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Nos amis les Pakistanais


Général Kayani, chef d'état-major des armées pakistanaises (photo : MQM)

Il y a des formules maladroites et des contretemps fâcheux. Alors qu’il avait entamé son mandat en dénonçant de façon tonitruante (et à Delhi, camouflet suprême), « l’exportation de la terreur » par le Pakistan, David Cameron célébrait il y a un mois à peine le « partenariat incassable » et les liens d’amitié indéfectibles entre le Royaume-Uni et son ancienne colonie, tandis que John Savers, directeur du SIS, le « Secret intelligence Service », rencontrait ses homologues locaux, eux-même reçus à Londres la semaine dernière…
On imagine la belle qualité des informations échangées.

Depuis dix ans, avec une très honorable constance, le Pakistan localise Oussama Ben Laden tantôt dans une grotte perdue à la frontière afghane, tantôt dans un village glauque au confort spartiate de la région tribale du Nord-Waziristan, et clame, attentat après attentat, être victime du terrorisme islamique au même titre que les puissances occidentales. Ce discours bien rôdé va devoir être légèrement révisé.

La duplicité des services secrets et de l’état-major pakistanais, voire leur complicité avec les djihadistes semble désormais établie et l’alerte anti-terroriste au Royaume-Uni a été relevée à son niveau maximum. Personne n’a oublié ici que les attentats de Londres avaient été conçus et préparés du côté de Karachi.

Il est inconcevable que les plus hautes autorités de l’Etat pakistanais n’aient pas eu connaissance de l’endroit où se terrait le chef d’Al Qaïda. Imaginez une luxueuse propriété à un million de dollars, érigée tranquillement en plein centre d’une grande ville où se trouvent quelques-unes des meilleures écoles privées du pays et l’académie militaire de Kakul, protégée par une enceinte de béton de 5 mètres de haut et surmontée de barbelés. Construite en 2005 et occupée depuis par une seule et même personne et sa petite famille.

Sans oublier les gracieux Mollah Omar et autres talibans que l’armée protège directement. La quetta shura, organe de décision des talibans afghans dirigée par le borgne motocyclé s’est installée à… Quetta, capitale de la province du Baloutchistan. Les bons dépliants touristiques vous apprendront que cette bourgade abrite le 12ème corps d’armée du Pakistan, le QG régional de l’ISI (les services secrets), le corps frontalier du Baloutchistan, un centre de recrutement, la base aérienne de Samungli et une prestigieuse école de formation militaire, le « command and staff college ». Bref, même les cancrelats y sont enregistrés. Et les militaires ne savent pas où est le mollah Omar ?

Et les membres du réseau Haqqani composé de talibans afghans actifs dans les zones tribales qui circulent librement aux abords d’Islamabad, Rawalpini et Peshawar, ils sont transparents ?
Fort embarrassée, l’armée pakistanaise a admis des « insuffisances dans sa quête du renseignement ». On imagine que tout l’état-major a pris « doux euphémisme » en option à l’examen de sortie. Ou foutage de gueule.

Le souci, c’est que le Pakistan dispose de l’arme nucléaire. La menace que représente potentiellement un pays qui pratique depuis des années le double langage et l’ambiguïté morale, donc sur lequel on peut difficilement compter, représente aujourd’hui une menace majeure pour la communauté internationale. Qui veut traiter avec le Pakistan ?

Et si nous leur posions la question qui tue, celle qui est sur toutes les lèvres à Londres… Vous faisiez quoi au juste le 11 septembre 2001 ? Et si nous parlions tranquillement de votre alibi ?
En novembre 2008, pendant qu’à Bombay on massacrait allègrement dans les rues, quels conseils de guerre
teniez-vous avec votre invité très spécial à Abbottabad ? D’après Salman Rushdie, depuis bien longtemps, toutes les routes mondiales du terrorisme mènent au Pakistan.

L’Iran semble subitement moins prioritaire. L’alibi libyen presque dérisoire.
Pour l’Irak, il est déjà un peu tard… So what ?



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Agnes Wickfield est correspondante permanente à Londres.

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