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Marine se relepénise


Marine se relepénise
Photo : staffpresi_esj
Photo : staffpresi_esj

La succession de Jean Marie Le Pen à la tête du Front National et les bouleversements qui pourraient s’ensuivre sont certainement les principaux facteurs d’évolution des rapports de forces politiques existants, bien plus que le prochain remaniement ou la primaire socialiste. À gauche, comme à droite, tous craignent pour 2012 un nouveau 21 avril, à l’endroit ou à l’envers, surtout si Marine Le Pen accède à sa présidence et parvient à transformer le parti de son père en force politique à la fois contestataire et respectable. Pourtant nul ne sait très bien encore la ligne qui pourra être celle de ce nouveau FN ni comment celui-ci pourra répondre à l’offensive sarkozyste sur ses thèmes de prédilection.

C’est pourquoi chaque prestation de Marine Le Pen dans les médias mérite d’être analysée avec attention. Dimanche dernier, invitée de Nicolas Demorand dans « C politique » sur France 5, elle a présenté un visage nouveau. Tout en maintenant un propos très centré sur la dénonciation du mondialisme avec une forte tonalité sociale, elle s’est efforcée de coller au plus près à l’héritage lepéniste, signe que le congrès n’est peut-être pas si gagné d’avance que ça.

Marine est apparue dimanche, toujours aussi efficace, avec des formules percutantes et un argumentaire souvent bien rodé. Sa dernière trouvaille -la mondialisation, c’est de faire fabriquer par des esclaves des produits pour des chômeurs – est de ce point de vue une merveille de communication politique moderne. Certain aspects du discours restent cependant encore perfectibles, notamment sa profession de foi protectionniste qui, en l’état, prête trop le flanc à l’objection rituelle d’autarcie, que ses contradicteurs ressortent en chœur dès que l’on parle de restreindre la liberté de circulation des marchandises.

La droite? C’est pas moi!

Face à un Nicolas Demorand, à son plus haut niveau d’agressivité et de morgue, elle a réussi à garder le contrôle, sans s’énerver ni se laisser impressionner par son intervieweur. Pourtant l’image qu’elle donne de son personnage est loin d’être optimale, surtout dans la perspective de l’élection présidentielle. Au stade actuel, on a l’impression que Marine Le Pen aspire davantage à devenir chef de parti qu’à entrer à l’Elysée. Alors que son père pouvait jouer sur son âge pour incarner une sorte de père de la nation, elle reste dans un registre de porte-parole de la colère populaire qui pourrait rapidement lui nuire. La respectabilité passe aussi par l’apparence et une certaine dignité dans l’expression. Elle serait donc bien inspirée de commencer à travailler son storytelling personnel.
Concernant sa ligne politique, on a pu déceler un double mouvement contradictoire, traduisant à la fois un recentrage et une radicalisation du propos, qui n’a pas fini de troubler les commentateurs
Le recentrage s’exprime essentiellement par l’accent mis sur les préoccupations sociales, ce qu’elle revendique d’ailleurs comme sa valeur ajoutée personnelle à la ligne du mouvement. Qui n’a pas été effaré de l’entendre dénoncer la mollesse des syndicats dans le cadre de la réforme des retraites qu’elle était à deux doigts de qualifier de «collabos du système» ?!

Dans le même registre, elle a fermement rejeté le qualificatif d’extrême droite que Demorand s’obstinait à vouloir lui coller. À la référence géométrique habituelle, elle préfère une définition par le contenu, celui de mouvement national populaire et social, évacuant ainsi toute référence au concept de droite, qu’elle assimile habilement au libéralisme et à la marchandisation du monde. En revanche, elle a donné de nombreux gages au lepénisme historique certifiant que le changement de dénomination du parti n’était pas à l’ordre du jour. Elle a aussi et surtout repris à son compte les thèmes traditionnels de son père : le lien direct entre insécurité et immigration, le coût social insupportable de cette dernière, le retour au droit du sang – « Etre français, ça s’hérite ou ça se mérite » – ainsi que la préférence nationale pour le logement et l’emploi.

Marine veut-elle ressembler à sa caricature?

Ce retour à la pureté des origines ne manquera pas d’étonner l’observateur attentif, car Marine Le Pen avait laissé de coté ces vieux slogans depuis son irruption sur la scène politique pour leur préférer une critique à finalité sociale du mondialisme. Si elle se sent ainsi obligée de donner des gages aux militants, c’est certainement que la concurrence interne est plus vive qu’il n’y paraît. Il n’est pas certain que cette stratégie soit bien habile si elle s’avérait être autre chose qu’une posture pour le congrès. Car la diabolisation persistante du FN au cours des années 80 et 90, si elle était fondée sur les dérapages et les provocations de son père autour de la seconde guerre mondiale, devait aussi beaucoup à ce concept de préférence nationale. D’ailleurs, Demorand, toujours aussi fin, nous a replongés quelques années en arrière en lui répondant plein d’assurance : « mais vous êtes raciste, madame Le Pen ! »

Au-delà de l’impact médiatique de la formule, la proposition pose néanmoins problème. Car si on la conjugue avec le freinage de l’immigration et l’abandon du droit du sol, la préférence nationale apparaît tout simplement comme l’institutionnalisation d’une parfaite discrimination à l’égard des étrangers qui continueraient à vivre légalement sur notre sol, qui entraînerait une nouvelle forme d’apartheid, scandaleusement contraire au principe d’égalité républicaine.

Que la nationalité puisse entrainer des droits spécifiques dans certains domaines plus ou moins directement liés à l’appartenance à la communauté nationale, cela peut se concevoir. On peut penser notamment à la faculté de faire venir un conjoint de l’étranger ou aux allocations familiales. En revanche le logement ou le travail ne se prêtent à aucune distinction au regard de la nationalité entre des Français et des étrangers en situation régulière. Ce ne serait ni plus ni moins que de la ségrégation.
Laisser subsister dans son programme une proposition aussi manifestement inconstitutionnelle pose réellement problème. Autant le discours : frein à l’immigration légale, durcissement des conditions d’octroi de la nationalité et retour au principe d’assimilation des populations d’origine étrangère est acceptable, même pour le puriste des grands principes, autant la « préférence nationale » ne mérite que l’indignité.



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