Le chanteur Pete Doherty a provoqué un scandale lors d’un concert à Munich en entonnant les premières paroles du Deutschlandlied, l’hymne national allemand. Celles-ci ne sont plus chantées depuis 1945, en raison de leur caractère expansionniste. Les paroles du poème de Hoffmann von Fallersleben, posées sur un quatuor de Joseph Haydn, préconisent une Allemagne s’étendant de la Meuse jusqu’à Memel et de la Baltique jusqu’à l’Adige. Les nuls en géo pourront se reporter à Google Earth. Précisons que ces paroles ont été écrites en 1841, et pas en 1941, dans une époque où les poètes et penseurs germaniques cherchaient à rassembler leur Kulturnation dans une perspective émancipatrice. Et pourtant, traîne sur la toile que le chanteur pop a provoqué son public en entonnant un « chant nazi ». Que son sang impur abreuve nos sillons !
Helvètes underground
Après avoir blanchi l’argent des nazis, de la mafia, des émirs du pétrole, après avoir accordé le vote aux femmes dans certains cantons il y a moins de dix ans, après avoir servi de refuge fiscal à tous ceux qui ont fait leur fortune ailleurs, après s’être allongée comme une crêpe devant la justice américaine en arrêtant Polanski histoire de faire oublier ses petits arrangements avec le trafic de drogue international, la Suisse vient d’apporter un point décisif aux partisans d’une guerre des civilisations et provoqué un orgasme généralisé chez tous les grands malades de l’identitarisme. Elle a en effet mis ce dimanche tous les Amine aux arrêts. Et merci pour le chocolat, comme dirait Chabrol.
Mordillat, ce héros

Tiens, un qui aime prendre des risques, ces jours-ci, c’est Gérard Mordillat. Un risque, mais un risque énaurme ! Il déclare à qui veut l’entendre, sur le site Bibliobs, que, si lui est attribué le prix littéraire du roman d’entreprise, il ne serrera pas la main de Xavier Darcos. Allons bon. Mordillat, au départ, voulait sans doute ne pas serrer la main de Mussolini, ou celle d’Hitler, de Pinochet encore. Mais il s’est vite rendu compte que ce n’était plus possible. D’aucuns rapportent en effet que tous ces brillants personnages sont morts. C’est pas de veine. On a la rebellitude qu’on peut, en somme. Et puis, chacun sait bien que Darcos, au fond, c’est un grand méchant homme. Qu’il fait partie d’un gouvernement « qui s’enorgueillit d’avoir un ministère du racisme et de la xénophobie » ; un gouvernement « qui développe une philosophie facho-libérale ». C’est Mordillat qui le dit. Et Mordillat, il a forcément raison.
Qu’on se souvienne : Corpus Christi. A longueur de soirée sur Arte, jadis, et puis en cassettes, et puis en dvd, et puis en livres ; et puis à nouveau en livres, en dvd, en cassettes, à plein rayons, à la Fnac. Enfin. Avec son compère Prieur, il nous l’a enseignée, cette évidence que l’histoire du christianisme, c’était celle de la longue, l’interminable trahison du message originel de Jésus ; il nous l’a mise sous les yeux, à nous qui ne voulions pas la voir, cette autre vérité que la même histoire du christianisme, c’était celle de l’antisémitisme. Essentiellement. Et quand il faut, à l’occasion, il en remet une couche, Mordillat, il n’est pas avare de sa vérité, en somme. Tenez, je m’en souviens, dans l’émission « Répliques » du 28 mars 2009. Devant Finkielkraut, devant Jean-Marie Salamito, lequel se présentait avec une réfutation savante des thèses de Mordillat, ce dernier hurlait dans nos oreilles matinales que le martyre chrétien, eh bien, c’était la même chose que le martyre des intégristes musulmans qui se font sauter en plein marché, dans un avion, ou encore dans un train. Salamito et Finkielkraut, d’une voix calme, avaient beau lui rappeler cette apparente évidence qu’il y a un fossé entre le martyr qui sacrifie sa propre vie – le martyr dont d’ailleurs ce furent les persécuteurs qui sacrifiaient bien souvent la vie – et celui qui se tue lui-même pour tuer le plus d’innocents possibles, eh bien non, Mordillat n’en démordillait pas : pareil, vous dis-je. Et non seulement, tout ça est la même chose, pensait-il, mais il y avait plus grave : le martyre musulman était un rejeton du martyre chrétien. Dans l’évangile selon Mordillat, si les barbus se font sauter, façon puzzle, sur les marchés, eh bien ce sont encore les chrétiens qui en ont la paternité. La vérité qui sort de la bouche de Mordillat, ça ne se négocie pas.
On conseillerait bien à Mordillat de relire un peu René Girard, par exemple, et notamment de méditer cette phrase, extraite de Achever Clausewitz : « Les attentats-suicides sont de ce point de vue une inversion monstrueuse des sacrifices primitifs : au lieu de tuer des victimes pour en sauver d’autres, les terroristes se tuent pour en tuer d’autres. C’est plus que jamais un monde à l’envers. » Mais à quoi bon, en somme : Girard, vu qu’il est chrétien, il ne peut pas être objectif ; et puis, si ça se trouve, il est même islamophobe, c’est la saison.
Tiens, si l’on me demandait de composer le manuel L’Objectivité pour les Nuls, je commencerais par écrire, noir sur blanc, que être objectif, aujourd’hui, n’est possible que si l’on est athée. Et franchement. Pas mollement athée, pas agnostique, non. Furieusement. Mais ce serait une fureur d’une autre sorte que la vulgaire fureur qui nous rend vindicatif, méchant. Car si un athée pouvait être vindicatif, ça se saurait.
La rebellitude est d’abord affaire de vocabulaire. Il y a des mots qui font mouche, en toute saison. Mordillat les connaît, lui. En quatre phrases, tenez, il a prononcé l’essentiel ; il a lancé bien haut les mots « racisme », « xénophobie », qui vous posent là un rebelle. Mais la panoplie verbale serait incomplète sans les termes « fasciste » ou « libéral ». Le mieux, bien sûr, si on est assez exercé, c’est de combiner les termes par deux ; par exemple, dites « facho-libéral » et tout ira bien. Je déconseille néanmoins l’usage du mot « nazi », qui demande un long entraînement, qui exposera les rebelles novices à des revers, par exemple, judiciaires. Non, facho suffira, la panoplie vous ira bien.
Mais la maîtrise du vocabulaire serait incomplète sans la pose, la pose. Lorsque vous prononcerez les mots adéquats cités plus haut, placez la main droite sur votre cœur et lancez bien haut une phrase comme celle que lance Mordillat, dans son article, une phrase de ce genre : « cette politique, tout en moi la réprouve, tout en moi la combat. » Voilà, vous y êtes.
A ce propos, je suggère de créer un prix de la rebellitude. C’est un exercice à la mode. Mais vu le nombre de rebelles de salon qui se présentent, il serait dommage que le prix soit annuel ; il faudrait un prix quotidien. Le rebelle du jour, on appellerait ça. Pour les rebelles aguerris, les rebelles de longue date, tels que Mordillat, il faudrait une sorte de légion d’honneur, spéciale. On murmure, du côté de l’Elysée, que Gérard serait en passe de l’avoir. Seulement, on lui demande, en haut lieu, encore un grade en rebellitude. Après avoir dézingué le christianisme, avec Corpus Christi, notre gouvernement lui demande de faire la même chose avec l’islam. Et il lui souhaite bon courage, à Mordillat.
Suisse : les Montagnards sont las

Une vieille blague savoyarde met en scène deux braves paysans vaudois en train de la labourer leurs champs du côté de Lausanne par une belle journée de printemps. Au moment de la pause, ils s’assoient sur le muret séparant leur propriété respective, se versent un verre de fendant et commencent à deviser en regardant le paysage qui s’offre à eux : « Regarde moi cette merveille » dit le premier « Ce lac qui reflète les sommets enneigés du Valais, ces vignes qui descendent jusqu’au rivage, ce silence qui nous permet d’entendre le chant de tous nos oiseaux en train de nouer leurs amours printanières… Tu sais, à mon avis, doit bien avoir quelqu’un, là-haut dans le ciel à qui on doit tout ce bonheur… » Son ami réfléchit, fronce le sourcil et lui lance : » Dis-donc, toi tu tournerais pas un peu fanatique, des fois ? »
Cet échange, bien entendu, doit se lire à haute voix avec l’accent qui convient, pas celui de Jean-Luc Godard qui l’a avili par les innombrables bêtises proférées au nom d’un gauchisme aussi stupide qu’arrogant, mais, mettons, celui de Michel Simon jeune.
Alors, depuis ce « dimanche noir » (selon les commentateurs habituels), qui a vu le corps électoral approuver très largement un référendum d’initiative populaire demandant l’interdiction de l’érection de minarets sur le territoire de la Confédération, c’est haro sur le baudet helvétique. L’animal était déjà fortement suspect depuis son empressement à embastiller Roman Polanski pour complaire à la justice des Etats-Unis, il est maintenant cloué au pilori comme champion du monde de l’islamophobie, de l’intolérance, de la beaufitude indécrottable, de la bêtise populiste à front de taureau.
La bronca est d’autant plus forte que personne ne s’attendait à voir triompher aussi nettement le « non aux minarets » dans une votation initiée par l’Union démocratique du centre, un parti bien mal nommé, qui incarne la version suisse de ce « populisme alpin » qui se décline sous diverses formes en Autriche et en Italie du Nord. La France alpine est relativement épargnée par ce phénomène : la Ligue savoisienne, qui nageait peu ou prou dans les mêmes eaux troubles lémaniques n’a été qu’un phénomène éphémère au début des années 1980. Alors, que s’est-il passé pour que cette provocation d’extrême droite recueille l’assentiment de tant de braves gens, qui, à l’instar de nos deux laboureurs, se méfient de tout ce qui se rapproche d’une intolérante radicalité ?
La séquence politique qui a précédé cette votation n’est pas étrangère à l’évolution de l’opinion vers ce coup de colère aussi brutal qu’inattendu. Depuis plus d’un an, en effet, le gouvernement de la Confédération Helvétique se fait mener en bateau par le grand leader de la Jamahiriya islamique et socialiste libyenne, j’ai nommé Mouammar Kadhafi. L’histoire a commencé il y a un peu plus d’un an, lorsque l’un des fils du raïs libyen, Hannibal Kadhafi, et son épouse furent arrêtés par la police genevoise dans le palace où ils étaient descendus avec leur suite. Motif : le personnel de l’hôtel avait signalé aux autorités les mauvais traitements qu’Hannibal et sa conjointe faisaient subir à leurs domestiques maghrébins, traités, semble-t-il, comme des esclaves razziés par une tribu bédouine.
Mouammar Kadhafi prend très mal la chose, et décide de faire passer la Suisse par toutes les humiliations que méritent cette atteinte intolérable à l’honneur de la tribu qui règne depuis quarante ans sur la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. Il retire des banques suisses les milliards amassé par le dur labeur consistant à accaparer pour lui et ses proches l’essentiel de la rente pétrolière et gazière de son pays. Il place en état d’arrêt domiciliaire sine die deux hommes d’affaires suisses en dépit du fait que son fils et son épouse ait été autorisés à regagner la Libye à la suite du retrait de la plainte des malheureux domestiques. Ces derniers ont été fermement invités à accepter des dédommagements financiers pour s’écraser, et pour se faire mieux comprendre, les sbires de Kadhafi s’arrangent pour que le frère du valet passe de vie à trépas dans des conditions pour le moins bizarres.
Mais c’est mal connaître l’ombrageux Mouammar que de croire qu’il allait faire montre de sa proverbiale clémence en mettant fin à sa querelle avec Berne après ce petit arrangement. Il voulait voir le gouvernement suisse, ses diplomates et ses banquiers ramper vers lui face contre terre pour venir lui lécher les babouches en chemise et la corde au cou. Ce qui fut fait au mois de juillet 2009, lorsque le président en exercice de la Confédération, Heinz Rudolf Merz, se rend à Tripoli pour signer un protocole d’accord, qui commence par des excuses en bonne et due forme de Berne pour le traitement ignoble infligé au fiston. Après cette contrition publique exprimée à Tripoli, Merz accepte la mise en place d’une commission d’arbitrage dont la mission est d’établir les responsabilités individuelles dans la police et la justice genevoise, Berne s’engageant à sanctionner comme il se doit les fautifs. Ce brave Merz était venu dans ce Canossa oriental dans un avion du gouvernement suffisamment spacieux pour ramener, pensait-il, ses compatriotes arbitrairement retenus en otages. A peine l’encre du honteux protocole fut-elle sèche, que les Libyens firent savoir qu’il n’était pas question de libérer les Suisses avant que la commission d’arbitrage ait rendu ses conclusions, et que les fonctionnaires genevois aient reçu la fessée que les arbitres n’allaient pas manquer de leur infliger. Pour que les choses soient bien claires, Mouammar Kadhafi prononce alors un beau discours, dans lequel il ne demande rien moins que la dissolution de la Confédération helvétique, coupable de violations continues et répétées des droits de l’homme, en proposant que ses voisins allemands, français et italiens se partagent les dépouilles de la Suisse en fonction des régions linguistiques.
Micheline Calmy-Rey, la très gauchiste cheffe du département (ministre) des affaires étrangères, amie de l’ami intime de Kadhafi, l’ineffable Jean Ziegler, doit faire face à une discrète, mais très inhabituelle révolte de son administration qui commence à trouver saumâtre le rôle de carpette orientale qu’on lui fait jouer.
On en est là, et la Libye vient d’annoncer qu’elle allait faire passer en jugement les otages qu’elle a conservé par devers elle.
Bien sûr, dans le vote de dimanche, on ne peut exclure un fond d’islamophobie et de xénophobie instinctive dans une population qui a longtemps vécue dans un isolement montagnard peu propice à l’ouverture au grand large. Mais d’autres votations xénophobes initiées par l’UDC ces derniers temps, comme celle demandant le retrait de la Suisse de l’espace Schengen ont été repoussées.
L’affaire Kadhafi, et le comportement indigne d’une classe politique qui brade l’honneur national dans l’espoir d’hypothétiques contrats industriels, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le lac, à défaut d’y mettre le feu. Rama Yade avait, à juste titre, dénoncé le statut de paillasson auquel Kadhafi avait ravalé la France lors de la visite de ce dernier dans notre pays en 2008. Les Suisses semblent l’avoir entendue, même si leur réponse n’est pas de celle que nos moralistes auraient aimé saluer de leur plume louangeuse. Et puis, on a sa fierté, vinzou !
Querelle de clochers
Contrairement à ce que prévoyaient les instituts de sondages, une majorité de Suisses (57,5 %) s’est prononcée hier, par référendum, en faveur de l’initiative visant à interdire la construction de minarets sur le territoire helvétique. La Confédération n’étant pas membre de l’Union, cet acte patent d’islamophobie ne saurait nous éclabousser. Néanmoins, il n’est pas à exclure que certains ulémas rigoristes tiennent pour complices de cette forfaiture calviniste l’ensemble des chrétiens. Et nous ne serions pas plus surpris que cela d’apprendre qu’il sera désormais interdit de construire des cathédrales à Djeddah, Ispahan ou Khartoum…
Intoxication élémentaire

– Bonjour, monsieur le Président.
– Bonjour, cher ami. Alors que m’avez-vous prévu cette semaine ?
– Eh bien voilà, monsieur le Président, les élections régionales approchent et il y a un risque important que l’on se mette à parler de votre bilan à mi-mandat.
– Oui, effectivement, il ne vaudrait mieux pas. Alors, vous me suggérez quoi ?
– Un débat sur l’identité nationale…
– Ah, c’est pas mal comme idée. Tous ces cons vont se demander ce que c’est d’être français et pendant ce temps-là, ils oublieront qu’ils sont 3 millions chômeurs et qu’ils ont à peine de quoi croûter. Besson va me préparer ça aux petits oignons. Tout le monde va embrayer comme un seul homme, journaux, télévision, on ne parlera plus que de ça. Très bien mon vieux, très bien. Vous vous occupez des détails ?
– Pas de problème, monsieur le Président.
– Dites, j’ai une autre affaire sur les bras. Les chiffres de la sécurité sont catastrophiques, alors que j’ai quand même fait mes promesses de campagne là-dessus…
– Ne vous inquiétez pas, monsieur le Président, la cavale de Jean-Pierre Treiber commence à moins intéresser les gens. Faites-le arrêter, ça va faire la « une » pendant deux ou trois jours.
– Excellent… Hortefeux m’a dit qu’il était localisé depuis le début et qu’il attendait le moment propice. Ça plus le convoyeur de fond qui ne sait plus quoi faire du pognon qu’il a volé, on va bien détourner l’attention. Ce sera toujours moins risqué que MAM et ses anarcho-autonomes.
– Ah oui, monsieur le Président, j’allais oublier : il y a des ouvriers licenciés de Molex qui se sont déplacés à l’assemblée générale des actionnaires à Chicago et qui n’ont pas été reçus. Il faut faire attention avec les infos de ce genre. Si elles se répandent, ça va jouer sur le côté sentimental des Français. Et on va encore nous ressortir la mondialisation et le capitalisme sauvage, les petits contre les gros. Faudrait quand même éviter de leur faire trop de pub, à ces pue-la-sueur.
– Vous avez raison. On n’a rien sous la main, là ?
– J’ai bien une idée. Demandez à un de vos députés de déposer un projet de loi complètement débile mais qui fasse « sujet de société ». Je ne sais pas, moi, tenez, une loi pour interdire la fessée !
– La fessée ? Bah, pourquoi pas… Je demanderai à Fillon de me trouver un pédiatre dans les godillots de l’UMP. Ca doit pouvoir se faire assez vite.
– Attention quand même à ne pas être trop lourdingue, monsieur le Président. La dernière fois, quand vous avez voulu cacher la grève de la poste contre le changement de statut, ça a été très limite.
– Vous voulez parlez de l’affaire Marie N’Diaye et de son prix Goncourt avec ses déclarations sur la France « monstrueuse » ? Mais c’est vous qui m’avez donné cette idée !
– Certes, monsieur le Président, mais je ne vous ai pas dit de confier ça à Eric Raoult. Eric Raoult, monsieur le Président, vous vous rendez compte…
– Oui, vous avez raison, ce n’est vraiment pas le plus malin. Eric Raoult qui parle de littérature, c’est un peu comme si Laurence Parisot parlait augmentation de salaires : on n’y croit pas trente secondes. Sinon, il me faudrait quelque chose contre la fronde des élus locaux et la suppression de la taxe professionnelle. Je vais envoyer Fillon se faire huer par l’assemblée des maires de France, mais il me faudrait quelque chose de solide pour faire oublier que même des sénateurs de droite commencent à grogner.
– Bah, on a toujours la grippe A, monsieur le Président. Envoyez votre ministre de la Santé se faire vacciner devant les caméras.
– Et si le vaccin a des effets secondaires ?
– Vous savez, avec Bachelot, monsieur le Président, même s’il y en a des effets secondaires, on ne les verra pas plus que ça.
– Bon, je crois qu’on a fait le tour. Ah oui, il y a France-Irlande… Il ne faudrait pas qu’on perde, ça serait mauvais pour le moral. L’idéal, ce serait de gagner de manière à ce qu’on ne parle plus que de ça pendant au moins toute une semaine. Ca évitera de montrer qu’on a mis à la tête de l’Europe un Flamand réac et une Anglaise qui ne connaît rien aux Affaires étrangères.
– On pourrait gagner le match de manière honteuse, en trichant…. Une faute de main pour marquer un but, par exemple, monsieur le Président.
– Très bien ça, mon vieux. Vous pouvez m’arranger ça ?
– Je vais en parler avec Domenech, monsieur le Président.
Défense d’urner
Le président du Honduras, Manuel Zelaya, a commis deux fautes de goût aux yeux du nouvel ordre mondial : il a un beau chapeau blanc et il fait partie de la bande à Chavez. Résultat, il y a cinq mois, un putsch qui sentait bon les seventies et la CIA l’a renversé alors qu’il se préparait à gagner un referendum. La communauté internationale, et en particulier les USA, ont condamné ce coup d’état avec de grosses larmes de crocodile. Après un exil et un retour rocambolesque dans son pays, via l’ambassade du Brésil où il est réfugié depuis fin septembre, il va vivre une expérience jamais vue pour un chef d’état : assister aux élections générales (présidentielles, législatives, municipales) qui vont se dérouler ce 29 novembre sans pouvoir y participer. Il a appelé ses partisans au boycott mais le fantôche mis en place à la tête du Honduras par les militaires a prévenu que « le vote est une obligation constitutionnelle. » On en est pour l’instant à une vingtaine de personnes exécutées et trois mille arrestations. L’urne ou le cercueil, en quelque sorte.
Air France, ou l’identité internationale
Depuis quelques jours, les murs du métro parisien sont recouverts, de très belles affiches 4×3, vantant les nouvelles offres commerciales d’Air France. Je vous passe le contenu, car c’est un infime détail qui a polarisé mon attention. Air France a changé de logo. Exit le drapeau tricolore stylisé en raies parallèles. Exit ce bleu blanc rouge éclatant,, d’une compagnie longtemps « nationale ». En lieu et place dudit drapeau, le nouveau logo , la compagnie a opté pour une « virgule graphique » d’un rouge bien insignifiant. Et Air France devient Airfrance en un seul mot., et ses communiquants ont même pris la peine de nous expliquer pourquoi : « Le nouveau logotype, qui se lit en un seul mot, dans un style épuré et avec une typographie allégée, vise à exprimer ce qu’est aujourd’hui Air France : une compagnie fidèle à son identité nationale et aux valeurs qui lui sont liées mais devenue, à travers notamment la création du groupe Air France-KLM, une marque mondiale dont plus de la moitié de la clientèle est internationale »… On la cherche encore, l’identité nationale… Je fais le pari que dans quelques années le mot « France » disparaîtra aussi du logo, et de la marque… et peut-être même du dictionnaire.
Longtemps, je me suis douchée de bonne heure
Une infâme petite crasseuse de dix ans refusait de prendre sa douche et faisait enrager sa mère à Ozark, dans l’Arkansas, Etat américain célèbre pour ses bêtes à cornes et ses présidents démocrates amateurs de cigare. Divorcée, certainement épuisée par sa journée de travail de quinze heures et ses trois métiers comme toute étasunienne qui se respecte, la génitrice désemparée décida de faire appel aux forces de l’ordre. Un agent de police, promptement arrivé sur les lieux, constatant l’attitude scandaleuse de cette mouflette aussi arrogante que malodorante, et sur la demande insistante de la mère, sortit son Taser, tira une décharge électrique sur l’insupportable gamine avant de l’emmener, sonnée et étourdie, au poste. C’est là que commence le scandale : le père de l’enfant, qui ne manque pas d’aplomb, a déclaré avec grandiloquence qu’on avait traité sa fille « comme un chien alors qu’elle avait simplement besoin d’amour » et le maire de la ville, tout aussi laxiste, a suspendu le courageux policier pendant une semaine. A vous dégoûter, vraiment, de vouloir donner des repères à des enfants qui se croient décidément tout permis.
Pete Doherty : nasillard ou nazillon ?
Le chanteur Pete Doherty a provoqué un scandale lors d’un concert à Munich en entonnant les premières paroles du Deutschlandlied, l’hymne national allemand. Celles-ci ne sont plus chantées depuis 1945, en raison de leur caractère expansionniste. Les paroles du poème de Hoffmann von Fallersleben, posées sur un quatuor de Joseph Haydn, préconisent une Allemagne s’étendant de la Meuse jusqu’à Memel et de la Baltique jusqu’à l’Adige. Les nuls en géo pourront se reporter à Google Earth. Précisons que ces paroles ont été écrites en 1841, et pas en 1941, dans une époque où les poètes et penseurs germaniques cherchaient à rassembler leur Kulturnation dans une perspective émancipatrice. Et pourtant, traîne sur la toile que le chanteur pop a provoqué son public en entonnant un « chant nazi ». Que son sang impur abreuve nos sillons !
Helvètes underground
Après avoir blanchi l’argent des nazis, de la mafia, des émirs du pétrole, après avoir accordé le vote aux femmes dans certains cantons il y a moins de dix ans, après avoir servi de refuge fiscal à tous ceux qui ont fait leur fortune ailleurs, après s’être allongée comme une crêpe devant la justice américaine en arrêtant Polanski histoire de faire oublier ses petits arrangements avec le trafic de drogue international, la Suisse vient d’apporter un point décisif aux partisans d’une guerre des civilisations et provoqué un orgasme généralisé chez tous les grands malades de l’identitarisme. Elle a en effet mis ce dimanche tous les Amine aux arrêts. Et merci pour le chocolat, comme dirait Chabrol.
Mordillat, ce héros

Tiens, un qui aime prendre des risques, ces jours-ci, c’est Gérard Mordillat. Un risque, mais un risque énaurme ! Il déclare à qui veut l’entendre, sur le site Bibliobs, que, si lui est attribué le prix littéraire du roman d’entreprise, il ne serrera pas la main de Xavier Darcos. Allons bon. Mordillat, au départ, voulait sans doute ne pas serrer la main de Mussolini, ou celle d’Hitler, de Pinochet encore. Mais il s’est vite rendu compte que ce n’était plus possible. D’aucuns rapportent en effet que tous ces brillants personnages sont morts. C’est pas de veine. On a la rebellitude qu’on peut, en somme. Et puis, chacun sait bien que Darcos, au fond, c’est un grand méchant homme. Qu’il fait partie d’un gouvernement « qui s’enorgueillit d’avoir un ministère du racisme et de la xénophobie » ; un gouvernement « qui développe une philosophie facho-libérale ». C’est Mordillat qui le dit. Et Mordillat, il a forcément raison.
Qu’on se souvienne : Corpus Christi. A longueur de soirée sur Arte, jadis, et puis en cassettes, et puis en dvd, et puis en livres ; et puis à nouveau en livres, en dvd, en cassettes, à plein rayons, à la Fnac. Enfin. Avec son compère Prieur, il nous l’a enseignée, cette évidence que l’histoire du christianisme, c’était celle de la longue, l’interminable trahison du message originel de Jésus ; il nous l’a mise sous les yeux, à nous qui ne voulions pas la voir, cette autre vérité que la même histoire du christianisme, c’était celle de l’antisémitisme. Essentiellement. Et quand il faut, à l’occasion, il en remet une couche, Mordillat, il n’est pas avare de sa vérité, en somme. Tenez, je m’en souviens, dans l’émission « Répliques » du 28 mars 2009. Devant Finkielkraut, devant Jean-Marie Salamito, lequel se présentait avec une réfutation savante des thèses de Mordillat, ce dernier hurlait dans nos oreilles matinales que le martyre chrétien, eh bien, c’était la même chose que le martyre des intégristes musulmans qui se font sauter en plein marché, dans un avion, ou encore dans un train. Salamito et Finkielkraut, d’une voix calme, avaient beau lui rappeler cette apparente évidence qu’il y a un fossé entre le martyr qui sacrifie sa propre vie – le martyr dont d’ailleurs ce furent les persécuteurs qui sacrifiaient bien souvent la vie – et celui qui se tue lui-même pour tuer le plus d’innocents possibles, eh bien non, Mordillat n’en démordillait pas : pareil, vous dis-je. Et non seulement, tout ça est la même chose, pensait-il, mais il y avait plus grave : le martyre musulman était un rejeton du martyre chrétien. Dans l’évangile selon Mordillat, si les barbus se font sauter, façon puzzle, sur les marchés, eh bien ce sont encore les chrétiens qui en ont la paternité. La vérité qui sort de la bouche de Mordillat, ça ne se négocie pas.
On conseillerait bien à Mordillat de relire un peu René Girard, par exemple, et notamment de méditer cette phrase, extraite de Achever Clausewitz : « Les attentats-suicides sont de ce point de vue une inversion monstrueuse des sacrifices primitifs : au lieu de tuer des victimes pour en sauver d’autres, les terroristes se tuent pour en tuer d’autres. C’est plus que jamais un monde à l’envers. » Mais à quoi bon, en somme : Girard, vu qu’il est chrétien, il ne peut pas être objectif ; et puis, si ça se trouve, il est même islamophobe, c’est la saison.
Tiens, si l’on me demandait de composer le manuel L’Objectivité pour les Nuls, je commencerais par écrire, noir sur blanc, que être objectif, aujourd’hui, n’est possible que si l’on est athée. Et franchement. Pas mollement athée, pas agnostique, non. Furieusement. Mais ce serait une fureur d’une autre sorte que la vulgaire fureur qui nous rend vindicatif, méchant. Car si un athée pouvait être vindicatif, ça se saurait.
La rebellitude est d’abord affaire de vocabulaire. Il y a des mots qui font mouche, en toute saison. Mordillat les connaît, lui. En quatre phrases, tenez, il a prononcé l’essentiel ; il a lancé bien haut les mots « racisme », « xénophobie », qui vous posent là un rebelle. Mais la panoplie verbale serait incomplète sans les termes « fasciste » ou « libéral ». Le mieux, bien sûr, si on est assez exercé, c’est de combiner les termes par deux ; par exemple, dites « facho-libéral » et tout ira bien. Je déconseille néanmoins l’usage du mot « nazi », qui demande un long entraînement, qui exposera les rebelles novices à des revers, par exemple, judiciaires. Non, facho suffira, la panoplie vous ira bien.
Mais la maîtrise du vocabulaire serait incomplète sans la pose, la pose. Lorsque vous prononcerez les mots adéquats cités plus haut, placez la main droite sur votre cœur et lancez bien haut une phrase comme celle que lance Mordillat, dans son article, une phrase de ce genre : « cette politique, tout en moi la réprouve, tout en moi la combat. » Voilà, vous y êtes.
A ce propos, je suggère de créer un prix de la rebellitude. C’est un exercice à la mode. Mais vu le nombre de rebelles de salon qui se présentent, il serait dommage que le prix soit annuel ; il faudrait un prix quotidien. Le rebelle du jour, on appellerait ça. Pour les rebelles aguerris, les rebelles de longue date, tels que Mordillat, il faudrait une sorte de légion d’honneur, spéciale. On murmure, du côté de l’Elysée, que Gérard serait en passe de l’avoir. Seulement, on lui demande, en haut lieu, encore un grade en rebellitude. Après avoir dézingué le christianisme, avec Corpus Christi, notre gouvernement lui demande de faire la même chose avec l’islam. Et il lui souhaite bon courage, à Mordillat.
Suisse : les Montagnards sont las

Une vieille blague savoyarde met en scène deux braves paysans vaudois en train de la labourer leurs champs du côté de Lausanne par une belle journée de printemps. Au moment de la pause, ils s’assoient sur le muret séparant leur propriété respective, se versent un verre de fendant et commencent à deviser en regardant le paysage qui s’offre à eux : « Regarde moi cette merveille » dit le premier « Ce lac qui reflète les sommets enneigés du Valais, ces vignes qui descendent jusqu’au rivage, ce silence qui nous permet d’entendre le chant de tous nos oiseaux en train de nouer leurs amours printanières… Tu sais, à mon avis, doit bien avoir quelqu’un, là-haut dans le ciel à qui on doit tout ce bonheur… » Son ami réfléchit, fronce le sourcil et lui lance : » Dis-donc, toi tu tournerais pas un peu fanatique, des fois ? »
Cet échange, bien entendu, doit se lire à haute voix avec l’accent qui convient, pas celui de Jean-Luc Godard qui l’a avili par les innombrables bêtises proférées au nom d’un gauchisme aussi stupide qu’arrogant, mais, mettons, celui de Michel Simon jeune.
Alors, depuis ce « dimanche noir » (selon les commentateurs habituels), qui a vu le corps électoral approuver très largement un référendum d’initiative populaire demandant l’interdiction de l’érection de minarets sur le territoire de la Confédération, c’est haro sur le baudet helvétique. L’animal était déjà fortement suspect depuis son empressement à embastiller Roman Polanski pour complaire à la justice des Etats-Unis, il est maintenant cloué au pilori comme champion du monde de l’islamophobie, de l’intolérance, de la beaufitude indécrottable, de la bêtise populiste à front de taureau.
La bronca est d’autant plus forte que personne ne s’attendait à voir triompher aussi nettement le « non aux minarets » dans une votation initiée par l’Union démocratique du centre, un parti bien mal nommé, qui incarne la version suisse de ce « populisme alpin » qui se décline sous diverses formes en Autriche et en Italie du Nord. La France alpine est relativement épargnée par ce phénomène : la Ligue savoisienne, qui nageait peu ou prou dans les mêmes eaux troubles lémaniques n’a été qu’un phénomène éphémère au début des années 1980. Alors, que s’est-il passé pour que cette provocation d’extrême droite recueille l’assentiment de tant de braves gens, qui, à l’instar de nos deux laboureurs, se méfient de tout ce qui se rapproche d’une intolérante radicalité ?
La séquence politique qui a précédé cette votation n’est pas étrangère à l’évolution de l’opinion vers ce coup de colère aussi brutal qu’inattendu. Depuis plus d’un an, en effet, le gouvernement de la Confédération Helvétique se fait mener en bateau par le grand leader de la Jamahiriya islamique et socialiste libyenne, j’ai nommé Mouammar Kadhafi. L’histoire a commencé il y a un peu plus d’un an, lorsque l’un des fils du raïs libyen, Hannibal Kadhafi, et son épouse furent arrêtés par la police genevoise dans le palace où ils étaient descendus avec leur suite. Motif : le personnel de l’hôtel avait signalé aux autorités les mauvais traitements qu’Hannibal et sa conjointe faisaient subir à leurs domestiques maghrébins, traités, semble-t-il, comme des esclaves razziés par une tribu bédouine.
Mouammar Kadhafi prend très mal la chose, et décide de faire passer la Suisse par toutes les humiliations que méritent cette atteinte intolérable à l’honneur de la tribu qui règne depuis quarante ans sur la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. Il retire des banques suisses les milliards amassé par le dur labeur consistant à accaparer pour lui et ses proches l’essentiel de la rente pétrolière et gazière de son pays. Il place en état d’arrêt domiciliaire sine die deux hommes d’affaires suisses en dépit du fait que son fils et son épouse ait été autorisés à regagner la Libye à la suite du retrait de la plainte des malheureux domestiques. Ces derniers ont été fermement invités à accepter des dédommagements financiers pour s’écraser, et pour se faire mieux comprendre, les sbires de Kadhafi s’arrangent pour que le frère du valet passe de vie à trépas dans des conditions pour le moins bizarres.
Mais c’est mal connaître l’ombrageux Mouammar que de croire qu’il allait faire montre de sa proverbiale clémence en mettant fin à sa querelle avec Berne après ce petit arrangement. Il voulait voir le gouvernement suisse, ses diplomates et ses banquiers ramper vers lui face contre terre pour venir lui lécher les babouches en chemise et la corde au cou. Ce qui fut fait au mois de juillet 2009, lorsque le président en exercice de la Confédération, Heinz Rudolf Merz, se rend à Tripoli pour signer un protocole d’accord, qui commence par des excuses en bonne et due forme de Berne pour le traitement ignoble infligé au fiston. Après cette contrition publique exprimée à Tripoli, Merz accepte la mise en place d’une commission d’arbitrage dont la mission est d’établir les responsabilités individuelles dans la police et la justice genevoise, Berne s’engageant à sanctionner comme il se doit les fautifs. Ce brave Merz était venu dans ce Canossa oriental dans un avion du gouvernement suffisamment spacieux pour ramener, pensait-il, ses compatriotes arbitrairement retenus en otages. A peine l’encre du honteux protocole fut-elle sèche, que les Libyens firent savoir qu’il n’était pas question de libérer les Suisses avant que la commission d’arbitrage ait rendu ses conclusions, et que les fonctionnaires genevois aient reçu la fessée que les arbitres n’allaient pas manquer de leur infliger. Pour que les choses soient bien claires, Mouammar Kadhafi prononce alors un beau discours, dans lequel il ne demande rien moins que la dissolution de la Confédération helvétique, coupable de violations continues et répétées des droits de l’homme, en proposant que ses voisins allemands, français et italiens se partagent les dépouilles de la Suisse en fonction des régions linguistiques.
Micheline Calmy-Rey, la très gauchiste cheffe du département (ministre) des affaires étrangères, amie de l’ami intime de Kadhafi, l’ineffable Jean Ziegler, doit faire face à une discrète, mais très inhabituelle révolte de son administration qui commence à trouver saumâtre le rôle de carpette orientale qu’on lui fait jouer.
On en est là, et la Libye vient d’annoncer qu’elle allait faire passer en jugement les otages qu’elle a conservé par devers elle.
Bien sûr, dans le vote de dimanche, on ne peut exclure un fond d’islamophobie et de xénophobie instinctive dans une population qui a longtemps vécue dans un isolement montagnard peu propice à l’ouverture au grand large. Mais d’autres votations xénophobes initiées par l’UDC ces derniers temps, comme celle demandant le retrait de la Suisse de l’espace Schengen ont été repoussées.
L’affaire Kadhafi, et le comportement indigne d’une classe politique qui brade l’honneur national dans l’espoir d’hypothétiques contrats industriels, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le lac, à défaut d’y mettre le feu. Rama Yade avait, à juste titre, dénoncé le statut de paillasson auquel Kadhafi avait ravalé la France lors de la visite de ce dernier dans notre pays en 2008. Les Suisses semblent l’avoir entendue, même si leur réponse n’est pas de celle que nos moralistes auraient aimé saluer de leur plume louangeuse. Et puis, on a sa fierté, vinzou !
Querelle de clochers
Contrairement à ce que prévoyaient les instituts de sondages, une majorité de Suisses (57,5 %) s’est prononcée hier, par référendum, en faveur de l’initiative visant à interdire la construction de minarets sur le territoire helvétique. La Confédération n’étant pas membre de l’Union, cet acte patent d’islamophobie ne saurait nous éclabousser. Néanmoins, il n’est pas à exclure que certains ulémas rigoristes tiennent pour complices de cette forfaiture calviniste l’ensemble des chrétiens. Et nous ne serions pas plus surpris que cela d’apprendre qu’il sera désormais interdit de construire des cathédrales à Djeddah, Ispahan ou Khartoum…
Intoxication élémentaire

– Bonjour, monsieur le Président.
– Bonjour, cher ami. Alors que m’avez-vous prévu cette semaine ?
– Eh bien voilà, monsieur le Président, les élections régionales approchent et il y a un risque important que l’on se mette à parler de votre bilan à mi-mandat.
– Oui, effectivement, il ne vaudrait mieux pas. Alors, vous me suggérez quoi ?
– Un débat sur l’identité nationale…
– Ah, c’est pas mal comme idée. Tous ces cons vont se demander ce que c’est d’être français et pendant ce temps-là, ils oublieront qu’ils sont 3 millions chômeurs et qu’ils ont à peine de quoi croûter. Besson va me préparer ça aux petits oignons. Tout le monde va embrayer comme un seul homme, journaux, télévision, on ne parlera plus que de ça. Très bien mon vieux, très bien. Vous vous occupez des détails ?
– Pas de problème, monsieur le Président.
– Dites, j’ai une autre affaire sur les bras. Les chiffres de la sécurité sont catastrophiques, alors que j’ai quand même fait mes promesses de campagne là-dessus…
– Ne vous inquiétez pas, monsieur le Président, la cavale de Jean-Pierre Treiber commence à moins intéresser les gens. Faites-le arrêter, ça va faire la « une » pendant deux ou trois jours.
– Excellent… Hortefeux m’a dit qu’il était localisé depuis le début et qu’il attendait le moment propice. Ça plus le convoyeur de fond qui ne sait plus quoi faire du pognon qu’il a volé, on va bien détourner l’attention. Ce sera toujours moins risqué que MAM et ses anarcho-autonomes.
– Ah oui, monsieur le Président, j’allais oublier : il y a des ouvriers licenciés de Molex qui se sont déplacés à l’assemblée générale des actionnaires à Chicago et qui n’ont pas été reçus. Il faut faire attention avec les infos de ce genre. Si elles se répandent, ça va jouer sur le côté sentimental des Français. Et on va encore nous ressortir la mondialisation et le capitalisme sauvage, les petits contre les gros. Faudrait quand même éviter de leur faire trop de pub, à ces pue-la-sueur.
– Vous avez raison. On n’a rien sous la main, là ?
– J’ai bien une idée. Demandez à un de vos députés de déposer un projet de loi complètement débile mais qui fasse « sujet de société ». Je ne sais pas, moi, tenez, une loi pour interdire la fessée !
– La fessée ? Bah, pourquoi pas… Je demanderai à Fillon de me trouver un pédiatre dans les godillots de l’UMP. Ca doit pouvoir se faire assez vite.
– Attention quand même à ne pas être trop lourdingue, monsieur le Président. La dernière fois, quand vous avez voulu cacher la grève de la poste contre le changement de statut, ça a été très limite.
– Vous voulez parlez de l’affaire Marie N’Diaye et de son prix Goncourt avec ses déclarations sur la France « monstrueuse » ? Mais c’est vous qui m’avez donné cette idée !
– Certes, monsieur le Président, mais je ne vous ai pas dit de confier ça à Eric Raoult. Eric Raoult, monsieur le Président, vous vous rendez compte…
– Oui, vous avez raison, ce n’est vraiment pas le plus malin. Eric Raoult qui parle de littérature, c’est un peu comme si Laurence Parisot parlait augmentation de salaires : on n’y croit pas trente secondes. Sinon, il me faudrait quelque chose contre la fronde des élus locaux et la suppression de la taxe professionnelle. Je vais envoyer Fillon se faire huer par l’assemblée des maires de France, mais il me faudrait quelque chose de solide pour faire oublier que même des sénateurs de droite commencent à grogner.
– Bah, on a toujours la grippe A, monsieur le Président. Envoyez votre ministre de la Santé se faire vacciner devant les caméras.
– Et si le vaccin a des effets secondaires ?
– Vous savez, avec Bachelot, monsieur le Président, même s’il y en a des effets secondaires, on ne les verra pas plus que ça.
– Bon, je crois qu’on a fait le tour. Ah oui, il y a France-Irlande… Il ne faudrait pas qu’on perde, ça serait mauvais pour le moral. L’idéal, ce serait de gagner de manière à ce qu’on ne parle plus que de ça pendant au moins toute une semaine. Ca évitera de montrer qu’on a mis à la tête de l’Europe un Flamand réac et une Anglaise qui ne connaît rien aux Affaires étrangères.
– On pourrait gagner le match de manière honteuse, en trichant…. Une faute de main pour marquer un but, par exemple, monsieur le Président.
– Très bien ça, mon vieux. Vous pouvez m’arranger ça ?
– Je vais en parler avec Domenech, monsieur le Président.
Défense d’urner
Le président du Honduras, Manuel Zelaya, a commis deux fautes de goût aux yeux du nouvel ordre mondial : il a un beau chapeau blanc et il fait partie de la bande à Chavez. Résultat, il y a cinq mois, un putsch qui sentait bon les seventies et la CIA l’a renversé alors qu’il se préparait à gagner un referendum. La communauté internationale, et en particulier les USA, ont condamné ce coup d’état avec de grosses larmes de crocodile. Après un exil et un retour rocambolesque dans son pays, via l’ambassade du Brésil où il est réfugié depuis fin septembre, il va vivre une expérience jamais vue pour un chef d’état : assister aux élections générales (présidentielles, législatives, municipales) qui vont se dérouler ce 29 novembre sans pouvoir y participer. Il a appelé ses partisans au boycott mais le fantôche mis en place à la tête du Honduras par les militaires a prévenu que « le vote est une obligation constitutionnelle. » On en est pour l’instant à une vingtaine de personnes exécutées et trois mille arrestations. L’urne ou le cercueil, en quelque sorte.
Air France, ou l’identité internationale
Depuis quelques jours, les murs du métro parisien sont recouverts, de très belles affiches 4×3, vantant les nouvelles offres commerciales d’Air France. Je vous passe le contenu, car c’est un infime détail qui a polarisé mon attention. Air France a changé de logo. Exit le drapeau tricolore stylisé en raies parallèles. Exit ce bleu blanc rouge éclatant,, d’une compagnie longtemps « nationale ». En lieu et place dudit drapeau, le nouveau logo , la compagnie a opté pour une « virgule graphique » d’un rouge bien insignifiant. Et Air France devient Airfrance en un seul mot., et ses communiquants ont même pris la peine de nous expliquer pourquoi : « Le nouveau logotype, qui se lit en un seul mot, dans un style épuré et avec une typographie allégée, vise à exprimer ce qu’est aujourd’hui Air France : une compagnie fidèle à son identité nationale et aux valeurs qui lui sont liées mais devenue, à travers notamment la création du groupe Air France-KLM, une marque mondiale dont plus de la moitié de la clientèle est internationale »… On la cherche encore, l’identité nationale… Je fais le pari que dans quelques années le mot « France » disparaîtra aussi du logo, et de la marque… et peut-être même du dictionnaire.
Longtemps, je me suis douchée de bonne heure
Une infâme petite crasseuse de dix ans refusait de prendre sa douche et faisait enrager sa mère à Ozark, dans l’Arkansas, Etat américain célèbre pour ses bêtes à cornes et ses présidents démocrates amateurs de cigare. Divorcée, certainement épuisée par sa journée de travail de quinze heures et ses trois métiers comme toute étasunienne qui se respecte, la génitrice désemparée décida de faire appel aux forces de l’ordre. Un agent de police, promptement arrivé sur les lieux, constatant l’attitude scandaleuse de cette mouflette aussi arrogante que malodorante, et sur la demande insistante de la mère, sortit son Taser, tira une décharge électrique sur l’insupportable gamine avant de l’emmener, sonnée et étourdie, au poste. C’est là que commence le scandale : le père de l’enfant, qui ne manque pas d’aplomb, a déclaré avec grandiloquence qu’on avait traité sa fille « comme un chien alors qu’elle avait simplement besoin d’amour » et le maire de la ville, tout aussi laxiste, a suspendu le courageux policier pendant une semaine. A vous dégoûter, vraiment, de vouloir donner des repères à des enfants qui se croient décidément tout permis.


