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One more time !

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C’est toujours ennuyeux, un dictateur qui gagne les élections. Le dimanche 26 septembre, le parti socialiste unifié vénézuélien (PSUV) et le parti communiste vénézuélien (PCV), les deux principales formations qui soutiennent le président Hugo Chavez ont remporté les législatives du 26 septembre. Apparemment, le peuple vénézuélien ne comprend rien à l’économie de marché, ni à l’actualité internationale. Il faudrait le dissoudre.

Pragmatique, donc très à gauche

On pourrait essayer par un coup d’Etat. Le coup d’Etat est une spécialité latino-américaine, mais contrairement aux empanadas, ce n’est pas dans les cuisines des barrios qu’on la prépare mais dans celle de la CIA.
Depuis quelques années, la CIA est occupée sur d’autres fronts et n’en finit plus de payer son inconséquence au moment du 11 Septembre. Ils en sont encore à rechercher des espions qui parlent arabes sans l’accent de Brooklyn. Cela laisse un peu de temps pour la construction d’un socialisme du XXIème siècle du côté de Caracas, Quito, La Paz, Managua, Montevideo. Il faut tout de même faire attention, la bête mord encore. Elle a déposé l’année dernière le président bolivarien Zelaya et l’a remplacé par un gouvernement de droite soutenu par l’armée. Zelaya, il avait fait fort, tout de même, avec son chapeau de cow-boy. Il avait été élu sur le programme d’Alain Madelin et s’était mis à faire la politique de Mélenchon. Par pragmatisme.
C’est dur à comprendre aujourd’hui, dans un monde de droite, mais dans certains pays, être pragmatique, c’est être très à gauche. Comme De Gaulle en 1945, tiens. Et puis, là, ces jours-ci c’est Correa en Equateur qui a été obligé à coups de flingue de sortir l’hosto où il recevait des soins parce qu’une partie de sa police n’était pas contente.

Partout la gauche gagne des élections, en Amérique. Même la gauche à la Lula qui est une gauche très raisonnable qui plaît à la droite. En même temps, avec une croissance à 7%, c’est facile d’enrichir les pauvres sans appauvrir les riches. Lula est de gauche parce que le Brésil est riche. Le resterait-il s’il avait pris, comme le Venezuela, le choc de la crise mondiale de 2008 de plein fouet ? Chavez, lui, il l’est resté. Il a décidé que ce ne serait pas le peuple qui paierait. On n’est pas chez Sarkozy, il s’est dit, comme ça, Chavez. Moi je vais continuer à financer la santé gratuite, l’éducation pour tous et la consommation. Je vais même faire des magasins d’Etat. On y trouve la même chose que dans les supermarchés privés (qui existent toujours) mais en moins cher. Tant pis si monsieur Casino n’est pas content, on l’a nationalisé pour lui apprendre que la distinction valeur d’usage/valeur d’échange. Quand il s’agit de nourrir une population, ça ne se fait pas. Sinon après, on revient à la situation d’avant du Venezuela, potentiellement un des pays les plus riches d’Amérique Latine où l’on crevait de faim.

Il m’a toujours fait rire, d’ailleurs, cet argument d’un Chavez finançant le socialisme dans son pays avec sa rente pétrolière. Et alors ? On a l’impression, quand on entend ça, qu’il n’y avait pas de pétrole avant Chavez, que les gisements ont été découverts, coup de chance, juste après son élection de décembre 1998. Ils faisaient quoi, les gouvernements du Venezuela, avant, avec la rente pétrolière ? Et puis si tous les pays qui avaient du pétrole étaient des modèles de développement social et humain, ça se saurait. J’aimerais bien, moi, que l’Arabie Saoudite, elle se serve de son pétrole pour l’éducation des filles et l’émancipation féminine plutôt que de couper des mains et de lapider.

Un observateur international derrière chaque votant

On aimerait bien pouvoir se dire que Chavez triche aux élections. Ce serait bien. Au Venezuela, qui a été le premier pays à initier ce mouvement que l’on appelle bolivarien et qui gagne tout le continent, il y a à peu près un observateur international derrière chaque votant. On ne sait jamais, c’est tellement vicieux, un vrai socialiste. Mais là, manque de pot, les seuls qui ont essayé de tricher dans la récente histoire électorale du Venezuela, c’est la droite. Une tentative de putsch particulièrement ridicule. Le président du Medef local, Carmona, s’est senti pousser des ailes en 2002 et a déposé Chavez en l’envoyant en prison pour moins de 36 heures après lesquelles une manifestation monstre comportant civils et militaires restés fidèles l’a ramené à son palais de Miraflores, qui ne sera pas la Moneda, désolé pour les nostalgiques de Pinochet.

Là, l’opposition a décidé de jouer le jeu démocratique. Elle s’est présentée et elle a été raisonnablement abjecte en jouant sur l’insécurité (tiens, tiens, tiens..) : on a notamment eu le droit à une photo de la morgue de Caracas en une de Nacional, le principal quotidien d’opposition. Il est actuellement poursuivi en justice pour ce qui apparaît de plus en plus clairement comme une manip de type Timisoara. L’insécurité, ça n’a pas marché plus que ça, au Venezuela. Il faut croire que ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que le Venezuela souffrait avant Chavez de l’insécurité ET de la misère noire. Maintenant, il n’y a plus que l’insécurité. Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux, surtout quand on vit dans une société plus juste. Ca nous rappelle ce que Ferrat chantait dans Cuba si, en 67 :
Je sais que l’on peut vivre ici pour une idée
Mais ceci est une autre affaire.

Incroyable, inouï, difficile à admettre, mais apparemment les pauvres ne se sont pas laissés avoir par la propagande médiatique. Mais comment, me direz-vous ? Chavez, ce dictateur, ne contrôle pas toute la télé ? Eh bien, non ! La première à annoncer les résultats électoraux, ce fut une chaine d’opposition, Globo TV, trop heureuse d’annoncer que la majorité des deux tiers permettant l’adoption de lois organiques ne serait pas atteinte par les partis chavistes.
Je suis très content pour la pluralité du PAV (paysage audiovisuel vénézuélien). Vraiment. Parce que moi, une télé d’opposition, en France, je n’en connais pas. Ah, si TF1, mais seulement quand la gauche est au pouvoir.

Bon, que nos libéraux ne pleurent pas trop. Il y a une élection au Venezuela en 2012. Une présidentielle, en plus. Chavez va s’y présenter. Il sera peut-être battu, le dictateur.
En attendant, puisque la même année, il y en a aussi une chez nous de présidentielle, je lui proposerais bien de faire candidat unique de la gauche de la gauche, à Chavez. Je pourrais enfin voter au premier tour pour un candidat qui fera un score à deux chiffres, ce qui ne m’est pas arrivé depuis…
Depuis jamais en fait.

Ça sent le sapin

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On pensait naïvement que le suicide pour des raisons professionnelles concernait principalement les salariés de France Telecom ou les ingénieurs de Renault, en particulier ceux du technocentre de Guyancourt. Apparemment, les gardes forestiers non plus ne sont pas épargnés. Même les oiseaux et la verdure ne peuvent pas grand chose contre le management par la terreur.

17 suicides en cinq ans sur 3500 personnes, on aura beau jouer avec les statistiques, c’est tout de même beaucoup. Que les gardes forestiers s’appellent désormais « agents patrimoniaux » n’a pas du faciliter les choses mais la CGT-Forêt pointe des causes beaucoup plus évidentes : « La dégradation des conditions de travail, la perte du sens du métier et un type de management centré sur l’individu au détriment du collectif ont une fois de plus joué un rôle mortifère dans ces tragiques événements » Bon, tout n’est pas perdu : le bois pour faire les cercueils ne sera pas à chercher bien loin. Ce qui permettra une économie substantielle pour l’Office National des Forêts.

Pompes et circonstances (aggravantes)

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Vous pensiez que le fin du fin du bling-bling, c’était une Rolex ? Deux chihuahuas ? Un carton pour le carré VIP de jeudi prochain, histoire de serrer la pince à Basile de Koch ? Faux ! La nouvelle tendance, – dépêchez-vous, ça bouge très vite ces petites choses-là -, c’est d’aller pieds nus.

Vous me direz que ça va vous coûter un pont en sparadraps et en mercurochrome et vous aurez raison, mais c’est comme ça ! Vous me direz aussi qu’on discrimine à plein tube et que c’est plus facile de suivre la mode sur les plages atlantiques qu’au fin fond du Vercors. Soit, mais sincèrement, si vous voulez être up to date, qu’est-ce que vous fichez au fin fond du Vercors ?

Donc, la nouvelle tendance s’appelle le barefoot. Et comme toutes les nouvelles tendances, elle ne s’épanouit pas au rayon crémerie de chez Auchan, mais plutôt dans des chemins et auberges spécialement aménagés que vous trouverez facilement au Canada ou en Nouvelle-Zélande. A défaut, rabattez-vous sur l’Allemagne, moins exotique mais plus proche, qui propose, elle aussi des randonnées spéciale va-nu-pieds. Mais, objecterez-vous, moi, dans mon pavillon, au sud de Paris, c’est plein de gravillon sur les trottoirs, et parfois pire, comment je fais pour être trendy ? On pourrait vous rétorquer que quand on veut être in, on n’habite pas en pavillon dans l’Essonne. Avec une maison de campagne dans le Vercors, tant que vous y êtes ? Mais on ne vous le rétorquera pas, parce qu’un ingénieur helvète, Karl Müller, a trouvé la solution. En 1996 ce brave homme lançait sa boîte de groles : MBT. Il a ainsi conçu toute une gamme de chaussures plus improbables les unes que les autres et que nous hésiterions à donner au Secours Catholique.

Point commun entre toutes ces horreurs, du bottillon à la sandale ? Elles reproduisent avec fidélité « l’impression de la marche pieds nus sur le sable kenyan ». Excusez du peu. Lesdites godasses sont construites en forme de V et l’on bascule à chaque pas, il paraît que c’est un progrès. Certains soupireront que le vrai progrès, c’était plutôt les talons aiguille qui vous galbaient un mollet comme personne, chaloupaient la progression de sa propriétaire et donnaient à tout moment l’occasion à Monsieur de tendre un bras viril à Mademoiselle pour éviter qu’elle se plantât les quatre fers en l’air.

Vade retro, retro ! Apprenez que même Paris Hilton est devenue accro aux godasses en V.

Même qu’elle va défiler en grandes pompes !

Brothers in arms

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Eschyle, Sophocle et Euripide en auraient tiré une version moderne des Atrides, cette charmante famille mycénienne marquée par le meurtre, les coups bas et les trahisons. Encore eût-il fallu qu’ils traversent le temps et l’espace pour atterrir à Manchester ce samedi 25 septembre 2010 et assister à l’affrontement entre les deux frères Miliband. Atrée et Thyeste are back, presque trop beau pour être vrai.

L’enjeu ? Rien de moins que le contrôle du Labour, parti travailliste sorti groggy des dernières élections générales après treize ans de pouvoir, des luttes internes désastreuses, une crise financière carabinée et une guerre en Irak controversée.

À ma droite Dave, l’héritier naturel de Tony Blair et grand favori de la presse, des militants, des MP’s (les députés) et de ces dames. Hillary en raffolait. Foreign Secretary sortant, charmant, brillant, charismatique, dans la droite ligne du new labour blairiste qui a fait la paix avec l’économie de marché, accepté les principales réformes de Margaret Thatcher et envoyé les boys à Bagdad.
À ma gauche le petit frère, Ed, son exact opposé, mine chafouine, obscur ex-secrétaire d’Etat à l’énergie et au changement climatique, partisan d’un renouvellement idéologique à 180 degrés, à gauche toute option Ken Livingstone, dit Ken le rouge, ancien maire communiste de Londres. Sus au capitalisme, aux banques et à la guerre en Irak. Vivent les hausses d’impôts, le déficit des finances publiques, les promesses non chiffrées et l’Etat tout puissant. Plutôt old fashioned and egalitarian labour, donc. Son ambition est de poursuivre en les accentuant les inflexions commencées sous le gouvernement de Gordon Brown dont il était le chouchou. Gordon a sauvé le système bancaire britannique mais payé très cher l’usure de son parti.
Après la tragédie grecque, une nouvelle bataille des Anciens et des Modernes ?

À la surprise générale, c’est Ed qui a gagné d’un cheveu, d’un souffle : 50,65% contre 49,25 à son frère, obtenus grâce à l’appui des syndicats, les très puissants Unions, un tiers du collège électoral et bailleurs de fonds historiques du Labour. Le vent du changement a balayé les vieilles lunes lessivées.

Les syndicats le tiennent par les urnes

Et déjà la presse qui l’a immédiatement rebaptisé Red Ed, Ed le Rouge, joue les Cassandres. Son succès se mesurera à l’aune de son résultat aux prochaines élections générales, quand il affrontera en 2015 David Cameron, tombeur de Gordon Brown et très probable candidat des Tories. Sera-t-il la « prochaine victime du capitalisme » ? Cameron vient-il d’ores et déjà de remporter la victoire comme l’affirment cyniquement le Telegraph et l’Independant ? On saura alors si Junior n’est qu’un leader d’opposition, un Mister no de plus ou un Premier ministre potentiel, s’il est capable de convaincre l’Anglais moyen et non des syndicats tout acquis à sa cause. Or, contrairement aux Français, l’Anglais moyen est plutôt favorable à la réduction des dépenses publiques, de la dette et des impôts, il redoute comme la peste noire ceux qu’on appelle ici « les fauteurs de trouble », les partisans des grèves et les syndicats qui tiennent Ed Miliband par les urnes. Il semble que la crise financière n’ait pas pour autant restauré la foi dans l’efficacité de l’Etat. Le discours très 70’s d’Ed, ripoliné lutte des classes, pattes d’eph et sous-pulls en acrylique, risque fort de rappeler les heures les plus sombres du Labour qui n’avait dû son salut qu’à l’aggiornamento de Tony Blair.

La fenêtre de tir d’Ed Miliband est très étroite. A à peine 40 ans, il peut jouer pour un temps sur sa jeunesse et sa fraîcheur, sur celle d’une équipe renouvelée faisant la part belle aux femmes et aux minorités. Diane Abbott, rivale malheureuse des Miliband, flamboyante porte-parole des pauvres et des Jamaïcains ou Sadiq Kahn, chef de campagne d’Ed, sont d’ores et déjà sur les rangs du shadow cabinet que vont quitter la plupart des Blairistes historiques usés jusqu’à la trame, les Darling, Straw, Mandelson… et Dave. Après avoir joué pendant quelques heures à Should I stay or should I go, le frère battu jette l’éponge. Il lorgnerait vers Washington et le FMI libérable par DSK en 2012.
Il peut également faire des appels du pied à Nick Clegg, vice premier ministre et chef du Lib-Dem, en lui promettant le soutien de son parti dans la grande réforme politique à venir, celle du système électoral qui devrait sonner le glas du bipartisme britannique. Exit The winner takes it all, si Cameron respecte sa parole, une vraie proportionnelle ou un scrutin majoritaire à deux tours à la française devrait rebattre toutes les cartes et les alliances possibles. Clegg l’a déjà prouvé, il se vendra au plus offrant.

N’enterrons pas trop vite Ed le Rouge. Pour l’instant il part plutôt dans la catégorie « perdu d’avance ». Mais les Miliband apprennent très vite. Et savent survivre et s’adapter. Ils ne sont pas pour rien les enfants de deux rescapés polonais de la shoah.
Son avenir dépendra de sa capacité à se débarrasser des slogans simplistes et de ceux qui l’ont fait roi. Entre révolution tripartiste annoncée, recompositions géographiques et consécration des minorités, la vie politique britannique nous prépare quelques surprises rafraîchissantes. Jamais les miasmes parisiens n’ont été aussi loin.

A moins qu’une fois de plus le Labour ne soit rattrapé par ses démons. La guerre des roses, par exemple. Yvette Cooper, probable shadow chancelier de l’échiquier et futur numéro deux du parti… est à la ville l’épouse d’Ed Balls, encore un candidat malheureux au poste de leader du parti. Il y voyait déjà un joli lot de consolation et fait contre mauvaise fortune très mauvais cœur.
Après les Atrides, Les Feux de l’amour…
Good luck Red Ed !

Monsieur le président, écoutez votre mentor !

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Photo : Julien

Monsieur le Président de la République,

Si le Premier Ministre a cru bon de rappeler, dimanche, que vous n’étiez pas son mentor, il pourrait bien que nous ayons une idée de l’identité du vôtre. D’ailleurs, le Tout-Paris médiatique relaie actuellement une information – ou une rumeur – selon laquelle vous auriez confié à celui-ci vos idées à propos de la personnalité qui devrait occuper prochainement Matignon.

Vous gagneriez, Monsieur le Président, à vous remémorer une phrase d’Edouard Balladur, puisque c’est de lui qu’il s’agit. Ce dernier, découvrant les implications de l’Arrêt Nicolo[1. Cet arrêt du Conseil d’Etat, datant de 1989, dispose qu’une loi, même postérieure à une règlementation européenne, lui est inférieure. Auparavant, le principe de loi-écran prévalait], n’aurait[2. Si j’utilise le conditionnel par prudence, je suis certain à 99,9 % d’avoir lu cette anecdote dans un ouvrage] pas caché son effarement et conclu d’une manière lapidaire : « Un jour, il faudra leur dire le mot de Cambronne ».

Leur, c’est à la fois la Commission de Bruxelles, la Cour de Justice de Luxembourg, et le Juge administratif français, lequel, depuis 1989, travaille contre la Souveraineté et les intérêts nationaux réunis en censurant au besoin la loi française, c’est à dire la voix du Peuple qu’il est censé servir.

La semaine dernière, vous n’avez pas caché votre colère devant les scandaleux propos de Madame Viviane Reding. Et on était partagé entre soulagement, étonnement et hilarité, lorsque Pierre Lellouche, chargé des affaires européennes dans votre gouvernement, rappela que la France était un pays souverain et qu’il n’avait pas à se faire dicter sa conduite par une commissaire dépourvue de légitimité démocratique[3. Ce qui tranchait à son avantage avec cette émission d’Yves Calvi au printemps dernier où il levait les yeux avec mépris lorsque Nicolas Dupont-Aignan prononçait le mot « Souveraineté »] Mon compagnon – et néanmoins camarade – Jérôme Leroy, vous a alors, dans les colonnes de Causeur, rappelé à juste titre que la Souveraineté ne se limitait point à une histoire de roulottes mal garées, manière de vous dire qu’il ne vous désapprouvait pas sur votre attitude mais qu’il vous faudrait sans doute pousser plus loin cette salutaire réaction, pour le convaincre – et moi avec – que cette notion vous redevenait familière.

Une semaine plus tard, si ce n’est pas pour discrimination, qualification la plus infamante en 2010, la Commission a tout de même lancé une procédure en infraction contre notre pays. Les Traités – que vous avez tous approuvés, sinon initié pour le dernier en date – l’y autorisent, Monsieur le Président. C’est ce système que vous avez voulu, de concert avec l’opposition socialiste qui vous conspue mais qui s’en trouve davantage cohérente que vous en soutenant Madame Reding.

On a beaucoup glosé sur la notion d’hyperprésidence ces trois dernières années. Vous n’avez à vrai dire rien fait pour que cette accusation ne vous soit pas jetée à la figure, cannibalisant les ministres et notamment le Premier d’entre eux, amorçant une re-centralisation de notre pays en souhaitant le remplacement de la taxe professionnelle par des dotations d’Etat, retirant ainsi une bonne part de l’autonomie budgétaires des féodalités locales. A Bruxelles, j’enlève le haut, et le bas à Ajaccio, disait malicieusement William Abitbol que vous avez bien dû connaître. C’est à ce haut, Monsieur le Président qu’il faut maintenant vous attaquer si vous voulez réellement retrouver les marges de manœuvre dont disposaient vos lointains prédécesseurs et que vous sembliez tant regretter il y a huit jours, humilié par les déclarations de Viviane Reding.

On l’a écrit plus haut, la Souveraineté ne se limite pas au problème de campements évacués car illégalement implantés. Aujourd’hui, la Commission propose une amende de 0,2 % du PIB – pas moins – pour les Etats qui ne se plieraient pas à leurs injonctions budgétaires. De même, l’agence Moody’s vient de dégrader la note espagnole se rapprochant encore, lentement mais sûrement, de notre pays. Il ne suffit pas de bougonner, Monsieur le Président, contre Bruxelles et le poids pris par ces agences de notation. Il faut s’en affranchir, un point c’est tout. Or, le budget qui se prépare démontre à l’évidence que vous prenez un chemin inverse. On s’est moqué ici la semaine dernière en imaginant une sitcom dont Reding, Barroso et vous étiez les anti-héros. Mais est-ce bien de la complicité comme nous le laissions entendre ? Parfois, on pourrait davantage penser que vos coups de menton cachent une faiblesse que vous reprochiez à votre prédécesseur.

L’autre jour, Jean-Luc Mélenchon a étonné son monde en ne se joignant pas au concert de ceux qui soutenaient Madame Reding contre vous. Il a démontré à cette occasion qu’il avait compris ce que le Peuple attendait au contraire de la plupart des adhérents de son parti. De même, Nicolas Dupont-Aignan vous a devancé en postant sur son blog une lettre ouverte à Madame Reding lui enjoignant de se mêler de ses fesses[4. Que Nicolas Dupont-Aignan me pardonne de ce résumé un peu rapide de sa missive. Mais c’est le message essentiel que j’en ai retenu. Et qui m’a rempli de satisfaction !] La presse internationale ne peut pas vous ménager plus mal qu’en ce moment. Qu’avez vous donc à perdre de dire enfin son fait à la Commission de Bruxelles, aux agences de notation et, pourquoi pas, à Jean-Claude Trichet et Pascal Lamy ? Rien ! En revanche, le Peuple qui a dit non le 29 mai 2005 pourrait bien vous pardonner enfin de l’avoir censuré avec le Traité de Lisbonne.

Ecoutez Balladur. Ecoutez votre mentor ! Dites leur les cinq lettres. Ainsi, pour la première fois, pourrions-nous sentir sarkozystes, ce qui ne serait pas la moindre vacherie à notre endroit. Vous priverez-vous aussi de ce plaisir ?

Causeur n°28 : Octobre vert !

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Si la Révolution d’Octobre a eu lieu, chacun le sait, en novembre, Causeur d’octobre lui, paraitra très banalement en octobre. Et c’est d’ailleurs tout ce qu’il y aura de prévisible dans ce numéro 28. A part ça, en effet, que des surprises et du beau désaccord, notamment pour le dossier du mois, intitulé : « L’Europe, fille ainée de l’Islam ? » mais on y parlera aussi de Houellebecq, de Jean d’Ormesson, de Lovecraft, des primaires socialistes, des élections américaines et de plein d’autres choses, avec 100% d’articles inédits.

Bien sûr pour en profiter, il faudra être abonné ou, si besoin, vous réabonner. C’est ici que ça ce passe

Marine se relepénise

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Photo : staffpresi_esj

La succession de Jean Marie Le Pen à la tête du Front National et les bouleversements qui pourraient s’ensuivre sont certainement les principaux facteurs d’évolution des rapports de forces politiques existants, bien plus que le prochain remaniement ou la primaire socialiste. À gauche, comme à droite, tous craignent pour 2012 un nouveau 21 avril, à l’endroit ou à l’envers, surtout si Marine Le Pen accède à sa présidence et parvient à transformer le parti de son père en force politique à la fois contestataire et respectable. Pourtant nul ne sait très bien encore la ligne qui pourra être celle de ce nouveau FN ni comment celui-ci pourra répondre à l’offensive sarkozyste sur ses thèmes de prédilection.

C’est pourquoi chaque prestation de Marine Le Pen dans les médias mérite d’être analysée avec attention. Dimanche dernier, invitée de Nicolas Demorand dans « C politique » sur France 5, elle a présenté un visage nouveau. Tout en maintenant un propos très centré sur la dénonciation du mondialisme avec une forte tonalité sociale, elle s’est efforcée de coller au plus près à l’héritage lepéniste, signe que le congrès n’est peut-être pas si gagné d’avance que ça.

Marine est apparue dimanche, toujours aussi efficace, avec des formules percutantes et un argumentaire souvent bien rodé. Sa dernière trouvaille -la mondialisation, c’est de faire fabriquer par des esclaves des produits pour des chômeurs – est de ce point de vue une merveille de communication politique moderne. Certain aspects du discours restent cependant encore perfectibles, notamment sa profession de foi protectionniste qui, en l’état, prête trop le flanc à l’objection rituelle d’autarcie, que ses contradicteurs ressortent en chœur dès que l’on parle de restreindre la liberté de circulation des marchandises.

La droite? C’est pas moi!

Face à un Nicolas Demorand, à son plus haut niveau d’agressivité et de morgue, elle a réussi à garder le contrôle, sans s’énerver ni se laisser impressionner par son intervieweur. Pourtant l’image qu’elle donne de son personnage est loin d’être optimale, surtout dans la perspective de l’élection présidentielle. Au stade actuel, on a l’impression que Marine Le Pen aspire davantage à devenir chef de parti qu’à entrer à l’Elysée. Alors que son père pouvait jouer sur son âge pour incarner une sorte de père de la nation, elle reste dans un registre de porte-parole de la colère populaire qui pourrait rapidement lui nuire. La respectabilité passe aussi par l’apparence et une certaine dignité dans l’expression. Elle serait donc bien inspirée de commencer à travailler son storytelling personnel.
Concernant sa ligne politique, on a pu déceler un double mouvement contradictoire, traduisant à la fois un recentrage et une radicalisation du propos, qui n’a pas fini de troubler les commentateurs
Le recentrage s’exprime essentiellement par l’accent mis sur les préoccupations sociales, ce qu’elle revendique d’ailleurs comme sa valeur ajoutée personnelle à la ligne du mouvement. Qui n’a pas été effaré de l’entendre dénoncer la mollesse des syndicats dans le cadre de la réforme des retraites qu’elle était à deux doigts de qualifier de «collabos du système» ?!

Dans le même registre, elle a fermement rejeté le qualificatif d’extrême droite que Demorand s’obstinait à vouloir lui coller. À la référence géométrique habituelle, elle préfère une définition par le contenu, celui de mouvement national populaire et social, évacuant ainsi toute référence au concept de droite, qu’elle assimile habilement au libéralisme et à la marchandisation du monde. En revanche, elle a donné de nombreux gages au lepénisme historique certifiant que le changement de dénomination du parti n’était pas à l’ordre du jour. Elle a aussi et surtout repris à son compte les thèmes traditionnels de son père : le lien direct entre insécurité et immigration, le coût social insupportable de cette dernière, le retour au droit du sang – « Etre français, ça s’hérite ou ça se mérite » – ainsi que la préférence nationale pour le logement et l’emploi.

Marine veut-elle ressembler à sa caricature?

Ce retour à la pureté des origines ne manquera pas d’étonner l’observateur attentif, car Marine Le Pen avait laissé de coté ces vieux slogans depuis son irruption sur la scène politique pour leur préférer une critique à finalité sociale du mondialisme. Si elle se sent ainsi obligée de donner des gages aux militants, c’est certainement que la concurrence interne est plus vive qu’il n’y paraît. Il n’est pas certain que cette stratégie soit bien habile si elle s’avérait être autre chose qu’une posture pour le congrès. Car la diabolisation persistante du FN au cours des années 80 et 90, si elle était fondée sur les dérapages et les provocations de son père autour de la seconde guerre mondiale, devait aussi beaucoup à ce concept de préférence nationale. D’ailleurs, Demorand, toujours aussi fin, nous a replongés quelques années en arrière en lui répondant plein d’assurance : « mais vous êtes raciste, madame Le Pen ! »

Au-delà de l’impact médiatique de la formule, la proposition pose néanmoins problème. Car si on la conjugue avec le freinage de l’immigration et l’abandon du droit du sol, la préférence nationale apparaît tout simplement comme l’institutionnalisation d’une parfaite discrimination à l’égard des étrangers qui continueraient à vivre légalement sur notre sol, qui entraînerait une nouvelle forme d’apartheid, scandaleusement contraire au principe d’égalité républicaine.

Que la nationalité puisse entrainer des droits spécifiques dans certains domaines plus ou moins directement liés à l’appartenance à la communauté nationale, cela peut se concevoir. On peut penser notamment à la faculté de faire venir un conjoint de l’étranger ou aux allocations familiales. En revanche le logement ou le travail ne se prêtent à aucune distinction au regard de la nationalité entre des Français et des étrangers en situation régulière. Ce ne serait ni plus ni moins que de la ségrégation.
Laisser subsister dans son programme une proposition aussi manifestement inconstitutionnelle pose réellement problème. Autant le discours : frein à l’immigration légale, durcissement des conditions d’octroi de la nationalité et retour au principe d’assimilation des populations d’origine étrangère est acceptable, même pour le puriste des grands principes, autant la « préférence nationale » ne mérite que l’indignité.

Faut-il oublier les chrétiens d’Irak?

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Qu’il me soit permis de dire, avant que je dise ce que j’ai à dire, combien j’admire Alain Finkielkraut. Sans son œuvre lue avec toute l’attention dont je suis capable, sans son émission Répliques, que j’écoute avec constance depuis près de vingt ans, mon horizon intellectuel, mais aussi spirituel, serait beaucoup plus étroit. Je n’aurais sans doute jamais lu Jean-Claude Michéa. J’aurais rencontré l’œuvre de Philippe Muray beaucoup plus tard. Je n’aurais pas lu Philip Roth ou Milan Kundera avec la même attention, j’aurais ignoré Péguy. Oui, Péguy. Je pourrais facilement allonger la liste. Sans doute même n’aurais-je pas repris sur le tard des études de philosophie. Bref, ma dette à l’égard de ce penseur inspiré et précis, grâce auquel la grande littérature ouvre notre monde à une complexité lumineuse, dont l’inquiétude émouvante et sincère face à la marche du siècle ne peut que toucher l’âme de celui qui ose s’affranchir du ricanement obligatoire, est immense.

Ma consternation à l’écoute de son émission Répliques du 25 septembre, consacrée à établir un bilan de la guerre d’Irak au moment du retrait des forces américaines, n’en fut que plus grande. Alain Finkielkraut avait réuni Jean Daniel et André Glucksmann pour tenter de dresser un tableau de l’Irak actuel, sept ans et demi après la prise de Bagdad par l’armée américaine. On parla beaucoup des « mensonges » ou de « l’hybris » des « néo-conservateurs » américains. Jean Daniel et André Glucksmann se firent à tour de rôle les champions de la lutte contre Saddam Hussein (le digne héritier à la fois de Staline et d’Hitler selon Glucksmann), il fut ainsi beaucoup question d’un procès intenté par l’ancien ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson à Jean Daniel, pour crime de lèse-majesté à l’encontre du dictateur irakien…en 1996. A l’unisson, les trois interlocuteurs évoquèrent longuement la montée de l’antiaméricanisme, de l’antisémitisme et de l’antisionisme dans le monde arabe dont l’invasion américaine aurait ou non été la cause….

Pas un mot ne fut prononcé au cours de l’émission sur le sort fait aujourd’hui en Irak aux chrétiens de ce pays. La palme de l’indifférence satisfaite fut remportée haut la main par André Glucksmann qui commença fort en affirmant sans honte et sans être contredit, « pour les Irakiens, le résultat de la guerre est positif ». Puis, lorsqu’il aborda brièvement les « problèmes » liés au départ des soldats américains d’Irak, il se contenta, du haut de ses certitudes d’ultra-démocrate, d’un glaçant « on rend au peuple [irakien] sa responsabilité. Il est responsable de ce qui lui arrive », sans que l’obscénité de ces propos, quant on les met en rapport avec ce qui arrive effectivement aux chrétiens d’Irak aujourd’hui, ne soit semble-t-il ne serait-ce que remarquée par Jean Daniel ou Alain Finkielkraut. Un peu comme si, en plein génocide arménien, un progressiste béat s’était contenté, dans l’indifférence générale, de souligner les vertus de l’arrivée au pouvoir des nationalistes turcs, en tant que premier pas sur le chemin de la modernité politique de ce pays, ou encore comme si un président français au début des années 1990, n’avait trouvé aucun intellectuel de son pays face à lui au moment où au nom de la vieille amitié franco-serbe, la diplomatie française évitait soigneusement de se mêler des « guerres de communautés » yougoslaves.

Mais cette dernière comparaison est sans doute malvenue, car contrairement aux Croates et aux Bosniaques (et même, oserais-je ajouter, aux Serbes) les chrétiens d’Irak n’ont aucun espoir de pouvoir obtenir un jour la création d’un Etat qui serait le leur et qui les protègerait de la furie sanguinaire de bon nombre de leurs compatriotes musulmans

Une persécution concertée et organisée

Je ne veux pas être injuste. Alain Finkielkraut souligna quand même la peur des « communautés irakiennes » à l’idée de se trouver seules face à face après le départ des Américains, mais à aucun moment le mot « chrétien » ne sortit de sa bouche et la dissymétrie structurelle entre chrétiens et musulmans ne fut jamais évoquée, comme si toutes les communautés étaient toutes également responsables de la violence… Et comme si, au fond, les chrétiens avait d’ores et déjà disparus d’Irak…

Selon le Secours catholique, présent en Syrie pour aider les réfugiés irakiens, le nombre de chrétiens en Irak ne dépasserait pas aujourd’hui 300 000 personnes (contre 800 000 avant la chute de Saddam Hussein) pour la plupart aujourd’hui réfugiées en territoire kurde. Les communautés chrétiennes dans les villes arabes d’Irak, c’est-à-dire presque toutes les grandes villes du pays, sont toutes en voie de disparition. Ce n’est pas, ou pas seulement, à une guerre de communauté que nous assistons en Irak, en tout cas pas quand il s’agit des chrétiens, mais à une vaste persécution concertée et organisée d’une minorité religieuse qui s’inscrit dans le cadre plus large de la persécution des chrétiens en « terre d’Islam », pour utiliser l’expression reprise au cours de cette émission par Alain Finkielkraut, qui semble ignorer que le territoire que recouvre l’Irak aujourd’hui a été pendant plusieurs siècles une « terre chrétienne », avant d’être converti au fil de l’épée par les Arabes au VIIe siècle. De nombreux témoignages décrivent la persécution de grande ampleur que subissent aujourd’hui les chrétiens d’Irak. Citons par exemple celui du Frère Nageeb Mekhail, supérieur des dominicains de Mossoul, (qui pour sa part n’hésite pas à parler de génocide) recueilli au mois de juin 2010 par le Secours Catholique.

« Le dernier attentat a été particulièrement violent. C’était le 2 mai dernier entre Caracoche et Mossoul, entre deux check-points. Treize bus, escortés par la police, emmenaient des étudiants universitaires chrétiens des villages de la plaine de Ninive au centre universitaire de Mossoul (…) Ce triple attentat, deux explosifs et une voiture suicidaire, contre ces bus a tué le jeune Radeef et une étudiante prénommée Sandy. Il y a eu plus de 180 blessés hospitalisés. Les bus touchés transportaient essentiellement des filles. Certaines ont perdu leurs pieds, leurs yeux, leurs dents ou sont devenues complètement défigurées (…) Les militaires de faction aux check-points ont dansé et fait le signe de la victoire après l’explosion, il y a des images enregistrées sur des téléphones portables par d’autres étudiants qui en attestent. Quant à la police, elle a fait décharger des véhicules les premiers blessés qu’on voulait amener à l’hôpital. Les policiers voulaient que les corps restent à terre pour y mourir. La police et l’armée souvent sont les complices des terroristes ».

Ou putes ou soumises

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Ce soir, à 21h30[1. Soirée Thema, Arte 21h30 – « Femmes : pourquoi tant de haine ? » La cité du mâle, Quand le rap dérape, débat avec Malika Sorel et Serrap Cileli], Arte diffusera La cité du Mâle, documentaire produit par Daniel Leconte à qui l’on doit entre autres Carlos, le film d’Olivier Assayas ainsi que C’est dur d’être aimé par des cons, documentaire sur les « Caricatures de Mahomet » et le procès que des associations musulmanes intentèrent à leur sujet à Charlie Hebdo – dont il est également réalisateur.

Cette fois-ci, la réalisatrice Cathy Sanchez est retournée dans la cité de Vitry sur Seine où, en 2002, Sohane, une jeune fille de 17 ans avait été brûlée vive dans un local à poubelles pour avoir éconduit un prétendant. C’est après ce crime, qui n’était pas un cas isolé, que fut créée l’association « Ni putes ni soumises » pour rassembler des filles et des garçons opposés à l’apparition, aux portes de Paris, de coutumes venues tout droit du Pakistan.

Le film commence fort. Une dame d’une soixantaine d’année qui évoque le souvenir de Sohane avec une peine sincère est interrompue par un ado qui vient lui interdire de parler « sur » son copain (le meurtrier) et la menace « d’une grande gifle » pour la faire taire. Voilà sans doute ce qu’on appelle « incivilités », ce cauchemar que vivent les habitants dans leur quartier natal, soumis à la terreur des plus jeunes et derniers arrivés.

Tolérance zéro pour tout ce qui n’est pas l’islam

Des adolescents en jogging qui, tels des gardiens de la révolution iranienne, interpellent les filles pas assez habillées.
Les mentalités séparent les femmes en deux catégories, « les filles bien qui portent le hijab, qui se respectent, qui respectent leur mari, qui rentrent à la maison après le travail », comme le confie un jeune Gaulois converti à l’islam, sans doute en mal d’intégration, et les putes, c’est-à-dire toutes les autres puisqu’il suffit pour devenir une pute de s’être fait « trouer ». Et « Sohane, c’était une pute », alors le copain a fait « une bêtise, qui ne méritait pas 25 ans de prison » d’ailleurs « la coupable de cette médiatisation qui a pesé sur la peine, c’est Fadela Amara, cette pute », nous disent Okito et Rachid.

La culture qui domine se réclame de l’islam et pousse les gens à pratiquer la tolérance zéro pour tout ce qui n’en est pas. La différence est haïe, l’homosexuel est chassé de la cité. Le mode de vie, les mœurs ont régressé, l’égalité entre les sexes, la liberté des femmes de s’habiller, d’aimer, a disparu sous la domination violente du grand frère, biologique ou symbolique.
L’honneur des garçons de la cité leur commande de frapper leurs sœurs quand l’honneur français interdit à un homme de lever la main sur une femme.

Quand ce décalage des civilisations apparaît crûment dans le reportage, les témoins – qui, sur leur territoire, se confiaient sans complexes face caméra – réalisent qu’ils ont fait une connerie et accusent l’auteur de « manipulations », lui reprochant « d’avoir donné une image caricaturale de la cité en sortant les propos de leur contexte ».

Je me demande dans quel contexte on peut remettre des phrases telles que « une fille qui s’est fait trouer, ça ne vaut rien » ou « la loi française, c’est de la merde » pour qu’elles deviennent acceptables.

Certains ne tiennent pas le même discours et le film le montre mais la norme qui régente le mode de vie m’inquiète. Est-ce cela l’islam de France ?
Derrière le discours répandu et confiant sur le multiculturalisme, la réalité d’une culture qui exclut toute les autres ne saurait être montrée.

Nabila Laïb, la « fixeuse », incontournable pour entrer dans la cité, (exigence que les rencontrent notamment à Gaza) a, dans un premier temps, obtenu d’Arte la déprogrammation du doc le 1er septembre en invoquant des menaces à son encontre en cas de diffusion, avant de revenir sur ses déclarations en proclamant qu’on lui avait volé son travail et qu’on l’avait écartée du montage[1. « Cette méthode, grossière et très peu journalistique, a pour objectif de détourner l’attention de l’information principale – la situation dégradée des jeunes femmes dans certaines cités – pour mettre en cause les journalistes. La ficelle est grosse et mériterait qu’on s’y attarde. C’est en effet une tentative nouvelle et « subtile » de censurer l’information », affirme Daniel Leconte dans un communiqué que certains journalistes ont préféré ignorer].

Backchich et Télérama.fr se sont empressés de reprendre ses propos mensongers – elle affirmait par exemple être co-auteur du film. Backchich s’est particulièrement illustré dans un article venimeux et d’une mauvaise foi sidérante intitulé « La « Cité du mâle » en pis » – et sous-titré « Daube en Stock ». Pour l’auteur, l’interdiction du film « est une question de justice pour ceux qui vivent là. » Ah bon, pour lesquels ? Et selon Nabila Laïb, « c’est à cause de documentaires comme ceux-là que les journalistes ont des problèmes en banlieue ». Pas ceux de Backchich, qui semblent voir le réel avec des œillères islamo-gauchistes.

Comme souvent quand on parle d’islam, intimidations, pressions et menaces ont tenté d’empêcher la diffusion, ce soir, de La cité du mâle. Cette fois, ça n’a pas marché. On pourra quand même le voir. Et à mon avis, ce n’est pas seulement une nécessité : c’est un devoir. Il faudrait même le montrer à l’école de la République.

Un peu de décence, Mme Dati !

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Je vous l’avoue, je me suis un peu déconnecté de l’info ce week-end. Du coup j’ai fait semblant de rire sous cape quand pas mal d’amis, lundi puis mardi, m’ont parlé de la gaffe de Rachida Dati en direct à Dimanche +. Tout comme je n’ai, pour tout vous dire, pas pigé grand chose aux nombreuses allusions qu’y faisaient les humoristes dans les programmes matinaux des radios.

Heureusement, y’a internet. Et je viens enfin de voir le fameux extrait, avec sa fameuse gaffe. Et c’est vrai que Rachida qui vous explique sans rire qu’elle est de tout cœur avec les smicardes grévistes de chez Lejaby, c’est carrément obscène!

One more time !

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C’est toujours ennuyeux, un dictateur qui gagne les élections. Le dimanche 26 septembre, le parti socialiste unifié vénézuélien (PSUV) et le parti communiste vénézuélien (PCV), les deux principales formations qui soutiennent le président Hugo Chavez ont remporté les législatives du 26 septembre. Apparemment, le peuple vénézuélien ne comprend rien à l’économie de marché, ni à l’actualité internationale. Il faudrait le dissoudre.

Pragmatique, donc très à gauche

On pourrait essayer par un coup d’Etat. Le coup d’Etat est une spécialité latino-américaine, mais contrairement aux empanadas, ce n’est pas dans les cuisines des barrios qu’on la prépare mais dans celle de la CIA.
Depuis quelques années, la CIA est occupée sur d’autres fronts et n’en finit plus de payer son inconséquence au moment du 11 Septembre. Ils en sont encore à rechercher des espions qui parlent arabes sans l’accent de Brooklyn. Cela laisse un peu de temps pour la construction d’un socialisme du XXIème siècle du côté de Caracas, Quito, La Paz, Managua, Montevideo. Il faut tout de même faire attention, la bête mord encore. Elle a déposé l’année dernière le président bolivarien Zelaya et l’a remplacé par un gouvernement de droite soutenu par l’armée. Zelaya, il avait fait fort, tout de même, avec son chapeau de cow-boy. Il avait été élu sur le programme d’Alain Madelin et s’était mis à faire la politique de Mélenchon. Par pragmatisme.
C’est dur à comprendre aujourd’hui, dans un monde de droite, mais dans certains pays, être pragmatique, c’est être très à gauche. Comme De Gaulle en 1945, tiens. Et puis, là, ces jours-ci c’est Correa en Equateur qui a été obligé à coups de flingue de sortir l’hosto où il recevait des soins parce qu’une partie de sa police n’était pas contente.

Partout la gauche gagne des élections, en Amérique. Même la gauche à la Lula qui est une gauche très raisonnable qui plaît à la droite. En même temps, avec une croissance à 7%, c’est facile d’enrichir les pauvres sans appauvrir les riches. Lula est de gauche parce que le Brésil est riche. Le resterait-il s’il avait pris, comme le Venezuela, le choc de la crise mondiale de 2008 de plein fouet ? Chavez, lui, il l’est resté. Il a décidé que ce ne serait pas le peuple qui paierait. On n’est pas chez Sarkozy, il s’est dit, comme ça, Chavez. Moi je vais continuer à financer la santé gratuite, l’éducation pour tous et la consommation. Je vais même faire des magasins d’Etat. On y trouve la même chose que dans les supermarchés privés (qui existent toujours) mais en moins cher. Tant pis si monsieur Casino n’est pas content, on l’a nationalisé pour lui apprendre que la distinction valeur d’usage/valeur d’échange. Quand il s’agit de nourrir une population, ça ne se fait pas. Sinon après, on revient à la situation d’avant du Venezuela, potentiellement un des pays les plus riches d’Amérique Latine où l’on crevait de faim.

Il m’a toujours fait rire, d’ailleurs, cet argument d’un Chavez finançant le socialisme dans son pays avec sa rente pétrolière. Et alors ? On a l’impression, quand on entend ça, qu’il n’y avait pas de pétrole avant Chavez, que les gisements ont été découverts, coup de chance, juste après son élection de décembre 1998. Ils faisaient quoi, les gouvernements du Venezuela, avant, avec la rente pétrolière ? Et puis si tous les pays qui avaient du pétrole étaient des modèles de développement social et humain, ça se saurait. J’aimerais bien, moi, que l’Arabie Saoudite, elle se serve de son pétrole pour l’éducation des filles et l’émancipation féminine plutôt que de couper des mains et de lapider.

Un observateur international derrière chaque votant

On aimerait bien pouvoir se dire que Chavez triche aux élections. Ce serait bien. Au Venezuela, qui a été le premier pays à initier ce mouvement que l’on appelle bolivarien et qui gagne tout le continent, il y a à peu près un observateur international derrière chaque votant. On ne sait jamais, c’est tellement vicieux, un vrai socialiste. Mais là, manque de pot, les seuls qui ont essayé de tricher dans la récente histoire électorale du Venezuela, c’est la droite. Une tentative de putsch particulièrement ridicule. Le président du Medef local, Carmona, s’est senti pousser des ailes en 2002 et a déposé Chavez en l’envoyant en prison pour moins de 36 heures après lesquelles une manifestation monstre comportant civils et militaires restés fidèles l’a ramené à son palais de Miraflores, qui ne sera pas la Moneda, désolé pour les nostalgiques de Pinochet.

Là, l’opposition a décidé de jouer le jeu démocratique. Elle s’est présentée et elle a été raisonnablement abjecte en jouant sur l’insécurité (tiens, tiens, tiens..) : on a notamment eu le droit à une photo de la morgue de Caracas en une de Nacional, le principal quotidien d’opposition. Il est actuellement poursuivi en justice pour ce qui apparaît de plus en plus clairement comme une manip de type Timisoara. L’insécurité, ça n’a pas marché plus que ça, au Venezuela. Il faut croire que ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que le Venezuela souffrait avant Chavez de l’insécurité ET de la misère noire. Maintenant, il n’y a plus que l’insécurité. Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux, surtout quand on vit dans une société plus juste. Ca nous rappelle ce que Ferrat chantait dans Cuba si, en 67 :
Je sais que l’on peut vivre ici pour une idée
Mais ceci est une autre affaire.

Incroyable, inouï, difficile à admettre, mais apparemment les pauvres ne se sont pas laissés avoir par la propagande médiatique. Mais comment, me direz-vous ? Chavez, ce dictateur, ne contrôle pas toute la télé ? Eh bien, non ! La première à annoncer les résultats électoraux, ce fut une chaine d’opposition, Globo TV, trop heureuse d’annoncer que la majorité des deux tiers permettant l’adoption de lois organiques ne serait pas atteinte par les partis chavistes.
Je suis très content pour la pluralité du PAV (paysage audiovisuel vénézuélien). Vraiment. Parce que moi, une télé d’opposition, en France, je n’en connais pas. Ah, si TF1, mais seulement quand la gauche est au pouvoir.

Bon, que nos libéraux ne pleurent pas trop. Il y a une élection au Venezuela en 2012. Une présidentielle, en plus. Chavez va s’y présenter. Il sera peut-être battu, le dictateur.
En attendant, puisque la même année, il y en a aussi une chez nous de présidentielle, je lui proposerais bien de faire candidat unique de la gauche de la gauche, à Chavez. Je pourrais enfin voter au premier tour pour un candidat qui fera un score à deux chiffres, ce qui ne m’est pas arrivé depuis…
Depuis jamais en fait.

Ça sent le sapin

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On pensait naïvement que le suicide pour des raisons professionnelles concernait principalement les salariés de France Telecom ou les ingénieurs de Renault, en particulier ceux du technocentre de Guyancourt. Apparemment, les gardes forestiers non plus ne sont pas épargnés. Même les oiseaux et la verdure ne peuvent pas grand chose contre le management par la terreur.

17 suicides en cinq ans sur 3500 personnes, on aura beau jouer avec les statistiques, c’est tout de même beaucoup. Que les gardes forestiers s’appellent désormais « agents patrimoniaux » n’a pas du faciliter les choses mais la CGT-Forêt pointe des causes beaucoup plus évidentes : « La dégradation des conditions de travail, la perte du sens du métier et un type de management centré sur l’individu au détriment du collectif ont une fois de plus joué un rôle mortifère dans ces tragiques événements » Bon, tout n’est pas perdu : le bois pour faire les cercueils ne sera pas à chercher bien loin. Ce qui permettra une économie substantielle pour l’Office National des Forêts.

Pompes et circonstances (aggravantes)

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Vous pensiez que le fin du fin du bling-bling, c’était une Rolex ? Deux chihuahuas ? Un carton pour le carré VIP de jeudi prochain, histoire de serrer la pince à Basile de Koch ? Faux ! La nouvelle tendance, – dépêchez-vous, ça bouge très vite ces petites choses-là -, c’est d’aller pieds nus.

Vous me direz que ça va vous coûter un pont en sparadraps et en mercurochrome et vous aurez raison, mais c’est comme ça ! Vous me direz aussi qu’on discrimine à plein tube et que c’est plus facile de suivre la mode sur les plages atlantiques qu’au fin fond du Vercors. Soit, mais sincèrement, si vous voulez être up to date, qu’est-ce que vous fichez au fin fond du Vercors ?

Donc, la nouvelle tendance s’appelle le barefoot. Et comme toutes les nouvelles tendances, elle ne s’épanouit pas au rayon crémerie de chez Auchan, mais plutôt dans des chemins et auberges spécialement aménagés que vous trouverez facilement au Canada ou en Nouvelle-Zélande. A défaut, rabattez-vous sur l’Allemagne, moins exotique mais plus proche, qui propose, elle aussi des randonnées spéciale va-nu-pieds. Mais, objecterez-vous, moi, dans mon pavillon, au sud de Paris, c’est plein de gravillon sur les trottoirs, et parfois pire, comment je fais pour être trendy ? On pourrait vous rétorquer que quand on veut être in, on n’habite pas en pavillon dans l’Essonne. Avec une maison de campagne dans le Vercors, tant que vous y êtes ? Mais on ne vous le rétorquera pas, parce qu’un ingénieur helvète, Karl Müller, a trouvé la solution. En 1996 ce brave homme lançait sa boîte de groles : MBT. Il a ainsi conçu toute une gamme de chaussures plus improbables les unes que les autres et que nous hésiterions à donner au Secours Catholique.

Point commun entre toutes ces horreurs, du bottillon à la sandale ? Elles reproduisent avec fidélité « l’impression de la marche pieds nus sur le sable kenyan ». Excusez du peu. Lesdites godasses sont construites en forme de V et l’on bascule à chaque pas, il paraît que c’est un progrès. Certains soupireront que le vrai progrès, c’était plutôt les talons aiguille qui vous galbaient un mollet comme personne, chaloupaient la progression de sa propriétaire et donnaient à tout moment l’occasion à Monsieur de tendre un bras viril à Mademoiselle pour éviter qu’elle se plantât les quatre fers en l’air.

Vade retro, retro ! Apprenez que même Paris Hilton est devenue accro aux godasses en V.

Même qu’elle va défiler en grandes pompes !

Brothers in arms

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Eschyle, Sophocle et Euripide en auraient tiré une version moderne des Atrides, cette charmante famille mycénienne marquée par le meurtre, les coups bas et les trahisons. Encore eût-il fallu qu’ils traversent le temps et l’espace pour atterrir à Manchester ce samedi 25 septembre 2010 et assister à l’affrontement entre les deux frères Miliband. Atrée et Thyeste are back, presque trop beau pour être vrai.

L’enjeu ? Rien de moins que le contrôle du Labour, parti travailliste sorti groggy des dernières élections générales après treize ans de pouvoir, des luttes internes désastreuses, une crise financière carabinée et une guerre en Irak controversée.

À ma droite Dave, l’héritier naturel de Tony Blair et grand favori de la presse, des militants, des MP’s (les députés) et de ces dames. Hillary en raffolait. Foreign Secretary sortant, charmant, brillant, charismatique, dans la droite ligne du new labour blairiste qui a fait la paix avec l’économie de marché, accepté les principales réformes de Margaret Thatcher et envoyé les boys à Bagdad.
À ma gauche le petit frère, Ed, son exact opposé, mine chafouine, obscur ex-secrétaire d’Etat à l’énergie et au changement climatique, partisan d’un renouvellement idéologique à 180 degrés, à gauche toute option Ken Livingstone, dit Ken le rouge, ancien maire communiste de Londres. Sus au capitalisme, aux banques et à la guerre en Irak. Vivent les hausses d’impôts, le déficit des finances publiques, les promesses non chiffrées et l’Etat tout puissant. Plutôt old fashioned and egalitarian labour, donc. Son ambition est de poursuivre en les accentuant les inflexions commencées sous le gouvernement de Gordon Brown dont il était le chouchou. Gordon a sauvé le système bancaire britannique mais payé très cher l’usure de son parti.
Après la tragédie grecque, une nouvelle bataille des Anciens et des Modernes ?

À la surprise générale, c’est Ed qui a gagné d’un cheveu, d’un souffle : 50,65% contre 49,25 à son frère, obtenus grâce à l’appui des syndicats, les très puissants Unions, un tiers du collège électoral et bailleurs de fonds historiques du Labour. Le vent du changement a balayé les vieilles lunes lessivées.

Les syndicats le tiennent par les urnes

Et déjà la presse qui l’a immédiatement rebaptisé Red Ed, Ed le Rouge, joue les Cassandres. Son succès se mesurera à l’aune de son résultat aux prochaines élections générales, quand il affrontera en 2015 David Cameron, tombeur de Gordon Brown et très probable candidat des Tories. Sera-t-il la « prochaine victime du capitalisme » ? Cameron vient-il d’ores et déjà de remporter la victoire comme l’affirment cyniquement le Telegraph et l’Independant ? On saura alors si Junior n’est qu’un leader d’opposition, un Mister no de plus ou un Premier ministre potentiel, s’il est capable de convaincre l’Anglais moyen et non des syndicats tout acquis à sa cause. Or, contrairement aux Français, l’Anglais moyen est plutôt favorable à la réduction des dépenses publiques, de la dette et des impôts, il redoute comme la peste noire ceux qu’on appelle ici « les fauteurs de trouble », les partisans des grèves et les syndicats qui tiennent Ed Miliband par les urnes. Il semble que la crise financière n’ait pas pour autant restauré la foi dans l’efficacité de l’Etat. Le discours très 70’s d’Ed, ripoliné lutte des classes, pattes d’eph et sous-pulls en acrylique, risque fort de rappeler les heures les plus sombres du Labour qui n’avait dû son salut qu’à l’aggiornamento de Tony Blair.

La fenêtre de tir d’Ed Miliband est très étroite. A à peine 40 ans, il peut jouer pour un temps sur sa jeunesse et sa fraîcheur, sur celle d’une équipe renouvelée faisant la part belle aux femmes et aux minorités. Diane Abbott, rivale malheureuse des Miliband, flamboyante porte-parole des pauvres et des Jamaïcains ou Sadiq Kahn, chef de campagne d’Ed, sont d’ores et déjà sur les rangs du shadow cabinet que vont quitter la plupart des Blairistes historiques usés jusqu’à la trame, les Darling, Straw, Mandelson… et Dave. Après avoir joué pendant quelques heures à Should I stay or should I go, le frère battu jette l’éponge. Il lorgnerait vers Washington et le FMI libérable par DSK en 2012.
Il peut également faire des appels du pied à Nick Clegg, vice premier ministre et chef du Lib-Dem, en lui promettant le soutien de son parti dans la grande réforme politique à venir, celle du système électoral qui devrait sonner le glas du bipartisme britannique. Exit The winner takes it all, si Cameron respecte sa parole, une vraie proportionnelle ou un scrutin majoritaire à deux tours à la française devrait rebattre toutes les cartes et les alliances possibles. Clegg l’a déjà prouvé, il se vendra au plus offrant.

N’enterrons pas trop vite Ed le Rouge. Pour l’instant il part plutôt dans la catégorie « perdu d’avance ». Mais les Miliband apprennent très vite. Et savent survivre et s’adapter. Ils ne sont pas pour rien les enfants de deux rescapés polonais de la shoah.
Son avenir dépendra de sa capacité à se débarrasser des slogans simplistes et de ceux qui l’ont fait roi. Entre révolution tripartiste annoncée, recompositions géographiques et consécration des minorités, la vie politique britannique nous prépare quelques surprises rafraîchissantes. Jamais les miasmes parisiens n’ont été aussi loin.

A moins qu’une fois de plus le Labour ne soit rattrapé par ses démons. La guerre des roses, par exemple. Yvette Cooper, probable shadow chancelier de l’échiquier et futur numéro deux du parti… est à la ville l’épouse d’Ed Balls, encore un candidat malheureux au poste de leader du parti. Il y voyait déjà un joli lot de consolation et fait contre mauvaise fortune très mauvais cœur.
Après les Atrides, Les Feux de l’amour…
Good luck Red Ed !

Monsieur le président, écoutez votre mentor !

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Photo : Julien
Photo : Julien

Monsieur le Président de la République,

Si le Premier Ministre a cru bon de rappeler, dimanche, que vous n’étiez pas son mentor, il pourrait bien que nous ayons une idée de l’identité du vôtre. D’ailleurs, le Tout-Paris médiatique relaie actuellement une information – ou une rumeur – selon laquelle vous auriez confié à celui-ci vos idées à propos de la personnalité qui devrait occuper prochainement Matignon.

Vous gagneriez, Monsieur le Président, à vous remémorer une phrase d’Edouard Balladur, puisque c’est de lui qu’il s’agit. Ce dernier, découvrant les implications de l’Arrêt Nicolo[1. Cet arrêt du Conseil d’Etat, datant de 1989, dispose qu’une loi, même postérieure à une règlementation européenne, lui est inférieure. Auparavant, le principe de loi-écran prévalait], n’aurait[2. Si j’utilise le conditionnel par prudence, je suis certain à 99,9 % d’avoir lu cette anecdote dans un ouvrage] pas caché son effarement et conclu d’une manière lapidaire : « Un jour, il faudra leur dire le mot de Cambronne ».

Leur, c’est à la fois la Commission de Bruxelles, la Cour de Justice de Luxembourg, et le Juge administratif français, lequel, depuis 1989, travaille contre la Souveraineté et les intérêts nationaux réunis en censurant au besoin la loi française, c’est à dire la voix du Peuple qu’il est censé servir.

La semaine dernière, vous n’avez pas caché votre colère devant les scandaleux propos de Madame Viviane Reding. Et on était partagé entre soulagement, étonnement et hilarité, lorsque Pierre Lellouche, chargé des affaires européennes dans votre gouvernement, rappela que la France était un pays souverain et qu’il n’avait pas à se faire dicter sa conduite par une commissaire dépourvue de légitimité démocratique[3. Ce qui tranchait à son avantage avec cette émission d’Yves Calvi au printemps dernier où il levait les yeux avec mépris lorsque Nicolas Dupont-Aignan prononçait le mot « Souveraineté »] Mon compagnon – et néanmoins camarade – Jérôme Leroy, vous a alors, dans les colonnes de Causeur, rappelé à juste titre que la Souveraineté ne se limitait point à une histoire de roulottes mal garées, manière de vous dire qu’il ne vous désapprouvait pas sur votre attitude mais qu’il vous faudrait sans doute pousser plus loin cette salutaire réaction, pour le convaincre – et moi avec – que cette notion vous redevenait familière.

Une semaine plus tard, si ce n’est pas pour discrimination, qualification la plus infamante en 2010, la Commission a tout de même lancé une procédure en infraction contre notre pays. Les Traités – que vous avez tous approuvés, sinon initié pour le dernier en date – l’y autorisent, Monsieur le Président. C’est ce système que vous avez voulu, de concert avec l’opposition socialiste qui vous conspue mais qui s’en trouve davantage cohérente que vous en soutenant Madame Reding.

On a beaucoup glosé sur la notion d’hyperprésidence ces trois dernières années. Vous n’avez à vrai dire rien fait pour que cette accusation ne vous soit pas jetée à la figure, cannibalisant les ministres et notamment le Premier d’entre eux, amorçant une re-centralisation de notre pays en souhaitant le remplacement de la taxe professionnelle par des dotations d’Etat, retirant ainsi une bonne part de l’autonomie budgétaires des féodalités locales. A Bruxelles, j’enlève le haut, et le bas à Ajaccio, disait malicieusement William Abitbol que vous avez bien dû connaître. C’est à ce haut, Monsieur le Président qu’il faut maintenant vous attaquer si vous voulez réellement retrouver les marges de manœuvre dont disposaient vos lointains prédécesseurs et que vous sembliez tant regretter il y a huit jours, humilié par les déclarations de Viviane Reding.

On l’a écrit plus haut, la Souveraineté ne se limite pas au problème de campements évacués car illégalement implantés. Aujourd’hui, la Commission propose une amende de 0,2 % du PIB – pas moins – pour les Etats qui ne se plieraient pas à leurs injonctions budgétaires. De même, l’agence Moody’s vient de dégrader la note espagnole se rapprochant encore, lentement mais sûrement, de notre pays. Il ne suffit pas de bougonner, Monsieur le Président, contre Bruxelles et le poids pris par ces agences de notation. Il faut s’en affranchir, un point c’est tout. Or, le budget qui se prépare démontre à l’évidence que vous prenez un chemin inverse. On s’est moqué ici la semaine dernière en imaginant une sitcom dont Reding, Barroso et vous étiez les anti-héros. Mais est-ce bien de la complicité comme nous le laissions entendre ? Parfois, on pourrait davantage penser que vos coups de menton cachent une faiblesse que vous reprochiez à votre prédécesseur.

L’autre jour, Jean-Luc Mélenchon a étonné son monde en ne se joignant pas au concert de ceux qui soutenaient Madame Reding contre vous. Il a démontré à cette occasion qu’il avait compris ce que le Peuple attendait au contraire de la plupart des adhérents de son parti. De même, Nicolas Dupont-Aignan vous a devancé en postant sur son blog une lettre ouverte à Madame Reding lui enjoignant de se mêler de ses fesses[4. Que Nicolas Dupont-Aignan me pardonne de ce résumé un peu rapide de sa missive. Mais c’est le message essentiel que j’en ai retenu. Et qui m’a rempli de satisfaction !] La presse internationale ne peut pas vous ménager plus mal qu’en ce moment. Qu’avez vous donc à perdre de dire enfin son fait à la Commission de Bruxelles, aux agences de notation et, pourquoi pas, à Jean-Claude Trichet et Pascal Lamy ? Rien ! En revanche, le Peuple qui a dit non le 29 mai 2005 pourrait bien vous pardonner enfin de l’avoir censuré avec le Traité de Lisbonne.

Ecoutez Balladur. Ecoutez votre mentor ! Dites leur les cinq lettres. Ainsi, pour la première fois, pourrions-nous sentir sarkozystes, ce qui ne serait pas la moindre vacherie à notre endroit. Vous priverez-vous aussi de ce plaisir ?

Causeur n°28 : Octobre vert !

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Si la Révolution d’Octobre a eu lieu, chacun le sait, en novembre, Causeur d’octobre lui, paraitra très banalement en octobre. Et c’est d’ailleurs tout ce qu’il y aura de prévisible dans ce numéro 28. A part ça, en effet, que des surprises et du beau désaccord, notamment pour le dossier du mois, intitulé : « L’Europe, fille ainée de l’Islam ? » mais on y parlera aussi de Houellebecq, de Jean d’Ormesson, de Lovecraft, des primaires socialistes, des élections américaines et de plein d’autres choses, avec 100% d’articles inédits.

Bien sûr pour en profiter, il faudra être abonné ou, si besoin, vous réabonner. C’est ici que ça ce passe

Marine se relepénise

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Photo : staffpresi_esj
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La succession de Jean Marie Le Pen à la tête du Front National et les bouleversements qui pourraient s’ensuivre sont certainement les principaux facteurs d’évolution des rapports de forces politiques existants, bien plus que le prochain remaniement ou la primaire socialiste. À gauche, comme à droite, tous craignent pour 2012 un nouveau 21 avril, à l’endroit ou à l’envers, surtout si Marine Le Pen accède à sa présidence et parvient à transformer le parti de son père en force politique à la fois contestataire et respectable. Pourtant nul ne sait très bien encore la ligne qui pourra être celle de ce nouveau FN ni comment celui-ci pourra répondre à l’offensive sarkozyste sur ses thèmes de prédilection.

C’est pourquoi chaque prestation de Marine Le Pen dans les médias mérite d’être analysée avec attention. Dimanche dernier, invitée de Nicolas Demorand dans « C politique » sur France 5, elle a présenté un visage nouveau. Tout en maintenant un propos très centré sur la dénonciation du mondialisme avec une forte tonalité sociale, elle s’est efforcée de coller au plus près à l’héritage lepéniste, signe que le congrès n’est peut-être pas si gagné d’avance que ça.

Marine est apparue dimanche, toujours aussi efficace, avec des formules percutantes et un argumentaire souvent bien rodé. Sa dernière trouvaille -la mondialisation, c’est de faire fabriquer par des esclaves des produits pour des chômeurs – est de ce point de vue une merveille de communication politique moderne. Certain aspects du discours restent cependant encore perfectibles, notamment sa profession de foi protectionniste qui, en l’état, prête trop le flanc à l’objection rituelle d’autarcie, que ses contradicteurs ressortent en chœur dès que l’on parle de restreindre la liberté de circulation des marchandises.

La droite? C’est pas moi!

Face à un Nicolas Demorand, à son plus haut niveau d’agressivité et de morgue, elle a réussi à garder le contrôle, sans s’énerver ni se laisser impressionner par son intervieweur. Pourtant l’image qu’elle donne de son personnage est loin d’être optimale, surtout dans la perspective de l’élection présidentielle. Au stade actuel, on a l’impression que Marine Le Pen aspire davantage à devenir chef de parti qu’à entrer à l’Elysée. Alors que son père pouvait jouer sur son âge pour incarner une sorte de père de la nation, elle reste dans un registre de porte-parole de la colère populaire qui pourrait rapidement lui nuire. La respectabilité passe aussi par l’apparence et une certaine dignité dans l’expression. Elle serait donc bien inspirée de commencer à travailler son storytelling personnel.
Concernant sa ligne politique, on a pu déceler un double mouvement contradictoire, traduisant à la fois un recentrage et une radicalisation du propos, qui n’a pas fini de troubler les commentateurs
Le recentrage s’exprime essentiellement par l’accent mis sur les préoccupations sociales, ce qu’elle revendique d’ailleurs comme sa valeur ajoutée personnelle à la ligne du mouvement. Qui n’a pas été effaré de l’entendre dénoncer la mollesse des syndicats dans le cadre de la réforme des retraites qu’elle était à deux doigts de qualifier de «collabos du système» ?!

Dans le même registre, elle a fermement rejeté le qualificatif d’extrême droite que Demorand s’obstinait à vouloir lui coller. À la référence géométrique habituelle, elle préfère une définition par le contenu, celui de mouvement national populaire et social, évacuant ainsi toute référence au concept de droite, qu’elle assimile habilement au libéralisme et à la marchandisation du monde. En revanche, elle a donné de nombreux gages au lepénisme historique certifiant que le changement de dénomination du parti n’était pas à l’ordre du jour. Elle a aussi et surtout repris à son compte les thèmes traditionnels de son père : le lien direct entre insécurité et immigration, le coût social insupportable de cette dernière, le retour au droit du sang – « Etre français, ça s’hérite ou ça se mérite » – ainsi que la préférence nationale pour le logement et l’emploi.

Marine veut-elle ressembler à sa caricature?

Ce retour à la pureté des origines ne manquera pas d’étonner l’observateur attentif, car Marine Le Pen avait laissé de coté ces vieux slogans depuis son irruption sur la scène politique pour leur préférer une critique à finalité sociale du mondialisme. Si elle se sent ainsi obligée de donner des gages aux militants, c’est certainement que la concurrence interne est plus vive qu’il n’y paraît. Il n’est pas certain que cette stratégie soit bien habile si elle s’avérait être autre chose qu’une posture pour le congrès. Car la diabolisation persistante du FN au cours des années 80 et 90, si elle était fondée sur les dérapages et les provocations de son père autour de la seconde guerre mondiale, devait aussi beaucoup à ce concept de préférence nationale. D’ailleurs, Demorand, toujours aussi fin, nous a replongés quelques années en arrière en lui répondant plein d’assurance : « mais vous êtes raciste, madame Le Pen ! »

Au-delà de l’impact médiatique de la formule, la proposition pose néanmoins problème. Car si on la conjugue avec le freinage de l’immigration et l’abandon du droit du sol, la préférence nationale apparaît tout simplement comme l’institutionnalisation d’une parfaite discrimination à l’égard des étrangers qui continueraient à vivre légalement sur notre sol, qui entraînerait une nouvelle forme d’apartheid, scandaleusement contraire au principe d’égalité républicaine.

Que la nationalité puisse entrainer des droits spécifiques dans certains domaines plus ou moins directement liés à l’appartenance à la communauté nationale, cela peut se concevoir. On peut penser notamment à la faculté de faire venir un conjoint de l’étranger ou aux allocations familiales. En revanche le logement ou le travail ne se prêtent à aucune distinction au regard de la nationalité entre des Français et des étrangers en situation régulière. Ce ne serait ni plus ni moins que de la ségrégation.
Laisser subsister dans son programme une proposition aussi manifestement inconstitutionnelle pose réellement problème. Autant le discours : frein à l’immigration légale, durcissement des conditions d’octroi de la nationalité et retour au principe d’assimilation des populations d’origine étrangère est acceptable, même pour le puriste des grands principes, autant la « préférence nationale » ne mérite que l’indignité.

Faut-il oublier les chrétiens d’Irak?

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Qu’il me soit permis de dire, avant que je dise ce que j’ai à dire, combien j’admire Alain Finkielkraut. Sans son œuvre lue avec toute l’attention dont je suis capable, sans son émission Répliques, que j’écoute avec constance depuis près de vingt ans, mon horizon intellectuel, mais aussi spirituel, serait beaucoup plus étroit. Je n’aurais sans doute jamais lu Jean-Claude Michéa. J’aurais rencontré l’œuvre de Philippe Muray beaucoup plus tard. Je n’aurais pas lu Philip Roth ou Milan Kundera avec la même attention, j’aurais ignoré Péguy. Oui, Péguy. Je pourrais facilement allonger la liste. Sans doute même n’aurais-je pas repris sur le tard des études de philosophie. Bref, ma dette à l’égard de ce penseur inspiré et précis, grâce auquel la grande littérature ouvre notre monde à une complexité lumineuse, dont l’inquiétude émouvante et sincère face à la marche du siècle ne peut que toucher l’âme de celui qui ose s’affranchir du ricanement obligatoire, est immense.

Ma consternation à l’écoute de son émission Répliques du 25 septembre, consacrée à établir un bilan de la guerre d’Irak au moment du retrait des forces américaines, n’en fut que plus grande. Alain Finkielkraut avait réuni Jean Daniel et André Glucksmann pour tenter de dresser un tableau de l’Irak actuel, sept ans et demi après la prise de Bagdad par l’armée américaine. On parla beaucoup des « mensonges » ou de « l’hybris » des « néo-conservateurs » américains. Jean Daniel et André Glucksmann se firent à tour de rôle les champions de la lutte contre Saddam Hussein (le digne héritier à la fois de Staline et d’Hitler selon Glucksmann), il fut ainsi beaucoup question d’un procès intenté par l’ancien ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson à Jean Daniel, pour crime de lèse-majesté à l’encontre du dictateur irakien…en 1996. A l’unisson, les trois interlocuteurs évoquèrent longuement la montée de l’antiaméricanisme, de l’antisémitisme et de l’antisionisme dans le monde arabe dont l’invasion américaine aurait ou non été la cause….

Pas un mot ne fut prononcé au cours de l’émission sur le sort fait aujourd’hui en Irak aux chrétiens de ce pays. La palme de l’indifférence satisfaite fut remportée haut la main par André Glucksmann qui commença fort en affirmant sans honte et sans être contredit, « pour les Irakiens, le résultat de la guerre est positif ». Puis, lorsqu’il aborda brièvement les « problèmes » liés au départ des soldats américains d’Irak, il se contenta, du haut de ses certitudes d’ultra-démocrate, d’un glaçant « on rend au peuple [irakien] sa responsabilité. Il est responsable de ce qui lui arrive », sans que l’obscénité de ces propos, quant on les met en rapport avec ce qui arrive effectivement aux chrétiens d’Irak aujourd’hui, ne soit semble-t-il ne serait-ce que remarquée par Jean Daniel ou Alain Finkielkraut. Un peu comme si, en plein génocide arménien, un progressiste béat s’était contenté, dans l’indifférence générale, de souligner les vertus de l’arrivée au pouvoir des nationalistes turcs, en tant que premier pas sur le chemin de la modernité politique de ce pays, ou encore comme si un président français au début des années 1990, n’avait trouvé aucun intellectuel de son pays face à lui au moment où au nom de la vieille amitié franco-serbe, la diplomatie française évitait soigneusement de se mêler des « guerres de communautés » yougoslaves.

Mais cette dernière comparaison est sans doute malvenue, car contrairement aux Croates et aux Bosniaques (et même, oserais-je ajouter, aux Serbes) les chrétiens d’Irak n’ont aucun espoir de pouvoir obtenir un jour la création d’un Etat qui serait le leur et qui les protègerait de la furie sanguinaire de bon nombre de leurs compatriotes musulmans

Une persécution concertée et organisée

Je ne veux pas être injuste. Alain Finkielkraut souligna quand même la peur des « communautés irakiennes » à l’idée de se trouver seules face à face après le départ des Américains, mais à aucun moment le mot « chrétien » ne sortit de sa bouche et la dissymétrie structurelle entre chrétiens et musulmans ne fut jamais évoquée, comme si toutes les communautés étaient toutes également responsables de la violence… Et comme si, au fond, les chrétiens avait d’ores et déjà disparus d’Irak…

Selon le Secours catholique, présent en Syrie pour aider les réfugiés irakiens, le nombre de chrétiens en Irak ne dépasserait pas aujourd’hui 300 000 personnes (contre 800 000 avant la chute de Saddam Hussein) pour la plupart aujourd’hui réfugiées en territoire kurde. Les communautés chrétiennes dans les villes arabes d’Irak, c’est-à-dire presque toutes les grandes villes du pays, sont toutes en voie de disparition. Ce n’est pas, ou pas seulement, à une guerre de communauté que nous assistons en Irak, en tout cas pas quand il s’agit des chrétiens, mais à une vaste persécution concertée et organisée d’une minorité religieuse qui s’inscrit dans le cadre plus large de la persécution des chrétiens en « terre d’Islam », pour utiliser l’expression reprise au cours de cette émission par Alain Finkielkraut, qui semble ignorer que le territoire que recouvre l’Irak aujourd’hui a été pendant plusieurs siècles une « terre chrétienne », avant d’être converti au fil de l’épée par les Arabes au VIIe siècle. De nombreux témoignages décrivent la persécution de grande ampleur que subissent aujourd’hui les chrétiens d’Irak. Citons par exemple celui du Frère Nageeb Mekhail, supérieur des dominicains de Mossoul, (qui pour sa part n’hésite pas à parler de génocide) recueilli au mois de juin 2010 par le Secours Catholique.

« Le dernier attentat a été particulièrement violent. C’était le 2 mai dernier entre Caracoche et Mossoul, entre deux check-points. Treize bus, escortés par la police, emmenaient des étudiants universitaires chrétiens des villages de la plaine de Ninive au centre universitaire de Mossoul (…) Ce triple attentat, deux explosifs et une voiture suicidaire, contre ces bus a tué le jeune Radeef et une étudiante prénommée Sandy. Il y a eu plus de 180 blessés hospitalisés. Les bus touchés transportaient essentiellement des filles. Certaines ont perdu leurs pieds, leurs yeux, leurs dents ou sont devenues complètement défigurées (…) Les militaires de faction aux check-points ont dansé et fait le signe de la victoire après l’explosion, il y a des images enregistrées sur des téléphones portables par d’autres étudiants qui en attestent. Quant à la police, elle a fait décharger des véhicules les premiers blessés qu’on voulait amener à l’hôpital. Les policiers voulaient que les corps restent à terre pour y mourir. La police et l’armée souvent sont les complices des terroristes ».

Ou putes ou soumises

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Ce soir, à 21h30[1. Soirée Thema, Arte 21h30 – « Femmes : pourquoi tant de haine ? » La cité du mâle, Quand le rap dérape, débat avec Malika Sorel et Serrap Cileli], Arte diffusera La cité du Mâle, documentaire produit par Daniel Leconte à qui l’on doit entre autres Carlos, le film d’Olivier Assayas ainsi que C’est dur d’être aimé par des cons, documentaire sur les « Caricatures de Mahomet » et le procès que des associations musulmanes intentèrent à leur sujet à Charlie Hebdo – dont il est également réalisateur.

Cette fois-ci, la réalisatrice Cathy Sanchez est retournée dans la cité de Vitry sur Seine où, en 2002, Sohane, une jeune fille de 17 ans avait été brûlée vive dans un local à poubelles pour avoir éconduit un prétendant. C’est après ce crime, qui n’était pas un cas isolé, que fut créée l’association « Ni putes ni soumises » pour rassembler des filles et des garçons opposés à l’apparition, aux portes de Paris, de coutumes venues tout droit du Pakistan.

Le film commence fort. Une dame d’une soixantaine d’année qui évoque le souvenir de Sohane avec une peine sincère est interrompue par un ado qui vient lui interdire de parler « sur » son copain (le meurtrier) et la menace « d’une grande gifle » pour la faire taire. Voilà sans doute ce qu’on appelle « incivilités », ce cauchemar que vivent les habitants dans leur quartier natal, soumis à la terreur des plus jeunes et derniers arrivés.

Tolérance zéro pour tout ce qui n’est pas l’islam

Des adolescents en jogging qui, tels des gardiens de la révolution iranienne, interpellent les filles pas assez habillées.
Les mentalités séparent les femmes en deux catégories, « les filles bien qui portent le hijab, qui se respectent, qui respectent leur mari, qui rentrent à la maison après le travail », comme le confie un jeune Gaulois converti à l’islam, sans doute en mal d’intégration, et les putes, c’est-à-dire toutes les autres puisqu’il suffit pour devenir une pute de s’être fait « trouer ». Et « Sohane, c’était une pute », alors le copain a fait « une bêtise, qui ne méritait pas 25 ans de prison » d’ailleurs « la coupable de cette médiatisation qui a pesé sur la peine, c’est Fadela Amara, cette pute », nous disent Okito et Rachid.

La culture qui domine se réclame de l’islam et pousse les gens à pratiquer la tolérance zéro pour tout ce qui n’en est pas. La différence est haïe, l’homosexuel est chassé de la cité. Le mode de vie, les mœurs ont régressé, l’égalité entre les sexes, la liberté des femmes de s’habiller, d’aimer, a disparu sous la domination violente du grand frère, biologique ou symbolique.
L’honneur des garçons de la cité leur commande de frapper leurs sœurs quand l’honneur français interdit à un homme de lever la main sur une femme.

Quand ce décalage des civilisations apparaît crûment dans le reportage, les témoins – qui, sur leur territoire, se confiaient sans complexes face caméra – réalisent qu’ils ont fait une connerie et accusent l’auteur de « manipulations », lui reprochant « d’avoir donné une image caricaturale de la cité en sortant les propos de leur contexte ».

Je me demande dans quel contexte on peut remettre des phrases telles que « une fille qui s’est fait trouer, ça ne vaut rien » ou « la loi française, c’est de la merde » pour qu’elles deviennent acceptables.

Certains ne tiennent pas le même discours et le film le montre mais la norme qui régente le mode de vie m’inquiète. Est-ce cela l’islam de France ?
Derrière le discours répandu et confiant sur le multiculturalisme, la réalité d’une culture qui exclut toute les autres ne saurait être montrée.

Nabila Laïb, la « fixeuse », incontournable pour entrer dans la cité, (exigence que les rencontrent notamment à Gaza) a, dans un premier temps, obtenu d’Arte la déprogrammation du doc le 1er septembre en invoquant des menaces à son encontre en cas de diffusion, avant de revenir sur ses déclarations en proclamant qu’on lui avait volé son travail et qu’on l’avait écartée du montage[1. « Cette méthode, grossière et très peu journalistique, a pour objectif de détourner l’attention de l’information principale – la situation dégradée des jeunes femmes dans certaines cités – pour mettre en cause les journalistes. La ficelle est grosse et mériterait qu’on s’y attarde. C’est en effet une tentative nouvelle et « subtile » de censurer l’information », affirme Daniel Leconte dans un communiqué que certains journalistes ont préféré ignorer].

Backchich et Télérama.fr se sont empressés de reprendre ses propos mensongers – elle affirmait par exemple être co-auteur du film. Backchich s’est particulièrement illustré dans un article venimeux et d’une mauvaise foi sidérante intitulé « La « Cité du mâle » en pis » – et sous-titré « Daube en Stock ». Pour l’auteur, l’interdiction du film « est une question de justice pour ceux qui vivent là. » Ah bon, pour lesquels ? Et selon Nabila Laïb, « c’est à cause de documentaires comme ceux-là que les journalistes ont des problèmes en banlieue ». Pas ceux de Backchich, qui semblent voir le réel avec des œillères islamo-gauchistes.

Comme souvent quand on parle d’islam, intimidations, pressions et menaces ont tenté d’empêcher la diffusion, ce soir, de La cité du mâle. Cette fois, ça n’a pas marché. On pourra quand même le voir. Et à mon avis, ce n’est pas seulement une nécessité : c’est un devoir. Il faudrait même le montrer à l’école de la République.

Un peu de décence, Mme Dati !

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Je vous l’avoue, je me suis un peu déconnecté de l’info ce week-end. Du coup j’ai fait semblant de rire sous cape quand pas mal d’amis, lundi puis mardi, m’ont parlé de la gaffe de Rachida Dati en direct à Dimanche +. Tout comme je n’ai, pour tout vous dire, pas pigé grand chose aux nombreuses allusions qu’y faisaient les humoristes dans les programmes matinaux des radios.

Heureusement, y’a internet. Et je viens enfin de voir le fameux extrait, avec sa fameuse gaffe. Et c’est vrai que Rachida qui vous explique sans rire qu’elle est de tout cœur avec les smicardes grévistes de chez Lejaby, c’est carrément obscène!