Général Kayani, chef d'état-major des armées pakistanaises (photo : MQM)
Il y a des formules maladroites et des contretemps fâcheux. Alors qu’il avait entamé son mandat en dénonçant de façon tonitruante (et à Delhi, camouflet suprême), « l’exportation de la terreur » par le Pakistan, David Cameron célébrait il y a un mois à peine le « partenariat incassable » et les liens d’amitié indéfectibles entre le Royaume-Uni et son ancienne colonie, tandis que John Savers, directeur du SIS, le « Secret intelligence Service », rencontrait ses homologues locaux, eux-même reçus à Londres la semaine dernière…
On imagine la belle qualité des informations échangées.
Depuis dix ans, avec une très honorable constance, le Pakistan localise Oussama Ben Laden tantôt dans une grotte perdue à la frontière afghane, tantôt dans un village glauque au confort spartiate de la région tribale du Nord-Waziristan, et clame, attentat après attentat, être victime du terrorisme islamique au même titre que les puissances occidentales. Ce discours bien rôdé va devoir être légèrement révisé.
La duplicité des services secrets et de l’état-major pakistanais, voire leur complicité avec les djihadistes semble désormais établie et l’alerte anti-terroriste au Royaume-Uni a été relevée à son niveau maximum. Personne n’a oublié ici que les attentats de Londres avaient été conçus et préparés du côté de Karachi.
Il est inconcevable que les plus hautes autorités de l’Etat pakistanais n’aient pas eu connaissance de l’endroit où se terrait le chef d’Al Qaïda. Imaginez une luxueuse propriété à un million de dollars, érigée tranquillement en plein centre d’une grande ville où se trouvent quelques-unes des meilleures écoles privées du pays et l’académie militaire de Kakul, protégée par une enceinte de béton de 5 mètres de haut et surmontée de barbelés. Construite en 2005 et occupée depuis par une seule et même personne et sa petite famille.
Sans oublier les gracieux Mollah Omar et autres talibans que l’armée protège directement. La quetta shura, organe de décision des talibans afghans dirigée par le borgne motocyclé s’est installée à… Quetta, capitale de la province du Baloutchistan. Les bons dépliants touristiques vous apprendront que cette bourgade abrite le 12ème corps d’armée du Pakistan, le QG régional de l’ISI (les services secrets), le corps frontalier du Baloutchistan, un centre de recrutement, la base aérienne de Samungli et une prestigieuse école de formation militaire, le « command and staff college ». Bref, même les cancrelats y sont enregistrés. Et les militaires ne savent pas où est le mollah Omar ?
Et les membres du réseau Haqqani composé de talibans afghans actifs dans les zones tribales qui circulent librement aux abords d’Islamabad, Rawalpini et Peshawar, ils sont transparents ?
Fort embarrassée, l’armée pakistanaise a admis des « insuffisances dans sa quête du renseignement ». On imagine que tout l’état-major a pris « doux euphémisme » en option à l’examen de sortie. Ou foutage de gueule.
Le souci, c’est que le Pakistan dispose de l’arme nucléaire. La menace que représente potentiellement un pays qui pratique depuis des années le double langage et l’ambiguïté morale, donc sur lequel on peut difficilement compter, représente aujourd’hui une menace majeure pour la communauté internationale. Qui veut traiter avec le Pakistan ?
Et si nous leur posions la question qui tue, celle qui est sur toutes les lèvres à Londres… Vous faisiez quoi au juste le 11 septembre 2001 ? Et si nous parlions tranquillement de votre alibi ?
En novembre 2008, pendant qu’à Bombay on massacrait allègrement dans les rues, quels conseils de guerre
teniez-vous avec votre invité très spécial à Abbottabad ? D’après Salman Rushdie, depuis bien longtemps, toutes les routes mondiales du terrorisme mènent au Pakistan.
L’Iran semble subitement moins prioritaire. L’alibi libyen presque dérisoire.
Pour l’Irak, il est déjà un peu tard… So what ?
Agacée par les critiques de ses sujets qui brocardent systématiquement le champagne forcément français servi à Buckingham jusque sur le menu du mariage de son petit-fils, Elizabeth II a décidé d’appliquer la devise, pourtant américaine, My country, right or wrong.
En faisant planter 16 000 ceps de Chardonnay, pinot Meunier et pinot noir dans le parc de son château de Windsor, la reine servira désormais son propre nectar, estampillé 100% britannique.
Quand on sait que le seul moyen de ne pas trop s’ennuyer lors d’un dîner officiel à Buckingham et de supporter le protocole lourdingue était de s’alcooliser méthodiquement avec une des meilleures caves d’Europe, cette décision risque de rendre les dîners officiels proprement insupportables.
On doute en effet que le futur Windsor brut, demi-brut ou doux, même en tenant compte du réchauffement climatique ait quelque chose de commun avec le merveilleux Drappier dont le Général de Gaulle faisait son ordinaire élyséen.
La gauche maintenue dans ce nom par voie d’auto-proclamation nous a déjà invités, en « une » du Nouvel Observateur, à célébrer l’anniversaire du 10 mai. Soyons-en sûrs : Le Monde, Libération et quelques autres ne manqueront pas d’alimenter la chaudière à nostalgie.
Seulement, de quel anniversaire s’agit-il ?
Parle-t-on du soixante-et-onzième anniversaire du 10 mai 1940, date à laquelle débuta l’offensive allemande qui permit à la Wehrmacht de se trouver sur les Pyrénées en six semaines ? La Chambre des députés, celle du Front Populaire, après avoir abandonné la République espagnole, avait voté les accords de Munich, puis avait ensuite laissé Hitler les violer en dépeçant ce qui restait de Tchécoslovaquie. Elle avait bien déclaré la guerre à l’Allemagne, le 3 septembre 1939, mais avait oublié de la faire alors que la Pologne était écrasée, espérant sans doute, dans son for intérieur, que le Führer continuerait vers l’est. Il le fit, mais un an plus tard. La gauche pacifiste ne voulait plus de Verdun ou du Chemin des Dames. Elle eut Auschwitz, Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Ravensbrück …
S’agit-il du cent-quarantième anniversaire du 10 mai 1871, jour où la France abandonna, à Francfort, l’Alsace-Moselle, se retrouvant, en prime, dans l’obligation de verser une indemnité de cinq milliards de franc-or à son vainqueur ? Cinq ans auparavant, elle avait laissé écraser à Sadowa une Autriche réputée réactionnaire par une Prusse parée des plumes de la philosophie. Dès l’automne 1870, la correspondance de Mommsen avec Fustel de Coulanges avait montré dans quelles illusions vivaient déjà les élites françaises au sujet de l’Allemagne. En dépit d’une véritable mobilisation des esprits en faveur de la Revanche, la défaite ne fit que les amplifier, ces illusions, provoquant la crise allemande de la pensée française, pendant qu’en écrasant le socialisme français dans le sang de la Commune Thiers introduisait, dans le mouvement ouvrier de notre pays, le marxisme et le modèle social-démocrate d’outre-Rhin.
Non, nous sommes invités à commémorer l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République, à célébrer – par cynisme ou par inconscience ? – « le temps où la gauche gagnait ». Certes, au soir du 10 mai, alors que nous pensions que la gauche avait effectivement gagné, nous eûmes un moment d’espoir. Mais il fallut moins de deux ans pour que la gauche, en réalité le Parti socialiste, s’abandonne à sa pente naturelle, la complète capitulation devant la droite la plus dure, donc, la trahison des engagements pris devant les électeurs. Déjà, le 6 février 1956, à cause de quelques tomates à Alger, Guy Mollet avait renoncé aux promesses du Front républicain, vainqueur des élections du 2 janvier précédent.
Nous le comprîmes plus tard, trop tard. En réalité, les deux années qui suivirent auraient dû nous dessiller : certes, les engagements les plus visibles du Programme commun de gouvernement furent en partie mis en œuvre, mais sans que les mesures, qui, pour être moins spectaculaires, n’en étaient pas moins nécessaires à la cohérence de l’ensemble, fussent prises. Jacques Delors était plus à la manœuvre qu’aux Finances. Résultat, en vingt mois, la situation se dégrada au point d’aboutir à la funeste alternative entre la rupture, y compris avec l’Allemagne, ou l’austérité et l’Europe. On choisit le deuxième terme. Le Premier secrétaire du Parti socialiste, un certain Lionel Jospin, prétendit qu’il ne s’agissait que d’une « parenthèse libérale ». Vingt-huit ans ont passé, la parenthèse n’est pas fermée. Et pendant cinq ans, le Premier ministre Lionel Jospin a contribué à ce qu’elle ne le soit point.
Nous étions heureux, au soir du 10 mai, place de la Bastille. Certes, nous n’ignorions rien de 1940 et de 1956. Mais nous espérions que le PS d’Épinay avait pour de bon jeté aux orties les défroques de la vieille SFIO. Nous connaissions plus ou moins l’itinéraire politique tortueux du héros du jour. Mais nous ne pensions pas avoir ressuscité les mânes du général Giraud. Nous savions bien que « changer la vie » n’était qu’un slogan. Mais nous ne pouvions imaginer que nous préparions, en fait, les carrières de responsables socialistes, de Dominique Strauss-Kahn à Pascal Lamy, au sein des instances mondiales du libéralisme le plus échevelé.
Nous étions heureux des nationalisations à venir. Nous savions qu’elles allaient sauver un grand nombre d’entreprises françaises, menacées par la faillite. Une nouvelle génération de dirigeants, souvent issus de la haute fonction publique et membres du Parti socialiste, devait leur donner l’impulsion pour sortir le pays de la crise. Nous ne nous doutions pas qu’il s’agissait d’un prélude à des privatisations sauvages et prometteuses de rémunérations élevées pour les heureux camarades gagnants. Nous croyions, au contraire, qu’ainsi pourrait être mise en œuvre une politique cohérente, sur le long terme, qui permettrait au pays de surmonter sa traditionnelle et vivace défiance culturelle à l’égard de l’industrie.
Nous étions heureux, car nous étions certains que la France allait pouvoir jouer sa petite musique dans le concert des nations. Après un pompidolisme plus louis-philippard que gaulliste et un giscardisme qui avait engendré une France recroquevillée sur 1% du genre humain, le mitterrandisme, pensions-nous, allait jouer l’équilibre entre l’Est et l’Ouest pour redonner au pays son indépendance, comme de Gaulle sut profiter de la puissance du Parti communiste à l’intérieur et de son alliance avec l’Union Soviétique à l’extérieur pour imposer la France libre à Roosevelt. Certes, Mitterrand n’était pas de Gaulle. Mais son alliance avec le Parti communiste pouvait lui donner du jeu diplomatique. Il préféra, pour leur donner des gages, s’aligner sur Reagan et Thatcher. Il y avait d’un côté le syndrome Allende, et de l’autre un Brejnev déjà fantomatique. Surtout, au-delà de la rhétorique et de la volonté de capter les suffrages des électeurs, ni Mitterrand, ni la grande majorité du Parti socialiste n’étaient pour une quelconque rupture. Bourgeois intelligents, ils n’aspiraient qu’à être les gérants loyaux du capitalisme. Politiciens retors, ils ne voulaient du Parti communiste que ses électeurs.
Plein d’illusions, nous fêtâmes donc ce qui nous semblait notre victoire jusqu’au moment où un orage violent nous dispersa. Matérialistes, nous n’y vîmes pas le présage des temps qui nous attendaient. Ce n’étaient pas ces orages désirés (révolutionnaires) qui nous auraient emportés vers d’autres cieux, mais des orages subis (boursiers) qui nous ont entraînés dans la soumission au marché. Les enfants de Mao et de Trotski devinrent des disciples de Law et Nuncingen, transformant leurs vieux fantasmes prolétariens en agiotages profitables. Ils dissimulèrent leur mutation derrière l’invocation des droits de l’homme, dont ils n’oublièrent pas d’exclure soigneusement les droits économiques et sociaux.
Trente après, cette gauche autoproclamée croit que le peuple français n’a rien appris et tout oublié. Elle n’avance plus en col Mao, mais tout habillée de vert. Mais elle ne trompe que des fidéistes aveuglés et des permanents intéressés. Elle ne propose plus un one-man show, mais un quarté, quelques jeunes poulains préférant se préparer pour la course d’après. Si un tel hippodrome vous intéresse, vous êtes invité à investir une somme modique, pour parier sur votre favori – qui se présentera devant le suffrage universel. Bien sûr, il fera des promesses et prendra des engagements. D’ailleurs, le Parti socialiste a déjà publié un programme, qui est en quelque sorte le fourrage commun à tous les chevaux de son écurie. Mais comment un tel texte pourrait-il se réclamer de la gauche quand il ne remet pas en cause la perte pour le peuple français de battre monnaie, élément consubstantiel de la souveraineté et donc de la démocratie ? Quand il ne remet pas en cause le vote du Congrès bafouait les résultats du référendum du 29 mai 2005 ? Quand il ne propose pas de s’affranchir des règles du FMI et de l’OMC qui, par nature, excluent toute mesure socialiste et même toute politique sociale ?
Déjà, des négociations avec les représentants des libéraux-libertaires, visage actuel de la réaction et de l’obscurantisme, aux couleurs d’un scientisme inversé, sont engagées. Ensemble, ils sont prêts à brader le nucléaire et les autres avancées de l’industrie française. Si la répartition des postes dans les exécutifs régionaux, notamment en Île-de-France, préfigure la composition d’un éventuel gouvernement d’union entre socialistes et écologistes, nous aurons Daniel Cohn-Bendit aux Affaires étrangères, Eva Joly à la Justice, José Bové à l’Agriculture et Philippe Meirieu à l’Education nationale, Nicolas Hulot étant revenu à sa très chère Fondation. Pour compléter cette équipe cauchemardesque, dans un esprit d’ouverture à l’envers, Jean-Louis Borloo pourra en être le Premier Ministre et Rama Yade le ministre de la Culture.
Bien sûr, il y a bien un Front dit de gauche. Mais, après l’élection présidentielle, il y aura les élections législatives. Et il faut bien vivre ! Ne parlons pas des candidats qui se veulent à la gauche de la gauche : leur rouge aura tout le temps de pâlir jusqu’à prendre une teinte rose tellement estompée qu’elle finira dans un blanc virulent. On ne compte plus les actuels dirigeants du Parti socialiste qui ont déjà adopté cette décoloration ?
En somme, ceux qui célèbrent « le temps où la gauche gagnait », en 1981, nous préviennent, sans le vouloir, sur la nature de la gauche de 2012. Cette fois, nous ne serons pas trompés : le geai candidat du parti dit socialiste par habitude aura beau se parer des plumes d’un paon de gauche, il restera un geai libéral enfermé dans la cage étroite d’une parenthèse infinie. Mais peut-être ces catégories de droite et de gauche auxquelles nous croyions ont-elles vécu. Peut-être faut-il, alors, renoncer à l’idée même de gauche ?
Voilà, c’est fini ! Gunther Sachs vient de mettre fin à sa traversée des apparences. Il s’est suicidé samedi dernier dans son beau chalet, à Gstaad (Suisse). Il aurait pu choisir Saint-Tropez, mais il n’y plus d’après à Saint-Tropez. Quand on a encore de la dignité, on ne choisit pas, pour passer de l’autre côté, ce vaste camping, où les héritières Hilton trouvent amusant d’asperger leurs invités au champagne tiède et où les pauvres se plaisent à constater que les nouveaux riches ont aussi mauvais goût qu’eux-mêmes.
Il y a bien longtemps, la plus belle femme du monde s’appelait Brigitte Bardot : le fruit de la tentation incarné, un corps d’elfe gracieusement pommelé, des lèvres charnues bien faites pour embraser le marbre. Gunther vint, la vit, l’emporta au loin. Plus tard, Serge Gainsbourg fit franchir le Rhin à Brigitte, déjà lasse de Sachs. Ainsi tournait la ronde…
Ce matin, le magazine allemand Focus, sincèrement attristé par la mort du vieux playboy, annonçait : Tod eines Gentlemans. Il ne nous semble pas utile de traduire. Sa mémoire s’effaçait lentement. Il a sans doute pensé, fort justement, qu’il valait mieux disparaître, plutôt que de perdre le souvenir d’une vie éblouissante.
Le « prolo » revient et il n’est pas content. C’est qu’on avait fini par l’oublier. Il vivait dans notre imaginaire collectif, nourri des photos de Doisneau ou des films d’Audiard que l’on revoyait pour la quinzième fois. Héritier de Gavroche et de Poil de Carotte, casquette sur la tête et clope au bec, il était le symbole souriant de cette France des Trente Glorieuse devenue, grâce à la puissance mythologique de la mémoire, un paradis perdu dans lequel les conflits sociaux ressemblaient encore à des combats « entre hommes », et non pas à la guerre inégale menée aujourd’hui par des salariés transformés en individus contre des entreprises sans visage.[access capability= »lire_inedits »]
On se rappelait aussi qu’il avait changé le monde, pas seulement pour le meilleur, mais pas non plus seulement pour le pire. Mineurs en grève, paysans en révolte, ouvriers en lutte n’ont pas seulement été les idiots utiles du Goulag mais les acteurs d’un progrès social qui annonçait un monde dans lequel la naissance ne serait plus une fatalité. D’ailleurs, bien que le grand chic soit de dépeindre le nôtre sous les traits d’un enfer livré à la sauvagerie capitaliste, une écrasante majorité de Français seraient surpris – et pas forcément en bien comme disent les Suisses – d’être renvoyés dans la France de 1970. Ils découvriraient en effet que si les inégalités et la précarité ont progressé de concert, leur « niveau de vie » stricto sensu s’est amélioré et que les pauvres d’aujourd’hui sont bien plus riches que ceux d’hier.
Quoi qu’il en soit, En somme « le prolo » était entré dans l’histoire en même temps qu’il en sortait, autrement dit qu’il disparaissait de nos écrans-radars, comme l’explique Christophe Guilluy dans le passionnant entretien qu’il a accordé à Isabelle Marchandier et Gil Mihaely. Il avait fait son petit tour de piste pendant la campagne présidentielle de 1995. Face à un Edouard Balladur qui avait décidément une tête d’aristo, Jacques Chirac était devenu « l’idole du peuple », le chevalier blanc qui promettait de guerroyer contre la « fracture sociale ». Quelques jours après l’élection, on expliquait dans l’entourage du Président, redevenu en un tournemain un « homme d’Etat responsable », la « fracture sociale » n’était plus qu’une « approximation sémantique » de la campagne. La France, disait-on, était en voie de « classe-moyennisation ». Plus que toutes les contraintes, c’est cette analyse qui explique l’évolution, sociologique et politique, d’un Parti socialiste qui, en quelques années, conquis les villes les plus « bourgeoise » de France. Et, au passage, perdu le peuple.
Au demeurant, ce n’est pas une grosse perte. Parce que, franchement, ce peuple est mauvais coucheur – c’est peut-être pour cette raison qu’on parle de « petit peuple ». Dans le monde sans frontières de l’économie globalisée, ces « prolos » qui ne comprennent rien se plaignent d’être traités comme des kleenex. Il faudrait leur rappeler qu’ils ne peuvent pas en même temps conserver leurs emplois au pays et acheter leurs écrans plats à bas prix. Qui n’a pas ses contradictions ? Du reste, quand on leur a demandé leur avis, on s’est empressé de ne pas en tenir compte. Et pour finir, voilà qu’on leur explique que les peuples – et notamment celui auquel ils croyaient appartenir – sont une espèce menacée, vouée à disparaître dans l’utopie réalisée du métissage planétaire. Guilluy doit avoir bien mauvais esprit pour observer que les plus ardents partisans du mélange culturel se recrutent dans les catégories qui ont réussi protéger les espaces où ils vivent de frontières invisibles mais infranchissables. En clair, les bobos aiment d’autant plus la plèbe, de quelque origine qu’elle soit, qu’ils ne la fréquentent pas dans la vraie vie. L’immigré sans-papiers, victime non seulement du cynisme patronal mais des turpitudes coloniales, sans oublier les horreurs de l’esclavage, est donc logiquement devenu la figure emblématique et encensée du « damné de la terre ».
Il n’en fallait pas plus pour achever la mutation de la glorieuse classe ouvrière en ramassis de petits blancs rétifs aux vertus de l’ouverture et autres beaufs racistes., tandis que les classes populaires « de souche » ou d’immigration ancienne et européenne s’exilaient dans ces espaces « périurbains » et ruraux qui ne sont ni la ville ni la campagne.[/access]
En somme, ces classes populaires sont devenues des classes populistes.
Le soir du 10 mai 1981, mon entourage était partagé en deux : ceux qui étaient contents et ceux qui étaient fous de bonheur. Les derniers étaient socialistes et les premiers communistes. On n’allait pas non plus, nous les communistes, exploser de joie : on se souvenait d’où il venait tout de même, François Mitterrand, me disais-je du haut de mes seize ans, frustré de n’avoir pu voter.
Trente ans après, je pourrais faire le coup du « On le savait que ça ne durerait pas longtemps et que dès 83, la gauche au pouvoir serait la meilleure alliée de ce qu’il est convenu d’appeler la modernisation, ce qui signifie pour faire vite, laisser la bride sur le cou au capitalisme. » Je trouve au passage les gens de droite d’une ingratitude incroyable. À l’exception de la période mai 1981/mars 1983, ils n’auraient pu espérer pouvoir plus complaisant. S’ils croient que ce social-démocrate de Giscard aurait été plus malléable en cas de réélection pour un second septennat…
Mais enfin, il y eut quand même ces deux courtes années d’illusion lyrique que je suis très content d’avoir vécues. J’ai toujours été attentif aux mots et ce que je garde paradoxalement de cette période, au bout du compte, ce sont des mots en moins. Des mots qui ont disparu de la circulation, que certains voudraient voir revenir et font d’ailleurs revenir en contrebande, avec un nouvel habillage. Des mots qui, somme toute, nous rappellent par leur effacement même qu’il y eut dans ce pays, pendant une brève période, une gauche qui a essayé et pas seulement géré.
Voici quelques-uns de ces mots, dans un bref abécédaire, qui rappellera, je l’espère, que le fameux « libéralisme avancé » de Giscard avait malgré tout de sérieuses limites.
Cour de sûreté de l’Etat : Oui, en France, en mai 1981, il existait encore des juridictions d’exception. Notre démocratie avait des prisonniers politiques qui étaient jugés par des tribunaux où des militaires siégeaient à côté des juges. Un petit côté dictature latino-américaine, tout de même. Bien sûr, vingt ans plus tôt, la Cour de sûreté de l’Etat avait servi à juger et condamner les soldats perdus de l’OAS et les putschistes d’Alger qui nous auraient valu un demi-siècle de franquisme made in France s’ils avaient réussi leur coup. Mais là, elle servait surtout pour les gauchistes, les insoumis au service militaire, les autonomistes bretons qui voulaient sauver du temps de cerveau disponible en faisant sauter des émetteurs de télévision. Tout ça, bien sûr, à huis-clos.
Délit d’homosexualité : Je sais que c’est difficile à imaginer à notre époque de Gay Pride, de PACS, de demande de plus en plus pressante de mariage homosexuel, avec, en bonus dans le paquet-cadeau la possibilité d’adopter, mais tous ceux qui hurlent à l’homophobie à la moindre remarque déplacée devraient se rappeler qu’avant le 10 mai, l’homosexualité était un délit. On peut penser ce qu’on veut des homosexuels, mais qu’ils soient délinquants, à moins qu’ils volent une voiture, il ne faut pas exagérer. Pour l’anecdote, la loi sur le délit d’homosexualité datait de Vichy et n’avait pratiquement pas bougé en 1981.
Guillotine : La seule fois où François Mitterrand a dû dire exactement ce qu’il pensait en prenant un risque énorme, c’est le jour où il s’est déclaré contre la peine de mort en répondant à une question évidemment piège d’Elkabbach et Duhamel qui sévissaient déjà il y a trente ans, ce qui prouve qu’un journaliste multicartes s’use moins vite qu’un homme politique. On était à quelques jours de l’élection. Un coup à la perdre sur le rasoir (c’est le cas de le dire) comme en 74. Je me souviens qu’à l’époque je lisais Le pull-over rouge de Gilles Perrault sur l’affaire Ranucci et L’exécution de Robert Badinter sur la fin de Buffet et Bontems, que j’avais trouvés dans la bibliothèque parentale. Même quand il s’agissait de coupables avérés, la peine capitale, il n’y avait pas de quoi être fier.
Loi anticasseurs : Abrogée dès l’été 1981, elle avait été votée en 1970 à l’initiative de l’insubmersible Marcellin, ministre de l’Intérieur 68 à 74, qui traqua sans relâche un ennemi qu’il qualifiait « d’intérieur » sans doute pour justifier le nom de son ministère. La loi considérait comme casseurs les jeunes, les autonomes, les maoïstes encore actifs mais assez bizarrement ne s’appliquait pas ou peu aux petits commerçants du CIDUNATI ou aux agriculteurs en colère qui auraient pu donner pourtant à la Gauche Prolétarienne des leçons de saccage des préfectures, guérilla urbaine et autres bolossages de CRS. La loi anticasseurs, rassurons nos amis sécuritaires, est revenue en force avec les lois Perben et autre Lopsi I, II et compagnie.
Quarante heures : L’air de rien, en 1981, la durée hebdomadaire du temps de travail n’avait pas bougé depuis…le Front Populaire, en 1936. Quand on pense aux gains de productivité réalisés par le Capital grâce au Travail pendant cette période, on se dit même que les 39 heures, c’était très, très léger. Une heure en un demi-siècle. Bon, dans la foulée, il y a eu la cinquième semaine de congés payés et la retraite à soixante ans. Si, si, il y eut une époque où la retraite était à soixante ans…
SAC : Le service d’action civique. Quand Le juge Fayard d’Yves Boisset passait à la télé, on entendait un bip quand les acteurs parlaient du SAC. Cela faisait rigoler tout le monde car c’était l’exemple même de censure absurde qui donnait envie de se documenter. On apprenait qu’au départ, c’étaient des types plutôt courageux, anciens de la Résistance, qui protégeaient De Gaulle en contre-barbouzant l’OAS, avec les mêmes méthodes qu’elle. Assez étrangement, une fois la guerre d’Algérie terminée, le SAC a recyclé des anciens de l’OAS et s’est transformé en milice électorale spécialisée dans la chasse aux colleurs d’affiche de gauche et en milice patronale chargée de casser les grèves. L’élection de Mitterrand ayant troublé tout ce petit monde hystériquement anticommuniste, l’histoire du SAC s’est terminée assez salement pendant l’été 81 par la tuerie d’Auriol qui vit l’exécution par balles d’une famille de six personnes dont un enfant de sept ans. Le SAC a été interdit et dissous l’année suivante à l’Assemblée Nationale.
Je ne sais pas, comme a pu le dire un peu hyperboliquement Jack Lang, si mai 81 nous fit passer de l’ombre à la lumière mais je suis certain, cependant, en repensant à ces quelques mots, qu’il y eut, au moins, une brève éclaircie.
Le sociologue François Dubet est un peu au pédagogisme ce que Lyssenko était à la science soviétique. Nier l’évidence ne l’a jamais tellement gêné. Le ministère de l’Education Nationale vient de décider d’établir une évaluation des élèves au cours de l’année de cinquième, ce qui fait craindre à certains un premier pas vers la fin du collège unique, dont l’échec est tout de même patent (les raisons de cet échec pouvant cependant être susceptibles de lectures plurielles voire opposées).
Plutôt que de s’interroger sur les raisons de cet échec, François Dubet qui n’a jamais eu de mots assez sévères pour condamner le conservatisme des enseignants, constatant qu’une immense majorité d’entre eux sont aussi pour la fin du collège unique sous sa forme actuelle et le retour d’un « palier d’orientation » en cinquième déplore : « Trente-cinq ans après sa création, le collège unique n’est toujours pas entré dans les mœurs. » Il est étonnant que monsieur Dubet ne se demande pas si par hasard, c’est tout simplement les mœurs qui auraient raison au bout de 35 ans. Et qu’il se rassure, il y a plein de choses qui ne sont toujours pas « entrées dans les moeurs » alors qu’elles sont beaucoup plus anciennes encore que le collège unique : les invasions de sauterelles, la maladie, la mort…
D’accord, les élections législatives au Canada, c’est moins fun que les révolutions arabes ou la transformation d’Oussama ben Laden en déjeuner pour requins. N’empêche que ce pays vient de subir un bouleversement politique exceptionnel dans une démocratie installée depuis longtemps, et qui n’est ni plus ni moins touchée par la crise économique que ses homologues en Amérique ou en Europe.
La surprise n’est pas venue de la reconduction au pouvoir, avec une majorité renforcée, du Premier ministre sortant conservateur Stephen Harper, même si ce néo-con bon teint, proche de George W. Bush, eût pu subir, par ricochet, le désaveu de ses amis politiques des Etats-Unis qui a conduit à l’élection de Barack Obama.
Cela ne s’est pas produit, car son bilan économique est apprécié par une bonne partie de la population, notamment dans les provinces qui jouissent d’une enviable prospérité, comme l’Ontario, l’Alberta ou la Colombie Britannique. Avec 39% des voix au niveau fédéral, il obtient la majorité absolue des sièges[1. le système électoral du Canada est calqué sur celui de la Grande-Bretagne (scrutin majoritaire de circonscription à un tour), qui amplifie en sièges une victoire relative en voix], ce qui lui permettra de mener à bien des projets qui lui tiennent à cœur, comme la révision de la carte électorale nécessaire pour que les provinces en expansion démographique soient plus justement représentées.
La nouvelle donne politique modifie les rapports de forces internes au sein de l’opposition. Le Parti libéral, qui a longtemps gouverné le pays en alternance avec les conservateurs, subit une sévère défaite. Eclaboussés par une série de scandales ces dernières années, les libéraux perdent la moitié de leurs sièges, et ne peuvent donc plus prétendre diriger l’opposition officielle.
Ce rôle est maintenant dévolu au dernier-né des grands partis politiques canadiens, le NDP (New Democratic Party), qualifié de « social-démocrate », en tout cas plus marqué à gauche que le Parti libéral, et même que le Parti démocrate aux Etats-Unis. Il triple le nombre de ses sièges et enregistre, pour la première fois de son existence, un succès impressionnant au Québec, où il était peu implanté jusqu’à ce jour.
Mais c’est sans doute le naufrage des indépendantistes québécois qui constitue le bouleversement le plus inattendu. Le Bloc québécois, parti francophone indépendantiste de la « Belle Province » et des minorités francophones des autres, reçoit une raclée historique passant de 47 sièges à seulement 4 au Parlement d’Ottawa.
Le NPD croyait d’ailleurs si peu à ses chances de remporter des sièges dans les bastions indépendantistes qu’il n’avait présenté des candidatures que pour la forme dans ces circonscriptions. Ces candidats, inconnus de la population, n’ont pas fait campagne et certains d’entre eux étaient même en séjour de longue durée à l’étranger, que leur succès inattendu va les contraindre d’interrompre.
La plus embarrassée des nouveaux élus NDP au Québec est Ruth Ellen Brosseau, 27 ans, qui vient de remporter le siège de Berthier-Maskinongé, une circonscription francophone pur sucre (d’érable) sur la rive nord du Saint-Laurent. La blonde Ruth Ellen ne s’est pas encore montrée en personne à ses électeurs, car son niveau de français est insuffisant pour pouvoir converser utilement avec ses mandants…Elle a donc été envoyée illico par le chef de son parti, Jack Layton, suivre un cours intensif de franco-québécois, langage savoureux mais rempli de pièges grammaticaux et sémantiques…
Quelle est la raison de ce tsunami politique, qui survient quinze ans seulement après le rejet, à un cheveu (50,58% de « non »), du référendum sur l’indépendance du Québec réclamée par le Parti québécois (PQ) ? Pourquoi ce « Québec libre ! » imprudemment promu par Charles de Gaulle en 1967 à Montréal subit-il aujourd’hui un rejet aussi massif de la population de la province ?
On se doutait bien, au vu des sondages d’avant l’élection législative, que NDP allait progresser au Québec, grâce notamment au charisme de Jack Layton, et à la popularité de ce dernier dans les communautés néo-canadiennes venues d’Amérique centrale, d’Asie ou des pays arabes. Son opposition à la ligne résolument pro-israélienne de Stephen Harper lui a aliéné le vote juif (surtout puissant en Ontario), mais rallié les communautés musulmanes francophones, notamment d’origine libanaise, dont le poids électoral est grandissant, notamment à Montréal.
Mais la Bérézina subie par le Parti québécois s’explique avant tout par ses difficultés propres. Souffrant d’un problème de leadership depuis la disparition de son fondateur, le charismatique René Lévesque, il s’est trouvé complètement désemparé et en panne d’idées après l’échec du référendum de 1995. Les changements sociologiques intervenus depuis (urbanisation, arrivée de populations dites « allophones ») ont fait évoluer les mentalités au détriment des indépendantistes, plus ruraux ou habitants des petites villes en déclin.
Les Québécois les plus dynamiques sont allés exercer leurs talents là où il y avait de l’argent à gagner : l’Alberta du boom pétrolier, Vancouver et son ouverture sur le Pacifique.
Comme la vitalité culturelle et artistique du Canada francophone ne semble pas en danger, que ses universités, ses éditeurs, ses chanteurs apportent leur contribution au bien commun de la langue et la civilisation française, on ne voit plus guère de raisons de s’accrocher à un rêve d’indépendance qui, manifestement, répond beaucoup moins aux nécessités du temps que par le passé.
Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que le clivage droite-gauche se substitue progressivement à l’opposition linguistique et ethnique. La Canada c’est l’anti-Belgique, et la preuve que les grands espaces rendent les hommes plus sauvages, certes, mais moins bornés.
Les Français pressés qui auront voulu prendre des nouvelles des révoltes arabes auront appris dans l’immense majorité des médias de notre pays que l’Egypte aurait été ce week-end la cible de « heurts interconfessionnels » et de « violences interreligieuses » qui auraient faits au moins douze morts.
Ah, les extrémistes de tout poil ! Dorénavant, quand il s’agira de ces sympathiques soulèvements populaires, lorsqu’une foule survoltée déferlera sur un quartier pauvre très majoritairement peuplé d’une minorité religieuse, incendiera ses lieux de culte millénaires et ses habitations, on appellera cela des heurts interconfessionnels.
Comment douter après cela que la cause sacrée du Printemps arabe vaut bien que l’on raye le mot pogrom de nos dictionnaires ?
La patience n’est pas la plus grande vertu des journalistes, ni des politiques d’ailleurs. Alors, à défaut d’avoir que ce soit de sérieux à se coller sous la dent du côté des primaires socialistes ou vertes, on échafaude, on murmure, on colporte.
Dernière rumeur en date, il n’y aurait pas de candidat d’Europe Ecologie – Les Verts à la présidentielle. Dit comme ça, ça n’a pas l’air de tenir la route. Mais à y regarder de plus près, en rassemblant quelques vagues épisodes qui avaient pu nous échapper, on se surprend à penser « et pourquoi pas ? »
Premier indice, ce que répète depuis un an Daniel Cohn-Bendit, médecin accoucheur d’EELV et depuis emmerdeur patenté de la boutique : si le candidat socialiste se montre raisonnable, ouvre de vraies discussions et lâche surtout une vingtaine de sièges de députés (gagnables évidemment) aux Verts, il ne voit pas l’intérêt d’aller au carton dans une élection où toutes les voix, dès le premier tour vont être chères. Longtemps défendue dans le désert, cette stratégie commence à trouver des échos chez les écolos, et de l’autre main, chez François Hollande. Elle aurait le mérite de la clarté et du cynisme. Après tout, si le Vert sait être cynique comme les autres, c’est la preuve qu’il grandit.
Deuxième indice, Jean Paul Huchon, le président PS de la région Ile-de-France est menacé d’inéligibilité pour une sombre histoire de campagne publicitaire lancée justement pendant sa campagne électorale. Le conseil d’Etat doit statuer sur son sort dans les semaines à venir. De mauvaises langues, de droite comme de gauche, racontent que si par malheur, ce soutien à DSK devait sauter, la présidence de l’institution pourrait immédiatement être proposée par la majorité PS à une élue régionale du 9/4 nommée Cécile Duflot, par ailleurs patronne en titre des Verts. Le tout en échange d’un sourire et d’une poignée de main, probablement…
Troisième indice, Jean-Vincent Placé, autre élu Vert au conseil régional d’Ile-de-France, homme de toutes les négociations avec le PS (y compris quand il s’agit de les faire échouer) devrait devenir sénateur de l’Essonne en septembre prochain. Le PS a lâché 13 places éligibles au Sénat à ses alliés Verts, quitte à pousser à des places non éligibles des sénateurs – en fait, assez souvent des sénatrices – socialistes pur sucre. Comme une préfiguration de ce qui pourrait se jouer aux législatives de 2012 ?
Quatrième indice : qui peut croire à une compétition sérieuse entre Nicolas Hulot et Eva Joly ? Personne, et cela en dépit du fait que Hulot pourrait faire des voix. La machine à disqualifier s’est mise en route. D’un côté, on délégitime l’ancien animateur de TF1, dépeint comme un suppôt de droite de l’écologie bling-bling. C’est curieux, on faisait moins les difficiles, quand il s’agissait d’encenser les pompeux navets de Yann Arthus Bertrand… De l’autre, on murmure à voix de plus en plus haute qu’Eva Joly ne cesse de prouver qu’une icône de la justice aveugle peut être très myope en politique. Hulot donc ne serait pas kasher et Joly, elle, a juste l’étoffe pour planter la candidature verte, façon Tchernobyl ou disons Lipietz.
Si vous voulez tout savoir, je ne suis pas loin de penser qu’on va laisser ces deux-là s’étriper joyeusement, pendant que les grosses légumes (bio, hein) discutent en douce et entre adultes avec le PS. Après quoi, avec comme prétexte en or l’impérieuse nécessité d’éviter un nouveau 21 avril, les Verts pourraient renoncer à la course présidentielle, avec un contrat de gouvernement limpide à la clé. Je vois arriver d’ici les communiqués.
On résume : la présidence d’une région riche et emblématique pour faire des chouettes expérimentations écolos, des sièges et des groupes parlementaires à l’Assemblée et au Sénat, des ministères régaliens et des secrétariats d’Etat à gogo, un contrat de gouvernement avec plein de nouveaux Grenelle dedans et un futur président socialiste aux mains liées… De Montreuil à Oberkampf, que demande le peuple ?
Général Kayani, chef d'état-major des armées pakistanaises (photo : MQM)
Il y a des formules maladroites et des contretemps fâcheux. Alors qu’il avait entamé son mandat en dénonçant de façon tonitruante (et à Delhi, camouflet suprême), « l’exportation de la terreur » par le Pakistan, David Cameron célébrait il y a un mois à peine le « partenariat incassable » et les liens d’amitié indéfectibles entre le Royaume-Uni et son ancienne colonie, tandis que John Savers, directeur du SIS, le « Secret intelligence Service », rencontrait ses homologues locaux, eux-même reçus à Londres la semaine dernière…
On imagine la belle qualité des informations échangées.
Depuis dix ans, avec une très honorable constance, le Pakistan localise Oussama Ben Laden tantôt dans une grotte perdue à la frontière afghane, tantôt dans un village glauque au confort spartiate de la région tribale du Nord-Waziristan, et clame, attentat après attentat, être victime du terrorisme islamique au même titre que les puissances occidentales. Ce discours bien rôdé va devoir être légèrement révisé.
La duplicité des services secrets et de l’état-major pakistanais, voire leur complicité avec les djihadistes semble désormais établie et l’alerte anti-terroriste au Royaume-Uni a été relevée à son niveau maximum. Personne n’a oublié ici que les attentats de Londres avaient été conçus et préparés du côté de Karachi.
Il est inconcevable que les plus hautes autorités de l’Etat pakistanais n’aient pas eu connaissance de l’endroit où se terrait le chef d’Al Qaïda. Imaginez une luxueuse propriété à un million de dollars, érigée tranquillement en plein centre d’une grande ville où se trouvent quelques-unes des meilleures écoles privées du pays et l’académie militaire de Kakul, protégée par une enceinte de béton de 5 mètres de haut et surmontée de barbelés. Construite en 2005 et occupée depuis par une seule et même personne et sa petite famille.
Sans oublier les gracieux Mollah Omar et autres talibans que l’armée protège directement. La quetta shura, organe de décision des talibans afghans dirigée par le borgne motocyclé s’est installée à… Quetta, capitale de la province du Baloutchistan. Les bons dépliants touristiques vous apprendront que cette bourgade abrite le 12ème corps d’armée du Pakistan, le QG régional de l’ISI (les services secrets), le corps frontalier du Baloutchistan, un centre de recrutement, la base aérienne de Samungli et une prestigieuse école de formation militaire, le « command and staff college ». Bref, même les cancrelats y sont enregistrés. Et les militaires ne savent pas où est le mollah Omar ?
Et les membres du réseau Haqqani composé de talibans afghans actifs dans les zones tribales qui circulent librement aux abords d’Islamabad, Rawalpini et Peshawar, ils sont transparents ?
Fort embarrassée, l’armée pakistanaise a admis des « insuffisances dans sa quête du renseignement ». On imagine que tout l’état-major a pris « doux euphémisme » en option à l’examen de sortie. Ou foutage de gueule.
Le souci, c’est que le Pakistan dispose de l’arme nucléaire. La menace que représente potentiellement un pays qui pratique depuis des années le double langage et l’ambiguïté morale, donc sur lequel on peut difficilement compter, représente aujourd’hui une menace majeure pour la communauté internationale. Qui veut traiter avec le Pakistan ?
Et si nous leur posions la question qui tue, celle qui est sur toutes les lèvres à Londres… Vous faisiez quoi au juste le 11 septembre 2001 ? Et si nous parlions tranquillement de votre alibi ?
En novembre 2008, pendant qu’à Bombay on massacrait allègrement dans les rues, quels conseils de guerre
teniez-vous avec votre invité très spécial à Abbottabad ? D’après Salman Rushdie, depuis bien longtemps, toutes les routes mondiales du terrorisme mènent au Pakistan.
L’Iran semble subitement moins prioritaire. L’alibi libyen presque dérisoire.
Pour l’Irak, il est déjà un peu tard… So what ?
Agacée par les critiques de ses sujets qui brocardent systématiquement le champagne forcément français servi à Buckingham jusque sur le menu du mariage de son petit-fils, Elizabeth II a décidé d’appliquer la devise, pourtant américaine, My country, right or wrong.
En faisant planter 16 000 ceps de Chardonnay, pinot Meunier et pinot noir dans le parc de son château de Windsor, la reine servira désormais son propre nectar, estampillé 100% britannique.
Quand on sait que le seul moyen de ne pas trop s’ennuyer lors d’un dîner officiel à Buckingham et de supporter le protocole lourdingue était de s’alcooliser méthodiquement avec une des meilleures caves d’Europe, cette décision risque de rendre les dîners officiels proprement insupportables.
On doute en effet que le futur Windsor brut, demi-brut ou doux, même en tenant compte du réchauffement climatique ait quelque chose de commun avec le merveilleux Drappier dont le Général de Gaulle faisait son ordinaire élyséen.
La gauche maintenue dans ce nom par voie d’auto-proclamation nous a déjà invités, en « une » du Nouvel Observateur, à célébrer l’anniversaire du 10 mai. Soyons-en sûrs : Le Monde, Libération et quelques autres ne manqueront pas d’alimenter la chaudière à nostalgie.
Seulement, de quel anniversaire s’agit-il ?
Parle-t-on du soixante-et-onzième anniversaire du 10 mai 1940, date à laquelle débuta l’offensive allemande qui permit à la Wehrmacht de se trouver sur les Pyrénées en six semaines ? La Chambre des députés, celle du Front Populaire, après avoir abandonné la République espagnole, avait voté les accords de Munich, puis avait ensuite laissé Hitler les violer en dépeçant ce qui restait de Tchécoslovaquie. Elle avait bien déclaré la guerre à l’Allemagne, le 3 septembre 1939, mais avait oublié de la faire alors que la Pologne était écrasée, espérant sans doute, dans son for intérieur, que le Führer continuerait vers l’est. Il le fit, mais un an plus tard. La gauche pacifiste ne voulait plus de Verdun ou du Chemin des Dames. Elle eut Auschwitz, Buchenwald, Dachau, Mauthausen, Ravensbrück …
S’agit-il du cent-quarantième anniversaire du 10 mai 1871, jour où la France abandonna, à Francfort, l’Alsace-Moselle, se retrouvant, en prime, dans l’obligation de verser une indemnité de cinq milliards de franc-or à son vainqueur ? Cinq ans auparavant, elle avait laissé écraser à Sadowa une Autriche réputée réactionnaire par une Prusse parée des plumes de la philosophie. Dès l’automne 1870, la correspondance de Mommsen avec Fustel de Coulanges avait montré dans quelles illusions vivaient déjà les élites françaises au sujet de l’Allemagne. En dépit d’une véritable mobilisation des esprits en faveur de la Revanche, la défaite ne fit que les amplifier, ces illusions, provoquant la crise allemande de la pensée française, pendant qu’en écrasant le socialisme français dans le sang de la Commune Thiers introduisait, dans le mouvement ouvrier de notre pays, le marxisme et le modèle social-démocrate d’outre-Rhin.
Non, nous sommes invités à commémorer l’accession de François Mitterrand à la présidence de la République, à célébrer – par cynisme ou par inconscience ? – « le temps où la gauche gagnait ». Certes, au soir du 10 mai, alors que nous pensions que la gauche avait effectivement gagné, nous eûmes un moment d’espoir. Mais il fallut moins de deux ans pour que la gauche, en réalité le Parti socialiste, s’abandonne à sa pente naturelle, la complète capitulation devant la droite la plus dure, donc, la trahison des engagements pris devant les électeurs. Déjà, le 6 février 1956, à cause de quelques tomates à Alger, Guy Mollet avait renoncé aux promesses du Front républicain, vainqueur des élections du 2 janvier précédent.
Nous le comprîmes plus tard, trop tard. En réalité, les deux années qui suivirent auraient dû nous dessiller : certes, les engagements les plus visibles du Programme commun de gouvernement furent en partie mis en œuvre, mais sans que les mesures, qui, pour être moins spectaculaires, n’en étaient pas moins nécessaires à la cohérence de l’ensemble, fussent prises. Jacques Delors était plus à la manœuvre qu’aux Finances. Résultat, en vingt mois, la situation se dégrada au point d’aboutir à la funeste alternative entre la rupture, y compris avec l’Allemagne, ou l’austérité et l’Europe. On choisit le deuxième terme. Le Premier secrétaire du Parti socialiste, un certain Lionel Jospin, prétendit qu’il ne s’agissait que d’une « parenthèse libérale ». Vingt-huit ans ont passé, la parenthèse n’est pas fermée. Et pendant cinq ans, le Premier ministre Lionel Jospin a contribué à ce qu’elle ne le soit point.
Nous étions heureux, au soir du 10 mai, place de la Bastille. Certes, nous n’ignorions rien de 1940 et de 1956. Mais nous espérions que le PS d’Épinay avait pour de bon jeté aux orties les défroques de la vieille SFIO. Nous connaissions plus ou moins l’itinéraire politique tortueux du héros du jour. Mais nous ne pensions pas avoir ressuscité les mânes du général Giraud. Nous savions bien que « changer la vie » n’était qu’un slogan. Mais nous ne pouvions imaginer que nous préparions, en fait, les carrières de responsables socialistes, de Dominique Strauss-Kahn à Pascal Lamy, au sein des instances mondiales du libéralisme le plus échevelé.
Nous étions heureux des nationalisations à venir. Nous savions qu’elles allaient sauver un grand nombre d’entreprises françaises, menacées par la faillite. Une nouvelle génération de dirigeants, souvent issus de la haute fonction publique et membres du Parti socialiste, devait leur donner l’impulsion pour sortir le pays de la crise. Nous ne nous doutions pas qu’il s’agissait d’un prélude à des privatisations sauvages et prometteuses de rémunérations élevées pour les heureux camarades gagnants. Nous croyions, au contraire, qu’ainsi pourrait être mise en œuvre une politique cohérente, sur le long terme, qui permettrait au pays de surmonter sa traditionnelle et vivace défiance culturelle à l’égard de l’industrie.
Nous étions heureux, car nous étions certains que la France allait pouvoir jouer sa petite musique dans le concert des nations. Après un pompidolisme plus louis-philippard que gaulliste et un giscardisme qui avait engendré une France recroquevillée sur 1% du genre humain, le mitterrandisme, pensions-nous, allait jouer l’équilibre entre l’Est et l’Ouest pour redonner au pays son indépendance, comme de Gaulle sut profiter de la puissance du Parti communiste à l’intérieur et de son alliance avec l’Union Soviétique à l’extérieur pour imposer la France libre à Roosevelt. Certes, Mitterrand n’était pas de Gaulle. Mais son alliance avec le Parti communiste pouvait lui donner du jeu diplomatique. Il préféra, pour leur donner des gages, s’aligner sur Reagan et Thatcher. Il y avait d’un côté le syndrome Allende, et de l’autre un Brejnev déjà fantomatique. Surtout, au-delà de la rhétorique et de la volonté de capter les suffrages des électeurs, ni Mitterrand, ni la grande majorité du Parti socialiste n’étaient pour une quelconque rupture. Bourgeois intelligents, ils n’aspiraient qu’à être les gérants loyaux du capitalisme. Politiciens retors, ils ne voulaient du Parti communiste que ses électeurs.
Plein d’illusions, nous fêtâmes donc ce qui nous semblait notre victoire jusqu’au moment où un orage violent nous dispersa. Matérialistes, nous n’y vîmes pas le présage des temps qui nous attendaient. Ce n’étaient pas ces orages désirés (révolutionnaires) qui nous auraient emportés vers d’autres cieux, mais des orages subis (boursiers) qui nous ont entraînés dans la soumission au marché. Les enfants de Mao et de Trotski devinrent des disciples de Law et Nuncingen, transformant leurs vieux fantasmes prolétariens en agiotages profitables. Ils dissimulèrent leur mutation derrière l’invocation des droits de l’homme, dont ils n’oublièrent pas d’exclure soigneusement les droits économiques et sociaux.
Trente après, cette gauche autoproclamée croit que le peuple français n’a rien appris et tout oublié. Elle n’avance plus en col Mao, mais tout habillée de vert. Mais elle ne trompe que des fidéistes aveuglés et des permanents intéressés. Elle ne propose plus un one-man show, mais un quarté, quelques jeunes poulains préférant se préparer pour la course d’après. Si un tel hippodrome vous intéresse, vous êtes invité à investir une somme modique, pour parier sur votre favori – qui se présentera devant le suffrage universel. Bien sûr, il fera des promesses et prendra des engagements. D’ailleurs, le Parti socialiste a déjà publié un programme, qui est en quelque sorte le fourrage commun à tous les chevaux de son écurie. Mais comment un tel texte pourrait-il se réclamer de la gauche quand il ne remet pas en cause la perte pour le peuple français de battre monnaie, élément consubstantiel de la souveraineté et donc de la démocratie ? Quand il ne remet pas en cause le vote du Congrès bafouait les résultats du référendum du 29 mai 2005 ? Quand il ne propose pas de s’affranchir des règles du FMI et de l’OMC qui, par nature, excluent toute mesure socialiste et même toute politique sociale ?
Déjà, des négociations avec les représentants des libéraux-libertaires, visage actuel de la réaction et de l’obscurantisme, aux couleurs d’un scientisme inversé, sont engagées. Ensemble, ils sont prêts à brader le nucléaire et les autres avancées de l’industrie française. Si la répartition des postes dans les exécutifs régionaux, notamment en Île-de-France, préfigure la composition d’un éventuel gouvernement d’union entre socialistes et écologistes, nous aurons Daniel Cohn-Bendit aux Affaires étrangères, Eva Joly à la Justice, José Bové à l’Agriculture et Philippe Meirieu à l’Education nationale, Nicolas Hulot étant revenu à sa très chère Fondation. Pour compléter cette équipe cauchemardesque, dans un esprit d’ouverture à l’envers, Jean-Louis Borloo pourra en être le Premier Ministre et Rama Yade le ministre de la Culture.
Bien sûr, il y a bien un Front dit de gauche. Mais, après l’élection présidentielle, il y aura les élections législatives. Et il faut bien vivre ! Ne parlons pas des candidats qui se veulent à la gauche de la gauche : leur rouge aura tout le temps de pâlir jusqu’à prendre une teinte rose tellement estompée qu’elle finira dans un blanc virulent. On ne compte plus les actuels dirigeants du Parti socialiste qui ont déjà adopté cette décoloration ?
En somme, ceux qui célèbrent « le temps où la gauche gagnait », en 1981, nous préviennent, sans le vouloir, sur la nature de la gauche de 2012. Cette fois, nous ne serons pas trompés : le geai candidat du parti dit socialiste par habitude aura beau se parer des plumes d’un paon de gauche, il restera un geai libéral enfermé dans la cage étroite d’une parenthèse infinie. Mais peut-être ces catégories de droite et de gauche auxquelles nous croyions ont-elles vécu. Peut-être faut-il, alors, renoncer à l’idée même de gauche ?
Voilà, c’est fini ! Gunther Sachs vient de mettre fin à sa traversée des apparences. Il s’est suicidé samedi dernier dans son beau chalet, à Gstaad (Suisse). Il aurait pu choisir Saint-Tropez, mais il n’y plus d’après à Saint-Tropez. Quand on a encore de la dignité, on ne choisit pas, pour passer de l’autre côté, ce vaste camping, où les héritières Hilton trouvent amusant d’asperger leurs invités au champagne tiède et où les pauvres se plaisent à constater que les nouveaux riches ont aussi mauvais goût qu’eux-mêmes.
Il y a bien longtemps, la plus belle femme du monde s’appelait Brigitte Bardot : le fruit de la tentation incarné, un corps d’elfe gracieusement pommelé, des lèvres charnues bien faites pour embraser le marbre. Gunther vint, la vit, l’emporta au loin. Plus tard, Serge Gainsbourg fit franchir le Rhin à Brigitte, déjà lasse de Sachs. Ainsi tournait la ronde…
Ce matin, le magazine allemand Focus, sincèrement attristé par la mort du vieux playboy, annonçait : Tod eines Gentlemans. Il ne nous semble pas utile de traduire. Sa mémoire s’effaçait lentement. Il a sans doute pensé, fort justement, qu’il valait mieux disparaître, plutôt que de perdre le souvenir d’une vie éblouissante.
Le « prolo » revient et il n’est pas content. C’est qu’on avait fini par l’oublier. Il vivait dans notre imaginaire collectif, nourri des photos de Doisneau ou des films d’Audiard que l’on revoyait pour la quinzième fois. Héritier de Gavroche et de Poil de Carotte, casquette sur la tête et clope au bec, il était le symbole souriant de cette France des Trente Glorieuse devenue, grâce à la puissance mythologique de la mémoire, un paradis perdu dans lequel les conflits sociaux ressemblaient encore à des combats « entre hommes », et non pas à la guerre inégale menée aujourd’hui par des salariés transformés en individus contre des entreprises sans visage.[access capability= »lire_inedits »]
On se rappelait aussi qu’il avait changé le monde, pas seulement pour le meilleur, mais pas non plus seulement pour le pire. Mineurs en grève, paysans en révolte, ouvriers en lutte n’ont pas seulement été les idiots utiles du Goulag mais les acteurs d’un progrès social qui annonçait un monde dans lequel la naissance ne serait plus une fatalité. D’ailleurs, bien que le grand chic soit de dépeindre le nôtre sous les traits d’un enfer livré à la sauvagerie capitaliste, une écrasante majorité de Français seraient surpris – et pas forcément en bien comme disent les Suisses – d’être renvoyés dans la France de 1970. Ils découvriraient en effet que si les inégalités et la précarité ont progressé de concert, leur « niveau de vie » stricto sensu s’est amélioré et que les pauvres d’aujourd’hui sont bien plus riches que ceux d’hier.
Quoi qu’il en soit, En somme « le prolo » était entré dans l’histoire en même temps qu’il en sortait, autrement dit qu’il disparaissait de nos écrans-radars, comme l’explique Christophe Guilluy dans le passionnant entretien qu’il a accordé à Isabelle Marchandier et Gil Mihaely. Il avait fait son petit tour de piste pendant la campagne présidentielle de 1995. Face à un Edouard Balladur qui avait décidément une tête d’aristo, Jacques Chirac était devenu « l’idole du peuple », le chevalier blanc qui promettait de guerroyer contre la « fracture sociale ». Quelques jours après l’élection, on expliquait dans l’entourage du Président, redevenu en un tournemain un « homme d’Etat responsable », la « fracture sociale » n’était plus qu’une « approximation sémantique » de la campagne. La France, disait-on, était en voie de « classe-moyennisation ». Plus que toutes les contraintes, c’est cette analyse qui explique l’évolution, sociologique et politique, d’un Parti socialiste qui, en quelques années, conquis les villes les plus « bourgeoise » de France. Et, au passage, perdu le peuple.
Au demeurant, ce n’est pas une grosse perte. Parce que, franchement, ce peuple est mauvais coucheur – c’est peut-être pour cette raison qu’on parle de « petit peuple ». Dans le monde sans frontières de l’économie globalisée, ces « prolos » qui ne comprennent rien se plaignent d’être traités comme des kleenex. Il faudrait leur rappeler qu’ils ne peuvent pas en même temps conserver leurs emplois au pays et acheter leurs écrans plats à bas prix. Qui n’a pas ses contradictions ? Du reste, quand on leur a demandé leur avis, on s’est empressé de ne pas en tenir compte. Et pour finir, voilà qu’on leur explique que les peuples – et notamment celui auquel ils croyaient appartenir – sont une espèce menacée, vouée à disparaître dans l’utopie réalisée du métissage planétaire. Guilluy doit avoir bien mauvais esprit pour observer que les plus ardents partisans du mélange culturel se recrutent dans les catégories qui ont réussi protéger les espaces où ils vivent de frontières invisibles mais infranchissables. En clair, les bobos aiment d’autant plus la plèbe, de quelque origine qu’elle soit, qu’ils ne la fréquentent pas dans la vraie vie. L’immigré sans-papiers, victime non seulement du cynisme patronal mais des turpitudes coloniales, sans oublier les horreurs de l’esclavage, est donc logiquement devenu la figure emblématique et encensée du « damné de la terre ».
Il n’en fallait pas plus pour achever la mutation de la glorieuse classe ouvrière en ramassis de petits blancs rétifs aux vertus de l’ouverture et autres beaufs racistes., tandis que les classes populaires « de souche » ou d’immigration ancienne et européenne s’exilaient dans ces espaces « périurbains » et ruraux qui ne sont ni la ville ni la campagne.[/access]
En somme, ces classes populaires sont devenues des classes populistes.
Le soir du 10 mai 1981, mon entourage était partagé en deux : ceux qui étaient contents et ceux qui étaient fous de bonheur. Les derniers étaient socialistes et les premiers communistes. On n’allait pas non plus, nous les communistes, exploser de joie : on se souvenait d’où il venait tout de même, François Mitterrand, me disais-je du haut de mes seize ans, frustré de n’avoir pu voter.
Trente ans après, je pourrais faire le coup du « On le savait que ça ne durerait pas longtemps et que dès 83, la gauche au pouvoir serait la meilleure alliée de ce qu’il est convenu d’appeler la modernisation, ce qui signifie pour faire vite, laisser la bride sur le cou au capitalisme. » Je trouve au passage les gens de droite d’une ingratitude incroyable. À l’exception de la période mai 1981/mars 1983, ils n’auraient pu espérer pouvoir plus complaisant. S’ils croient que ce social-démocrate de Giscard aurait été plus malléable en cas de réélection pour un second septennat…
Mais enfin, il y eut quand même ces deux courtes années d’illusion lyrique que je suis très content d’avoir vécues. J’ai toujours été attentif aux mots et ce que je garde paradoxalement de cette période, au bout du compte, ce sont des mots en moins. Des mots qui ont disparu de la circulation, que certains voudraient voir revenir et font d’ailleurs revenir en contrebande, avec un nouvel habillage. Des mots qui, somme toute, nous rappellent par leur effacement même qu’il y eut dans ce pays, pendant une brève période, une gauche qui a essayé et pas seulement géré.
Voici quelques-uns de ces mots, dans un bref abécédaire, qui rappellera, je l’espère, que le fameux « libéralisme avancé » de Giscard avait malgré tout de sérieuses limites.
Cour de sûreté de l’Etat : Oui, en France, en mai 1981, il existait encore des juridictions d’exception. Notre démocratie avait des prisonniers politiques qui étaient jugés par des tribunaux où des militaires siégeaient à côté des juges. Un petit côté dictature latino-américaine, tout de même. Bien sûr, vingt ans plus tôt, la Cour de sûreté de l’Etat avait servi à juger et condamner les soldats perdus de l’OAS et les putschistes d’Alger qui nous auraient valu un demi-siècle de franquisme made in France s’ils avaient réussi leur coup. Mais là, elle servait surtout pour les gauchistes, les insoumis au service militaire, les autonomistes bretons qui voulaient sauver du temps de cerveau disponible en faisant sauter des émetteurs de télévision. Tout ça, bien sûr, à huis-clos.
Délit d’homosexualité : Je sais que c’est difficile à imaginer à notre époque de Gay Pride, de PACS, de demande de plus en plus pressante de mariage homosexuel, avec, en bonus dans le paquet-cadeau la possibilité d’adopter, mais tous ceux qui hurlent à l’homophobie à la moindre remarque déplacée devraient se rappeler qu’avant le 10 mai, l’homosexualité était un délit. On peut penser ce qu’on veut des homosexuels, mais qu’ils soient délinquants, à moins qu’ils volent une voiture, il ne faut pas exagérer. Pour l’anecdote, la loi sur le délit d’homosexualité datait de Vichy et n’avait pratiquement pas bougé en 1981.
Guillotine : La seule fois où François Mitterrand a dû dire exactement ce qu’il pensait en prenant un risque énorme, c’est le jour où il s’est déclaré contre la peine de mort en répondant à une question évidemment piège d’Elkabbach et Duhamel qui sévissaient déjà il y a trente ans, ce qui prouve qu’un journaliste multicartes s’use moins vite qu’un homme politique. On était à quelques jours de l’élection. Un coup à la perdre sur le rasoir (c’est le cas de le dire) comme en 74. Je me souviens qu’à l’époque je lisais Le pull-over rouge de Gilles Perrault sur l’affaire Ranucci et L’exécution de Robert Badinter sur la fin de Buffet et Bontems, que j’avais trouvés dans la bibliothèque parentale. Même quand il s’agissait de coupables avérés, la peine capitale, il n’y avait pas de quoi être fier.
Loi anticasseurs : Abrogée dès l’été 1981, elle avait été votée en 1970 à l’initiative de l’insubmersible Marcellin, ministre de l’Intérieur 68 à 74, qui traqua sans relâche un ennemi qu’il qualifiait « d’intérieur » sans doute pour justifier le nom de son ministère. La loi considérait comme casseurs les jeunes, les autonomes, les maoïstes encore actifs mais assez bizarrement ne s’appliquait pas ou peu aux petits commerçants du CIDUNATI ou aux agriculteurs en colère qui auraient pu donner pourtant à la Gauche Prolétarienne des leçons de saccage des préfectures, guérilla urbaine et autres bolossages de CRS. La loi anticasseurs, rassurons nos amis sécuritaires, est revenue en force avec les lois Perben et autre Lopsi I, II et compagnie.
Quarante heures : L’air de rien, en 1981, la durée hebdomadaire du temps de travail n’avait pas bougé depuis…le Front Populaire, en 1936. Quand on pense aux gains de productivité réalisés par le Capital grâce au Travail pendant cette période, on se dit même que les 39 heures, c’était très, très léger. Une heure en un demi-siècle. Bon, dans la foulée, il y a eu la cinquième semaine de congés payés et la retraite à soixante ans. Si, si, il y eut une époque où la retraite était à soixante ans…
SAC : Le service d’action civique. Quand Le juge Fayard d’Yves Boisset passait à la télé, on entendait un bip quand les acteurs parlaient du SAC. Cela faisait rigoler tout le monde car c’était l’exemple même de censure absurde qui donnait envie de se documenter. On apprenait qu’au départ, c’étaient des types plutôt courageux, anciens de la Résistance, qui protégeaient De Gaulle en contre-barbouzant l’OAS, avec les mêmes méthodes qu’elle. Assez étrangement, une fois la guerre d’Algérie terminée, le SAC a recyclé des anciens de l’OAS et s’est transformé en milice électorale spécialisée dans la chasse aux colleurs d’affiche de gauche et en milice patronale chargée de casser les grèves. L’élection de Mitterrand ayant troublé tout ce petit monde hystériquement anticommuniste, l’histoire du SAC s’est terminée assez salement pendant l’été 81 par la tuerie d’Auriol qui vit l’exécution par balles d’une famille de six personnes dont un enfant de sept ans. Le SAC a été interdit et dissous l’année suivante à l’Assemblée Nationale.
Je ne sais pas, comme a pu le dire un peu hyperboliquement Jack Lang, si mai 81 nous fit passer de l’ombre à la lumière mais je suis certain, cependant, en repensant à ces quelques mots, qu’il y eut, au moins, une brève éclaircie.
Le sociologue François Dubet est un peu au pédagogisme ce que Lyssenko était à la science soviétique. Nier l’évidence ne l’a jamais tellement gêné. Le ministère de l’Education Nationale vient de décider d’établir une évaluation des élèves au cours de l’année de cinquième, ce qui fait craindre à certains un premier pas vers la fin du collège unique, dont l’échec est tout de même patent (les raisons de cet échec pouvant cependant être susceptibles de lectures plurielles voire opposées).
Plutôt que de s’interroger sur les raisons de cet échec, François Dubet qui n’a jamais eu de mots assez sévères pour condamner le conservatisme des enseignants, constatant qu’une immense majorité d’entre eux sont aussi pour la fin du collège unique sous sa forme actuelle et le retour d’un « palier d’orientation » en cinquième déplore : « Trente-cinq ans après sa création, le collège unique n’est toujours pas entré dans les mœurs. » Il est étonnant que monsieur Dubet ne se demande pas si par hasard, c’est tout simplement les mœurs qui auraient raison au bout de 35 ans. Et qu’il se rassure, il y a plein de choses qui ne sont toujours pas « entrées dans les moeurs » alors qu’elles sont beaucoup plus anciennes encore que le collège unique : les invasions de sauterelles, la maladie, la mort…
D’accord, les élections législatives au Canada, c’est moins fun que les révolutions arabes ou la transformation d’Oussama ben Laden en déjeuner pour requins. N’empêche que ce pays vient de subir un bouleversement politique exceptionnel dans une démocratie installée depuis longtemps, et qui n’est ni plus ni moins touchée par la crise économique que ses homologues en Amérique ou en Europe.
La surprise n’est pas venue de la reconduction au pouvoir, avec une majorité renforcée, du Premier ministre sortant conservateur Stephen Harper, même si ce néo-con bon teint, proche de George W. Bush, eût pu subir, par ricochet, le désaveu de ses amis politiques des Etats-Unis qui a conduit à l’élection de Barack Obama.
Cela ne s’est pas produit, car son bilan économique est apprécié par une bonne partie de la population, notamment dans les provinces qui jouissent d’une enviable prospérité, comme l’Ontario, l’Alberta ou la Colombie Britannique. Avec 39% des voix au niveau fédéral, il obtient la majorité absolue des sièges[1. le système électoral du Canada est calqué sur celui de la Grande-Bretagne (scrutin majoritaire de circonscription à un tour), qui amplifie en sièges une victoire relative en voix], ce qui lui permettra de mener à bien des projets qui lui tiennent à cœur, comme la révision de la carte électorale nécessaire pour que les provinces en expansion démographique soient plus justement représentées.
La nouvelle donne politique modifie les rapports de forces internes au sein de l’opposition. Le Parti libéral, qui a longtemps gouverné le pays en alternance avec les conservateurs, subit une sévère défaite. Eclaboussés par une série de scandales ces dernières années, les libéraux perdent la moitié de leurs sièges, et ne peuvent donc plus prétendre diriger l’opposition officielle.
Ce rôle est maintenant dévolu au dernier-né des grands partis politiques canadiens, le NDP (New Democratic Party), qualifié de « social-démocrate », en tout cas plus marqué à gauche que le Parti libéral, et même que le Parti démocrate aux Etats-Unis. Il triple le nombre de ses sièges et enregistre, pour la première fois de son existence, un succès impressionnant au Québec, où il était peu implanté jusqu’à ce jour.
Mais c’est sans doute le naufrage des indépendantistes québécois qui constitue le bouleversement le plus inattendu. Le Bloc québécois, parti francophone indépendantiste de la « Belle Province » et des minorités francophones des autres, reçoit une raclée historique passant de 47 sièges à seulement 4 au Parlement d’Ottawa.
Le NPD croyait d’ailleurs si peu à ses chances de remporter des sièges dans les bastions indépendantistes qu’il n’avait présenté des candidatures que pour la forme dans ces circonscriptions. Ces candidats, inconnus de la population, n’ont pas fait campagne et certains d’entre eux étaient même en séjour de longue durée à l’étranger, que leur succès inattendu va les contraindre d’interrompre.
La plus embarrassée des nouveaux élus NDP au Québec est Ruth Ellen Brosseau, 27 ans, qui vient de remporter le siège de Berthier-Maskinongé, une circonscription francophone pur sucre (d’érable) sur la rive nord du Saint-Laurent. La blonde Ruth Ellen ne s’est pas encore montrée en personne à ses électeurs, car son niveau de français est insuffisant pour pouvoir converser utilement avec ses mandants…Elle a donc été envoyée illico par le chef de son parti, Jack Layton, suivre un cours intensif de franco-québécois, langage savoureux mais rempli de pièges grammaticaux et sémantiques…
Quelle est la raison de ce tsunami politique, qui survient quinze ans seulement après le rejet, à un cheveu (50,58% de « non »), du référendum sur l’indépendance du Québec réclamée par le Parti québécois (PQ) ? Pourquoi ce « Québec libre ! » imprudemment promu par Charles de Gaulle en 1967 à Montréal subit-il aujourd’hui un rejet aussi massif de la population de la province ?
On se doutait bien, au vu des sondages d’avant l’élection législative, que NDP allait progresser au Québec, grâce notamment au charisme de Jack Layton, et à la popularité de ce dernier dans les communautés néo-canadiennes venues d’Amérique centrale, d’Asie ou des pays arabes. Son opposition à la ligne résolument pro-israélienne de Stephen Harper lui a aliéné le vote juif (surtout puissant en Ontario), mais rallié les communautés musulmanes francophones, notamment d’origine libanaise, dont le poids électoral est grandissant, notamment à Montréal.
Mais la Bérézina subie par le Parti québécois s’explique avant tout par ses difficultés propres. Souffrant d’un problème de leadership depuis la disparition de son fondateur, le charismatique René Lévesque, il s’est trouvé complètement désemparé et en panne d’idées après l’échec du référendum de 1995. Les changements sociologiques intervenus depuis (urbanisation, arrivée de populations dites « allophones ») ont fait évoluer les mentalités au détriment des indépendantistes, plus ruraux ou habitants des petites villes en déclin.
Les Québécois les plus dynamiques sont allés exercer leurs talents là où il y avait de l’argent à gagner : l’Alberta du boom pétrolier, Vancouver et son ouverture sur le Pacifique.
Comme la vitalité culturelle et artistique du Canada francophone ne semble pas en danger, que ses universités, ses éditeurs, ses chanteurs apportent leur contribution au bien commun de la langue et la civilisation française, on ne voit plus guère de raisons de s’accrocher à un rêve d’indépendance qui, manifestement, répond beaucoup moins aux nécessités du temps que par le passé.
Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que le clivage droite-gauche se substitue progressivement à l’opposition linguistique et ethnique. La Canada c’est l’anti-Belgique, et la preuve que les grands espaces rendent les hommes plus sauvages, certes, mais moins bornés.
Les Français pressés qui auront voulu prendre des nouvelles des révoltes arabes auront appris dans l’immense majorité des médias de notre pays que l’Egypte aurait été ce week-end la cible de « heurts interconfessionnels » et de « violences interreligieuses » qui auraient faits au moins douze morts.
Ah, les extrémistes de tout poil ! Dorénavant, quand il s’agira de ces sympathiques soulèvements populaires, lorsqu’une foule survoltée déferlera sur un quartier pauvre très majoritairement peuplé d’une minorité religieuse, incendiera ses lieux de culte millénaires et ses habitations, on appellera cela des heurts interconfessionnels.
Comment douter après cela que la cause sacrée du Printemps arabe vaut bien que l’on raye le mot pogrom de nos dictionnaires ?
La patience n’est pas la plus grande vertu des journalistes, ni des politiques d’ailleurs. Alors, à défaut d’avoir que ce soit de sérieux à se coller sous la dent du côté des primaires socialistes ou vertes, on échafaude, on murmure, on colporte.
Dernière rumeur en date, il n’y aurait pas de candidat d’Europe Ecologie – Les Verts à la présidentielle. Dit comme ça, ça n’a pas l’air de tenir la route. Mais à y regarder de plus près, en rassemblant quelques vagues épisodes qui avaient pu nous échapper, on se surprend à penser « et pourquoi pas ? »
Premier indice, ce que répète depuis un an Daniel Cohn-Bendit, médecin accoucheur d’EELV et depuis emmerdeur patenté de la boutique : si le candidat socialiste se montre raisonnable, ouvre de vraies discussions et lâche surtout une vingtaine de sièges de députés (gagnables évidemment) aux Verts, il ne voit pas l’intérêt d’aller au carton dans une élection où toutes les voix, dès le premier tour vont être chères. Longtemps défendue dans le désert, cette stratégie commence à trouver des échos chez les écolos, et de l’autre main, chez François Hollande. Elle aurait le mérite de la clarté et du cynisme. Après tout, si le Vert sait être cynique comme les autres, c’est la preuve qu’il grandit.
Deuxième indice, Jean Paul Huchon, le président PS de la région Ile-de-France est menacé d’inéligibilité pour une sombre histoire de campagne publicitaire lancée justement pendant sa campagne électorale. Le conseil d’Etat doit statuer sur son sort dans les semaines à venir. De mauvaises langues, de droite comme de gauche, racontent que si par malheur, ce soutien à DSK devait sauter, la présidence de l’institution pourrait immédiatement être proposée par la majorité PS à une élue régionale du 9/4 nommée Cécile Duflot, par ailleurs patronne en titre des Verts. Le tout en échange d’un sourire et d’une poignée de main, probablement…
Troisième indice, Jean-Vincent Placé, autre élu Vert au conseil régional d’Ile-de-France, homme de toutes les négociations avec le PS (y compris quand il s’agit de les faire échouer) devrait devenir sénateur de l’Essonne en septembre prochain. Le PS a lâché 13 places éligibles au Sénat à ses alliés Verts, quitte à pousser à des places non éligibles des sénateurs – en fait, assez souvent des sénatrices – socialistes pur sucre. Comme une préfiguration de ce qui pourrait se jouer aux législatives de 2012 ?
Quatrième indice : qui peut croire à une compétition sérieuse entre Nicolas Hulot et Eva Joly ? Personne, et cela en dépit du fait que Hulot pourrait faire des voix. La machine à disqualifier s’est mise en route. D’un côté, on délégitime l’ancien animateur de TF1, dépeint comme un suppôt de droite de l’écologie bling-bling. C’est curieux, on faisait moins les difficiles, quand il s’agissait d’encenser les pompeux navets de Yann Arthus Bertrand… De l’autre, on murmure à voix de plus en plus haute qu’Eva Joly ne cesse de prouver qu’une icône de la justice aveugle peut être très myope en politique. Hulot donc ne serait pas kasher et Joly, elle, a juste l’étoffe pour planter la candidature verte, façon Tchernobyl ou disons Lipietz.
Si vous voulez tout savoir, je ne suis pas loin de penser qu’on va laisser ces deux-là s’étriper joyeusement, pendant que les grosses légumes (bio, hein) discutent en douce et entre adultes avec le PS. Après quoi, avec comme prétexte en or l’impérieuse nécessité d’éviter un nouveau 21 avril, les Verts pourraient renoncer à la course présidentielle, avec un contrat de gouvernement limpide à la clé. Je vois arriver d’ici les communiqués.
On résume : la présidence d’une région riche et emblématique pour faire des chouettes expérimentations écolos, des sièges et des groupes parlementaires à l’Assemblée et au Sénat, des ministères régaliens et des secrétariats d’Etat à gogo, un contrat de gouvernement avec plein de nouveaux Grenelle dedans et un futur président socialiste aux mains liées… De Montreuil à Oberkampf, que demande le peuple ?