien. Je n’ai rien fait pour épargner mon prochain. Et pourtant ! J’ai vécu cet enfer. Je sais ce qu’il risque ! Il lui faudra au moins un paquet de kleenex de poche et deux dolipranes pour venir à bout du fléau.
Mais déjà, à peine arrivée au sommet de ma puissance assassine, mes pouvoirs s’estompent un à un. Avant-hier innocente, hier démoniaque, je retombe aujourd’hui parmi la plèbe des gens en bonne santé. Aurais-je vécu dans l’illusion ? N’ai-je attrapé qu’un vulgaire rhume ? Cette pensée m’afflige en me remplissant d’espoir…. Si c’était le cas, j’aurais encore une chance de l’attraper, et de revivre ces moments d’extase où j’ai semé l’apocalypse ! Vivement la grippe aviaire ! Je suis la bombe humaine ! »
À ce moment-là, vous le comprendrez aisément, j’ai pris mes jambes à mon cou car elle a commencé à me regarder bizarrement, et, tous les chasseurs vous le diront, quand la bête fauve commence à vous regarder intensément, deux options : vous lui tirez une balle dans la tête ou vous courez vous mettre à l’abri. L’option une m’est apparue difficile a réaliser, n’étant armée que de mon bloc-notes et mon stylo, j’ai donc opté pour la fuite.
Partagée entre le besoin d’épargner de futures victimes et le devoir de protéger mes sources, je ne vous révèlerai qu’une partie de son identité, qui vous permettra si vous la croisez de fuir au plus vite. Son prénom est Dominique et elle a un nom de terroriste.
J’en profite pour faire mes adieux, j’ai réussi à obtenir un programme de relocalisation des témoins. Bonne chance à vous. Moi, je file.
Prêcher des convaincus est sans doute intellectuellement la chose la plus stérile qui soit. On peut comprendre le besoin, surtout quand on est minoritaire, de se retrouver entre soi mais ne pas sortir du cercle condamne à la ratiocination inefficace.
Ce qu’on a appelé du nom si générique et flou d’altermondialisme et qui a redonné, dès le mitan des années 1990, un regain d’espoir à tous ceux qui ne se satisfaisaient pas du nouvel ordre mondial capitaliste et du présent perpétuel promis par Fukuyama après la chute du Mur, risque néanmoins à tout instant cette impasse théorique. En se limitant à des constats renouvelés de forums sociaux en forums sociaux, de contre-sommets du G8 en contre sommets comme celui, meurtrier, de Gênes en 2001, cette mouvance prend le risque de tourner en rond dans la nuit et de se brûler à son feu, pour paraphraser Debord qui savait que toute critique du Spectacle prend le risque d’être elle-même spectaculaire.
En son temps, déjà, Marcuse dans L’homme unidimensionnel avait lui aussi montré la capacité des sociétés capitalistes ou des démocraties bourgeoises, comme on voudra, à intégrer leur propre contestation en leur sein et à gérer ses marginaux comme fausse preuve de sa tolérance.
Michaël Moore et d’Oliver Stone, deux cinéastes américains, que l’on peut qualifier d’adversaire du système et dont verra prochainement les films, illustrent ce paradoxe. L’un d’entre eux a réussi à le surmonter, et pas celui qu’on croit.
Michaël Moore, anticapitaliste de choc, est de tous les bons combats. Avec sa dégaine de working class hero américain, son surpoids popu, il a successivement dénoncé les ravages de la restructuration du secteur automobile (Roger et moi), une société fondée sur la violence et le culte des armes à feu (Bowling for colombine), la présidence Bush (Farheneit 911), j’en passe et des meilleures et, tout récemment, à la Mostra de Venise, Capitalism : a love story, appelant à la destruction de l’économie de marché. Soyons honnête, le programme ne nous déplait pas.
Seulement voilà, Michael Moore, non seulement semble de plus en plus caricatural de film en film, non seulement il flirte avec un certain cynisme (les interviews du grand homme coûtent 2000 euros en moyenne) mais surtout, il ne convainc personne en dehors d’un public acquis, et encore il semblerait à voir les critiques dans les journaux que même ce public commence à s’apercevoir que les ficelles sont un peu grosses, et certains plans franchement obscènes quand caméra à l’épaule, on filme une expulsée en gros plan en la plaignant en voix off pour en rajouter.
Quitte à surprendre certains Causeurs, j’aime profondément l’Amérique et sa capacité à secréter ses propres anticorps quand elle va trop loin ou est sur le point de se renier et je n’aime pas, ou plus Michael Moore.
D’abord parce qu’il est inefficace : sa palme d’or très politique au festival de Cannes n’a pas empêché une réélection triomphale de Bush en 2004 et si la preuve du pudding, c’est qu’il se mange, comme disait Engels, alors Moore n’a rien cuisiné du tout ou un gâteau qui n’existe pas.
Il est intéressant de le comparer avec Oliver Stone, lui aussi présent à la Mostra de Venise pour un documentaire, South of the border, consacré à Chavez et montrant le décalage entre l’image donnée par les médias « foxisés » et la réalité du terrain. À Venise, il a même eu le droit à la visite du président bolivarien en tournée sur le Vieux continent.
Oliver Stone tourne en général des films commerciaux. On le lui reproche souvent. Et pourtant au bout du compte, il aura beaucoup plus fait, en adaptant les canons hollywoodiens, pour une critique intelligente de l’Amérique comme société capitaliste, parfois belliciste et impérialiste, que Moore avec son humour à deux balles.
Je manque peut-être de conscience politique ou de sérieux mais je me suis rendu compte pour la première fois de la mutation financière du capitalisme avec l’inoubliable Wall Street (1987) où Michael Douglas en trader annonçait ceux de Fanny Mae ou Freddy Mac. Un film comme Tueurs nés, que les fines bouches de la critique du Bloc Central avaient trouvé tellement complaisant, était la plus belle dénonciation de l’ultra-violence et de l’absence de repères d’une certaine jeunesse américaine. Et son biopic sur Nixon reste un monument difficilement dépassable sur les risques de dérive autoritaire à la Maison Blanche mais aussi les moyens de la combattre.
En fait, cette différence entre Moore et Stone, cette efficacité tellement plus durable, moins journalistique de Stone, sont dues au fait qu’il refuse l’idée d’avoir un public ou un auditoire conquis d’avance et qu’il n’a pas ce mépris intellectualiste pour la fiction.
Et finalement, cette honnêteté intellectuelle, cette modestie ouvrent non seulement la possibilité de débats mais aussi, encore plus importante, celle, qui sait, de convaincre.
Connaissez-vous le Female Sexual Function Index ? Cette échelle très sérieuse, allant de 2 à 36, est utilisée par les médecins pour mesurer l’épanouissement sexuel de la femme, de l’excitation simple à la fréquence et l’intensité des orgasmes. Des chercheurs de l’université de Florence, sans doute lassés de tripoter des virus grippaux et de tester des vaccins, ont décidé de se changer les idées et d’interroger huit cents transalpines entre dix huit et cinquante ans. Les résultats sont sans appel : tout âge confondu, les femmes buvant plus de deux verres de vin par jour atteignent une moyenne de 27,3 sur l’échelle du FSFI. On descend à 25,9 pour les petites joueuses qui refusent de rhabiller les orphelins et se contentent d’un seul gorgeon quotidien. Quant aux abstèmes en jupons, le score devient digne d’une équipe de Ligue 1 reléguable. Montaigne disait que c’était « la boiteuse qui le faisait le mieux ». On peut désormais penser, même si on s’en doutait un peu, que la buveuse n’a rien à lui envier.
Ankara revient aujourd’hui en force là où Constantinople avait été pourchassé en 1918. Le ci-devant « homme malade de l’Europe » est un acteur majeur dans ce qui formait jadis les possessions de l’Empire ottoman, devenues depuis « le monde arabe ». Il est vrai que les divisions et tensions dans la région offrent à la Turquie des occasions d’avancer ses potions comme le montre la toute récente crise irako-syrienne.
Tout a commencé avec l’attentat du 19 août qui a tué une centaine de personnes à Bagdad. Les Irakiens soupçonnent deux membres du parti Baas, l’ancien parti de Saddam Hussein, de l’avoir commandité depuis la Syrie où ils se seraient alliés avec des membres d’Al-Qaïda. Or, la veille, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait passé la journée à Damas, justement pour évoquer avec les dirigeants syriens le problème des infiltrations de terroristes à travers leur frontière commune. Parfaitement conscient que les bonnes manières de Damas ne sont pas gratuites, al-Maliki avait amené non seulement son ministre de la Sécurité mais aussi celui du Pétrole.
Quand moins de 24 heures plus tard, les Irakiens découvrent que l’attentat qui visait les ministères des Affaires étrangères et des Finances porte une signature syrienne, ils n’apprécient guère. Al-Maliki, furieux, demande au président syrien l’extradition des deux commanditaires présumés.
Assad ne peut guère s’y opposer sur le principe. Mais il exige des preuves. « Lorsque les accusations ne reposent sur aucune preuve, cela veut dire qu’elles sont irrecevables au regard de la loi », déclare-t-il à la presse. C’est bien normal : depuis son intervention dans l’affaire Clotilde Reiss, son combat pour la présomption d’innocence est de notoriété publique. Les Irakiens se trouvent donc dans la même situation que les Libanais depuis l’assassinat de Rafiq Hariri car un Syrien qui vous demande des preuves, c’est comme un Chinois qui dit « oui »: dans les deux cas, il s’agit d’une manière polie de vous envoyer paître.
Mais l’Irak n’est pas le Liban, et le 25 août Bagdad rappelle son ambassadeur à Damas. Les Syriens répliquent dans la journée en faisant de même. Depuis, les autorités irakiennes qui ont présenté une vidéo d’un jeune Saoudien déclarant appartenir à Al-Qaïda et avoir été entraîné par les services de renseignements syriens exigent un tribunal international et entendent trainer Damas dans une affaire Hariri-2. Bref, en quelques jours, les relations entre la Syrie et l’Irak, qui n’ont jamais été cordiales – l’armée syrienne a participé à la guerre contre Saddam Hussein en 1991 – sont devenues exécrables.
Normalement, ce genre de crise est géré en famille. Cette fois-ci, les capitales arabes et la Ligue du même métal se sont contentées de déclarer qu’il s’agissait d’un conflit « interne » entre les deux parties qui ne nécessitait pas d’intervention extérieure. La tension entre Damas et Bagdad aurait, en vérité, exigé une intervention d’urgence, sauf que personne dans le monde arabe n’est capable de la mener. Les relations entre Moubarak et Assad sont tendues à cause de l’alliance de ce dernier avec l’Iran et de son soutien au Hamas et au Hezbollah, trois ennemis stratégiques du Caire. Les Saoudiens n’ont pas non plus digéré le nouvel Irak, où les chiites jouent un rôle prééminent et dont le premier personnage de l’Etat est membre de cette communauté. Pas question pour Ryad de se porter au secours d’une succursale de l’Iran. Les autres candidats ne sont pas de taille.
Ankara s’est engouffré dans cette faille pour s’imposer comme intermédiaire. Pour ce faire, les Turcs disposent d’un levier de taille : ils tiennent les vannes de l’Euphrate, puisque le grand fleuve mésopotamien naît chez eux avant de traverser la Syrie et Irak. Et justement, il était prévu que les ministres compétents des trois pays riverains se réunissent à Ankara le 3 septembre… Voilà pourquoi depuis une grosse semaine, Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, fait la navette entre Bagdad et Damas avec escale au Caire pour consulter le vieux (81 ans) Moubarak et l’un de ses trois successeurs possibles, le plus jeune ministre des renseignements Omar Suleiman (74 ans). Pour l’instant, il semble que l’objectif principal du Turc est de convaincre les Irakiens de ne pas présenter leurs griefs devant une cour internationale, une démarche qui risquerait d’internationaliser la crise et de la transformer en dynamique incontrôlable.
Après tout, Ankara ne fait qu’appliquer une politique dictée par sa géographie et son histoire. Dans les années 1950, les Turcs avaient amorcé leur retour stratégique en s’alliant avec les pays non-arabes de la région, l’Iran du Shah et Israël. Mais depuis que le pays a retrouvé stabilité politique et envergure économique, sa réintégration au cœur même du Proche-Orient était inévitable. Son passé, son présent et surtout sa synthèse originale de l’islam politique lui promettent un grand destin régional. Et après tout, on pourrait penser à Ankara qu’il vaut mieux être leader dans la région que dernier en Europe.
La République Tchèque et la principauté du Liechtenstein viennent d’établir des relations diplomatiques. Voilà, enfin une bonne nouvelle pour notre continent, un rapprochement qui met fin à une trop longue ignorance réciproque entre deux nations situées au cœur de l’Europe. En fait, Prague n’avait jamais remarqué l’existence de cette principauté alpine coincée entre la Suisse et l’Autriche, et pensait qu’il s’agissait du palais Liechtenstein situé dans le quartier de Mala Strana de la capitale tchèque. Un fonctionnaire subalterne en surfant sur le net a découvert que la ministre des étrangères de la Principauté se nommait Aurélie Frick. Il vient de recevoir une prime.
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Mesdames, Messieurs,
Nous vous remercions d’avoir choisi notre Agence, d’être tous venus à cette première réunion et nous pensons que nos prestations vous apporteront pleine satisfaction. Votre demande était claire, nos réponses le seront : comment assurer une rentrée relativement apaisée en 2009 sur toute l’Union Européenne ainsi qu’aux Etats-Unis ?
Ce n’est effectivement pas évident. La situation économique objectivement catastrophique, les conflits ultramarins s’enlisent dangereusement (Afghanistan) et les pertes subséquentes augmentent, le chômage de masse et la précarité galopent, l’impossibilité de créer ou maintenir des sécurités sociales (blocage du plan Obama aux Etats-Unis, augmentation de 25 % des soins non remboursés en France) est de plus en plus manifeste, des pans entiers de l’industrie disparaissent (General Motors), vos déficits creusés de manière démentielle lors du sauvetage des banques pendant la première phase de la crise mondiale entraînent une paralysie budgétaire : tout cela devrait logiquement créer d’importants mouvements sociaux, des grèves massives et même, dans certains cas, des situations prérévolutionnaires.
Nous sommes là pour l’empêcher.
Certains d’entre vous ont cru pouvoir se passer de nous pour inventer des leurres en employant les bonnes vieilles méthodes policières. Nous faisons ici allusion ici à nos amis français qui se sont ridiculisés l’année dernière avec l’affaire de Tarnac, en créant de toute pièce un risque terroriste anarcho-autonome qui n’a abusé qu’eux-mêmes et n’a eu au bout d’une compte aucun impact dans l’opinion sinon qu’il a attiré l’attention d’un petit nombre de citoyens sur les dangers de l’antiterrorisme, rendant plus difficiles certaines opérations de ce genre s’il fallait les renouveler.
De même, vous vous rendez bien compte que la pipolisation a trouvé ses limites. L’Italie et la France, elles encore, ont utilisé cette ficelle qui est désormais usée et sur le point de rompre. L’exposition de la vie sexuelle agitée du président du Conseil Berlusconi, conçue au départ comme un scandale contrôlé qui attirerait au bout du compte l’indulgence de tout un peuple pour son chef, un vrai mâle latin au sang chaud a plutôt écœuré l’opinion et renforcé le dégoût pour le régime. En France, la surexposition du corps sportif du président qui semblait être une bonne idée s’est terminée par un malaise durant un jogging. Là aussi, la gravité de ce malaise est de nature secondaire. Constatons simplement qu’il n’a pas attiré spécialement la compassion mais plutôt une certaine inquiétude sur l’état réel de la santé présidentielle, inquiétude renforcée par des porte-parole maladroits qui feraient bien de prendre quelques cours dans notre agence.
Notre diagnostic est simple : pour éviter l’explosion sociale, vous devez fédérer vos peuples contre un danger commun qui les détourne de leurs inquiétudes quotidiennes. Là encore, la mondialisation qui était d’abord une difficulté (ce qui inquiétait les Espagnols n’était pas forcément ce qui inquiétait les Allemands) est devenu une chance. Un seul leurre médiatique suffira pour tout le monde. Nous ne somme plus à l’époque où Mussolini sauvait son régime en attaquant l’Ethiopie et où Margaret Thatcher réussissait l’épreuve d’élections difficiles en reprenant trois îlots glacés au large des côtes argentines.
Nous ne pensons pas opportun, cette année, ou alors sur un mode mineur, d’utiliser la guerre contre le terrorisme islamique comme diversion. L’intervention américaine en Irak a discrédité les opérations de ce genre. Le coût humain élevé pour un résultat nul fait qu’aujourd’hui la guerre en Afghanistan est quasiment menée en catimini, tant on sent des populations sur le point de rompre de ce côté-là et vous ne voudriez pas, en plus, vous retrouver avec des manifestations pacifistes monstres.
L’invention, ou la mise en avant de ce que nous appelons dans notre jargon, un Goldstein, là aussi devient difficile. Attirer l’attention sur Hugo Chavez par exemple risque de se révéler extrêmement contre-performant et au contraire de faire passer cette racaille populiste pour un nouveau Guevara. La Corée du Nord ou l’Iran d’Ahmadinejad peuvent effectivement sembler intéressants de prime abord, mais, là encore, d’usage difficile, surtout quand la tension monte vraiment et que vous reprenez chacun, messieurs-dames, vos habitudes diplomatiques respectives, les uns jouant l’apaisement, les autres la fermeté. On pourra quelques jours attirer l’attention sur un aspect sentimental du conflit, par exemple une jeune étudiante occidentale accusée d’espionnage qui tient tête courageusement à ses juges, mais, assez vite, les citoyens de vos pays respectifs trouveront tout cela bien abstrait, surtout quand ils n’auront plus de quoi se faire soigner les dents.
Renoncez également au fait divers monté en épingle. D’abord parce qu’il renvoie, comme nous le disions plus haut, à une réponse nationale alors qu’il vous faut une réponse globale et, surtout, parce qu’il peut se retourner contre vous. Ce ne sont pas nos amis belges ici présents qui nous démentiront : des tueurs fous du Brabant à l’affaire Dutroux, ce qui devait masquer les divisions communautaires a, en fait, durablement discrédité l’Etat belge qui ne s’en remettra peut-être jamais.
De manière plus générale, ce n’est pas l’horreur ou la terreur que vos populations doivent ressentir ; plutôt un état de panique latente, durable, mais pas incapacitante, car il faut quand même songer à faire tourner vos économies et dégager de la plus-value. Cet état de panique latente, vous avez longtemps cru pouvoir l’entretenir sur le seul front social en détruisant vos codes du travail et en transformant les salariés du privé comme du public en précaires. Vous voyez bien, mesdames, messieurs, que vous avez atteint ici un stade difficilement dépassable : soit on se suicide en masse dans les entreprises, soit il faut faire face à des réactions violentes comme les séquestrations de patrons ou les menaces de destruction de l’outil de travail.
Il vous reste donc la solution que nous vous proposons et que vous trouverez dans les dossiers posés devant vous : la grippe H1N1. Cette fièvre porcine apparue au Mexique et transmissible à l’homme peut se révéler mortelle pour les personnes déjà fragilisées. Rien ne vous empêche de faire croire à vos populations respectives que ce danger est beaucoup plus grand. Faites taire les médecins qui diront que vous en faites trop et faites les taire, surtout, au nom du principe de précaution, ce onzième commandement.
Ensuite, c’est à vous de jouer. Vos démocraties de marché ont la chance de concentrer entre quelques mains la plupart des organes d’information. Ce sera à chacun de vous de moduler cette peur en fonction de vos spécificités culturelles mais n’oubliez pas d’en parler à chaque bulletin d’information, ne serait-ce que pour signaler une fermeture d’école à classe unique dans la Creuse ou le décès d’une nonagénaire qui aimait le saucisson pur porc.
Fédérez également votre population en lui imposant des réflexes conditionnés sur une large échelle : lavage des mains, port de masque et de gants chirurgicaux, interdiction du bisou et évidemment du french kiss.
De plus, vous pourrez ainsi mesurer le degré de soumission de vos peuples aux stimuli médiatiques et récolter des données qui ne manqueront pas de vous être utiles quand l’environnement écologique, économique et social deviendra vraiment invivable. Ce qui ne saurait tarder.
Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de votre attention.
Après que j’ai amicalement disputé nos amis de Marianne2 sur leur traitement indigné du vrai-faux scandale des figurants pygmées de Faurécia, Philippe Cohen me répond, tout aussi amicalement sur son site. Enfin, il me répond sans me répondre vraiment, c’est-à-dire sans questionner l’antisarkozysme un rien réducteur par lequel il pèche à mon goût. Cela dit, la thèse qu’il développe dans le même article sur l’orwellisation de la politique française est assez réjouissante, enfin déprimante de vérité, mais réjouissante d’intelligence. Et mon ami Philippe a raison d’évoquer à ce sujet mon autre ami Philippe feu Muray. Continuons le débat ! Et en attendant, allez vous faire une idée par vous-même.
Autant vous le dire de suite, les sifflets dont a été l’objet Frédéric Mitterrand ce samedi à la Fête de l’Huma m’ont profondément attristé.
Vous me connaissez, loin de moi l’idée qu’une personnalité officielle soit, es qualités, intouchable. Le lazzi est une forme de communication politique ancestrale, il appartient à notre patrimoine politique, il nous renvoie, bienheureusement, au temps d’avant les dircom. J’aime qu’on dise leur fait à tous, y compris aux plus puissants, et en retour, je ne suis pas de ceux qui s’étouffent quand le président de la République, offensé, réplique sur le même ton, même si en vrai, j’aurai attendu, dans un monde idéal, une riposte plus empreinte de second degré que de langage de cour de récré.
Pour aller au bout, je ne suis pas forcément bégueule quand l’encolère joint le geste à la parole, saccage une préfecture, séquestre un médiateur, ou envoie un œuf pourri sur le minois d’un ministre de l’Agriculture. On est dans le champ naturel de la démocratie. On y est borderline, mais on y est. On rappellera au plus distraits que nos institutions républicaines en marbre froid sont filles de l’Emeute. Des émeutes où ils n’y avaient pas que des horions ou des boulons qui volaient, mais aussi des balles, voire des têtes.
Mais ce qui s’est passé à la Courneuve, n’était pas borderline mais hors limites, quoiqu’il n’y ait pas eu d’agression autre que verbale : « Social-traître ! », « Vendu ! » et autres indigences chansonnières du style « Casse-toi pauvre con ! ». Ces injures étaient intolérables pour une raison simple, mais nodale : Frédéric Mitterrand était invité par le PCF à la Fête de l’Huma.
Que des militants jugent qu’il est inopportun d’accueillir dans le Saint des Saints un ministre sarkozyste en exercice, fût-il bonasse et cultivé, c’est leur droit le plus absolu – après tout leur direction ne leur répète-t-elle pas tous les jours que l’Autre est le mal incarné – mais le cas échéant, c’est leurs propres chefaillons qu’ils eussent dû engueuler pour l’avoir convié. Ils s’en sont bien gardés, et c’est leur problème à eux s’ils respectent maladivement des dirigeants qui les ont menés avec tant de constance à la cata. M’est avis qu’un de ces jours, le PC risque de crever de n’avoir pas su tuer le père, mais c’est une autre histoire…
En attendant, manquer de respect à un invité est impardonnable, c’est une violation des codes humains. Attention, je ne parle pas là de loi républicaine ou de morale prolétarienne, mais de quelque chose qui est bien au-dessus de tout cela et que nous sommes donc supposés tous partager, du guerrier papou au syndicaliste breton et qui, normalement, devrait fédérer, c’est le cas de le dire, l’Humanité.
Après le remous provoqué par la publication de Hold-uPS, arnaques et trahisons, le livre, qui affirme que les cent et quelques voix d’avance qui ont hissé Martine Aubry à la tête du PS étaient le résultat d’un bourrage d’urnes massifs, une autre affaire, similaire, pourrait bientôt éclabousser les collègues d’en face. Selon nos informations, les élections internes du 28 novembre 2004 qui avaient porté Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP (par 85,09 % des voix contre 9,10 % à Nicolas Dupont-Aignan et 5,82 % à Christine Boutin) ont elles aussi été honteusement magouillées. En vrai, il avait obtenu plus de 100% des suffrages exprimés!
Les salariés de « Culture bière », un resto-musée-concept store consacré à la mousse et sis au 65 Champs-Elysées, sont en grève illimitée avec occupation du lieu de travail. Et pour cause : la direction de l’établissement – propriété du groupe Heineken – a, en effet, décidé de fermer la boutique et de licencier tout le personnel. Si vous passez dans le quartier, n’hésitez pas à aller les soutenir. Ils ont d’autant plus besoin de votre solidarité active qu’ils ne peuvent pas avoir recours aux méthodes traditionnelles : ça ne fera pas peur à grand monde s’ils menacent de faire péter leurs bonbonnes…
Avant-hier innocente, hier démoniaque, je retombe aujourd’hui parmi la plèbe des gens en bonne santé.
Avant-hier innocente, hier démoniaque, je retombe aujourd’hui parmi la plèbe des gens en bonne santé.
Amateurs de sensations fortes, de films d’horreurs ou de scènes de réalité trash et sanglantes filmées au téléphone portable et diffusées sur la Toile, cet article est pour vous.
J’ose espérer qu’à partir de là plus personne ne lit.
Pour les deux pervers qui restent encore en ligne, je retranscris ici, sans commentaire ni jugement de valeurs petits bourgeois mon entretien avec une sériale killeuse (non pédophile cependant, on a sa fierté), ou plutôt son interminable introspection :
« Je sème sur mes pas la mort et la désolation, mon pouvoir est immense, mon souffle est dévastateur. Je connais la jouissance du partouzeur séropositif ou du kamikaze Al Qaïdesque au moment d’appuyer sur la détente. Ma métamorphose est récente, il y a quelques jours encore, j’étais une citoyenne lambda, puis tout a basculé. J’ai ressenti un léger mal de tête, suivi d’une poussée de température fulgurante (un incroyable 37°6), et d’un impitoyable éternuement suivi d’un deuxième… Mon destin était scellé ! J’étais l’une des actrices de la pandémie ! Et là, ma conscience m’a totalement fait défaut. Ai-je précipitamment interrompu mon face-à-face avec un client innocent pour lui sauver la vie ? Non. Ai-je fui dans un couvent ou le sanatorium le plus proche ? Non. Ai-je annulé mes rendez-vous ? Pas plus. Ai-je acheté les masques ? Vous connaissez la réponse. Ai-je contacté les autorités pour me dénoncer ? Je ne vous fais pas un dessin. Ai-je passé à l’alcool mes stylos et le bouton grande tasse de la machine à café (je ne fais pas de café petite tasse) ? Pas davantage. Ai-je arrêté de serrer la main de mes collaborateurs ? Oui évidemment ! Je poursuis avec passion ma nouvelle vocation de meurtrière, mais je ne vais quand même pas risquer de diminuer mes revenus en causant une série d’arrêts-maladie au sein de mon personnel !
Rien. Je n’ai rien fait pour épargner mon prochain. Et pourtant ! J’ai vécu cet enfer. Je sais ce qu’il risque ! Il lui faudra au moins un paquet de kleenex de poche et deux dolipranes pour venir à bout du fléau.
Mais déjà, à peine arrivée au sommet de ma puissance assassine, mes pouvoirs s’estompent un à un. Avant-hier innocente, hier démoniaque, je retombe aujourd’hui parmi la plèbe des gens en bonne santé. Aurais-je vécu dans l’illusion ? N’ai-je attrapé qu’un vulgaire rhume ? Cette pensée m’afflige en me remplissant d’espoir…. Si c’était le cas, j’aurais encore une chance de l’attraper, et de revivre ces moments d’extase où j’ai semé l’apocalypse ! Vivement la grippe aviaire ! Je suis la bombe humaine ! »
À ce moment-là, vous le comprendrez aisément, j’ai pris mes jambes à mon cou car elle a commencé à me regarder bizarrement, et, tous les chasseurs vous le diront, quand la bête fauve commence à vous regarder intensément, deux options : vous lui tirez une balle dans la tête ou vous courez vous mettre à l’abri. L’option une m’est apparue difficile a réaliser, n’étant armée que de mon bloc-notes et mon stylo, j’ai donc opté pour la fuite.
Partagée entre le besoin d’épargner de futures victimes et le devoir de protéger mes sources, je ne vous révèlerai qu’une partie de son identité, qui vous permettra si vous la croisez de fuir au plus vite. Son prénom est Dominique et elle a un nom de terroriste.
J’en profite pour faire mes adieux, j’ai réussi à obtenir un programme de relocalisation des témoins. Bonne chance à vous. Moi, je file.
Prêcher des convaincus est sans doute intellectuellement la chose la plus stérile qui soit. On peut comprendre le besoin, surtout quand on est minoritaire, de se retrouver entre soi mais ne pas sortir du cercle condamne à la ratiocination inefficace.
Ce qu’on a appelé du nom si générique et flou d’altermondialisme et qui a redonné, dès le mitan des années 1990, un regain d’espoir à tous ceux qui ne se satisfaisaient pas du nouvel ordre mondial capitaliste et du présent perpétuel promis par Fukuyama après la chute du Mur, risque néanmoins à tout instant cette impasse théorique. En se limitant à des constats renouvelés de forums sociaux en forums sociaux, de contre-sommets du G8 en contre sommets comme celui, meurtrier, de Gênes en 2001, cette mouvance prend le risque de tourner en rond dans la nuit et de se brûler à son feu, pour paraphraser Debord qui savait que toute critique du Spectacle prend le risque d’être elle-même spectaculaire.
En son temps, déjà, Marcuse dans L’homme unidimensionnel avait lui aussi montré la capacité des sociétés capitalistes ou des démocraties bourgeoises, comme on voudra, à intégrer leur propre contestation en leur sein et à gérer ses marginaux comme fausse preuve de sa tolérance.
Michaël Moore et d’Oliver Stone, deux cinéastes américains, que l’on peut qualifier d’adversaire du système et dont verra prochainement les films, illustrent ce paradoxe. L’un d’entre eux a réussi à le surmonter, et pas celui qu’on croit.
Michaël Moore, anticapitaliste de choc, est de tous les bons combats. Avec sa dégaine de working class hero américain, son surpoids popu, il a successivement dénoncé les ravages de la restructuration du secteur automobile (Roger et moi), une société fondée sur la violence et le culte des armes à feu (Bowling for colombine), la présidence Bush (Farheneit 911), j’en passe et des meilleures et, tout récemment, à la Mostra de Venise, Capitalism : a love story, appelant à la destruction de l’économie de marché. Soyons honnête, le programme ne nous déplait pas.
Seulement voilà, Michael Moore, non seulement semble de plus en plus caricatural de film en film, non seulement il flirte avec un certain cynisme (les interviews du grand homme coûtent 2000 euros en moyenne) mais surtout, il ne convainc personne en dehors d’un public acquis, et encore il semblerait à voir les critiques dans les journaux que même ce public commence à s’apercevoir que les ficelles sont un peu grosses, et certains plans franchement obscènes quand caméra à l’épaule, on filme une expulsée en gros plan en la plaignant en voix off pour en rajouter.
Quitte à surprendre certains Causeurs, j’aime profondément l’Amérique et sa capacité à secréter ses propres anticorps quand elle va trop loin ou est sur le point de se renier et je n’aime pas, ou plus Michael Moore.
D’abord parce qu’il est inefficace : sa palme d’or très politique au festival de Cannes n’a pas empêché une réélection triomphale de Bush en 2004 et si la preuve du pudding, c’est qu’il se mange, comme disait Engels, alors Moore n’a rien cuisiné du tout ou un gâteau qui n’existe pas.
Il est intéressant de le comparer avec Oliver Stone, lui aussi présent à la Mostra de Venise pour un documentaire, South of the border, consacré à Chavez et montrant le décalage entre l’image donnée par les médias « foxisés » et la réalité du terrain. À Venise, il a même eu le droit à la visite du président bolivarien en tournée sur le Vieux continent.
Oliver Stone tourne en général des films commerciaux. On le lui reproche souvent. Et pourtant au bout du compte, il aura beaucoup plus fait, en adaptant les canons hollywoodiens, pour une critique intelligente de l’Amérique comme société capitaliste, parfois belliciste et impérialiste, que Moore avec son humour à deux balles.
Je manque peut-être de conscience politique ou de sérieux mais je me suis rendu compte pour la première fois de la mutation financière du capitalisme avec l’inoubliable Wall Street (1987) où Michael Douglas en trader annonçait ceux de Fanny Mae ou Freddy Mac. Un film comme Tueurs nés, que les fines bouches de la critique du Bloc Central avaient trouvé tellement complaisant, était la plus belle dénonciation de l’ultra-violence et de l’absence de repères d’une certaine jeunesse américaine. Et son biopic sur Nixon reste un monument difficilement dépassable sur les risques de dérive autoritaire à la Maison Blanche mais aussi les moyens de la combattre.
En fait, cette différence entre Moore et Stone, cette efficacité tellement plus durable, moins journalistique de Stone, sont dues au fait qu’il refuse l’idée d’avoir un public ou un auditoire conquis d’avance et qu’il n’a pas ce mépris intellectualiste pour la fiction.
Et finalement, cette honnêteté intellectuelle, cette modestie ouvrent non seulement la possibilité de débats mais aussi, encore plus importante, celle, qui sait, de convaincre.
Connaissez-vous le Female Sexual Function Index ? Cette échelle très sérieuse, allant de 2 à 36, est utilisée par les médecins pour mesurer l’épanouissement sexuel de la femme, de l’excitation simple à la fréquence et l’intensité des orgasmes. Des chercheurs de l’université de Florence, sans doute lassés de tripoter des virus grippaux et de tester des vaccins, ont décidé de se changer les idées et d’interroger huit cents transalpines entre dix huit et cinquante ans. Les résultats sont sans appel : tout âge confondu, les femmes buvant plus de deux verres de vin par jour atteignent une moyenne de 27,3 sur l’échelle du FSFI. On descend à 25,9 pour les petites joueuses qui refusent de rhabiller les orphelins et se contentent d’un seul gorgeon quotidien. Quant aux abstèmes en jupons, le score devient digne d’une équipe de Ligue 1 reléguable. Montaigne disait que c’était « la boiteuse qui le faisait le mieux ». On peut désormais penser, même si on s’en doutait un peu, que la buveuse n’a rien à lui envier.
Ankara revient aujourd’hui en force là où Constantinople avait été pourchassé en 1918. Le ci-devant « homme malade de l’Europe » est un acteur majeur dans ce qui formait jadis les possessions de l’Empire ottoman, devenues depuis « le monde arabe ». Il est vrai que les divisions et tensions dans la région offrent à la Turquie des occasions d’avancer ses potions comme le montre la toute récente crise irako-syrienne.
Tout a commencé avec l’attentat du 19 août qui a tué une centaine de personnes à Bagdad. Les Irakiens soupçonnent deux membres du parti Baas, l’ancien parti de Saddam Hussein, de l’avoir commandité depuis la Syrie où ils se seraient alliés avec des membres d’Al-Qaïda. Or, la veille, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki avait passé la journée à Damas, justement pour évoquer avec les dirigeants syriens le problème des infiltrations de terroristes à travers leur frontière commune. Parfaitement conscient que les bonnes manières de Damas ne sont pas gratuites, al-Maliki avait amené non seulement son ministre de la Sécurité mais aussi celui du Pétrole.
Quand moins de 24 heures plus tard, les Irakiens découvrent que l’attentat qui visait les ministères des Affaires étrangères et des Finances porte une signature syrienne, ils n’apprécient guère. Al-Maliki, furieux, demande au président syrien l’extradition des deux commanditaires présumés.
Assad ne peut guère s’y opposer sur le principe. Mais il exige des preuves. « Lorsque les accusations ne reposent sur aucune preuve, cela veut dire qu’elles sont irrecevables au regard de la loi », déclare-t-il à la presse. C’est bien normal : depuis son intervention dans l’affaire Clotilde Reiss, son combat pour la présomption d’innocence est de notoriété publique. Les Irakiens se trouvent donc dans la même situation que les Libanais depuis l’assassinat de Rafiq Hariri car un Syrien qui vous demande des preuves, c’est comme un Chinois qui dit « oui »: dans les deux cas, il s’agit d’une manière polie de vous envoyer paître.
Mais l’Irak n’est pas le Liban, et le 25 août Bagdad rappelle son ambassadeur à Damas. Les Syriens répliquent dans la journée en faisant de même. Depuis, les autorités irakiennes qui ont présenté une vidéo d’un jeune Saoudien déclarant appartenir à Al-Qaïda et avoir été entraîné par les services de renseignements syriens exigent un tribunal international et entendent trainer Damas dans une affaire Hariri-2. Bref, en quelques jours, les relations entre la Syrie et l’Irak, qui n’ont jamais été cordiales – l’armée syrienne a participé à la guerre contre Saddam Hussein en 1991 – sont devenues exécrables.
Normalement, ce genre de crise est géré en famille. Cette fois-ci, les capitales arabes et la Ligue du même métal se sont contentées de déclarer qu’il s’agissait d’un conflit « interne » entre les deux parties qui ne nécessitait pas d’intervention extérieure. La tension entre Damas et Bagdad aurait, en vérité, exigé une intervention d’urgence, sauf que personne dans le monde arabe n’est capable de la mener. Les relations entre Moubarak et Assad sont tendues à cause de l’alliance de ce dernier avec l’Iran et de son soutien au Hamas et au Hezbollah, trois ennemis stratégiques du Caire. Les Saoudiens n’ont pas non plus digéré le nouvel Irak, où les chiites jouent un rôle prééminent et dont le premier personnage de l’Etat est membre de cette communauté. Pas question pour Ryad de se porter au secours d’une succursale de l’Iran. Les autres candidats ne sont pas de taille.
Ankara s’est engouffré dans cette faille pour s’imposer comme intermédiaire. Pour ce faire, les Turcs disposent d’un levier de taille : ils tiennent les vannes de l’Euphrate, puisque le grand fleuve mésopotamien naît chez eux avant de traverser la Syrie et Irak. Et justement, il était prévu que les ministres compétents des trois pays riverains se réunissent à Ankara le 3 septembre… Voilà pourquoi depuis une grosse semaine, Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, fait la navette entre Bagdad et Damas avec escale au Caire pour consulter le vieux (81 ans) Moubarak et l’un de ses trois successeurs possibles, le plus jeune ministre des renseignements Omar Suleiman (74 ans). Pour l’instant, il semble que l’objectif principal du Turc est de convaincre les Irakiens de ne pas présenter leurs griefs devant une cour internationale, une démarche qui risquerait d’internationaliser la crise et de la transformer en dynamique incontrôlable.
Après tout, Ankara ne fait qu’appliquer une politique dictée par sa géographie et son histoire. Dans les années 1950, les Turcs avaient amorcé leur retour stratégique en s’alliant avec les pays non-arabes de la région, l’Iran du Shah et Israël. Mais depuis que le pays a retrouvé stabilité politique et envergure économique, sa réintégration au cœur même du Proche-Orient était inévitable. Son passé, son présent et surtout sa synthèse originale de l’islam politique lui promettent un grand destin régional. Et après tout, on pourrait penser à Ankara qu’il vaut mieux être leader dans la région que dernier en Europe.
La République Tchèque et la principauté du Liechtenstein viennent d’établir des relations diplomatiques. Voilà, enfin une bonne nouvelle pour notre continent, un rapprochement qui met fin à une trop longue ignorance réciproque entre deux nations situées au cœur de l’Europe. En fait, Prague n’avait jamais remarqué l’existence de cette principauté alpine coincée entre la Suisse et l’Autriche, et pensait qu’il s’agissait du palais Liechtenstein situé dans le quartier de Mala Strana de la capitale tchèque. Un fonctionnaire subalterne en surfant sur le net a découvert que la ministre des étrangères de la Principauté se nommait Aurélie Frick. Il vient de recevoir une prime.
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Grippe porcine : faut-il faire tomber les masques ?
Mesdames, Messieurs,
Nous vous remercions d’avoir choisi notre Agence, d’être tous venus à cette première réunion et nous pensons que nos prestations vous apporteront pleine satisfaction. Votre demande était claire, nos réponses le seront : comment assurer une rentrée relativement apaisée en 2009 sur toute l’Union Européenne ainsi qu’aux Etats-Unis ?
Ce n’est effectivement pas évident. La situation économique objectivement catastrophique, les conflits ultramarins s’enlisent dangereusement (Afghanistan) et les pertes subséquentes augmentent, le chômage de masse et la précarité galopent, l’impossibilité de créer ou maintenir des sécurités sociales (blocage du plan Obama aux Etats-Unis, augmentation de 25 % des soins non remboursés en France) est de plus en plus manifeste, des pans entiers de l’industrie disparaissent (General Motors), vos déficits creusés de manière démentielle lors du sauvetage des banques pendant la première phase de la crise mondiale entraînent une paralysie budgétaire : tout cela devrait logiquement créer d’importants mouvements sociaux, des grèves massives et même, dans certains cas, des situations prérévolutionnaires.
Nous sommes là pour l’empêcher.
Certains d’entre vous ont cru pouvoir se passer de nous pour inventer des leurres en employant les bonnes vieilles méthodes policières. Nous faisons ici allusion ici à nos amis français qui se sont ridiculisés l’année dernière avec l’affaire de Tarnac, en créant de toute pièce un risque terroriste anarcho-autonome qui n’a abusé qu’eux-mêmes et n’a eu au bout d’une compte aucun impact dans l’opinion sinon qu’il a attiré l’attention d’un petit nombre de citoyens sur les dangers de l’antiterrorisme, rendant plus difficiles certaines opérations de ce genre s’il fallait les renouveler.
De même, vous vous rendez bien compte que la pipolisation a trouvé ses limites. L’Italie et la France, elles encore, ont utilisé cette ficelle qui est désormais usée et sur le point de rompre. L’exposition de la vie sexuelle agitée du président du Conseil Berlusconi, conçue au départ comme un scandale contrôlé qui attirerait au bout du compte l’indulgence de tout un peuple pour son chef, un vrai mâle latin au sang chaud a plutôt écœuré l’opinion et renforcé le dégoût pour le régime. En France, la surexposition du corps sportif du président qui semblait être une bonne idée s’est terminée par un malaise durant un jogging. Là aussi, la gravité de ce malaise est de nature secondaire. Constatons simplement qu’il n’a pas attiré spécialement la compassion mais plutôt une certaine inquiétude sur l’état réel de la santé présidentielle, inquiétude renforcée par des porte-parole maladroits qui feraient bien de prendre quelques cours dans notre agence.
Notre diagnostic est simple : pour éviter l’explosion sociale, vous devez fédérer vos peuples contre un danger commun qui les détourne de leurs inquiétudes quotidiennes. Là encore, la mondialisation qui était d’abord une difficulté (ce qui inquiétait les Espagnols n’était pas forcément ce qui inquiétait les Allemands) est devenu une chance. Un seul leurre médiatique suffira pour tout le monde. Nous ne somme plus à l’époque où Mussolini sauvait son régime en attaquant l’Ethiopie et où Margaret Thatcher réussissait l’épreuve d’élections difficiles en reprenant trois îlots glacés au large des côtes argentines.
Nous ne pensons pas opportun, cette année, ou alors sur un mode mineur, d’utiliser la guerre contre le terrorisme islamique comme diversion. L’intervention américaine en Irak a discrédité les opérations de ce genre. Le coût humain élevé pour un résultat nul fait qu’aujourd’hui la guerre en Afghanistan est quasiment menée en catimini, tant on sent des populations sur le point de rompre de ce côté-là et vous ne voudriez pas, en plus, vous retrouver avec des manifestations pacifistes monstres.
L’invention, ou la mise en avant de ce que nous appelons dans notre jargon, un Goldstein, là aussi devient difficile. Attirer l’attention sur Hugo Chavez par exemple risque de se révéler extrêmement contre-performant et au contraire de faire passer cette racaille populiste pour un nouveau Guevara. La Corée du Nord ou l’Iran d’Ahmadinejad peuvent effectivement sembler intéressants de prime abord, mais, là encore, d’usage difficile, surtout quand la tension monte vraiment et que vous reprenez chacun, messieurs-dames, vos habitudes diplomatiques respectives, les uns jouant l’apaisement, les autres la fermeté. On pourra quelques jours attirer l’attention sur un aspect sentimental du conflit, par exemple une jeune étudiante occidentale accusée d’espionnage qui tient tête courageusement à ses juges, mais, assez vite, les citoyens de vos pays respectifs trouveront tout cela bien abstrait, surtout quand ils n’auront plus de quoi se faire soigner les dents.
Renoncez également au fait divers monté en épingle. D’abord parce qu’il renvoie, comme nous le disions plus haut, à une réponse nationale alors qu’il vous faut une réponse globale et, surtout, parce qu’il peut se retourner contre vous. Ce ne sont pas nos amis belges ici présents qui nous démentiront : des tueurs fous du Brabant à l’affaire Dutroux, ce qui devait masquer les divisions communautaires a, en fait, durablement discrédité l’Etat belge qui ne s’en remettra peut-être jamais.
De manière plus générale, ce n’est pas l’horreur ou la terreur que vos populations doivent ressentir ; plutôt un état de panique latente, durable, mais pas incapacitante, car il faut quand même songer à faire tourner vos économies et dégager de la plus-value. Cet état de panique latente, vous avez longtemps cru pouvoir l’entretenir sur le seul front social en détruisant vos codes du travail et en transformant les salariés du privé comme du public en précaires. Vous voyez bien, mesdames, messieurs, que vous avez atteint ici un stade difficilement dépassable : soit on se suicide en masse dans les entreprises, soit il faut faire face à des réactions violentes comme les séquestrations de patrons ou les menaces de destruction de l’outil de travail.
Il vous reste donc la solution que nous vous proposons et que vous trouverez dans les dossiers posés devant vous : la grippe H1N1. Cette fièvre porcine apparue au Mexique et transmissible à l’homme peut se révéler mortelle pour les personnes déjà fragilisées. Rien ne vous empêche de faire croire à vos populations respectives que ce danger est beaucoup plus grand. Faites taire les médecins qui diront que vous en faites trop et faites les taire, surtout, au nom du principe de précaution, ce onzième commandement.
Ensuite, c’est à vous de jouer. Vos démocraties de marché ont la chance de concentrer entre quelques mains la plupart des organes d’information. Ce sera à chacun de vous de moduler cette peur en fonction de vos spécificités culturelles mais n’oubliez pas d’en parler à chaque bulletin d’information, ne serait-ce que pour signaler une fermeture d’école à classe unique dans la Creuse ou le décès d’une nonagénaire qui aimait le saucisson pur porc.
Fédérez également votre population en lui imposant des réflexes conditionnés sur une large échelle : lavage des mains, port de masque et de gants chirurgicaux, interdiction du bisou et évidemment du french kiss.
De plus, vous pourrez ainsi mesurer le degré de soumission de vos peuples aux stimuli médiatiques et récolter des données qui ne manqueront pas de vous être utiles quand l’environnement écologique, économique et social deviendra vraiment invivable. Ce qui ne saurait tarder.
Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de votre attention.
Après que j’ai amicalement disputé nos amis de Marianne2 sur leur traitement indigné du vrai-faux scandale des figurants pygmées de Faurécia, Philippe Cohen me répond, tout aussi amicalement sur son site. Enfin, il me répond sans me répondre vraiment, c’est-à-dire sans questionner l’antisarkozysme un rien réducteur par lequel il pèche à mon goût. Cela dit, la thèse qu’il développe dans le même article sur l’orwellisation de la politique française est assez réjouissante, enfin déprimante de vérité, mais réjouissante d’intelligence. Et mon ami Philippe a raison d’évoquer à ce sujet mon autre ami Philippe feu Muray. Continuons le débat ! Et en attendant, allez vous faire une idée par vous-même.